Chapitre 4. Le Forum de Trajan et l’idéologie trajanienne
p. 167-227
Texte intégral
« Bientôt, elles rencontrèrent un griffon qui, allongé au soleil, était plongé dans un profond sommeil. (Si vous ne savez pas ce qu’est qu’un griffon, regardez l’image) ».
Lewis Caroll, Alice au Pays des Merveilles
(trad. H. Parisot)
1 – LE FORUM DE TRAJAN : DESCRIPTIF
1Le dernier des Forums Impériaux a suscité de nombreuses recherches. Outre les descriptions antiques incomplètes1, le site a été l’objet de « fouilles » au cours des siècles passés, de la Rome des Papes2 jusqu’à l’Italie des années 19303, entreprises qui n’ont que rarement donné lieu à des relevés scientifiques. Les dessins des artistes de la Renaissance complètent cette documentation4.
2Si l’archéologie a permis de préciser la topographie de certaines zones5, d’autres secteurs, tels que l’entrée du Forum, l’exèdre ouest du forum et les deux exèdres de la Basilica, la bibliothèque nord-est et le Temple du Divin Trajan (fig. 1 et 2) n’ont jamais été mis au jour6. En dépit de cette documentation incomplète, des études récentes se sont efforcées de reconstituer tant les structures que les ornamenta des différentes parties du Forum de Trajan7. Nous ne reprendrons ici que les éléments jugés pertinents pour l’objectif que nous nous sommes fixé, à savoir reconstituer les thèmes idéologiques attestés dans le complexe trajanien.
L’area fori (fig. 1 et 2)8
3La place du forum était pavée de marbre blanc9 et délimitée au sud-est par un mur10 en trois pans, au nord-est et au sud-ouest par deux portiques, et au nord-ouest par la façade de la Basilica Ulpia. Le mur de clôture était prolongé vers le Forum d’Auguste par une galerie permettant, en son centre, l’accès à une cour de plan carrée (fig. 1). Ces découvertes récentes n’empêchent pas les archéologues de ne pas s’entendre sur la totalité des caractéristiques du Forum de Trajan. Les reconstitutions des archéologues italiens sont en partie contestées par James Packer. Nous essaierons autant que possible de signaler dans notre synthèse les deux positions, sans forcément trancher.
4L’aspect originel de la paroi interne du mur sud-est est discuté. Pour Gioia Piazzesi, elle comportait des colonnes en marbre coloré (base et chapiteau en marbre blanc) séparées du mur et qui rythmaient la paroi ; elles supportaient une frise où alternaient des Amours nés d’acanthes et abreuvant des griffons, et des Amours se tournant le dos et versant un liquide de part et d’autre d’un candélabre11. Les archéologues italiens s’accordent à placer cette frise sur les redents de la face interne du mur de clôture, à l’identique de la célèbre colonnade du Forum de Nerva12 et conformément à la vue préservée par certaines monnaies du règne (pl. LXXVa)13.
5James Packer a contesté l’existence des ressauts, les fouilles n’ayant à ses yeux révélé aucune fondation de ce type, et il écarte la présence de la frise d’Amours et griffons à cet emplacement. Les deux fragments principaux mesurent 1,16 m de hauteur (le second présente un cratère orné d’une scène dionysiaque : deux ménades et un satyre), dimensions qu’il juge excessives pour le mur périmétral : l’ordre architectural devrait atteindre 17,69 m pour l’intégrer de manière harmonieuse, ce qui lui paraît exclu14. Il semble pourtant que l’emplacement de la frise à motif de griffons est assuré par des dessins de la Renaissance15. Ils montrent des griffons dont il est difficile de déterminer l’espèce : certains paraissent avoir des pattes et une tête d’aigle. Un fragment de frise avec griffons-aigles a été conservé (pl. LXXVb et c ; il mesure 0,65 m de haut)16. Le lieu où il fut découvert en 1927 (l’hémicycle des Marchés de Trajan)17 ne permet pas de trancher quant à sa provenance, d’autant qu’il est fait mention en 1521-1527 d’une frise, avec griffons (aigles ou lions ?) et candélabre, exhumée au lieu-dit S. Maria di Loreto, au nord-ouest de la colonne Trajane18. Il est donc difficile d’attribuer tel ou tel fragment de frise à telle ou telle architrave. Cependant il est probable, au vu des dessins mentionnés ci-dessus, que le mur interne, pourvu ou non de redents, comportait bien une frise de griffons et d’Amours19, motif répété à proximité de la colonne Trajane et de l’hémicycle des Marchés et qui formait un des thèmes récurrents du décor de l’ensemble.
6L’entrée du Forum de Trajan en regard du Forum d’Auguste a été dégagée entre 1998 et 200020. On connaissait la mention d’un « arc », dont les blocs ont été dispersés en 1570. Des fondations de péperin ont été localisées en 1862, au sud de l’exèdre des Marchés de Trajan21. Cette situation décalée par rapport à l’axe central du Forum, ajoutée à la modeste dimension des fragments architectoniques, avaient fait supposer l’existence d’une entrée centrale et de deux accès secondaires, l’un au sud-est, l’autre au sud-ouest22. Ces théories ont été remises en cause par les fouilles récentes de Roberto Meneghini. Pour en résumer le propos, le mur périmétral serait donc, non pas elliptique mais à trois pans (fig. 1)23 et débouchant, par l’entrée principale en forme « d’arc »24, dans une cour-vestibule pavée de marbre blanc ; ses trois portiques (dimensions : 14 × 18 m)25 seraient pavés de marbre de couleur, leurs colonnes seraient à fût de cipollino et chapiteau corinthien en marbre blanc de Luni, enfin et à l’identique de la cour entourant la colonne Trajane, une frise de griffons ornerait leur architrave26. Les deux bras principaux de la cour-vestibule ont une largeur de 5 m environ, et le bras court qui les réunit, seulement 3 m ; la partie interne, la cour à proprement parler, était plus basse que les portiques d’environ 1,20 m, sans escalier pour y descendre ; elle était pavée de marbre portasanta et cipollino27.
7La fonction de la cour-vestibule est discutée, puisque R. Meneghini a proposé récemment d’en faire l’aboutissement du complexe (en venant du Champ de Mars au nord)28 ; cependant la recherche du Temple du Divin Trajan dans cette zone a été vaine : en effet, une inscription en l’honneur de Trajan indique que cette cour-vestibule a été inaugurée du vivant de l’Optimus Princeps29 : il semble donc impossible d’y voir le Temple du Divin Trajan, dédié de source sûre par Hadrien et, forcément, après la mort du candidat à la consecratio. Sur ce point, les arguments de James Packer nous paraissent pertinents30.
8Enfin, des fouilles plus anciennes31 ont mis en évidence une ouverture périphérique, à l’extrémité sud-est du portique. Celle-ci ne se prêtait guère à un traitement monumental. Elle débouchait sur deux annexes proches du Forum, deux salles couvertes à deux étages, pavement et décor de marbres de couleur, sans doute réservées à des activités officielles. Ces salles étaient adossées au mur périmétral (élevé entre 94 et 108 après J.-C.) qui ceint l’abside du Forum d’Auguste.
9La décoration de l’entrée principale, vers la cour-vestibule, est connue par des monnaies (pl. LXXVa)32. La structure en ressaut décrite précédemment y est ici figurée. La monnaie montre six colonnes à chapiteau corinthien détachées du mur de fond et encadrant des niches à tympan ornées de statues (aux détails non discernables)33, à l’exception bien sûr du passage central. Au-dessus de ces tympans, sous un haut attique présentant quatre avant-corps secondaires et un avant-corps central, s’intercalaient des imagines clipeatae34. Enfin, un groupe statuaire présentait Trajan dans un char tiré par six chevaux ; de part et d’autre, des Victoires ornaient des trophées35. La clé de voûte d’un arc, conservé au Palazzo dei Conservatori, appartenait peut-être à cette entrée monumentale : elle porte une personnification de Dacia capta36.
10On a hésité quant à l’orientation à donner aux vues numismatiques. Reprennent-elles l’aspect de l’entrée (sud-est) depuis l’intérieur du forum, ou depuis l’extérieur (et le forum d’Auguste) ? L’espace séparant le Forum de Trajan du Forum d’Auguste semble insuffisant pour permettre une bonne vision du groupe statuaire supérieur37, et s’il était logique de supposer que ce décor triomphal, qui marquait l’entrée du complexe trajanien, était tourné vers le Forum d’Auguste38, la découverte de la cour-vestibule au sud-est rend caduque cette hypothèse : la vue monétaire décrit, en toute probabilité, la façade intérieure de l’area fori (pl. LXXVa).
11J. Packer avait avancé que l’espace intérieur était peut-être planté de quatre rangées d’arbres : l’hypothèse a été réfutée avec raison39. Sur l’axe central, légèrement vers le sudest40, se trouvait l’equus Traiani mentionné par Ammien Marcellin :
Mais quand il [l’empereur Constance] arriva au Forum de Trajan, monument unique sous tous les cieux, il demeura confondu : il portait son attention autour de lui, à travers ces constructions gigantesques qui défient la description et que les hommes ne chercheront plus à reproduire. Aussi, renonçant à tout espoir de tenter une œuvre semblable, il déclara que l’imitation du cheval de Trajan, dressé au milieu de la cour d’entrée (in atrii medio) et monté par le prince en personne, était seule dans ses intentions et ses possiblités41.
12Ce groupe équestre est reproduit sur certaines monnaies (pl. LXXVIa). Trajan pointait une lance vers le sol et tenait dans la main gauche une Victoire42. L’absence de légende monétaire rend le choix de l’attitude incertain. D’autres coins montrent en effet Trajan lancé au galop et terrassant une Dace (ou la Dacie ?), reconnaissable à son chignon bas sur la nuque (pl. LXXVIb), ou écrasant un Dace pileatus (pl. LXXVIc)43. Paul Zanker souligne cette incertitude, mais aussi l’opposition entre l’attitude de Trajan tenant une Victoire et celle de Domitien sur l’equus Domitiani, élevé sur le Forum Romanum : l’empereur flavien y tenait une statue de Minerve, ce qui l’assimilait, suppose-t-il avec vraisemblance, à Jupiter. Enfin, si l’on prend en compte les années de frappe des divers types monétaires trajaniens44, ainsi que la statue équestre de Marc Aurèle, imitateur de l’Optimus Princeps, il paraît assuré que Trajan avait retenu pour son equus le premier type, lance pointée vers le sol en signe de fin des hostilités45. Cela devrait amener à plus de nuance lorsque l’on attribue au Forum de Trajan une valeur uniformément militaire : l’analyse de James Packer nous paraît ici plus conforme au bilan idéologique tiré de la colonne Trajane46, d’autant que des panneaux d’armes décoraient le socle de l’equus Traiani47, signes de la victoire acquise et de la paix revenue.
13Ce choix marquait le forum d’une tonalité particulière. La mise en valeur d’un groupe statuaire sur des axes de vision préférentiels est classique : on songe au char d’Auguste placé devant le temple de Mars Ultor, mais aussi au Galate se suicidant, placé par Attale Ier sur les « corridors de transparence » du sanctuaire d’Athéna Niképhoros à Pergame48. Ici le point focal de la place, situé sur l’axe principal du Forum, montrait Trajan en chef militaire, mais sans la violence du combat49 ou la promesse de violence que comportaient, par exemple, les monnaies de profectio où l’empereur, précédé et suivi par des soldats, tient une lance pointée vers le ciel (pl. LXXVId)50. Le Princeps tient la Victoire à la main, mais pointe la lance vers le sol, indice que la paix, fruit des victoires daciques, est revenue. À ce propos, il nous paraît que la reconstitution numérique de Roberto Meneghini, orientant l’equus Traiani dos au portique sud-est, face à la Basilica Ulpia51, est sujette à caution et liée à sa volonté d’attribuer au portique septentrional de la colonne Trajane le statut d’entrée principale du complexe. Cela n’est pas en accord avec l’orientation des statues disposées sur les marches de la Basilique, lesquelles faisaient forcément face au sud. Une disposition différentielle de la statue équestre nous paraît donc peu probable.
14Seul le portique nord-est du forum a été dégagé. Séparé de la place par trois marches de marbre numide (giallo antico), il était clos par un haut mur de péperin52. Les colonnes étaient en marbre pavonazzetto, les chapiteaux corinthiens en marbre blanc de Luni, de même que la frise, sans doute à motifs végétaux (hauteur : 0,65 m)53. L’attique portait la petite série de Daces prisonniers en marbre blanc, hauts de 2,40 m54, et des imagines clipeatae (fig. 39-40, pl. LXXIVa)55. L’entable ment au-dessus des Daces était constitué d’une console, semblable à celles reliant l’entablement du Forum d’Auguste aux Caryatides, mais ici les Daces ne jouent aucun rôle porteur dans l’architecture56. S’ajoutaient, sur la corniche, des inscriptions en l’honneur des unités militaires ayant servi en Dacie57, le tout surmonté non de trophées58, mais de signa militaires en rapport avec les unités. Était visible également l’inscription ex manubiis, renseignement fourni par Aulu-Gelle qui décrit : « Au faîte du forum de Trajan sont placées de tout côtés59 des représentations dorées de chevaux et d’enseignes militaires, et il est écrit en-dessous ex manubiis »60.
15Le portique était pavé de marbres colorés61. En son centre s’ouvrait l’exèdre sud-est, de 41 mètres de diamètre62, pourvue d’un pavement de giallo antico et pavonazzetto formant cercles et carrés (motif à l’inverse du pavement du portique) et séparée du portique par des piliers en giallo antico (base et chapiteau de marbre blanc)63. L’élévation des exèdres n’est pas connue64. Une niche rectangulaire au moins s’ouvrait dans le mur de fond (de péperin plaqué de marbre de couleur), encadrée de colonnes de granit gris (les bases et chapiteaux étaient de marbre blanc)65. Elle abritait sans doute une statue. Il existait d’autres niches, plus simplement ménagées dans le mur et encadrées de piliers de marbre blanc66. Les deux exèdres de la Basilica Ulpia comportaient en effet dix niches secondaires de part et d’autre des deux niches axiales, du moins si l’on en croit la Forma Urbis (fig. 41)67, et la disposition des exèdres du forum devait être identique. James Packer place dans celles de l’area fori les deux fragments de statues de marbre blanc exposées aujourd’hui dans les marchés de Trajan, l’une cuirassée dans laquelle il reconnaît Trajan, l’autre en toge, toutes deux d’une fois et demi la taille humaine68.
16Le dossier concernant le décor statuaire des exèdres n’est pas clos pour autant. Pausanias a en effet noté la présence de deux statues « dans les niches des structures courbes » du Forum de Trajan, l’une de Nicomède de Bithynie, en ivoire, l’autre d’Auguste, en ambre. Leur localisation dans les niches des exèdres de l’area fori est possible69. Mais encore ? La position axiale serait pour Nicomède de Bithynie un honneur a priori difficile à expliquer, surtout en présence d’une statue de marbre blanc de Trajan. La statue du monarque grec pouvait donc s’inscrire dans une niche secondaire, à l’image de celles ménagées dans les portiques et exèdres du Forum d’Auguste. Et pourtant, une telle reconstitution est surprenante : la matière dans laquelle fut sculptée la statue de Nicomède plaide pour une mise en valeur architecturale particulière, de même que la description de Pausanias, limitée à deux statues précieuses pour deux exèdres axiales : si un observateur aussi expérimenté que l’auteur grec n’a mentionné que ces deux œuvres, alors qu’il ne dit rien du riche décor sculpté du Forum, ce n’est sans doute pas un hasard.
17La première raison possible du choix de Pausanias est la matière des portraits. S’il les mentionne, c’est d’abord pour leur rareté. Pline l’Ancien a insisté sur la valeur de l’ivoire : « Leurs défenses [des éléphants] sont d’un très grand prix ; ce sont elles qui fournissent la plus belle matière pour les statues des dieux »70. Et de même à propos de l’ambre : « Son prix parmi les objets de luxe est si élevé qu’une figurine humaine (effigies uiuorum hominum) en succin [l’ambre], si petite qu’elle soit, coûte plus cher que des hommes vivants et vigoureux »71. Même si Nicomède n’est pas un divus, on conçoit que le matériau ait suscité l’intérêt de Pausanias...
18Quelle disposition architecturale peut-on déduire de ces mentions exceptionnelles ? Il est probable que la statue d’ambre d’Auguste, par la personnalité, le statut et le prix de l’œuvre, occupait une position centrale dans l’exèdre trajanienne. Son pendant dans la description de Pausanias, la statue d’ivoire de Nicomède, devait donc bénéficier du même traitement de faveur, et ce même si aucun élément autre que la mention de Pausanias ne vient étayer cette reconstitution. Remarquons toutefois : d’abord, que les propositions de James Packer (assigner les deux statues de marbre blanc aux exèdres, identifier l’une à Trajan) ne sont pas davantage certaines ; ensuite, qu’il existe une preuve indirecte de cette disposition sur le Forum de Trajan. La disposition des absides de la Basilica Ulpia était en effet en rapport avec leur fonction de loca adiuncta72 du forum. L’une au moins73 de ces exèdres (l’abside SO) était occupée par l’Atrium Libertatis (fig. 41 pour le fragment de la Forma Urbis qui en conserve l’indication). À ce titre, elle comportait sans doute une statue de Libertas : on sait qu’au ive siècle après J.-C., une statue de cette déesse se trouvait encore derrière la Curie, à proximité du premier emplacement de l’Atrium74. L’abside NE de la Basilica était, si l’on en croit Aulu-Gelle, occupée par les consuls, certainement pour des activités judiciaires75 : ce qui suppose la présence d’une statue de Trajan dans la niche centrale, devant laquelle le consul exerçait l’imperium au nom de l’Empereur. Par comparaison, les exèdres de l’area fori semblent plutôt consacrées à des audiences poétiques, ou bien encore être un espace public destiné à honorer certains grands personnages76. Les textes l’attestant sont tardifs, toutefois de nombreuses bases de statues, dédiées à des magistrats ou des écrivains, ont été retrouvées à proximité de l’exèdre NE du forum. Ces statues sont des ajouts à la disposition d’origine, toutefois la fonction était fixée dès l’inauguration, puisque les dédicaces s’étendent de l’époque de Trajan à la fin de l’Antiquité77.
19Du décor original des exèdres de l’area fori, destinées à recevoir les portraits des grands Romains à venir, seule subsiste donc la mention des statues d’Auguste et Nicomède, uniques rescapés des grands Romains du passé (et du futur) prévus, dès l’origine, dans le projet trajanien. Arrêtons-nous sur le roi de Bithynie. Deux Nicomède étaient susceptibles d’être honorés : Nicomède Ier, qui règna au iiie siècle avant J.-C. ; et Nicomède IV Philopator, qui fut l’ennemi de Mithridate et légua la Bithynie au Sénat romain, en 74 avant J.-C. Ce dernier paraît le plus à même de figurer sur le Forum, comme ami du peuple romain et fondateur de ce qui devint, grâce à lui, la nouvelle province de Bithynie. On sait qu’à l’époque de Trajan, l’importance de la province croît en proportion des préparatifs de guerre contre les Parthes. Elle fut enlevée en 111 au Sénat, pour être confiée à un légat impérial, en l’occurrence Pline (nommé en 109), et ce en prévision de la future campagne parthique78. On voit mal quel empereur aurait, par la suite, offert en ce lieu une statue d’ivoire à ce roi grec. L’économie générale du texte de Pausanias incline d’ailleurs à reconnaître dans les statues d’Auguste et de Nicomède deux « fondateurs ». Relisons l’intégralité du passage :
Il y avait [dans le sanctuaire d’Olympie] des statues royales : l’une d’Hadrien dédiée par les cités achéennes en pierre de Paros, et une de Trajan offerte par toute la Grèce. Trajan avait conquis les Gètes au nord de la Thrace, et avait combattu les Parthes et Osroes le descendant d’Arsakes ; ses plus importantes constructions sont les Bains qui portent son nom et le grand théâtre circulaire, et le bâtiment long d’un quart de mile pour les courses de chevaux, et son forum romain qui vaut la visite pour toutes ses décorations mais surtout pour son toit de bronze. Les portraits des niches des structures courbes sont celles de l’empereur romain Auguste en ambre et du roi Nicomède de Bithynie qui est, d’après ce que l’on m’a dit, en ivoire : la plus grande cité de Bithynie, auparavant nommée Astakos, reçut son nom, bien que son fondateur ait été Zypoites, qui devait avoir (d’après son nom) du sang thrace. La sorte d’ambre ou electrum utilisée pour le portrait d’Auguste, qui se trouve à l’état naturel dans les sables de l’Eridanos, est très rare et pour de nombreuses raisons précieuses à l’humanité, mais les autres sortes d’electrum sont formés d’un mélange d’argent et d’or79.
20Dans une sorte d’associations d’idées, le nom de Nicomède est donc mis en rapport par Pausanias avec le premier de la dynastie, le fondateur du royaume de Bithynie et de sa capitale. Que le Forum de Trajan ait contenu un portrait de Nicomède Ier paraît pourtant difficile à justifier. Avec Nicomède IV, nous avons affaire à l’ennemi de Mithridate, et le lien avec l’époque de Trajan est plus aisé à nouer. Pour Pausanias en effet, ce sont les victoires de Trajan, sur les Gètes au nord et les Parthes à l’est, qui lui permirent de bénéficier d’une statue offerte par les Grecs. Par ses excursus, le développement de l’auteur grec participe d’une unique démonstration : justifier l’octroi d’une statue à Trajan par son action face aux deux adversaires traditionnels des Grecs, les Barbares du nord et les empires asiatiques de l’est. Dès lors, deux éléments plaident en faveur de Nicomède IV. La présence de ce monarque, qui affronta Mithridate (l’ennemi oriental de Rome à l’époque), véhiculait un discours en rapport avec la création de la province romaine du même nom, mais aussi annonçait la future campagne de Trajan en Parthie80. Par extension Auguste, qui est cité dans un paragraphe en compagnie de Néron, Trajan et Hadrien, semble paré du titre de fondateur du Principat. Or, et il s’agit du second élément, la matière dans laquelle sont taillées les statues d’Auguste et de Nicomède ne sont pas anodines. Celle d’Auguste surprit tant Pausanias qu’il en explique l’origine : elle provient des sables de l’Eridanos. La localisation de l’Eridanos reste incertaine (plaine du Pô ?), mais l’on sait que l’ambre venait en priorité, dans l’Antiquité comme aujourd’hui, des bords de la Baltique. Pline l’Ancien lui-même le précise :
Il est certain que le succin [l’ambre] est un produit des îles de la Mer du Nord [...]. Il est apporté par les Germains principalement dans la région de Pannonie, d’où les Vénètes [...] ont été les premiers à le faire connaître [...]. Si l’histoire est liée au Pô, l’origine en est claire [...]81.
21La matière dans laquelle fut taillée la statue d’Auguste avait-elle fonction d’indiquer cette partie septentrionale du monde, « pacifiée » par Auguste ? On sait que Trajan, depuis une campagne victorieuse sur le Rhin, portait le titre de Germanicus. Dans ce cadre historique, une allusion aux rivages de la Germanie et de la Baltique, reconnus sur l’ordre d’Auguste par les flottes de Drusus en 12-9 avant J.-C. ou de Tibère en 4-6 après J.-C., pouvait justifier le choix par l’Optimus Princeps de cette matière rare, à l’origine géographique évocatrice82.
22Si on en admet l’existence, la pertinence de cette allusion géographique associée à Auguste est renforcée par la mention, dans l’exèdre du forum, de l’ivoire de la non moins précieuse statue de Nicomède IV. Car l’ivoire renvoie au luxe de l’Orient grec, lequel atteint l’empire Parthe, mais aussi l’Inde sur ses limites extrêmes, soit les bornes du monde que Trajan entendait, dans la seconde partie de son règne, repousser toujours un peu plus loin. Ainsi Pline l’Ancien :
L’Afrique produit des éléphants par-delà les déserts des Syrtes et dans la Maurétanie ; il y en a chez les Ethiopiens et les Troglodytes comme on l’a dit ; mais les plus grands naissent dans l’Inde, où ils sont perpétuellement en guerre avec des dragons assez grands eux-mêmes pour les envelopper aisément dans leurs anneaux, et les étouffer dans l’étreinte de ce nœud83.
23Pline situe l’aire naturelle des éléphants aux limites du monde, les plus grands étant originaires de l’Inde, limite atteinte par Alexandre le Grand et que Trajan, peut-être, espérait égaler...
24Enfin, dernier argument en faveur d’une utilisation allégorique de ces matériaux précieux : l’utilisation idéologique de l’ivoire est, sous le règne de l’Optimus Princeps, attestée ailleurs. Une frise de ce matériau a été retrouvée à Ephèse, et elle avait été élaborée en l’honneur de sa victoire arabique84. Une telle coïncidence ne peut être fortuite : pour célébrer la création de la province d’Arabie, Trajan (ou son représentant dans la région) fit sculpter une frise dans un matériau qui portait, tant par son iconographie que par sa matière, référence à ses conquêtes extrême-orientales. Il conviendra de se souvenir de ce fonctionnement pour reconstituer le programme idéologique du Forum. Restons-en à ces propositions pour l’instant. Le sens de ces deux statues précieuses reste à élucider et la « rhétorique des matériaux » – appelons-la ainsi – à confirmer : nous nous y emploierons.
25Ultime élément de l’unité visuelle que constituait la place de l’area fori : la façade sud-est de la Basilica, dont l’entrée est reproduite dans le monnayage trajanien (pl. LXXVIIa)85, était séparée de l’area fori par cinq marches de giallo antico (pl. LXXVIIb). Elle présente trois avant-corps encadrés de colonnes libres, en giallo antico également86 (les colonnes de la façade proprement dites avaient un fût en pavonazzetto et des bases et chapiteaux corinthien en marbre blanc, à l’identique des colonnades Est et Ouest de l’area fori)87, l’avant-corps central étant tétrastyle, les deux latéraux distyles (fig. 42), mais la totalité de la face sud-est formait une colonnade qui clôturait le quatrième côté du portique du forum.
26L’élévation extérieure portait une frise d’Amours et de végétaux de part et d’autre d’un vase (hauteur : 0,75 m), lesquels alternaient sans doute avec des inscriptions en l’honneur de Trajan88. Le haut attique comportait des panneaux sculptés (certaines monnaies permettent de distinguer des boucliers entrecroisés)89, à l’exception de l’attique médian de l’avant-corps central et de l’attique au-dessus des avant-corps secondaires, qui portaient des inscriptions90.
27Les panneaux d’armes ont été récemment reconstitués. Très proches par le style du socle de la colonne Trajane, leurs dimensions exactes ne sont pas assurées91. Ils étaient encadrés par des statues de Daces en marbre pavonazzetto (mains et tête de marbre blanc), placées sous des consoles92 et surmontés, comme sur les portiques latéraux, d’inscriptions en l’honneur des légions (fig. 42)93. Au-dessus était disposé un riche décor statuaire : sur l’avant-corps central, un quadrige mené par deux personnages (l’un était Trajan, l’autre un serviteur ?) et accompagné de deux silhouettes (des Victoires ?), deux biges sur les avant-corps secondaires (mené par des généraux de Trajan ?) ; des signa militaires rythmaient ce décor94. À l’arrière, sont visibles les colonnes ioniques du premier étage de la Basilica, ainsi que les antéfixes du toit dont Pausanias a mentionné les tuiles de bronze95.
28Enfin, insérés dans les marches menant à la Basilica devant les avant-corps, deux piédestaux en marbre blanc et trois fragments de base de statues ont été retrouvés en place (pl. LXXVIIb). Leur dédicace indique que le Sénat et le peuple romain offrirent à Trajan des statues « pour les services rendus à la République, à l’intérieur et à l’extérieur »96. James Packer imagine une base par entrecolonnement, soit huit statues de l’empereur. Ces statues, datées de 112 par le sixième consulat de Trajan et sa seizième puissance tribunicienne (soit l’année d’inauguration du Forum), devaient le présenter dans diverses attitudes, et on peut supposer un rapport avec la formule domi forique et l’énoncé de la titulature, c’est-à-dire une alternance de Trajan en cuirasse, en toge tenant un rouleau ou un globe, signe d’autorité97, et en toge, tête voilée dans l’action de sacrifier propre au Pontifex Maximus98 : soit les trois types repris par la colonne Trajane.
La Basilica Ulpia (fig. 1)
29Le nom est attesté par la Forma Urbis sévérienne (fig. 41)99. Scindée en cinq nefs par des colonnes lisses de granit gris d’Egypte (pl. LXXVIIb) (bases et chapiteaux corinthiens de marbre blanc), ses dimensions étaient de 170 mètres sur 60100. La nef centrale et les deux absides avaient un pavement de marbres colorés (giallo antico, pavonazzetto et africano) identique à celui des exèdres du forum, avec une alternance de carré et cercle, tandis que se succédaient de simples rectangles de marbre blanc dans les nefs latérales101.
30Les exèdres de l’area fori comportaient, on l’a vu, les mêmes colonnes de granit gris102. Par la Forma Urbis, mais aussi des notices isolées, on sait que les absides de la Basilica abritaient des fonctions officielles. Sidoine Apollinaire décrit la cérémonie de l’affranchissement qui avait pour cadre l’Atrium Libertatis :
[...] au forum de Trajan vous réclament ceux que vous devez gratifier de la liberté, ces quirites qui seront bien contents de recevoir votre soufflet sur la joue »103
31Et Aulu-Gelle décrit un consul qui, dans le Forum de Trajan, « jugeait des causes à son tribunal »104, ce qui nécessite des archives et des annexes à proximité105, mais aussi un décor statuaire adapté : une statue de Libertas pour l’abside réservée à l’affranchissement, et une statue de Trajan dans le tribunal du consul. Dans ce cadre marqué par l’austérité des colonnes de granit, et où le luxe affiché ailleurs par les colonnes de marbre se faisait plus discret, on peut supposer des zones d’activités officielles106.
32L’élévation de la nef centrale comportait deux étages de colonnes superposées. Sa reconstitution, à partir du célèbre texte de Vitruve sur les proportions des basiliques, est l’objet de controverses107. On s’accorde cependant à restituer, dans l’attique du premier ordre de la nef centrale, la frise à Victoires ailées agenouillées qui décorent de guirlandes un candélabre. De part et d’autre de ce groupe, était figurée une Victoire ailée tauroctone (hauteur : 0,75 m)108. Le second ordre de la nef centrale comporterait quant à lui une frise à rinceaux d’acanthes109.
33Deux escaliers permettaient de gagner le premier étage de la Basilica et la terrasse extérieure depuis la nef latérale nord-ouest (fig. 27 et 31, pl. LXXIIb)110. Un mur, dont les fondations en travertin sont encore visibles, fermait la Basilica vers la place de la colonne Trajane. Deux passages permettaient de gagner les portiques en façade des bibliothèques111.
Portique périmétral de la colonne Trajane et bibliothèques (pl. LXXVIII)
34La cour de la colonne Trajane, pavée de marbre blanc112, était circonscrite sur trois côtés par des portiques (sur les côtés SO, NO113 et NE), et sur le dernier par le mur de la Basilica (SE)114. Du moins à l’origine. Car il est possible que la zone ait été modifiée lors de l’édification du Temple du Divin Trajan, élevé par Hadrien entre 117 et 121 et dédié en 124115. Le mur NO a-t-il été détruit à cette occasion ? C’était la position de C. M. Amici, nuancée aujourd’hui par R. Meneghini : sur la base de fouilles dans cette zone, l’archéologue italien restitue des propylées monumentaux octostyles au NO de la cour périmétrale de la colonne Trajane116. Ces travaux dateraient de 128 et auraient consisté en une réfection de la cour de la colonne Trajane, avec mise en place du pronaos (ses colonnes mesurant 50 pieds de haut)117.
35En l’absence d’un dégagement extensif du site, toute reconstitution est grevée d’incertitude118, et la position du Temple du Divin Trajan est, elle-aussi, discutée : nous y reviendrons. Cependant rien n’empêchait le successeur de Trajan de préserver l’essentiel de la disposition d’origine du mur NO au moyen d’un portique à terrasse, identique à l’élévation de la Basilica sur le côté SE119. Signalons, à propos de ce dossier fondamental pour les conditions de visibilité de la colonne historiée, que deux escaliers supplémentaires ont été découverts le long des murs NO des bibliothèques (fig. 1)120. Ils s’ajoutent aux deux cages d’escaliers déjà repérées près du mur de la Basilica : l’hypothèse de terrasses continues autour de la colonne Trajane n’est pas, c’est le moins que l’on puisse dire, remise en cause par ces découvertes, puisque Roberto Meneghini a récemment proposé une reconstitution des bibliothèques à deux étages, avec couloir élevé permettant « un parcours de lecture, même s’il n’était pas continu, de la frise de la colonne historiée, pratiquement sur toute sa hauteur »121.
36Les colonnes cannelées du portique autour de la colonne Trajane étaient en pavonazzetto (chapiteaux corinthiens et bases de marbre blanc de Luni122). Elles étaient surmontées, devant les deux bibliothèques, d’une frise de griffons-aigles, affrontés de part et d’autre d’un vase né de feuilles d’acanthes, et séparés par un candélabre décoré de guirlandes123 (pl. LXXVb-c). Le mur nord-ouest portait sans doute la frise de sphinx adossés et séparés par des candélabres, récemment reconstituée (fig. 43 et pl. LXXIXa-b ; hauteur : 0,80 m)124, quoique James Packer l’assigne à la paroi interne des portiques125.
37Des deux bibliothèques, seule celle du SO a été fouillée dans les années 1930126. On distingue, sur nos deux documents (pl. LXXVIIIa et b), le pavement rectangulaire de granit gris de la partie centrale de la place et les trois marches séparant cette aire des murs latéraux creusés de niches, où étaient entreposés les volumina127. J. Packer attribue aux bibliothèques les dimensions suivantes : 68,5 pieds romains sur 90 et 50128. L’élévation comportait deux ordres superposés de colonnes cannelées en pavonazzetto (chapiteaux corinthiens et bases de marbre blanc de Luni ; fondations de travertin). L’attique du premier ordre présentait une frise végétale à fleurs de lotus et palmettes (hauteur : 0,40 m), celui du second une frise végétale à palmettes disposées à l’horizontale (hauteur : 0,33 m)129. Une niche s’ouvrait dans la paroi faisant face à l’entrée : on s’accorde à y placer, à l’imitation d’autres bibliothèques connues de l’Antiquité130, une statue de Minerve131.
38Une fois encore, ces reconstitutions ont été remises en question par Roberto Meneghini. À la recherche du temple du Divin Trajan, l’archéologue italien a récemment proposé que le templum se situe, non au nord du pronaos qu’il a lui-même mis au jour, mais dans les deux salles jusqu’ici comprises comme bibliothèques affrontées, de part et d’autre de la colonne Trajane132. Sa démonstration, qui s’appuie sur les mentions littéraires et les vestiges archéologiques, aboutit à une chronologie de construction en trois phases, correspondant à deux projets distincts (sous-entendu le projet de Trajan, puis le projet d’Hadrien), et à une élévation finale de deux colonnades superposées (double ordre corinthien avec fût en pavonazzetto, bases, chapiteaux et architrave en marbre blanc : soit deux étages pour les « bibliothèques ») culminant à environ 12,21/12,28 m133. Ces deux salles comporteraient six niches décoratives (pour des statues et non des armaria destinées à la préservation de volumes)134, les bibliothèques mentionnées dans les textes (bibliotheca Ulpia, bibliotheca Templi Traiani) devant être localisées, pour le chercheur italien, dans les exèdres de la Basilique, avec d’ailleurs une fonction essentiellement administrative135.
39Autant sa remise en question de la distinction traditionnelle entre « bibliothèque latine » et « bibliothèque grecque » paraît pertinente, et la préservation dans des salles annexes de documents officiels liés aux activités du Forum plus que probable136, autant la transformation radicale que R. Meneghini imprime aux structures du Forum (déplacement des bibliothèques) laisse, les doutes de J. Packer en témoignent137, dubitatif. La justification profonde (si j’ose dire) de ces propositions en est la non-découverte de vestiges liés au Temple du Divin Trajan au nord du pronaos (ce nom, donné par R. Meneghini, impliquant la proximité d’un naos)138. Son hypothèse antérieure, non corroborée par les fouilles, plaçait le temple contre le Forum d’Auguste. La cour-vestibule mise au jour au SE ne pouvant, pour les raisons déjà vues, faire office de templum, le retour à la cour périmétrale de la colonne Trajane s’imposait...
40De notre point de vue, l’hypothèse que cette cour périmétrale puisse être un templum nous conviendrait tout autant que la localisation du dit-templum au nord du pronaos (et ce même en l’absence de fondation architecturale identifiable, puisqu’un sanctuaire est avant tout un espace consacré). Plaident pour cette localisation septentrionale l’inscription dédicatoire par Hadrien trouvée, ainsi qu’un fragment de fronton139, non loin de la colonne Trajane140, et la mention de l’atrium libertatis sur la Forma Urbis, qui implique que les activités officielles avaient lieu dans les exèdres de la Basilica tandis que rhéteurs et philosophes disposaient, eux, des exèdres de l’area Fori, comme attesté par des inscriptions et les sources littéraires. Y placer les bibliothèques Ulpia et Templi Traiana connues par les textes nous paraît délicat. Bref, nul besoin, à notre avis, de changer les bibliothèques d’emplacement et de fonction pour disposer d’un templum au nord de la colonne Trajane141.
41La localisation de la Grande Frise de Trajan, en marbre pentélique142, n’est pas non plus assurée, mais l’on penche en général pour le mur nord-ouest de la Basilica143. Les huit panneaux de l’arc de Constantin (pl. LVIII et LIX) ne constituent qu’une partie de la frise d’origine, que divers fragments complètent de manière très lacunaire (fig. 44 pour une reconstitution graphique de l’ensemble, et pl. LXXXa pour un des fragments)144. La longueur totale originelle serait de 28 à 32 mètres, soit environ cent pieds romains145. La hauteur des panneaux (dix pieds romains, soit entre 2,95 et 2,99 m146) interdisant leur insertion dans nombre des architraves du Forum147, on a proposé de situer la frise sur la paroi extérieure du mur NO de la Basilica, entre les deux entrées menant à la cour de la colonne Trajane (fig. 31, et pl. LXXVIIIa pour une vue photographique des fondations de ce mur)148.
42Anne-Marie Léander Touati plaçait la Grande Frise à une hauteur de quinze mètres149. On peut remarquer que la partie supérieure des panneaux est courbée (pl. LVIII et LIX), ce qui devait faciliter la vision pour un spectateur situé en contrebas. Si la localisation de la Grande Frise sur le mur NO de la Basilica est acceptée, on peut remarquer également que la hauteur de quinze mètres proposée par
43A. Leander Touati conviendrait, à peu de centimètres près, au niveau préférentiel de vision verticale que nous avions dégagé, pour la frise de la colonne, chapitre précédent : la concordance architecture / iconographie de la frise sortirait renforcée par cette donnée extérieure.
44La section de mur de la Basilica Ulpia est longue de 90 pieds (26,73 m), ce qui est suffisant pour la totalité des panneaux de l’arc de Constantin150, mais trop court pour contenir les panneaux reconstitués à l’aide des fragments. Sans oublier que d’autres panneaux, aujourd’hui disparus, pouvaient s’ajouter à cet ensemble151. Dès lors, on peut imaginer, face à la Grande Frise sise dans le mur de la Basilica, un retour de celle-ci sur le mur NO de la cour, qui poursuivait la thématique entreprise sur les quatre-vingt dix pieds conservés. La colonne Trajane aurait ainsi été insérée dans un cadre bipolaire : sur les côtés NO et SE, les pans de la Grande Frise ; sur les côtés NE et SO, les frises de griffons-aigles. Menons l’hypothèse à son terme : la portion préservée par les panneaux de l’arc de Constantin comporte l’adventus de Trajan (pl. LVIIIa) et est centrée sur la charge de l’Empereur manteau au vent (pl. LIXa), signe de la Victoria Augusti. Si l’on place ces scènes sur le mur NO, ainsi que le fragment comportant le Dace à cheval traversant un fleuve, devant un pont (pl. LXXXa ; thématique presque identique sur la face NE de la colonne152), elles font face à la thématique qui marquait également, sur la colonne Trajane, la victoire romaine (fig. 22 et 26). La portion placée au SE, sur le mur de la Basilica Ulpia, montrait-elle, en regard de la face correspondante de la colonne Trajane, la profectio de l’empereur et l’ouverture des hostilités ?
45Pour résumer – et sans certitude –, le décor du portique périmétral pouvait se composer à l’origine (avant les modifications d’Hadrien ?) de deux types de frise : la Grande Frise sur le mur SE, avec peut-être un retour au NO ; les frises de griffons-aigles sur les portiques SO et NE. Le second état (époque d’Hadrien ?) aurait comporté : la Grande Frise sur le mur SE ; les frises de griffons-aigles sur les portiques SO et NE ; et la frise de sphinx sur le côté NO (ce second état peut avoir été celui d’origine, si l’on considère que la Grande Frise n’avait pas de retour, ou qu’elle était située ailleurs).
Le Temple du Divin Trajan (fig. 1 et 2)
46À la date où nous écrivons, la zone du Temple, habituellement localisé au NO de la colonne Trajane, n’a pu être fouillée. On lui attribue traditionnellement : un chapiteau en marbre de Luni haut de 2,05 m ; trois fragments de colonnes lisses de granit gris hautes de cinquante pieds ; une frise d’Amours et de griffons identique à celle de l’entrée du forum ; et divers autres fragments architectoniques153.
47Cependant, en l’absence de vestiges plus circonstanciés, il est impossible de détailler l’aspect de l’édifice154.
48Cette localisation usuelle du Temple est discutée. Diverses propositions ont été faites par R. Meneghini et E. La Rocca155, mais aucune n’a pour l’heure été confirmée, et James Packer s’est efforcé de répondre aux arguments archéologiques de R. Meneghini156. Nous laisserons aux spécialistes le soin de conclure, pour nous ranger à la seule preuve indiscutable : une inscription dédicatoire du Temple a été mise au jour en 1695 sous l’église S. Bernardo157, à proximité de la colonne Trajane. Cette inscription est, pour l’heure, le seul indice, fragile mais réel, de la présence du Temple au NO du complexe. L’adéquation lieu de découverte / localisation d’origine ayant été respectée pour d’autres vestiges et parties du Forum, nous le suivrons encore pour le Temple, du moins jusqu’à l’attestation contraire158.
2– LE FORUM DE TRAJAN : PARCOURS D’ESPACE, PARCOURS DE SENS
L’area fori, ou : les bénéfices du triomphe
49La synthèse de Paul Zanker sur le Forum a été, dans ses grandes lignes, reprise et confortée par les chercheurs postérieurs159. Nous la résumons brièvement. Le Forum de Trajan, par son organisation et son décor, insisterait d’abord sur les guerres daciques. Triomphe de pierre, il glorifierait l’action de Trajan et de l’armée, tout en citant les Forums de César, Auguste et Nerva, et en s’opposant au Templum Pacis, fermant ainsi la symétrie des Forums Impériaux. Avec l’installation des cendres de l’Optimus Princeps dans le socle de la colonne Trajane et la construction du Temple, l’ensemble prendrait, après la mort de l’empereur, le sens d’une apothéose minérale, la frise de la colonne signifiant, par ses spires, l’ascension du nouveau Divus. Ce double sens aurait été prévu dès l’origine, les aigles du socle de la colonne développant par exemple une thématique à la fois triomphale et d’apothéose. La fonction occupée par la silhouette impériale dans ce parcours de sens était fondamentale, tout comme elle l’est pour l’organisation et la compréhension de la frise de la colonne Trajane. Le parcours d’espace effectué par le spectateur, depuis l’area Fori jusqu’au Temple, s’articulerait naturellement autour de la personne de l’empereur : il en présenterait la biographie et les, disons, qualités « historiques », et aboutirait à sa consécration160.
50Cette lecture du Forum de Trajan paraît légitime, à quelques points près. Ainsi, le plan d’ensemble a souvent été compris comme un décalque de camp romain, la colonne Trajane occupant l’emplacement du sanctuaire des signa, et les bibliothèques celui des archives militaires161. Il est vrai que la structure de l’area Fori, que barre la Basilica alors que les autres Forums Impériaux s’achèvent directement par une aedes, est proche de l’organisation des camps162. Mais elle est plus proche encore du plan de certains forums civils fermés par une basilique163, comme l’a souligné avec force Roland Martin : « Ces observations récusent définitivement les théories qui voyaient dans le forum de Trajan la transcription en termes civils des plans mis au point dans les camps militaires du Rhin »164. Cette analyse est confirmée par Jean-Charles Balty :
c’est au plan des premiers ensembles municipaux du culte impérial dans les provinces que l’on rattachera l’origine de ce schéma monumental. L’analyse des composantes mêmes de cet urbanisme et du climat politique dans lequel il s’est élaboré au cours de la deuxième moitié du ier siècle avant notre ère suffit à ruiner la thèse d’une influence déterminante de l’architecture militaire sur ces forums. [...] c’est bien le camp qui imite la ville [...]165.
51En définitive, le modèle du Forum de Trajan est bien civil, et non militaire166. L’interprétation militaire du Forum de Trajan s’estompe (en dépit de tentatives récentes visant à réintroduire la dimension militaire167), ou plutôt le système de valeurs véhiculé par le complexe trajanien s’enrichit. Les connotations civiles, nécessaires au portrait d’un bon empereur, y jouent un rôle majoré : c’est dans cet esprit que nous souhaitons à présent donner « notre » vision de l’idéologie trajanienne.
52Si l’on s’essaie à reconstituer selon le principe d’axialité le parcours visuel d’un spectateur entrant sur l’area Fori, on constate que la silhouette impériale occupait les emplacements stratégiques. L’observateur franchissant l’entrée au sud-est voyait en premier lieu l’equus Traiani, avec en arrière-plan les statues insérées dans les cinq marches de la Basilica. Ces dernières présentaient, en éventail, les diverses qualités de Trajan : militaires, civiles, et religieuses. L’étage du triomphe, si l’on peut l’appeler ainsi, était visible au-dessus des bâtiments et du spectateur déambulant sur la place. Les groupes statuaires des corniches de la Basilica et de l’entrée sud-est (quadriges et seuiges), face à face, étaient à peu près équivalents. Ils étaient immédiatement visibles pour un spectateur sortant de la Basilica ou entrant dans le Forum, et ils exaltaient les triomphes daciques de l’empereur. Entre ces deux niveaux (sol, puis corniche des édifices), s’intercalaient les Daces prisonniers, les panneaux d’armes, les inscriptions en l’honneur des légions ayant combattu en Dacie, enfin les trophées et signa plantés au-dessus des portiques. Ils rappel-laient la victoire, justifiant la représentation de Trajan en quadrige et seuiges, sans qu’aucune image d’affrontement entre Romains et Daces n’apparaisse sur l’area Fori168.
53Les divers éléments du decor de la place (premier ensemble homogène au regard)169 insistaient donc autant sur la victoire dacique que sur la paix et la sécurité retrouvées, et sur leur conséquence : la pacification des populations barbares170. La thématique de l’equus Traiani, première apparition visible de l’Empereur, avec sa lance pointée vers le sol, a été choisie dans ce but. La perspective ménagée sur les statues de l’empereur en façade de la Basilica le confirmait171, ainsi que leur dédicace. Offertes par le Sénat et le peuple romain, elles exprimaient la reconnaissance collective à l’Optimus Princeps tant pour ses actions à Rome que sur les frontières (domi forique). Le sens à accorder au groupe équestre est identique.
54Une anecdote, rapportée par Aulu-Gelle, prouve que les spectateurs portaient une attention soutenue au décor et fournit à l’observateur contemporain une exceptionnelle clé de lecture.
Favorinus demandait, un jour qu’il se promenait sur la place du forum et qu’il attendait un consul de ses amis qui jugeait des causes à son tribunal, nous le suivions alors, il demandait, dis-je, ce que signifiait proprement selon nous cette inscription de manubiae. [...] Ainsi cette expression que vous avez devant les yeux ex manubiis n’indique pas les objets et la réalité corporelle même du butin – rien de ce qui est ici n’a été pris aux ennemis par Trajan – mais elle proclame que cela a été fait et procuré à partir des manubiae, c’est-à-dire l’argent du butin172.
55Par son décor et ses inscriptions, la place du forum de Trajan, offerte ex manubiis par l’empereur selon la vieille tradition républicaine173, se définissait comme un des bénéfices civils de la guerre. On ignore le texte des dédicaces portées en façade du forum et de la Basilica, mais le nom même de la Basilica, « Ulpia », sans doute inscrit sur le panneau de l’avant-corps central, dérivait du gentilice de Trajan, à l’identique de la Basilica Aemilia ou de la Basilica Iulia174.
Les exèdres du forum, ou : le monde recomposé
56Les qualités de Trajan étaient également célébrées dans les absides du forum. Rares sont les éléments disponibles à leur endroit. En se basant sur le témoignage de Pausanias qui place, dans les exèdres du forum, les statues d’ambre d’Auguste et d’ivoire de Nicomède de Bithynie, nous avons émis l’hypothèse que la thématique des absides avait un sens géographique. Plus précisément, nous pensons qu’elles exaltaient, par leur décor et leur disposition architecturale, les provinces de l’Empire.
57Si l’on admet que la statue de Nicomède fonctionnait comme un rappel au fondateur de la province de Bithynie, cela suppose que le décor des exèdres, dans son ensemble, exaltait la totalité des provinces de l’Empire, non pas au moyen d’allégories féminines – on sait qu’Antonin développa, quelques années plus tard, un tel discours dans son Hadrianeum175 –, mais de personnages historiques responsables de leur création. On songe à Attale III pour la province d’Asie, mais surtout aux généraux républicains et aux empereurs créateurs de nouvelles provinces, tels César ou Claude. Trajan n’y apparaissait pas forcément, puisqu’il figurait au centre de l’area Fori.
58Récapitulons. La statue en ambre d’Auguste, disposée dans les « structures courbes du forum »176, devait renvoyer aux rivages de la Germanie et de la Baltique, lieux d’origine de la précieuse résine. Quant à l’ivoire de la non moins précieuse statue de Nicomède, il renvoyait au luxe de l’Orient grec et de l’Inde177. D’autres arguments viennent soutenir cette lecture. D’abord ce type de discours, cette rhétorique des matériaux, est loin d’être unique à Rome : elle est au contraire traditionnelle. Ainsi Velléius Paterculus à propos des cinq triomphes de César : « [César] célébra cinq triomphes ; les ornements en étaient de bois de thuya pour la Gaule, de mimosa pour le Pont, en écaille de tortue pour Alexandrie, en ivoire pour l’Afrique, en argent poli pour l’Espagne »178. Ou, toujours à propos de César, la cuirasse de perles d’Océan déposée dans le temple de Vénus Génitrix pour commémorer ses victoires sur la Bretagne insulaire179, en concurrence avec le portrait de perles vu quelques années plus tôt lors du triomphe de Pompée180. Ou encore la Porticus ad Nationes, établie par Auguste à Rome et représentant les peuples de l’Empire : on a d’ailleurs rapproché cette porticus romaine (disparue) des ethne du Sebasteion d’Aphrodisias de Carie. Érigé de Tibère à Néron, ce sanctuaire impérial présentait, en deux portiques parallèles, deux séries de reliefs et inscriptions : au sud, empereurs romains et dieux (registre supérieur) ainsi que cycles mythologiques (registre inférieur) ; au nord, allégories universelles (deux subsistent, Hemera-Jour et Okeanos-Océan) et empereurs (registre supérieur), au-dessus de la série des peuples. Seize inscriptions désignant des Nations ont été mises au jour, certaines soumises, d’autres non (dont les Daces), mais toutes vaincues par Auguste. Ce catalogue choisi de peuples s’inscrit dans une longue tradition de gentes devictae, dont R. E. E. Smith a fait le compte : nous y renvoyons181.
59L’habitude d’énumérer les peuples et provinces soumis est donc fermement ancrée dans la mentalité romaine ; elle s’exprime soit par allégories, soit, et c’est cela que nous souhaitons mettre en évidence, par le choix des matériaux sollicités pour commémorer un événement. Dans les cinq triomphes de César, ou la commande exceptionnelle d’une cuirasse de perles, l’analogie matériau / terre conquise est évidente. Il en est de même, croyons-nous, sur le Forum de Trajan ; simplement l’utilisation des diverses matières exotiques ne renvoie pas directement à des provinces, des peuples ou des triomphateurs (Nicomède ne répond en aucune manière à ce critère) : le seul point commun, discernable entre Auguste et le roi de Bithynie, est qu’ils sont tous deux créateurs d’une province romaine, responsables de l’entrée dans l’Empire d’une (ou plusieurs) régions. C’est là la seule explication qui prenne en compte tant l’identité des personnages cités par Pausanias que la matière choisie pour leur statue. L’intérêt pour Trajan est clair : il se présentait comme le dernier de la lignée des fondateurs de province. Le thème est conforme au discours développé par le décor du forum, repris par un des auteurs de son saeculum, Florus182, et développé par la frise de la colonne trajane qui présentait, comme conséquence de la victoire militaire, la fondation de la nouvelle province de Dacie.
60L’organisation spatiale de l’ensemble, qui doit certes beaucoup au Forum d’Auguste183, appuyait à l’évidence ce discours géographique. Placer les provinces de part et d’autre de l’axe central du Forum, axe occupé par Trajan, reprend en outre la définition cosmique des apsides donnée par Vitruve :
Car le pouvoir de la nature, identique à celui d’un architecte, a disposé et placé les axes (cardines) comme centres, l’un à une grande distance de la terre au sommet de l’Univers et derrière les étoiles de la Grande Ourse, l’autre à l’opposé, sous la terre dans les régions du sud ; et elle a construit autour de ces axes (cardines) des cercles que les Grecs nomment apsides autour desquelles le ciel tourne à jamais, comme sur un tour184.
61La disposition du Forum de Trajan paraît un reflet architectural de cette conception « cosmique » (cosmocratique ?) de l’espace. Autour du cardo qui traversait le Forum, sur lequel étaient placés tant l’equus Traiani que la colonne Trajane, étaient réparties, dans les absides de l’area fori, un ensemble statuaire exaltant les fondateurs des provinces romaines, fondateurs organisés en deux ensembles, l’un renvoyant aux régions occidentales du monde, l’autre aux régions orientales. On peut d’ailleurs avancer qu’à l’identique des bibliothèques, l’une consacrée aux œuvres grecques, l’autre aux œuvres latines (du moins si l’on adhère à la reconstitution traditionnelle du Forum), les absides de l’area Fori rappelaient, l’une les provinces orientales (la nord-est, avec Nicomède, l’ivoire renvoyant à l’Orient extrême), l’autre les provinces occidentales (la sud-ouest, avec Auguste, l’ambre renvoyant aux confins européens). Cette hypothèse s’appuie certes sur une unique occurrence littéraire, elle tient surtout compte de l’urbanisme trajanien et de ses thèmes iconographiques, du précédent constitué par les cérémonies triomphales et de l’exemple constitué par les édifices passé (Aphrodisias) et à venir (Hadrianeum). Dans ce cadre, le cardo du Forum renvoyait, par les statues de Trajan en marbre et en bronze doré qu’il accueillait, au centre du monde et de l’Empire : l’Urbs.
62Cette explication, fragile encore, est confirmée par un autre élément sur lequel nous souhaitons à présent insister : la rhétorique des matériaux employés sur le Forum.
La rhétorique des matériaux, ou : le monde par échantillons
63La variété des matériaux est évidente sur le Forum, elle peut être mise en relation avec leur fonction : les types de colonne (en marbres colorés ; ou bien au fût de granit gris) et de pavement indiquent sans aucun doute des utilisations différentes de l’espace. Ceci, nous l’avons dit, pour les lieux réservés à des activités officielles ou spécialisées : nef centrale et exèdres de la Basilica ; exèdres du forum. Mais plus encore que des parcours d’espace, ces variations soutiennent un discours idéologique.
64Pline l’Ancien admirait le luxe de la Basilica Aemilia, pourvue de colonnes en marbre phrygien185. Les colonnes trajaniennes encadrant l’area Fori présentaient une alternance de marbres (de couleur pour les fûts, blanc pour les bases et les chapiteaux). Leurs origines étaient diverses : le marbre giallo antico venait de Numidie ; le pavonazzetto de Phrygie ; le granit gris du désert égyptien ; le cipollino d’Eubée ; l’africano d’Asie mineure ; on trouvait encore du marbre de Luni, de Thasos pour les statues de togatus et de loricatus conservées dans les Marchés de Trajan, etc.186 L’alternance de marbres colorés était reprise par les Daces de l’attique de la Basilica ; l’attique des portiques latéraux du forum voyait sans doute se succéder Daces et imagines clipeatae de marbre blanc. Cette variété de matériaux, si luxueusement affichée sur l’aire d’entrée du Forum, était assurément perçue comme une conséquence heureuse de la victoire en Dacie. Et si le spectateur en doutait, les mentions ex manubiis lui indiquaient la lecture à adopter.
65Outre les marbres, diverses sources mentionnent la présence d’une porticus porphiretica sur le Forum de Trajan. Sans doute y trouvait-on les rares exemplaires de Daces en porphyre connus aujourd’hui, ainsi que les fragments de petites colonnes et de revêtement en porphyre vert et rouge187. Ces coloris provenaient d’Egypte et de Grèce (Lacédémone), régions qui s’ajoutent à celles déjà sollicitées pour les marbres188. Sur ce répertoire minéral, tranchaient le groupe équestre de Trajan, les huit statues en façade de la Basilica et les groupes et signa sur l’attique de l’area : tous en bronze doré, à l’identique des tuiles de la Basilica189. C’est donc l’Empire tout entier qui est mis à contribution dans le complexe trajanien, conformément sans doute à l’étendue des propriétés impériales (carrières, etc.) mais avec une intention idéologique claire. Chez Pline l’Ancien, l’énumération des marbres du monde vaut pour celle des peuples soumis à Rome : « Et du reste, en passant le monde en revue, l’on a cité, en même temps que les peuples de la région, ceux [les marbres] dont l’espèce est la plus connue »190. La rhétorique de Pline peut-elle s’appliquer à un complexe urbanistique ? Il semble que oui, du moins si l’on incorpore à notre analyse un dernier élément, et non des moindres : le marbre de la Grande Frise ne provient pas des carrières de Luni, mais de celles du Pentélique191.
66Le choix du matériau peut être mis en relation avec les citations culturelles que contient la Grande Frise. L’hellénisme des reliefs a été remarqué par de nombreux auteurs, entre autres Hanna Philipp qui a souligné, avec raison, les parallèles existant entre cette frise et la mosaïque d’Alexandre retrouvée à Pompéi192. L’origine géographique du matériau irait donc de pair avec le type de narration développé par la Grande Frise. Précisons que le terme « hellénistique », employé ici, décrit une narration constituée de moments représentatifs plutôt que d’une succession temporelle d’événements : le style iconographique, quant à lui, nous paraît sur la Grande Frise aussi trajanien que sur les reliefs de la colonne.
67La proximité spatiale de la Grande Frise avec celle de la colonne Trajane, de thème identique, constitue une répétition étonnante, surtout si on les place côte à côte dans la cour périmétrale – sauf, et le point est important, si l’on prend en compte le site d’extraction des marbres. La juxtaposition devient alors signifiante. La concordance entre origine géographique de la roche (Italie / Grèce) et style narratif (récit de type historique, taillé dans le marbre de Luni / allégorie et narration par choix de moments représentatifs, façonnées dans le marbre pentélique193) se transforme en clé de lecture : c’est là l’indice le plus probant de l’aspect délibéré de la rhétorique que nous essayons de reconstituer. Certes, les objections ne manquent pas. Le choix du marbre pentélique pour la Grande Frise, du marbre de Carrare pour la frise historiée, n’était pas visible au regard du spectateur ; cependant le style narratif des reliefs pouvait rendre perceptible leur origine géographique... et il est probable qu’en 113 après J.-C., l’origine variée et le coût des matériaux avaient fait l’objet d’une vaste diffusion auprès du public romain. L’objectif était que les contemporains perçoivent, à travers les roches sélectionnées, le luxe du Forum et les exceptionnelles richesses rapportées de Dacie, mais aussi la puissance de l’Empire, son ancienneté (rappelée par les statues des fondateurs de province) et son dynamisme : n’intégrait-il pas, sous l’égide de l’Optimus Princeps, les traditions artistiques grecques et latines ? Les deux bibliothèques autour de la colonne (nous gardons cette identification), et les deux frises majeures du complexe, en témoignaient.
68Le jeu sur les matériaux et les styles narratifs se poursuivait d’ailleurs par un jeu, plus habituel, sur les ordres architecturaux. Les grands ordres classiques, que l’on trouve superposés en façade des théâtres et amphithéâtres romains, sont présents sur le Forum de Trajan : ordre corinthien bien sûr, majoritaire et conforme à la typologie de Vitruve (selon James Packer) ; ordre ionique, avec le second ordre de la Basilica Ulpia aujourd’hui disparu194 ; et ordre dorico-toscan, dont la colonne Trajane est l’unique mais imposant représentant. Ce jeu sur les matériaux, les ordres et les styles, est d’autant plus remarquable qu’il révèle ce qui, pour un Romain, ressortissait de sa propre tradition et ce qui appartenait à l’hellénisme. Utilisant sciemment les deux cultures dominantes de l’Empire, Trajan les convoque et les juxtapose sur le cardo du Forum. Le sens est clair : chacune disait, dans sa propre koiné, la vertu de l’Optimus Princeps et ses victoires en Dacie, utiles pour la civilisation, l’Oikoumenè. La redondance créée par la proximité – probable – des deux frises historiées, proclamait que Trajan s’adressait tant à l’Orient qu’à l’Occident, soulignait la richesse culturelle et l’étendue de l’Empire et affirmait, de manière raffinée mais tout aussi forte que le programme statuaire des absides, que Rome était le centre du monde.
69Dans cette logique, il paraît normal que les carrières mises à contribution pour le Forum couvrent l’ensemble du monde romain. Les richesses matérielles et culturelles de l’Empire, et au-delà des limites de l’Orbis Terrarum, affluaient vers l’Urbs. Cette idée fut développée, à l’identique, par Aelius Aristide en 144 de n.è.195. Le texte est éloquent :
De chaque terre et de chaque mer, on apporte tout ce que font pousser les saisons et tout ce que produisent les différents terroirs, les fleuves, les lacs, ainsi que les arts des Grecs et des barbares : si bien que celui qui voudrait avoir une vue de tout cela doit ou bien voyager partout dans le monde habité pour procéder à l’observation, ou bien rester dans cette cité196. Car ce qui pousse ou est fabriqué chez les différents peuples se trouve toujours nécessairement ici, et en abondance. Tel est le nombre des cargos qui arrivent, apportant toutes les marchandises de toutes provenances à chaque belle saison et à chaque retour de l’automne, que la cité ressemble à un centre d’activité commun à toute la terre. On peut voir des cargaisons venant d’Inde, et même, si l’on veut, d’Arabie Heureuse, en si grand nombre [...]. Les arrivées et les départs de navires n’ont jamais de cesse, au point qu’il y a lieu de s’étonner non seulement que le port, mais que la mer suffise à contenir les cargos. [...] tout converge ici, activités de commerce, de navigation, d’agriculture, d’extraction minière, tous les arts qui existent ou ont existé, tout ce qui est engendré et tout ce qui naît du sol. Ce qu’on ne voit pas ici ne fait pas partie des choses qui existèrent ou qui existent197.
70Le texte d’Aelius Aristide, bien que postérieur au Forum, célèbre des thèmes on ne peut plus trajaniens : l’immensité de l’Empire, qui touche même à l’Arabie (l’on songe à la province créée par Trajan)198 ; la paix199 et l’abondance qui en résulte pour les populations contrôlées par Rome ; et encore le rôle central de la cité tibérine, qui rassemble les marchandises et les richesses de l’Oikoumenè, richesses tant matérielles (dont les mines) que culturelles (les arts des Grecs et des Barbares). En cela les empereurs, selon Aelius Aristide, surpassèrent les empires précédents, et même Alexandre200 : le thème n’est pas pour surprendre qui a observé le programme architectural et décoratif du Forum de Trajan.
71L’Optimus Princeps a également sollicité les traditions artistiques et les savoirs littéraires et scientifiques grec et latin201, ce qui pourrait correspondre à cet autre éloge d’Aelius Aristide :
Mais il me semble que votre grand exploit, témoignant d’une excellence complète et plus éclatant que tout autre, est d’avoir à la fois pris le dessus sur les barbares pour ce qui est des ressources et des forces et dépassé les Grecs en sagesse et en modération202.
72Pour démontrer son propos, Aristide convoque ensuite l’histoire grecque et les guerres entre Lacédémoniens, Athéniens, etc.203. Si bien que, si l’on poursuit le parallèle avec le Forum de Trajan, on pourrait considérer la frise de la colonne Trajane comme la démonstration de la supériorité historique (militaire et politique) de Rome sur le monde. Tandis que la Grande Frise, dans sa traduction hellénistique du même thème, aurait (par l’adaptation du langage narratif qu’elle propose) fonction d’affirmer l’universalité de Rome. Qu’une monnaie trajanienne, célébrant la colonne Trajane, comporte à son sommet non la statue de l’empereur, mais une chouette, peut renvoyer à cette idée de sapientia exaltée par Aelius Aristide204.
73Si l’on élargit cette rhétorique culturelle à un autre monument trajanien, le trophée d’Adam Klissi, on constate une adéquation similaire entre matériau et style narratif. La pierre choisie pour le monument de Mésie, du calcaire blanc de bonne qualité (dur et non poreux), est locale puisqu’elle fut extraite à Déléni, à trois kilomètres du Trophée. Le style iconographique est « fruste mais puissant »205. La « narration » consiste en une juxtaposition de métopes répétitives, où il est difficile de reconnaître des moments représentatifs. On peut en déduire que Trajan ne s’adresse pas aux habitants, pourtant romanisés, des marges de l’Empire comme il s’adresse aux citadins romains. Le caractère syncopé des représentations n’a rien à voir avec le déroulé de la Grande Frise ou la superposition verticale des spires de la colonne Trajane. Dans le cas des deux frises romaines, le spectateur attendu était capable d’ordonner la succession de scènes en un récit, capable de les assembler et de les lire206 : la proximité des deux bibliothèques, outre leur rôle possible de support physique à la vision grâce aux balcons, se référait sans doute à cette capacité culturelle. L’observateur des métopes d’Adam Klissi n’était pas crédité de cette qualité : le matériau comme le style narratif en font un monument romain certes, mais local, provincial, qui s’adresse en priorité, par ses scènes fortes mais syncopées de la guerre contre les Daces, aux habitants proches de la frontière.
74Sur les marges, un trophée, qui honore les morts et rappelle la difficulté de la conquête ; à Rome, une exaltation de la victoire, source de prospérité et de richesse pour l’Empire. L’abondance des matériaux, extraits de toutes les régions dominées par Rome et assemblés pour célébrer la victoire dacique, mettait aussi l’accent sur la maîtrise de la nature et le savoir-faire des sculpteurs et architectes207. Cette combinaison était exprimée de manière spectaculaire par les statues de Daces prisonniers. De marbre blanc ou coloré, ils supportaient les attiques de l’area Fori. Deux traditions ont été rapportées par Vitruve à l’endroit de ces statues portantes : les Caryatides, femmes de la cité de Carya, seraient en éternelle servitude parce que leur cité avait choisi de soutenir les Perses lors des guerres médiques ; quant aux statues de Barbares portant l’architrave des portiques, l’usage en viendrait des Lacédémoniens, qui auraient placé des statues de Perses dans cette posture ignominieuse « afin de punir leur orgueil par un outrage mérité (superbia meritis contumeliis punita) »208. Ce point éclaire la création de la nouveauté iconographique que sont les Daces prisonniers. À l’identique du portrait des Daces développé par la frise de la colonne Trajane, le décor de l’area Fori désignait les Daces comme responsables, par leur superbia, des guerres daciques. Ce point est conforme aux conclusions tirées de la frise de la colonne Trajane, mais aussi aux considérations rhétoriques d’Aelius Aristide relatives au rôle pacificateur de la puissance romaine. Exaltant la propagatio imperii, Trajan se posait en définitive, par la conquête dace, en continuateur de l’expansion républicaine (Nicomède) et impériale (Auguste). L’entreprise était militaire, mais sa représentation sur le Forum mettait davantage l’accent sur la prospérité née de la conquête. La rhétorique des matériaux et des styles insistait sur les richesses de l’Orbis Terrarum, dont l’Urbs était le centre organisateur et rayonnant. Ce discours passait, dans les absides du forum, par une galerie de personnages historiques ayant en commun, non une généalogie réelle ou légendaire avec le créateur du Forum, comme c’était le cas sur le Forum d’Auguste, mais des vertus dont l’expression cardinale était la fondation d’une provincia. Les matières rares et précieuses de leurs statues montraient que les ressources d’au-delà les frontières étaient, depuis leur règne, maîtrisées.
75Un dernier point. Le Forum fut inauguré le 1er janvier 112209, soit le jour de l’entrée en charge de Trajan comme consul après huit années de non-exercice210. La date n’avait pas été laissée au hasard et plaçait le complexe sous l’égide de l’empereur. De surcroît, ce premier jour de l’année était consacré à Janus, dont Ovide dresse, si l’on peut dire, le portrait : « Car la Grèce n’a nulle divinité qui te corresponde. Révèle-moi aussi pour quelle raison, seul entre les dieux, tu vois tout ce qui est devant toi et derrière toi ? ». Et Janus de répondre :
Ce que tu vois de toutes parts, le ciel, la mer, les nuages, les terres, tout est ouvert et fermé par mes mains. La garde du vaste univers est confiée entièrement à ma charge, et j’ai seule qualité pour faire tourner son axe (cardinis). Quand je juge à propos de laisser la Paix sortir de sa tranquille retraite, librement elle poursuit sa route sans à-coup. Mais le monde serait souillé d’une mortelle effusion de sang si mes solides serrures ne maintenaient les guerres emprisonnées. [...] Et de même que votre portier, assis auprès du seuil du premier corps de bâtiment, voit les sorties et les entrées, de même moi, portier de la céleste cour (coelestis janitor aulae), je regarde à la fois vers l’Orient et vers l’Occident (Eoas partes Hesperiasque simul)211.
76Gardien de la paix et de la guerre, axe autour duquel s’organise l’univers, tourné vers les deux parties de l’oikoumène, Janus convenait au discours développé par Trajan. Par la date du 1er janvier, l’Optimus Princeps établissait un lien délibéré entre charge politique républicaine, urbanisme et décor du Forum, et la vision de Janus qui s’affirma dès la fin de la République. Identifié à Aiôn, le dieu devint la uis caeli maxima « qui maintenait ensemble les parties de l’univers »212. À l’appui de cette proposition, signalons pour conclure la présence, parmi les monnaies républicaines restituées par Trajan, d’un très ancien exemplaire daté des alentours de 268 avant J.-C. (pl. LXXXb) : sur l’avers, apparaît Janus lauré ; sur le revers, Jupiter avec le foudre et le sceptre, en quadrige mené par une victoire ; au-dessous, est inscrit ROMA213.
77Dans cet ensemble, se manifeste une absence : celle de revendications dynastiques. Trajan est ici en rupture avec les traditions gentilices républicaines, mais aussi augustéennes et flaviennes214. Pour éclairer ce point, il convient d’étendre l’étude à l’idéologie du saeculum trajanum.
3 – TRAJAN ET L’HERCULE PHILOSOPHE
Trajan, Domitien et la libertas
78Le Panégyrique de Pline le Jeune l’atteste, Trajan est, dès 98, présenté comme l’Optimus Princeps215 : « Est-il rien qui convienne mieux à un citoyen, à un sénateur que ce surnom d’Optimus que nous lui avons décerné et dont l’insolence de ses prédécesseurs lui a fait un surnom particulier, personnel ». La référence à Domitien, assassiné et victime d’une damnatio memoriae, est implicite et parfois explicite. Il faut dire que les effets de la damnatio étaient encore récents. Les arcs du dernier des Flaviens avaient été démantelés, de même que la tribune impériale du Circus Maximus, perçue comme signe de la tyrannie de Domitien puisqu’elle le séparait du peuple. Le cirque est précisément le lieu où s’exprime l’entente, ou la méfiance, entre l’empereur et le peuple de Rome. Suétone rapporte ainsi :
Au cours d’un spectacle, un père de famille ayant déclaré qu’un Thrace valait autant qu’un mirmillon mais moins que l’organisateur des jeux, il [Domitien] le fit arracher de sa place et livrer aux chiens dans l’arène, avec cet écriteau : « Partisan des porte-bouclier, auteur d’un propos impie »216.
79On conçoit qu’après un signe aussi spectaculaire, dans ce lieu de spectacle devenu celui des échanges politiques entre le Prince et les citoyens, Domitien ait perdu le soutien populaire. Dans le même passage, Suétone rapporte les démêlés du dernier des Flaviens avec : les philosophes (passage suivi de l’anecdote du cirque), et il continue par : « Il fit périr une foule de sénateurs [...] ». L’ensemble exprime, à n’en pas douter, l’isolement total de l’empereur.
80Trajan fit détruire la loge impériale du cirque, signe politique visible par la totalité du public romain, et en réutilisa les matériaux pour sa naumachie :
Ailleurs le pourtour immense du Cirque rivalise avec la beauté des temples, lieu [...] qui mérite d’être vu non seulement pour toutes ses beautés, mais surtout parce que les places du peuple et du prince sont au même niveau [...] ; César pour voir le spectacle n’a pas de tribune pour lui seul, pas plus qu’il n’a de spectacle pour lui seul. Tes citoyens pourront à leur tour te regarder ; ils auront le droit de voir non la loge du prince, mais le prince en personne mêlé au public, assis au milieu du peuple [...]217.
81Enfin, l’equus Domitiani de bronze du Forum Romanum, décrété par le Sénat après le (faux) triomphe dacique de 89, fut abattu218.
82La légende noire de Domitien219, résumée par l’expression dominus et deus noster hoc fie-ri iubet220, est perceptible dans certains parallèles littéraires de Pline. Lorsque sont évoqués l’attitude des deux empereurs vis-à-vis de Décébale ou leurs rapports avec le Sénat, le portrait de Domitien est toujours le négatif de celui de Trajan221. Le célèbre sesterce de 101-102 témoigne : Trajan y reçoit le globe des mains du Genius Senatus, ce qui résume la perception républicaine du nouveau Princeps, respectueux du pouvoir des Patres222. À l’inverse dans le Panégyrique, le Flavien est « la parfaite identification » du tyran223. Répétons-le, cette rhétorique n’exclut nullement que Trajan ait été, dans beaucoup de domaines, le continuateur de Domitien. Mais nous raisonnons ici sur la présentation de son avènement dans les sources antiques, non sur la conformité de ces dernières à la réalité224.
83Trajan s’ingénia à marquer sa différence de multiples façons. Il n’exerça pas le consulat de manière répétée. Comme autrefois Auguste, le Sénat le supplia de revêtir cette magistrature pour la troisième fois en 99, ce qu’il refusa, ne pouvant se présenter en personne devant les comices comme c’était l’usage à l’époque républicaine. Il ne l’accepta qu’en 100225, après être rentré à Rome, ce qui donna à Pline l’occasion d’écrire : « C’est à ces raisons si impérieuses que la modestie de notre prince, malgré une longue résistance, a pourtant enfin cédé »226. Dans cette pratique républicaine du principat, entrent bien sûr le respect envers le Sénat qui, en retour, doit l’obsequium, mais aussi l’état d’esprit dans lequel l’empereur exerce ses pouvoirs. La tribunicia potestas, héritée des prérogatives des tribuns de la plèbe227, fut utilisée pour la distribution de congiaires, de jeux célébrant le triomphe dacique228 ou l’institution d’alimenta à destination des enfants pauvres d’Italie229. Trajan, qui consacra diverses émissions monétaires à ces thèmes230, rattachait sciemment ses actions, classiques de la part des empereurs, au concept de libertas républicaine dont les tribuns étaient à l’origine les défenseurs231. Enfin, c’est par sa modestie et son comportement humain que Trajan mérite, aux yeux de Pline, le qualificatif d’Optimus Princeps. Les mêmes qualités permettent à Tacite de définir le règne par les expressions felicitas temporum et securitas publica232
84L’empereur assure les prérogatives de sa charge avec honnêteté. Contrairement à Domitien, il ne pratique pas les confiscations et ne brigue pas les héritages233. Qu’il s’agisse de sa première entrée à Rome ou de ses déplacements dans l’Empire – la colonne Trajane détaille à loisir ses arrivées dans les villes –, son équipage est simple, digne du premier des citoyens. Par la modestie de ses entrées dans les cités, Trajan réitère son adventus à Rome, en 99 après J.-C., célébré par Pline : « Ton retour fut paisible et modeste, vraiment celui d’un prince qui revenait de la paix. [...] Combien dissemblable naguère le passage d’un autre prince [Domitien] ! ». Plus loin : « Et d’abord quel beau jour que celui où, attendu, désiré, tu as fait à pied ton entrée dans ta ville ! Cette seule façon d’y entrer, quelle merveille, quel heureux présage ! »234.
85De manière générale, l’avènement de Trajan fut perçu par ses contemporains comme un retour aux pratiques républicaines. La libertas – car c’est de cela qu’il est question au début du règne – se fait également sentir dans le domaine littéraire. La lex maiestatis n’est plus invoquée par l’empereur235, il abandonne le titre de censeur, assumé avec ténacité, et parfois férocité, par Domitien236 : Suétone rapporte que le dernier des Flaviens fit exécuter, entre autres, Hermogène de Thrace et les libraires qui diffusaient l’Histoire de cet auteur, et qu’il fit bannir les philosophes de Rome237. Rien de tel avec Trajan.
86L’ensemble de ces concepts, pour lesquels le Panégyrique joue en quelque sorte le rôle de répertoire238, a connu une large diffusion. Le premier relais reste, par son extension, le monnayage. À son endroit, se pose bien sûr le problème du public et de la fonction des représentations monétaires. Résumons les positions de principe. Sur la participation du monnayage à la formation de l’opinion, M. H. Crawford conclut à un contrôle lointain des types monétaires par les empereurs et à une relative liberté de choix des artistes chargés de la réalisation des coins239. Cette position est assurément excessive. Évoquant la propagande à l’époque républicaine, Gian Guido Belloni considère certes que la numismatique n’est pas de la « propagande » (le caractère inapproprié du terme est évident), mais que ses thèmes sont le reflet de moyens de diffusion plus efficaces, par exemple les slogans politiques, et surtout la littérature240. Et il semble probable que les légendes des monnaies correspondaient, par l’association texte-image, aux slogans politiques majeurs du moment241. Quel que soit le statut accordé aux représentations numismatiques, force est de constater qu’à l’époque impériale, l’empereur a la haute main sur l’atelier monétaire. Ce contrôle est renforcé par Trajan, avec la création d’un procurator monetae de rang équestre, à qui l’exactor était subordonné242. La concordance entre les types produits et la volonté impériale ne fait pas de doute, et la diffusion dans l’Empire de thèmes choisis par le Princeps était effective, ne serait-ce que par la simplicité des légendes et l’utilisation d’un répertoire iconographique fixé depuis des lustres.
87Quant à l’agnomen d’Optimus Princeps, il ne fut officiellement accordé à Trajan par le Sénat qu’en juillet 114, après la conquête de l’Arménie. C’est à cette date que le surnom d’aristos apparaît dans le monnayage d’Alexandrie243. Or, le surnom d’Optimus Princeps est pour Pline, dès le début du règne, la caractéristique de Trajan, son slogan politique majeur :
N’est-ce pas pour de justes raisons que le Sénat et le Peuple romain ont ajouté à tes surnoms celui d’Optimus. Il est commun, dira-t-on, et banal, mais nouveau pourtant. On sait que personne n’a mérité ce titre, qui n’était pas difficile à imaginer si quelqu’un l’avait mérité. [...] Ce nom est pour toi aussi personnel que le nom paternel ; et l’on n’est pas plus clair, on ne se fait pas mieux comprendre en disant Trajan qu’en disant Optimus [...], toutes vertus qui sont d’un coup contenues dans ce seul surnom qui est tien244.
88Plus, ce surnom d’Optimus Princeps se manifeste dans le monnayage romain dès 103-111245, bien avant l’attribution officielle par le sénat. La légende S.P.Q.R. OPTIMO PRINCIPI figure sans doute dès 103, puisqu’elle apparaît sur des monnaies marquant la conquête de la Dacie246. Sa présence traduit l’importance du surnom qui est, à lui seul, un résumé des nombreuses qualités de Trajan. Selon Dion Cassius, ce thème perdura jusqu’à la guerre parthique :
Il reçut encore, après la prise de Nisibe et de Batnes, le surnom de Parthique, mais il était bien plus fier de l’appellation d’Optimus que de toutes les autres ensemble, car ce nom avait rapport à son caractère plus qu’à ses armes247.
89Optimus princeps, Trajan l’était d’abord du fait de son adoption. Son premier soin fut de marquer la providentia qui, grâce à Nerva, l’avait porté à l’empire248, et les conséquences heureuses de cet événement. La continuité du saeculum inauguré par Nerva était au cœur du premier monnayage de son règne, mêlée à des préoccupations militaires nouvelles. Pour Nerva, les légendes monétaires de l’année 98 étaient : AEQUITAS, CONCORDIA EXERCITUM, FORTUNA AUGUST[I], FORTUNA, LIBERTAS PUBLICA, VICTORIA AUGUST[I], CONGIAR[IVM], et PAX AUG[VSTI]249. Pour le monnayage trajanien, les thèmes étaient (années 98-99) : ABUNDANTIA, CONCORDIA, FELICITAS, FORTUNA, PAX, VESTA, mais aussi GERMANIA, ROMA tenant une victoire et VICTORIA (or et argent)250. Les mêmes types se rencontrent dans le monnayage sénatorial251, et les deux productions peuvent se répondre, marquant ainsi leur unité de conception. Ainsi en est-il des coins illustrant le concept de Providentia : Trajan y reçoit le globe, mais dans un cas il est en toge et la légende est PROVIDENTIA SENATUS ; dans le second il est en cuirasse et la légende est PROVID[ENTIA]252. Plus généralement, sur trente-quatre types de revers connus pour le règne de Trajan, Niels Hannestads a relevé la proportion de vingt-six revers le présentant en militaire ; cinq en administrateur civil ; et seulement deux en prêtre253. Remarquons que la fréquence est très proche de celles de la colonne Trajane (sur cinquante-huit apparitions, quarante-et-une le montre loricatus, quatorze en tunique – dont six en rapport avec un sacrifice –, et trois tête couverte, comme Grand Pontife).
90Plus révélatrices encore sont les restaurations monétaires de son règne. Leur nombre est important254. Alors que Nerva n’emprunta que des types augustéens255, furent choisis par Trajan, entre autres :
une monnaie de M. Lépide présentant la façade de la Basilica Aemilia (pl. LXXXc)256 ;
une monnaie de M. Junius Brutus avec la tête de Libertas sur l’avers257 ;
plusieurs types avec Hercule ou ses attributs258 ;
et parmi d’autres encore, des monnaies célébrant César. Quatre types sont connus (dont un aureus restauré pour le sesquicentennial anniversaire de son assassinat)259, contre trois seulement pour toute la période des Julio-claudiens260.
91D’autres prédécesseurs de Trajan furent honorés d’une restauration monétaire : Sylla261, Pompée262, Auguste (ou plutôt son gendre Agrippa)263, Tibère264, Claude265, Galba266, Vespasien267, Titus268 et Nerva269. Une telle galerie n’est pas sans rappeler le décor statuaire des exèdres et des portiques du Forum d’Auguste. On sait que les niches contenaient, d’une part les images d’Énée, des rois d’Albe et de la gens Iulia, d’autre part les statues de Romulus et des summi viri de l’histoire romaine. L’ensemble s’organisait autour du groupe statuaire d’Auguste Pater Patriae en quadrige sur l’axe central de la place270. Le sens, clairement généalogique et dynastique, passait par un filtre mythique : le pouvoir d’Auguste, légitimé par ses ascendants et ses victoires, permettait à l’Empire de connaître à nouveau la paix.
92La convocation par Trajan des imperatores et empereurs antérieurs, Domitien exclu bien sûr, ainsi que Caligula et Néron victimes de la damnatio memoriae271, relève du même esprit. À une différence près : l’Optimus Princeps ne développe pas de discours dynastique272. L’adoption par Nerva ne l’interdisait pas : on songe à César et à Octave. Par contre, les récents excès de Domitien dans le domaine l’en empêchait. Le dernier des Flaviens avait en effet transformé la maison qui l’avait vu naître en lieu de culte dynastique, le Templum gentis Flaviae273. Le bâtiment, construit sur le Quirinal en lieu et place de la demeure du frère de Vespasien, Titus Flavius Sabinus, tué par les Vitelliens, était en marbres précieux et devait servir à la fois de temple et de tombe à la famille régnante. Édifice dynastique, il fut frappé par la foudre, signe jovien qui annonçait pour Suétone la fin du règne de Domitien : « La foudre s’abattit sur le Capitole et sur le temple de la famille Flavia, ainsi que sur sa maison du Palatium, dans sa propre chambre [...] »274. Devant ce désaveu jovien, il paraît logique de conclure que le monnayage trajanien reflétait une préoccupation autre. On l’a vu, l’Optimus Princeps présente son Principat comme le prolongement naturel de la libertas républicaine. Les imperatores et les empereurs sollicités ne le sont donc pas au nom d’une généalogie réelle ou mythique, mais en raison de leurs vertus personnelles275.
93Le fait est confirmé, une nouvelle fois, par le décor statuaire du Forum de Trajan. Des portraits de César, Livie, Agrippine, Vespasien et Nerva (ou Traianus Pater276) ont été identifiés dans le décor du Forum de Trajan, sans tituli mais installés dans des clipei à l’étage des portiques de la place : cette mise en valeur renforçait indéniablement l’allusion à leurs vertus. Preuve en est un dupondius de Tibère (daté de 34-37 après J.-C.) qui portait déjà, sur l’avers, la tête de l’empereur et la légende : TI (berius) CAESAR DIVI AVG(usti) F(ilius) AVGVST(us) IMP(erator) VIII ; et sur le revers, une imago clipeata dont le centre est une couronne de laurier et la légende : CLEMENTIAE S. C. Telle était, ici, la vertu qu’honorait le portrait sis dans le clipeus277.
94Ces représentations, qui encadraient le groupe équestre de Trajan au centre de la place (avec dispositifs optiques afférents : voir chapitre précédent), insistaient sur l’axe de l’idéologie trajanienne : la paix, la prospérité, mais aussi la sécurité de l’Empire sont liées aux qualités personnelles du Princeps278. Thèmes classiques certes, mais auxquels l’adoption de Trajan donnait une nouvelle force. On les retrouve amplifiés dans le Panégyrique de Pline, le monnayage, la frise de la colonne Trajane et l’œuvre de Tacite : les Histoires débutent précisément par l’énoncé des bienfaits liés aux qualités de l’empereur : la Securitas, la Felicitas et la Libertas. Pour l’historien, la liberté aurait été perdue avec la République, et ce n’est qu’avec Nerva et Trajan qu’elle aurait été restaurée279. Tacite parle ailleurs du beatissimum saeculum de Trajan par comparaison au règne de Domitien, mais aussi à celui de Néron280. À ce thème, fait écho une formule de Trajan, rapportée par Pline, prononcée lors d’un procès :
Les héritiers avaient écrit à César [Trajan] alors en Dacie une lettre commune pour lui demander d’évoquer le procès. Il l’avait évoqué. À son retour il avait fixé l’audience et certains des héritiers semblant par égard pour le prince omettre d’accuser Eurythmos, il avait dit cette belle parole : « Cet homme n’est pas Polyclète et je ne suis pas Néron »281.
95En tant qu’Optimus Princeps, Trajan dépassait de facto les vertus des empereurs antérieurs. Ainsi Pline : « Il est moins d’être imperator, César, Auguste que d’être meilleur que tous les empereurs, tous les Césars, tous les Augustes »282. La mutatio temporum était donc, pour les contemporains, plus large qu’il n’y paraît. Florus, pour exalter le saeculum trajanum, dénonçait l’inertia des empereurs, d’Auguste à Domitien :
De César Auguste à notre temps (in saeculum nostrum), il n’y eut pas beaucoup moins de deux cents ans, pendant lesquels, sous l’effet de l’inertie des Césars (inertia Caesarum), il vieillit et se réduisit en quelque sorte, sinon que, sous le principat de Trajan, il fit jouer ses muscles : contrairement à toute attente, le vieil Empire voit, comme si on lui avait rendu la jeunesse, ses forces reverdir283.
96Pline célébrait la virtus de Trajan dans le même esprit :
Quelle merveille d’avoir ravivé cette flamme tombée, éteinte, de la discipline militaire en bannissant les fléaux de l’âge précédent (prioris saeculi), la paresse, l’esprit de révolte, le mépris de l’obéissance284.
97César seul échappait à la critique. Divers indices laissent supposer que les relations entre le vainqueur des Gaules et le conquérant de la Dacie étaient un thème important du discours trajanien. Outre les Commentarii daciques par lui écrits, une des monnaies césariennes restituée par Trajan présentait un éléphant piétinant un dragon. Hasard ? Sans doute pas, lorsque la frise trajanienne témoigne que l’emblème des Daces était aussi un dragon285. L’opportunité d’une telle reprise pouvait être aisément interprétée à l’aune de l’actualité des années 102-106, actualité qui éveillait des échos glorieux dans la mémoire romaine. César avait préparé des opérations en Dacie, comme l’explique Strabon : « Ainsi, à l’époque où Byrebistas, contre lequel déjà le Divin César avait préparé une expédition, dirigeait les Gètes [...] »286. Et César, comme Trajan, projetait une expédition en Asie contre les Parthes lorsqu’il fut assassiné :
Son imagination concevait des rêves plus grandioses ; [César] aspirait passionnément à une gloire nouvelle, étant déjà désabusé de celle qui était acquise. [...] Il faisait donc ses préparatifs dans le dessein de marcher contre les Parthes. Après les avoir soumis, il traverserait l’Hyrcanie, en tournant le Pont et en longeant la mer Caspienne et le Caucase pour envahir la Scythie. Il poursuivrait sa progression jusque dans les contrées voisines de la Germanie et dans la Germanie elle-même, puis reviendrait en Italie par les Gaules, ayant ainsi bouclé la boucle de l’Empire, désormais borné de tous côtés par l’Océan287.
98L’association Parthie-Scythie et Germanie (et donc Dacie) se retrouve par allusion chez Pline le Jeune : l’esclave Callidromus, capturé en Mésie par les Daces, fut envoyé en cadeau par Décébale à Pacorus, roi des Parthes288. Quels que soient la succession des opérations et le général supposé les mener, ces deux ennemis de l’Empire entretenaient des relations entre eux, ce dont les Romains de l’époque de Trajan étaient conscients – ou persuadés.
99La reprise d’une monnaie portant Némesis peut surprendre. Déesse de la vengeance, elle était cependant apte à rappeler les désastres du règne de Domitien, dont Dion Cassius parle expressément et dont la scène 25 de la colonne Trajane est peut-être l’indice, mais aussi à châtier Décébale de sa superbia. On sait que Trajan, en bon vengeur et émule d’Auguste, récupéra les enseignes perdues par Fuscus289, mais lui réussit cet exploit par la force, et non par la diplomatie. D’où le renvoi à Némesis. En outre, la déesse de la vengeance est traditionnellement en étroite association avec la victoire (elle l’était par exemple dans le Néméseion d’Alexandrie élevé par César) en tant qu’ennemi de la démesure, hybris ou superbia290.
100L’iconographie du Forum de Trajan confirme la présence de cette rhétorique de la vengeance. Némesis n’apparaît pas elle-même, mais en tant que gardienne des serments (on songe à celui prononcé par Trajan : « Puissé-je ainsi voir les Dacies réduites à la condition de provinces ! et franchir également sur un pont le Danube aussi bien que l’Aufide ! »291), elle est souvent accompagnée de griffons, animaux fabuleux que l’on rencontre précisément sur les frises du Forum, de l’entrée de l’area Fori au Temple (pl. LXXVb-c)292. Les griffons sont eux-mêmes gardiens de richesses. Ils affrontent les Arimaspes, peuple mythique d’origine scythe, voisin de l’Hyperborée séjour d’Apollon mais aussi de la Dacie, qui cherchent à voler leurs trésors. Or, la lutte des griffons et des Arimaspes en vint à signifier, à époque impériale, la lutte de l’Empire contre les barbares. Le thème figure fréquemment sur les cuirasses impériales293, et la localisation nord-orientale de la Dacie par rapport à Rome favorisait le rapprochement avec les mythiques Arimaspes.
101Un sens proche est accordé à la frise de sphinx. En sus de leur connotation funéraire, ces créatures sont également les messagers de la vengeance divine (pl. LXXIXa-b et fig. 43)294. La position des Daces de l’area Fori, mains jointes et incrits dans l’attique, indiquait qu’ils subissaient le châtiment de leur superbia. C’était également le discours des griffons sur les frises : ils montraient que la défaite des Daces, expression de la volonté divine, punissait leurs fautes. La superposition de la frise de griffons et des Daces « prisonniers » développait des liens thématiques qui ne pouvaient échapper à un observateur antique, familier de cette géographie et de ce répertoire mi-fabuleux, mi-historique.
102Notre interprétation de la frise de la colonne à partir du serment de Trajan (« Puisséje ainsi voir les Dacies réduites à la condition de provinces ! [...] ») prend de la sorte un peu plus de vraisemblance. Véritable slogan de l’expédition dace, il confère en outre aux frises ornées de Victoires sacrifiant des taureaux la valeur de signe de la Victoria Augusti, la matérialisation allégorique que le serment a été tenu. Un aureus d’Auguste (daté de 20-18 avant J.-C.) montrait : sur l’avers, la tête d’Auguste et AVGVSTVS ; au revers, une victoire ailée sacrifiant un taureau et la légende ARMENIA CAPTA295. À l’identique, les frises tauroctones du Forum de Trajan traduisent le concept de Dacia capta : on se souvient d’ailleurs que la clé d’un arc ( ?) trajanien (originaire du Forum ?) portait une représentation de cette dernière, assise sur des armes. Enfin, le thème est fréquent dans le monnayage trajanien. Les représentations numismatiques de la Dacia capta comportent des éléments repris dans le decor du Forum : la Dacie éplorée y est assise sur des monceaux d’armes, devant un trophée ; ou bien elle apparaît, mains liées dans le dos, sur un amas d’armes296.
103Quant aux frises d’Amours abreuvant les griffons, elles signifient, à notre avis, le volet complémentaire à la victoire, c’est-à-dire la prospérité née de la conquête. Traduisons en quelques mots ces représentations : l’agrandissement de l’Empire et la prospérité sont fruits de la victoire dace, laquelle tient aux vertus de l’empereur et à la punition de la superbia des Daces par Jupiter et son représentant, l’Optimus Princeps (que l’on se souvienne de la scène 24 de la colonne Trajane, pl. XXVIIa ; que l’on se souvienne aussi des travaux garantissant l’approvisionnement en blé de Rome par la création du port de Trajan à Ostie, payés à n’en pas douter par le produit des campagnes daciques297, et des alimenta en faveur des citoyens italiens).
104L’imitatio de César, assassiné au seuil d’un projet contre les Parthes, et celle d’Alexandre le Grand, ont souvent été invoquées pour l’expédition parthique de Trajan298. Elles étaient également possibles pour l’expédition dacique. On l’a vu pour César mais, d’après Strabon, Alexandre le Grand avait lui-aussi mené une expédition sur les confins gètes. Il y rencontra un obstacle naturel majeur, le Danube :
Car lorsque Alexandre, fils de Philippe, dans son expédition contre les Thraces au-delà de l’Haemus, envahit le pays des Triballians et vit qu’il s’étendait aussi loin que l’Ister et les îles de Peuce sur l’Ister, et que les régions au loin étaient tenues par les Gètes, il s’avança jusqu’aux îles de l’Ister, dit-on, mais ne put débarquer sur les îles à cause de la rareté de navires [...]299.
105Et Plutarque d’ajouter, à propos des raids du jeune conquérant macédonien contre les Géto-Daces et les Thraces :
Alexandre avait seize ans ; resté en Macédoine [...], il soumit ceux des Maides qui étaient en rebellion ; il prit leur ville, en chassa les barbares, y établit des colons de diverse provenance et lui donna le nom d’Alexandropolis.
106Plus loin :
Il arrêta donc les mouvements des barbares et les guerres qui le menaçaient de ce côté en courant rapidement avec son armée jusqu’à l’Istros [...]300.
107L’imitatio et le dépassement d’Alexandre transparaissent peut-être dans le second volet du serment de Trajan : il franchit l’Istros sur un pont de pierre, ce que montre ostensiblement la colonne Trajane, alors que le Macédonien ne le put. Mais l’émulation se manifeste plus sûrement dans un autre domaine.
Le protégé de Jupiter
108Les modèles de Trajan n’étaient pas caractérisés par leur inertia, bien au contraire. Ce sont les hauts faits de ces conquérants qui l’intéressaient. On peut supposer que la victoire et la romanisation de la Dacie servaient, dans ce discours, à démontrer les qualités liées au surnom d’Optimus Princeps, mais aussi la permanence de la faveur divine qui s’était manifestée lors de son adoption. Un type monétaire célébrait justement I.O.M. CAPITOLINUS301.
109Domitien avait une dévotion particulière pour Minerve, promue sous son règne divinité protectrice de l’empereur, et pour Jupiter Victor302. Niels Hannestad souligne avec raison que Domitien portait aussi une dévotion à Hercule303 puisque, selon Martial, il donna à la statue du dieu, dans le nouveau temple de la Via Appia, ses propres traits : « Hercule, toi qu’est bien forcé à présent de reconnaître comme sien le dieu Tonnant du Latium, depuis que tu portes le beau visage de César notre divinité [...] »304. Cette dévotion avait cependant des limites. Si on rencontre de nombreuses monnaies domitiennes avec Jupiter et Minerve, il n’en existe aucune avec Hercule305. Avec Trajan, se déroule le processus inverse : Minerve, sans disparaître, connut une éclipse au profit de Jupiter et d’Hercule.
110La présence du premier est logique. Celle d’Hercule a fait songer à une dévotion particulière de l’empereur, originaire d’Italica, envers l’Hercule de Gadès. La présence de la divinité obéit en fait à une logique autre, plus profonde qu’une simple proximité géographique (l’Hercule de Gadès n’apparaît, soulignons-le, dans aucun acte officiel du règne trajanien, de ce fait sa mention nous semble une construction mentale des commentateurs modernes)306. Pline le Jeune le révèle :
[...] cet empereur [Domitien], bien que fainéant et jaloux des mérites d’autrui même quand il en avait besoin, conçut pour toi autant d’admiration, un peu mêlée d’alarmes, que le fameux rejeton de Jupiter en inspirait à son roi après les durs travaux [...]307.
111Si le futur gouverneur de Bithynie assimile Trajan à un nouvel Hercule, c’est d’abord parce que le nouvel Optimus Princeps a, selon lui, servi sous Domitien comme Hercule sous les ordres du roi Eurysthée... Toujours sous le règne de Trajan, Plutarque associe, de manière classique, les conquêtes d’Alexandre et les travaux d’Héraclès :
[Alexandre] pouvait mettre en avant pour sa campagne la mort d’Alexandre le Molosse mort à Pandosia sous les coups des Bruttiens et des Lucaniens, mais son véritable motif, c’était la passion de la gloire et du pouvoir qui le poussait à attaquer toute la terre, faisant de lui un émule et un rival de Dionysos et d’Héraclès, pour aller plus loin qu’eux dans son expédition308.
112L’association de Jupiter et d’Hercule dans le monnayage trajanien s’inscrit donc dans une vaste thématique et une tradition bien établie, quoique délaissée à Rome depuis Antoine mais actualisée à l’époque de Trajan.
113Les textes en témoignent, les philosophes et rhéteurs de l’époque ont élaboré une profonde réflexion sur la nature du régime impérial. Expression la plus aboutie sur le sujet, ils fournissent un cadre pour ordonner la totalité des thèmes rhétoriques identifiés jusqu’à présent, la formulation d’une « théorie politique » utilisable, croyons-nous, pour décrypter l’idéologie trajanienne. Observons ainsi les Discours de Dion de Pruse, qui mettent en parallèle Alexandre et Aristote d’un côté, Trajan et lui-même de l’autre309. Plus précisément, Dion Chrysostome présente Héraclès, instruit par Hermès, comme un monarque ayant choisi d’être respectueux de la justice, de la paix et de la loi, bref comme modèle du parfait monarque dans la pensée stoïcienne. Croisant une prophétesse, Dion de Pruse s’entend prédire – et, par cette astuce rhétorique, déclame devant Trajan les paroles qu’il prête à la prophétesse310 :
Un jour, tu rencontreras un puissant homme, le maître de beaucoup de terres et de peuples. N’hésite pas à lui raconter l’histoire que je vais dire même si certains te ridiculisent comme un vagabond bavard. [...] Héraclès était, comme tous les hommes l’admettent, le fils de Zeus et Alcmène, et il était roi non seulement d’Argos mais de toute la Grèce.
114Pour éprouver Héraclès, Zeus lui envoie Hermès : « Hermès donc vint à Thèbes, où le jeune Héraclès était éduqué, et lui dit qui il était et qui l’envoyait ». Il le guide au pied d’un chemin qui mène à deux pics :
L’un porte le nom de Pic Royal et était consacré à Zeus le Roi ; l’autre, le Pic Tyran, était nommé d’après le géant Typhon. Il y avait deux approches possibles, chacun la sienne. Le sentier menant au Pic Royal était sain et large, si bien qu’une personne monté dans une voiture pouvait y entrer sans risque de mésaventure, s’il avait l’autorisation du plus grand des dieux. L’autre était étroit, tordu, et difficile, si bien que beaucoup de ceux qui l’empruntaient se perdaient entre les falaises et dans le torrent au-dessous, la raison étant, je crois, qu’ils transgressaient la justice en prenant ce sentier [...]. Mais en fait le Pic Royal se dresse si haut au-dessus de l’autre qu’il se tient au-dessus des nuages dans l’éther pur et serein [...]311.
115L’éloge est clair, et le philosophe grec, qui lut le premier de ses Discours à Rome en présence de Trajan, et le lui dédia, définit ensuite les qualités d’un souverain. La première est qu’il ne se considère pas comme un dominus (ou despotès). Ce point est repris par Pline le Jeune : « Que nos flatteries n’égalent pas l’empereur à une divinité. Nous ne parlons pas d’un tyran, mais d’un concitoyen (civis) ; nous ne parlons pas d’un maître, mais d’un père (parens) »312. L’empereur se doit aussi d’être bon, juste, pieux, proche de ses soldats mais exigeant en termes de discipline, habile à la guerre mais épris de paix313 (on retrouve ici une autre formule de Pline : non times bella nec prouocas314). Il doit encore faire preuve de virtus (ou arété) et de sagesse, garanties de la felicitas315.
116Prototype du bon monarque, Héraclès est, dans la pensée de Dion de Pruse, placé à ce poste par Zeus. Le parallèle avec Trajan était aisé, l’Optimus Princeps ayant été adopté, comme l’écrit Pline, devant le temple capitolin de Jupiter Optimus Maximus à la faveur d’un omen :
Toute la foule qui assiégeait le parvis, quand à ton entrée on ouvrit les portes, salua, à ce qu’elle crut alors, Jupiter Imperator, mais c’est à toi, comme l’a prouvé l’événement, qu’elle donnait ce titre.
117Et plus loin :
Aussi n’est-ce pas dans un appartement, mais dans un temple, non devant le lit nuptial, mais devant le pulvinar de Jupiter Optimus Maximus que l’adoption a été consommée, qui fondait enfin non pas notre servitude (seruitus), mais notre liberté (libertas) et notre bonheur (salus) et notre sûreté (se-curitas)316.
118Ainsi en insistant sur le parallèle Trajan-Héraclès, Dion de Pruse reprenait et développait, dans un cadre philosophique, un thème largement répandu dans les premières années du second siècle317.
119Tout au long du saeculum de Trajan, nombre de monnaies reprennent l’image de Jupiter (pl. LXXXIa)318, accompagnées de la légende « Au protecteur du Père de la Patrie », donc à « Jupiter protecteur de Trajan », et la silhouette apparaît concurremment à l’image d’Hercule (pl. LXXXIb-c)319, tant dans les frappes impériales que sénatoriales. Les monnaies restaurées en témoignent également : on se rappelle la monnaie de Vespasien restituée par Trajan320 avec, au revers, une étoile entre les bustes de Mercure et Jupiter. Si le sens originel, avec l’étoile, paraît être l’apothéose, sa perception en différait peut-être au début du règne de Trajan : les observateurs pouvaient par exemple y déceler l’évocation des deux divinités parèdres d’Hercule selon la pensée philosophique des cyniques et stoïciens. Dès le ive siècle avant J.-C., ces derniers considéraient comme essentielles quatre vertus, bien connues321 : justice, courage, piété et tempérance. À la suite de divers auteurs latins, Cicéron élabora un système inspiré de cette philosophie322, qu’Auguste adopta sous la forme latine de iustitia, virtus, pietas et clementia323. Comme on sait, ce système perdura. La bibliothèque de Celsius à Ephèse, contemporaine du Forum de Trajan, avait pour décor quatre personnifications exaltant les vertus du défunt : Arété (Courage), Epistimi (Science), Sophia (Sagesse) et Ennoia (Intelligence)324. Relisons Plutarque, autre contemporain de Trajan, à propos d’Alexandre :
[Alexandre] confirme cette idée stoïcienne que « tout ce que fait le sage, il l’accomplit avec le concours de toutes les vertus » : car si l’une d’elle joue le premier rôle dans une action, elle fait appel à toutes les autres et les entraîne vers le but. C’est en tous cas ce qu’on peut voir chez Alexandre : les vertus guerrières et la bonté, une douceur virile, une libéralité économe, des emportements faciles à calmer, une sensualité maîtrisée, un abandon sans mollesse, une aptitude égale au labeur et au délassement325.
120Le Panégyrique de Pline constitue, de manière identique quoique plus conforme à l’idéal romain, un éloge des vertus du Princeps326 ; la frise de la colonne Trajane développe un discours similaire, loin de l’interprétation qui voulait y voir « la quintessence de la propagande militaire impériale, illustrant combien les empereurs souhaitaient apparaître au Sénat et au peuple dans leur rôle militaire »327. L’objectif était plus large. Les sophistes considéraient que le ponos (labor pour les Latins), dont la guerre fait partie, est nécessaire au kléos (gloria ou fama à Rome). Le but de l’exploit est de révéler l’arété du souverain (ou andreia ; latin virtus) ainsi que sa sophrosuné (sapientia ou clementia), de susciter une admiration méritée et de perpétuer le souvenir du souverain. Tel est, en résumé, le propos de la colonne Trajane, conforme sur ce point à la fonction de nombre de monuments funéraires328. E. Valette-Cagnac décrit ainsi les tombeaux à épitaphes romains : « Par le monument et l’inscription qui lui est apposée, le lecteur veut témoigner de son existence et garder (conservare) la vie en la transformant (effere) en une nouvelle essence, la gloire posthume (fama) ». Et plus loin elle donne cette définition de monumentum : « De la même façon, le terme latin monumentum renvoie à un ensemble : le tumulus et l’inscription qui lui est apposée, et n’est rien d’autre que le lieu où s’enracine, s’actualise la memoria »329. Le constat peut s’appliquer, au prix de quelques adaptations, à l’iconographie et à la fonction de la colonne Trajane330.
121Ce constat n’est pas pour surprendre. Outre l’ambiguité du décor architectural de la colonne, déjà souligné, la frise historiée perpétue le souvenir des res gestae de l’empereur. Comme Hercule, Alexandre331 ou César (lors de ses cinq triomphes), c’est par ses actes que Trajan revendique l’excellence, et par ses reliefs qu’il en assure la mémoire. Son exploit le plus important, montré par les scènes de la frise, est justement l’extension des frontières de l’Empire. Certes, la revendication est classique dans la mentalité romaine, et signe de pietas puisqu’une guerre victorieuse est d’abord menée avec l’assentiment des dieux332. À cette valeur, s’ajoute l’interprétation philosophique du même exploit : pour les stoïciens, les succès sont liés à la présence d’un rex iustus333 à la tête de l’Etat, qui trouve là l’occasion de démontrer, entre autres, sa virtus et sa iustitia, tandis que l’adversaire subit les conséquences de sa superbia. Ainsi Plutarque comparait-il Alexandre à un sage usant, dans toutes ses actions, de toutes ses vertus334. Avec l’aide des dieux, qu’il se concilie par la pietas, le rex iustus est assuré de la victoire, laquelle amène paix, prospérité et sécurité universelles. Conformément à cette conception, la frise de la colonne Trajane insiste sur les travaux entrepris par l’empereur et son armée. Elle manifeste l’avènement de l’Optimus Princeps, qui retire de ses actes une gloire méritée. Le négatif de ce portrait est bien sûr le tyran, qui usurpe les succès militaires et exerce un pouvoir excessif sur ses sujets.
122Trajan n’est pourtant pas resté dans l’historiographie comme modèle de l’empereur philosophe, au contraire d’Hadrien ou de Marc Aurèle. Citons à ce propos un épisode douteux. Flavius Philostratus, né vers 170 après J.-C., rapporte sur Dion de Pruse, dans sa Vie des Sophistes, l’anecdote suivante :
Et vraiment le charme de cet homme [Dion] était tel qu’il captivait même les hommes qui ne comprenaient pas le grec. Un exemple de ceci est que l’empereur Trajan, à Rome, le plaça à son côté sur le char d’or dans lequel les empereurs montent en procession lorsqu’ils célèbrent leurs triomphes, et il se serait tourné vers Dion et aurait dit : « je ne comprends pas ce que tu dis, mais je t’aime autant que je m’aime »335.
123Le portrait en philosophe de l’Optimus Princeps trouverait donc sa source, moins dans l’attachement personnel de celui-ci à la philosophie, que dans un système de valeurs habituel à Rome. Mais en dépit de Flavius Philo-stratus, le passage par le stoïcisme ne paraît pas aberrant, ne serait-ce qu’en raison de la réhabilitation d’Hercule par Trajan.
124Il l’est d’autant moins que le modèle philosophique d’Héraclès, instruit par Hermès, était bien présent sur le Forum de Trajan. En 1556 fut découvert un relief, aujourd’hui perdu, qui associait la tête de Trajan à celle d’Hercule et de Mercure336. On en ignore la localisation comme les caractéristiques, mais dans le décor du Forum seule la Grande Frise de Trajan présente des personnages divins (fig. 43 et pl. LVIIIa). A.-M. Leander-Touati y a reconnu : Victoria qui couronne Trajan, Virtus casquée devant l’empereur et Honos derrière Virtus. Les personnages alentour sont des soldats, et la scène est comprise comme adventus, par la présence d’un arc à gauche de la scène, que le réaménagement sur l’arc de Constantin a presque complètement effacé.
125L’arc de Bénévent propose des compositions allégoriques proches337. Sur ce monument élevé lors de la profectio parthique de Trajan, figurent nombre des thèmes trajaniens identifiés sur d’autres supports. Ainsi en est-il de la libertas républicaine338, incarnée par les deux reliefs inférieurs tournés vers la cité : avant d’entrer dans Rome, l’empereur, en toge, attend l’invitation du praefectus urbi, manifestation éclatante d’un gouvernement respectueux des institutions ; il est d’ailleurs acceuilli par un groupe d’allégorie, Genius Senatus, Genius Populi Romani et Genius Ordinis Equestris, tous trois signe de la Concordia Ordinum.
126Le thème de l’élection divine ne pouvait bien sûr être absent. Dans une scène de l’attique (fig. 45)339, Jupiter tend le foudre en présence, entre autres divinités, de Mercure et d’Hercule340. Trajan n’apparaît pas dans ce relief, mais l’attitude de Jupiter laisse supposer une délégation ou une assistance du dieu à l’empereur341. Car tel est, on l’a dit, l’élément clé de la rhétorique officielle du règne : Trajan manifeste sa différence en substituant aux références dynastiques de ses prédécesseurs un discours basé sur ses vertus personnelles. L’emploi systématique de la légende OPTIMO PRINCIPI sur les monnaies le laissait déjà supposer, de même que la présence de Trajan en compagnie de Jupiter sur une monnaie frappée à l’occasion d’un vota extraordinaria, lors du départ parthique de Trajan (pl. LXXXIa) : si le dieu n’y donnait pas le foudre à l’empereur (ce dernier tenait un sceptre et une branche de laurier), il le dominait de son bras étendu. La séparation numismatique stricte entre domaines divins et humains se retrouve donc sur l’arc de Bénévent, ce qui confirme la cohérence déjà soulignée des productions trajaniennes.
127Si l’on admet l’existence d’un système rhétorique cohérent, élaboré dans l’entourage impérial et influencé par le stoïcisme, il devient possible de proposer une suggestion quant à la Grande Frise. Les parties conservées présentent un adventus de Trajan où l’empereur est accueilli par Virtus et Honos. La composition est proche du relief de Bénévent. Le possible second volet, que nous envisagions à partir des reconstitutions architecturales, pourrait dès lors être précisé342. Il s’agirait d’une profectio marquant le début des opérations. Et pour préciser cette hypothèse (en utilisant le relief aujourd’hui perdu mais aperçu en 1556) : seraient apparus, en début de la Grande Frise, Mercure accompagné d’Hercule guidant Trajan lors de la profectio ; tandis qu’en fin de campagne Virtus et Honos accueilleraient l’empereur victorieux. La proposition est bien sûr invérifiable... Pour mémoire, mentionnons la symétrie existant, sur l’arc de Bénévent, entre la scène où figurent Jupiter, Mercure et Hercule343, et celle où Trajan était accueilli par le Genius Senatus, le Genius Populus et la personnification Ordo.
128La cohérence des représentations que Trajan donne de lui-même témoigne en tout cas d’une utilisation réfléchie du thème de l’Optimus Princeps344. Cela ne devrait pas surprendre de la part d’un homme dont Dion Cassius écrit que, « sans avoir la science parfaite de l’éloquence, il en connaissait les procédés et les mettait en pratique »345. L’association avec Jupiter et Hercule s’intègre dans un système idéologique qui embrassait la totalité des valeurs illustrées par le Panégyrique de Pline ou les représentations monétaires. Ce discours, élaboré semble-t-il dans le milieu sénatorial, était-il perçu par le grand public ? Il est souvent répondu de manière ambivalente par les commentateurs contemporains, au prétexte que le langage iconographique trajanien est plus réaliste (et militaire) que celui d’Auguste, sans « écrans culturels, (...) souvenirs historiques, (...) citations plastiques plus ou moins érudites qui, au début de l’Empire, et dans le Forum d’Auguste particulièrement, délivraient un message clair, mais accessible seulement à une élite »346. Nous reviendrons sur l’apparente simplicité du message trajanien, pour insister sur l’ampleur de sa diffusion. Ainsi la rhétorique numismatique de l’Optimus Princeps laisse supposer une large diffusion des thèmes analysés ci-dessus, et en particulier un ensemble de documents, rares aujourd’hui mais destinés à une large diffusion : les semisses et quadrantes trajaniens. Leur datation est incertaine, mais la frappe des divers types paraît s’étendre sur la totalité du règne de Trajan347. On distingue :
type 1 : avers (première variante) : tête de Trajan. Revers : une table de jeux athlétiques avec un vase et une couronne ; ou : Hercule debout, tenant la massue, ou : louve marchant, ou : un sanglier.
Aussi : avers (seconde variante) : tête d’Hercule, avec la léonté. Revers : la massue, ou : un sanglier marchant.
Aussi : avers (troisième variante) : tête de Minerve casquée. Revers : un bouclier et une lance.
type 1bis : avers (troisième variante) : tête de Minerve casquée. Revers : Diane marchant avec l’arc, ou : une chouette.
type 2 : avers : tête de Trajan. Revers : une table de jeux athlétiques, décorée de deux griffons, avec un vase et une couronne.
type 3 : avers : tête de Trajan. Revers : louve marchant348.
129Cet ensemble, homogène par le jeu des variantes, a été étudié par Daniel Nony. Ce dernier s’intéressait plus particulièrement à la louve, « rien d’autre que l’équivalent de dea Roma »349, mais il soulignait les associations thématiques de Minerve et la chouette (utilisées par Néron, mais surtout Domitien) ou Hercule et le sanglier. La présence de Minerve et de Diane restaient pour lui à élucider, de même que l’association de Trajan à Hercule.
130L’origine de ces types est diverse. Diane apparaît sur un denier de Nerva, la table agonique est présente de Néron à Domitien, mais Hercule connaît une éclipse depuis Auguste et la bataille d’Actium. « La véritable nouveauté, la principale, dans cette série, c’est le retour d’Hercule »350, conclut avec justesse Daniel Nony, et son analyse est de fait centrée sur le nouveau venu. « Compagnon de Diane chasseresse, compagnon et protégé de Minerve351, compagnon et protecteur du prince (...), [Trajan] insiste sur le côté romain d’Hercule, venu comme lui de Bétique à Rome [...] »352. Si nous sommes d’accord sur la tonalité générale de ces monnaies de cuivre, « destinées aux citoyens romains d’Italie en priorité »353, il apparaît que la table agonique n’est pas l’intruse que D. Nony veut en faire354 et que la dévotion de Trajan envers Hercule n’est pas liée à son origine géographique355.
131Minerve, Diane et Hercule caractérisent des divinités actives, guerrières, chasseresses ou exterminatrices de monstres. Les signes (chouette, bouclier et lance, massue, sanglier) indiquent les qualités nécessaires au souverain, le vieux couple sapientia-virtus356, lesquelles peuvent s’exprimer dans la guerre comme dans la chasse – et on sait, par Pline, que Trajan pratiquait la chasse avec succès :
Jadis voici ce qui faisait l’entraînement de la jeunesse et sa joie, voici les exercices qui formaient les futurs chefs : lutter de vitesse avec les bêtes les plus rapides, de force avec les plus hardies, d’adresse avec les plus rusées ; et l’on ne tenait pas pour un mince honneur en temps de paix de chasser des campagnes les incursions des fauves et de délivrer d’un véritable siège les travaux des champs. Même cette gloire était usurpée par ces princes qui étaient incapables de la mériter [...]. Lui, il prend autant de peine à les chercher qu’à les saisir, et c’est à les lever qu’il se donne le plus de mal, mal (labor) qui lui procure le plus de plaisir357.
132À défaut de reliefs historiques exaltant des conquêtes militaires et les qualités personnelles essentielles du souverain qu’elles révèlent, Hadrien fut représenté en chasseur dans les tondi aujourd’hui sur l’arc de Constantin358.
133Dans le contexte de l’action révélant les qualités du prince, la table agonique prend toute son importance. Le contexte est bien celui de l’arété démontrée par l’agon. Nous avions déjà évoqué cette sphère d’activité pour la frise historiée, à propos du crible présent dans l’omen d’ouverture de la guerre aligné avec l’apparition de Jupiter (pl. XXVIIa). L’attitude du personnage tombant de la mule était empruntée aux représentations agoniques, et le crible rappelait formellement les récompenses offertes aux attelages victorieux dans le cirque. Que le contexte de son apparition soit celui de l’arété révélée par le combat, qu’elle soit également promesse de victoire et de kléos, de gloire, paraît renforcé par la série des semisses trajaniens.
134Si Trajan est un nouvel Hercule, il l’est en tant que bon souverain et civilisateur. Le thème est classique, et Plutarque, on l’a vu, l’évoque à propos d’Alexandre : « ils [les barbares] n’auraient pas connu la civilisation s’ils n’avaient pas connu la défaite ». Plutarque fait encore dire au Macédonien :
« Si je ne songeais pas à fusionner le monde barbare et le monde grec, à parcourir tous les continents pour les civiliser, à découvrir les limites de la terre et de la mer pour reculer jusqu’à l’Océan les frontières de la Macédoine, à semer et à répandre dans toutes les nations la justice et la paix grecques, je ne me contenterais pas de trôner dans le luxe d’un pouvoir oisif : j’aurais pour idéal la simplicité de Diogène »359.
135Comme Hercule, comme Alexandre, Trajan conquiert par la virtus et gouverne avec sapientia, le tout grâce à la providentia deorum. Sa dévotion à Hercule, véhiculée par les se-misses, n’est en fait qu’un des signes par lesquels est diffusée une pensée exprimée, dans d’autres cercles, par Pline et Dion de Pruse et destinée par Trajan à un cercle bien plus large sur son Forum et dans son monnayage. Cela n’exclut nullement une dévotion personnelle à ce dieu : Filippo Coarelli a rappelé l’existence d’une inscription découverte à la Renaissance à Rome et portant le texte Herculi / Conservatori / domus Ulpiorum / sacrum / M. Ulpius / Verecundus360. L’inscription émane d’un affranchi de la famille et se situerait, pour l’auteur italien, sur l’emplacement de la maison privée de Trajan à Rome. Force est de constater, une nouvelle fois, que l’inscription ne décrit nullement le dieu comme celui de Gadès361, et que la faveur de Trajan pour Hercule renvoie, dans l’espace public comme dans l’espace domestique, à un Hercule « classique » plutôt qu’au Gaditain...
136Outre le fragment de relief aujourd’hui disparu et qui associait Trajan, Mercure et Hercule, le Forum de Trajan témoignait de maintes manières des qualités de l’Optimus Princeps. La victoire dacique avait permis à l’empereur d’abattre la superbia des Barbares : on l’a dit, le motif des Daces, pris visuellement dans l’entablement des portiques, renvoyait à leur superbia et justifiait l’action de l’empereur. Sa statue équestre au centre de l’area Fori était le point de convergence des imagines clipeatae des empereurs précédents, tandis que les absides honoraient les fondateurs des provinces romaines. Mais il y avait peut-être davantage. Après l’anecdote sur les Caryatides et les Perses, Vitruve rapporte un troisième récit à propos des colonnes anthropomorphes :
À nouveau, si des statues masculines portent des consoles ou des corniches, nous les appelons telamones, sans qu’un manuel ne précise ce qu’ils sont et pourquoi on les nomme ainsi. Mais les Grecs les nomment Atlantes. Car, dans l’histoire, Atlas est représenté comme soutenant l’univers, parce qu’il fut le premier par sa grande intelligence et son habileté à faire connaître aux hommes la course du soleil et les révolutions de la lune et de toutes les étoiles362.
137Le choix de figurer les Daces en Atlantes autour de l’equus Traiani, dans l’entablement et les absides disposées de part et d’autre du cardo du Forum, renvoie à une mise en ordre du monde et de l’univers. La statue au sommet de la colonne Trajane, dont la silhouette est préservée par des monnaies (pl. LXXIIa), montrait précisément l’empereur avec l’orbe surmonté d’une victoire dans la main droite363. Motif traditionnel certes depuis la statue d’Athéna Parthénos à Athènes, de Zeus olympien ou encore de Pompée dans son théâtre, motif réactualisé sur le Forum de Trajan dont l’iconographie s’appuyait bien sur des « écrans culturels, souvenirs historiques et citations plastiques plus ou moins érudites », pour reprendre la juste expression de Pierre Gros364.
138Cette exaltation de l’empereur, maître du monde et garant de son ordre, dominant les bibliothèques grecque et latine mais aussi les reliefs de style « italique » et « hellénistique » de la colonne et de la Grande Frise, eut une grande postérité. Deux exemples pour en témoigner et, en partie, éclairer le projet trajanien à la lumière de réutilisations postérieures : le buste de Commode en Hercule tout d’abord, conservé aux Musées Capitolins à Rome365. Il est à placer dans la même tradition herculéenne de l’exaltation du souverain inaugurée par Trajan. Par son aspect synthétique, cette statue fournit un commentaire exceptionnel à l’association virtus, labor et felicitas évoquée à propos de Trajan. Commode, coiffé de la léonté, tient dans la main droite la massue, signe de virtus, et dans la main gauche des fruits, produits de la Felicitas. Le buste naît d’une pelte ornée d’une tête de Gorgone : l’emblème est repris sur de nombreuses statues impériales, en compagnie de griffons affrontés, par exemple sur la statue de marbre découverte sur le Forum de Trajan et représentant sans doute l’Optimus Princeps lui-même366. La pelte, sur laquelle s’appuie le buste de Commode, fonctionne comme rappel de ce labor qu’est la guerre, activité qui nécessite la sapientia, par l’allusion à Minerve que contient le Gorgonéion. La pelte s’appuie elle-même sur deux cornucopiae, signe de la prospérité matérielle, et sur l’orbe céleste, signe de l’ordre cosmique. Au pied du buste se trouvaient deux Victoires (ou deux Amazones), ce qui n’est pas pour surprendre367.
139Autre réutilisation du modèle herculéen : le Forum de Théodose à Constantinople. On sait que cet empereur imita le type de la colonne historiée368, mais on lui attribue également l’édification d’un arc à colonnes d’aspect ligneux, c’est-à-dire en forme de massue369. Et Lucia Faedo, qui a replacé ces réalisations dans le contexte idéologique du règne théodosien, insiste à plusieurs reprises sur l’origine trajanienne du modèle370. L’association Dion de Pruse/Trajan aurait d’ailleurs été actualisée par Thémistios dans ses discours en l’honneur de Théodose, lequel était présenté comme le successeur non seulement de l’Optimus Princeps, mais aussi d’Hadrien, Antonin et Marc Aurèle, par leur commune virtus371. Citons encore, dans la série documentaire rassemblée par L. Faedo : un médaillon de Commode le montrant en position de Grand Pontife (sacrifiant oper velato capite) face à l’Hercule dit Farnèse372 ; et une pâte de verre de la fin du ier siècle avant n.è., qui associe main et massue d’Hercule, main dont sortent également des volutes végétales (couronne, palme, épi...), signes à la fois de victoire et de prospérité373.
140Tels seraient déjà les thèmes du Forum de Trajan. Nouvel Hercule de par ses qualités personnelles, l’Optimus Princeps assurait la mise en ordre du monde. Au-delà des frontières, par la conquête, il provoquait la défaite des Barbares et menait à bien leur romanisation : des enfants portant des épis et des œufs (ou des fruits ?) accompagnent d’ailleurs la Provincia Dacia sur certaines monnaies trajaniennes, terre conquise, idée que la statue de Commode exprimait par l’association de la massue et des fruits. À l’intérieur de l’Empire, Trajan régnait en accord avec le Sénat, restaurait la Libertas et garantissait paix et prospérité par ses victoires. Décor architectural commun, les frises végétales, nombreuses sur le Forum, exprimaient cette Felicitas374. Les volutes d’où naissent candélabres et Amours sont à cet égard sans équivoque. Abreuvant les griffons, les Amours versent un liquide (du vin ?) depuis des canthares, et l’un des fragments montre un cratère orné d’une scène dionysiaque375. L’apparition de ménades et satyre dans ce décor peut surprendre. À tort. Leur présence accentuait l’atmosphère d’abondance qui suivit la lutte victorieuse contre les Barbares, et Alexandre le Grand était comparé à Héraclès et à Dionysos, qui avaient tous deux conquis l’Asie avant lui376. Enfin, on peut distinguer, dans cette frise d’Amours, un nouveau type d’allusions géographiques : l’Orient, par la référence à Dionysos triomphateur de l’Asie ; le monde nordique, l’Hyperborée et peut-être l’Asie encore, par les griffons et Apollon377 ; et par les Amours, Rome, qui maîtrise et pacifie les confins de l’Orbis Terrarum, grâce à Trajan et à Jupiter378. Ces thèmes étaient présents sur les deux nœuds rhétoriques de la colonne Trajane, exprimés dans un discours de type historique : le passage de la frontière et la défaite des Daces, dans les premières spires ; l’aspect civil et civilisateur de l’action de Trajan, sur les spires 12 à 15. Parallèlement à ce discours de pacification, était développé, par les scènes où Trajan sacrifiait en compagnie des citoyens de l’Empire, un discours républicain dont témoignait la présence de l’Atrium Libertatis sur le Forum, l’adjonction d’une basilique à son Forum ainsi que le nom du bâtiment, « Basilica Ulpia »379. Entre traditions républicaines et exaltation stoïcienne de la virtus, Trajan se posait comme un Hercule philosophe, un Princeps qui, sans s’affirmer stoïcien mais républicain, à la manière d’un Caton l’Ancien, assurait à la fois la Libertas des citoyens et leur sécurité dans l’Orbis Terrarum.
141Cette rhétorique était pour partie fruit des circonstances, pour partie fruit d’une mise en système délibérée. Trajan prit le pouvoir après une rupture politique, tout comme Auguste, bien que la fin de la République soit un phénomène autrement plus complexe que le meurtre de Domitien. Les événements qui amenèrent l’Optimus Princeps à l’Empire le placèrent dans l’obligation de se démarquer de son prédécesseur. L’hostilité rencontrée par le dernier des Flaviens, perceptible à travers quelques passages de Suétone, correspondait à une réalité tant sénatoriale et « philosophique » que populaire, et l’enthousiasme né de l’accession de Trajan au pouvoir paraît avoir été général.
142Conformément à ces attentes, le discours rhétorique du nouvel empereur rompit avec les principes dynastiques. Quels que soient le moyen utilisé et le public visé, ce thème de la qualité unique de l’empereur, hors lignage dynastique car choisi, demeure. Une telle convergence n’est pas attribuable au hasard. Le monnayage le plus modeste reprend de manière épitomique les longs argumentaires des textes littéraires. Ces derniers, émanant de et s’adressant à un milieu cultivé, avaient, par les recitationes mais aussi la proximité de leurs auteurs avec l’empereur, des prolongements officiels380. En retour, ils conditionnèrent sans aucun doute le « décodage » correct du décor du Forum, du moins par les contemporains de son inauguration.
4 – FORUM DE TRAJAN ET MODÈLES DE COMPORTEMENT
143Les présupposés culturels de l’observateur de la colonne Trajane l’aidaient à comprendre le récit présenté par la frise historiée. Si l’on reprend les propositions de Salvatore Settis formulées à l’endroit de la colonne Trajane, il est probable que le contexte architectural et culturel jouait effectivement en faveur de la lecture de celle-ci et qu’au-delà, la concordance thématique de la frise avec ce que l’on peut appeler l’idéologie trajanienne était totale381. La disposition architecturale du Forum, qui appartient à l’environnement culturel de la frise et relève de l’archéologie du regard évoquée en Introduction, devait avoir un impact considérable sur le mode de déchiffrement de la colonne Trajane. Pour un spectateur déambulant sur le Forum, ce déchiffrement s’appuyait sur le décor. Par ses thématiques et sa répartition spatiale élaborée avec soin, celui-ci pré-ordonnait les éléments nodaux dans l’esprit de l’observateur, facilitant par là leur reconnaissance sur le fût de la colonne. Encore fallait-il que le spectateur ait la capacité de reconstituer, à partir des thèmes épars, la cohérence du discours. On peut évoquer à ce propos quelques mécanismes romains de réception (et de diffusion) d’un discours complexe.
Le triomphe romain
144La cérémonie du triomphe a été maintes fois convoquée comme source iconographique possible pour la frise historiée382. Nous souhaitons reprendre ce parallèle, non pour insister après d’autres sur la similitude, réelle, entre ferculae à étage et spires superposées, mais pour cerner le fonctionnement discursif de ces deux manifestations officielles.
145Flavius Josèphe décrit, à propos du triomphe de Vespasien et Titus, les représentations peintes, comportant trois ou quatre étages, de paysages, de batailles, de cités assiégées, etc.383. Dans ces tableaux, les citoyens s’efforçaient d’identifier les sites et les événements, depuis les lieux ménagés sur le parcours afin que le peuple de Rome voit le spectacle384. À ce propos, le texte le plus complet est celui d’Ovide. Après une description de la pompa, il indique le mode de déchiffrement du spectacle : « Ce captif ou cet autre étaient des généraux ; et tu trouveras des noms à mettre sur leur visage, exacts, si tu peux, du moins vraisemblables »385. Pline le Jeune oppose quant à lui les faux triomphes de Domitien et le spectacle à venir des triomphes de Trajan :
Je crois contempler déjà un triomphe que chargent non les dépouilles de nos provinces et l’or extorqué à nos alliés, mais les armes ennemies et les chaînes des rois prisonniers ; je me vois cherchant à reconnaître ces chefs aux noms interminables et aux statures dignes de ces noms ; je crois voir les brancards lourds des atrocités qu’ont osées les barbares386, chaque prisonnier suivre, les mains liées, l’image de ses forfaits, puis toi-même qui, debout, du haut de ton char, presses par derrière les nations domptées, et devant ce char les boucliers que tu as transpercés de ta main387.
146On peut d’ailleurs se demander dans quelle mesure ce passage ne décrit pas réellement, quoique de manière allusive, le triomphe dacique de Trajan, le Panégyrique ayant été réécrit après coup, en vue de sa publication...
147Il y a plus. L’extrait reprend, thème après thème, le décor de l’area Fori. Les amas d’armes se retrouvent dans les panneaux de l’attique de la Basilica, sur la base de l’equus Traiani et de la colonne Trajane, enfin sur les trophées dominant l’entrée du Forum. L’aspect imposant et l’attitude des Barbares rejoignent parfaitement les statues de Daces des attiques, dont la position ignominieuse dit les forfaits. Trajan dans son char est présent tant sur l’entrée du forum que sur la Basilica. Enfin, les absides comportent une allusion aux « nations » domptées et devenues provinciae romanae. Or, la même disposition se retrouve verticalement sur la colonne Trajane. Le socle porte les amas d’armes. La frise, montrant la superbia de Décébale et la virtus de Trajan et de l’armée, est un déroulé vertical du décor de l’area Fori (les signa dominant les corniches insistent sur l’action de l’armée en Dacie, de même que les inscriptions avec le nom des unités). Enfin la statue de Trajan au sommet, globe à la main, signifie l’ordre qui règne dans l’Imperium romanum et évoque la silhouette de l’imperator qui, dans la pompa, le visage enduit de minium, évolue entre hommes et dieux. Une telle mise en ordre du monde était mise en scène de manière comparable lors des funérailles des empereurs. Si l’on détaille la cérémonie d’Auguste au début de l’Empire, ou celle de Pertinax en 193, se dégagent des composantes similaires388. Rien d’étonnant donc à ce que le décor du Forum emprunte aux pompae triomphales et funéraires : sa fonction commémorative était, dès l’inauguration, ambivalente, comme l’a souligné Paul Zanker389.
148Revenons au triomphe et à ses ferculae. La reconnaissance exacte des lieux, des personnages ou des batailles, était secondaire. En revanche les prisonniers, les villes conquises, les monts, les batailles, l’armée et l’empereur, présents tant sur la frise que dans la pompa, participaient d’un même type de discours. Les éléments, soigneusement sélectionnés et assemblés, avaient une cohérence dont l’objet était de mettre en exergue la silhouette de l’empereur victorieux (ou divus si l’on considère la cérémonie de l’apothéose). Et réciproquement, le spectateur, tel Ovide, les observait et pouvait en reconstituer le discours à son gré. Cela n’empêchait nullement la pompa de glorifier en priorité le triomphateur, ni la colonne Trajane de décrire en détail la conquête de la Dacie et l’expansion de l’Empire grâce aux vertus du Princeps. Dans les deux cas, la « lecture » de ces discours était dynamique : elle se faisait par la rencontre du spectateur et du spectacle observé, et elle était orientée : impossible de lire l’un ou l’autre « document » dans un sens autre que celui prévu pour lui, à savoir la glorification du personnage principal : l’empereur.
149On peut voir, dans la colonne Trajane et le Forum, la pétrification de la pompa triomphale, un triomphe perpétuel sculpté dans le marbre390. L’hypothèse est tentante, elle n’épuise cependant pas le sens du complexe architectural. Les écarts sont en effet importants. Pour commémorer sa victoire et son triomphe, Trajan a certes pu s’inspirer, sur le Forum, du principe organisateur de la pompa, à la différence que le mouvement émanait cette fois non d’un défilé au déroulement réglé et immuable, mais du parcours du spectateur lui-même. D’où le caractère à la fois répétitif et varié du décor qui, par ses redondances, rendait forcément perceptible le discours voulu par le commanditaire : les frises de végétaux ou de créatures fabuleuses, allusions aux frontières atteintes ; les statues des absides, allusion aux fondateurs des provinces ; la rhétorique des matériaux utilisés et leur disposition spatiale, dont la richesse renvoyait à l’étendue de l’Empire ; l’hellénisme de la Grande Frise ou le récit historique de la colonne, qui mettaient en scène et prouvaient, dans les deux langues culturelles de l’Empire, la réalité des exploits de l’empereur ; enfin la silhouette de Trajan et les registres qu’elle couvrait, à l’identique de la colonne : militaire, civil et religieux (fig. 15). Ce modèle triomphal est un des possibles, tout comme ceux de la pompa funebris et de l’exposition des res gestae du défunt, pratique républicaine avant que d’être augustéenne, et qui visait à assurer la memoria du défunt391.
150Un autre modèle paraît intéressant à décrire, puisqu’il est en rapport avec un usage culturel attesté à l’époque de Trajan.
La lecture à Rome392
151Parmi les compétences génériques accordées au spectateur de la frise historiée et de la Grande Frise, figurait la maîtrise de la lecture. Nous n’évoquons pas ici l’habitude matérielle de dérouler un volumen, mais : d’abord l’interaction constante entre textus et lecteur que suppose le déchiffrement oral de l’écrit dans l’Antiquité393 ; ensuite cette autre pratique romaine devenue au début du second siècle le mode de diffusion par excellence de toute œuvre littéraire : les recitationes394.
152Pline le Jeune est notre meilleur témoin du phénomène. Il en décrit la préparation et le déroulement, ainsi que les avantages : en lisant ses œuvres, « celui qui donne une lecture surveille lui-même ses ouvrages avec bien plus d’attention par respect pour ses auditeurs »395 ; la lecture publique permet d’améliorer l’œuvre par les avis des spectateurs396, par exemple dans cet extrait :
Je pense combien c’est chose importante de livrer une œuvre au public, et je ne puis me persuader qu’il ne convienne pas de remanier avec l’aide de beaucoup et plus d’une fois ce qu’on veut rendre agréable pour toujours et à tous397.
153Cela permet enfin de diffuser devant un public choisi398 un grand nombre d’écrits : car si Pline lit des plaidoyers, d’autres lisent de l’histoire, de la tragédie, des poèmes lyriques399, etc. Certes l’exercice ne va pas sans mal. La durée est un obstacle400, de même que l’effort de lecture demandé à l’auteur401. Le public est souvent difficile :
Il y a eu une grande production de poètes cette année ; durant tout le mois d’avril presque aucun jour ne s’est passé sans quelque lecture [...] en dépit de la mauvaise volonté des auditeurs à se réunir. Presque tous vont s’asseoir dans une salle de rendez-vous (statio) et passent le temps de la lecture en conversations, de moment en moment ils font demander si le lecteur est déjà arrivé, s’il a prononcé son préambule, si la lecture est bien avancée ; alors seulement [...] ils entrent [...]402.
154Pour ne retenir qu’un exemple précis, la lecture publique du Panégyrique de Trajan fut un succès403. Et Pline en livre l’objectif, qui était
[...] de montrer aux princes à venir, non pas sur le ton d’un maître, mais cependant par l’enseignement d’un exemple (sub exemplo), quelle route est la plus sûre pour arriver à la même gloire (gloriam)404.
155Telle est aussi l’objet d’une œuvre historique, que ses amis le poussent à écrire. La définition qu’il en donne laisse croire qu’il songeait à une histoire du saeculum Trajani :
[...] il me semble beau par-dessus tout de ne pas laisser périr ceux qui ont droit à l’immortalité (aeternitas) et à travailler à la gloire (fama) d’autrui en même temps qu’à la sienne. Or, rien ne me touche davantage que l’amour et le désir de la durée, la chose du monde la plus digne du monde, pour celui-là surtout qui, n’ayant conscience d’aucune faute, n’a pas à redouter que la postérité se souvienne de lui. [...] Car à un discours et à un poème manque beaucoup d’agrément quand la forme n’en est pas achevée ; l’histoire, de quelque manière qu’elle soit écrite, charme »405.
156Notons que de telles considérations conviennent parfaitement à la frise de la colonne Trajane...
157Fama, l’opinion publique, la renommée, ou gloria, gloire, renom : l’histoire est le genre littéraire qui séduit par excellence le public de Rome et procure la gloire à ses acteurs. Pour reprendre le vocabulaire stoïcien, l’histoire est un ponos qui peut procurer un kléos immortel – ou : l’histoire est un labor qui, exaltant des actions exemplaires, procure l’aeternitas à ses acteurs, par la gloria ou fama, la renommée. Le souci de Trajan, sur son Forum comme dans ses écrits perdus ou sur l’arc de Bénévent, était bien de commémorer ses actions, à la manière d’Auguste prévoyant de faire lire à Tibère ses Res gestae devant le Sénat : geste républicain du magistrat rendant compte de ses actes, mais aussi auto-célébration visant à garantir l’apothéose. La proximité entre testament d’Auguste et recitationes de l’époque de Trajan est troublante406 : un empereur pour lecteur, le sénat pour auditoire, telle fut la recitatio posthume de la vie d’Auguste. Sa réception fut favorable, puisque gloria et aeternitas lui furent octroyées, l’apothéose étant en quelque sorte la reconnaissance, par la postérité, du labor qu’avait été la vie d’Auguste.
158La lecture posthume des Res gestae – et leur affichage devant le Mausolée, qui les transforma en épitaphe407 – visait à convaincre les auditeurs des mérites supérieurs d’Auguste et à assurer sa qualité de Divus. L’objet du Forum de Trajan était, par son décor et sa disposition spatiale, d’exalter les qualités de l’Optimus Princeps. Dans ce cadre, la réalisation du Temple du Divin Trajan (où qu’il fût, et quoi qu’il fût), terminé par son successeur Hadrien et le Sénat, inscrivit dans l’urbanisme de Rome l’aboutissement de la vie de l’empereur, avec la même valeur que la consecratio d’Auguste. Et Trajan obtint plus encore : seul parmi les empereurs, il eut une sépulture dans le pomérium408. Sa tombe portait, comme le Mausolée augustéen, ses Res gestae, à la différence qu’il s’agissait d’une colonne non pas inscrite, mais historiée. Un fragment d’Ennius, bien connu, dresse d’ailleurs un parallèle intéressant (il s’adresse à Scipion) : « Combien grande la statue, combien grande la colonne, le peuple romain doit-il élever pour qu’elles relatent tes grandes actions ? »409. Les diverses manifestations honorifiques (inscription funéraire, statue ou colonne honorifique) paraissent ainsi synonymes dans les mentalités romaines.
La disposition rhétorique
159Le caractère exceptionnel (ou affirmé tel) de la réussite de Trajan passe enfin par la comparaison systématique qu’il instaure entre ses actes et ceux des summi viri de l’histoire romaine (ce que Pline, on l’a vu, recherche et pratique dans le domaine littéraire410). Le thème transparaît tout autant dans l’urbanisme411. Dès l’abord, les dimensions exceptionnelles du complexe trajanien marquaient sa supériorité sur les réalisations de ses prédécesseurs – et la supériorité de ses actions, puisque ce Forum était érigé ex manubiis. Poursuivons le parallèle. Ces deux éléments (comparaison, avec volonté de dépassement) sont des fondamentaux de la rhétorique. Discutant de la longueur appropriée d’un plaidoyer, Pline le Jeune indique que l’on peut choisir entre concision ou développement, mais précise qu’« un discours dans un esprit pénètre moins par choc que par lente pression »412. L’ampleur favorise un accueil favorable :
Voyez les statues (statuas), les images (signa), les peintures (picturas), enfin les représentations (formas) d’hommes, d’animaux, même d’arbres : pourvu qu’elles soient belles, rien ne les met en valeur comme de grandes proportions (amplitudo). Il en va ainsi pour les discours (orationibus)413.
160La variété stylistique est également un atout. Pline oppose un style sobre (seuerissimus ou austerus) à un style fleuri (laetus stilus), catégories que Pline l’Ancien utilisait déjà pour qualifier les deux registres de couleur à la disposition des peintres414 et dont il est possible d’identifier l’équivalent sur le Forum de Trajan. Certains espaces sont marqués par l’austérité (colonnes de granit gris, pavement de marbre blanc), d’autres par la richesse des coloris et des matériaux (colonnes de marbres colorés et pavement alterné de cercles et carrés). Des espaces mixtes, de transition, sont ménagés. L’area Fori comme la place autour de la colonne Trajane ont un pavement de marbre blanc et des portiques à colonne de pavonnazzetto. Les espaces internes et couverts, absides ou nef centrale de la Basilica, ont un pavement de cercles et carrés colorés, mais des colonnes de granit gris. Les nefs latérales, ouvrant sur l’area Fori ou la place de la colonne, ont des colonnes de granit gris et un pavement de marbre blanc. Enfin, les bibliothèques, autres espaces couverts, ont un pavement de granit gris mais des colonnes de pavonazzetto. Les seuils de ces espaces permettent également les transitions : les trois marches des portiques latéraux de l’area Fori, et les cinq marches menant à la Basilica, sont en giallo antico ; les bases et les chapiteaux de toutes les colonnes, quel que soit leur matériau, sont en marbre blanc de Luni. Le seul élément connu de l’élévation du Temple du Divin Trajan (ou des propylées) possède des colonnes de granit gris avec chapiteau de marbre blanc : la syntaxe architecturale du Forum s’y poursuivait donc, ce qui semble accréditer la thèse d’un projet initial global.
161Ces catégories de pensée, empruntées à la rhétorique ou à l’art romains, permettent de constater l’adéquation entre ces principes et la disposition du Forum de Trajan. Or la rhétorique, comme l’architecture, la peinture ou les recitationes, avaient pour objet d’établir vis-à-vis de l’observateur – ou de l’auditeur – une certaine veritas, qu’elle soit judiciaire, optique ou historique. Elle avait aussi pour objet d’emporter l’adhésion, de convaincre. Allons un peu plus loin. L’objectif terminal de la rhétorique était plus complexe, comme le révèle le manuel Ad Herennium (il s’agit du livre I, 3) rédigé vers 86-82 avant J.-C. par un auteur anonyme. Ce dernier définit cinq notions :
L’invention [c’est nous qui soulignons] consiste à trouver les arguments vrais ou vraisemblables propres à rendre la cause convaincante. La disposition ordonne et répartit les arguments : elle montre la place qui doit être assignée à chacun d’eux. Le style adapte à ce que l’invention fournit des mots et des phrases appropriés. La mémoire consiste à bien retenir les idées, les mots et leur disposition. L’action oratoire consiste à discipliner et à rendre agréables la voix, les jeux de physionomie et les gestes415.
162Et de même Cicéron :
L’invention consiste à trouver des choses vraies (res) ou vraisemblables capables de rendre une cause plausible ; la disposition consiste à mettre en ordre les choses que l’on a ainsi découvertes ; l’élocution consiste à adapter les mots convenables aux (choses) inventées ; la mémoire réside dans la perception solide des choses et des mots dans l’âme ; la prononciation consiste à contrôler la voix et le corps pour convenir à la dignité des choses et des mots416.
163Tels sont les objectifs terminaux de l’art rhétorique : après l’inventio (ou ordinatio), la dispositio et l’elocutio (ou fabrica), étaient visées la memoria et la pronuntatio.
164Autant la pronuntatio concerne essentiellement un orateur, autant le champ d’application de la memoria peut être étendu. Le mécanisme de la mémoire, et de la mémoire artificielle, doit pour les Anciens être soutenu par un dispositif particulier. Constat igitur artificiosa memoria ex locis et imaginibus, écrit l’auteur anonyme de l’Ad Herennium : « la mémoire artificielle s’appuie donc sur des lieux et des images ». Par « lieu », il faut entendre une forme architecturale imaginaire aisément identifiable par l’esprit (un entrecolonnement, un arc). Les « images » sont des formes ou des signes reconnaissables (formae, notae, simulacra). L’artificiosa memoria associe donc un lieu à un simulacrum et en tire un discours :
Car les lieux ressemblent beaucoup à des tablettes enduites de cire ou à des papyrus, les images à des lettres, l’arrangement et la disposition des images à l’écriture et le fait de prononcer un discours à la lecture417.
165Les caractéristiques requises pour ces loci imaginaires sont précisées. Ils ne doivent pas se ressembler, ne doivent être ni trop grands (sinon les images que l’on y place deviendraient vagues) ni trop étroits (sinon les images se superposeraient et cela créerait un encombrement) ; ils doivent être proches les uns des autres et le passage (imaginaire toujours) doit être aisé418 ; la lumière ne doit être ni trop abondante (sinon les images éblouissent), ni trop rare (sinon l’ombre obscurcit les images) ; enfin, les loci doivent être adaptés à la vision, « car comme l’œil externe, l’œil interne perd de sa puissance quand on place l’objet de la vision trop près ou trop loin »419. Nous retrouvons ici les recommandations traditionnelles de l’optique antique, et la suite confirme ce rapprochement.
166Les caractéristiques des images de mémoire sont les suivantes : il convient de « créer des images capables de rester le plus longtemps possible dans la mémoire », des images frappantes, aisément visibles et lisibles par l’œil interne (la couleur joue dans ce mécanisme un rôle comparable à celui qui lui est dévolu dans la théorie de la vision réelle), et aisément mémorisables. Pour y parvenir, il convient de suivre les recommandations suivantes :
Ce sera le cas si nous établissons des similitudes aussi frappantes que possible ; si nous employons des images qui ne soient ni muettes ni floues mais qui soient en action (imagines agentes) ; si nous leur conférons une beauté exceptionnelle ou une laideur singulière ; si nous en embellissons, par exemple avec des couronnes ou des habits de pourpre, pour que nous retenions mieux la ressemblance ; si nous enlaidissons un objet que nous présenterons par exemple souillé ou de boue ou barbouillée de rouge pour que l’aspect soit plus caractéristique420.
167Cette disposition imaginaire obéit à des règles strictes, qui sont celles de la rhétorique juridique. Mais la dispositio des mots et des orationes était perçue, dans l’Antiquité, comme semblable à celle des espaces et des images. Il n’est donc pas étonnant d’en trouver trace dans l’urbanisme romain, d’autant que le but restait, toujours, la mise en ordre d’un discours afin d’assurer sa mise en mémoire.
168Les divers espaces du Forum de Trajan portaient ainsi un decor qui obéissait aux principes énoncés ci-dessus. Pour prendre quelques exemples : l’equus Traiani, disposé sur l’axe central de la place, était le simulacrum majeur du premier locus de ce mémorial des exploits de Trajan que constituait le Forum. Autres simulacra majeurs disposés dans un espace secondaire, les statues de Nicomède et d’Auguste situées dans les absides – d’où leur mention par Pausanias : on peut faire confiance à cet observateur expérimenté pour avoir dégagé, dans sa description de l’espace, les deux statues principales du lieu : placées dans les structures courbes des apsides, les bustes d’ambre et d’ivoire en occupaient sans doute la niche centrale.
169On sait par ailleurs que la memoria entrait dans la définition stoïcienne de la vertu, que Cicéron définissait par la prudence, la justice, la constance et la tempérance :
La prudence est la connaissance de ce qui est bon, de ce qui est mauvais et de ce qui n’est ni bon ni mauvais. Ses parties sont la mémoire, l’intelligence, la prévoyance (memoria, intelligentia, providentia). La mémoire est la faculté par laquelle l’esprit radfppelle ce qui s’est passé. L’intelligence est la faculté par laquelle il garantit ce qui est. La prévoyance est la faculté par laquelle on voit que quelque chose va arriver avant que cela n’arrive421.
170Solliciter la mémoire fait partie des qualités d’un bon souverain puisqu’elle aide, tout comme l’histoire422, à prévoir et à bien gouverner. C’est en tout cas l’usage qu’en font Dion Chrysostome et Plutarque423. En ce sens, l’inauguration du Forum le 1er janvier 112 plaçait bien la cérémonie sous le patronage de Janus, le seul dieu qui voit, selon l’expression d’Ovide, « tout ce qui est devant et derrière »424.
5 – CONCLUSIONS
171On ignore si Trajan lut son récit des guerres daciques en public : sans doute s’agissait-il, à l’origine, des rapports écrits envoyés au Sénat en son absence, durant les opérations. Cependant, si modèle rhétorique à la colonne Trajane il y eut, ce fut sans doute celui des recitationes publiques. Les deux manifestations visaient à conférer la gloria à l’Optimus Princeps, l’une par le texte, l’autre par l’image – ce qui, dans la rhétorique de l’Ad Herrenium, est équivalent. Mais une recitatio est par définition temporaire, et son public restreint. La frise historiée et le décor du Forum s’employèrent à rendre la gloire de Trajan éternelle et à toucher la totalité des habitants de l’Empire. Signe que l’objectif discursif fixé par Trajan fut atteint, il obtint l’apothéose, matérialisée après sa mort par l’inauguration du Temple du Divin Trajan. Davantage qu’un triomphe minéral, l’utilisation funéraire du socle de la colonne Trajane fit alors, de la frise, des Res gestae perpétuelles, un appel à la lecture de la virtus et de la sapientia de l’Optimus Princeps. Comme pour Auguste ou Hercule, le labor qu’avait été sa vie, figuré sur le fût de la colonne, justifiait son apothéose425.
172Les structures communes entre recitationes, exercice rhétorique, architecture et iconographie, facilitaient, tout autant que le décor du Forum, la lecture et la compréhension des reliefs de la frise par un spectateur immergé dans la culture antique. Cette cohérence était volontaire. Elle utilisait les canons traditionnels de l’art romain (les imagines clipeatae, le groupe équestre de l’empereur en valeur sur l’axe central, des Atlantes pour exprimer la soumission des Barbares, etc.), mais Trajan, Apollodore et ses conseillers surent les organiser et les assembler pour garantir, d’abord une juste lecture des valeurs véhiculées, ensuite leur bonne réorganisation par le spectateur dans le sens, non d’un discours gentilice, si habituel depuis Auguste, mais d’une apologie personnelle de l’Optimus Princeps garant, par ses qualités, de la liberté de chacun.
173Il devient en conséquence abusif d’opposer le décor du Forum d’Auguste, que certains observateurs contemporains définissent comme élaboré en fonction d’un public amateur d’art attique, donc capable d’interpréter transpositions abstraites et allégories, bref doté « d’un haut niveau culturel », et le public du Forum de Trajan : les personnifications y seraient remplacées par de vrais Barbares, la culture disparaîtrait au profit d’un « réalisme facilement accessible. La représentation est beaucoup plus immédiate et facilement compréhensible »426. Pour expliquer cette évolution, d’autres chercheurs ont évoqué la mutation du langage iconographique à l’époque de Trajan, définie comme « la simplification des formes figuratives » et caractérisée par « l’absence de nouveaux thèmes et [...] un croissant désintérêt pour l’iconographie politique en tant que telle »427, bref une certaine dégradation due à la standardisation des formes, allant de pair avec un appauvrissement du discours. Ces analyses présupposent que la culture antique est obligatoirement grecque, et que le choix d’un motif nouveau, créé à Rome (par exemple les Daces prisonniers, en lieu et place des Caryatides du Forum d’Auguste) n’est pas en lui-même une manifestation culturelle originale ou un signe d’intérêt pour l’iconographie politique, ce qui nous semble éminemment discutable.
174Comparons le groupe des Danaïdes, placé par Auguste dans le portique du temple d’Apollon Palatin, à la colonne Trajane. Le premier renvoyait à la conquête de l’Égypte au moyen d’allégories tirées d’un mythe grec, sans mentionner la guerre contre Antoine428. Trajan montra les guerres daciques en un long déroulé, juxtaposant cette frise historique à une frise hellénistique où il se comparaît explicitement à Alexandre429. Le renvoi à ces deux traditions culturelles, le choix de développer en parallèle une frise historique et la Grande Frise, de raconter une continuité de faits et aussi de passer par un filtre allégorique, constituent des faits culturels signifiants. Cela ne révèle en rien un affaiblissement des traditions culturelles. Nous ne pensons pas qu’identifier les Daces prisonniers comme exempla servitutis fasse moins appel à un référent culturel que les Caryatides du Forum d’Auguste : le remplacement d’un motif traditionnel par une création demande forcément une remise en mémoire de la valeur du premier pour comprendre la seconde. Certes, la vision des Daces prisonniers est plus immédiate que celle des Caryatides, mais c’est oublier que remplacer les Caryatides, visibles à quelques dizaines de mètres à peine sur le Forum d’Auguste, par les Barbares du Forum de Trajan, n’était pas anodin430. Il y avait, dans ce décalage, un discours politique sur Auguste et sur son Principat, une véritable et importante intention rhétorique : celle d’affirmer la supériorité réelle, historique, du conquérant Trajan sur l’inerte Auguste (pour reprendre le qualificatif de Florus), affirmer aussi que les adversaires de Trajan étaient de « vrais » Barbares et non des légions romaines (celles d’Antoine) dont on ne pouvait montrer la réelle défaite, et que ses succès (récupération des enseignes) étaient dus à sa virtus plutôt qu’à sa diplomatie. C’était en outre affirmer le caractère romain, « républicain », du complexe trajanienne pourvu, lui et lui seul, d’une Basilica, et cet exercice conférait du sens non seulement au motif choisi, mais au décalage constaté entre le modèle (les Caryatides d’Auguste) et leur adaptation (les Daces de Trajan)431. Ce remodelage trajanien de « l’iconographie politique » démontre, au même titre que les restitutions monétaires ou les formes architecturales de son Forum, l’intérêt que Trajan portait à ce domaine432 et l’inventivité, le dynamisme de son langage iconographique qui renouvelle des formules utilisées sans désemparer depuis un siècle.
175Le Forum de Trajan témoigne d’une substitution volontaire : celle d’un vocabulaire iconographique romain à un vocabulaire visuel d’inspiration grecque. Ce n’est pas anodin, et ce fut une réussite. La diffusion en Asie mineure du motif des Daces prisonniers, leur reprise à l’époque des Sévères, témoignent de ce succès433. Les références grecques subsistent dans le decor du Forum de Trajan, mais elles sont masquées, secondaires. Elles interviennent comme un moyen, et non une fin. Le rappel à l’Hercule des stoïciens, la mise en ordre du monde que supportent les Daces prisonniers, la rhétorique des matériaux utilisés sur le Forum nécessitaient une culture certaine. Mais les séries monétaires, les thèmes littéraires de l’époque, diffusés par les recitationes, et le caractère traditionnel des valeurs véhiculées, en facilitaient la compréhension par un large public. Car si remodelage équivaut à appauvrissement, par quel artifice intellectuel peut-on critiquer l’appropriation par Trajan de thèmes augustéens, et faire dans le même mouvement l’éloge des emprunts augustéens à l’art archaïque et classique d’Athènes ? La démarche culturelle était dans les deux cas complexe, elle mérite mieux qu’un jugement sans appel au profit de celui qui, pour les Romains, fut le premier, mais non le meilleur.
176Avant de juger les choix de Trajan, il convient de les comprendre, et pour cela de les comparer à ceux de ses prédécesseurs avec qui, précisément, il se mesurait. Les Forums impériaux forment un ensemble homogène pour lequel les comparaisons sont facilitées par les proximités spatiale et temporelle. Cette confrontation permettra d’affiner encore notre compréhension de l’idéologie trajanienne.
Notes de bas de page
1 Références et textes dans Lugli 1952, p. 61, et Lugli 1965a, p. 43-78 ; Bertoldi 1962, p. 4-5. Consulter également le Codice topografico della città di Roma 1940, pour divers textes de la fin de l’Antiquité.
2 Pour des notices concernant les découvertes réalisées sur le Forum à la Renaissance, se reporter à Fea 1790 ; Nibby-Nardini 1819, p. 242-249 et 349-358 ; Fea 1832 ; Castagnoli 1949-1950 ; La Padula 1969, p. 119-121, s’est intéressé à la Rome napoléonienne. Pour une histoire générale du site et des références bibliographiques exhaustives, lire Milella-Pensabene 1989. Sur le Forum et les Marchés de Trajan au Moyen-Age, consulter Bertoldi 1962, p. 4-8 ; Amici 1982, p. 1-4 ; Meneghini-Milella 1989 ; Meneghini 1992 ; Meneghini 1993a, pour une histoire précise du site, du vie au xvie siècles ; Meneghini-Bernacchio 1994 ; et Packer 1997a, p. 14-53. Pour de précieuses notices sur les fragments découverts au cours des siècles et classés selon la zone de découverte, voir Milella 1989. Sur les fouilles du début du xxe siècle, lire Boni 1907, et Boni 1907-1908.
3 Consulter Ricci 1911 (projet de mise en valeur des forums impériaux) ; Bartoli 1924 ; Ricci 1929 (Marchés de Trajan) ; Clementi 1930 (Marchés de Trajan) ; Ponti 1933, sur la zone des Forums impériaux. Divers comptes-rendus de fouilles parurent à l’époque : Marrou 1932a ; Horn 1932 ; Technay 1932 ; Van Buren 1933 ; et une notice anonyme dans JDAI 48, 1933, p. 600-624. Voir le volume Via dei Fori imperiali 1983, p. 117-163, la bibliographie donnée dans la recension de James Packer (Packer 1989), et en dernier lieu Packer 1997a, p. 55-81 ; également La Rocca 1995a. Nous avons eu l’occasion de consulter, grâce à la disponibilité de la Dottoressa Simonetta Tossi, les nombreuses photographies des fouilles des années 1930 conservées à l’Archivio fotografico Comunale de Rome (certaines reproduites dans Packer 1997a) : qu’elle trouve ici nos remerciements chaleureux.
4 Pour un catalogue des dessins effectués à la Renaissance, lire Tummarello 1989b, et Forni 1989 sur les dessins d’Alberto Alberti, datant de 1570-1598 et dont certains portent sur le Forum. Également : Virlouvet 1985, p. 152207, sur les dessins du Forum dus aux architectes français, et Bérard 1985, p. 140-151, pour les dessins concernant la colonne Trajane. Nous avons pu consulter, grâce à l’Ecole Française de Rome et à l’amabilité des responsables de la Biblioteca Sarti à Rome, les dessins d’Antonio De Romanis 1812-1813, réunis en huit volumes (les dessins concernant le Forum sont conservés dans les folios 07025, 07026, 07027, 07029 et 07030). De même, l’Instituto Nazionale d’Archeologia e Storia dell’Arte de Rome nous a permis d’étudier les dessins conservés sous la côte Roma XI.5.II (un grand nombre sont reproduits dans Packer 1997a). Enfin, les gravures de Piranèse ont fait l’objet de diverses études, dont Jacopi 1979 et Marconi 1979.
5 Des fouilles ponctuelles ont permis des mises au point limitées : Gatti-De’spagnolis 1981, sur une zone à proximité du Temple du Divin Trajan ; Packer 1982, sur les recherches entreprises dans la Basilica de 1975 à 1981 et qui corrigent ses premières conclusions exposées dans Packer 1973 ; Packer 1983a : sondage à l’est de la façade de la Basilica. Un nouveau projet de fouilles a été lancé par les Italiens : Roma, Archeologia nel centro 1985, p. 272-281, et surtout Rizzo 2001b, p. 39-42. Les premiers résultats sont parus : Meneghini 1993b, et Meneghini 1995b sur le secteur contigu au Forum d’Auguste à l’extrémité du portique sud-est de la place du forum ; Meneghini 1996a sur les bibliothèques et le temple du Divin Trajan. Pour une synthèse pratique des travaux récents sur les forums impériaux : LTUR II, p. 348-359, et Packer 1997b, p. 326-330 ; enfin notre note suivante.
6 Malgré le projet des années 1980 : Archéologie et projet urbain 1985. De nouvelles campagnes de fouilles ont eu lieu sur le Forum de Trajan : Meneghini 1995a, 1995b, 1995d, 1996a, 1996b, 1998, 2000, 2001a (dont p. 245-246 sur l’historique des fouilles) et 2001b, 2002 ; Packer 1997b et 2003 ; La Rocca 1998, 2000 et 2001 ; Bianchi 2001 ; Rizzo 2001a et 2001b ; Bianchi-Meneghini 2002. Dossier à suivre...
7 Pour une description synthétique du Forum et des Marchés de Trajan, lire Lanciani 1897, p. 312-321 ; Plommer 1960 ; Lugli 1970, p. 355-364 ; Blake-Bishop 1973 ; Boatwright 1987, p. 74-98 ; La Regina 1988 ; Packer 1988, p. 310-320 ; Packer 1991, p. 320-321 ; Packer 1992a ; Coarelli 1994a, p. 83-89 ; Packer 1994b ; Meneghini 1995e ; LTUR p. 348-356 (la notice est de James Packer) ; et pour une synthèse pratique des chantiers du Jubilé 2000 : Rizzo 2001b ; de Chaisemartin 2003, p. 195-209. Pour des études de détail basées sur l’étude du matériel architectonique, consulter : Bertoldi 1962 ; Zanker 1970a ; Leon 1971 ; Amici 1982 (étude centrée sur la Basilica Ulpia et les bibliothèques ; recension critique dans Packer 1983b) ; Packer 1986, sur la façade nord-est de la Basilica ; Packer 1987, qui propose une synthèse sur la Basilica ; Packer 1990, sur la bibliothèque ouest ; Trunk 1993 ; et Ungaro-Milella-Bernardini 1993. Nous solliciterons ci-dessous Piazzesi 1989, qui reste la plus complète et la plus détaillée des reconstitutions du Forum. Lire cependant Packer 1992b pour une recension critique, et les mises au point dans I luoghi del consenso imperiale 1995a et 1995b. Consulter enfin Turcan 1995, p. 144-149 ; Packer 1997a et 1997b ; et La Rocca 1998. Signalons en outre le catalogue Optimus Princeps 1999.
8 Rappelons qu’Aulu-Gelle, N.A. XIII, 25, 1-2, nomme la place à ciel ouvert area Fori : [...] cum in area fori ambularet [...]. Nous la distinguerons ici sous le nom de forum ou place du forum (par opposition au Forum de Trajan, vocable qui recouvre pour nous la totalité du complexe). Packer 1997a, p. 95 note 32, restitue les dimensions suivantes : 88,14 m sur 117,52 m, soit 300 sur 400 pieds romains ; Meneghini 2001a, p. 54, ou 2001b, p. 251, donne : 85,6 m sur 108,4 m.
9 LTUR II, p. 351 ; Packer 1997a, p. 418, et Packer 1997b, p. 328 note 1050.
10 Seules les fondations du mur avaient été retrouvées dans les années 1930, mais des fouilles récentes ont modifié la reconstitution traditionnelle (Meneghini 2000, 2001a et 2001b, 2002 ; La Rocca 2001, p. 208 ; Rizzo 2001a, p. 230 et sa figure 21 p. 231 ; Bianchi-Meneghini 2002).
11 Piazzesi 1989, p. 130-132 (nous ne citons plus les travaux antérieurs et renvoyons à cette contribution pour les discussions bibliographiques). Sur les frises du Forum de Trajan : Goethert 1936, et plus récemment : Milella-Pensabene 1989, p. 47 ; Milella 1995, p. 93 ; Ungaro-Milella 1995, p. 196-197.
12 Bonne vue de celle-ci dans Meneghini 1995a, p. 19 ; la comparaison avec le Forum de Nerva est conservée par Meneghini 2001a, p. 57, ou 2001b, p. 257, et restitutions numériques en p. 259 : à leur propos, lire ses p. 265-268 (largeur du portique sud-est : 10 m ; colonnes en giallo antico pour la partie rectiligne, et en cipollino pour les deux parties obliques ; hauteur restituée de 17,58 m. : ibid., p. 259-260).
13 Ibid., p. 259 (ou Meneghini 2001a, p. 57-58) : R. Meneghini compare la façade du mur sud-est à celle du pronaos tourné vers le Champ de Mars, pronaos qu’il reconstitue d’après la monnaie citée ici...
14 LTUR II, p. 351 ; Packer 1997a, p. 92 et 417. Contra : Viscogliosi 1999, p. 602-603 (recension et discussion de Packer 1997a).
15 Ainsi sur un dessin d’entablement de Domenico Ghirlandaio, ou sur des vues d’artistes anonymes (documents reproduits dans Tummarello 1989, figures 17-19).
16 Piazzesi 1989, p. 134 et figure 36, plaçait ce fragment dans l’architrave du portique nord-est du forum, alors que Ungaro-Milella 1995, p. 220, l’incorporent à l’élévation des portiques entourant la colonne Trajane, de même que Packer 1997a, p. 119 figures 69 et 70.
17 Bertoldi 1962, p. 16-17 et planche XIV ; Piazzesi 1989, p. 134. Ungaro-Messa 1989b, figure 2, montre le fragment au moment de la découverte dans l’hémicycle des Marchés de Trajan.
18 Milella 1989, p. 97, et la figure 7 pour la localisation du lieu-dit. Turcan 1995, p. 146, attribue différemment ces fragments : « Des frises à Amours et griffons trouvées près de la colonne Trajane appartenaient peut-être [...] au décor interne de la basilique ».
19 Packer 1997a, p. 92, écarte les ressauts mais explique : « Pilasters perhaps divided the wall into regular bays, echoed in the attic above by projecting vertical panels with friezes ». Et l’auteur d’avancer une hypothèse qui peut surprendre, à propos des frises (ibid., p. 95) : « All along the Murus Marmoreus, between the ressauts in the bays of the attic, there would have been a continuous row of historical reliefs ». Viscogliosi 1999, p. 602, écarte à son tour les réticences de J. Packer quant au mur à ressauts.
20 Pour un état antérieur des connaissances : Packer 1997a, p. 85-91 et 415-416. Pour une descriptif rapide des fouilles récentes : De Chaisemartin 2003, p. 200, et Meneghini 2001a, p. 48-50, ou 2001b, p. 261-263.
21 Milella 1989, p. 58 ; Piazzesi 1989, p. 126 ; Packer 1997a, p. 92-95.
22 Piazzesi 1989, p. 126-127 ; Packer 1994b, p. 178, reprend la reconstitution de trois arcs dans le mur d’entrée. Milella 1995, p. 94, souligne que l’on ignore l’articulation entre portiques et mur d’entrée. Consulter LTUR II, p. 350-351, et Packer 1997a, p. 87 et 262 figure 149, qui propose une reconstitution des trois entrées basée sur les vues numismatiques.
23 Meneghini 2001a, p. 57-58, indique que les deux pans obliques et latéraux (à colonnes à fût de cipollino) mesurent près de 30 m chacun, soit environ cent pieds romains ; le pan central et rectiligne comportait des colonnes de giallo antico.
24 La Rocca 2001, p. 208, précise que ce n’est pas un arc de triomphe, mais une « entrée monumentale ».
25 Meneghini 2001a, p. 58-59, ou 2001b, p. 261.
26 Meneghini 1996a, 1996b, et 1998, p. 143. Plan schématique du Forum publié dans Archeologia 368, juin 2000, p. 45 ; reconstitution dans Viscogliosi 1999, p. 603 ; publication des fouilles et commentaires de la cour-vestibule dans Rizzo 2001a, p. 204-205 ; Meneghini 2001a, p. 58 ; Meneghini 2001b, p. 262-263 (et sa fig. 13 p. 263 pour une vue de la frise de griffons en cours de fouille) ; La Rocca 2001, p. 208-209. Bonne vue photographique de la cour dans de Chaisemartin 2003, p. 201.
27 Meneghini 2001a, p. 59, ou 2001b, p. 260-261.
28 Meneghini 2001a, p. 263. Voir cependant le très pertinent argument de Gros 1998, p. 249 note 63 (à propos du terme atrium utilisé par Ammien Marcellin dans sa description de l’area Fori) : « Ce mot d’atrium n’évoque pas seulement la place proprement dite, mais aussi l’espace que l’on rencontre immédiatement après l’entrée, selon l’usage bien attesté du mot dans l’architecture privée (...) ». Pierre Gros en déduisait, dès 1998 (donc avant les fouilles qui confirmèrent cette analyse), la permanence d’une entrée au sud-est (vers le Forum d’Auguste) et l’absence de Temple face à la Basilique.
29 Ibid., p. 263 et sa fig. 13 (lettres de 15 cm de haut) ; Meneghini 2001a, p. 60 ; La Rocca 2001, p. 209 : ...CAES]AR NERVA TRAIA[NVS...
30 Packer 2003, p. 115 et 128, et sa bibliographie. Voir ci-après la discussion à propos du Temple du Divin Trajan.
31 Meneghini 1993b ; Meneghini 1995b ; Meneghini 1998, p. 143-144 et ses figures 11 et 12.
32 Donaldson 1966, p. 250-252, donne un commentaire de ces monnaies. Pour des reproductions et une analyse, Pensa 1969-1970, p. 275-279 ; La Regina 1988, p. 41 figure 17 ; Milella 1995, p. 92. Pour un commentaire (sans reproduction) : Turcan 1995, p. 144 ; LTUR II, p. 350-351. Et Packer 1997a, p. 87-91, pour l’étude détaillée des monnaies. Viscogliosi 1999, p. 607, attribue cette vue aux propylées monumentales qui ouvriraient le Forum vers le Champ de Mars (en lieu et place du Temple du Divin Trajan) : ce n’est pas vraisemblable, comme Meneghini 2001a, p. 58, en convient.
33 Sur l’identification hypothétique de ces statues à de grands dieux romains (Jupiter, Cérès, Mars et Hercule) : Packer 1997a, p. 88 note 11.
34 Turcan 1995, p. 144, y reconnaît « les bustes en médaillons des généraux romains qui s’étaient illustrés dans les guerres daciques ». Pourquoi pas ?
35 Packer 1997a, p. 91 et note 16, identifie les personnages féminins à des Amazones, lesquelles joueraient ici le rôle d’assistantes de Dea Roma. Pourquoi pas ?
36 Description architectonique de l’arc d’entrée dans Milella-Pensabene 1989, p. 46, et Piazzesi 1989, p. 128. L’auteur suppose que l’attique de l’avant-corps central portait l’inscription dédicatoire du monument. La clé de voûte citée porte le numéro d’inventaire 76 (ibid., p. 128, note 7) et est visible dans Haskell-Penny 1988, p. 214. La Rocca 1998, p. 153 (repris dans La Rocca 2001, p. 208), évoquait l’hypothèse que la monnaie renvoie, non au mur d’entrée SE, mais à des propylées monumentaux permettant le passage du Champ de Mars à la cour de la colonne Trajane : il leur assigne les colonnes monolithes de granit gris retrouvées à proximité de la colonne historiée ; nous reviendrons sur ces propositions ci-dessous.
37 Piazzesi 1989, p. 132 ; Viscogliosi 1999, p. 602.
38 Packer 1997a, p. 415 ; Meneghini 1998.
39 Packer 1997a, p. 95 (l’auteur évoque l’existence de « at least two life-size equestrian statues and, at the center of the Forum, an enigmatic élongated monument, perhaps for a line of statues, embellished these avenues »), p. 219 figure 130, p. 262 figure 142, et p. 418-419. Même description de James Packer dans LTUR II, p. 351. Contra, Viscogliosi 1999, p. 603 : « La scavo in corso sembrerebbe escludere l’esistenza di qualsiasi sistemazione arborea (ed il pozzo identificato [par J. Packer lors de ses fouilles] nel 1982 ritorna ad essere un pozzo) [...] » ; Meneghini 2001a, p. 54, ou 2001b, p. 252-253.
40 La Rocca 2001, p. 208 ; Meneghini 2001a, p. 55 (à 30 m du mur sud), ou 2001b, p. 253.
41 Ammien Marcellin, Histoire XVI, 15 (trad. E. Galletier, avec la collaboration de J. Fontaine). La fondation de la monumentale statue équestre en bronze de Trajan, récemment découverte, est décalée au SE par rapport à l’axe transversal des deux exèdres latérales (fig. 1).
42 Piazzesi 1989, p. 124 note 1 ; Meneghini 2001a, p. 55, ou 2001b, p. 253 et sa figure 5, donne les dimensions du socle : 3,76 m sur 7,54 m (profondeur : 0,60 m), ce qui implique que le cheval mesurait environ 6 m de hauteur, et le total, cavalier compris, atteignait 12 m ; de Chaisemartin 2003, p. 199.
43 Zanker 1970a, p. 508, et Hannestad 1988, p. 139-142 ; Milella-Pensabene 1989, p. 47 note 41 ; Turcan 1995, p. 144-145 ; Packer 1997a, p. 95-96, choisit également une pose paisible pour le groupe trajanien.
44 Les groupes de combat sont contemporains des années de guerre (104-111 après J.-C.), alors que le groupe pacifique est contemporain de la dédicace du Forum (112-114 après J.-C. : BMC Emp. III, p. 93 numéro 445 planche 16.18). Même analyse dans Packer 1994b, p. 176, et dans LTUR II, p. 351 et figure 175.
45 Pour reprendre l’expression de Turcan 1995, p. 145, l’empereur apparaissait là comme « un pacificateur absolu et universel ». Sur l’equus Domitianus, voir LTUR II, p. 228.
46 Packer 2003, p. 128.
47 Meneghini 2001b, p. 253 : nombreux fragments de reliefs d’armes trouvés à proximité du socle de la statue équestre, sans doute à l’identique du socle de la colonne Trajane.
48 Sur Pergame, Coarelli 1978, p. 232. Pour une opinion contraire : Mattei 1987, p. 33-35.
49 BMC Emp. III, p. 48 numéro 137, planche 11.12 : denier de 101-102 après J.-C. représentant une statue de Trajan en toge devant un Dace nu suppliant ; p. 65 numéro 245, planche 13.15 : aureus de 103-111 représentant Trajan en cuirasse, manteau au vent, chargeant un Dace à terre.
50 Par exemple BMC Emp. III, p. 102 numéro 511 planche 18.4. Pour une note synthétique : Ros 1996.
51 Meneghini 2001b, p. 259 figure 9.
52 La Regina 1988, p. 41 ; Piazzesi 1989, p. 133-134 ; Milella 1995, p. 95, donne une vue de ces marches ; LTUR II, p. 351-352 ; et Packer 1997a, p. 96-111 et 420-428.
53 Pour une reproduction photographique du fragment, se reporter à Ungaro-Milella 1995a, p. 201 (frise à palmettes et acanthe). Descriptif synthétique dans Packer 1997a, p. 96-99. Piazzesi 1989, p. 134, restitue à cet emplacement la frise de griffons-aigles (pl. LXXVb-c), alors que Milella 1995, p. 94, lui attribue une frise végétale, de même que Packer 1997a, p. 424.
54 Piazzesi 1989, p. 138, y plaçait les Daces bicolores en pavonazzetto et marbre blanc, de même que Milella-Pensabene 1989, p. 48. Par contre, Milella 1995, p. 94, lui attribue les Daces en marbre blanc, ce qui soulignerait l’unité de l’élévation et l’harmonie avec les imagines clipeatae adjacentes, elles-aussi en marbre de Luni. Voir Ungaro-Milella 1995a, p. 110-116, pour des reproductions et un commentaire des fragments statuaires, et Ungaro-Messa 1989b, p. 220 figure 4, pour la vue d’un bloc sur lequel était posée une statue de Dace et le système d’insertion dans l’élévation. Également Packer 1997a, p. 99 et 426, et Packer 2001.
55 Milella-Pensabene 1989, p. 48 ; Piazzesi 1989, p. 140-141. Lire Ungaro 1995a, p. 107, pour une reconstitution de clipeus, et Ungaro-Milella 1995a, p. 124-129, pour des reproductions et un commentaire des fragments ; Packer 1997a, p. 99 et 426-427 ; les fouilles de 1999-2000 sur l’area fori (La Rocca 2000a ; Rizzo 2001b, p. 39-42) confirmeraient cette disposition : divers fragments de statues de Daces y ont été découverts. Meneghini 2001a, p. 56, ou 2001b, p. 256, hésite, dans sa reconstitution (ibid., p. 255, figure 6.D), entre clipei et fenêtres ouvrant sur la galerie supérieure.
56 Ungaro-Milella 1995b, p. 32-33, et p. 203 pour une reproduction photographique ; Meneghini 2001b, p. 256.
57 Packer 1997a, p. 426.
58 Comme l’indique Milella-Pensabene 1989, p. 48, et Ungaro-Messa 1989a, p. 211-212, figures 114-115. Milella 1995, p. 94, évoque la possibilité de portiques latéraux à deux étages, à la suite des conclusions de Meneghini 1993b, p. 52 : proposition développée dans Meneghini 2001b, p. 254-255, qui s’appuie sur la découverte de rampes d’escalier aux extrémités E et S des portiques ; il évalue la hauteur de cette galerie à 12 m. Également : Packer 1997a, p. 99.
59 Cette mention indique que les enseignes coiffaient non seulement les portiques latéraux, mais l’entablement des quatre côtés du forum ; Meneghini 2001a, p. 57, ou 2001b, p. 256, évoque l’hypothèse que d’autres statues de Daces ornaient l’attique des portiques : cette situation dominatrice nous paraît, d’un point de vue idéologique, peu probable.
60 Aulu-Gelle, N.A. XIII, 25, 1 (trad. R. Marache).
61 Packer 1997a, p. 421.
62 Piazzesi 1989, p. 141.
63 Packer 1997a, p. 99.
64 Milella-Pensabene 1989, p. 48-49 ; Piazzesi 1989, p. 141-146 ; Milella 1995, p. 94, pour une vue du pavement ; Packer 1997a, p. 422-425 et 428, propose des reconstitutions détaillées.
65 Piazzesi 1989, p. 141.
66 LTUR II, p. 351-352 ; Packer 1997a, p. 105 et 422.
67 Ibid., p. 242-243 puis 431.
68 Ibid., p. 105 et 422-423.
69 Pausanias, Élide V, 12, 7 (d’après la traduction anglaise de Peter Levi). Suggestion de Milella-Pensabene 1989, p. 48. Pour le texte complet, voir ci-après.
70 Pline l’Ancien, H.N. VII, 31 (trad. A. Ernout).
71 Ibid., XXXVII, 49 (trad. E. de Saint Denis).
72 Vitruve V, 1, 4-5 ; Gros 1984c.
73 Packer 1997a, p. 219. Coarelli 1999, p. 8-9, propose fort justement de voir, dans le complexe Basilica-bibliothèques de la colonne Trajane, une version majorée, mais aux fonctions identiques, du complexe réalisé par Asinius Pollion peu après la mort de César. Cela implique que l’empereur distribuait des congiaires dans la Basilica, puisque les listes du cens étaient conservées dans la bibliotheca Ulpia. Dans cette hypothèse, le caractère civique et républicain du complexe sortirait enforcé.
74 Pour des précisions : Lugli 1964, reste l’étude fondamentale sur l’Atrium Libertatis. Lire Lugli 1965a, p. 79-83, pour les textes relatifs à sa localisation dans le Forum de Trajan, et Tortorici 1991, p. 95-97. Morselli-Tortorici 1990, p. 11-92, soulignent qu’à l’origine la Curie sur le Forum romain comportait diverses annexes, dont le Chalcidicum, l’Atrium Minervae, le Secretarium senatus et l’Atrium Libertatis. Voir enfin Balty 1991, p. 148, et Tortorici 1991, p. 75-80 et 106-121, sur la localisation et le décor des bibliothèques de l’Atrium Libertatis d’Asinius Pollion (recension critique de Gros 1993).
75 Aulu-Gelle, N.A. XIII, 25.2 : voir le texte ci-dessous, notes 104 et 172.
76 Marrou 1932b, fait le point sur les documents disponibles et conclut à l’existence, au ive siècle, d’un lieu consacré aux declamationes in schola fori Traiani. Il le place (ibid., p. 101) dans les deux absides de l’area fori. La Regina 1988, p. 44, reprend ces propositions. Gros 1976, 93, cite Vitruve V, 11, 2 (= 127, 10-11) à propos de la fonction des absides : constituantur autem in tribus porticibus exhedrae spatiosae, habentes sedes, in quibus philosophi, rhetores reliquique, qui studiis delectantur, sedentes disputare possint. Enfin La Rocca 2001, p. 209-210, précise que des préfets urbains, préfets du prétoire et consuls, bénéficièrent également de statues sur le Forum de Trajan.
77 Lugli 1965a, p. 60-73, pour les textes et inscriptions, et LTUR II, 349.
78 Cizek 1994, p. 382.
79 Pausanias V, 12, 7 (d’après la traduction de P. Levi). La suite du texte mentionne trois couronnes d’olivier offertes par Néron au temple d’Olympie.
80 À l’appui bibliographique de cette identification avec Nicomède IV, citons encore Fedeli 1989b, p. 475-476, qui rapporte la comparaison entre Décébale et Mithridate proposée par l’historien R. P. Longden.
81 Pline l’Ancien, H.N. XXXVII, 42-44 (trad. de E. de Saint Denis).
82 Ibid., 45 : « Quelque 600 milles séparent Carnuntum en Pannonie du rivage de Germanie, d’où l’on importe le succin ». Voir encore Pline l’Ancien, H.N. XXXVII, 42, qui rapporte à propos de l’ambre (le début du texte est cité note précédente) : « [...] les Germains l’appellent glaesum, d’où le nom de Glaesaria que nos compatriotes ont donné à l’une de ces îles, lorsque Germanicus César dirigeait dans ces régions des opérations navales » (trad. de E. de Saint Denis). Sur les reconnaissances qui eurent lieu sous le règne de Tibère, lire Tacite, Ann. II, 5 et 23-24.
83 Pline l’Ancien, H.N. VII, 32. L’anecdote de la lutte contre les dragons rappelle fortement une scène figurée sur une monnaie de César, restituée par Trajan, et qui annonçait peut-être l’intention césarienne de pousser les conquêtes orientales jusqu’en Inde, à l’imitation d’Alexandre bien sûr : voir ci-dessous, note 259. Il est vrai que, pour les Anciens, l’Inde produit aussi de l’ambre (Pline l’Ancien, H.N. XXXVII, 46) : « Il est certain qu’il s’en produit aussi en Inde. Archelaüs, qui a régné en Cappadoce, raconte qu’on l’importe de ce pays à l’état brut [...] ».
84 À ce propos : Fleischer 1983, et notre communication Galinier 2001. Bennett 1997, planche XIII, en reproduit deux fragments, mais sans les commenter. Toutefois, de par les événements militaires de son règne, la statue en ambre d’Auguste paraît constituer un rappel direct aux rivages de la Baltique et à la Germanie.
85 Packer 1981, et Packer 1997a, p. 217-228 et 429-443, a étudié avec précision les caractéristiques de cette façade d’après le monnayage. Nous reprenons son commentaire (voir aussi son analyse dans LTUR II, 352), sans ignorer les critiques émises par Meneghini 2001a, p. 53 : elles portent sur des détails techniques de l’architecture, détails qui n’influencent pas directement la synthèse proposée ici. Se reporter à Stucchi 1989, p. 287 figure 31, pour deux monnaies de la façade de la basilica où apparaissent les Daces de l’attique.
86 LTUR II, p. 352-353 ; Packer 1997a, p. 219 et 433.
87 Milella 1995, p. 97 ; LTUR II, p. 352 ; Packer 1997a, p. 219 et 231, et Packer 1997b, p. 319.
88 Ungaro-Milella 1995a, p. 206-207. Ibid., 208-210, pour les fragments de la frise portant l’inscription sans doute dédicatoire (les lettres IMP et DIS sont conservées). Également : Piazzesi 1989, p. 148-150 et figures 49-50 ; LTUR II, p. 352 ; et Packer 1997a, p. 219-220, 232 figure 140, et p. 433-434.
89 Voir les figures 10-11 de Packer 1981, et Milella-Pensabene 1989, p. 51. Analyse dans Packer 1997a, p. 221, 439 et 464-467.
90 Milella-Pensabene 1989, p. 51 ; Packer 1992a, p. 72-73.
91 Ungaro 1995a, p. 103-106, donne plusieurs emplacements possibles pour ces panneaux, dont la façade de la Basilica. La répétition du motif ne peut, pas plus que celui de la frise de griffons-aigles, constituer une gêne. Pour une reconstitution et des notices sur chaque fragment : Ungaro-Messa 1989b ; Ungaro 1993 ; Ungaro-Milella 1995a, p. 138-192 ; Ungaro 1995d ; Ungaro-Milella-Lalle 1995, p. 151-161 ; LTUR II, p. 352.
92 Piazzesi 1989, p. 154 figure 54. Milella-Pensabene 1989, p. 51, pensaient à des Daces de marbre blanc ; Ungaro 1995a, p. 102, penche pour la série en pavonazzetto de trois mètres ; Ungaro-Milella 1995a, p. 100, et p. 100-109 pour une présentation et un commentaire des fragments en question ; enfin Packer 1997a, p. 220 et 437-438.
93 Milella 1995, p. 97. Packer 1992b, p. 159, et Packer 1997a, p. 220, couronne l’ensemble d’enseignes, à l’identique des longs côtés du portique : il s’appuie pour cela sur les représentations numismatiques et sur le texte d’Aulu-Gelle, NA. XIII, 25, 1-2. Pour les inscriptions en l’honneur des légions, voir Piazzesi 1989, p. 158-161 figures 58-61.
94 Packer 1997a, p. 221 et 439-440.
95 Packer 1997a, p. 228, hésite à propos des chapiteaux ioniques ( ?) visibles sur les monnaies (également : LTUR II, 353, et Packer 1997a, p. 435-437). Milella-Pensabene 1989, p. 51, soulignent qu’aucun chapiteau de ce type n’a été retrouvé sur le Forum de Trajan. Pour le texte de Pausanias, voir plus haut note 79.
96 CIL VI.1, 959 : SPQR / IMP. CAESARI DIVI / NERVAE F. NERVAE / TRAIANO AVGVSTO / GERMANICO DACICO / PONTIF. MAX. TRIBVNICIA / POTEST. XVI IMP.VI COS.VI P. P. / OPTIME DE REPUBLICA / MERITO DOMI FORIQUE. La formule SPQR est identique à celle de la base de la colonne Trajane. Lire Packer 1997a, p. 218.
97 Ceci d’après les représentations numismatiques de 98-99 après J.-C., où l’empereur reçoit du Sénat ou de Nerva le globe : BMC Emp. III, p. 38, numéros 55 et suivant, planche 10. 3 (Trajan en cuirasse) et 4 (Trajan en toge ; La Regina 1988, p. 6, pour une reproduction de cette monnaie).
98 Suggestion faite par Zanker 1970, p. 521-522, et reprise par Milella-Pensabene 1989, p. 51-52 ; Milella 1995, p. 97. Stimmer 1978, p. 142 note 512, cite l’exemple du forum de Préneste où Marcus Anicius avait bénéficié des trois types de statues (d’après Tite-Live, XXIII, 19, 18). Sur les statues impériales, consulter Pekary 1985. Enfin Packer 1997a, p. 219, pense qu’il s’agissait de statues de Trajan en bronze doré, sans précision.
99 Rodriguez Almeida 1981, planche 29. Consulter également Carettoni-Colini-Cozza-Gatti 1960 ; LTUR II, p. 352 ; Packer 1997a, p. 21 ; Viscogliosi 1999, p. 604.
100 Piazzesi 1989, p. 163-165 et figure 62-63 ; Milella 1995, p. 97. Turcan 1995, p. 145, donne pour la nef centrale le chiffre de 90 mètres (300 pieds romains) ; avec les deux absides, il arrive au total de 170 mètres. James Packer dans LTUR II, 352, donne les dimensions totales suivantes : 600 sur 200 pieds romains (176,28 m sur 58,76 m).
101 Milella-Pensabene 1989, p. 52 ; Milella 1995, p. 97, et p. 96 pour une bonne vue des vestiges encore en place du pavement de la nef centrale ; LTUR II, p. 352-353 ; Packer 1997a, p. 229.
102 Ci-dessus note 65.
103 Sidoine Apollinaire, Poèmes II, 544-545 (trad. A. Loyen).
104 Voir note 172 ci-dessous pour le texte complet. James Packer dans LTUR II, p. 353, décrit le tribunal des absides : « As it appears on the Forma Urbis, the tribunal, flanked by two columns, had the plan of a small distyle temple ».
105 Les annexes nécessaires à un tribunal peuvent correspondre aux salles à décor de marbres colorés découvertes à l’extrémité du portique sud-est de la place (voir la note 31 ci-dessus). Autre proposition dans Meneghini 2002 (ci-dessous à propos des bibliothèques).
106 Milella 1995, p. 97, qui reprend Amici 1982, p. 16, et Milella-Pensabene 1989, p. 52. Packer 1997a, p. 242-243, souligne que la baie centrale des absides de la Basilica était encadrée de deux colonnes de granit gris, alors que les cinq niches de part et d’autre de celle-ci étaient délimitées par des demi-colonnes en giallo antico.
107 Vitruve, V, 1, 4-5 : « Il convient que les colonnes des basiliques soient aussi hautes que le portique sera large ; ce-lui-ci doit être limité en largeur au tiers de l’espace central. Que les colonnes supérieures soient plus petites que celles du bas, dans la proportion ci-dessus prescrite » (trad. Gros 1984a, p. 64 note 4). Packer 1992a, p. 73, note que la nef centrale, large de 84,5 pieds romains (25 mètres, pour un pied romain de 0,2938 m), est, non trois fois mais 4 1/5 fois plus large que les nefs secondaires, de 36,5 pieds romains (soit 10,7 m de large : Packer 1988, p. 311). Dans LTUR II, p. 352, et Packer 1997a, p. 233, James Packer donne les chiffres suivants : 300 sur 85 pieds romains pour la nef centrale (soit 88,14 sur 24,97 m), et 50 pieds romains pour les nefs latérales (14,69 m). Il s’oppose à Amici 1982, p. 14, qui relevait une longueur totale de 150 mètres pour la basilique, et une largeur totale (nef centrale plus portiques latéraux) de 55 mètres, « rentrant ainsi dans les proportions indiquées par Vitruve ». Packer 1988, p. 310, donne encore le chiffre de 8,90 m (soit 30 pieds romains de 0,296 m) pour les colonnes de la basilique, alors que Piazzesi 1989, p. 135 et 162, leur assigne 8,80 m (soit 29,72 pieds de 0,296 m, ou 30 pieds romains de 0,293 m) ; pour les colonnes du portique du forum, l’archéologue américain donne 7,10 m (24 pieds romains), et l’archéologue italienne 7,60 m (25 pieds). Voir les critiques de Viscogliosi 1999, p. 607-612. Le débat n’est pas clos : Meneghini 2001a et 2001b.
108 Milella-Pensabene 1989, p. 52 ; Piazzesi 1989, p. 165 et figure 65 ; Packer 1994b, p. 170 ; Milella 1995, p. 97 ; Ungaro-Milella 1995a, p. 216-217 ; LTUR II, p. 353 ; Packer 1997a, p. 233 et 434. D’autres fragments existent : Leon 1971 ; Tummarello 1989b, p. 109 figure 22, pour un dessin de 1532-1535 ; et Turcan 1995, p. 145 et figure 175.
109 Milella-Pensabene 1989, p. 52 ; Piazzesi 1989, p. 169172 et figure 68 ; Milella 1995, p. 97 ; Ungaro-Milella 1995a, p. 218-219 ; Packer 1997a, p. 239.
110 Milella-Pensabene 1989, p. 52 ; Piazzesi 1989, p. 169 ; Milella 1995, p. 97. Les monnaies présentant la façade de la Basilica vers le forum montrent la terrasse à chapiteaux ioniques du premier étage extérieur (pl. LXXVIIa).
111 Milella-Pensabene 1989, p. 52 ; Piazzesi 1989, p. 169 ; Milella 1995, p. 97.
112 Piazzesi 1989, p. 180 ; LTUR II, p. 353 et 356 (dimensions de la cour : 24,80m sur 18,30m) ; Packer 1997a, p. 113.
113 Milella-Pensabene 1989, p. 52. Pour Piazzesi 1989, p. 176, un unique accès central s’ouvrait dans le mur NO, autorisant l’entrée depuis le Champ de Mars (cela d’après les fondations encore visibles du mur).
114 La planche LXXVIIIa montre les bases des colonnes en façade de la bibliothèque SO et la fondation continue du mur de la Basilica.
115 Milella-Pensabene 1989, p. 53 ; Piazzesi 1989, p. 176. Sur l’inscription de dédicace, voir CIL VI, 966 ; Zanker 1970a, p. 537, et p. 543 figure 64 pour une reproduction de l’inscription. Également Turcan 1995, p. 146 ; Packer 1997a ; Meneghini 1998. Bianchi-Meneghini 2002, p. 398, estiment qu’en 123-125 le temple (ou le pronaos) est en cours d’achèvement, et peut-être terminé en 128.
116 Meneghini 1998, p. 137. La Rocca 2001, p. 208, et Meneghini 2001a, p. 50-51 (ou Meneghini 2001b, p. 248), proposaient comme « suggestion de travail » que la monnaie portant l’inscription FORVM TRAIANI (pl. LXXVa) se rapporte à ces propylées : cela ne nous paraît pas pertinent.
117 Bianchi-Meneghini 2002, p. 399.
118 Meneghini 1998, p. 137-139, précise que les bases des colonnes de ces propylées n’ont pas été mises au jour, et Meneghini 2001a, p. 51, convient que le nombre de colonnes n’est pas assuré (six ? quatre ?). Packer 2003, p. 120121, conteste la présence du pronaos et des trois étages des bibliothèques, et s’efforce de revenir à l’existence traditionnelle du portique autour du temple du Divin Trajan ; un de ses arguments tient dans le nombre de colonnes de granit gris reconstituables à partir des vestiges : environ 29 selon lui (ibid., p. 120), alors que les propylées de R. Meneghini en comporteraient au maximum 10.
119 Milella-Pensabene 1989, p. 53, optent pour un dispositif prévu du vivant de Trajan mais exécuté seulement après son apothéose, hypothèse qui permet de penser que la cour conserva ses terrasses, support à la vision de la frise historiée. L’architectus chargé du remaniement peut être Apollodore lui-même, puisqu’il collabora avec Hadrien sur le projet de la statue de Luna (H.A., Hadr. XIX, 13). Lire Boatwright 1987, p. 14 note 30, et ibid., p. 78 note 8, sur le Temple du Divin Trajan.
120 Meneghini 1998, p. 137.
121 Meneghini 2001a, p. 51-53, ou 2001b, p. 249-250.
122 LTUR II, p. 353 ; Packer 1997a, p. 113 et 444-445.
123 LTUR II, p. 353 ; Packer 1997a, p. 113 et 445.
124 Sur la frise de griffons-aigles : Milella 1995, p. 97-99, et Ungaro-Milella 1995a, p. 220-221. Sur la frise de sphinx reconstituée il y a peu, consulter Milella-Pensabene 1989 p. 52 ; Piazzesi 1989, p. 177-178 ; Milella 1993 ou Milella 1995, p. 99 ; Ungaro-Milella 1995a, p. 222-223.
125 LTUR II, p. 353, qui précise : « Since this second frieze [...] is identical in size and general detailing to the griffin frieze, it probably came from inside the colonnade ». Pour De Chaisemartin 2003, p. 199, elle se place au second étage de la Basilica Ulpia.
126 Le mur sud de la bibliothèque NE a également été dégagé : relevé archéologique dans Ungaro-Messa 1989a, figure 112 ; LTUR II, p. 353-354 ; et descriptif de Packer 1997a, p. 120-125 et 450-454. Recension critique dans Viscogliosi 1999, p. 604-605.
127 Milella 1995, p. 99 ; Piazzesi 1989, p. 180 ; Turcan 1995, p. 146.
128 Packer 1997a, p. 121 : soit 20,10 m sur 27,10 m et 14,69 m.
129 Milella 1995, p. 99 ; Piazzesi 1989, p. 180-185, et figure 76 pour une reconstitution des deux ordres. Voir Ungaro-Milella 1995, p. 224-225 pour un fragment de colonne et un chapiteau relatifs aux bibliothèques ; ibid., p. 226-227 pour la frise du premier ordre ; ibid., p. 228229 sur la frise du second ordre. Enfin Packer 1997a, p. 121.
130 Settis 1988a, p. 59, cite la célèbre bibliothèque de Pergame et la Villa des Papyrus d’Herculanum, où Wojcik 1986, p. 139-141 a identifié une statue d’Athéna Promachos, divinité de la sapientia protectrice de la bibliothèque (sur la bibliothèque de Philodème à Herculanum : Gigante 1987, p. 71). Settis 1988a, p. 67-75, cite aussi les bibliothèques de Celsius à Ephèse et de Pline le Jeune à Côme. Sur les bibliothèques dans le monde antique : Vitruve VII, praef. ; Winter 1908, p. 30-47, sur la statue d’Athéna à Pergame ; Langie 1908, p. 31-36 (bibliothèque de Pergame décorée d’une statue colossale d’Athéna, présence de socles de statues à Homère, Alcée, Hérodote et Timothée de Milet) ; Götze 1937, sur la bibliothèque de Celsius ; Castagnoli 1949, sur la bibliothèque du temple d’Apollon Palatin ; Becatti 1956, sur la bibliothèque d’Asinius Pollion ; Wycherley 1957, sur la bibliothèque de Pantainos à Athènes, dédiée à Athéna Polias et contenant deux statues, à Iliade et à Odyssée ; Keil 1957, p. 97-100, sur la bibliothèque de Celsius ; Burzachechi 1963, sur les textes épigraphiques relatifs aux bibliothèques du monde grec ; Mangarano 1974, sur le réglement de la bibliothèque de Tauromenion ; Mas-hall 1976, sur le décor et le contenu des bibliothèques ; Makowiecka 1978, p. 17 (sur la bibliothèque de Pergame) et p. 51-84 (les bibliothèques du temps de Trajan) ; Sbordone 1984, sur la bibliothèque du Forum de Trajan ; Starr 1987, sur la bibliothèque de Trimalcion ; Fedeli 1989a ; enfin, Guardicci 1993, qui détaille le décor statuaire des bibliothèques antiques.
131 Milella-Pensabene 1989, p. 52 ; Piazzesi 1989, p. 182 ; Milella 1995, p. 99 ; Packer 1997a, p. 121, p. 129 fig. 77 et p. 450 : s’appuyant sur la découverte d’une main masculine (« male ») de marbre blanc, J. Packer propose la présence superposée d’une statue colossale de Trajan dans la niche du rez-de-chaussée et d’une statue de Minerve dans la niche du premier étage.
132 Bianchi-Meneghini 2002, p. 398 ; Meneghini 2002.
133 Meneghini 2001a, p. 51-52, et Meneghini 2002, p. 676-679.
134 Meneghini 2002, p. 682-687. Packer 2003, p. 117-119, discute une à une les interprétations architecturales de R. Meneghini relatives à l’élévation intérieure des bibliothèques. Sa conclusion est sans appel : « (...) Meneghini’s ‘multi-storeyed structure’ disappears from the original Trajanic plan » (et ibid., p. 129-132).
135 Meneghini 2002, p. 682-688 (et p. 659-667 pour l’examen des sources littéraires) ; hypothèse déjà énoncée par Gros 1998, p. 238-239.
136 Mais pas seulement : l’auteur de la Vie de Probus dans l’Histoire Auguste mentionne qu’il a utilisé « essentiellement les livres de la bibliothèque Ulpienne, qui se trouve à notre époque aux thermes de Dioclétien, ainsi que ceux de Tibère ; j’ai également consulté les registres des scribes du portique de porphyre, sans oublier les actes du Sénat et du peuple » (Vie de Probus, 2, 1 ; trad. A. Chastagnol). On peut rappeler que la porticus porphiretica se trouvait sur le Forum de Trajan (note 187 ci-dessous, et Gros 1998, p. 247 ; on pourrait la localiser dans la cour-vestibule du sud-est, la niche axiale pouvant contenir une statue en porphyre de Trajan, laquelle aurait donné son nom à la structure... hypothèse invérifiable), et souligner que l’auteur de la vie de Probus distingue deux types de sources : les administratives (portique de porphyre, archives du sénat), et les autres, autrefois conservées dans la bibliothèque ulpienne (davantage littéraires ?). Là encore, la lecture n’est pas assurée, mais les rhéteurs et poètes se réunissant dans les exèdres de l’area fori devaient bénéficier d’ouvrages disponibles à proximité. De nos jours, toute antenne universitaire, même modeste, dispose d’une bibliothèque...
137 Packer 2003.
138 Meneghini 2001a, p. 50-51.
139 Ibid., p. 48 (découverte faite en 1765).
140 Meneghini 2001a, p. 48 (découverte faite en 1695).
141 Voir ci-dessous les arguments de Packer 2003 contre R. Meneghini.
142 Leander Touati 1987 pensait qu’il s’agissait du marbre de Carrare (recension par Malissard 1994). Stucchi 1989, p. 267, et Ungaro-Milella 1995a, p. 216, ont reconnu dans ce marbre blanc celui du Pentélique. Seul un fragment d’architrave du Forum est également taillé dans ce matériau (Turcan 1995, p. 145, décrit cependant l’entablement intérieur de la Basilica Ulpia comme étant intégralement de marbre pentélique ; plus précis, Bianchi-Meneghini 2002, p. 403), et Lucrezia Ungaro et Marina Milella expliquent cet unicum par la nécessité d’utiliser les matériaux disponibles sur le chantier. Nous reviendrons ci-dessous sur la valeur de ce choix pour la Grande Frise.
143 Milella-Pensabene 1989, p. 49-50, présentent les fragments épars qui complètent les panneaux de l’arc de Constantin et rapportent les propositions des chercheurs précédents (entre autres, celle de Gauer 1973, qui attribuait la Grande Frise à Domitien et la localisait sur le Forum de César. Contra : Leander Touati 1987, p. 91-95). Lire Milella 1995, p. 97, et Stucchi 1989, p. 264-283, que nous suivrons ici en sollicitant également l’étude exhaustive de Leander Touati 1987 (pour mémoire, signalons également Pallottino 1938, qui rapporte la bibliographie antérieure ; et Philipp 1991). Turcan 1995, p. 150, pense qu’elle ornait l’extérieur de la Basilica Ulpia du fait de l’usure du marbre. Enfin, consulter LTUR II, p. 353 ; Packer 1997a, p. 113 et 445.
144 Leander Touati 1987, p. 97-111, pour un catalogue de la totalité des fragments. Sur l’un d’eux, attribué par Lean-der Touati 1987, p. 108-110, le toit circulaire de la cahute barbare rappelle, sans être identique, les toits daces que l’on distinguent parfois sur la colonne Trajane.
145 Milella-Pensabene 1989, p. 49 ; Turcan 1995, p. 150.
146 Leander Touati 1987, p. 96, pour ces mesures, et ibid., p. 13-26 pour une description précise des panneaux.
147 Ibid., p. 83-91, et Packer 1997a, p. 445. Contra : Barcelo 1992, mais qui n’est pas convaincant.
148 Milella-Pensabene 1989, p. 49 ; Stucchi 1989, p. 264283 ; Packer 1997a, p. 445 (= LTUR II, p. 353).
149 Leander Touati 1987, p. 90 : elle la situait dans l’attique des portiques de l’area fori ; contra en dernier lieu : Packer 1997a, p. 445.
150 Stucchi 1989, p. 267-268 ; Milella 1995, p. 97 ; Packer 1997a, p. 113, donne les dimensions suivantes : 25 m sur 20,20 m pour le péristyle autour de la colonne Trajane (= LTUR II, p. 353). Son folio 24 permet de restituer une longueur d’attique entre les deux bibliothèques, sur la façade NO de la Basilica, d’environ 27 m.
151 Sur la fig. 44, aux huits panneaux d’environ 2,30 m de large (Leander Touati 1987, p. 96), soit 18,40 m, il convient d’ajouter quatre panneaux, soit au total 27,60 m (précisons que l’estimation tombe à 26,40 m pour une largeur moyenne de 2,20 m).
152 Faces NE et N, spire 5, scène 30, pl. XVa et XXIIb pour le passage dace ; face NO, spire 15, scène 99, pl. XXXVa, pour le pont sur le Danube
153 Milella-Pensabene 1989, p. 53 ; Piazzesi 1989, p. 192198 ; Packer 1994b, p. 171-172, pense que le Temple était prévu dans le plan d’origine d’Apollodore (opinion que nous partageons) et que le projet apparaît, dès 105-108, sur des monnaies (ce qui reste difficile à prouver en l’absence de découvertes archéologiques sur le site et de légende sur la monnaie) ; Milella 1995, p. 100. Signalons le compte-rendu de fouilles ponctuelles dans Gatti-De’spagnolis 1981 (Boatwright 1987, p. 87 figure 17, montre le mur courbe dégagé en 1937 à l’arrière du Temple du Divin Trajan), et voir ci-dessous.
154 Packer 1994a, p. 171-172 et 181 note 71, s’essaie à le décrire et souligne que, par volonté de symétrie avec le mur d’entrée au SE, le portique clotûrant le Temple était lui-aussi courbe : Gatti-De’spagnolis 1981, qui rappellent l’existence d’une rue courbe qui longeait précisément le téménos du Temple. Mais le mur du Forum de Trajan vers le Forum d’Auguste n’était, précisément, pas courbe...
155 Meneghini 1998 ; La Rocca 1998, et La Rocca et 2001, p. 207-210 ; également Gros 1998, p. 239-242.
156 Packer 2003, pour un bilan critique des propositions de R. Meneghini et de E. La Rocca : en réponse à l’absence de podium identifiable au nord de la colonne Trajane, J. Packer (ibid., p. 122-128) rapproche les structures existant sous le palais Valentini, au nord de la colonne Trajane, des infrastructures du temple de Rome et d’Auguste à Ostie : la ressemblance ferait preuve, selon lui, de la localisation septentrionale du temple du Divin Trajan (également : ibid., p. 132-135).
157 Meneghini 1998, p. 130. Nombre d’églises ayant été fondées sur le site d’anciens sanctuaires romains, la superposition « inscription du temple du Divin Trajan / église S. Bernardo » nous paraît un argument indirect, donc discutable mais bien concret, en faveur de la localisation septentrionale du temple du Divin Trajan.
158 Bianchi-Meneghini 2002, p. 412-413, montrent l’emplacement des nouveaux bolli découverts dans les fouilles récentes : autant la cour située au sud (près du Forum d’Auguste) n’a révélée que des estampilles de briques des années 100-110 (en accord avec l’inscription mentionnant le nom de Trajan au nominatif, donc dédiée de son vivant), autant la zone au nord de la colonne Trajane comporte des bolli des années 123-125. Ce qui plaide en faveur d’une localisation traditionnelle du temple construit par Hadrien, c’est-à-dire au nord de la colonne Trajane (même avis chez Packer 2003, p. 128). Ajoutons l’argument pertinent de Packer 2003, p. 109 note 2 : les énumérations topographiques du ive siècle suivent une progression du sud au nord, du forum républicain vers les forums impériaux, et elles nomment en dernier Templum divi Traiani et columnam... Mais nous répétons notre remarque précédente : un templum étant une zone consacrée, la cour autour de la colonne Trajane, ou l’espace au nord de celle-ci, peuvent avoir été aménagés par Hadrien en l’honneur de Trajan sans qu’il y ait nécessairement eu fondation architecturale monumentale.
159 Le premier, Paul Zanker (Zanker 1970a) a rassemblé et articulé les renseignements concernant le Forum de Trajan. Pour les contributions les plus récentes, lire : Boatwright 1987, p. 74-85 ; La Regina 1988, p. 36-44 ; Milella-Pensabene 1989 ; Stucchi 1989, p. 257-264 ; Gros-Torelli 1992, p. 193-198 ; Packer1992a, Packer 1994a, et Packer 1994b ; Coarelli 1994a, p. 83-89 ; Milella 1995 ; Packer 1997a, p. 259-283 ; Packer 1997b, p. 327-330 ; et les analyses ponctuelles d’éléments du décor dans Ungaro-Messa 1989b ; Ungaro 1995a ; Polito 1995 ; Ponti 1995 ; Turcan 1995, p. 144-147 ; Baratte 1995, p. 484-493 ; Gros 1996, p. 218-219 ; Packer 2001.
160 Zanker 1970a, p. 531-544. Packer 1994b, p. 181-182, décompose ainsi les différents visages de Trajan : sur l’area Fori, exaltation de Trajan le victorieux ; dans les hémicycles et la Basilica, exaltation de l’administrateur et du pontifex maximus ; sur le fût de la colonne Trajane, exaltation du bon général, et par la présence de la statue cuirassée au sommet, affirmation du caractère héroïque de l’empereur ; enfin dans le Temple, célébration du Divus. En dernier lieu, Packer 1997a, p. 276-283.
161 Rodenwaldt 1926, a, le premier, proposé de voir dans le Forum un décalque des principia romains. Il a été suivi par de nombreux chercheurs, dont Zanker 1970a, p. 506 (et Boatwright 1987, p. 84 note 22 pour la bibliographie sur ce sujet ; elle-même reprend l’idée) ; Petrikovits 1975 ; Linfert 1979 ; Fehr 1985-1986 ; Gros-Torelli 1992, p. 195 ; Turcan 1995, p. 146-147 ; La Rocca 1998, p. 154-160.
162 Zanker 1970a, p. 504, et Gros-Torelli 1992, p. 349350 figures 200-201, pour le plan d’un grand nombre de principia. Baratte 1995, p. 489, exclut toute influence militaire ; Gros 1996, p. 219, est d’un avis plus nuancé.
163 Par exemple le plan d’ensemble du Forum de Sil-chester, ou celui de Caerwent (Balty 1991, p. 257 figure 143, et p. 260 figure 144).
164 Martin 1972, p. 921-922.
165 Balty 1991, p. 259-265, et p. 357-363, pour une discussion des réflexions de G. Rodenwaldt. Sur l’impact du Forum de Trajan en Occident : ibid., p. 365 et suivantes. Contra : Euzennat 1993 ; lire dans le même colloque Balty 1993.
166 Balty 1991, p. 271-279. L’auteur indique que tout forum civil nécessite des tabularia. Les deux bibliothèques du Forum de Trajan dérivent donc d’archives civiles, et non d’archives militaires (ibid., p. 150). Coarelli 1999, p. 4, est également réticent quant au décalque militaire en plein pomerium.
167 Rizzo 2001b, p. 36 : « Si, en définitive, sous Domitien et Trajan le programme figuratif des Forums était surtout religieux et civil, avec des rappels évidents à la pacification universelle, dans le Forum de Trajan le cadre militaire fut affirmé partout, pour rendre perceptible l’agrandissement triomphal de l’Empire romain et les nouvelles valeurs qui commencent à intervenir pesamment dans les rapports entre cité et empereur » ; Gros 1998, p. 228-232 pour un très bon exposé des positions respectives, et ibid., p. 233235 et p. 242-243, pour une défense de l’imitatio castrorum ; contra, Packer 2003, p. 128 (assez bref).
168 D’autres éléments, tels la frise mêlant Amours et végétaux, Amours et griffons ou les imagines clipeatae, restent à replacer dans cet ensemble : voir ci-dessous.
169 Nous excluons pour l’heure les exèdres, invisibles depuis l’entrée.
170 Rappelons qu’à la même époque, Tacite prend soin de préciser que les victoires d’Agricola entraînent la romanisation des Bretons (Tacite, Agr., XXI).
171 Packer 1997a, p. 283.
172 Aulu-Gelle, N.A. XIII, 25, 2 et 28 (trad. R. Marache).
173 Milella-Pensabene 1989, p. 51 ; Packer 1994b, p. 175.
174 Milella-Pensabene 1989, p. 51. Les auteurs y voient une exaltation gentilice, identique à la pratique républicaine. Nous reviendrons sur ce point, discutable selon nous car à replacer dans la totalité de l’idéologie trajanienne, de même que sur le sens à accorder à la frise de Victoires tauroctones située dans l’architrave du premier ordre de la Basilica.
175 Toynbee 1934, p. 240 et planches 34-35 ; Boatwright 1987, sur la politique urbanistique d’Hadrien ; et notre communication : Galinier 2001. Reproduction photographique de provinciae et panneaux d’armes alternés, aujourd’hui conservés dans la cour des Musées Capitolins à Rome, dans Turcan 1995, p. 194.
176 Voir la note 79 ci-dessus pour les références du texte de Pausanias.
177 Voir ci-dessus notes 81-82.
178 Velléius Paterculus, Histoire romaine II, 56, 2 (trad. J. Hellegouarc’h ; consulter également Sauron 1995, p. 351).
179 Pline l’Ancien, H.N. IX, 116 (cité par P. Gros dans LTUR II, p. 307, et par Westall 1996).
180 Sur les Nations vaincues représentées lors du triomphe sur Mithridate : Appien, Mithridate, 116-117 ; à ce propos, Gregory 1994, p. 84.
181 Porticus ad Nationes : Servius, ad Aen. VIII, 721 (d’après Gregory 1994, p. 84). Aphrodisias : Smith 1988 (entre autres). Plus loin de Trajan, l’apothéose posthume de Pertinax met en scène les nations soumises à l’Empire sous la forme de statues allégoriques : Dion Cassius LXXIV, 4, 5. La préoccupation est constante, l’expression seule varie.
182 Voir la note 283 ci-dessous.
183 Gros 1996, p. 219 ; Packer 1997a, p. 276 ; Gros 1998, de la (Grande) Bretagne et de l’Océan (Westall 1996, p. 87 p. 246. Rappelons que, sur le Forum d’Auguste, des et 90-91). masques de Zeus-Ammon renvoyaient à la conquête de Forum la cuirasse de perles, signe visible de sa conquête , de la (Grande) Bretagne et de l’Océan (Westall 1996, p. 87 et 90-91).
184 Vitruve IX, 1, 2 (trad. d’après E.H. Warming).
185 Pline l’Ancien, H.N. XXXVI, 102.
186 Messa 1990, p. 22-23, donne l’origine des matériaux utilisés sur le Forum ; Bianchi-Meneghini 2002, p. 400-410, énumère ces mêmes matériaux, donne leur provenance, leur poids, leur volume, enfin leur localisation précise... Les marbres blancs forment, d’après leurs calculs, 9,08% de l’ensemble des matériaux employés sur le chantier trajanien ; le pavonazzetto : 0,50% ; le giallo antico : 0,72% ; l’africano : 0,02% ; le cipollino : 0,68% (ibid., p. 401 figure 6). Il est remarquable que les mêmes variétés de marbre soient présentes dans la villa de Trajan à Arcinazzo Romano (Fiore-Mari 2001).
187 H.A., Probus II, 1 (cité note 136 ci-dessus). Voir également CIL XV, 7191 (et ILS, 8729). Références et localisation des statues de porphyre dans Milella-Pensabene 1989, p. 50, et note 57 ; également : Schneider 1990, p. 255 note 155. Les auteurs hésitent quant à la datation de cette porticus porphiretica : le porphyre étant très employé à la fin de l’Antiquité par les empereurs, ils énoncent l’éventualité d’un ajout tardif au complexe trajanien. LTUR II, p. 356 (notice de E. Papi), place la porticus près du Forum de Trajan (« [...] presso le biblioteche dove erano conservati importanti archivi di stato »).
188 Schneider 1990, p. 239, sur les porphyres.
189 Ce seul fait suffit à étonner Pausanias, qui avait déjà admiré la toiture de marbre du temple de Zeus à Olympie (Rolley 1994, p. 363). Références du texte de Pausanias note 79 ci-dessus.
190 Pline l’Ancien, H.N. XXXVI, 54 (trad. R. Bloch).
191 Ungaro-Milella 1995a, p. 218. Voir ci-dessus note 142.
192 Philipp 1991.
193 Leander Touati 1987, p. 30 : « This kind of narrative is, however, closely related to what we know from Greek art in which a story tends to be presented as a gathering of representative moments, rather than as a chain of events. In Roman official art, such story-telling is generally associated with panel-reliefs, but, as shown, for instance, by the frieze of the Basilica Aemilia and the Antonine reliefs from Ephesos, it can also embrace continuous friezes ».
194 Il n’est plus attesté que par le monnayage : voir ci-dessus note 95.
195 Sur la datation : Pernot 1997, p. 17 et 163-170.
196 Pernot 1997, p. 63 note 22, ajoute : « Rome offre ainsi une sorte de résumé du monde habité (epitomè tès oikoumenès, suivant une formule employée à ce propos par un sophiste contemporain d’Aristide, Polémon de Smyrne [...]) ». Nous identifions déjà cette préoccupation sur le Forum de Trajan.
197 Aelius Aristide, En l’honneur de Rome, 11-13 (trad. L. Pernot).
198 Ibid., 28 : « Aujourd’hui au contraire, les limites de l’Empire se déploient sans reproche aucun et il est impossible de mesurer l’espace qu’elles renferment » (trad. L. Pernot).
199 Ibid., 103 : « Les poètes disent qu’avant le gouvernement de Zeus tout était plein de discorde, de tumulte et de désordre, mais que lorsque Zeus vint à gouverner tout s’apaisa et que les Titans se retirèrent dans les profondeurs les plus reculées de la terre, repoussés par lui et par les dieux qui l’aidaient : on pourrait se représenter absolument de la même manière, en y réfléchissant, la situation qui a existé avant vous, puis de votre temps. Avant votre gouvernement, les choses étaient confondues sens dessus dessous et allaient à la dérive ; mais lorsque vous eûtes pris le commandement, la confusion et les discordes cessèrent, un ordre universel s’installa, ainsi qu’une éclatante lumière de mode d’existence et de régime politique, les lois se relevèrent et les autels des dieux inspirèrent confiance » (trad. L. Pernot). On peut bien sûr remarquer le parallèle entre Zeus et l’empereur, revendiqué par Trajan à travers le titre d’Optimus Princeps et repris ici par Aelius.
200 Ibid., 24-27 (trad. L. Pernot).
201 Martines 1983, p. 65, a souligné le rôle joué par la mécanique et la géométrie dans l’élaboration de l’escalier de la colonne Trajane et, plus généralement, de ses structures architectoniques.
202 Aélius Aristide, En l’honneur de Rome, 41 (trad. L. Pernot).
203 Ibid., 42-57 (trad. L. Pernot).
204 Coarelli 1999, p. 9, propose avec vraisemblance d’y voir une allusion à l’ancien atrium Libertatis, lieu des affranchissements et des congiaires, qui se firent, après la construction de la Basilica Ulpia, dans le complexe trajanien.
205 Picard 1992, p. 141. L’auteur assigne les métopes d’Adam Klissi aux sculpteurs attachés à l’armée, œuvrant cependant d’après des instructions venues de Rome (il reprend sur ce point Bianchi Bandinelli 1969, p. 314). Pour l’identification du matériau et sa provenance, consulter Florescu 1959, p. 141-142. En dernier lieu sur le trophée : De Maria 2001, p. 139-141.
206 Valette-Cagnac 1997, p. 35-69.
207 Schneider 1990, p. 256-257.
208 Vitruve I, 5, sur les Caryatides, et I, 6, sur les Perses (trad. Ph. Fleury).
209 Degrassi 1946-1947, XXII.33.
210 Je dois cette remarque à A. Rousselle, que je remercie. Trajan exerça son cinquième consulat en 103, le sixième en 112 (BMC Emp. III, LIII).
211 Ovide, Fastes I, 90-92 ; 117-124 ; et 137-140 (trad. E. Ripert).
212 Citation tirée de Sauron 1995, p. 129. Cet auteur souligne (ibid., p. 129 et 253-266) l’identité (et, entre 55 et 52 avant J.-C., la concurrence existant) entre cette définition de Janus et celle de Vénus Victrix proposée par Pompée dans son complexe du Champ de Mars. La statue de Vénus, tenant une Victoire dans la main droite, ordonnait le monde autour d’elle. Cela était exprimé par : les statues des quatorze Nations vaincues par Pompée ; par la statue de l’imperator inspirée d’Alexandre et tenant la sphère, et son surnom même de Magnus ; et encore par des monnaies de Pompée où était convoqué Hercule (pour une synthèse pratique sur le complexe pompéen, consulter Sauron 1987).
213 BMC Emp. III, p. 138 numéro 1, planche 22.1 (la légende trajanienne est : IMP(erator) CAES(ar) TRAIAN(us) AVG(ustus) GER(manicus) DAC(icus) P(ater) P(atriae) REST(ituit), ce qui place la monnaie après 102). Rappelons enfin que le stoïcisme développait un discours géocentrique. Cléanthe (cité par Aujac 1989, p. 1437), dans son Hymne à Zeus (vers 7-8 et 18-22) écrit ainsi : « C’est à toi [Zeus] que tout cet univers qui tourne autour de la terre obéit où que tu le mènes, et de bon gré il se soumet à ta puissance [...]. Mais toi, tu sais réduire ce qui est sans mesure, ordonner le désordre ; en toi la discorde est concorde. Ainsi tu as ajusté en un tout harmonieux les biens et les maux pour que soit la raison de toutes choses, qui demeure à jamais ».
214 Voir notre Chapitre Cinq pour une mise en parallèle du Forum de Trajan et du décor des Forums Impériaux. Gros 1998, p. 248-249, exprime avec clarté la rupture « républicaine » voulue par Trajan ; nous sommes davantage en désaccord sur sa perception essentiellement (mais pas uniquement) militaire du Forum.
215 Pline le Jeune, Pan. II (trad. M. Durry). Frankfort 1957, et Frankfort 1962, p. 138-140. On sait cependant que Pline retravailla son discours pour la publication, quelques années plus tard.
216 Suétone, Dom., X (trad. H. Ailloud).
217 Pline le Jeune, Pan. LI, 3-5 (trad. M. Durry). On sait l’importance des lieux de spectacle dans la mise en scène du pouvoir impérial devant le peuple rassemblé (Gros 1987, p. 343 ; Betto 1993 ; Gros 1996, p. 272-361).
218 Farinella 1991.
219 Certains historiens contemporains ont essayé de faire la part entre réalité et exagération dans le portrait de Domitien. Sans prendre parti (ce n’est pas notre propos), nous renvoyons aux deux volumes des Atti del congresso internazionale di Studi Vespasiani 1981, et au numéro 40 de la revue Pallas 1994 : Les années Domitien, ainsi qu’à Waters 1975.
220 Suétone, Dom., XIII : « Notre maître et notre dieu ordonne ce qui suit » (trad. H. Ailloud) : formule digne d’une théocratie (expression de Gros 1998, p. 249).
221 Trillmich 1998, pour un bel article comparant texte de Pline le Jeune et portraits statuaires de Trajan et Domitien.
222 Sur le sesterce : RIC II, p. 275, numéro 437, et La Regina 1988, p. 6. Un autre type existerait, daté de 98-99, où Nerva tendrait le globe à Trajan (RIC II, p. 246, numéro 28) : voir ci-dessous. Sur le contexte des débuts du règne de Trajan, Paribeni 1926-1927, et plus récemment Taeger 1960, p. 355-371 ; Béranger 1975, p. 281 ; et Cizek 1983. Cet auteur distingue toutefois un renforcement du pouvoir impérial, au détriment du sénat, entre la fin des guerres daciques et le départ de Trajan pour l’Orient.
223 Giardina-Silvestrini 1989, p. 591. Cette opposition princeps-tyrannus, élément cardinal de l’idéologie du principat, a une longue tradition dans la culture grecque.
224 Sur Trajan continuateur de Domitien : Crook 1955, p. 21-30 ; Waters 1969, et Waters 1975. Mentionnons également l’anecdote tirée de H.A., Alex. 65, 5 : « C’est exactement ce qu’Homullus avait dit à Trajan : Domitien était un vaurien mais ses amis étaient des gens de bien [...] » (trad. A. Chastagnol). La formule était sans doute un compliment déguisé à Trajan, ce dernier ayant exercé son premier consulat sous Domitien...
225 Il exerça son troisième consulat en 100 ; le quatrième en 101 ; le cinquième en 103 ; le sixième et dernier en 112 (BMC Emp. III, p. LII-LIII).
226 Pline le Jeune, Pan. LVII-LX. Pour une étude détaillée des pouvoirs exercés par Trajan et une comparaison de son attitude avec celle d’Auguste, Domitien et Nerva, consulter Frankfort 1962.
227 Frankfort 1962, p. 135-138. Trajan exerça la puissance tribunicienne vingt-et-une fois pendant son règne (BMC Emp. III, p. LII-LIII).
228 Luschi 1991, p. 229, reprend, pour les jeux offerts après la victoire dacique (en 107 : BMC Emp. p. III, LII), le chiffre de dix mille gladiateurs et dix mille animaux rapporté par Dion Cassius LXVIII, 15.
229 Sur les alimenta : Veyne 1965 ; Turcan 1995, p. 160 ; Bennett 1997, p. 81-84 ; et en dernier lieu Lo Cascio 1998.
230 Sur les frappes monétaires commémorant les alimenta : De Caro 1993, p. 161 et 165-166. Également : Cizek 1983, p. 217 et 368.
231 Pline le Jeune, Pan. XXV-XXVIII, à propos des congiaria offerts par Trajan (Fedeli 1989b, p. 468, sur cet aspect du Panégyrique). Sur la libertas : Frankfort 1962, p. 136 ; et Cizek 1983, p. 248-250.
232 Sur un parallèle fructueux entre le Panégyrique de Pline, les Annales et les Histoires de Tacite : Fedeli 1989b, p. 421-432.
233 Sur les diverses qualités de Trajan dans l’exercice du pouvoir impérial, se reporter à Fears 1981b, p. 916, et Millar 1977, p. 35 (voyages) ; p. 156-157 (héritages) ; p. 169-170 (confiscations). Cela n’empêche nullement l’empereur d’être sévère : ibid., p. 531 (Trajan juge), et p. 323-324 (ses rescrits, dont p. 557-558 : celui concernant les chrétiens ; voir également Campbell 1984, p. 217-218 et 276-277). Sous son règne, le pouvoir impérial intervient cependant dans des domaines qui, jusque là, lui échappait : des cura-tores rei publicae sont créés pour contrôler les finances de cités en difficulté, y compris en Italie (Lo Cascio 1991, p. 26). Trajan assume aussi, avec bon sens, les charges religieuses de Pontifex Maximus (Pline le Jeune, Ep. X, 6869, et Campbell 1984, p. 359-360 ; enfin, sur l’exercice du pouvoir par correspondance : Millar 1998).
234 Pline le Jeune, Pan. XX et XXII (trad. M. Durry). Et Bode 1992, p. 160.
235 Salles 1992, p. 119-122.
236 Cizek 1983, p. 217. Béranger 1975, p. 284, souligne que Trajan employa hors d’Italie le titre républicain de proconsul, « non affiché jusque là par les empereurs ».
237 Suétone, Dom., X (trad. H. Ailloud).
238 Guadigni 1935. Pour un catalogue des vertus de Trajan d’après le « discours » de Pline : Settis 1988a, p. 246247 ; Chevallier 1984, p. 311-317 ; mise en perspective historique du Panégyrique et des vertus qu’il honore dans Fedeli 1989b. Sur les relations entre Pline et Trajan et leurs conséquences sur le contenu du Panégyrique (idéologie impériale partagée par l’aristocratie sénatoriale ; exemplum de la vie de Trajan) et sa diffusion, consulter Giardina-Silvestrini 1989. Sur la conception de l’empereur et de l’Empire dans l’œuvre de Pline, lire Soverini 1989.
239 Crawford 1983.
240 Belloni 1976.
241 On connaît les pamphlets échangés par Octave et Antoine et l’on sait combien le monnayage fut sollicité pendant les guerres civiles (Gros 1976, p. 30). Dans le même esprit, Belloni 1976 met en relation l’émergence de l’édition littéraire à caractère politique pendant les guerres civiles et l’inauguration des premières bibliothèques publiques à Rome à partir de 39 avant J.-C.
242 Blamberg 1976. L’auteur note une très grande concordance entre les types monétaires émis par l’empereur (or et argent) et le sénat (bronze). La distinction entre les deux « pouvoirs » était, on le constate, purement formelle, au profit de l’empereur.
243 Belloni 1973, p. XXXIX-XLVII ; Cizek 1983, p. 214 ; Christiansen 1988, p. 111-258. Sur la conquête parthique de Trajan, lire en dernier lieu Bertinelli 1998.
244 Pline le Jeune, Pan. LXXXVIII, 4-6 (trad. M. Durry).
245 Hill 1965 ; voir RIC II, p. 237, et BMC Emp. III, p. 54 : l’imprécision est liée au laps de temps séparant le cinquième consulat de Trajan en 103, du sixième en 112.
246 RIC II, p. 250-251, numéros 96 ou 100 : la Dacie vaincue, ou le Danube la maîtrisant. Même datation chez Fedeli 1989b, p. 460.
247 Dion Cassius LXVIII, 23 (trad. E. Gros et V. Boissée).
248 Belloni 1993, p. 160-174. Belloni 1973 propose un classement des thèmes monétaires trajaniens par ordre chronologique.
249 Shotter 1983, p. 217-218.
250 RIC II, p. 245-246. Citons, pour préciser quelques points : Béranger 1975, p. 367-382, qui analyse plus en détail la notion de Concordia dans le monnayage impérial ; et Fears 1981b, p. 903 et 924, qui énumère les vertus honorées d’une frappe monétaire (Aequitas, Aeternitas, etc.) de 112 à 115 de n.è., puis celles utilisées par Hadrien et Septime Sévère.
251 RIC II, p. 272-274.
252 Belloni 1973, p. XXV-XXXVIII.
253 Hannestad 1988, p. 148.
254 RIC II, p. 305-313, numéros 765 à 814. Également : Belloni 1973, et BMC Emp. III, p. LXXXVI-XCIII, et p. 132-141. Nous renvoyons sur ce sujet à Fears 1981b p. 903 et 913, ainsi qu’à notre étude, plus détaillée qu’ici, sur les restitutions monétaires trajaniennes : Galinier 1998.
255 BMC Emp. III, p. 28-30.
256 RIC II, p. 307 numéro 790 (avers : tête de Vesta entre couronne et simpulum ; revers : M. LEPIDUS. AIMILIA. REF. S. ; l’original est daté de 65 avant J.-C.). Le revers de ces monnaies restituées porte la légende IMP. CAES. TRAIAN. AUG. GER. DAC. P. P. REST. (elle est identique sur la totalité des monnaies restituées), ce qui correspond à une date postérieure à 102, année estimée de l’octroi du surnom Dacicus à Trajan (Belloni 1973 p. XXXIX-XLVII).
257 RIC II, p. 308 numéro 797 (avers : LIBERTAS ; revers avec M. Junius Brutus marchant entre deux licteurs, et BRUTUS ; original daté de 58 avant J.-C.). Voir également p. 306, numéro 775 (avers : tête de Libertas, et M. CATO ROMA ; revers : Victoire assise avec patère et palme, et VICTRIX ; original daté de 100 avant J.-C.) ; et p. 308 numéro 795 (avers : tête de Libertas, et Q. CASSIUS LIBERT. ; revers : temple de Vesta (?), et urne de vote avec tablette inscrite AC. ; original daté de 58 avant J.-C.). Fears 1981b, p. 922, analyse clairement : « Trajan is a new L. Junius Brutus who had overthrown a tyrant and founded a res publica ».
258 RIC II, p. 306, numéro 773 (avers : buste d’Hercule, massue et léonté ; revers : deux cavaliers, et TI.Q.S., et D. S. S. ; original daté de 111 avant J.-C.) ; p. 309, numéro 802 (avers : tête d’Africa, et Q. METELL. SCIPIO. IMP. ; revers : Hercule nu, tenant la massue et portant la léonté, et EPPIUS LEG. F. ; original daté de 47-46 avant J.-C.).
259 RIC II, p. 309, numéro 800 (avers : emblèmes pontificaux ; revers : un éléphant piétinant un dragon, et CAESAR ; original daté de 50-49) ; p. 309, numéro 801 (avers : tête de Vénus ; revers : Énée portant Anchise et le Palladium, et CAESAR ; original daté de 50-49 avant J.-C.) ; p. 309, numéro 806 (avers : tête de César, et C. IULIUS CAES. IMP. COS. III. ; revers : Vénus appuyée sur un cippe, tenant casque et lance, avec à ses pieds un bouclier ; pas de prototype césarien connu) ; et p. 309, numéro 807 (avers : tête d’Octave, et CAESAR III VIR. R. P. C. ; revers : chaise curule sur laquelle est posée une couronne, et CAESAR DIC. PER. ; original daté de 43 avant J.-C. ?). Citons aussi ibid., p. 311, numéros 815 et 816 (avers : tête de César et DIVUS IULIUS ; revers : Némesis ailée, avec à ses pieds un serpent ; pas de prototype connu).
260 Blamberg 1976. Sur certaines des restitutions de Trajan, De Caro 1993, p. 169.
261 BMC Emp. III, p. 140, numéro 23 et planche 22.20 (avers : buste de Diane, et FAVSTVS ; revers : le roi Bocchus à genoux, avec Jugurtha mains liées, et FELIX ; daté de 60 avant J.-C.).
262 RIC II, p. 310, numéro 811 (avers : tête du grand Pompée entre lituus et praefericulum, et MAG. PIUS. IMP. ITER. ; revers : Neptune entre Anapias et Amphinomus portant leurs parents, et PRAEF. CLAS. ET ORAE MARIT. EX. S. C. ; original daté de 42-38 avant J.-C.).
263 RIC II, p. 311, numéro 817-820 (revers : statue équestre d’Agrippa ; tête d’Agrippa ; crocodile ; aigle entre deux étendards).
264 RIC II, p. 311, numéro 821 (revers : Livie ( ?) assise tenant un sceptre et une fleur).
265 RIC II, p. 312, numéros 822, 823 et 823a (revers : Spes tenant une fleur ; Concordia tenant une patère et la cornucopia ; Vesta tenant une patère et une torche).
266 RIC II, p. 312, numéro 824 (revers : Libertas tenant un pileus). Sur les relations entre Galba et Trajan, lire Valera 1977, p. 325-333.
267 RIC II, p. 312-313, numéros 826-831 (revers : captifs agenouillés ; étoile, avec Mercure et Jupiter ; foudre sur un trône).
268 RIC II, p. 313, numéros 831-834 (revers : trophée ; foudre sur un trône ; Minerve et Mars armés).
269 RIC II, p. 313, numéro 835-836 (revers : Nerva tenant un sceptre dans un char tiré par des éléphants ; deux mains serrées).
270 Zanker 1970, p. 14-19 ; Tufi 1981 ; Zanker 1989, p. 215-219. Plus récemment, Sauron 1995, p. 525-536 ; Ungaro 1995b, p. 38-47 ; Ripari 1995, p. 62-87 ; Ungaro-Milella 1995b, p. 20-97. Sur les summi viri, Degrassi 1937, et Hof-ter 1988. Zanker 1989, p. 226 figure 165, présente une reconstitution de la disposition originelle des statues dans les niches qui étaient accompagnées des tituli rédigés par Auguste lui-même. Voir ci-dessous les dernières découvertes archéologiques concernant le Forum d’Auguste, entre autres le fait qu’il comportait à l’origine quatre exèdres.
271 Ce respect des décrets du Sénat n’est pas pour surprendre. De même : si Trajan se place dans la continuité du règne de Nerva, par rapport à Domitien le thème est bien celui de la mutatio temporum, comme le souligne Pline le Jeune (sur ce point, Fedeli 1989b, p. 456-457).
272 Même constat dans Gros 1998, p. 248-9 : « il imposait en effet de montrer que désormais le pouvoir impérial ne reposait plus sur une continuité dynastique dont Trajan, le premier Princeps d’origine espagnole, ne pouvait du reste pas se targuer ». Cette contrainte généalogique, Trajan l’érigea en témoignage de qualité personnelle.
273 LTUR II, p. 102-103 (notice et bibliographie de M. Torelli) et p. 368-369 (notice et bibliographie de F. Coarelli).
274 Suétone, Dom., XV (trad. H. Ailloud). Sur la localisation du Templum : Torelli 1987 ; Luschi 1992, p. 281, indique que le Templum était situé dans le pomerium. Or, Suétone, Dom., XVII, précise que les cendres de Julie y étaient conservées, sans indiquer qu’elles se trouvaient de la sorte dans le pomerium, ce qu’il n’aurait manqué de faire si tel était le cas.
275 Béranger 1965, p. 31 ; Blamberg 1976, p. 37.
276 La modération de Trajan quant à la politique dynastique perdura au moins jusqu’en 112, date à laquelle Nerva divus et Trajan Pater divus apparaissent dans le monnayage : Blamberg 1976, p. 198-241. Sur ce qui est interprété comme un virage idéologique en 112, voir Carandini 1966, et Cizek 1983.
277 Overbeck-Kent-Stylow 1973, p. 98, planche 41 figure 163.
278 Davantage qu’à ses seules qualités militaires, sur les quelles insiste Gros 1998, p. 249.
279 Tacite, Hist., I, 1, 14.
280 Tacite, Agr. XLIV, 5, et XLV, 2. Sur ce point, consulter Ramage 1989, p. 654-664.
281 Pline le Jeune, Ep. VI, 31, 8-9 (trad. A.-M. Guillemin).
282 Pline le Jeune, Pan. LXXXVIII, 7 (trad. M. Durry).
283 Florus, praef. (trad. P. Jal). Ramage 1989, p. 660 ; et Turcan 1995, p. 140-161.
284 Pline le Jeune, Pan. XVIII (trad. M. Durry).
285 Hannestad 1988, p. 28, donne au denier de César, daté de 49-48, le sens suivant : les serpents seraient les Pompéens et l’image marquerait le début de la guerre civile. Mais on peut rappeler l’anecdote plinienne (H.N. VII, 32) des éléphants d’Inde combattant des serpents gigantesques, auquel cas la monnaie césarienne aurait, en 44 avant J.-C., évoqué le projet du dictateur de poursuivre ses conquêtes jusqu’en Inde, thème repris bien à propos par Trajan lors de ses campagnes parthiques.
286 Strabon, Géogr. VII, 3, 5. Auguste fit de même (ibid., VII, 3, 11) : « En fait, ce n’est que récemment, lorsque César Auguste envoya une expédition contre eux, que leur empire fut divisé en cinq parties [...] » (trad. R. Baladié).
287 Plutarque, César LXVIII (trad. B. Latzarus).
288 Pline le Jeune, Ep. X, 74.
289 Dion Cassius LXVIII, 9.
290 Delplace 1980, p. 410 et 401-404. Dans un article à paraître dans les Actes du XIIe Congrès International de Numismatique 1997, Éléni Papaefthymiou souligne la « prolifération des types de Némésis » à partir du règne de Trajan, mais aussi la présence du type sous Claude, Vespasien, Titus et Domitien.
291 Ammien Marcellin XXIV, 3, 8 (trad. J. Fontaine). Sur la pratique des serments par Trajan, Dion Cassius LXVIII, 5 : « Lorsqu’il fut devenu empereur, il écrivit au sénat de sa propre main, entre autres choses, qu’il ne ferait périr ou ne noterait d’infamie aucun homme de bien ; et ces promesses, il les confirma par serments, tant sur le moment que dans la suite » (trad. de E. Gros et V. Boissée).
292 Chez Macrobe, Sat. I, 22, 1, les griffons sont des créatures du serment et de la vengeance, compagnons de Némesis, « qui est invoquée contre l’orgueil » (Simon 1962).
293 Delplace 1980, p. 127 et 386. Sur les cuirasses, Gross 1940 ; Vermeule 1959, catalogue numéro 41, présente une statue cuirassée avec deux Arimaspes donnant à boire à des griffons ; Niemeyer 1968 ; Stimmer 1978 ; et Delplace 1980, p. 269-279.
294 Packer 1994b, p. 171.
295 Le tauroctone célèbrait, en termes victorieux, l’installation par Tibère du roi Tigranes II sur le trône d’Arménie : Overbeck-Kent-Stylow 1973, p. 96, et planche 34 figure 138.
296 De Caro 1993, p. 161-162, figures 134-135.
297 Fraschetti 1998 ; Zevi 2001 ; et le catalogue Ostia. Port et porte de la Rome antique (musée Rath, Genève), Paris, 2001.
298 Dion Cassius LXVIII, 29. Paribeni 1926-1927, p. 278303 ; Cizek 1983, p. 450-453, et Cizek 1994. Sur l’imitatio d’Alexandre à Rome jusqu’à l’époque de César et d’Auguste : Michel 1967 ; Kienast 1969 ; Green 1978 ; et Bennett 1997.
299 Strabon, Géogr. VII, 3, 8 (trad. R. Baladié).
300 Plutarque, Alex. IX, 1, et ibid., XI, 5 pour la seconde citation (trad. F. Frazier et Chr. Froidefond). André 1982, p. 56-58, rappelle que, depuis Strabon (Géogr. XVII, 3) et Sénèque (Brv. Vit. IV, 5, et Q.N. I, 9), bref dans la pensée romaine, les trois bornes du monde sont : le Rhin, le Danube et l’Euphrate, toutes trois franchies par Trajan comme le prouve sa titulature (Germanicus, Dacicus, Parthicus).
301 RIC II, p. 312, numéro 825 (avers : buste de Jupiter lauré, et palme ; revers : Vesta assise tenant une patère et une torche). Sur cette monnaie énigmatique, avec un « arc » que l’on suppose proche du Capitole, lire en dernier lieu De Maria 2001, p. 142-143, qui place cet arc à l’entrée de l’aire capitoline, en situe l’inauguration en 102, en relation avec le triomphe dacique et la protection jovienne, enfin en rattache la réalisation aux pratiques triomphales républicaines.
302 Blamberg 1976, p. 106-114. Également Fears 1977, p. 189-253 ; Girard 1981 ; et Fears 1981c, p. 78-80.
303 Hannestad 1988, p. 141.
304 Martial, Epigrammes IX, 65 (trad. H. J. Izaac). La comparaison dans le poème est en défaveur d’Hercule (et en hommage à Domitien) : Martial considère que, sous les traits de l’empereur, Hercule aurait été plus efficace et son destin meilleur. Sur Domitien-Hercule protégé de Jupiter : Fears 1981c, p. 79.
305 Constat tiré de BMC Emp. II.
306 Blamberg 1976, p. 117-118.
307 Pline le Jeune, Pan. XIV, 5 (trad. M. Durry).
308 Plutarque, Fortune des Romains XII. Ou Plutarque, Fortune d’Alexandre I, 6 : « Mais les choses étant ce qu’elles sont – pardonne-moi, Diogène – c’est Héraclès que je cherche à imiter, c’est de Persée que je suis l’émule, c’est Dionysos dont je suis les pas, le fondateur divin de ma race, mon aïeul » ; et plus loin (II, 2) : « [Alexandre] s’entraînait sans cesse à exceller aux armes, à devenir, selon l’expression d’Eschyle « un vigoureux bretteur, fatal à ses rivaux » : c’était d’ailleurs là un art qu’il tenait de ses ancêtres, les Éacides et Héraclès » (trad. F. Frazier et C. Froidefond).
309 Dion Chrysostome, Discours, XLVII, 8-10 (Desideri 1978, et Fears 1981c, p. 90-92). Le parallèle demeure implicite.
310 Je reprends l’introduction de J. W. Cohoon à l’édition anglaise utilisée ici (p. X-XI de Dion Chrysostome, Discours I) : « This embassy [de citoyens de Pruse, dont Dion], however, found Nerva dead and Trajan Emperor in hisstead. Upon him Dio made a good impression and a deep friendship was formed between the two men. Dio was with the Emperor before he set out on his Dacian campaign, and met Trajan on his triumphant return in 102, when he was received with high marks of favour ».
311 Extraits tirés de Dion Chrysostome, Discours I, 56-68 (d’après la traduction anglaise de J. W. Cohoon) ; et Blamberg 1976, p. 117-119. Les quatre premiers discours du stoïcien grec portent sur la royauté. Sur les relations entretenues par Trajan, Pline et les stoïciens : Bowersock 1969 ; Fears 1977, p. 154-178 ; et surtout Fedeli 1989b, p. 433-434. Sur l’Héraclès grec, se reporter à Jourdain-Annequin 1989 (Héraclès et les bornes du monde : ibid., p. 95-102 ; Héraclès civilisateur de l’Occident : ibid., p. 251319). Sur l’Hercule romain, consulter : Bayet 1926 ; Beau-jeu 1955, p. 80 ; Bayet 1974, dont p. 233-266 (sur la popularité d’Héraclès aux deux premiers siècles après J.-C., et le rôle joué par les cyniques et les stoïciens dans cette diffusion) ; Jaczynoska 1981 est précieux (même si, p. 636, elle attribue le retour en grâce du dieu sous Trajan à son origine gadéenne) : elle retrace l’évolution du culte d’Hercule durant tout le Haut-Empire.
312 Pline le Jeune, Pan. II, 3 (trad. M. Durry).
313 Dion Chrysostome, Discours I. Cizek 1983, p. 215217, et 235.
314 Pline le Jeune, Pan. XVI, 1 : « Tu ne crains pas les guerres, mais ne les provoques pas » (trad. M. Durry). Lire l’article stimulant de Belloni 1990, p. 100, qui cite également Pline le Jeune, Pan. LI, 1.
315 Cizek 1983, p. 218. Voir également les extraits de Tacite cités plus haut.
316 Ibid., p. 219. Pline le Jeune, Pan. V, 4, et ibid., VIII (trad. M. Durry).
317 Les points communs entre Panégyrique de Trajan de Pline et les quatre premiers Discours de Dion sont nombreux. Citons le refus du titre « maître » (Discours I, 22) ; la peur que Trajan inspire à ses ennemis (I, 25) ; sa pratique justifiée de la guerre, qu’il ne mène que pour préserver la paix (I, 27) ; sa proximité avec les citoyens, civils et soldats (I, 28) ; et Dion de conclure, avant d’évoquer le rôle de Zeus (I, 37) : « j’ai décrit le bon roi. Si certains de ses attributs semble être tiens, heureux sois-tu [Trajan] pour ton caractère aimable et excellent, et heureux sommes-nous qui recevons de toi ces bienfaits ». Voir encore Discours III, 2-6, pour un portrait personnel de Trajan par Dion. Notons que l’allégorie de l’empereur pilote de navire, présente tant sur la colonne Trajane que chez Pline, se retrouve dans le Discours III, 64 ; et qu’Alexandre comme Héraclès sont fréquemment mentionnés comme modèles de souverain. Consulter Béranger 1975, p. 57-58, sur la fortune de ces notions philosophiques grecques à Rome.
318 BMC Emp. III, p. 54 (sans numéro). Autres occurrences : ibid., p. 69 numéro 264 planche 14.2 : Jupiter assis, avec victoire et sceptre (années 103-111) ; p. 100 numéro 493 planche 17.16 : Jupiter nu, tenant un sceptre, le foudre au-dessus de Trajan ; ce dernier est en toge et tient une branche de laurier (CONSERVATORI PATRIS PATRIAE) ; p. 103 numéro 513 et planche 18.6 : même iconographie, mais Trajan tient un sceptre ; et p. 108-109 numéros 533-534 et planche 18.19 et 20 : même iconographie, mais Trajan tient un sceptre et une branche (années 112117) ; p. 203 (sans numéro) : même iconographie, Trajan tient une branche de laurier (CONSERVATORI PATRIS PATRIAE) (années 112-114) ; p. 215 (sans numéro) : même iconographie (années 114-115) (CONSERVATORI PATRIS PATRIAE) ; p. 217 (sans numéro) : même iconographie (années 115-116) (CONSERVATORI PATRIS PATRIAE).
319 BMC Emp. III, p. 38 numéro 56 et planche 10.5 : statue d’Hercule avec léonté et massue ; p. 42 numéro 81 : même iconographie ; et p. 49 (sans numéro) : même iconographie (avant 102) ; p. 51 (sans numéro) : idem ; p. 54 (sans numéro) Hercule sacrifiant ; et p. 69 numéro 263 et planche 14.2 : Hercule offrant une libation, tenant une coupe au-dessus des flammes d’un autel orné d’une guirlande, léonté et massue sous le bras (pl. LXXXIb ici) (années 103-111) ; p. 200 numéros 944-945 et planche 37.1 : massue sur léonté, posés sur un piédestal (pl. LXXXIc ici) (années 103-111) ; p. 213 (sans numéro) : statue d’Hercule, identique aux types décrits plus haut (date ?).
320 Voir note 267 ci-dessus.
321 La conférence de Mme. Perentidis, donnée en 1995 dans le cadre du séminaire de recherche de Madame A. F. Laurens, à Montpellier III, sur le thème « Héraclès entre le vice et la vertu » (commentaire de Xénophon, Mém. II, 1, 29-34), nous a été d’un précieux secours, ainsi que la discussion qui suivit.
322 Un de ses maîtres avait été Posidonios de Rhodes. Weinstock 1971, p. 228-259, relève que les propositions de Platon étaient identiques (les quatre vertus étaient pour lui : dikaiosuné, andreia, osiotis, sophrosuné).
323 Pour une définition de ces vertus et de leurs synonymes latins : Weinstock 1971, p. 228-259.
324 Guarducci 1993.
325 Plutarque, Fortune d’Alexandre I, 11 (trad. F. Frazier et C. Froidefond).
326 Fedeli 1989b, p. 457-461.
327 Campbell 1984, p. 147-148. Cet auteur ajoute cependant que, par les « sacrifices et les réceptions par les communautés locales dans l’Empire », le message de la frise comportait aussi un volet exaltant la civilisation de l’Empire. Pour sa part, Blamberg 1976, p. 123, souligne à bon escient : « Pline, Dion Chrysostome et Dion Cassius n’insistent pas seulement sur le devoir de l’empereur à défendre l’Empire, mais aussi sur ses responsabilités à assurer une administration civile efficace et juste et à maintenir de bonnes relations entre l’Etat romain et ses dieux. Ces trois aspects, civil, religieux et militaire, étaient naturels dans les conseils de Dion Chrysostome à Trajan, indiquant qu’un souverain véritable doit être le berger de son peuple ».
328 Coarelli 1999, p. 12.
329 Valette-Cagnac 1997, p. 95 et note 115.
330 Voir ci-dessous Chapitre 5.
331 Plutarque, Fortune d’Alex. I, 2, faisait d’Alexandre le Grand un philosophe autant qu’un guerrier : « Voyez au contraire l’action éducatrice d’Alexandre : il forma les Hyrcaniens à la pratique du mariage, apprit aux Arachosiens l’agriculture, persuade aux Sogdiens de nourrir leurs pères au lieu de les mettre à mort, aux Perses de respecter leurs mères au lieu de les prendre pour femmes. Merveilleux pouvoir d’une philosophie qui a amené les Indiens à se prosterner devant les dieux grecs, les Scythes à ensevelir leurs morts au lieu de les manger ! ». Et plus loin (I, 5) : « Plus heureux furent les vaincus d’Alexandre que ceux qui échappèrent à la conquête, car ceux-ci n’ont trouvé personne pour les arracher à une vie misérable, alors que leur vainqueur a contraint ceux-là au bonheur. [...] alors on est en droit de considérer Alexandre comme le plus grand des philosophes ». Ou encore, Alexandre lui-même qui déclare (I, 6) : « ‘Je me consacrerais à la réflexion si je n’étais déjà philosophe par l’action’ » (trad. F. Frazier et C. Froidefond).
332 Sur ce point, Straub 1977.
333 Le terme de rex ne pouvait bien sûr s’appliquer à Trajan, mais l’expression optimus princeps peut se comprendre comme la transcription trajanienne des termes rex iustus, en cela que les deux appellations impliquent le soutien actif des dieux (Béranger 1975, p. 57).
334 Plutarque, Fortune d’Alexandre I, 11 ; et les extraits cités note 325 ci-dessus.
335 Flavius Philostratus, Vie des Sophistes I, 7 (d’après la traduction de C. Wright). Citons Béranger 1975, p. 296 : « Les aspirations de Trajan ne vont pas aux théoriciens, à Platon ou à Cicéron, mais à Alexandre, le conquérant ». Il ajoute cependant que son règne coïncidait, aux yeux des contemporains, au principat idéal tel que les philosophes l’avaient défini.
336 Milella 1989, p. 87 et 90. La référence est donnée par Lanciani 1903, p. 110 et 183. Par ailleurs, la scène 79 de la colonne Trajane (pl. XLIIb, spire 12) comporte un arc orné de trois statues. Il serait tentant d’y reconnaître Jupiter, Mercure et Hercule, mais la posture de la divinité centrale rappelle celle de Neptune, ce qui serait plus en rapport avec le contexte maritime de la scène (voir notre Introduction pour la bibliographie concernant cette scène, et La Rocca 1987-1988, p. 276 et figure 16, qui identifie Neptune).
337 Sur l’arc de Bénévent, consulter Veyne 1960 ; Brilliant 1963, p. 113-118 ; Hassel 1966 ; Fittschen 1972-1974 ; Gauer 1974 ; Tomei 1976 ; Fears 1981a, p. 914-918 ; Fears 1981c, p. 83-84 ; De Maria 1991, p. 142 ; Hölscher 1994, p. 170-171 et 236 note 11 ; De Maria 2001, p. 144-145 (et bibliographie récente).
338 Nous suivons l’analyse de Fears 1981b, p. 914 et 917, et ses planches XV et XVI ; et Fears 1981c, p. 83-84 et ses planches XI et XII.
339 Nous reprenons le dessin de Reinach 1909, p. 64 figure 1, qui permet de distinguer le détail des personnages. Il identifie Jupiter, Junon, Minerve, Cérès, Mercure, Liber et Hercule ; les dieux sont visibles sur la planche XI, p. 70a, de Fears 1981c.
340 Sans reprendre ici l’étude du monument dans sa totalité, signalons que Veyne 1960, p. 202-203, reconnaît dans la scène Jupiter, Junon, Minerve, Liber, Cérès, Hercule et Mercure ; il l’interprète comme le triomphe posthume de Trajan en 117, un adventus donc. Fittschen 19721974, p. 778, identifie, outre la triade capitoline, Bacchus, Cérès, Hercule et Mercure, ces deux derniers étant compris comme protecteurs des marchands. Gauer 1974, p. 323, reprend les identifications de Paul Veyne et comprend la scène comme signe de la domination universelle de Trajan. Enfin Fears 1981c, p. 83 : Jupiter, Junon, Minerve, Hercule, Liber Pater, Cérès et Mercure.
341 Fears 1981a, p. 816 : « As on the Trajanic arch at Beneventum, the god has bestowed his own attribute upon the emperor, as the insigne of the imperial mandate [...]. The thunderbolt thus symbolizes the divine exemplum of the Gigantomachia as the archetype for the imperial mission ». Fears 1981c, p. 83, rappelle que Trajan apparaît sur le relief droit de l’attique, en regard du relief « jupitérien », en compagnie de Roma et des Penates Populi Romani, tandis que les deux consuls, de taille réduite, se tiennent devant lui (voir sa planche XI, p. 70b). Il conclut : « Domi militiaeque, Trajan ruled in virtue of his election by Jupiter to serve as the vicegerent of the gods on earth ».
342 Voir ci-dessus notes 142 à 152.
343 Veyne 1960, p. 205.
344 Waters 1974 souligne à juste titre que l’on retrouve une grande partie des compliments et vertus énoncés par Pline chez Dion Chrysostome. Il en conclut que la plupart des sources concernant Trajan, y compris Tacite, sont d’inspiration officielle. Nous pensons plutôt que toutes reflètent l’état d’esprit – spontané ou intéressé – d’une partie de la société romaine lors de l’avènement de l’Optimus Princeps.
345 Dion Cassius LXVIII, 7 (traduction de E. Gros et V. Boissée).
346 Gros 1998, p. 247-248.
347 Les avers portent la titulature (type 1 ici) IMP(erator) CAES(ar) NER(va) TRAIAN(us) AUG(ustus), ou (type 1bis) IMP CAES TRAIAN AUG GERM, ce qui permet d’avancer une date postérieure à janvier 98 (par le titre Germanicu) ; ou (type 2) IMP CAES NERVA TRAIAN AUG GER DAC, donc une date postérieure à décembre 102 (par le titre Dacicus) ; ou encore (type 3) IMP TRAIANO AUG GER DAC P M TR P COS VI P P, ce qui place ces monnaies après l’année du VIème et dernier consulat, entre 112 et 117 (sur les titulatures, voir RIC II, p. 234-239 ; BMC Emp. III, p. LIII ; et Belloni 1973, p. XVI-XX).
348 Pour ces semis, voir RIC II, p. 292-294, numéros 685-702 et planche XII figures 210 à 213 (ou BMC Emp. III, p. 225-227 et planche 43).
349 Nony 1982, p. 901.
350 Dieu protecteur et ancêtre de la gens d’Antoine « l’Oriental » (Sauron 1995, p. 640), il avait été défait par l’Apollon d’Octave à Actium, tout comme Dionysos (Sauron 1982a).
351 Sur les métopes d’Olympie, Athèna paraît en début et fin des travaux d’Héraclès, mais aussi dans la métope relatant la chasse des oiseaux du lac Stymphale et dans l’épisode où Héraclès relaie Atlas et porte l’univers (Rolley 1994, p. 366-371).
352 Nony 1982, p. 900-901. Même analyse chez Fears 1981a, p. 821.
353 Nony 1982, p. 900-901. L’auteur replace ces figurations dans leur contexte : « Au lendemain des succès en Germanie et au moment de l’effort de guerre contre les Daces, les quadrantes et semisses de Trajan portent témoignage de la mobilisation de la latinité, de la Virtus Romana, au sein de laquelle Hercule romain, exterminateur des monstres, avait sa place ».
354 Ibid., p. 899.
355 Belloni 1993, p. 160-174, souligne que le type de l’Hercule choisi par Trajan n’a rien à voir avec l’Hercule de Gadès, dieu local qu’Hadrien choisit, lui et lui seul (pas Trajan), de représenter avec la légende HERC[ules] GA-DIT[anus] ; et Galinier 1998 sur ce point.
356 Pline l’Ancien, H.N. XXXIV, 26, rapporte que vers 300 avant J.-C., deux statues, l’une de Pythagore, l’autre d’Alcibiade, avaient été élevées sur le Forum romain près du Comitium comme exemples de sapientia et de virtus à imiter par les citoyens (Hölscher 1994, p. 95). Elles furent déplacées pendant la dictature de Sylla (Westall 1996, p. 112).
357 Pline le Jeune, Pan. LXXXI (trad. M. Durry). Dion Cassius LXVIII, 7 : « Il prenait part aux chasses des citoyens, à leurs festins, à leurs travaux et à leurs projets [...] » (trad. de E. Gros et V. Boissée). Cet amour pour la chasse a été retrouvé dans l’emplacement de la villa de Trajan à Arcinazzo Romano (Fiore-Mari 2001).
358 Brendel 1982, figures 67-68 et 98 ; l’espace de sa figure 67, départ d’Hadrien pour la chasse au lion, est construit sur l’opposition d’un arc et d’un arbre, dont le tronc noueux rappelle fortement la massue d’Hercule ; même tronc dans la figure 98 où figure une chasse au sanglier. La ressemblance visuelle du tronc avec la massue ne suffirait pas à assurer la relation avec Hercule, mais le thème des tondi, qui évoquent deux des travaux du dieu, semble la conforter. Sur ces tondi : Koeppel 1986 ; Turcan 1991, et Turcan 1995, p. 175-177 ; Evers 1994.
359 Plutarque, Fortune d’Alex., I, 5 et 10 (traduit par F. Frazier et Chr. Froidefond). Par ailleurs, Richier 1997, qui a analysé plus spécialement les monnaies trajaniennes à thème militaire dans l’idéologie du règne, conclut ainsi : « [...] Pline se joint à Dion Cassius et Julien pour proclamer en différentes modalités la conjonction nécessaire entre la ciuilitas à l’intérieur et la fortitudo au-delà des frontières ».
360 Coarelli 1984, p. 156-165.
361 Pour en finir avec cette hypothèse sans fondement (encore citée par Richier 1997) : quand bien même Trajan se réfèrerait à l’Hercule de Gadès, il faut se souvenir que c’est devant cette divinité que César se compara à Alexandre et gémit de son inaction (Suétone, Diuus Iulius, VII, 1 ; cité et commenté par Sauron 1995, p. 237). Rappelons cependant que jamais l’Hercule trajanien n’est rapproché de celui de Gadès : il est Invictus, jamais Gaditanus, au contraire des monnaies du règne d’Hadrien. La moindre des précautions méthodologiques est de ne pas aller contre les documents...
362 Vitruve VI, 7, 6 (trad. anglaise de E. H. Warning).
363 Description dans Packer 1994b, p. 167 note 15. Également : Zanker 1970a, p. 517-518. Il est impossible de savoir s’il s’agissait de l’orbe des terres ou de l’orbe des cieux – l’ambiguïté elle-même pouvant être signifiante.
364 Gros 1998, p. 247-248.
365 Bonne reproduction dans Brendel 1982, figure 76 ; Fittschen-Zanker 1985, no 78. Sur Commode et Hercule : Gagé 1981.
366 Pour les statues de Trajan, consulter Vermeule 1959, planches 11 à 13. Ibid., catalogue numéro 54, qui présente une statue cuirassée où le Gorgonéion est associé à deux victoires ornant un trophée. Stimmer 1978, p. 149-162, décrit les ornements de statues cuirassées de l’époque trajanienne. Sur la statue des Marchés de Trajan, lire Ungaro-Milella 1995a, p. 136-137. Les auteurs complètent la cuirasse fragmentaire par une Gorgone.
367 Sur le buste de Commode : Bettini 1993. Gagé 1981, p. 673, interprète les deux statues féminines à la base comme Amazones : par la présence de la pelte, l’analyse est possible, mais le sens demeure : qu’il s’agisse de Victoires ou d’Amazones, leur position agenouillée dit la victoire impériale. Par ailleurs Sauron 1988, p. 39-40, présente et commente un trapézophore de Pompéi, daté du milieu du ier siècle avant J.-C., et présentant : deux griffons végétalisés (un griffon-aigle, et un griffon-lion) encadrant une cornucopia appuyée sur une sphère. Il y voit le thème de l’Age d’or et la renovatio mundi, typique des années de guerres civiles. Nous pensons que le motif a évolué à époque impériale, jusqu’à exalter l’excellence du souverain capable de châtier la superbia des Barbares et d’assurer la paix du monde.
368 Becatti 1960, p. 99-149.
369 Faedo 1998, p. 315.
370 Ibid., p. 317-318, avance même l’idée qu’une « colonne-massue » se trouvait déjà sur le Forum de Trajan. L’auteur s’appuie (si j’ose dire) sur un exemplaire conservé au Louvre, daté du iie siècle de n.è. et découvert, semble-t-il, dans un atelier de marbrier en compagnie d’une statue de Dace : l’association révèlerait une localisation originelle commune. Sur la postérité idéologique du règne de Trajan au ive siècle : Sanchez Salor 1998.
371 Faedo 1998, p. 322-323.
372 Ibid., p. 318 et sa pl. 62.2, ce qui place cette statue dans un contexte très officiel et fait de l’Hercule Farnèse, découvert dans les thermes de Caracalla, autre chose qu’un simple décor athlétique (pour une analyse différente, et stimulante : Beard 1996).
373 Faedo 1998, p. 320 et sa fig. 3.
374 Le décor intérieur de l’Ara Pacis Augustae exaltait le retour de la paix par une frise de végétaux et de fruits (Sauron 1982a et 1982b ; Sauron 1988 ; Settis 1988c ; et enfin Sauron 1995, p. 514-517, pour la valeur des rinceaux végétaux sous la procession extérieure, signes du retour de l’Age d’or).
375 Reproduction et étude dans I luoghi del consenso imperiale 1995b, p. 196-197.
376 On se souvient que Mithridate, roi du Pont, avait aussi été assimilé à Dionysos (références aux textes antiques et bibliographie dans Nicolet 1978, p. 792 ; et Zanker 1989, p. 50).
377 Sauron 1995, p. 56, précise que les Anciens situaient les griffons en Hyperborée, mais aussi en Éthiopie et sur les côtes de l’Inde, autres bornes du monde.
378 Nous essaierons, Chapitre Cinq, d’expliquer la présence de cette frise d’Amours sur le Forum de Trajan et de justifier l’association des Amours et de Rome.
379 Il est cependant possible qu’une basilique ait clôturé le Forum d’Auguste : voir ci-dessous Chapitre Cinq.
380 On songe à l’Énéide de Virgile et à ses rapports avec la mise en place du « mythe augustéen » : Zanker 1989, p. 368, note de sa page 116 ; Sauron 1999.
381 Settis 1988a et 1991.
382 Parmi les auteurs les plus importants : Zanker 1970, p. 526 ; Bianchi Bandinelli 1978, p. 128 ; Becatti 1982, p. 547 ; Torelli 1982, p. 119-128 ; Brilliant 1986, p. 108-113, élargit le champ des sources possibles ; Settis 1985, 1988a et 1991 ; Rouveret 1987-1988, p. 108-124 ; Picard 1992. Sur les origines de la peinture triomphale à Rome, Coarelli 1990a. Sur le triomphe, Versnel 1970.
383 Flavius Josèphe, Guerre des Juifs VII, 123-152. Pour le détail de ce texte et d’autres documents, voir notre contribution (Galinier 1996), dont une partie traite des textes anciens décrivant la cérémonie du triomphe.
384 Flavius Josèphe, Guerre des Juifs, 16 : le triomphateur passe « à travers les places destinées pour les spectacles publics afin que le peuple puisse plus facilement voir la magnificence de ces pompes superbes » (traduction de A. d’Andilly adaptée par J. A. C. Buchoni).
385 Ovide, L’art d’aimer I, 213-228 (trad. H. Bornecque).
386 Cette mention de la cruauté des Barbares appuie encore l’interprétation de la scène 45 (Chapitre Deux ci-dessus), relief où des femmes torturent ceux qui s’avèrent être des soldats romains.
387 Pline le Jeune, Pan. XVII, 1-2 (trad. M. Durry).
388 Voir notre communication Galinier 2001 ; et bien sûr Fraschetti 1994 sur les funérailles augustéennes, ainsi que Benoist 1999, 2001 et 2005.
389 Zanker 1970.
390 Ibid., p. 528-533.
391 Ainsi pour le tombeau des Scipions : analyse dans Coarelli 1972 ; ainsi de certains sarcophages « réalistes » : Koch-Sichtermann 1982.
392 Pour reprendre les titres de Salles 1992 et Valette-Cagnac 1997, et en reporter les conclusions sur un textus iconographique.
393 Scheid-Svenbro 1994 (voir notre Chapitre Trois). Coarelli 1992a, p. 645, utilise l’existence des auditoria du Forum de Trajan pour justifier le report de la lisibilité de la colonne Trajane sur un document écrit conservé dans les bibliothèques adjacentes. Nous avons déjà dit nos réserves quant à cette hypothèse.
394 Cizek 1989 pour une synthèse pratique sur la vie littéraire à l’époque de Trajan.
395 Pline le Jeune, Ep. V, 3, 7 (les extraits cités ici sont tous traduits par M. Durry).
396 Ibid., V, 3, 8.
397 Ibid., VII, 17, 15 ; et encore en VIII, 21 (Pline se sert des recitationes pour corriger).
398 Ibid., VI, 17, 2 (« On lisait un livre absolument parfait [...] », la salle était attentive et silencieuse).
399 Ibid., VII, 17, 4 : « C’est, dira-t-on, que de tous ces ouvrages la lecture publique est passée dans les mœurs ».
400 Ibid., IV, 5 (une recitatio dura deux jours et fut un succès).
401 Ibid., IX, 34 (Pline s’interroge sur l’attitude à prendre pendant une lecture, car il lit mal).
402 Ibid., I, 13, 1-3.
403 Ibid., III, 18.
404 Ibid., III, 18, 2.
405 Ibid., V, 8, 2-4.
406 Évoqué par Huet 1996, nous poussons ici le parallèle à son terme, sans oublier une différence fondamentale de nature, à savoir le caractère officiel et juridique que revêt la lecture des testaments : sur ce point Valette-Cagnac 1997, p. 173-180.
407 À la mort d’Auguste, les Res gestae furent transcrites dans le bronze devant son Mausolée (Suétone, Aug., CI ; et Hesberg 1992, p. 120 ; sur les Res gestae, consulter Belloni 1987). Signalons que John Scheid en prépare une traduction (déc. 2006)
408 Coarelli 1999, p. 12, indique que la tradition d’ensevelir certains triomphateurs dans le pomerium est ancienne. Toujours est-il qu’à l’époque impériale, Trajan fut le seul à en bénéficier, ce qui renforce encore un peu plus la dimension républicaine de son règne.
409 Ennius, Ep., 10-11 : Quantam statuam faciet populus Romanus, quantam columnam quae res tuas gestas loquatur (cité par Zanker 1970a, et Hölscher-Baumer-Winkler 1991, p. 263 note 11).
410 L’objectif est d’atteindre une qualité universelle. Pline le Jeune, Ep. V, 3, 1-6 : il justifie quelques vers légers en invoquant une galerie de poètes dont Cicéron, Asinius Pollion, Varron, Sénèque, Lucain, et même César, Auguste, Nerva, Tibère. Il ne cite Néron que pour l’écarter de sa galerie idéale.
411 Voir le Chapitre Cinq pour un tableau des citations et des variations établies par Trajan entre son Forum et celui de ses prédécesseurs.
412 Pline le Jeune, Ep. I, 20, 3 (trad. M. Durry).
413 Ibid., I, 20, 5 (trad. M. Durry).
414 Ibid., III, 18, 8-10. Pline l’Ancien, H.N. XXXV, 30 : « Il y a des couleurs austères (austeri), d’autres éclatantes (floridi) ». Le même (ibid., 1-3) se plaint que de son temps, la peinture (pictura) est supplantée par le travail du marbre, utilisé « découpé et ciselé. [...] Nous nous sommes mis à peindre même avec la pierre » (trad. J.-M. Croisille).
415 Ad Herennium, I, 3 (trad. G. Achard).
416 Nous utilisons Yates 1975, p. 13-38, et reprenons sa citation (ibid., 20) de Cicéron, De inventione I, 7, 9.
417 Yates 1975, p. 18, qui cite Ad Herennium III, 28-40 sur la mémoire. Les deux extraits ici cités sont : Ad Herennium III, 29-30. Sur les mécanismes de mémoire artificielle : Galinier 2001, qui développe cette partie.
418 Yates 1975, p. 34, qui cite Cicéron, De l’art oratoire XI, 2, 17-22.
419 Ibid., p. 19-20, qui cite Ad Herennium III, 32.
420 Ibid., p. 20. Voir Ad Herrenium III, 37 (trad. G. Achard).
421 Ibid., p. 32 ; d’après Cicéron, De inventione II, 53, 160.
422 Ainsi que l’exprimait Polybe, Histoires XII, 25-28.
423 Anderson 1989, p. 144, souligne que Dion Chrysostome utilisait les personnages historiques pour dresser des portraits paradoxaux. On songe aussitôt aux Vies Parallèles de Plutarque. Les rhéteurs, installés au ive siècle dans les absides du Forum de Trajan, pratiquaient la lectio et l’emendatio de textes (Marrou 1932b, p. 95). Ils devaient également utiliser les statues disposées alentour dans les absides, lesquelles étaient aptes à servir de support à un discours sur l’histoire et les grands personnages du passé. Sur la seconde sophistique dans les deux premiers siècles de notre ère et son utilisation du passé : Boxie 1989.
424 Ovide, Fastes I, 92 (trad. E. Ripert).
425 Un des premiers éléments figurés sur la frise (pl. XIIIa, spire 1, scène 1) était un bûcher; précisons aussitôt qu’il s’agit d’un bûcher d’alerte militaire sur le Danube.
426 Les deux citations sont de Hölscher 1994, p. 141.
427 Zanker 1991, p. 208-211.
428 Zanker 1989, p. 92 et 283; Sauron 1999.
429 Philipp 1991, et Hölscher 1993, p. 21-42.
430 Rajoutons, en suivant Cosme 1994, p. 182, qu’Auguste avait dédié en 2 avant J.-C, dans le prolongement sud-est de la Basilica Aemilia, sur le Forum romain donc, un portique à Gaius et Lucius, portique dont l’attique de la façade comportait « quarante statues de guerriers parthes [...]. La décoration du bâtiment célébrait donc manifestement la domination d’Auguste sur l’Orient, après les succès [diplomatiques] remportés sur les Parthes ». Bref, on peut penser que les Daces trajaniens citaient également les Parthes de la porticus augustéenne sise sur le Forum républicain : la connotation « républicaine » de ce choix, en lieu et place des Caryatides hellénistiques du Forum d’Auguste, peut constituer une explication plus assurée que la supposée simplification des formes figuratives avancée précédemment, simplification que l’on peut d’ailleurs aussi attribuer à Auguste, puisqu’il utilisa de « vrais » Parthes en lieu et place d’allégories grecques de « haute » culture...
431 Robert 1995, p. 292 : « Or, dans la mesure où les pratiques artistiques romaines sont souvent fondées sur un art de la citation, il paraît légitime de déplacer légèrement le champ d’investigation en faisant porter la recherche moins sur la nature et la forme des œuvres que sur leur environnement et sur les conditions de leur ‘réception’ ».
432 Sur les caractéristiques des images romaines et sur leur public, lire Gregory 1994, qui fait le point sur les positions et les publications les plus récentes sur le sujet, dont Zanker 1989. Il s’intéresse à la cérémonie du triomphe (ibid., p. 84), au portrait de Commode en Hercule (ibid., p. 84-85), et aux imagines funéraires (ibid., p. 87), et insiste sur l’importance du contexte dans lequel ces images apparaissent. Il conclut à leur importance (réelle) dans la vie politique, après avoir rassemblé un grand nombre de textes anciens décrivant les réactions (positives, ou négatives) à des images offertes en spectacle. Voir aussi notre Conclusion Générale.
433 Packer 1994b, p. 173, pour un Dace de l’époque séverienne, et Schneider 1990 (et sa planche 71.2) pour les Daces d’Ephèse en pavonazzetto. Sur la fortune du motif des Daces prisonniers après le règne de Trajan : De Lachenal 1987 ; sur l’iconographie du Barbare prisonnier : Schneider 1986. On peut encore signaler la présence sur un vase de bronze d’une scène de bataille où Trajan charge des Daces, presqu’à l’identique de la Grande Frise : au terme d’une étude précise, Schäfer 1989, p. 317, date le vase des années 102-106. Le col porte une scène de soumission où l’empereur, assis sur un siège curule, est couronné par une Victoire. Les deux registres principaux sont séparés, sur l’épaule, par une frise d’armes. Le choix du motif « hellénistique » sur la panse peut s’expliquer : soit par le goût du propriétaire ; soit par des contraintes de support, l’espace limité incitant à choisir une scène représentative. Rappelons que la céramique de La Graufesenque diffusait, de manière autrement large, la thématique des guerres daciques (par la reprise du suicide de Décébale, valant ici image de victoire : Labrousse 1981, et Hatt 1983, p. 24-27).
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