Chapitre 8. La réforme des tribus et la création des comices tributes
p. 399-439
Texte intégral
Les tribus territoriales à l’époque archaïque
1Pour comprendre la signification d’une réforme des tribus à la fin du ive siècle, il faut d’abord essayer de définir ce à quoi pouvaient servir les tribus territoriales à l’époque archaïque.
2Les recherches menées depuis Th. Mommsen sur l’histoire agraire de la Rome primitive ont montré qu’à l’origine, les tribus territoriales ne se confondaient pas exactement avec l’ager Romanus, mais constituèrent le cadre administratif à l’intérieur duquel la plèbe pouvait acquérir la terre en pleine propriété (ager privatus). La tribu territoriale devait donc essentiellement correspondre au cadre à l’intérieur duquel la plèbe pouvait accéder à la propriété privée du sol : pour Th. Mommsen déjà, les quatre tribus primitives, qui sont peut-être les seules à avoir réellement été créées par Servius Tullius vers le milieu du vie siècle1, auraient été constituées à partir des heredia de 2 jugères possédés en pleine propriété par les citoyens à côté de leurs domus urbaines ; on suppose que ces citoyens devaient alors compléter leurs moyens de subsistance par une exploitation collective des terres dans l’ager publicus ou dans les pagi contrôlés par les gentes les plus puissantes (formant l’ager Romanus antiquus)2. L’augmentation du nombre des tribus au début de la République n’aurait donc rien à voir avec une quelconque expansion territoriale, que Rome aurait été bien en peine d’accomplir au début du ve siècle, mais à une extension de la propriété privée3. Les nouvelles tribus apparues au moment du passage du régime monarchique au régime républicain sont de deux sortes : d’une part des tribus portant des noms topographiques, comme la Clustumina et peut-être aussi la Galeria, dont les terres auraient été distribuées à la plèbe (cf. la loi agraire de Spurius Cassius)4 ; d’autre part des tribus territoriales qui portent des noms gentilices, et qui se seraient créées soit à partir des anciens pagi gentilices (comme la tribu Cornelia, provenant probablement du pagus Comelianus)5, soit à partir de portions de l’ager publicus accaparées par les grandes familles patriciennes, qui en auraient fait de véritables « domaines gentilices » pour elles-mêmes et leurs clientèles (comme la tribu Claudia, constituée à partir du territoire de Fidènes)6 : ces tribus gentilices auraient ainsi maintenu en leur sein, au moins pour une part (ou à part égale ?), un système d’exploitation collective de la terre, à côté de l’existence de petites propriétés individuelles (peut-être des heredia de 2 jugères ?)7. Enfin, les terres de l’ager publicus dans lesquelles ne se serait pas encore développée la propriété privée du sol seraient restées en dehors du système des tribus (tout en appartenant à l’ager Romanus), et auraient été surtout consacrées à l’élevage (ager compascuus) et au droit de pâture (ius pascendi)8. Autrement dit, l’existence des tribus territoriales a d’abord été liée à l’apparition de la propriété privée de la terre (ager privatus), indépendante des structures foncières gentilices, voire de l’ager publicus : les tribus auraient constitué le cadre juridique à l’intérieur duquel les individus qui n’appartenaient pas aux gentes ou aux curies, et qui constituaient le noyau primitif de la plèbe, pouvaient accéder à la propriété privée du sol et s’assurer ainsi leurs moyens de subsistance. Ainsi se trouve réhabilitée la vieille théorie de Th. Mommsen, aujourd’hui également reprise par J. Cels-Saint-Hilaire, L. Capogrossi Colognesi et E. Lo Cascio, qui voyait dans les tribus territoriales (Bodentribus) rien d’autre que des regroupements de propriétés privées9.
3Au début de la République, les terres de l’ager publicus auraient encore été en-dehors du système des tribus, car la propriété privée du sol ne s’y était pas encore développée. En fait, les gentes patriciennes auraient tenté de maintenir l’ancien système de l’exploitation collective sur les terres de l’ager publicus que la plèbe revendiquait en propriétés individuelles10, ce qui expliquerait, d’après L. Capogrossi Colognesi, le conflit agraire qui opposa patriciens et plébéiens tout au long du ve siècle : les tribuns de la plèbe n’ayant cesse de réclamer, à côté de l’abolition des dettes et celle du nexum, le partage des terres conquises pour l’accès des plébéiens à la propriété privée (cf. la rogatio Cassia agraria)11. Le maintien du compascuum dans l’ager publicus, qui réservait le ius pascendi aux seuls propriétaires fonciers, aurait en fait paradoxalement favorisé sa « privatisation » par les plébéiens qui accédèrent progressivement à la propriété foncière12. Au début du ive siècle, la conquête puis la distribution viritim à la plèbe du territoire de Véies selon un nouveau module de 7 jugères, en renforçant la petite propriété foncière plébéienne, auraient rendu obsolètes les 2 jugères de l’heredium traditionnellement attribués au sein des domaines gentilices, et auraient provoqué le déclin définitif des anciennes formes d’exploitation communautaires. Ce déclin fut consacré par le vote des lois licinio-sextiennes qui établirent d’une manière générale la parité entre patriciens et plébéiens, aussi bien sur le plan politique que sur la question agraire, pour laquelle la lex de modo agrorum aurait introduit le système de l’exploitation privée dans l’ager publicus sous la forme de la possessio, ce qui aurait permis d’augmenter dans des proportions considérables la propriété privée plébéienne13. Pour A. Mastrocinque, l’ager publicus n’a jamais appartenu aux gentes, mais devait être primitivement contrôlé par les curies, qui étaient composées de groupes de gentes et qui possédaient collectivement les terres : à partir du début de la République, la privatisation progressive de ces terres « curiales », en privant les curies de leur fonction économique originelle, aurait constitué la cause profonde de leur déclin. La crise de l’institution curiale aurait ainsi rendu nécessaire la réforme « servienne » des tribus, que cet historien place dès les premières années de la République14. Mais si l’on admet l’hypothèse de L. Capogrosso Colognesi, qui a montré que l’ager publicus n’a pu être privatisé qu’à la suite des lois licinio-sextiennes, cela signifie que le système des tribus n’a définitivement remplacé celui des curies comme cadre de l’exploitation de la terre que dans la deuxième moitié du ive siècle. Cette transformation, jointe à l’expansion territoriale issue des nouvelles conquêtes, peut expliquer les modalités de la création de nouvelles tribus au cours du ive siècle, mais aussi le passage consécutif du système constitutionnel des curies à celui des tribus.
Le rôle politique des tribus au début de la République
4Un ouvrage récent de J. Cels-Saint-Hilaire consacré au « droit de vote et <à> ses enjeux aux débuts de la République romaine (495-300 av. J.-C.) » porte le titre : La République des tribus15 : elle y retrace l’histoire sociale et institutionnelle de Rome, depuis l’époque royale jusqu’à la loi Ogulnia, à travers celle des tribus. L’auteur insiste sur l’importance que prit l’organisation des tribus dès les débuts de la République romaine, et l’enjeu politique que représentaient les tribus dans le cadre du conflit patricio-plébéien. Elle voit dans les quatre premières tribus créées par Servius Tullius des « cadres de recensement pour cette partie de la population – les plébéiens –, qui n’ont pas de gens où être recensés »16. La tribu aurait donc avant tout été un cadre administratif de l’organisation plébéienne, puisque c’est elle qui a été choisie par les plébéiens pour élire leurs tribuns : l’assemblée plébéienne (concilium plebis) se réunissait en effet par tribus afin de tenter d’échapper aux cadres gentilices et à l’influence du patriciat qui s’exerçait dans les curies17. Mais d’après J. Cels-Saint-Hilaire, cette mesure aurait amené les patriciens à transformer leurs « domaines gentilices » en tribus, afin de mieux contrôler par leurs clients l’élection des tribuns de la plèbe, une hypothèse qui l’amène à placer après 471 la création des tribus à noms gentilices18, ce qui est par ailleurs en contradiction avec les quelques rares données sûres que nous donnent les sources littéraires sur l’histoire des tribus, comme la création de la tribu Claudia en 50419 et l’existence de 21 tribus, dont une quinzaine à noms gentilices, dès 49520.
5Le contrôle de l’assemblée tribute serait ainsi devenu l’un des enjeux politiques de la lutte entre patriciens et plébéiens. Aussi, la création de toute nouvelle tribu avait-elle désormais une importance politique capitale. Le rôle de la plèbe semble avoir été tout à fait décisif au cours du long conflit contre Véies, qui aurait vu l’affaiblissement des gentes patriciennes (cf. la défaite des 306 Fabii au Crémère), si bien que la plèbe a pu imposer un partage viritim du vaste territoire conquis, ce qui amena la création, en 387, de quatre nouvelles tribus rurales à noms topographiques21. Ces nouvelles tribus auraient permis d’intégrer de nouveaux citoyens et offrirent, selon J. Cels-Saint-Hilaire, « des cadres de recensement aux citoyens qui avaient reçu là des terres »22. Parallèlement s’était imposé le modèle d’une assemblée tribute dans laquelle tout citoyen avait le droit de voter sans distinction de fortune ou d’appartenance sociale : c’est cette assemblée « démocratique » qui aurait, selon elle, facilité l’intégration rapide des nouveaux citoyens, alors que les principales institutions politiques conservaient encore des « caractères éminemment aristocratiques ». En devenant « un enjeu politique majeur » au sein de la République romaine, l’importance politique des comices tributes expliquerait les réformes menées par Appius Claudius Caecus en faveur des libertini (c’est-à-dire, selon elle, des citoyens d’origine étrangère récemment intégrés dans la citoyenneté romaine) qu’il répartit dans toutes les tribus après les avoir vus rejetés du Sénat par les consuls de 311 : sa réforme des tribus n’aurait donc eu qu’un objectif démagogique, dans le but d’accroître sa propre clientèle grâce à l’apport de nouveaux citoyens latins et campaniens issus des récentes conquêtes.
6Toutefois, au ve siècle, la tribu ne semble pas encore avoir joué de rôle politique ou institutionnel en-dehors du cadre de la plèbe, et la République n’était pas encore celle des tribus, mais celle des curies (comme le montre l’expression senatus populusque Quiritium) : seules celles-ci devaient fournir les cadres politiques de l’assemblée du populus (comitiata curiata) ainsi que les cadres de recrutement de l’armée centuriate23. Au début de la République, la principale assemblée du peuple semble bien n’avoir encore été que les comices curiates qui se réunissaient au Comitium et qui donnaient l’investiture politico-religieuse aux magistrats (élus ou nommés) par le vote de la lex curiata de imperio. À côté d’elle, l’assemblée centuriate n’aurait pris une importance politique qu’au lendemain du Décemvirat, ce qui correspond d’ailleurs aussi à la création de la censure et à l’apparition probable de nouvelles classes de citoyens-soldats à côté de ceux de la classis ; cette assemblée ne regroupait toutefois pas encore tout le populus, mais uniquement l’ensemble des citoyens capables de s’équiper avec leur propre armement, ce qui devait certes correspondre à des citoyens-propriétaires (adsidui), mais uniquement ceux qui étaient suffisamment fortunés pour faire partie de l’armée centuriate24 : à cette époque, le recensement (census) devait par conséquent se faire par têtes et ne concernait que les seuls mobilisables (les armati sui iuris), et ne se faisait pas encore par classes et par centuries comme dans le système dit « servien » (qui concernera tous les civium capita, y compris les non mobilisables)25. Quant aux comices tributes, que l’on a de plus en plus tendance actuellement à confondre avec le concile de la plèbe, ils n’existaient pas encore en tant qu’assemblée réunissant tout le populus (voir infra). D’autre part, le recrutement de la classis se faisait probablement encore par centuries (unités de cent hommes), mais à l’intérieur du cadre des curies, et non des tribus, à raison d’une ou de deux centuries par curie, ce qui expliquerait le nombre de 3 à 6.000 hommes que l’on estime pour l’armée centuriate à partir du nombre des tribuns militaires26 : d’ailleurs ceux-ci tiraient apparemment leur nom des anciennes tribus gentilices, auxquelles se rattachaient les 30 curies, et non des tribus territoriales27. Par conséquent, la tribu territoriale n’aurait constitué à l’origine, aussi bien politiquement que socialement, qu’un cadre administratif essentiellement plébéien, qui a certes appartenu au « processus d’institutionnalisation » de la plèbe, mais qui n’intervenait pas, ou très peu, dans les institutions de la cité patricienne28.
7Il paraît dès lors imprudent de voir dans la tribu territoriale primitive un cadre de recensement au sein duquel se serait opérée l’intégration des « nouveaux citoyens » au cours de l’époque archaïque : les informations en ce sens fournies par Tite-Live peuvent très bien être des anachronismes liés à l’association automatique, à une époque plus tardive, entre la création de nouvelles tribus et l’intégration de nouveaux citoyens dans la citoyenneté romaine29. On ne voit pas comment, en effet, la tribu territoriale aurait pu offrir un cadre de recensement, si à l’époque archaïque elle ne jouait aucun rôle dans les institutions politiques de la Cité patricienne, et qu’elle n’était rien d’autre qu’un regroupement de propriétés privées (plébéiennes) servant de base à l’organisation de l’assemblée de la plèbe. À la rigueur peut-on admettre que la possession d’une propriété foncière rattachait un citoyen à une tribu territoriale et définissait ainsi son statut d’adsiduus (peut-être à partir de l’époque décemvirale, comme semblent le montrer la loi des XII Tables ainsi que la création de la censure en 443). Mais il est peu probable, contrairement à ce que l’on soutient d’habitude, que l’appartenance à une tribu ait pu constituer dès l’origine le critère d’appartenance à la citoyenneté romaine30. Cette remise en cause d’une vision pourtant devenue classique se justifie d’autant plus que l’appartenance à une tribu comme critère de citoyenneté n’est véritablement attestée par nos sources que pour une époque relativement tardive, à partir du iie siècle av. J.-C. Mais d’après L. R. Taylor, le nom de la tribu a dû commencer à apparaître à côté de celui du citoyen sur les listes d’enrôlement de l’armée à partir du moment où la tribu devint la base de la levée, ce qui nous ramène à la fin du ive siècle31. Or il semble bien, comme nous l’avons vu à propos de la prescription de la loi Ovinia qui exigeait le recrutement curiatim des sénateurs, que peut-être jusqu’à la fin du ive siècle, la curie constituait l’unité administrative de base et fournissait le critère d’appartenance à la citoyenneté32.
La censure de 332 et le recensement des citoyens par tribus
8L’appartenance à une tribu n’a pu devenir un critère de citoyenneté à Rome que lorsque tous les citoyens sans exception ont été officiellement inscrits et recensés dans les tribus, ce qui n’a pas pu être possible tant que la tribu est restée un regroupement de propriétés privées ou une unité administrative purement plébéienne. Le recensement des citoyens par tribus peut donc difficilement être originel, et ne remonte sans doute pas à Servius Tullius : les seuls magistrats qui étaient habilités à inscrire officiellement les citoyens dans les tribus étaient les censeurs33, ce qui exclut a priori le recensement par tribus avant la création de la censure, en 443. D’après E. Lo Cascio, les censeurs n’auraient commencé à enregistrer les citoyens par tribus qu’à partir de 332, parce qu’il s’agit de la première année où la création de nouvelles tribus est mentionnée dans le cadre d’une censure, en même temps d’ailleurs que le recensement de nouveaux citoyens34. Il lie cette réforme à la réforme du census qui aurait, dans les dernières décennies du ive siècle, adopté sa forme « servienne » et ainsi permis une redéfinition de la citoyenneté au lendemain de la dissolution de la ligue latine (en 338) : désormais, le recensement se serait fait tribu par tribu (tributim), chaque tribu faisant l’objet d’une liste de citoyens répartis par classes et par centuries, et comprenant également la distinction entre iuniores et seniores ; quant aux cives sine suffragio, ne pouvant pas être inscrits dans les tribus, ils auraient dès lors été enregistrés sur les Tabulae Caeritum, dont l’existence impliquerait donc, selon lui, celle du recensement par tribus.
9Autrement dit, la réforme introduite par les censeurs de 332 (Q. Publilius Philo et Sp. Postumius Albinus) aurait permis le passage de la « tribu territoriale » à la « tribu personnelle » en s’appuyant sur une profonde réforme de l’organisation censitaire. Il est vrai que les deux aspects sont intrinsèquement liés, puisque l’inscription dans une « tribu personnelle » ne tient compte que du lieu de résidence ou éventuellement de l’arbitraire des censeurs et peut donc inclure aussi bien des propriétaires que des non-propriétaires (alors que la « tribu territoriale » était, rappelons-le, un regroupement de propriétés privées) ; de même, l’organisation centuriate du système « servien » regroupe, dans ses 193 centuries réparties en 5 classes auxquelles s’ajoutent les 18 centuries d’equites equo publico ainsi qu’une centurie « hors-classes » de proletarii, aussi bien des propriétaires que des non-propriétaires (riches ou pauvres), ces derniers ne pouvant pas précédemment être inscrits dans une « tribu territoriale ».
10Nous avons vu plus haut que cette réforme censitaire doit être liée aussi bien à la réforme militaire qui développa l’organisation manipulaire par la mobilisation de citoyens pauvres autrefois exclus de l’armée centuriate, qu’à la réforme monétaire introduisant une unité de compte monétarisée (l’as en bronze) afin de pouvoir évaluer les fortunes des non-propriétaires, mais aussi afin de pouvoir prélever le tributum et verser le Stipendium aux légionnaires : l’organisation par tribus de la levée militaire (dilectus) et du prélèvement du tributum suppose d’ailleurs l’existence de listes de citoyens par tribus, et donc un recensement par tribus35. Or les indices chronologiques que nous avons relevés indiquent que l’ensemble de ces réformes ne peuvent se placer que vers la fin du ive siècle et doivent être liées à la censure d’Appius Claudius Caecus ou à ses conséquences. Par ailleurs, les citoyens non-propriétaires, riches ou pauvres, ne semblent pas encore avoir été recensés par tribus en 332, sans quoi on ne comprendrait plus ce qu’aurait changé Appius Claudius en inscrivant les citoyens dans leur tribu de résidence, comme le laisse entendre Diodore, une mesure qui eut pour conséquence la répartition des humiles dans toutes les tribus, comme l’affirme Tite-Live36 : comme nous l’avons vu, ces humiles devaient être des citoyens « pauvres » ou « défavorisés », dont un certain nombre au moins (les humilimi ?) devaient être des non-propriétaires (qui ne pouvaient pas avoir été inscrits dans les tribus « urbaines » avant 312, puisque la déqualification politique et sociale de ces tribus ne serait apparue qu’en 304)37.
11Les censeurs de 332 n’ont donc pas pu avoir déjà organisé un census par tribus, à moins d’imaginer qu’ils se soient limités aux seuls citoyens possesseurs d’une propriété foncière : et encore auraient-ils dû se limiter aux citoyens suffisamment riches pour pouvoir participer à l’organisation centuriate. Mais dans ce cas (le recensement des seuls citoyens riches et propriétaires), le census par tribus n’aurait pas pu s’appuyer sur la réforme de l’organisation centuriate selon le modèle « servien », et n’aurait pas pu non plus, comme le soutient également E. Lo Cascio, donner une nouvelle définition des critères de citoyenneté (encore une fois, la tribu n’a pu devenir le critère d’appartenance à la citoyenneté que lorsque tous les citoyens optimo iure, sans exception, ont été inscrits dans les tribus). Enfin, si les censeurs de 332 avaient effectivement déjà organisé un recensement par tribus, et que celles-ci avaient encore été des regroupements de propriétés (et de propriétaires), comment et où auraient été recensés les citoyens (riches ou pauvres) qui n’étaient pas propriétaires ? Il est peu probable qu’à partir du moment où les censeurs ont commencé à recenser les citoyens par tribus, ils aient exclu du recensement une catégorie de citoyens. À moins d’imaginer que les censeurs de 332 aient recensé certains citoyens par tribus (parce qu’ils auraient été suffisamment fortunés et étaient propriétaires fonciers), et les autres hors tribus (les humiles), qui auraient alors été inscrits avec les cives sine suffragio sur les Tabulae Caeritum, comme le pensait Th. Mommsen et comme semble le penser de nouveau, mais de manière implicite, E. Lo Cascio38 : mais d’une part, cette mesure aurait privé du droit de vote des citoyens optimo iure, et ce, en-dehors du cadre de toute sanction civique ; d’autre part, cette mesure aurait été complètement incompatible avec l’existence (ou la création) simultanée de l’organisation « servienne », dont l’une des caractéristiques remarquables est justement de donner le droit de vote (au moins formellement) à tous les citoyens, même aux proletarii.
12Par ailleurs, l’existence des Tabulae Caeritum n’implique pas nécessairement l’existence du recensement par tribus, puisque les Cérites semblent avoir été incorporés dans la civitas sine suffragio avant 348, en 350 selon M. Humbert39 : le fait que le recensement des cives sine suffragio se fît en-dehors du cadre des tribus tendrait plutôt à prouver que lorsque les Tabulae Caeritum ont été établies pour la première fois, le recensement par tribus n’existait pas encore. M. Humbert a également montré que l’inscription de ces citoyens sur les Tabulae Caeritum devait être une mesure honorifique à l’origine, et qu’elle n’a dû se dévaloriser que plus tard, lorsque l’exclusion d’un citoyen des tribus par les censeurs est devenue une sanction40, ce qui n’a pu se produire qu’à partir du moment où l’on a commencé à recenser les citoyens par tribus : il n’est donc pas possible de lier l’inscription des citoyens dans les tribus et celle des cives sine suffragio sur les Tabulae Caeritum.
13Les novi cives recensés en 332 en même temps qu’étaient créées les tribus Maecia et Scaptia concernent certes, au premier chef, les nouveaux citoyens dont les terres se trouvaient dans ces nouvelles tribus (nouveaux citoyens optimo iure créés à Lanuvium et cives sine suffragio de Velitrae41), mais peuvent aussi concerner ceux dont les terres se trouvaient dans d’autres secteurs de l’ager Romanus (le texte de Tite-Live ne dit pas explicitement que ces « nouveaux citoyens » provenaient des nouvelles tribus créées, mais indique seulement la simultanéité entre cette création et le recensement de novi cives). En effet, les chiffres du cens prenaient en compte aussi bien les citoyens optimo iure que les cives sine suffragio, puisqu’ils étaient recensés en même temps42 : l’accroissement de la population romaine au cours du ive siècle serait ainsi en grande partie due à la prise en compte, par les chiffres du cens, des cives sine suffragio qui vivaient sur l’ager Romanus tout en étant recensés dans le cadre de leurs municipes, donc en-dehors du cadre des tribus, et qui étaient inscrits sur les Tabulae Caeritum. Les chiffres du cens de 332 ont donc également dû prendre en compte les autres « nouveaux citoyens », Latins et Campaniens, qui ont été intégrés dans la citoyenneté sans suffrage depuis la précédente censure de 339 (en 338 et en 334), et qui résidaient sur le territoire romain (ager Romanus) soit dans le cadre d’une tribu, soit en-dehors de ce cadre43. Par conséquent, la mention du recensement de novi cives en 332 en même temps que la création de deux nouvelles tribus ne signifie pas nécessairement que la tribu était devenu le cadre juridique qui définissait la citoyenneté et qui permettait l’intégration des nouveaux citoyens. D’ailleurs, la présence de nouveaux citoyens dans les tribus n’était pas vraiment une nouveauté puisque dès 389, on assigna des terres à ceux des Véiens, des Capénates et des Falisques qui étaient passés du côté de Rome et étaient devenus des nouveaux citoyens44 ; et en 387, quatre nouvelles tribus furent créées en étant constituées de nouveaux citoyens.45 Ces nouvelles tribus ont à chaque fois été créées après le partage de terres préalablement confisquées et attribuées en propriété aussi bien à des citoyens de vieille souche qu’à de nouveaux citoyens : leur création ne correspond là encore qu’à une « extension de la propriété privée », ce qui ne permet pas de définir à proprement parler la citoyenneté, car les citoyens non-propriétaires n’y étaient pas encore recensés.
14La création en 332 de nouvelles tribus par les censeurs est une innovation qui pourrait en fait s’expliquer par les nouvelles responsabiltés qui incombaient à ces magistrats pour le partage des terres de l’ager publicus : nous avons vu que d’après une hypothèse de L. Capogrosso Colognesi, les lois licinio-sextiennes auraient imposé un accès égal à la propriété privée dans l’ager publicus pour les patriciens et les plébéiens (sous la forme de la possessio) ; comme la gestion des terres de l’ager publicus est une responsabilité traditionnellement attribuée aux censeurs46, on pourrait avoir là l’une des raisons du partage de la censure entre patriciens et plébéiens à partir de 33947 ; comme par ailleurs la création de nouvelles tribus ne pouvait se faire qu’à partir de terres nouvellement conquises et préalablement acquises en propriétés individuelles (aussi bien par des patriciens que par des plébéiens), celle-ci finit par incomber également aux censeurs et le premier cas se présenta apparemment lors de la censure de 332. Peut-être en ont-ils alors profité pour recenser les citoyens-propriétaires dans le cadre de leurs tribus : dans ce cas, le recensement par tribus n’aurait pu concerner que les citoyens-propriétaires suffisamment riches pour pouvoir être mobilisés dans le cadre de la légion prémanipulaire (qui aurait alors été composée par les trois premières classes censitaires ?), c’est-à-dire dans le cadre d’une armée qui appartenait au stade immédiatement antérieur à la mise en place définitive de la légion manipulaire et de l’organisation « servienne » du système centuriate. Mais cette hypothèse d’un recensement par tribus qui n’aurait concerné en 332 que les seuls adsidui laisse entier le problème du mode de recensement à cette date des autres citoyens optimo iure qui n’étaient pas propriétaires fonciers (notamment les humiles). L’hypothèse émise par E. Lo Cascio ne rend donc pas encore entièrement compte de toutes les données du problème, car il ne peut pas être envisagé qu’à partir du moment où l’on commença à recenser les citoyens par tribus, on n’ait recensé que les seuls propriétaires en laissant de côté les non-propriétaires ou en assimilant ceux-ci à des cives sine suffragio.
La réforme des tribus d’Appius Claudius
15On peut par contre penser que l’événement de 332 a préparé la voie à la réforme des tribus d’Appius Claudius : c’est parce que la création des nouvelles tribus incombait désormais aux censeurs (afin de superviser le partage de l’ager publicus, ou d’entériner sa transformation en ager privatus), et éventuellement aussi l’inscription des citoyens-propriétaires dans les tribus au moment des opérations du census, qu’Appius Claudius a pu recenser tous les citoyens par tribus, qu’ils aient été propriétaires (boni ou locupletes) ou non-propriétaires (fortunés, prolétaires ou humiles)48. Comme pour la lectio senatus, la censure d’Appius Claudius est d’ailleurs la première pour laquelle la tradition rapporte l’inscription des citoyens dans les tribus par les censeurs49. D’autre part, si le dilectus et la levée du tributum se faisaient désormais par tribus pour des raisons essentiellement d’échelle administrative, il était logique que le recensement de tous les citoyens se fît dès lors également par tribus : on peut même penser que c’est l’introduction du dilectus et du tributum par tribus (tributim) qui rendit alors nécessaire le recensement par tribus. Par conséquent, à partir de 312, tous les citoyens romains, sans exception, furent inscrits dans toutes les tribus.
16En recensant et en inscrivant tous les citoyens (y compris les humiles et les prolétaires) dans la tribu de leur choix, c’est-à-dire apparemment dans leur tribu de résidence, Appius Claudius a incontestablement innové. Les conséquences politiques et sociales en furent considérables, ce dont l’annalistique s’est bien souvenue : pour la première fois, les citoyens pauvres (humiles) furent inscrits dans les mêmes tribus que les citoyens riches (boni). Même si les humiles n’étaient pas forcément des prolétaires, c’est-à-dire des non-propriétaires, mais pouvaient également désigner des petits propriétaires dont la richesse aurait été auparavant insuffisante pour leur permettre de participer à l’armée centuriate, leur inscription par les censeurs dans leur tribu de résidence abolit les distinctions sociales au sein de la tribu. En inscrivant tous les citoyens dans les tribus quelque fût leur statut (propriétaires ou non-propriétaires) ou leur fortune (boni ou humiles), Appius Claudius transformait définitivement la tribu territoriale en tribu « personnelle » : cette hypothèse résoudrait du coup le problème, en grande partie insoluble, des conditions juridiques que les citoyens auraient dû remplir pour être inscrits dans les différentes tribus, et notamment dans les « tribus rurales », avant la censure de 312. La tribu put dès lors devenir, au lieu d’un regroupement de propriétaires fortunés, une véritable circonscription administrative de l’État romain. Or, si la tribu n’a pu devenir une circonscription administrative qu’avec la censure d’Appius Claudius, elle n’a pu devenir un critère d’identification du citoyen romain qu’à partir de ce moment-là au plus tôt. Il y a par conséquent de fortes chances pour que Th. Mommsen ait eu raison lorsqu’il affirmait que « l’identification du droit de cité et de la tribu personnelle reste toujours l’œuvre durable de la censure d’Appius »50.
17Appius Claudius aurait donc été le premier censeur à inscrire tous les citoyens sur une liste classée par tribus, qu’ils fussent propriétaires (boni, locupletes ou adsidui) ou non (humiles ou proletariï), ce qui permit à la tribu de devenir à partir de ce moment là le critère distinctif d’appartenance à la citoyenneté. La raison fondamentale de cette innovation tient dans l’adoption, dans sa forme définitive, de l’organisation manipulaire de l’armée romaine et dans la réorganisation du système de la levée (dilectus). Comme le dilectus et le tributum se faisaient dorénavant par tribus, et que ces opérations reposaient à l’origine sur la proportionalité de l’effort en fonction de la richesse de chacun (ex censu), il fallait non seulement que tous les citoyens fussent recensés dans une tribu, mais que dans chaque tribu fussent inscrits à la fois des citoyens riches et des citoyens pauvres dans des proportions à peu près équivalentes. D’autre part, la principale innovation de l’armée manipulaire par rapport à l’armée centuriate qui l’a précédée (ou même l’armée pré-manipulaire), grâce notamment à la distribution d’un Stipendium régulier financé par le tributum, fut l’élargissement de la base mobilisable à tous les citoyens, qui ne comprenait plus seulement les seuls citoyens fortunés capables de se procurer un équipement militaire, mais aussi les citoyens plus pauvres (humiles) provenant des quatrième et cinquième classes censitaires. Autrement dit, le recensement par tribus serait directement lié à la mise en place de l’organisation manipulaire de l’armée romaine, elle-même en rapport avec l’organisation servienne du système centuriate.
18Les conséquences politiques et institutionnelles furent considérables, et concernèrent aussi bien l’organisation centuriate et l’organisation tribute. Pour la première fois, les citoyens pauvres ou non-propriétaires (humiles ou proletarii) furent inscrits dans les mêmes tribus que les citoyens riches (boni ou locupletes). Dans l’organisation centuriate, tout le corps civique, sans exception, dut être réparti dans des centuries, et même les prolétaires obtinrent une centurie, alors qu’auparavant, seuls les plus riches devaient être pris en compte (la centurie de prolétaires n’avait pas de sens dans le cadre de la classis et de l’organisation centuriate primitive) : désormais, la centurie n’était plus le cadre de la levée, mais ne servait plus qu’à indiquer la proportion dans laquelle chacun participait aux charges militaires et fiscales ainsi qu’aux honneurs politiques. L’introduction de nouvelles classes censitaires, en liaison avec la création de l’armée manipulaire, ainsi que la création d’une centurie de « prolétaires », ont rendu nécessaire l’inscription dans les tribus des humiles, et même des humillimi, puisque la tribu devint le cadre du recrutement militaire et de la perception de l’impôt, et que cela concernait, au moins virtuellement, tous les citoyens recensés. En cela, la réforme des tribus d’Appius Claudius est en rapport étroit avec une réorganisation des comices centuriates et la mise en place du système « servien » des cinq classes censitaires, puisque dans les deux cas, on a dû voir l’irruption d’une classe nombreuse de citoyens pauvres (humiles). Et justement, d’après Tite-Live, sa réforme bouleversa aussi bien les comices centuriates que les comices tributes (forum et campum corrupit).
De la curie à la tribu : la redéfinition de la citoyenneté
19Si les humiles répartis par Appius Claudius dans toutes les tribus étaient bien en partie des non-propriétaires fonciers, ou des citoyens trop pauvres pour pouvoir faire partie de l’armée centuriate, cela signifie qu’ils n’avaient, pour ces raisons, jamais été inscrits auparavant dans aucune tribu territoriale. En même temps, comme il s’agissait incontestablement de citoyens, cela signifie que l’inscription dans une tribu n’était pas auparavant le critère qui définissait l’appartenance à la citoyenneté romaine. Comme le seul autre critère de citoyenneté connu était l’appartenance au système curíate, cela signifie que celui-ci devait encore être en vigueur en 312. Le recensement par tribus pourrait par conséquent avoir provoqué le déclin définitif de l’institution curiate, déclin qui n’était manifestement pas encore à l’œuvre au début de la République, lorsque l’appartenance à une curie était le seul critère d’appartenance à la communauté des citoyens romains (Quintes)51.
20Selon la tradition, le seul cadre politique qui ait précédé celui de la tribu fut celui des curies, et elle attribue le passage du système des curies et des tribus gentilices à celui des tribus territoriales, là encore, au roi Servius Tullius (578-535 av. J.-C.)52. Cette chronologie, sinon cette attribution, a rarement été remise en cause par les Modernes, peut-être par rapprochement avec la réforme des tribus de Clisthène à Athènes (vers 510 av. J.-C.)53. Mais il peut paraître à première vue curieux, voire extraordinaire, que sur ce point Rome ait été en avance sur Athènes54 ! Certes, un certain nombre de savants, depuis B. G. Niebuhr et Th. Mommsen, n’ont pas hésité à rapprocher l’œuvre d’Appius Claudius Caecus de celle du grand réformateur athénien, mais bien peu en ont tiré les conséquences pour comprendre le passage du système des curies à celui des tribus, et encore moins à en voir les conséquences sur l’histoire de la définition de la citoyenneté55. Et de fait, si la tribu d’Appius Claudius remplaça bien, dans sa fonction administrative, l’ancienne curie, de même dans l’Athènes du vie siècle, « le principe territorial et l’ordre civique l’emportèrent de façon décisive sur le principe gentilice »56. Par ailleurs, l’annalistique attribue à Servius Tullius la création des tribus territoriales selon la définition que celles-ci ont adopté vers la fin du ive siècle seulement, à savoir non pas de simples regroupements de propriétés privées, mais des circonscriptions de l’État romain qui regroupent l’ensemble des citoyens qui y habitent57. Autrement dit, l’attribution de la réforme des tribus à Servius Tullius, qui repose probablement sur un fond de vérité historique (la création des premiers regroupements de propriétés privées vers le milieu du vie siècle), aurait suivi le même processus de construction pseudohistorique et de « servianisation » que l’attribution à ce roi de la réforme du système censitaire en cinq classes et 193 centuries58 : les deux réformes institutionnelles sont d’ailleurs liées entre elles, aussi bien dans le récit de l’annalistique (chez Tite-Live et chez Denys, les deux réformes se suivent et apparaissent confusément liées l’une à l’autre59) que dans leur réalité historique de la fin du ive siècle (selon Tite-Live, <Appius Claudius> forum et campum corrupit ; pour sa part, Denys d’Halicarnasse décrit l’organisation de la levée militaire et du tributum, en relation avec la réforme des tribus de Servius Tullius, selon une procédure qui rappelle celle décrite par Polybe et qui ne peut être que celle de la légion manipulaire à partir de la fin du ive siècle60).
21Le recensement par tribus de l’ensemble du corps civique permit ainsi de donner une nouvelle définition de la citoyenneté qui facilitait grandement l’intégration des nouveaux citoyens dans le corps civique. C’est d’ailleurs aussi ce dont la tradition croyait se souvenir à propos de Servius Tullius, fils d’une esclave ou d’origine étrangère, et qui a malgré tout pu accéder au pouvoir, comme le rappelle l’empereur Claude pour justifier sa lectio senatus et le recrutement de sénateurs d’origine gauloise61 : ses réformes auraient ensuite permis à Servius Tullius d’intégrer de nombreux étrangers, qu’il faut naturellement comprendre comme des nouveaux citoyens62. L’intégration de ces derniers dans les tribus était certainement plus facile que dans les curies, puisque la répartition de la population en 30 curies était probablement déterminée par l’appartenance aux cadres gentilices (gentes) et donc par la naissance63, alors que l’inscription dans une tribu était une simple opération administrative organisée par les censeurs à l’occasion du census : en effet, alors qu’un nouveau citoyen, forcément d’origine étrangère, ne pouvait pas appartenir à une curie (sauf procédure d’adoption devant les comices curiates présidés par le grand pontife), il devait être automatiquement inscrit dans une tribu par les censeurs dès le premier census auquel il participait.
22Or justement, l’affranchissement par le census et l’attribution consécutive du droit de vote sont aussi des traits dont la tradition se souvenait à propos d’Appius Claudius Caecus : en évoquant l’affranchissement de l’esclave Vindicius qui, selon la tradition, reçut le droit de cité en 509 pour avoir dénoncé le complot préparé par les fils de Brutus contre la République, Plutarque précise qu’il fut le premier affranchi (ἀπελεύθερος) à devenir citoyen avec le droit de vote, et il ajoute que les autres affranchis ne reçurent ce droit que « longtemps après, lorsqu’Appius Claudius le leur donna par démagogie »64. M. Kaser s’était déjà appuyé sur ce témoignage pour affirmer que les anciens esclaves n’auraient obtenu le droit de cité qu’à partir de la censure de 31265. Selon M. Lemosse, l’affranchissement par le cens apparut dès la création de la censure, en 443, mais les affranchis par la vindicte et par le testament n’auraient reçu le droit de cité qu’à partir de 312, lors de la censure d’Appius Claudius66. G. Piéri a toutefois montré que ce texte ne permet pas de faire une distinction entre deux catégories d’affranchis, comme le fit M. Lemosse : les manumissi vindicta ou testamento, qui n’auraient reçu le droit de cité que sous la censure d’Appius Claudius, et les affranchis déjà citoyens, les manumissi censu67. Selon lui, « Plutarque, loin de comparer la situation d’affranchis déjà citoyens à d’autres non encore admis au droit de cité, a seulement voulu d’une façon confuse faire allusion aux mesures d’Appius Claudius relatives à la répartition du droit de vote dans les tribus »68. En fait, si on prend le témoignage de Plutarque au pied de la lettre, la manumissio censu remonterait bien à la censure d’Appius Claudius en 312 : or si, comme on l’a vu, la manumissio pouvait aussi bien s’appliquer aux esclaves qu’on voulait affranchir qu’aux pérégrins qui souhaitaient entrer dans la cité romaine69, la manumissio censu serait directement liée au recensement par tribus et aurait permis l’intégration des nouveaux citoyens (les « libertini »), dorénavant régulièrement inscrits dans une tribu par les censeurs au moment des opérations du cens. Autrement dit, en procédant au premier recensement de tous les citoyens par tribus, Appius Claudius a pu favoriser l’intégration dans le corps civique d’un grand nombre de nouveaux citoyens. On comprend mieux dès lors l’enchaînement des réformes qui ont marqué cette censure, si les libertini qu’Appius Claudius a voulu introduire au Sénat lors de sa « prava lectio » étaient bien, selon l’interprétation de J. Cels-Saint-Hilaire, des « nouveaux citoyens » : comme les consuls de 311 ont refusé de compter parmi les sénateurs ces « nouveaux citoyens » (Latins ou Campaniens) parce qu’ils ne pouvaient appartenir à aucune curie, l’ancien critère de citoyenneté rappelé par la loi Ovinia pour le recrutement des sénateurs (curiatim), Appius Claudius recensa tous les citoyens par tribus et modifia ainsi délibérément la définition des critères de la citoyenneté70.
Concilium plebis et comitia tributa
23J. Cels-Saint-Hilaire, peut-être par prudence, n’évoque que très peu les questions institutionnelles liées à l’assemblée tribute et semble adopter la position de R. Develin, pour qui le concile de la plèbe et les comices tributes recouvraient dès l’origine la même réalité71. Cette position a été récemment reprise et développée par K. Sandberg, qui a essayé de démontrer qu’à l’époque républicaine, le concilium plebis était la seule assemblée tribute compétente en matière de législation civile72. Pour établir l’équivalence entre comitia tributa et concilium plebis, l’historien finlandais s’est appuyé sur une étude sémantique de J. Farrell : les deux termes ne seraient pas mutuellement exclusifs, dans la mesure où le mot comitia suivi d’un adjectif ou d’un substantif au génitif désigne la structure interne ou la finalité de l’assemblée (par exemple : comitia centuriata, ou comitia consulum), alors que l’emploi du mot concilium, qui ne peut être suivi que par un substantif au génitif, est destiné à souligner la composition de l’assemblée (par exemple : concilium deorum / Latinorum / plebis)73. Sur le plan institutionnel, comitia et concilium pouvaient donc très bien être employés pour désigner la même assemblée et auraient été en quelque sorte interchangeables : le concilium plebis et les comitia tributa désigneraient par conséquent une seule et même réalité, celle d’une assemblée strictement plébéienne. La thèse de K. Sandberg a pour conséquence d’exclure complètement les patriciens des comices tributes, et les magistrats curules de toute la législation civile de la République : celle-ci aurait été exclusivement entre les mains des tribuns de la plèbe, du moins jusqu’au ier siècle avant notre ère, lorsque les institutions de la « République classique » n’auraient plus été intégralement respectées (plusieurs témoignages présentent alors clairement des rogationes proposées aux comices tributes par des magistrats curules). Enfin, les distinctions établies par Festus, Ateius Capito, Laelius Felix et Gaius entre les mots comitia et concilium, populus et plebs, ou lex et plebiscitum, ne seraient que des réélaborations savantes et tardives qui ne permettraient pas de prouver l’existence de deux assemblées tributes distinctes à l’époque républicaine74.
24La thèse de Κ. Sandberg, si elle a le mérite de montrer l’importance du concilium plebis et le rôle des tribuns de la plèbe dans l’élaboration de la législation civile à l’époque républicaine, semble toutefois excessive. Il paraît a priori difficile d’admettre que les magistrats curules aient été systématiquement écartés de l’activité législative civile, et que les exemples présents dans nos sources soient ou bien des erreurs, ou bien des pratiques contraires au mos maiorum75. Par ailleurs, les définitions données par Festus et par les jurisconsultes de l’époque impériale ne peuvent pas être écartées au profit de l’usage souvent très approximatif de ces termes par les auteurs de la fin de la République, même Cicéron et Tite-Live76. Certes, lorsque le concile de la plèbe a été créé, dans les premières années de la République, il s’agissait bien d’une assemblée exclusivement plébéienne, dont les patriciens étaient complètement exclus, parce qu’elle avait pour principal objectif d’élire les tribuns de la plèbe dans le cadre d’un conflit ouvert avec les patriciens (la fameuse « lutte des ordres »)77. Il est d’ailleurs possible que cette exclusion ait perduré jusqu’à la fin de la République : l’assemblée tribute est donc bien une création de la plèbe, mais dans un contexte quasi révolutionnaire78.
25Toutefois, il est difficile d’admettre qu’une pareille assemblée ait pu accaparer l’élaboration de la législation civile ainsi que l’élection des magistratures inférieures non plébéiennes (édiles curules, questeurs, tribuns militaires) en excluant systématiquement les patriciens, même devenus numériquement très minoritaires : la présence de patriciens parmi les magistrats inférieurs indique à elle-seule que ces comices ne pouvaient pas être exclusivement plébéiens79. Comme cela a déjà été maintes fois souligné, ce qui distinguait des comitia et un concilium n’était pas tant la composition ou la fonction de ces assemblées, mais le type de magistrat qui les convoquait et qui les présidait : alors que le concile de la plèbe était toujours présidé par un magistrat plébéien (généralement un tribun de la plèbe), les comitia tributa ne pouvaient être convoqués et présidés que par un magistrat supérieur revêtu de l’imperium et pouvant prendre les auspices (consul ou préteur)80. Les comitia tributa devaient d’ailleurs se tenir dans un espace qui avait été « inauguré », donc un templum, ce qui n’était pas nécessaire pour le concilium plebis, puisque les tribuns de la plèbe n’avaient pas la capacité de prendre les auspices et qu’il s’agissait à l’origine d’une assemblée révolutionnaire en marge de la cité patricienne81.
26Les comitia tributa se déroulaient normalement au Comitium, voire sur le Capitole, c’est-à-dire dans des espaces inaugurés, aux mêmes lieux précisément que les comitia curiata dont ils semblent avoir pris la succession82 : or, s’il n’est pas possible de nier que les patriciens faisaient partie des comices curiates, qui devaient réunir tout le populus et qui devaient être convoqués et présidés par des magistrats supérieurs (ou encore par le rex sacrorum ou le pontifex maximus), il paraît difficile d’admettre qu’ils aient été exclus des comices (en même temps que les magistrats curules) à partir du moment où les magistrats prirent l’habitude de réunir le peuple par tribus au lieu par curies. Dans la pratique institutionnelle quotidienne, les comices tributes semblent en effet avoir remplacé les très anciens comices curiates.
27Il paraît donc clair que le concilium plebis et les comitia tributa désignent deux assemblées nettement distinctes quant à leur nature juridique et à leur composition. K. Sandberg explique l’expression populus plebsque, qui lui semble justement ne pas devoir être archaïque, par la juxtaposition des deux seules assemblées législatives qu’il reconnaît à l’époque de la « République classique » : les comices centuriates (qui réunissaient le populus) et le concile de la plèbe. Pour J.-C. Richard, « le binôme populus plebsque ne peut (...) s’interpréter qu’en référence au long processus d’exaequatio qui embrasse la deuxième moitié du ive siècle et le premier quart du IIIe » : la formule serait ainsi « inséparable des victoires plébéiennes du ive siècle » et pourrait provenir d’une formule de prière prononcée « à l’heure de la renuntiatio (...), par le magistrat auquel incombait le soin de réunir les comices »83. L’expression populus plebsque paraît en fait clairement dériver de la célèbre formule Senatus Populusque : or dans ce cas, le populus ne désigne pas nécessairement le « peuple en armes » (donc réuni en centuries sur le Champ de Mars), car la formule la plus ancienne disait senatus populusque Quiritium et désignait, à côté du Sénat dont le siège était à la Curie, le peuple des Quirites dont le lieu de réunion naturel était au Comitium (où il se réunissait en comices curiates)84. L’association topographique et institutionnelle entre la Curie et le Comitium qui se trouve dans la formule senatus populusque a pu trouver un complément lorsque les comices curiates ont commencé à être remplacés par les comices tributes et le concile de la plèbe : la formule populus plebsque désignerait par conséquent les deux assemblées tributes qui pouvaient d’ailleurs se réunir, elles aussi, au Comitium.
28Mais à l’origine, seul devait exister le concile de la plèbe dont les patriciens étaient exclus, car ils ne pouvaient (ou ne voulaient) participer ni au vote des plébiscites, ni à l’élection des tribuns de la plèbe : l’affirmation de Tite-Live selon laquelle la loi Publilia Voleronis aurait confié l’élection des tribuns de la plèbe aux comices tributes doit être une erreur, ou une approximation de langage, puisque le témoignage de Zonaras précise que cette loi donnait à la plèbe le droit καθ’ ἑαυτὸ συνιέναι85 : cette erreur est d’ailleurs révélatrice de la confusion qui existait à la fin de la République entre comitia tributa et concilium plebis, de même qu’entre les termes lex et plebiscitum86. Les comices tributes semblent en fait être la transposition directe de la forme institutionnelle d’assemblée populaire imaginée par les plébéiens, et n’ont pu apparaître que plus tardivement, même si les circonstances de leur introduction dans les institutions de la République ne figurent clairement dans aucune source ancienne.
29Nous avons vu que la mention par Tite-Live de l’existence des comices tributes dès 471 est manifestement une erreur. Les comices tributes sont de nouveau mentionnés à propos de l’élection des questeurs en 447, puis peut-être de nouveau en 446, mais il s’agit là-aussi, selon toute vraisemblance, d’anticipations et probablement de confusions avec le concilium plebis, voire les comitia curiata (d’après Tacite, la questure est mentionnée par la plus ancienne loi curiate consulaire connue)87. Selon E. Meyer, les comices tributes (entendus comme assemblée patricio-plébéienne) existaient depuis le ve siècle, puisque le nombre des tribus devint alors impair (21) et qu’il le restera toujours malgré les créations successives de nouvelles tribus, ce qui ne peut se justifier que si les tribus étaient alors déjà devenues des unités de vote au sein de l’assemblée tribute : mais celle-ci ne correspond pas nécessairement aux comices et le nombre impair peut très bien avoir été également recherché pour le concile de la plèbe88. En fait, l’existence d’une assemblée tribute qui réunit en son sein patriciens et plébéiens n’est pas plausible avant le vote des lois licinio-sextiennes (en 367), voire la fin du conflit patricio-plébéien à la fin du IVe ou au début du iiie siècle89.
30Certains ont cru pouvoir dater la naissance des comices tributes vers le milieu du ive siècle, peut-être à la suite de l’accès des plébéiens à l’édilité curule, peu après 366 ; mais jusqu’à Cn. Flavius, les édiles curules ont très bien pu avoir été désignés par les magistrats supérieurs (consuls ?), comme l’avaient été les premiers questeurs90 : le cas de Cn. Flavius fournit en effet la première attestation par nos sources d’une élection pro tribu pour la désignation d’un édile curule91. La réunion en 357 d’une assemblée ad Sutrium in castris tributim n’est probablement pas historique, d’autant que l’exercitus ne se réunissait que centuriatim, ou peut-être primitivement (lorsqu’il s’agissait de la classis) curiatim : l’épisode semble surtout avoir une valeur étiologique pour expliquer l’origine du plébiscite interdisant la réunion des assemblées du peuple en dehors du pomerium92. D’autres ont vu dans les plébiscites votés au cours du ive siècle, particulièrement après 367, une autre preuve de l’existence d’une assemblée tribute patricio-plébéienne, parce que les décisions votées par le seul concile de la plèbe n’auraient pas pu s’appliquer à tout le peuple romain93.
31Mais ce n’est pas tenir compte de la montée en puissance, au cours de cette période, du concilium plebis, dans le cadre de l’affirmation politique croissante des grandes familles de la noblesse plébéienne qui commencent alors à accéder aux honneurs94. Ce n’est pas tenir compte non plus du vocabulaire, car si les Anciens avaient tendance à appeler « lois » (leges) des plébiscites, par suite d’une confusion naturelle lorsqu’il n’y aura pratiquement plus de différence visible entre comices tributes et concile de la plèbe, il ne leur est jamais arrivé d’appeler « plébiscite » une « loi » : le plebiscitum était en effet une décision de la plèbe et uniquement d’elle, qui ne pouvait être prise que par une assemblée exclusivement plébéienne (le concilium plebis), alors que la lex était un acte juridique qui engageait tout le populus et qui ne pouvait être adopté que par des comices rassemblant patriciens et plébéiens sous la présidence d’un magistrat à imperium95. Ce n’est pas tenir compte surtout d’une loi de Q. Publilius Philo votée en 339, qui est souvent écartée à bon compte comme « anachronique » : elle donna en effet force de loi aux plébiscites votés par l’assemblée plébéienne à condition, semble-t-il, que les textes fussent ratifiés par le Sénat (l’auctoritas patrum)96. Comme nous l’avons vu, c’est précisément dans ce cadre juridique que fut adopté le plebiscitum Ovinium qui confía la lectio senatus aux censeurs, sans doute peu avant 31297 : or si les comices tributes avaient alors existé, on ne comprendrait pas pourquoi ce texte aurait été adopté par l’assemblée plébéienne. Pour la même raison, il n’est pas possible que la loi de Q. Publilius Philo puisse signaler la naissance des comices tributes, d’autant qu’elle fait clairement la distinction entre d’une part les plébiscites, auxquels il fallait sans doute ajouter l’auctoritas patrum pour qu’ils puissent s’appliquer à tout le populus, et d’autre part les lois votées par les comices centuriates, qui devaient seulement obtenir l’accord préalable du Sénat.
32Inversement, certains ont vu dans le vote de la loi Hortensia, qui donna en 287 aux plébiscites la même valeur qu’aux lois, la marque de l’apparition des comices tributes98. Mais ces derniers devaient bien déjà exister au moment de la censure de 312, sans quoi la réforme des tribus d’Appius Claudius n’aurait pas pu concerner tout le populus99. En fait, la loi Hortensia de 287, loin d’être un simple doublet de la loi de 339, semble avoir soumis les concilia plebis aux mêmes règles que les comices tributes100 : désormais, pour que les plébiscites puissent s’appliquer au peuple entier (ut plebiscita Universum populum tenerent), l’accord du Sénat (auctoritas patrum) précédera le vote et ne le suivra plus, comme pour les lois votées par les comices101 ; il est possible aussi que le concile de la plèbe devait désormais suivre le même calendrier de réunion que les comices tributes102 ; bref, c’est peut-être de cette loi que date la confusion entre concilium plebis et comitia tributa103. Le vote de la loi Hortensia de 287 ne montre donc pas que les comices tributes auraient alors seulement été créés, comme cela a parfois été soutenu, mais suggère au contraire, par l’alignement du concile de la plèbe sur les comices tributes, que l’existence de ces derniers était antérieure à la loi. D’autres ont estimé que la lex Ogulnia de 300 pourrait avoir fait l’objet d’une rogatio et constituerait par conséquent un terminus ante quem pour l’existence des comices tributes104. Autrement dit, les comices tributes ont dû apparaître entre le vote de la loi Publilia Philonis de 339, ou celui du plébiscite Ovinien vers 318-312, et le vote de la loi Hortensia de 287, voire de la lex Ogulnia de 300.
« Tribus urbaines » et « tribus rurales » : la création des comices tributes
33D’autre part, contrairement à ce qui est parfois encore soutenu105, la distinction entre « tribus urbaines » et « tribus rurales » n’est probablement pas originelle dans l’organisation tribute romaine106. Il s’agit d’une distinction de nature manifestement politique et sociale, qui n’a pu voir le jour que dans le cadre d’une assemblée tribute. Or le concile de la plèbe est antérieur à l’existence des comices tributes et l’assemblée plébéienne ne faisait certainement aucune distinction qualitative entre les tribus. Même si au départ les tribus territoriales avaient été des regroupements de propriétés privées, il serait étonnant que le concilium plebis n’ait été qu’une assemblée de propriétaires, comme on le prétend parfois107, et que les plébéiens non-propriétaires aient été exclus de l’assemblée plébéienne, ou qu’ils aient été regroupés dans certaines tribus : non seulement le mutisme des sources interdit d’imaginer une pareille distinction au sein de l’assemblée plébéienne, mais pour qu’elle ait pu exister, il aurait fallu que des magistrats plébéiens fissent régulièrement un recensement des propriétés plébéiennes et tiennent à jour un registre foncier, ce qui paraît très problématique. Les tribus territoriales, au départ simples regroupements de propriétés privées, ont dû fournir les cadres géographiques au sein desquels les habitants ont pris l’habitude de se réunir, dès la naissance du concile de la plèbe. L’assemblée plébéienne devait par conséquent réunir les citoyens en-dehors de tout principe timocratique, donc uniquement d’après leur lieu de résidence.
34Une distinction qualitative entre les tribus n’a pu apparaître que lorsque les tribus devinrent un enjeu politique pour l’ensemble de la cité, c’est-à-dire lorsqu’elles devinrent les unités de vote d’une assemblée réunissant tout le peuple romain, patriciens et plébéiens, au sein de laquelle ceux qui possédaient d’importants domaines fonciers et qui disposaient d’une nombreuse clientèle auraient cherché à contrôler politiquement les « tribus rurales ». Autrement dit, la distinction entre « tribus urbaines » et « tribus rurales » n’a pu apparaître qu’une fois créés les comices tributes. Or, la distinction entre « tribus urbaines » et « tribus rurales » n’est attestée qu’à une époque relativement tardive, puisque les quatre premières tribus, que la tradition attribue à l’œuvre de Servius Tullius, ne commencèrent à être distinguées des autres tribus qu’en 304 : cette année-là, le censeur Q. Fabius Rullianus y rejeta les humillimi qu’Appius Claudius avait dû avoir inscrits dans les autres tribus, et seulement alors, elles reçurent l’appellation de « tribus urbaines »108.
35Certes, pour Th. Mommsen, « cette allégation semble peu croyable », car la distinction entre tribus urbanae et tribus rusticae « est si bien dans la nature du système qu’elle est probablement née dès la création des secondes » et serait donc bien antérieure à la censure de 304109. Mais s’il est vrai que les « tribus urbaines » ne peuvent exister que s’il y a des « tribus rurales » et que les deux groupes sont donc apparus en même temps, rien ne permet de dire qu’une pareille distinction existât avant 304. La tradition se souvenait si bien de cet événement qu’elle lui attribuait l’origine du surnom Maximus qui aurait été donné à Fabius Rullianus110. Or, si les « tribus urbaines » ne commencèrent effectivement à être appelées ainsi qu’en 304, cela signifie soit qu’il n’y avait auparavant aucune différence juridique, politique ou sociale entre elles et les futures « tribus rurales », soit que jusque-là n’existait pas encore le cadre institutionnel au sein duquel pouvait s’opérer une pareille distinction. Autrement dit, soit les citoyens étaient jusque-là inscrits sans distinction dans toutes les tribus, soit les comices tributes n’existaient pas encore. Mais dans le premier cas, on ne voit plus ce que la réforme des tribus d’Appius Claudius aurait modifié, puisqu’on lui a justement reproché d’avoir inscrit sans distinction tous les citoyens dans toutes les tribus : l’apparition en 304 de la distinction entre « tribus urbaines » et « tribus rurales » doit par conséquent indiquer la création récente des comices tributes.
36D’autre part, si la tribu ne devint une circonscription administrative de l’État romain qu’avec la mise en place du dilectus et du tributum par tribus et avec l’inscription indifférenciée de tous les citoyens dans toutes les tribus par Appius Claudius, alors l’existence des comices tributes ne peut pas être antérieure à ces réformes. Dans son article sur « Appius Claudius et le double forum de Capoue », C. Nicolet avait cru déceler dans le récit de Tite-Live sur la réforme des tribus d’Appius Claudius (qui forum et campum corrupit, ce qui opposa le populus integer à la forensis factio), le souvenir d’une opposition « topographiquement marquée » entre deux types d’assemblée : l’une à caractère ploutocratique et aristocratique qui se réunissait au Champ de Mars, l’autre plus démocratique et populaire qui se tenait au Forum, en suivant ainsi le modèle institutionnel de certaines cités campaniennes du ive siècle (Capoue, mais aussi Pompéi, voire peut-être Naples). L’historien avait même suggéré que la création des comices tributes, opposés aux comices centuriates, daterait de la censure de 312 : « c’est avec Appius Claudius qu’apparaît l’opposition très nette entre les deux formes de comices »111. La réforme des tribus d’Appius Claudius apparaîtrait ainsi comme le complément indispensable de la réorganisation du système centuriate, à laquelle elle était nécessairement liée puisque le dilectus et le tributum se faisaient certes tributim, mais aussi ex censu.
37En effet, à partir du moment où le recensement se fit par tribus, l’inscription dans une centurie du système censitaire était forcément conditionnée par l’inscription préalable dans une tribu112. Dès lors, un citoyen ne pouvait plus ne pas être inscrit dans une tribu sans perdre sa qualité de citoyen : c’est le point de vue rappelé par le censeur C. Claudius Pulcher en 168 av. J.-C, et ce n’est sans doute pas un hasard s’il s’agit d’un descendant du censeur de 312 qui défendit le droit des affranchis d’être inscrits dans une tribu parce qu’ils étaient des citoyens romains113. Mais au « changement de tribu » (tribu movere) pouvait aussi s’ajouter une autre sanction censoriale, qui aboutissait à ranger un citoyen parmi les aerarii : ceci n’est devenu concevable que dans l’organisation « servienne » du système censitaire, à partir du moment où pouvait exister une centurie des aerarii et où le cens fut estimé en monnaie de bronze (aes), c’est-à-dire à partir de la fin du ive siècle114. De cette façon, et à partir de là, comices centuriates et comices tributes furent d’une certaine manière liés, ce qui permet de comprendre comment en inscrivant les humiles dans toutes les tribus, Appius Claudius « corrompit » aussi bien le Forum que le Champ de Mars : dorénavant, tous les citoyens quels qu’ils fussent, étaient automatiquement inscrits dans une tribu territoriale et faisaient tous partie de l’assemblée centuriate.
38La réforme des tribus d’Appius Claudius aboutit ainsi à la mise en place d’un nouveau type d’assemblée, où le modèle campanien semble encore une fois présent : les comices par tribus, aux côtés des comices centuriates115. L’apparition des comices tributes serait ainsi le résultat d’une longue évolution, qui vit l’affirmation croissante du concile de la plèbe. L’organisation de l’assemblée tribute se serait directement inspirée de celle de l’assemblée plébéienne, à laquelle on n’a ajouté que les patriciens qui en étaient jusque-là exclus. Il paraît alors peu vraisemblable qu’à l’origine les comices tributes aient eu une organisation différente de celle du concile de la plèbe, et que les citoyens fussent répartis différemment dans chacune des deux assemblées, selon le mode d’inscription dans les tribus : la tribu de résidence pour l’assemblée plébéienne, et la tribu administrative décidée par les censeurs pour l’assemblée du peuple. D’autre part, si les comices tributes avaient existé avant 312 et si le mode d’inscription des citoyens dans les tribus avait alors été le même que pour l’assemblée plébéienne, on ne voit pas ce que la réforme des tribus d’Appius Claudius aurait changé. Or, en inscrivant tous les citoyens dans toutes les tribus, essentiellement en fonction de leur lieu de résidence et dans le but d’établir un certain équilibre démographique, mais aussi économique et social, entre les différentes tribus, Appius Claudius n’introduisit certainement aucune différence juridique ou politique entre « tribus urbaines » et « tribus rurales » : en inscrivant les citoyens dans « la tribu de leur choix », comme l’écrit Diodore, Appius Claudius semble en fait s’être directement inspiré de la répartition par tribus qui était jusqu’alors observée dans l’assemblée plébéienne. Mais en procédant de la sorte, Appius Claudius n’a pas seulement organisé une « réforme des tribus », il a aussi créé une nouvelle assemblée réunissant au Forum tout le peuple romain par tribus. Cette nouvelle assemblée était forcément numériquement dominée par les humiles, c’est-à-dire, d’après Denys d’Halicarnasse, par les plébéiens pauvres (οί δημοτικοὶ καὶ πένητες) qui provenaient des quatrième et cinquième classes de l’organisation centuriate et qui composaient l’infanterie légère la légion manipulaire116 ; et c’est bien au sein de cette population qui se réunissait par tribus au Forum qu’il faut voir la forensis factio, opposée au populus integer qui regroupait, lui, l’ensemble des citoyens « en bon ordre », c’est-à-dire d’après les critères censitaires, dans les comices centuriates117.
Une assemblée tribute patricio-plébéienne : la « concorde des ordres »
39Techniquement, l’apparition des comices tributes semble liée à celle de la levée militaire et de la levée de l’impôt par tribus : en devenant le cadre normal du dilectus et du tributum, la tribu est devenue une unité administrative officielle de l’État romain, et a alors seulement pu également devenir une unité de vote dans une assemblée réunissant tout le peuple romain (patriciens et plébéiens). Politiquement, la création de cette nouvelle assemblée du peuple signifie l’introduction des patriciens dans l’assemblée plébéienne, même si celle-ci continuera à se réunir indépendamment, notamment pour l’élection des tribuns de la plèbe. Mais la réunion des patriciens et des plébéiens au sein d’une même assemblée tribute, c’est-à-dire d’une assemblée qui reprend les formes institutionnelles du concilium plebis, participe de la même évolution politique que celle qui a vu le partage du consulat puis de toutes les autres magistratures, et enfin, en 300, celui des principales fonctions religieuses (pontificat et augurat).
40Dans ce contexte, la parité établie par la lex Hortensia, en 287, entre plébiscites et lois, c’est-à-dire entre les textes législatifs des deux assemblées tributes, n’est que l’achèvement d’un processus qui a commencé en 339 avec la lex Publilia Philonis qui donna force de loi aux plébiscites après ratification du Sénat, et qui s’est poursuivi par la création des comices tributes. Celle-ci représente par conséquent une étape essentielle dans le processus qui a vu s’achever le vieux conflit patricio-plébéien, ce qui peut expliquer l’importance du thème de la concorde en 304 : cette année-là, l’édile Cn. Flavius dédia une aedicula en bronze à Concordia, sur le Comitium, c’est-à-dire à l’emplacement où se réunissait désormais cette nouvelle assemblée du peuple (au même endroit que les comices curiates)118. La même année, le censeur Q. Fabius Rullianus rétablit la « concorde » entre le patriciat et l’élite de la plèbe en rejetant les humillimi dans les « tribus urbaines »119.
41La « concorde » semble en fait avoir alors reçu deux interprétations sensiblement différentes, selon le degré d’égalité que l’on souhaitait donner aux différentes tribus, et au sein de chacune d’elles, entre riches et pauvres : l’assemblée qui élut Cn. Flavius n’avait probablement que peu de différences avec le concile de la plèbe et semble avoir été très « égalitaire », alors que celle qui lui succéda, après la « contre-réforme » de Q. Fabius, respectait davantage les distinctions timocratiques en fonction de la richesse, au nom des intérêts politiques de la classe dirigeante patricio-plébéienne. Celle-ci semble avoir cherché à établir la concorde d’abord en son sein, c’est-à-dire entre l’élite de la plèbe et le patriciat, au détriment de la grande masse de la plèbe, ce qui pourrait expliquer le processus d’« instrumentalisation » du tribunat de la plèbe observé par K.-J. Hölkeskamp : au cours de la seconde moitié du ive siècle, la classe dirigeante patricio-plébéienne aurait transformé la nature du tribunat de la plèbe, dont la fonction d’instrument de combat « partisan » entre les mains de l’élite plébéienne passa alors au deuxième plan, pour devenir dès la fin du ive siècle un instrument aux mains de la noblesse sénatoriale patricio-plébéienne naissante120. Cette mutation fonctionnelle du tribunat de la plèbe devrait s’analyser dans le contexte d’un certain décalage entre l’ambition politique (presque) satisfaite de l’élite plébéienne et les revendications (pour le moins) insatisfaites de la grande masse de la plèbe. Le processus d’instrumentalisation du tribunat de la plèbe se constaterait à travers le rôle joué par les tribuns de la plèbe dans le développement de la prorogation des magistratures, mais aussi à travers la procédure de déduction des colonies et peut-être aussi dans celle de l’assignation viritim des terres conquises, ce qui expliquerait la disparition de l’agitation agraire à partir de la fin du ive siècle. L’historien allemand a vu dans la formulation du texte de loi voté en 304 sur la dédicace des nouveaux sanctuaires (Liv., IX, 46, 7 : (...) ne quis templum aramve iniussu senatus aut tribunorum plebei partis maioris dedicaret) la preuve que désormais le Sénat et le tribunat de la plèbe travaillaient côte à côte. Cela expliquerait aussi la remarque de Tite-Live pour l’année 310, lorsqu’Appius Claudius décida de prolonger sa censure au-delà du délai légal des dix-huit mois (IX, 33, 3) :
Permulti anni iam erant, cum inter patricios magistratus tribunosque nulla certamina fuerant, cum ex ea familia, cui velut fato lis cum tribunis ac plebe erat, certamen oritur.
« Il y avait déjà bien des années qu’on ne voyait plus naître aucune querelle entre les magistrats patriciens et les tribuns, lorsqu’une querelle surgit de cette famille, par laquelle la dispute avec les tribuns de la plèbe était comme une fatalité ».
42L’opposition tribunicienne à la prolongation de la censure d’Appius Claudius semble d’ailleurs montrer que celle-ci n’était peut-être pas seulement destinée à assurer l’achèvement des grands travaux de construction qui avaient alors été entrepris. L’intégration des tribuns de la plèbe dans la nouvelle élite patricio-plébéienne dès la fin du ive siècle expliquerait qu’ils n’ont pas cherché à exploiter les possibilités « révolutionnaires » que leur donnaient les nouvelles lois, en particulier la lex Hortensia, mais aussi la nouvelle assemblée tribute réunissant patriciens et plébéiens121. Celle-ci, sous la forme dans laquelle elle a dû apparaître à la suite de la réforme d’Appius Claudius, donna d’abord l’avantage au nombre et tâcha de créer des liens de solidarité entre riches et pauvres pour le partage des charges collectives : ce fut la Concordia célébrée par Cn. Flavius en 304. La « correction » apportée par la censure de Q. Fabius Rullianus et de P. Decius Mus à la structure des comices tributes, en donnant l’avantage aux possédants plutôt qu’au nombre, scella par contre la « concorde » entre le patriciat et l’élite de la plèbe et montra que la « lutte des ordres » semblait alors avoir été remplacée par une « lutte des classes ».
43C’est probablement dans ce contexte qu’il faut comprendre les notices embrouillées par l’annalistique sur la forensis factio, opposée au populus integer, et sur l’élection du scribe Cn. Flavius à l’édilité curule. Tite-Live écrit que les comices qui élurent Cn. Flavius furent tellement « indignes » (IX, 46, 12 : tantumque Flavi comitia indignitatis habuerunt), que la plupart des « nobles » déposèrent leurs anneaux. La création d’une nouvelle assemblée du peuple mêlant sans distinction riches et pauvres (cf. la turba forensis), et dans laquelle les humiles étaient numériquement majoritaires, permet de mieux comprendre l’ampleur de la tourmente politique que suscita la réforme d’Appius Claudius122. Car toujours d’après Tite-Live, Cn. Flavius fut élu à l’édilité curule par la forensis factio, qui dominait les comices (tributes) depuis qu’Appius Claudius avait réparti les humiles dans toutes les tribus, ce qui avait provoqué la « corruption » du Forum et du Champ de Mars. Le censeur a en fait réparti les humiles dans toutes les tribus parce qu’il a pour la première fois inscrit tous les citoyens dans « la tribu de leur choix » (Diodore) et recensé tout le peuple romain par tribus (tributim) : cette conclusion doit d’ailleurs définitivement écarter la correction <urbanis> humilibus jadis proposée par Gronovius, puisque cette mesure ne pouvait pas s’adresser à une catégorie particulière à’humiles, ni même à une catégorie particulière de citoyens. Seules les conséquences politiques énormes qu’entraîna cette réforme expliquent que la tradition annalistique ne se soit souvenue que de l’inscription des humiles : la création des comices tributes mit alors sur le même pied pauvres et riches au sein de chaque tribu, ce qui a momentanément transformé cette assemblée du peuple en assemblée populaire.
44Le caractère « révolutionnaire » de cette nouvelle assemblée du peuple par tribus fut toutefois atténué, aussitôt après l’élection de Cn. Flavius en 304, par le censeur Q. Fabius Rullianus. Celui-ci rejeta les humillimi dans les quatre premières tribus, devenues ainsi les « tribus urbaines » par opposition aux « tribus rurales » : ces humillimi ne concernaient sans doute qu’une partie des humiles qu’Appius Claudius avait inscrits dans toutes les tribus, c’est-à-dire, comme l’indique le superlatif, probablement la fraction « la plus pauvre ». Si les humiles désignent ceux qui furent intégrés dans l’organisation centuriate par la création des quatrième et cinquième classes, afin de pouvoir servir dans les troupes légères de la nouvelle armée manipulaire, les humillimi doivent alors désigner des citoyens dont le cens était encore inférieur à la fortune minimum requise pour l’inscription dans la dernière classe, soit des capite censi ou des proletarii. Or, nous avons vu que d’après Cicéron et Denys, la centurie qui regroupait ces citoyens était au moins aussi nombreuse que les 192 autres centuries réunies, soit au moins 50 % de la population civique. Par conséquent, le regroupement de ces citoyens dans les quatre « tribus urbaines » retira, au moins partiellement, l’avantage du nombre aux citoyens pauvres au sein des comices tributes, et fut à l’origine de la distinction qualitative entre « tribus urbaines » et « tribus rurales »123. Mais la prétendue « contre-réforme » de Q. Fabius préserva l’essentiel de la réforme des tribus organisée par Appius Claudius : l’inscription des citoyens dans la tribu de leur domicile, au moins pour ceux qui possédaient quelque chose, la répartition des charges collectives par tribus et l’existence des comices tributes.
Conclusion
45La réforme des tribus d’Appius Claudius Caecus a par conséquent eu un impact considérable sur l’organisation administrative et politique du peuple romain. Elle a d’abord été motivée par des raisons militaires (la création de l’armée manipulaire) et financières (le financement du Stipendium par le tributum). Des préoccupations de nature politique, notamment à propos de la création des comices tributes, ne sont pas à exclure : toutefois, il faut peut-être éviter de n’y voir que le reflet d’une politique clientéliste, même si celle-ci a également dû jouer son rôle, car le modèle politique et institutionnel campanien a sans doute aussi eu son importance ; par ailleurs, la réforme permettait de mieux intégrer dans la communauté romaine les nouveaux citoyens que lui amenaient des conquêtes territoriales à la fois de plus en plus importantes et de plus en plus lointaines. Enfin, la réforme répondait aux besoins nouveaux dus à la croissance démographique et à l’extension géographique des territoires sous la domination de Rome : le maintien du cadre de la cité passait alors par une nécessaire adaptation de ses structures politiques et administratives aux nouvelles dimensions géographiques de l’empire en formation.
46Il est possible que les curies aient progressivement perdu, du ve au ive siècle, leur fonction économique dans la gestion collective des terres de l’ager publicus, au profit des tribus qui ont fourni le cadre du développement de la propriété privée plébéienne. Mais à la fin du ive siècle, il semble manifeste que les anciennes structures curiates n’étaient plus adaptées aux nouvelles conditions sociales et géopolitiques que connaissait Rome : la nécessité d’appartenir à une curie, qui dépendait elle-même du système gentilice archaïque, rendait désormais très difficile l’intégration de nouveaux citoyens. Celle-ci était au contraire facilitée par l’enregistrement périodique de tous les citoyens sur des bases strictement géographiques, les tribus territoriales. Or, seule l’inscription des citoyens dans les tribus par les censeurs a pu donner naissance à une nouvelle assemblée du peuple réunie par tribus. La création des comices tributes provoqua ainsi le déclin irréversible des comices curiates, dont l’institution fut néanmoins conservée pour certains motifs religieux comme un fossile du passé124 : a posteriori, la substitution des comices curiates par les comices tributes prouve que cette nouvelle assemblée ne peut pas se confondre complètement avec le concile de la plèbe. Il semble bien d’ailleurs que les tribus, en tant que nouvelles unités politico-administratives de l’État romain, aient hérité une partie des fonctions qui appartenaient auparavant aux curies (la définition de la citoyenneté, la réunion de l’assemblée au Comitium, l’élection de certains magistrats, la levée militaire, l’organisation économique du territoire romain, et peut-être même les fonctions judiciaires pour le vote de la peine de mort ou de l’exil d’un citoyen)125.
47L’affirmation du rôle de la tribu, à la fin du ive siècle, a ainsi fourni une réponse au changement d’échelle que connaît l’espace romain à partir de l’époque des guerres samnites : selon le principe de la « subsidiante », en confiant à des unités spatiales plus réduites ce qu’il n’était plus possible d’administrer efficacement au niveau « national », la censure d’Appius Claudius a apporté une solution durable qui allait permettre de gérer les extensions successives du territoire romain, au moins jusqu’à la guerre sociale. Mais cette « parcellisation » de l’espace civique devait nécessairement aussi entraîner une unification du temps civique.
Notes de bas de page
1 Liv., I, 43, 13 : Quadrifariam enim urbe divisa regionibus collibusque qui habitabantur, partes eas tribus appellavit. Cf. C. Ampolo, “La nascità della città”, dans Storia di Roma, I, 1988, p. 170.
2 Th. Mommsen, Le droit public romain, VI, 1, p. 24-25 et p. 180-189 ; L. Capogrossi Colognesi, “La città e la sua terra”, dans Storia di Roma, I, 1988, p. 279. L’exclusion primitive du Capitole et de l’Aventin du cadre des tribus serait une preuve de leur ancienneté : P. Fraccaro, “Tribules ed Aerarii”, dans Athenaeum, 21, 1933, p. 157 (= Id., dans Opuscula, 2, Pavie, 1957, p. 155-156).
3 Th. Mommsen, Le droit public romain, VI, 1, p. 184-185.
4 Cf. J. Cels-Saint-Hilaire, La République des tribus, p. 126-127.
5 Cf. Th. Mommsen, Le droit public romain, VI, 1, p. 131 ; L. Capogrossi Colognesi, dans Storia di Roma, I, 1988, p. 277.
6 Liv., II, 16, 3-6 ; Dion. Hal., V, 40, 3-5. Cf. L. Capogrossi Colognesi, dans Storia di Roma, I, 1988, p. 283-286.
7 Th. Mommsen, Le droit public romain, VI, 1, p. 26-28 ; L. Capogrossi Colognesi, dans Storia di Roma, I, 1988, p. 275-286.
8 Th. Mommsen, Le droit public romain, VI, 1, p. 186 ; L. Capogrossi Colognesi, dans Storia di Roma, I, 1988, p. 273-275.
9 Cf. Th. Mommsen, Die römische Tribus in administrativer Beziehung, Altona, 1844 ; Id., Le droit public romain, VI, 1, p. 184-185 ; L. R. Taylor, The Voting Districts, p. 37-38 ; L. Capogrossi Colognesi, dans Storia di Roma, I, 1988, p. 278-281. Selon E. Lo Cascio, “Il census a Roma e la sua evoluzione dall’età « serviane » alla prima età imperiale”, dans MEFRA, 113, 2001, 2, p. 565-603 (part. p. 581), « le tribu, in quanto Bodentribus, sono originariamente circoscrizioni meramente territoriali, fatte di ager privatus e dalle quali risulta significativamente escluso l’ager publicus ».
10 Cf. Cass. Hem., fr. 17 P. = 20 Ch. (ap. Non., p. 217 L.) : Quicumque propter plebitatem agro publico eiecti sunt : « Tous ceux qui ont été chassés de l’ager publicus à cause de leur condition de plébéien » (trad. M. Chassignet) ; « Le fragment ne parle pas de l’époque où se déroulèrent les faits, mais il témoigne du fait que, dans un passé reculé, les plébéiens auraient possédé des parts du sol public » : A. Mastrocinque, “Propriété foncière archaïque et modèles d’interprétations modernes”, dans E. Hermon éd., La question agraire à Rome : droit romain et société. Perceptions historiques et historiographiques, Côme, 1999, p. 107. Cf. aussi sur ce fragment : J.-C. Richard, Les origines, p. 494-495 ; A. Mastrocinque, Lucio Giunio Bruto, p. 210.
11 L. Capogrossi Colognesi, dans Storia di Roma, I, 1988, p. 263-289.
12 L. Capogrossi Colognesi, dans Storia di Roma, I, 1988, p. 273-275.
13 L. Capogrossi Colognesi, La terra in Roma antica, I (età arcaica), Rome, 1981, p. 47-80 ; Id., dans Storia di Roma, I, 1988, p. 288-289 ; Id., “Alcuni problemi di storia romana arcaica : ager publicus, gentes e clienti”, dans BIDR, 83, 1980 (= Id., Cittadini e territorio. Consolidamento e trasformazione della ‘civitas Romana’, Rome, 2000, p. 185-227). Cf. Liv., VI, 35, 5 ; Varr., Res rust., I, 2, 9 ; Cat., Orig., V, 5 J. = 95e P. = V, 3e Ch. = Orat., fr. 167 (n° 8) Malcovati (ap. Gell., N.A., VI, 3, 37) ; Cic., De leg. agr., II, 21 ; Colum., Rust., I, 3, 15 ; Vell. Pat., II, 6, 3 ; Val. Max., VIII, 6, 3 ; Auct. De vir. ill., 20, 3 ; Plut., Cam., 39, 5 ; Ti. Gracch., 8, 1 ; Gell., N.A., XX, 1, 23) ; App., B.C., I, 8 ; voir G. Rotondi, Leges publicae, p. 217-218 ; E. Hermon, “Les lois Licinia-Sextia : un nouvel examen”, dans Hommages à Ed. Frézouls, Ktèma, 19, 1994, p. 119-142 ; Ead., Habiter et partager les terres avant les Gracques, Rome (C.E.F. 286), 2001, p. 155-170.
14 A. Mastrocinque, Lucio Giunio Bruto, p. 203-211 ; Id., dans E. Hermon éd., La question agraire à Rome, p. 101-109.
15 J. Cels-Saint-Hilaire, La République des tribus. Du droit de vote et ses enjeux aux débuts de la République romaine (495-300 av. J.-C), Toulouse, 1995 (cf. le compte-rendu que nous en avons fait dans Annales HSS, 57, 2002, p. 707-709).
16 J. Cels-Saint-Hilaire, La République des tribus, p. 116.
17 Th. Mommsen, Le droit public, VI, 1, p. 170-171 ; J. Cels-Saint-Hilaire, La République des tribus, p. 139-145.
18 J. Cels-Saint-Hilaire, La République des tribus, p. 129-154.
19 Voir supra p. 400 n. 6.
20 Liv., II, 21, 7 : Romae tribus una et viginti factae. Cf. aussi Liv., Per., 2, 16-17 : Appius Claudius ex Sabinis Romam transfugit. Ob hoc Claudia tribus adiecta est numerusque tribuum ampliatus est, ut essent XXI. Cf. Th. Mommsen, Le droit public, VI, 1, p. 186-188 ; A. Alföldi, Early Rome, p. 315 ; L. R. Taylor, The Voting Districts, p. 6 ; M. Humbert, Municipium et civitas, p. 57-58 ; p. 74-76 et n. 80-81.
21 Liv., VI, 5, 8 : Tribus quattuor ex novis civibus additae : Stellatina, Trementina, Sabatina, Arniensis ; eaeque viginti quinque tribuum numerum explevere. Cf. J. Cels-Saint-Hilaire, La République des tribus, p. 227-249.
22 J. Cels-Saint-Hilaire, La République des tribus, p. 240.
23 Voir supra p. 201-202.
24 Voir supra p. 286-290.
25 Cf. G. Pieri, L’histoire du cens, p. 69-75 ; cf. E. Lo Cascio, dans MEFRA, 113, 2001, 2, p. 565-603.
26 Voir supra p. 276, n. 28.
27 Varr., De ling. Lat., V, 81 : Tribuni militum, quod terni tribus tribubus Ramnium, Lucerum, Titium olim ad exercitum mittebantur. Voir supra p. 202, n. 59.
28 Th. Mommsen, Le droit public, VI, 1, p. 111.
29 Liv., VI, 5, 8 : tribus quattuor ex novis civibus additae ; VIII, 17, 11 : (...) census actus novique cives censi. Tribus propter eos additae Maecia et Scaptia. Cf. P. Fraccaro, dans Athenaeum, 21, 1933, p. 156 (= Id., Opuscula, II, 1957, p. 155) ; E. Lo Cascio, dans MEFRA, 113, 2001, 2, p. 565-603.
30 À la suite notamment de l’étude de P. Fraccaro, “Tribules ed Aerarii”, dans Athenaeum, 21, 1933, p. 150-172 (= Id., dans Opuscula, 2, Pavie, 1957, p. 149-170). Mais cet auteur admettait également que l’organisation centuriate en cinq classes remontait bien à Servius Tullius : sa vision de l’histoire des institutions romaines était par conséquent statique, et l’historien italien ne concevait pas que celles-ci n’aient pas pu toujours avoir été telles qu’elles se présentent dans les sources littéraires de la fin de la République ou du début de l’Empire.
31 L. R. Taylor, The Voting Districts, p. 12-13 : « In the army lists the name probably appeared regularly with the tribe which was the basis of the levy. The earliest name preserved with tribe is an inscription which dates from 170 B.C. The inclusion of the tribe in the names of all witnesses in senatus consulta becomes customary after about 160 B.C. ».
32 Voir supra p. 199-203.
33 Cic, De leg., III, 7 : voir supra p. 390. Cf. Th. Mommsen, Le droit public, IV, p. 82-87 ; L. R. Taylor, The Voting Districts, p. 17-24.
34 E. Lo Cascio, dans MEFRA, 113, 2001, 2, p. 565-603 : en 504, la création de la tribu Claudia est mentionnée sans aucune référence au census (d’ailleurs la censure n’existait pas encore à cette date), de même pour la Clustumina et l’ensemble des 21 tribus qui existaient en 495 ; il en est de même pour les tribus qui ont été créées après la guerre contre Véies, et la création de la Pomptina et de la Poblilia en 358 ne semble toujours pas impliquer la présence de censeurs ; c’est seulement avec la création des tribus Maecia et Scaptia en 332 que cette opération devint une attribution des censeurs et fut dès lors systématiquement effectuée au cours d’une censure (Liv., VIII, 17, 11) ; Eodem anno census actus novique cives censi. Tribus propter eos additae Maecia et Scaptia, censores addiderunt Q. Publilius Philo Sp. Postumius.
35 Voir supra p. 283-344, p. 384-387 et p. 406, n. 31.
36 Diod., XX, 36, 4 ; Liv., IX, 46, 10-14 (voir supra p. 230).
37 Voir infra p. 429-431.
38 Th. Mommsen, Le droit public, IV, p. 71-74 et p. 85, n. 4 ; p. 82-86 ; Id., Le droit public, VI, 1, p. 279-280 ; E. Lo Cascio, dans MEFRA, 113, 2001, 2, p. 565-603.
39 Strab., V, 2, 3 (C 220) : Oἱ μὲν οὖν Ῥωμαῖοι (...) οὐχ ἰκανῶς ἀπομνημονεῦσαι τὴν χάριν αὐτοῖς δοκοῦσι· πολιτείαν γὰρ δόντες οὐκ ἀνέγραψαν εἰς τοὺς πολίτας, ἀλλὰ καὶ τοὺς ἅλλους τοὺς μὴ μετέχοντας τῆς ἰσονομίας εἰς τὰς δέλτους ἐξώριζον τὰς Καιρετανῶν : « Les Romains ne semblent pas s’être souvenus avec une gratitude suffisante du bienfait des Cérites ; en leur donnant le droit de cité, ils ne les inscrivirent pas parmi les citoyens, mais même eurent l’habitude de reléguer tous les autres qui ne partageaient pas l’isonomia avec eux dans les Tables des Cérites » (trad. M. Humbert) ; Gell., Ν.Α., XVI, 13, 7 : Primos autem municipes sine suffragii iure Caerites esse factos accepimus concessumque Ulis, ut civitatis Romanae honorem quidem caperent sed negotiis tamen atque oneribus vacarent pro sacris bello Gallico receptis custoditisque. Hinc ‘tabulae Caerites’ appellatae versa vice in quas censores referri iubebant, quos notae causa suffragiis privabant. Cf. M. Humbert, “L’incorporation de Caere dans la civitas romana”, dans MEFRA, 84, 1972, p. 231-268 ; Id., Municipium, p. 405-416 ; voir aussi Th. Hantos, Das römische Bundes-genossensystem in Italien, Munich (Vestigia, 34), 1983, p. 109-113 (« kurz nach 353 »).
40 M. Humbert, dans MEFRA, 84, 1972, p. 249.
41 Cf. M. Humbert, Municipium, p. 177-179 et p. 185-186.
42 Cf. A. Afzelius, Die römische Eroberung Italiens, p. 148-192 ; A. Bernardi, “Incremento demografico a Roma e colonizzazione latina dal 338 a.C. all’età dei Gracchi”, dans NRS, 30, 1946, p. 272-290 ; M. Humbert, dans MEFRA, 84, 1972, p. 247-250 ; Id., Municipium, p. 310-313.
43 On ne connaît pas les chiffres du cens pour 332, mais on sait qu’en 339, les censeurs avaient dénombré 165.000 citoyens, alors qu’en 319, Tite-Live donne le nombre extraordinaire de 250.000 citoyens qu’on aurait recensés aux lustres de cette époque (IX, 19, 1 : censebantur eius aetatis lustris ducena quinquagena milia capitum) : si ces chiffres sont justes (cf. supra p. 368 n. 72), cet accroissement démographique ne pourrait s’expliquer que par la prise en compte dans les chiffres du cens des cives sine suffragio qui ont été intégrés dans la citoyenneté romaine depuis 339, à savoir les Latins (en 338) et les Campaniens (en 334) ; les censeurs de 332 auraient alors bien été obligés de comptabiliser ces « novi cives » dans les chiffres de leur census, en même temps qu’ils créaient deux nouvelles tribus au cœur du Latium. Sur l’extension de la civitas sine suffragio dans le Latium et en Campanie après 338 et 334, voir M. Humbert, Municipium, p. 184-190 et p. 195-199 ; Th. Hantos, Das römische Bundesgenossensystem, p. 99-109 et p. 113-121.
44 Liv., VI, 4, 4 : Eo anno in civitatem accepti qui Veientium Capenatiumque ac Faliscorum per ea bella transfugerant ad Romanos, agerque his novis civibus adsignatus. Cf. M. Humbert, Municipium, p. 79.
45 Liv., VI, 5, 8 : voir supra p. 403, n. 21. Cf. M. Humbert, Municipium, p. 79.
46 Cf. Th. Mommsen, Le droit public, IV, p. 120-129.
47 Liv., VIII, 12, 16 ; cf. G. Rotondi, Leges publicae, p. 227-228 ; K.-J. Hölkeskamp, Die Entstehung, p. 110.
48 Telle était déjà l’opinion de D. Kienast, “Die politische Emanzipation der Plebs...”, dans BJ, 175, 1975, p. 109, n. 76, pour qui il se pourrait qu’Appius Claudius ait été le premier à inscrire tous les citoyens sur une liste classée par tribus, et que c’est seulement à partir de lui que l’inscription dans la tribu serait devenue un critère distinctif d’appartenance à la citoyenneté.
49 La seule allusion à l’inscription des citoyens dans les tribus qui soit antérieure à 312 concerne la sanction que les censeurs C. Furius et M. Geganius auraient infligé en 434 au dictateur Mam. Aemilius, qui aurait fait passer la durée de la censure de 5 ans à 18 mois par la lex Aemilia (Liv., IV, 24, 3-9) : pour le punir d’avoir rabaissé la censure, ils le changèrent de tribu et le firent aerarius en multipliant par 8 son cens (tribu moverunt octiplicatoque censu aerarium fecerunt) ; mais l’épisode est purement légendaire, et est destiné à la fois à expliquer la durée de 18 mois de la censure et à fournir un exemplum sur le changement de tribu par des censeurs (d’autant que le statut d’aerarius n’a pu exister qu’à partir de l’adoption définitive de l’organisation “servienne” et de l’estimation du cens en monnaie de bronze, aes) : cf. Th. Mommsen, Le droit public, IV, p. 22-23 ; J. Suolahti, The Roman Censors, p. 26-29 ; C. Nicolet, dans Annuaire EPHE, IVe sect., 1974-1975, p. 378-381. Voir aussi supra p. 340.
50 Th. Mommsen, Le droit public, IV, p. 84, n. 2 ; de même D. Kienast, dans BJ, 175, 1975, p. 109, n. 76. Toutefois, Y. Thomas, « Origine » et « commune patrie ». Étude de droit public romain (89 av. J.-C. – 212 ap. J.-C), Rome (C.E.F. 221), 1996, p. 181-193, a récemment conclu à « l’inexistence d’un “principe territorial” à Rome » en dehors du moment “ideal” où le système des tribus a été mis en place : « pour définir comme “territorial” le rattachement institué par les réformes clisthénienne et servienne, il faudrait postuler sans doute (...) la réalisation de ce principe <territorial> au seul instant de la réforme » (p. 187) ; dans ce cas, la parfaite concordance entre le rattachement “administratif” à une tribu et le lieu de résidence de chaque citoyen n’aurait été réalisée qu’à la fin du ive siècle.
51 Voir supra p. 201-203 et p. 404-405.
52 Varr., De ling. Lat., V, 55-56 : Ager Romanus primum divisus in partis tris, a quo tribus appellata Titiensium, Ramnium, Lucerum. (...) Ab hoc quattuor quoque partis urbis tribus dictae, ab locis Suburana, Palatina, Esquilina, Collina. Dion. Hal., IV, 14, 2 : τάς τε καταγραφὰς τῶν στρατιωτῶν καὶ τὰς εἰσπράξεις τῶν χρημάτων (...) οὐκέτι κατὰ τὰς τρεῖς φυλὰς τὰς γενικάς, ὠς πρότερον, ἀλλὰ κατὰ τὰς τέτταρας τὰς τοπικὰς τὰς ὑφ’ ἑαυτοῦ διαταχθείσας ἐποιεῖτο : « Il décrêta également que les levées d’hommes et la perception des impôts (...) se feraient, non plus selon les trois tribus gentilices comme auparavant, mais en fonction des quatre tribus territoriales qu’il venait d’instituer » (cf. supra p. 388, n. 46).
53 Cf. P. Lévêque et P. Vidal-Naquet, Clisthène l’Athénien. Sur la représentation de l’espace et du temps en Grèce de la fin du vie siècle à la mort de Platon, Besançon, 1964, en part. p. 13-24 ; à propos de Servius Tullius, l’annalistique romaine a pu être influencée par les réformes de Solon et de Clisthène à Athènes : Ch. Smith, Early Rome and Latium. Economy and Society c. 1000-500 BC, Oxford, 1996, p. 203-204.
54 Cf. déjà A. Mastrocinque, Lucio Giunio Bruto, p. 196-198, mais qui propose de rabaisser simplement la réforme de quelques décennies, et l’attribuerait volontiers à L. Junius Brutus « o un altro dei fondatori della repubblica, uno di quei romani che ripristinarono l’ordinamento serviano e che, per ricostruire la Regia, presero a modello il Pritaneo di Atene, qual era alla fine del VI secolo ».
55 Β. G. Niebuhr, Histoire Romaine, trad. fr. de la Römische Geschichte par P. A. de Golbéry, t. V, Paris, 1836, p. 406 : « Un tel caractère n’étonnerait personne chez les Grecs : chez les Romains, il est une étrange anomalie » ; Th. Mommsen, “Die patricischen Gaudier”, dans Römische Forschungen, I, Berlin, 1864, p. 306 (cf. Id., Histoire Romaine, I, trad. fr., p. 1092) : « Maßregeln, die eher nach Kleisthenes und Perikles aussehen als nach einem Staatsmanne der römi schen Gemeinde » ; E. Ferenczy, From the Patrician State, p. 145 et p. 169-170 ; M. Humbert, Institutions politiques et sociales de l’Antiquité5, p. 234. Contra : A. G. Amatucci, “Appio Claudio Cieco”, dans Rivista di Filologia, 22, 1893-94, p. 227-258 ; P. Lejay, “Appius Claudius Caecus”, dans RPh, 44, 1920, p. 92-141 ; A. Garzetti, “Appio Claudio Cieco nella storia politica del suo tempo”, dans Athenaeum, 25, 1947, p. 175-224 ; R. Develin, The Practice of Politics at Rome, 366-167 B.C., Bruxelles, 1985, p. 220-221 ; K. A. Raaflaub, J. D. Richards et L. J. Samons, dans The age of Pyrrhus, p. 41 et p. 46.
56 P. Lévêque et P. Vidal-Naquet, Clisthène l’Athénien, p. 13 ; cf. N. Loreaux, “Clistene e i nuovi caratteri della lotta politica”, dans S. Settis éd., I Greet. Storia, Cultura, Arte, Società, II, Una storia greca, 1, Formazione, Turin, 1996, p. 1089-1100.
57 Liv., I, 43, 13 : Quadrifariam enim urbe divisa regionibus collibusque qui habitabantur, partes eas tribus appellavit. Dion. Hal., IV, 14, 2 : καὶ τοὺς ἀνθρώπους ἔταξε τοὺς ἐν ἑκάστῃ μοίρᾳ τῶν τεττάρων οἰκοῦντας, ὥσπερ κωμήτας, μήτε μεταλαμβάνειν ἑτέραν οἴκησιν μήτ’ ἄλλοθι που συντελεῖν (...) ἡγεμόνας ἐφ’ ἐκάστης ἀποδείξας συμμορίας, ὥσπερ φυλάρχους ἢ κωμάρκας, οἷς προσέταξεν εἰδέναι ποίαν οἰκίαν ἕκαστος οἰκεῖ (voir trad. supra p. 388, n. 46). Plin., Ν.H., XVIII, 13 : Rusticae tribus laudatissimae eorum, qui rura haberent, urbanae vero, in quas transferri ignominia esset, desidiae probro. Itaque quattuor solae erant, a partibus urbis, in quis habitabant, Suburana, Palatina, Collina, Esquilina. Pap. Oxyrh., XVII, 2088 : ]u perdito divisit pagosque in tribu[s (distribuit ?) / post]ea in oppido quo quisque pago civis ha[bitabat... Cf. le témoignage de Diodore (XX, 36, 4) à propos de la réforme des tribus d’Appius Claudius (voir supra p. 230).
58 Voir supra p. 345-372. L’attribution à Servius Tullius de l’institution des Paganalia et celle des Compitalia, avec leur système de dénombrement de la population par le versement dans des temples de pièces de monnaie ou de jetons (stipes), est due, par « effet boule de neige », à l’attribution traditionnelle à ce roi de la création de l’organisation centuriate et du census, ainsi que d’une nouvelle organisation du territoire en tribus : cf. J. Poucet, Les Rois de Rome, p. 354-358.
59 Liv., I, 43, 1-13 (réforme du census, puis celle des tribus) ; Dion. Hal., IV, 14-18 (réforme des tribus, puis celle du census).
60 Voir supra p. 388, n. 46 (Dion. Hal., IV, 14, 1-2 ; IV, 15, 3) et p. 384-385 (Pol., VI, 20, 1-7).
61 C.I.L., XIII, 1668 :...Servius Tullius, si nostros sequimur, captiva natus Ocresia, si Tuscos, Caeli quondam Vivennae sodalis fidelissimus omnisque eius casus comes, postquam varia fortuna exactus cum omnibus reliquiis Caeliani exercitus Etruria excessif, montem Caelium occupavit, et a duce suo Caelio ita appellitatus mutatoque nomine, nam Tusce Mastarna, ei nomen erat, ita appellatus est ut dixi, et regnum summa cum rei p(ublicae) utilitate optinuit. Voir aussi supra p. 355, n. 28, et p. 359.
62 Dion. Hal., IV, 22, 3-4 : cf. supra p. 359, n. 44.
63 D’après Laelius Felix (fr. 3 Huschke, aρ. Gell., Ν.Α., XV, 27, 5), cum ex generibus hominum suffragium feratur, ‘curiata’comitia esse : comme le remarquait déjà Th. Mommsen, « les genera hominum ne peuvent être ici que les groupes de parents » dont les regroupements constituaient les curies et les tribus gentilices, que Denys appelle d’ailleurs φυλαὶ γενικαί (IV, 14, 2 : cf. supra p. 388, n. 46) : cf. Th. Mommsen, Le droit public, VI, 1, p. 100-109 (en part. p. 100, n. 1, et p. 108, n. 3) ; R.E.A. Palmer, The Archaic Community, p. 195, n. 1 ; A. Mastrocinque, Lucio Giunio Bruto, p. 203 et p. 210-211. H. Last, dans JRS, 35, 1945, p. 33-34 et p. 47, ainsi que J.-C. Richard, Les origines, p. 401, soutiennent que les tribus territoriales furent un moyen d’intégrer dans le corps civique les Latins et les Étrusques qui étaient autrement maintenus en-dehors des curies, mais ils suivent la tradition en plaçant cette évolution au vie siècle, à l’époque de Servius Tullius.
64 Plut., Popl., 7, 7-8 : Οὕτω δὴ πάλιν ἀρχαιρεσιῶν γενομένων ὕπατος ἀπεδείχθη λαμπρῶς ὁ Οὐαλέριος ἀξίαν ἀπολαβῶν τῆς προθυμίας χάριν ἦς οίόμενός τι δεῖν ἀπολαϋσαι τὸν Οὐινδίκιον, ἐψηφίσατο πρῶτον ἀπελεύθερον ἐκεῖνον ἐν τῇ Ῥώμη γενέσθαι πολίτην καὶ φέρειν ψῆφον, ᾖ βούλοιτο φρατρίᾳ προσνεμηθέντα. Τοῖς δ’ ἄλλοις ἀπελευθέροις ὀψὲ καὶ μετὰ πολὺν χρόνον ἐξουσίαν ψήφου δημαγωγῶν ἔδωκεν Ἅππιος : « De nouvelles élections eurent lieu, et Valerius fut brillamment proclamé consul, trouvant ainsi la juste récompense de son zèle. Il crut qu’il devait la faire partager à Vindicius et fit décider qu’il serait à Rome le premier affranchi et deviendrait citoyen avec le droit de vote, après s’être fait inscrire dans la curie qu’il voudrait. Les autres affranchis ne reçurent le droit de vote que longtemps après. Ce fut Appius qui le leur donna, par démagogie » (trad. de R. Flacelière, E. Chambry et M. Juneaux, dans Plutarque, Vies, t. II, Paris, C.U.F., 1961, p. 65). Cf. aussi : Liv., II, 5, 9-10 ; Dion. Hal., V, 13, 1.
65 M. Kaser, “Die Anfänge der manumissio und das fiduziarisch gebundene Eigentum”, dans ZRG, 64, 1941, p. 153-186.
66 M. Lemosse, “Affranchissement, clientèle, droit de cité”, dans RIDA, 3, 1949, p. 37-68 ; Id., “L’affranchissement par le cens”, dans RD, 1949, p. 161-203.
67 G. Piéri, L’histoire du cens, p. 37-39.
68 G. Piéri, L’histoire du cens, p. 38-39.
69 Voir supra p. 221-223.
70 Ce qui ne signifie pas, comme le laisse entendre J. Cels-Saint-Hilaire (La République des tribus, p. 282-283), que les humiles répartis dans les tribus par Appius Claudius se confondaient avec les libertini (c’est-à-dire les « nouveaux citoyens) et étaient tous « des gens d’origine étrangère », mais seulement qu’un certain nombre de « nouveaux citoyens » (libertini) devaient effectivement se trouver parmi eux.
71 R. Develin, “Comitia tributa plebis”, dans Athenaeum, 53, 1975, p. 302-337 ; Id., “Comitia tributa Again”, dans Athenaeum, 55, 1977, p. 425-426 ; cet auteur estimait que les comices tributes n’auraient réuni à l’origine que les plébéiens et se confondraient par conséquent avec le concilium plebis ; cf. J. Cels-Saint-Hilaire, La République des tribus, p. 136 : « à partir de 470, en vertu de la lex Publilia, les tribuns de la plèbe allaient être élus par les comices tributes ».
72 K. Sandberg, “The concilium plebis as a Legislative Body during the Republic”, dans J. Vaahtera éd., Senatus Populusque Romanus. Studies in Roman Republican Legislation (Acta IRF, vol. XIII), Helsinki (Acta I.R.F. 13), 1993, p. 74-96.
73 J. Farrell, “The Distinction between Comitia and Concilium”, dans Athenaeum, 64, 1986, p. 407-438.
74 Cf. At. Cap., fr. 22 Huschke (ap. Gell., N.A., X, 20, 1-2) : Quaeri audio, quid ‘lex’ sit, quid ‘plebisscitum’, quid ‘rogatio, quid Privilegium’. Ateius Capito, publici privatique iuris peritissimus, quid ‘lex’esset, hisce verbis definivit : « Lex, inquit, est generale iussum populi aut plebis rogante magistratu ». At. Cap., fr. 23 Huschke (ap. Gell., N.A., X, 20, 5-6) : ‘Plebem’ autem Capito in eadem definitione seorsum a populo divisit, quoniam in populo omnis pars civitatis omnesque eius ordines contineantur, ‘plebes’ vero ea dicatur, in qua gentes civium patriciae non insunt. ‘Plebisscitum’ igitur est secundum eum Capitonem lex, quam plebes, non populus, accipit. Lael. Fel., fr. 2-3 Huschke (ap. Gell., N.A., XV, 27, 4-5) : In eodem Laeli Felicis libro haec scripta sunt : « Is qui non Universum populum, sed partem aliquam adesse iubet, non ‘comitia’, sed ‘concilium’ edicere debet. Tribuni autem neque advocant patricios neque ad eos referre ulla de re possunt. Ita ne ‘leges’ quidem proprie, sed ‘plebisscita’ appellantur, quae tribunis plebis ferentibus accepta sunt, quibus rogationibus ante patricii non tenebantur, donec Q. Hortensius dictator eam legem tulit, ut eo iure quod plebs statuisset, omnes Quirites tenerentur ». Item in eodem libro hoc scriptum est : « Cum ex generibus hominum suffragium feratur, ‘curiata comitia esse ; cum ex censu et aetate, ‘centuriata’ ; cum ex regionibus et loéis, ‘tributa’ ». Fest., p. 264 L. : Populi comm (...) cum plebe suffragium (...) ex patribus et plebe (...) cum plebes sine patri<bus> (...) quod plebes scivit, plebis<citum> (...) appellatur, patrum comm (...). Fest., p. 372 L., s.v. Scita plebei : Scita plebei appellantur ea, quae pieps suo suffragio sine patribus iussit, plebeio magistratu rogante. Fest., p. 442 L., s.v. Scitum populi : Scitum populi (...) <magistr>atus patricius (...) <su>ffragis iussit (..)us ex patribus et (...) iam leges scrib<ta (...) Plebisci>tum est, quod tribunus (...) <ro>gavit, id est consu<luit> (...) plebes autem est. Gaius, Inst., I, 3 : Lex est quod populus iubet atque constituit. Plebiscitum est quod plebs iubet atque constituit.
75 Les exemples du ier siècle av. notre ère sont délibérément écartés pour “vice de forme” ; plusieurs exemples du iie siècle présentent un magistrat curule venant en aide aux tribuns, ut (...) ad populum ferret : mais pour K. Sandberg, « formulas like consul/praetor legem tulit do not necessarily imply that the magistrate in question himself would have carried through the law in an assembly » (Id., dans J. Vaahtera éd., Senatus Populusque Romanus, 1993, p. 90-91) ! Enfin les exemples se rapportant aux époques plus anciennes de la République sont injustement disqualifiés, car même s’il s’agit de reconstructions historiques, celles-ci servaient à’exempla et ont été élaborées à partir de situations réelles mais plus tardives : ainsi, quel que soit le degré de crédibilité historique qu’il faut attacher à cet épisode, en 295, le consul Q. Fabius Maximus Rullianus, après avoir lu aux tribus les lettres envoyées d’Étrurie par le préteur Appius Claudius, comitia habuit (Liv., X, 24, 18) : à condition de suivre la restitution du texte proposée par L. R. Taylor, The Roman Voting Assemblies, p. 130, n. 27 (voir infra p. 609, n. 31).
76 Cf. Gell., Ν. Α., Χ, 20, 9-10 : Sed quamquam haec ita sunt, in veteribus tamen scriptis non magnam vocabulorum istorum differentiam esse animadvertimus. Nam et plebisscita et privilegia translaticio nomine ‘leges’ appellaverunt eademque omnia confuso et indistincto vocabulo ‘rogationes’ dixerunt. Sallustius quoque proprietatum in verbis retinentissimus consuetudini concessit et Privilegium, quod de Cn. Pompei reditu ferebatur, ‘legem’ appellavit. Cf. G. W. Botsford, The Roman Assemblies, p. 119-138 ; L. Ross Taylor, The Roman Voting Assemblies, p. 60-64.
77 Liv., II, 56, 1-16 ; II, 60, 4-5 ; III, 11, 1-5. Cf. Th. Mommsen, Le droit public, VI, 1, p. 166-173 ; L. Ross Taylor, The Roman Voting Assemblies, p. 61-62 ; C. Nicolet, Le métier de citoyen, p. 347.
78 Pour L. R. Taylor, The Voting Districts, p. 9, les tribus ne sont devenues des unités de vote qu’à partir de 471, avec l’élection des premiers tribuns de la plèbe et édiles de la plèbe par le concilium plebis. Sur la dynamique “révolutionnaire” du concile de la plèbe et du tribunat de la plèbe au début du ve siècle, voir notamment : A. Guarino, Storia del diritto romano5, p. 83-84 ; J.-C. Richard, Les origines de la plèbe, p. 541-586 ; M. Humbert, Institutions politiques et sociales5, p. 199-203.
79 Cf. A. Mastrocinque, Lucio Giunio Bruto, p. 192.
80 Cf. Th. Mommsen, “Die patricisch-plebejischen Comitien”, dans Römische Forschungen, I, Berlin, 1864, p. 151-166 ; Id., Le droit public, I, p. 218-222 ; G. Botsford, “On the Distinction between Comitia and Concilium”, dans TAPA, 35, 1904, p. 21-32 ; Id., The Roman Assemblies, New York, 1909, p. 119-138 ; A. G. Roos, “Comitia tributa – concilium plebis, leges – plebiscita”, dans Mededeelingen der Nederlandsche Akademie van Wetenschappen (Nieuwe reeks, deel 3., Afdeeling Letterkunde), 1940, p. 251-294 ; L. R. Taylor, Roman Voting Assemblies, p. 6 ; F. De Martino, Storia della costituzione Romana, I2, p. 371-373 ; C. Nicolet, Le métier de citoyen, p. 304-307 ; Id., Rome et la conquête du monde méditerranéen, I, p. 345-346 et p. 354-355 ; M. Humbert, Institutions politiques et sociales5, p. 251 ; E. Cizek, Mentalités et institutions politiques romaines, p. 196-198 ; F. Cassola et L. Labruna, Linee di una storia delle istituzioni repubblicane, p. 206-209.
81 Cf. G. W. Botsford, The Roman Assemblies, p. 100-118 ; voir en dernier lieu J. Vaahtera, “On the Religious Nature of Place of Assembly”, dans J. Vaahtera éd., Senatus Populusque Romanus, 1993, p. 97-116. Selon A. Guarino, Storia del diritto romano5, p. 83, le concilium plebis se réunissait à l’origine sur la colline de l’Aventin, « che faceva parte della cerchia delle quattro regiones urbanae di Servio Tullio, ma era fuori dal circuito sacro del pomerium quiritario ».
82 Voir infra p. 601-607. K. Sandberg, dans J. Vaahtera éd., Senatus Populusque Romanus, 1993, p. 88 et p. 94, montre que les comices tributes (alias concile de la plèbe) ont précisément pris la succession des comices curiates en matière de législation civile (sauf pour la lex curiata de imperio qui ne semble pas ressortir de la législation civile et pour laquelle les comices curiates paraissent avoir été maintenus).
83 J.-C. Richard, Les origines de la plèbe, p. 111, p. 130 et p. 132.
84 Voir supra p. 201 et n. 55 ; Varr., De ling. Lat., V, 155 et Ps.-Asc., p. 238 Stangl Or. (voir infra p. 605, n. 15). J.-C. Richard, Les origines de la plèbe, p. 130-131 : « le peuple romain des Quirites est d’abord le peuple des hommes rassemblés ».
85 Liv., II, 56, 2 ; II, 58, 1 ; II, 60, 4-5 ; Dion. Hal., IX, 41, 2 ; Zon. (D.C.), 7, 17. J.-C. Richard, Les origines de la plèbe, p. 561, n. 401.
86 J. Farrell, dans Athenaeum, 64, 1986, p. 436-437, qui admet pourtant l’antériorité du concilium plebis par rapport aux comitia tributa, ne relève pas cette erreur de Tite-Live et surtout n’en tient pas compte pour sa définition : en fait, les deux termes paraissent interchangeables parce que les Anciens les confondaient (contra : Id., loc. cit., p. 414-415). Pour M. Humbert, dans Mélanges A. Magdelain, p. 238, « dès les origines de la plèbe, Tite-Live et Denys d’Halicarnasse s’ingénient à faire croire que la plèbe fut intégrée dans la cité et récupérée par le droit au terme de concessions et de reconnaissances, toutes aussi apocryphes les unes que les autres. Cette manipulation avait un sens : les représentants de la plèbe devenaient ainsi des magistrats, ses assemblées des comices, ses plébiscites des lois ».
87 Pour 447 : Tac, Ann., XI, 22, 4 : Sed quaestores regibus etiam tum imperantibus instituti sunt, quod lex curiata ostendit ab L. Bruto repetita. Mansitque consulibus potestas deligendi, donec eum quoque honorem populus mandaret. Creatique primum Valerius Potitus et Aemilius Mamercus sexagesimo tertio anno post Tarquinios exactos, ut rem militarem comitarentur. Contra : Liv., IV, 43, 4-5. Pour 446 : Liv., III, 71, 3 (mais Tite-Live parle de concilium populi et non de comitia). Cf. Th. Mommsen, Le droit public, IV, p. 220-227 ; F. De Martino, Storia della costituzione Romana, I2, p. 390 ; K. Sandberg, dans J. Vaahtera éd., Senatus Populusque Romanus, 1993, p. 79.
88 E. Meyer, Römischer Staat und Staatsgedanke, p. 64-65.
89 Cf. F. De Martino, Storia della costituzione Romana, I2, p. 389-391, pour qui les comices tributes, organisés par tribus comme le concilium plebis, mais réunissant à la fois les patriciens et les plébéiens, ont dû avoir été créés entre le premier quart et la fin du ive siècle ; voir aussi C. Nicolet, Le métier de citoyen, p. 305.
90 Cf. Tac, Ann., XI, 22, 4 (supra n. 87). Le principe électif semble ne s’être imposé pour les petites magistratures, comme les tribuns militaires, qu’au cours du ive siècle : M. Humbert, dans Mélanges A. Magdelain, p. 233-234 (voir supra p. 279, n. 35).
91 Liv., IX, 46, 2 : Invenio in quibusdam annalibus, cum appareret aedilibus fierique se pro tribu aedilem videret (...). Calp. Pis., fr. 27 P. = 37 F. = 30 Ch. (ap. Gell., N.A., VII, 9, 2) : Cn. Flavius, patre libertino natus, scriptum faciebat isque in eo tempore aedili curuli apparebat, quo tempore aediles subrogantur, eumque pro tribu aedilem curulem renuntiaverunt. Cf. G. Forsythe, The Historian L. Calpurnius Piso, p. 481.
92 Liv., VII, 16, 7-8. Cf. J. Vaahtera, dans J. Vaahtera éd., Senatus Populusque Romanus, 1993, p. 100-102.
93 Ainsi E. S. Staveley, “Tribal legislation before the lex Hortensia”, dans Athenaeum, 33, 1955, p. 3-31, qui remonte cependant jusqu’au ve siècle et à l’hypothétique lex Valeria-Horatia de 449 pour dater la création des comitia populi tributa ; de même A. Mastrocinque, Lucio Giunio Bruto, p. 187-199 (sur les lois Valeriae Horatiae, cf. l’analyse de M. Humbert, Institutions politiques et sociales5, p. 208-210). F. De Martino, Storia della costituzione Romana, F, p. 390, estime que le vote de la lex Manlia de vicesima manumissionum, en 357, prouverait l’existence à cette date des comices tributes : mais rien ne prouve que cette loi n’a pas été votée par d’autres comices (curiates ou centuriates). Sans donner de raison précise, M. Humbert, Institutions politiques et sociales5, p. 251, place lui aussi la naissance des comices tributes « vers 350 ».
94 Cf. R. Mitchell, Patricians and Plebeians, p. 191 ; Κ. Sandberg, dans J. Vaahtera éd., Senatus Populusque Romanus, 1993, p. 88-89 et p. 92-95.
95 Voir les définitions données par les jurisconsultes et par Festus et citées supra p. 420, n. 74. Cf. aussi H. Siber, s.v. Plebiscita, dans R.E., XXI, 1, 1951, col. 54-73 ; M. Humbert, dans Mélanges A. Magdelain, p. 211-238.
96 Liv., VIII, 12, 14-15 : Dictatura popularis et orationibus in patres criminosis fuit, et quod tres leges secundissimas plebei, adversas nobilitati tulit : unam, ut plebi scita omnes Quirites tenerent ; alteram, ut legum quae comitiis centuriatis ferrentur ante initum suffragium patres auctores fierent ; tertiam, ut alter utique ex plebe (...) censor crearetur. Cic, De Rep., II, 56 : Quodque erat ad obtinendam potentiam nobilium vel maximum, vehementer id retinebatur, populi comitia ne essent rata, nisi ea patrum adprobavisset auctoritas. Gaius, Inst., I, 3 : Olim patricii dicebant plebi scitis se non teneri, <quae> sine auctoritate eorum facta essent (R. Develin, dans Athenaeum, 53, 1975, p. 321, défend la lecture quae au lieu de quia). Cf. Th. Mommsen, Le droit public, VI, 1, p. 176-178 ; G. Rotondi, Leges publicae, p. 226-228 ; G. Niccolini, Il tribunato della plebe, Milan, 1932, p. 22 et p. 54 ; R. Develin, loc. cit., p. 320-321 ; G. Maddox, “The Binding Plebiscite”, dans Sodalitas. Scritti in onore di A. Guarino, I, Naples, 1984, p. 85-95 ; A. Mastrocinque, Lucio Giunio Bruto, p. 187-191 ; K. Sandberg, dans J. Vaahtera éd., Senatus Populusque Romanus, p. 92-95. Pour K. J. Beloch, Römische Geschichte, p. 477-478, et K.-J. Hölkeskamp, Die Entstehung der Nobilität, p. 163-166, la loi Publia Philonis de plebiscitis de 339 serait une projection anachronique de la loi Hortensia de 287 (cf. aussi G. Rotondi, p. 239-240). Pour d’autres, la loi de 339 transforma le plébiscite en loi s’il recevait la ratification du Sénat : G. De Sanctis, Storia dei Romani, II, p. 221 ; A. O’Brien Moore, s.v. Senatus, dans R.E., Suppl. VI, 1935, col. 677-678 ; F. De Martino, Storia della costituzione romana, I2, p. 291-293 ; M. Humbert, Institutions politiques et sociales5, p. 212-213 ; Id., dans Mélanges A. Magdelain, p. 229-236 (voir supra p. 121 et p. 190, n. 18). K.-J. Hölkeskamp, “Die Entstehung der Nobilität und der Funktionswandel des Volkstribunats : Die historische Bedeutung der lex Hortensia de plebiscitis”, dans AKG, 70, 1988, p. 292-298, consacre un long développement à cette question et conteste l’existence d’une ratification préalable des plébiscites par le Sénat avant la lex Hortensia. Mais Denys d’Halicarnasse atteste à plusieurs reprises l’existence d’une pareille procédure (Dion. Hal., VII, 38, 3 ; IX, 41, 3 ; IX, 49, 3 ; X, 4, 1 ; X, 26, 5 ; X, 30, 6 ; X, 48, 1 ; XI, 54, 4 ; XI, 57, 1 ; XI, 61, 1), procédure que Sylla et Pompeius Rufus ont essayé de remettre en vigueur en 88 av. J.-C. (App., B.C., I, 59), et on ne peut pas s’expliquer autrement l’existence de toute une série de plébiscites qui ont incontestablement été votés avant la loi Hortensia et qui ont "obligé" l’ensemble du peuple romain, y compris les patriciens (par ex. les "lois" licinio-sextiennes sur le partage du consulat et de l’ager publicus ; le plebiscitum Ovinium sur la lectio senatus ; le plebiscitum Atilium Marcium sur l’élection des tribuns militaires ; le plebiscitum Ogulnium sur l’ouverture des collèges d’augures et de pontifes aux plébéiens, etc.) ; à moins de nier l’historicité de tous ces plébiscites, ce qui serait historiquement absurde.
97 Voir supra p. 190 et n. 18.
98 Cf. Gaius, Inst., I, 3 : legibus exaequata sunt. E. Weiss, Grundzuge der römischen Rechtsgeschichte, Reichenberg, 1936, p. 30 ; K. von Fritz, The Theory of the Mixed Constitution in Antiquity : A Critical Analysis of Polybius’ Political Ideas, New York, 1954, p. 238 et p. 452, n. 51 ; F. Cassola, I gruppi politici, p. 130-131 et n. 5.
99 Cf. Th. Mommsen, dans Römische Forschungen, I, Berlin, 1864, p. 154-155 ; F. De Martino, Storia della costituzione Romana, I2, p. 390.
100 D.C., VIII, fr. 37, 2 ; Zon. (D.C.), 8, 2 ; Gaius, I, 2 ; Pomp., Dig., I, 2, 2, 8. G. Rotondi, Leges publicae, p. 238-241 ; M. Torelli, Rerum Romanarum Fontes ab anno CCXCII ad annum CCLXV a. Ch. n., Pise, 1978, p. 69-73. F. Cassola, “L’organizzazione politica e sociale della Respublica”, dans Pugliese Carratelli éd., Roma e Vitalia, p. 36, voit dans la lex Hortensia un terminus post quem à la création des comices tributes ; mais l’historien italien suppose que ceux-ci ne comprenaient que les plébéiens, ce qui est une hypothèse qui n’est pas compatible avec ce que l’on sait de l’histoire primitive de la République et du conflit patricioplébéien.
101 G. De Sanctis, Storia dei Romani, II, p. 221 ; V. Arangio-Ruiz, Storia del diritto romano, p. 52-54 ; F. De Martino, Storia della costituzione romana, I2, p. 391-393 ; F. Cassola, I gruppi politici, p. 130-131. Selon A. Biscardi, dans BIDR, 42, 1941, Publilius Philo aurait déjà accordé l’auctoritas préventive aux plébiscites, alors que Hortensius aurait aboli toute forme à’auctoritas ; enfin, Th. Mommsen n’excluait pas la possibilité que la loi Publilia Philonis se serait distinguée de la loi Hortensia par une clause restrictive que la tradition n’aurait pas conservée (Le droit public, VI, 1, p. 176).
102 Gran. Licin., ap. Macr., Sat., I, 16, 30. Cf. L. Lange, Römische Alterthümer, Berlin, II3, 1879, p. 113-115 ; G. Rotondi, Leges publicae, p. 240-241. Voir infra p. 453-454 et n. 46.
103 Th. Mommsen, dans Römische Forschungen, I, 1864, p. 151-166 ; G. Botsford, The Roman Assemblies, p. 474 ; M. Humbert, Institutions politiques et sociales5, p. 251.
104 Cf. J. Bleicken, Das Volkstribunat der klassischen Republik. Studien zu seiner Entwicklung zwischen 287 und 133 v. Chr., Munich, 19682, p. 15, η. 1 ; M. Elster, Studien zur Gesetzgebung der frühen römischen Republik – Gesetzesanhäufungen und – Wiederholungen, Francfort/Main (Europäische Hochschulschriften, 3, 71), 1976, p. 111.
105 Ainsi Th. Mommsen, Le droit public, VI, 1, p. 195-196 ; P. Fraccaro, “Tribules ed Aerarii”, dans Athenaeum, 21, 1933, p. 160 (= Id., dans Opuscula, II, Pavie, 1957, p. 159).
106 Cf. G. De Sanctis, Storia dei Romani, II, p. 230 ; L. R. Taylor, The Voting Districts, p. 5, n. 7.
107 Ainsi pour Th. Mommsen, Le droit public, VI, 1, p. 171, suivi par G. W. Botsford, The Roman Assemblies, p. 271, et par F. De Martino, Storia della costituzione romana, F, p. 390, le concile de la plèbe ne rassemblait que les propriétaires fonciers plébéiens.
108 Liv., IX, 46, 14-15 :...donec Q. Fabius et P. Decius censores facti, et Fabius simul concordiae causa, simul ne humillimorum in manu comitia essent, omnem forensem turbam excretam in quattuor tribus coniecit urbanasque eas appellavit. Adeoque eam rem acceptam gratis animis ferunt, ut Maximi cognomen, quod tot victoriis non pepererat, hac ordinum temperatione pareret. Val.-Max., II, 2, 9 : Trabeatos vero equites (...) Maximus cognominatus est (voir supra p. 244, n. 45). Auct. De vir. ill., 32,2 : Censor [sc. Q. Fabius Rullus] libertinos tribubus amovit. Cf. W. Siebert, Über Appius Claudius Caecus, 1863, p. 53-56 ; F. De Martino, Storia della costituzione Romana, F, p. 257-259.
109 Th. Mommsen, Le droit public, VI, 1, p. 195 et n. 2.
110 Liv., IX, 46, 15 ; Val.-Max., II, 2, 9 ; cf. Plut., Pomp., 13, 11.
111 C. Nicolet, dans REL, 20, 1961, p. 720.
112 Cf. Cic, De leg., III, 7 : voir supra p. 390.
113 Liv., XLV, 15, 3-4 (cf. supra p. 246, n. 49).
114 Voir supra p. 340-341.
115 Pour C. Nicolet, dans REL, 20, 1961, p. 708, n. 1 : « la création de l’assemblée censitaire (campum) et celle de l’assemblée tribute (forum) sont sensiblement contemporaines, l’une compensant par les barrières des classes, les tendances démocratiques de l’autre ; mais toutes deux ne datent que de la fin du ive siècle ».
116 Dion. Hal., VII, 59, 9 : Oἱ μὲν οὗν συναγωνιζόμενοι Μαρκίῳ ταύτην ἠξίουν καλεῖν τὴν ἀπὸ τῶν τιμημάτων ἐκκλησίαν ὑπολαμβάνοντες τάχα μὲν ἐπὶ τῆς πρώτης κλήσεως υπό τών οκτώ καὶ ἐνενήκοντα λόχων ἀπολυθήσεσθαι τὸν ἄνδρα, εἰ δὲ μή γε, ἐπί τῆς δευτέρας ἢ τρίτης. Οί δὲ δήμαρχοι ταῦθ’ ὑφορώμενοι καί αὐτοί τὴν φυλετικὴν ἐκκλησίαν ᾤόντο δεῖν συνάγειν καὶ τοῦ ἀγῶνος ἐκείνην ποιῆσαι κυρίαν, ἵνα μήτε οἱ πένητες τῶν πλουσίων μειονεκτῶσι μήτε οἱ ψιλοὶ τῶν ὁπλιτῶν ἀτιμοτέραν χώραν ἔχωσι, μήτε ἀπερριμμένον εἰς τὰς ἐσχάτας κλήσεις τὸ δημοτικὸν πλῆθος ἀποκλείηται τῶν ἴσων, ἰσόψηφοι δὲ καὶ ὀμότιμοι πάντες ἀλλήλοις γενόμενοι μιᾷ κλήσει τὴν ψὴφον ἐπενέγκωσι κατὰ φυλάς : « Les supporters de Marcius <Coriolan> demandaient que soit convoquée l’assemblée censitaire, espérant qu’il pourrait peut-être être acquitté par la première classe avec ses quatre-vingt-dix-huit centuries, ou, sinon, par les deuxième et troisième classes. D’autre part les tribuns, qui redoutaient cette éventualité, estimèrent qu’ils devaient convoquer l’assemblée tribute et lui donner le pouvoir de décision, parce que les pauvres ne pourront pas être à leur désavantage comparés aux riches, ni les fantassins armée à la légère avoir une situation moins honorable que ceux qui étaient lourdement armés, ni la masse des plébéiens, en étant relégués dans les dernières unités de vote, être exclus de l’égalité des droits avec les autres, mais que tous les citoyens peuvent y être égaux les uns avec les autres par leurs votes et par l’honneur, et, sur une seule convocation, peuvent y donner leurs votes par tribus ». – XI, 45, 3 : ἐν μὲν ταῖς φυλετικαῖς ἐκκλησίαις oἱ δημοτικοὶ καὶ πένητες ἐκράτουν τῶν πατρικίων, ἐν δὲ ταῖς λοχίτισιν ἐκκλησίαις οἱ πατρίκιοι παρὰ πολὺ τῶν ἄλλων ἐλάττους ὄντες περιῆσαν τῶν δημοτικῶν : « dans l’assemblée tribute, les plébéiens et les pauvres l’emportaient sur les patriciens, alors que dans les assemblées centuriates les patriciens, bien qu’étant bien moins nombreux, l’emportaient sur les plébéiens ».
117 C. Nicolet, dans REL, 20, 1961, p. 716-720.
118 Liv., IX, 46, 6-7 : Aedem Concordiae in area Vulcani summa invidia nobilium dedicavit ; coactusque consensu populi Cornelius Barbatus pontifex maximus verba praeire, cum more maiorum negaret nisi consulem aut imperatorem posse templum dedicare, Itaque ex auctoritate senatus latum ad populum est, ne quis templum aramve iniussu senatus aut tribunorum plebei partis maioris dedicaret. Plin., N.H., XXXIII, 19-20 : Flavius vovit aedem Concordiae, si populo reconciliasset ordines, et, cum ad id pecunia publice non decerneretur, ex multaticia faeneratoribus condemnatis aediculam aeream fecit in Graecostasi, quae tunc supra comitium erat, inciditque in tabella aerea factam eam aedem CCIIII annis post Capitolinam dedicatam. Id a. CCCCXXXXVIIII a condita urbe gestum est et primum anulorum vestigium extat. Sur l’historicité de la dédicace de cette chapelle à la Concorde en 304, voir notamment : A. Momigliano, “Camillus and the Concord”, dans CO, 36, 1942, p. 111-120 (= Id., Secondo contributo, Rome, 1960, p. 99-104) ; J. Heurgon, Rome et la Méditerranée occidentale, p. 318 ; A. Ziolkowski, The Temples of Mid-Republican Rome, p. 22-23. Sur la réunion des comices tributes au Comitium, voir infra p. 601-607.
119 Liv., IX, 46, 14 : (...) et Fabius simul concordiae causa, simul ne humillimorum in manu comitia essent, omnem forensem turbam excretam in quattuor tribus coniecit urbanasque eas appellavit.
120 K.-J. Hölkeskamp, Die Entstehung der Nobilität, p. 140-169 ; Id., dans AKG, 70, 1988, p. 271-312.
121 Ainsi déjà pour F. Càssola, I gruppi politici, p. 10 : dès la fin du IVe ou le début du iiie siècle, les tribuns de la plèbe ne peuvent plus être considérés comme des protecteurs du peuple contre les abus de la nobilitas, car de nombreux tribuns appartenaient dès lors à des familles nobles.
122 Le mélange des classes sociales au sein de chaque tribu, où chaque voix avait le même poids quel que fût son rang (ordo) dans la hiérarchie censitaire, explique qu’à l’époque de Cicéron encore, les comices par centuries étaient jugées supérieures aux comices par tribus ; cf. Cic, De legibus, III, 44 : Descriptus enim populus censu, ordinibus, aetatibus, plus adhibet ad suffragium <con>silii quam fuse in tribus convocatus.
123 Sur cette distinction “qualitative” entre « tribus urbaines » et « tribus rurales », cf. L. R. Taylor, The Voting Districts, p. 11-12 et p. 132-149.
124 Cic, De leg. agr., 31 : comitiis (...) Ulis ad speciem atque ad usurpationem vetustatis per XXX lictores auspiciorum causa adumbratis. Ovid., Fast., II, 527-532 : Curio legitimis nunc Fomacalia verbis I maximus indicit nec stata sacra facit : / inque foro, multa circum pendente tabella, I Signatur certa curia quaeque nota, / stultaque pars populi quae sit sua curia nescit I sed facit extrema sacra relata die. Cf. Th. Mommsen, Le droit public, VI, 1, p. 98-104 ; G. Botsford, The Roman Assemblies, p. 198 ; L. R. Taylor, The Roman Voting Assemblies, p. 4 ; K. Sandberg, dans J. Vaahtera éd., Senatus Populusque Romanus, 1993, p. 79-80 ; J. Vaahtera, dans ibid., p. 101 et p. 116.
125 Cf. A. Mastrocinque, Lucio Giunio Bruto, p. 195-198 et p. 203-211.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
De la « Cité de Dieu » au « Palais du Pape »
Les résidences pontificales dans la seconde moitié du XIIIe siècle (1254-1304)
Pierre-Yves Le Pogam
2005
L’« Incastellamento » en Italie centrale
Pouvoirs, territoire et peuplement dans la vallée du Turano au Moyen Âge
Étienne Hubert
2002
La Circulation des biens à Venise
Stratégies patrimoniales et marché immobilier (1600-1750)
Jean-François Chauvard
2005
La Curie romaine de Pie IX à Pie X
Le gouvernement central de l’Église et la fin des États pontificaux
François Jankowiak
2007
Rhétorique du pouvoir médiéval
Les Lettres de Pierre de la Vigne et la formation du langage politique européen (XIIIe-XVe siècles)
Benoît Grévin
2008
Les régimes de santé au Moyen Âge
Naissance et diffusion d’une écriture médicale en Italie et en France (XIIIe- XVe siècle)
Marilyn Nicoud
2007
Rome, ville technique (1870-1925)
Une modernisation conflictuelle de l’espace urbain
Denis Bocquet
2007