Chapitre 5. Réorganisation censitaire et réforme militaire
p. 267-344
Texte intégral
1La recherche des raisons qui peuvent expliquer la réforme des tribus d’Appius Claudius Caecus repose probablement sur un complet changement de perspective par rapport aux témoignages trop synthétiques et trop tendancieux de Diodore et de Tite-Live. Diodore n’a retenu de cette réforme que la possibilité offerte à tous les citoyens de s’inscrire dans la tribu de leur choix, ce qui aurait permis à Appius Claudius d’opposer à l’hostilité de quelques nobles la bienveillance du plus grand nombre. Et Tite-Live laisse entendre que cette possibilité fut offerte aux plus humbles (les humiles et même les humillimi) et qu’elle leur permit de s’inscrire dans les tribus rurales desquelles ils étaient auparavant exclus, provoquant ainsi l’« indignité » des comices tributes désormais dominés par la forensis factio, ainsi que l’élection du scribe Cn. Flavius à l’édilité curule. Autrement dit, la tradition historiographique antique n’a retenu de cette réforme qu’une dimension « politicienne », en prêtant à Appius Claudius des intentions démagogiques : son but aurait été d’accroître son influence politique (ses opes) en répartissant le petit peuple dans toutes les tribus afin de lui donner une majorité politique dans les comices tributes. Or, cette vision insiste davantage sur les conséquences d’une réforme que sur les raisons qui l’ont motivée1 : il y a de fortes chances pour que la mémoire des événements transmise par la tradition historiographique antique ait été fortement sélective et n’ait finalement retenu que ce qui a paru ultérieurement le plus scandaleux dans cette réforme, alors que les raisons réelles en avaient été depuis longtemps oubliées.
2Si l’on retient par contre que le censeur Appius Claudius a modifié les critères du cens pour intégrer les humiles dans l’organisation centuriate, et qu’en conséquence ils purent également s’inscrire dans les tribus rurales desquelles ils étaient auparavant exclus parce que les propriétés qu’ils y possédaient étaient inférieures en taille au minimum censitaire qui était jusqu’alors alors en vigueur, ou parce que l’absence de propriété leur interdisait de s’y inscrire, la perspective dans laquelle il faut comprendre cette réforme des tribus change complètement, en écartant les préoccupations de nature politicienne et en replaçant cette réforme dans le cadre d’une profonde réorganisation des structures institutionnelles de la République romaine. Par ailleurs, une réforme des critères du cens est aussi la seule manière de comprendre comment en répartissant les humiles dans toutes les tribus, Appius Claudius forum et campum corrupit. En réalité, la question qu’il faut se poser porte sur les raisons qu’il y a eu, à la fin du ive siècle, de modifier les critères censitaires et d’inscrire tous les citoyens, même les plus humbles, non seulement dans toutes les tribus, mais sans doute aussi dans de nouvelles centuries.
3Une modification des critères du cens permettant l’intégration dans les comices centuriates de nouveaux citoyens, et notamment des plus humbles, ne pouvait avoir comme objectif que d’augmenter le nombre de citoyens inscrits dans cette assemblée. Vers 312 av. J.-C, dans le contexte difficile des guerres samnites, quelques années après les cuisantes défaites des Fourches Caudines (en 321) et des Lautulae (en 315), l’accroissement des effectifs de l’assemblée centuriate devait d’abord avoir des raisons militaires : or c’est probablement dans ce contexte qu’il faut situer l’adoption définitive de l’organisation manipulaire de l’armée romaine, apparemment contemporaine du système censitaire des cinq classes censitaires « serviennes ».
1 – LA DATE DE LA RÉFORME MANIPULAIRE
4L’adoption de l’organisation manipulaire par l’armée romaine est généralement datée, par la plupart des historiens modernes, de l’époque des guerres samnites à la fin du ive siècle av. n. ère2. Les raisons qui sont invoquées sont essentiellement d’ordre tactique : en devenant une unité tactique quasi autonome, le manipule assurerait une plus grande souplesse aux légions désormais engagées dans des théâtres d’opération difficiles, en milieu montagneux, contre un ennemi qui préfère la tactique du harcèlement et de l’embuscade à la bataille rangée en ligne selon la disposition traditionnelle de la phalange de hoplites. Les raisons touchent aussi aux techniques de l’armement : depuis l’Antiquité, on considère généralement que le javelot (pilum) et le grand bouclier ovale ou rectangulaire (scutum) qui constituent les pièces essentielles de l’armement offensif et défensif du légionnaire romain3 seraient en fait des emprunts faits aux Samnites4. Cette origine n’est pas absolument assurée5, et l’analyse archéologique de P. F. Stary laisse penser que certaines pièces d’armement, comme le grand bouclier ovale (scutum), pourraient en fait avoir été adoptées par les populations d’Italie centrale à la suite des invasions gauloises de la première moitié du ive siècle, et que l’adoption d’une technique de combat plus souple et plus mobile, par l’abandon de la vieille phalange de hoplites, aurait été rendue nécessaire par la tactique des guerriers celtes6. L’adoption du pilum et du scutum par l’armée romaine daterait donc de toute manière du ive siècle, et pourrait bien être liée à l’adoption de la tactique manipulaire7. En tout cas, cet armement semble attesté en Campanie à l’époque des guerres samnites : une fresque provenant d’une tombe campanienne (à proximité immédiate des murailles de Capoue), dont la datation est comprise entre le milieu du ive et les débuts du iiie siècle, représente un guerrier portant des jambières, une cuirasse, un casque avec panache et un long bouclier ovale, d’après un équipement qui devait être assez proche, sinon identique à celui du fantassin romain de la légion manipulaire (pl. IV)8.
5Un célèbre passage de Tite-Live, maintes fois étudié9, montre qu’il aurait existé un lien étroit entre le type d’organisation tactique et les armes employées (VIII, 8, 3-4) :
Clipeis antea Romani usi sunt, dein, postquam stipendiarii facti sunt, scuta pro clipeis fecere ; et quod antea phalanges similis Macedo-nicis, hoc postea manipulatim structa acies coepit esse ; postremo in piures ordines instruebantur.
« Les Romains se servirent d’abord de boucliers ronds (clipei), puis, quand ils touchèrent une solde postquam stipendiarii facti sunt), on fabriqua à la place des précédents des boucliers oblongs (scuta) et ce qui, auparavant, avait été une armée de phalanges comme chez les Macédoniens, commença à être une armée rangée en manipules ; enfin les soldats étaient disposés en un plus grand nombre de rangs (ordines) »10.
6Suit une longue description, très détaillée, de l’organisation et de la tactique manipulaire, où les manipules sont répartis en différents ordines (hastati, principes, triarii, velites, rorarii, accensi et equites) selon l’âge, les aptitudes physiques et l’expérience du combat des soldats qui les composaient (Liv., VIII, 8, 4-14).
7Tite-Live place cette description de la légion manipulaire au moment de la bataille du Véséris, en 340, c’est-à-dire avant les guerres samnites, au moment de ľaffrontement décisif en Campanie entre Rome et la ligue latine : certains en ont tiré argument que « la première application sérieuse de la tactique manipulaire » daterait probablement de cette rencontre et que les Romains pourraient alors « avoir appris des Samnites la tactique manipulaire, puisqu’une armée samnite combat à leurs côtés »11. La description que fait Tite-Live lui permet d’insister sur la similitude entre les deux armées, l’armée romaine et l’armée latine, toutes deux recrutées et organisées de la même façon, c’est-à-dire selon l’ordonnance manipulaire12. Mais certains détails littéraires trahissent en fait l’expérience historique réelle qui est probablement à l’origine de ce souci de symétrie entre une armée romaine et une armée ennemie autrefois l’alliée de Rome : pour Tite-Live, ce combat ressembla tout à fait à une guerre civile (VIII, 8, 2 : fuit autem civili maxime bello pugna similis), non seulement à cause de l’exacte similitude structurelle entre les deux armées, mais aussi parce que certains soldats romains et latins qui se préparaient à l’affrontement se connaissaient personnellement13. Or, cette situation évoque parfaitement certains épisodes de fraternisation entre Romains et Alliés au moment de la guerre sociale14 : aussi la description de la légion manipulaire que fait Tite-Live semble-t-elle avoir été placée en 340 par simple souci de symétrie et pour des raisons davantage littéraires qu’historiques15. De plus, si elle paraît précise et détaillée du point de vue technique, cette description n’en semble pas moins manquer de rigueur, et parait s’inspirer d’une source antiquaire ou annalistique16 qui diffère sensiblement de la description de l’armée romaine qui a été faite par Polybe, notamment à propos des chiffres donnés pour la répartition des manipules entre les différents échelons tactiques17 : il est même possible que la légion manipulaire (ou prémanipulaire) décrite par Tite-Live au livre VIII n’ait en fait jamais existé, du moins sous cette forme18.
8Tite-Live, en accord avec le témoignage de l’Ineditum Vaticanum, établit toutefois une chronologie relative assez sûre en distinguant l’époque de la phalange de hoplites où l’on utilisait encore le clipeus, de celle où l’armée fut rangée en manipules et où l’on utilisait désormais le scutum, postquam stipendiarli facti sunt. Comme l’historien place l’introduction du stipendium à l’époque de la prise d’Anxur et du siège contre Véies, en 406 av. J.-C, certains en ont déduit que le scutum, et donc l’organisation manipulaire, auraient déjà été adoptés à ce moment-là19. Mais cette interprétation pose de multiples problèmes, car l’introduction du stipendium suppose l’usage général de la monnaie, ce qui est loin d’être établi à Rome pour la fin du ve siècle. D. Kienast supposait qu’en écrivant : postquam stipendiarli facti sunt, Tite-Live voulait dire que l’organisation de la phalange remontait à une époque où il n’y avait pas encore de stipendium20. Enfin, l’adoption d’un nouvel armement et celle d’une nouvelle organisation tactique n’ont pas nécessairement été synchroniques, comme veulent nous le faire croire les sources : on peut très bien imaginer un décalage de quelques décennies entre les premiers emplois du scutum, par exemple, et l’adoption définitive de la tactique manipulaire. Quoi qu’il en soit, il est difficile de tirer du témoignage de Tite-Live la moindre certitude chronologique sur la date de l’adoption par Rome de l’armée manipulaire.
9Il n’est pas impossible, en fait, que l’armée romaine ait pu adopter une organisation « prémanipulaire », peut-être dès la guerre contre Véies, ou lors des luttes contre les hordes gauloises, ou encore au moment de la conquête de Capoue et de la soumission de la Campanie21. L’existence d’une étape intermédiaire entre la phalange de hoplites et la légion manipulaire expliquerait par exemple l’origine des noms donnés aux trois principales rangées de manipules et qui sont pour nous, comme le remarquait justement C. Nicolet, « un vrai casse-tête »22 : dans l’armée manipulaire, les hastati qui étaient rangés en première ligne et qui portaient le nom de la lourde lance d’arrêt (hasta) étaient en fait armés du pilum ; les principes, dont le nom indique soit le rang occupé dans la cité, soit celui au combat (ou les deux), étaient rangés en deuxième ligne ; et les triarii, qui sont bien en troisième ligne, et qui sont parfois appelés pilani, étaient quant à eux armés de la hasta23. P. Fraccaro avait par ailleurs montré que les 60 centuries de iuniores des trois premières classes « serviennes » (40 + 10 + 10) correspondaient exactement au nombre traditionnel de centuries destinées à devenir la structure de base de la légion romaine : il en déduisait que le système centuriate avait ainsi conservé le souvenir de la composition de l’armée de Servius Tullius, soit une phalange de 6.000 hommes24. J.-C. Richard avait opposé à celà que seuls les citoyens de la première classe, répartis en 40 centuries de iuniores, étaient considérés comme appartenant à la classis25, et que la phalange de hoplites (la classis clipeata26) devait par conséquent à l’origine s’élever à 4.000 hommes, ce qui a « l’avantage de postuler, aux origines de l’organisation servienne, un rapport numérique simple entre tribus et centuries d’hoplites au nombre de 40 », mais cela ne correspond plus aux centuries qui composeront par la suite les effectifs d’une légion27. Or, là encore, l’existence d’une étape intermédiaire entre la phalange de hoplites et la légion manipulaire permet de vérifier chacune des deux hypothèses : en supposant que les tribuns militaires, appelés χιλίαρχοι par les historiens grecs, commandaient effectivement à l’origine des unités de mille hommes28, et en constatant que leur nombre est passé de quatre à six en 406/405 av. J.-C.29, on peut admettre que l’armée romaine est passée de 4 à 6.000 hommes à l’époque de la guerre contre Véies, soit deux armées de 3.000 hommes chacune, et que la distinction entre principes, hastati et triarii remonterait peut-être à cette époque30. D’ailleurs, la légion manipulaire conservera non seulement les noms des trois lignes de bataille de l’armée prémanipulaire, mais sans doute aussi leurs effectifs : on sait en effet qu’une légion comprenait 1.200 hastati, 1.200 principes et 600 triarii, soit au total 3.000 fantassins lourdement armés31. Les effectifs de l’infanterie lourde d’une légion manipulaire (donc sans les troupes légères) correspondaient par conséquent exactement aux effectifs totaux d’une légion prémanipulaire.
10Aussi est-ce l’évolution du nombre des tribuns militaires qui peut donner l’indication chronologique la plus sûre pour établir la date de l’adoption de l’organisation manipulaire par l’armée romaine. En 362, il n’y avait encore que six tribuns militaires32. Mais Tite-Live signale expressément la création en 311 de six tribuns militaires pour chacune des quatre légions, en même temps que celle des duoviri navales (IX, 30, 3) :
Et duo imperia eo anno dari coepta per populum, utraque per-tinentia ad rem milharem : unum, ut tribuni militum seni [dem]33 in quattuor legiones a populo crearentur, quae antea perquam paucis suffragio populi relictis locis dictatorum et consulum ferme fuerant beneficia ; tulere eam rogationem tribuni plebei L. Atilius, C. Marcius.
« Cette année-là aussi, deux commandements commencèrent à être confiés au peuple, l’un et l’autre concernant les affaires militaires : l’un consista à ce que six tribuns militaires pour chacune des quatre légions fussent désignés par le peuple ; ces nominations étaient auparavant un privilège presque toujours réservé aux dictateurs et aux consuls, car très peu de postes étaient laissés aux suffrages du peuple ; ce projet de loi fut présenté par les tribuns de la plèbe L. Atilius et C. Marcius ».
11Tite-Live présente cette réforme comme une mesure institutionnelle, donc permanente, puisque les tribuns militaires furent désormais désignés par les comices tributes : le tribunat militaire devint peut-être à partir de ce moment-là la première étape du cursus honorum34. Toutefois, le principe de l’élection des tribuns militaires était apparemment acquis depuis 362 : c’est à partir de cette date, et non de 311, que les tribuni militum n’étaient plus désignés par les imperatores (consuls ou dictateurs), mais élus par une assemblée (probablement les comices centuriates)35. Le plébiscite de 311 indique par conséquent à la fois un transfert de compétences d’une assemblée à l’autre et une augmentation du nombre de ces officiers. Or, le passage de 6 à 24 tribuns militaires indique avec certitude une augmentation du nombre de légions qui passent alors de deux à quatre36 : comme à partir de l’adoption de l’armée manipulaire le nombre normal de légions était de quatre37, les 6 tribuns militaires créés en 311 pour chacune des quatre légions correspondent par conséquent aux officiers destinés à encadrer les effectifs de la nouvelle armée manipulaire. L’année 311 fournit dès lors le moment le plus sûr pour dater une importante réforme militaire qui avait d’inévitables prolongements institutionnels, sans qu’il soit pour autant nécessaire d’attribuer directement cette réforme à la censure d’Appius Claudius Caecus38. Cette date correspond en fait à un tournant dans l’histoire de la deuxième guerre samnite, au moment où l’État romain semble se ressaisir avant d’obtenir des succès décisifs qui lui permettront de mettre fin au conflit : c’est le moment où sont construites la via Appia (à partir de 312), puis la via Valeria (en 307) ; c’est aussi le moment où L. Papirius Cursor triomphe sur les Sam-nites et où les boucliers d’or pris à l’ennemi (des scuta !) sont accrochés en trophées sur les tabernae du Forum (en 310)39. Il est dès lors logique qu’une nouvelle organisation militaire, combinée à un nouvel armement peut-être effectivement en partie emprunté à l’ennemi d’alors, ait été adoptée pour s’assurer de plus grandes chances de succès.
12Or, les effectifs théoriques de l’armée manipulaire s’élevaient à 4.200 fantassins et 300 cavaliers par légion40, soit au total 18.000 hommes pour quatre légions. Certaines années exceptionnelles, comme en 295, Rome avait même réussi à mobiliser 6 légions, en maintenant « sous les enseignes » les deux meilleures légions de l’année précédente, ce qui supposait un effectif total de 27.000 hommes. Ces chiffres, comparés aux 6.000 fantassins et 600 cavaliers que devait connaître la légion prémanipulaire, supposent un accroisement considérable du nombre de citoyens mobilisables41. Certes, la population romaine a connu dans la seconde moitié du ive siècle un accroissement démographique considérable, dû notamment aux conquêtes et à la création de nouvelles tribus, mais la récurrence du problème des dettes et de celui du partage de l’ager publicus montre que cet accroissement ne s’est pas vraiment effectué au profit des classes les plus aisées, en particulier de celle des riches adsidui qui devaient constituer l’essentiel de l’infanterie lourde de l’armée prémanipulaire42. La mutinerie en Campanie d’une partie de l’infanterie romaine, en 342, qui convoitait les riches terres laissées aux Capouans, montre qu’une partie de ces adsidui connaissait probablement de graves difficultés de subsistance, aggravées par le problème de l’endettement et de l’usure43. Aussi ne paraît-il pas possible d’imaginer qu’un accroissement aussi important du nombre de mobilisables, c’est-à-dire du nombre de citoyens susceptibles de servir dans les légions la même année, ait pu se faire sans un élargissement équivalent du corps social destiné à fournir ces troupes, donc du nombre de citoyens inscrits sur les registres du cens et intégrés dans l’assemblée centuriate. La réforme militaire aurait en effet paru tout à fait insupportable si elle n’avait reposé que sur le même nombre et les mêmes catégories de citoyens que précédemment44.
13Toutefois, L. Loreto a montré que Rome a en fait connu à l’époque de la deuxième guerre samnite une double réforme militaire : l’une tactique qui concerna l’introduction de l’organisation manipulaire, l’autre « organique » qui aboutit au doublement des effectifs enrôlés chaque année45. D’après cet historien, les deux réformes n’ont pas nécessairement été simultanées, et la réforme « organique » a pu précéder (et non suivre) la réforme tactique : le doublement de la levée annuelle (passage de 2 à 4 légions annuelles) serait survenu à la suite d’un important accroissement du potentiel démographique, et n’a pu se produire qu’après la défaite des Fourches Caudines, probablement à la suite de la création de nouvelles tribus en 318 (Falerna et Ufentina). Celles-ci seraient responsables d’une augmentation de près de 50 % des chiffres du cens relevés par la censure de 319-318 par rapport au recensement précédent46, ce qui expliquerait l’existence, dans le récit livien, de plus de deux légions par an au moins à partir de 316. Le plébiscite de 311, en confiant aux comices tributes le soin d’élire les 6 tribuns militaires pour chacune des quatre légions annuelles, n’aurait donc innové que sur le plan institutionnel, mais ne concernerait pas la réforme militaire, c’est-à-dire ni le doublement des effectifs levés chaque année, ni l’introduction de l’organisation manipulaire.
14En fait, même si les données statistiques et événementielles que L. Loreto tire du récit livien étaient rigoureusement exactes, ce qui vu l’état des sources pour cette époque est fortement incertain, rien n’empêche d’imaginer que pressés par les nécessités de la guerre samnite, surtout après Caudium, les Romains aient en effet profité de l’accroissement démographique que leur procurait la création de nouvelles tribus pour doubler le nombre de leurs légions : mais jusqu’en 311, il se serait encore agi de légions prémanipulaires de 3.000 hommes chacune, ce qui expliquerait le nombre extraordinaire de six ou huit légions présentes en 315, auxquelles s’ajouterait encore un supplementum. On peut aussi imaginer que ce sont précisément ces levées extraordinaires, peut-être faites dans l’urgence, qui ont poussé la nobilitas romaine à adopter définitivement, vers 311, une autre double réforme : l’adoption définitive de l’organisation manipulaire avec la levée « institutionnelle » des quatre légions annuelles d’une part47, une réorganisation des critères censitaires pour appartenir à l’organisation centuriate afin d’élargir la base du recrutement d’autre part. Autrement dit, la réorganisation censitaire dont la réforme des tribus d’Appius Claudius est sans doute le reflet s’inscrirait dans un processus évolutif et n’aurait pas eu pour objectif immédiat d’augmenter le nombre de citoyens mobilisés chaque année, puisque c’était déjà fait, mais de mieux répartir la charge en ouvrant l’accès de l’organisation centuriate à de nouvelles catégories de citoyens. La réforme manipulaire suggère en effet l’existence d’une profonde modification des critères du cens retenus pour l’appartenance au groupe des mobilisables, donc à l’assemblée centuriate, car l’organisation manipulaire semble étroitement liée au système des cinq classes censitaires « serviennes ».
2 – La réforme manipulaire et la naissance des cinq classes censitaires « serviennes »
15L’organisation timocratique de la République romaine nous est assez bien connue grâce à trois textes « canoniques » fournis par Cicéron, Tite-Live et Denys d’Halicarnasse, qui décrivent et commentent la répartition du peuple romain en 193 centuries, réparties en 18 centuries de cavaliers, cinq classes de fantassins (pedites) et cinq centuries d’inermes48. L’ensemble de cette organisation est attribuée par ces trois auteurs, ainsi que par toute la tradition historio-graphique antique pour une fois unanime, à l’œuvre du roi Servius Tullius49. Depuis longtemps cependant, la plupart des historiens modernes estiment que le classement centuriate, tel qu’il est décrit par la tradition, ne peut pas remonter à une date aussi haute (milieu du vie siècle av. J.-C.)50. Certes, les sources contiennent un certain nombre d’indices archaïques, ou archaïsants, comme la description de l’armement de type hoplitique des citoyens de la première classe, et le contexte historique du règne de Servius Tullius, contemporain de la réforme timocratique solonienne à Athènes, peut expliquer la nécessité de mettre alors en place une organisation timocratique destinée à mobiliser un plus grand nombre de citoyens en dehors des structures gentilices, au sein de la nouvelle phalange de hoplites51. Mais rien ne permet de faire remonter à l’époque royale une organisation aussi complexe que celle qui nous est décrite par les textes « canoniques » : en-dehors de leurs multiples anachronismes, dont l’évaluation censitaire sous une forme monétaire exprimée en as dévalués n’est pas le moindre problème, E. Gabba a fait récemment remarquer que le système dit « servien » se présente articulé en cinq classes censitaires et 193 centuries de manière à adhérer à une réalité sociale différenciée et avancée qui ne peut pas avoir existé à une époque aussi reculée, d’autant que Rome au vie siècle peut difficilement avoir eu une société plus évoluée, aux articulations plus complexes, qu’Athènes à la même époque52. Avec la majorité des historiens modernes, il convient dès lors d’admettre l’existence d’une organisation timocratique bien plus simple à l’origine, probablement mise en place dès le milieu du vie siècle lorsque l’adoption de l’armement hoplitique rendit nécessaire une réorganisation des structures institutionnelles de la cité, et qui se serait par la suite développée progressivement selon un processus historique assez complexe : la difficulté est précisément de cerner les étapes qui aboutirent au système des cinq classes censitaires « classiques »53.
16Un certain nombre d’indices assez sûrs montrent clairement que l’organisation centuriate avait à l’origine une signification essentiellement militaire54 : Tite-Live ainsi que Denys décrivent attentivement l’armement avec lequel les citoyens des différentes classes devaient à une certaine époque se présenter à l’assemblée centuriate ; la terminologie utilisée est davantage militaire que politique : la centurie a d’abord été une unité militaire de cent hommes55, et pour convoquer l’assemblée, on employait les termes imperare ou exercitum convocare ; celle-ci est d’ailleurs parfois encore appellée, à la fin de la République, exercitus centuriatus ou exercitus urbanus, même lorsque les citoyens s’y présenteront désormais vêtus de la toge56 ; enfin, les comices centuriates étaient convoqués à son de trompette et se réunissaient sur le Champ de Mars, donc en-dehors du pomerium, alors qu’un étendard rouge flottait sur la citadelle du Capitole ainsi que sur la colline du Janicule, où une garnison était chargée de monter la garde57. Il y a par conséquent de fortes chances pour que cette assemblée ait suivi, au moins à l’origine, l’évolution des structures militaires de l’État romain.
17En réalité, toute une évolution a dû se produire, depuis l’époque royale jusqu’à la fin de la République, où les fonctions de cette assemblée, peut-être à l’origine exclusivement militaires, ont eu une dimension de plus en plus politique. Il est probable qu’à l’origine, cette assemblée convoquée par le roi réunissait simplement l’ensemble des citoyens capables de se procurer un équipement complet de hoplite58, comme semble l’indiquer un fragment de Fabius Pictor rapporté par Tite-Live : cives qui arma ferre possen59. Dans la description « canonique » des cinq classes censitaires, seuls les citoyens de la première classe portent ce type d’armement, avec le clipeus, le bouclier rond du hoplite. De plus, en 169, Caton fait encore clairement la distinction entre ces citoyens, qu’il range dans la classis, et les citoyens des autres classes, qui appartiennent à l’infra ciassem60. Pour reprendre l’analyse proposée par E. Gabba, « sembra vi sia nella tradizione ricordo di una più semplice struttura timocratica, quella della classis, che comprendeva і cittadini in grado di armarsi pesantemente, distinti dagli altri che stavano « al di sotto » : gli infra ciassem, che non devono essere considerati proletarii »61. Comme les lexicographes nous ont par ailleurs gardé le souvenir de l’existence d’une classis clipeata, ou encore d’une classis procincta, on peut considérer avec une relative certitude que les 80 centuries de la première classe, ou plutôt ses 40 centuries de iuniores, constituent le noyau primitif de l’organisation centuriate62.
18La première mention historique de l’intervention de cette assemblée dans le domaine politique concerne l’élection des premiers consuls de la République, en 509 (Liv., I, 60, 4) : Duo consules inde comitiis centuriatis a praefecto urbis ex commentariis Ser. Tulli creati sunt, L. Iunius Brutus et L. Tarquinius Collatinus. Mais cette information est en fait très douteuse63, non seulement parce que les circonstances historiques exactes de l’établissement du régime « républicain » sont loin d’être établies64, mais aussi parce que les Commentaires du roi Servius Tullius sont un « faux » historique fabriqué à une époque bien postérieure, précisément pour expliquer et justifier l’existence du système des cinq classes censitaires65.
19La dimension politique de l’assemblée centuriate est en fait attestée pour la première fois dans les XII Tables comme la seule assemblée apte à juger de la peine capitale d’un citoyen, si c’est bien elle qui est mentionnée sous le nom de comitiatus maximus66. Même si l’appartenance de ce fragment à l’époque décemvirale a parfois été mise en doute67, de même que l’identification du comitiatus maximus avec l’assemblée centuriate68, il est probable que dès le milieu du ve siècle, l’assemblée du peuple en armes n’ait plus eu une fonction uniquement militaire et qu’elle ait commencé à avoir une structure timocratique plus précise, comme le suggère la création de la censure vers 44369. Mais l’état de notre documentation ne permet pas de décider s’il n’y avait encore qu’une classe censitaire, l’ancienne classis clipeata, ou s’il y en avait déjà plusieurs, et dans ce cas combien ? Si l’on considère qu’il y avait alors encore un rapport étroit entre la structure de l’armée et la structure de l’assemblée centuriate, et si l’on admet que le nombre de tribuns militaires est un reflet sûr de l’importance des effectifs militaires, alors on peut supposer qu’en passant de 4 à 6 tribuns militaires au moment de la guerre contre Véies, donc d’une armée de 4 à 6.000 hommes, l’assemblée centuriate soit passée de 40 à 60 centuries : les 20 centuries supplémentaires pourraient alors correspondre à une ou deux classes censitaires supplémentaires (les deuxième et troisième classes « serviennes » totalisent en effet 20 centuries de iuniores). Autrement dit, au début du ive siècle, l’assemblée centuriate ne devait encore compter que deux ou trois classes censitaires, comprenant une classe de fantassins lourdement armés, accompagnée d’une ou de deux classes de citoyens moins riches et armés plus légèrement. Mais en devenant plus nombreuse, l’assemblée du peuple en armes a pu commencer à jouer un rôle politique et devenir les comitia centuriata.
20C’est probablement dans ce contexte politique et militaire qu’il faut comprendre les notices, embrouillées par les anachronismes, sur les souffrances qu’imposa à la plèbe sa participation au long siège de Véies70 : c’est alors que les primores plebis, qui servaient jusqu’alors dans l’ordo pedester, c’est-à-dire probablement dans la classis clipeata, auraient accepté de combattre pour la première fois equo privato71 ; c’est alors également pour la première fois, qu’on aurait institué le stipendium au bénéfice des fantassins de la plèbe, parce que leurs ressources trop modestes ne leur permettaient pas d’assumer une mobilisation aussi prolongée (ne s’agissait-il pas, alors, de nouvelles catégories de citoyens mobilisés, dont la fortune était inférieure au minimum censitaire requis pour appartenir à la classis, l’infanterie lourde hoplitique ?)72 ; c’est alors peut-être que fut adopté pour la première fois le scutum, un bouclier ovale en bois et recouvert de peau, réputé moins coûteux que le clipeus, mais qui n’avait pas encore la forme oblongue qu’il n’adoptera probablement qu’à partir des guerres samnites73. C’est sans doute aussi dans ce contexte, ou au plus tard vers le milieu du siècle, qu’il faut placer l’organisation de la légion prémanipulaire : il est possible que les principes, les hastati et les triarii ne désignaient à l’origine pas seulement les trois lignes de bataille de la légion prémanipulaire (triplex acies), mais correspondaient aussi aux deux ou trois premières classes de l’organisation centuriate. E. Gabba a en effet bien souligné que l’insertion progressive des infra ciassem dans le système centuriate, sans doute à partir de la guerre contre Véies, a provoqué une mutation dans la composition sociale de l’armée : elle a donc aussi dû provoquer une mutation dans la composition sociale de l’assemblée politique par la création de nouvelles classes censitaires74.
21Aussi la répartition des citoyens en cinq classes censitaires n’est-elle probablement que le point d’aboutissement d’un long processus peut-être entamé avec la guerre contre Véies, mais qui n’a été atteint définitivement qu’avec l’adoption par l’armée romaine de l’organisation manipulaire75. Il est vrai que certains n’ont pas hésité à affirmer que « by the third century B.C. the Roman army and the centuriate assembly were manifestly two different systems »76. D’autres sont même allés plus loin, en écrivant que « dans les nouvelles légions (manipulaires), il était mis fin à toute corrélation entre la base censitaire du recrutement et la répartition des troupes sur le terrain »77. C’est en effet la conclusion inévitable à laquelle on arrive si on veut chercher une correspondance entre le nombre de centuries de la légion manipulaire et celui de l’organisation centuriate des cinq classes censitaires, puisque désormais l’unité tactique de base de la légion est précisément devenue le manipule, et que le cadre de recrutement dans lequel se fait le dilectus n’est plus la centurie, mais la tribu78. Aussi le rapprochement entre les deux organisations, l’organisation manipulaire et l’organisation censitaire, doit-il être cherché dans une autre direction : P. Marchetti avait bien vu que « l’équipement et la place des quatre corps qui constituent la légion manipulaire, principes, hastati, triarii et velites, sont (...) strictement définis d’abord en fonction de leur appartenance à l’une ou l’autre classe censitaire »79 (voir tableau 1).
22Si, comme nous l’avons vu plus haut, l’existence des 18 centuries d’equites equo publico, correspondant à l’ajout de 12 nouvelles centuries aux 6 turmes primitives (transformées en simples unités de vote appellées sex suffragia), date bien de la fin du ive siècle et s’explique à la fois par l’adoption d’un modèle timocratique campanien et la nécessité de pourvoir chacune des quatre nouvelles légions manipulaires d’un corps de cavalerie de 300 hommes, alors l’organisation censitaire « servienne » répartie en 193 centuries ne peut dater que de la même époque80. Dans sa description de l’organisation « servienne », Tite-Live attribuait d’ailleurs la création des 12 nouvelles centuries équestres à Servius Tullius, ce qui tendrait à prouver que le nombre de 18 centuries d’equites equo publico n’a pu être atteint que lorsque l’organisation centuriate a elle même atteint sa forme achevée, donc en fait vers la fin du ive siècle81. Malheureusement, à la différence des pedites, aucune source ne nous permet de comparer la description de l’armement des cavaliers que nous donne Polybe avec celui que les equites étaient tenus de présenter aux censeurs lors de la recognitio equitum : il est toutefois probable que l’armement « à la grecque » décrit par Polybe, qui se distingue d’un armement plus ancien et plus léger qui correspond peut-être à celui que les equites continuaient à arborer au moment de la transvectio equitum, a été adopté par la cavalerie romaine au moment de l’intégration des equites Campani, à l’époque de la censure d’Appius Claudius Caecus82.
23Mais les correspondances entre l’organisation manipulaire et l’organisation censitaire « servienne » s’observent surtout à propos des pedites. En effet, la discriptio classium donnée par Tite-Live et Denys d’Halicarnasse attribue l’antique armement hoplitique aux citoyens de la première classe, équipés du clipeus (ou l’ἀσπίδες) ainsi que de la cuirasse, et le témoignage de Polybe certifie que ces citoyens composaient les unités des principes et des triarii de la légion manipulaire : ces dernières étaient en effet, selon lui, composées par les citoyens dont le cens dépassaient 10.000 drachmes et qui étaient les seuls à porter une cuirasse83. Quelle que soit la valeur que l’on donne à la drachme polybienne, ces 10.000 drachmes ne peuvent correspondre qu’au cens de la première classe84, et le témoignage de Polybe est confirmé par la description que font Tite-Live et Denys, où seuls les citoyens de la première classe portent la cuirasse85. Le maintien du clipeus pour les fantassins de la première classe, dans une description censitaire qui correspond pourtant à l’organisation de la légion manipulaire, où seul le scutum devait encore être employé, ne concerne probablement que des armes de parade que ces citoyens, à la fois pour des raisons de prestige et peut-être aussi pour se distinguer des autres classes, devaient continuer à présenter aux censeurs au moment de la mise en place de l’organisation servienne. Le bouclier rond (clipeus) et la phalange de hoplites sont d’ailleurs encore attestés pour la deuxième moitié du ive siècle par la décoration des tombes aristocratiques en Étrurie86 et en Campanie87, et par les armes qui y ont parfois été retrouvées et qui étaient selon toute apparence des armes d’apparat.
24Comme les manipules étaient devenus, à la place des centuries, les unités tactiques de base, les 40 manipules de principes recrutés pour quatre légions (4 x 1.200, soit 4.800 hommes) devaient par conséquent être fournis par les 40 centuries de iuniores de la première classe. Mais les 40 manipules de triarii, aux effectifs deux fois moins élevés (4 x 600 = 2.400 hommes) et constitués de vétérans expérimentés, devaient être fournis par les 40 centuries de seniores de la même classe88 : la première classe est peut-être ainsi la seule à avoir conservé l’absence de limite d’âge pour les combattants de moins de 60 ans, ce qui serait un signe d’archaïsme supplémentaire.
25Cette particularité des principes et des triarii, issus de la même classe censitaire, mais manifestement de classes d’âge différentes, disparaît pour les autres unités de l’armée manipulaire, où les soldats semblent toujours avoir été recrutés parmi les hommes les plus jeunes89 : c’est ce qui peut expliquer la distinction, au sein de l’organisation censitaire, entre centuries de iuniores (de 17 à 45 ans) et centuries de seniores (de 46 à 60 ans), une distinction qui n’était probablement pas originelle90, mais qui a dû apparaître avec l’adoption de l’organisation manipulaire et la naissance du système « servien » des cinq classes censitaires91. La distinction entre centuries de iuniores et centuries de seniores est en effet intimement liée à la composition du système servien, et se retrouve non seulement dans la description proposée par les textes « canoniques » de Cicéron, Tite-Live et Denys, mais aussi dans des expressions qui semblent tirées des formulae censoriae et dans un fragment des fameux Commentarii Ser. Tulli regis :
Cicéron, De legibus, III, 7 : Censoris populi aevitates, suboles, familias, pecuniasque censento (...), populique partis in tribus discribunto, exin pecunias, aevitates, ordines partiunto...
Cicéron, De legibus, III, 44 : <Maiores> ferri de singulis, nisi centuriatis comitiis, noluerunt : descriptus enim populus censu, ordi-nibus, aetatibus...
Cicéron, Pro Fiacco, 15 : tributim et centuriatim discriptis ordi-nibus, classibus, aetatibus...
Festus, p. 290 L. : ‘Pro censu classis iuniorum Ser. Tullius cum dixit in descriptione centuriarum, accipi debet in censu, ut ait M. Varro in l. VI rerum humanarum...
26Ainsi, le discrimen ordinum organisé par le censeur92 ne se fait pas seulement d’après le cens et la dignitas, mais aussi d’après l’âge de chacun, permettant ainsi à chaque citoyen de connaître son ordo, c’est-à-dire, comme l’a bien montré P. Marchetti, sa place aussi bien dans l’organisation censitaire que dans l’armée manipulaire93. L’existence d’une distinction entre iuniores et seniores est donc directement liée à l’existence de l’armée manipulaire : la naissance du système censitaire en cinq classes, qui repose sur cette distinction, doit par conséquent lui être contemporaine.
27Les correspondances entre l’organisation manipulaire et l’organisation censitaire se poursuivent naturellement avec les autres unités tactiques et les autres classes. La description polybienne et livienne de l’armement des hastati rejoint celle de Tite-Live et de Denys sur l’équipement militaire des citoyens des deuxième et troisième classes, parmi lesquels on ne note pas de différence sensible94, alors qu’on relève la présence du scutum (ou θυρεός) qui ne peut pas être antérieure à l’adoption de la tactique manipulaire (ou prémanipulaire) : les 40 manipules de hastati devaient par conséquent avoir été fournis par les 20 centuries de iuniores des deuxième et troisième classes ; comme ces centuries étaient probablement plus « peuplées » que celles de la première classe, l’effort à fournir n’était pas plus important, et l’était probablement moins. Enfin, les 4.800 fantassins armés de façon légère qui composaient l’infanterie légère de quatre légions manipulaires (4 x 1.200 hommes), devaient être recrutés parmi les centuries de iuniores des quatrième et cinquième classes : nous savons en effet par Polybe que ces troupes étaient recrutées parmi les jeunes gens les plus pauvres95. Nous savons par ailleurs que les citoyens des deux dernières classes n’étaient pas armés de la même manière que ceux des trois premières : arma mutata, écrit Tite-Live en passant à la description de leur armement96. En effet, ils ne disposaient pas du bouclier (sauf ceux de la quatrième classe chez Denys97) et n’étaient armés que de lances, de javelots ou de frondes98, ce qui correspond à peu près (les frondes mises à part) à l’armement des troupes de voltigeurs décrites par Polybe et Tite-Live99.
28Dans sa description de la légion (pré)manipulaire du ive siècle, Tite-Live distingue trois groupes de fantassins qui n’appartiennent pas à l’infanterie lourde manipulaire100 : des leves milites armés de lances et de gèses (hasta et gaesa)101, et répartis par groupes de vingt dans les intervalles qui séparent les manipules sur le champ de bataille ; puis les rorarii et les accensi, dont il ne décrit pas l’armement et qu’il place en troisième ligne, derrière les triarii. Cette disposition tactique est certes étrange, car on considère généralement que les troupes légères étaient placées en première ligne, devant l’infanterie lourde, ou dans les intervalles qui séparaient les manipules, là où Tite-Live place précisément les leves milites : on a expliqué cette disposition par le fait qu’il pourrait s’agir de la description d’une parade militaire (inspirée d’une représentation picturale, peut-être triomphale ?)102, à laquelle l’historien aurait mêlé des considérations tactiques sur l’emplacement des unités militaires sur le champ de bataille. De plus, l’expression leves milites est générique et désigne les « fantassins armés à la légère », ce qui peut très bien s’appliquer aux rorarii également : en fait, Tite-Live n’a pas conservé le nom technique précis qui servait à désigner les combattants armés à la légère qui étaient placés dans l’intervalle laissé entre les manipules. Sa description est par conséquent imprécise et partiellement inexacte, mais c’est la seule qui montre les diverses unités légères présentes sur le champ de bataille avant leur substitution par les velites, vers 212-211, donc avant la description proposée par Polybe103. Or, Varron et Festus, qui s’appuyaient sur le De re militari de Caton, nous ont effectivement conservé les termes qui servaient à distinguer trois groupes de combattants parmi ceux qui avaient été rajoutés (ascrip-ticii ou ascriptivi) aux effectifs de la légion104 : les ferentarii (que Festus définit ailleurs d’après Caton), les rorarii et les accensi velati (pour lesquels Varron cite également Caton). Leur point commun est qu’ils étaient constitués de combattants qui ont été rajoutés au cens des légions (hos et accensos dicebant, quod ad legionum censum essent adscripti)105, ce qui signifie qu’il s’agissait d’anciens capite censi, mais qui ont obtenu un moment donné le cens suffisant pour faire partie des légions. Toutefois, leur armement et leurs fonctions différaient de façon importante :
les rorarii semblent avoir été les véritables précurseurs des velites, et étaient armés de javelots légers et de petits boucliers ronds, à l’instar des citoyens de la quatrième classe censitaire106 ;
les ferentarii sont présentés par nos sources tantôt comme des cavaliers, tantôt comme des fantassins ; or les ferentarii fantassins étaient armés de frondes et de pierres, comme les citoyens de la cinquième classe censitaire107 ;
les accensi ou accensi velati étaient des hommes sans armes ni uniforme, dont la fonction est mal définie par les sources, mais qui ont pu servir à partir d’une certaine époque d’officiers d’ordonnance, préfigurant ainsi dans le domaine militaire les fonctions d’appariteurs qu’ils ont conservées dans le domaine civil ; en tout cas, ces accensi n’étaient pas des combattants, et ne pouvaient donc pas faire partie des effectifs de l’infanterie légère d’une légion manipulaire108.
29Les 1.200 hommes qui constituaient l’infanterie légère de la légion se partageaient par conséquent entre rorarii et ferentarii. Tite-Live attribue l’armement des rorarii (hasta et gaesa) à ceux qu’il appelle leves milites, qui occupent dans sa description l’intervalle laissé entre les manipules. Ils auraient été répartis en groupes de 20 par manipule, et à raison de 30 manipules pour une légion, on aurait par conséquent 600 rorarii par légion, soit exactement la moitié des effectifs en troupes légères qui étaient normalement attribués à chaque légion. Comme ils étaient armés de javelots légers et de petits boucliers ronds (cf. Polybe, VI, 22, 1-4), ces fantassins légers devaient provenir de la quatrième classe censitaire (cf. Tite-Live, I, 43, 6). Les frondeurs ou ferentarii, peur-être disposés en première ligne en avant des manipules, composaient dès lors les 600 autres leves milites d’une légion et devaient provenir de la cinquième classe censitaire (cf. Tite-Live, I, 43, 7). Si les 1.200 fantassins légers par légion se partageaient bien par moitié entre rorarii et ferentarii, du moins à l’origine, il semble logique qu’ils aient été recrutés pour les uns dans la quatrième classe, et pour les autres dans la cinquième : après les trois fois 600 fantassins par légion demandés à la première classe (1.200 principes + 600 triarii), chacune des classes suivantes aurait ainsi eu à fournir 600 hommes par légion levée : 1.200 hastati pour les deuxième et troisième classes (600 par classe) et 1.200 fantassins légers pour les quatrième et cinquième classes (600 rorarii et 600 ferentarii). L’augmentation des effectifs par centurie de la première à la cinquième classe pouvait d’ailleurs faire paraître moins lourde aux yeux des citoyens de chaque classe une contribution en hommes identique à celle de la précédente.
30Quant aux accensi, il n’est pas sûr qu’ils aient fait partie des troupes complémentaires de la légion dès l’apparition de l’organisation manipulaire. En règle générale, il s’agissait en effet d’affranchis qui ont été regroupés dans une centurie particulière rajoutée à la cinquième classe censitaire. Or, cette centurie d’accensi, qui devait fournir les accensi militaires, n’existait peut-être pas au moment où s’est mis en place le système censitaire des cinq classes « ser-viennes », comme le suggèrent les divergences et les contradictions entre les témoignages de Cicéron, de Tite-Live et de Denys d’Halicarnasse sur la place des accensi dans la discriptio classium. Les trois auteurs savaient sans doute que l’organisation centuriate romaine avait toujours compté le nombre invariable de 193 centuries109, et qu’à côté des 188 centuries composées par les equites (18 centuries) et les pedites (170 centuries), il y avait toujours eu 5 centuries complémentaires composées de citoyens qui n’étaient rattachés à aucune arme (inermes) : dès la fin de la République, le problème était précisément d’identifier chacune de ces 5 centuries. Pour Cicéron, il s’agissait d’une centurie de fabri, qu’il rattachait à la première classe, puis des quatre centuries constituées par les accensi velati, les liticinii, les cornicimi et les proletarii, qu’il énumérait après la cinquième classe110. Tite-Live indique par contre deux centuries de fabri, qu’il rattache à la première classe, puis énumère explicitement trois centuries111 qu’il rattache à la cinquième classe (les accensi, les cornicines et les tubicines), avant de mentionner la centurie des prolétaires (immunis militia), ce qui fait six centuries supplémentaires au lieu de cinq : d’ailleurs Tite-Live prend soin de taire le nombre total de centuries auquel il est ainsi arrivé. Denys en revanche affirme nettement et à plusieurs reprises le nombre de 193 centuries pour l’ensemble de l’organisation centuriate et n’énumère que cinq centuries complémentaires, sans mentionner celle des accensi : deux centuries de fabri, qu’il rattache à la seconde classe, deux centuries de musiciens, rattachées à la quatrième classe, et enfin une centurie de prolétaires112.
31Le système « servien » des cinq classes censitaires a en fait dû subir d’importants changements entre le moment de son adoption définitive, probablement à la fin du ive siècle, et l’époque de Cicéron, de Tite-Live ou de Denys. Aussi leurs divergences doivent-elles s’expliquer par les mutations qu’a dû connaître le système censitaire romain, qui semble toujours avoir été suffisamment souple pour pouvoir s’adapter à de nouvelles situations sociales ou politiques, tout en restant toujours à l’intérieur du cadre des cinq classes censitaires et des 193 centuries113. En laissant entendre par son calcul que la première classe ne comptait que 70 centuries, Cicéron prend clairement en compte la répartition des centuries qui existait de son temps114 ; d’autre part, Cicéron connaisait suffisamment bien les comices centuriates pour ne point se tromper en énumérant les accensi parmi les centuries complémentaires115 : ceux-ci disposaient donc bien d’une centurie à l’époque de Cicéron. Tite-Live commet certainement une erreur, car son système atteint le nombre de 194 centuries : comme souvent, l’historien padouan a dû compiler les situations de deux époques différentes, celle ou existait deux centuries de fabri (comme chez Denys), et celle où existait une centurie ďaccensi (comme chez Cicéron). Autrement dit, sauf peut-être pour la place du vote des centuries complémentaires parmi les cinq classes, seul le système décrit par Denys donne le nombre et la répartition exacts des centuries. Par conséquent, la centurie des accensi n’a dû apparaître que lorsque le nombre de centuries de fabri est passé de deux à une, ce qui a pu se produire lorsque le nombre de centuries de la première classe a été aligné sur celui des tribus et est passé de 80 à 70, probablement en 241. Or, si la centurie des accensi n’est apparue qu’à ce moment-là dans l’organisation centuriate, il n’y avait probablement pas non plus d’accensi auparavant au sein de la légion manipulaire.
32En fait, il n’est pas impossible que le terme accensus ait subi avec le temps un glissement de sens, et qu’il ait servi à l’origine à désigner tous ceux dont la fortune a été prise en compte pour la première fois par le census pour pouvoir faire partie des légions116 : c’est du moins ce que laissent entendre plusieurs définitions de Varron et de Festus, qui semblent par moment assimiler l’ensemble des ascriptivi ou adscripticii aux accensi117. Autrement dit, si l’ensemble des troupes légères pouvaient à l’origine avoir été appellées du terme générique d’accensi, cela signifierait que les citoyens des quatrième et cinquième classes avaient tous été à l’origine d’anciens capite censi et qu’ils étaient devenus accensi (au sens étymologique118) grâce à la création des deux dernières classes censitaires. Cette interprétation pourrait trouver une confirmation si l’on acceptait au moins partiellement la restitution proposée par Th. Mommsen pour un passage très mutilé de Festus, où la quintana classis est assimilée aux anciens capite censi devenus accensi (p. 308 L.)119. Il est par conséquent fort probable qu’à l’origine les leves milites aient été d’anciens capite censi, c’est-à-dire des humiles qui ont formé la quatrième et la cinquième classes lorsque celles-ci ont été constituées, afin de fournir les troupes légères d’accompagnement dont la nouvelle armée manipulaire avait désormais besoin.
33La principale innovation de la réforme manipulaire, par rapport à l’étape qui l’a précédée, fut précisément l’introduction de troupes légères dans les effectifs de la légion. Il s’agit d’une innovation tactique qui met en scène des fantassins équipés d’armes de jet (frondes et lances légères), et qui n’a pas dû apparaître à Rome plus tôt que dans le monde grec, c’est-à-dire pas avant le début du ive siècle120. L’autre innovation fut probablement le doublement du nombre de légions normalement levées chaque année (4 au lieu de 2), même si cette mesure n’a peut-être fait qu’entériner une situation de fait qui existait depuis quelques années, peut-être depuis l’immense effort militaire consenti après la défaite aux Fourches Caudines121. Ces innovations auraient ainsi permis un quasi triplement des effectifs mobilisés (16.800 fantassins pour 4 légions, au lieu 6.000 pour 2 légions, soit une multiplication par 2,8). Certes, l’infanterie lourde doublait en nombre (12.000 fantassins au lieu des 6.000 hommes de l’armée prémanipulaire122), mais à cela s’ajoutait 4.800 hommes qui n’avaient jamais eu à combattre précédemment et qui devaient dorénavant servir parmi les leves milites. Aussi ces derniers ont-ils dû avoir été créés en même temps qu’était définitivement adoptée l’organisation manipulaire de l’armée romaine, donc en 311, lorsque le nombre de légions annuelles fut fixé à quatre et que le nombre de tribuns militaires fut augmenté. Comme en Grèce, ces troupes légères étaient recrutées parmi les citoyens pauvres, c’est-à-dire, à Rome, parmi ceux de la quatrième et de la cinquième classes : celles-ci ont donc dû avoir été ajoutées en 311 au plus tard, et probablement à peu près à ce moment-là, puisque l’ensemble de l’organisation centuriate en cinq classes censitaires semble avoir été conçu en fonction de l’organisation manipulaire de l’armée romaine. Autrement dit, l’organisation définitive du système censitaire « servien » daterait en fait de l’époque de la censure d’Appius Claudius Caecus.
3 – LA NOUVELLE ECHELLE CENSITAIRE ET LES DEBUTS DU MONNAYAGE ROMAIN
34La répartition de l’ensemble des citoyens romains en cinq classes censitaires reproduit une réalité sociale complexe et diversifiée qui correspond davantage à celle de la société romaine à partir de la deuxième moitié du ive siècle qu’à celle de la société romaine à l’époque de Servius Tullius : la croissance démographique de la population urbaine de Rome au ive siècle, la diversification des activités urbaines reposant davantage que par le passé sur le commerce et l’artisanat, la part peut-être déjà moins importante des activités agricoles, laissent percevoir une société plus mobile et moins stable qu’auparavant123. Quelle que fût l’organisation censitaire antérieure, sur laquelle nous ne pouvons faire que des hypothèses, le système complexe des cinq classes n’a probablement pu apparaître, après plusieurs changements, que vers la fin du ive siècle et fonctionna dans sa forme « servienne » vraisemblablement seulement à partir de la censure d’Appius Claudius Caecus124. Si l’adoption de l’organisation manipulaire rendit effectivement nécessaire la création de nouvelles classes censitaires, au moins de la quatrième et de la cinquième classes, de façon à pouvoir prendre en compte dans l’organisation centuriate des humiles qui ne disposaient pas auparavant de la fortune minimale pour faire partie de la phalange, et qui devaient dorénavant servir parmi les troupes légères, il fallut alors nécessairement établir une nouvelle échelle censitaire.
35Depuis toujours, la seule échelle censitaire appliquée au système « servien » qui fût connue des Romains était exprimée en monnaie de bronze : l’as. L’unanimité de la tradition historiographique ancienne sur ce point a posé, et continue de poser, un réel problème à la critique historique moderne à partir du moment où l’on veut faire remonter le système censitaire romain à l’époque de Servius Tullius : les numismates sont en effet unanimes, eux aussi, à dater les débuts du monnayage du bronze à Rome vers la fin du ive ou le début du iiie siècle avant notre ère125. D’un autre côté, on ne voit pas comment le census romain, s’il remonte effectivement au vie siècle, aurait pu prendre en compte des richesses par nature très différentes les unes des autres (terres de culture plus ou moins productives, terres d’élevage, cheptels de diverses sortes, fortunes mobilières liées au commerce ou à l’artisanat) sans l’existence de la monnaie126. D’ailleurs, une tradition ancienne, qui remonte au moins à Timée, attribuait l’invention de la monnaie et des poids et mesures précisément à Servius Tullius127.
36Cette tradition a semblé avoir reçu un début de confirmation archéologique grâce à la découverte du trésor monétaire de Bitalemi, près de Géla en Sicile, qui a permis de dater du milieu du vie siècle des lingots de bronze portant une marque en arêtes de poisson dite « ramo secco », et qui sont identiques à d’autres lingots du même type qui ont été retrouvés en Italie centrale et jusque dans le Latium128 : certains n’ont pas hésité à identifier ce type de lingot (lateris) à l’aes signatum qu’aurait introduit Servius Tullius, et à confirmer ainsi toute la tradition sur l’organisation du système censitaire romain sur une base monétaire dès le vie siècle av. J.-C.129. Mais même si l’adoption d’une unité de poids commune à toute la cité peut éventuellement trouver ainsi une confirmation130, l’extrême rareté de diffusion de ces exemplaires ne permet pas d’envisager leur utilisation sous forme monétaire, ou même prémonétaire : on ne voit pas comment avec quelques lingots « étalons » on aurait pu évaluer à des fins censitaires les fortunes des principaux citoyens, dans la mesure où ces objets n’étaient manifestement pas conçus pour circuler et s’échanger131. Il n’est pas impossible toutefois que ces unités de poids servirent peu à peu à peser ce qui était dû, comme le révèle la sémantique latine du paiement132 : mais comment peser des terres, des troupeaux, une production artisanale ? et donc, comment évaluer leur valeur en unités de poids que leur masse rendait très mal commodes à la circulation et qu’une société à un stade encore prémonétaire avait sans doute plus l’habitude de thésauriser que d’échanger ?
37Certes, l’usage de formes prémonétaires, mettant en œuvre ce fameux lingot de bronze appelé aes signatum par les Modernes133, commença peut-être à se diffuser dès le ve siècle, comme l’attesteraient diverses lois de cette époque convertissant en livres de bronze les amendes auparavant payées en têtes de bétail et qui seraient ainsi à l’origine du mot pecunia134, ou bien encore le prêt archaïque per aes et libram par lequel le créancier « hypothéquait » la personne de son débiteur (nexus), en lui remettant l’aes nexum sous la forme d’un petit lingot symbolique appelé rodusculum qui restait attaché (obiigatus) à son cou par un collier135. La législation romaine des ve et ive siècles ainsi que le problème des dettes qui touche une partie de la plèbe et empoisonne les relations entre patriciens et plébéiens, au moins dans les récits transmis par la tradition annalistique, suggèrent ainsi l’existence d’unités de compte en bronze non monnayé, qui pouvaient se présenter sous forme de bronze brut (aes rude) ou de lingots de bronze (aes signatum), et qui devaient être pesés136. L’apparition de ces premières formes prémonétaires au cours du ve siècle a ainsi conduit un certain nombre d’historiens modernes à expliquer la création de la censure en 443. Mais même si, techniquement, l’évaluation censitaire aurait alors pu commencer à se faire d’après une estimation (pré)monétaire des fortunes, celle-ci reste hautement conjecturale pour une époque aussi haute, avant les véritables débuts du monnayage romain.
38Devant la difficulté de concevoir une évaluation du census en termes monétaires à l’époque archaïque, la critique historique moderne a depuis longtemps déjà supposé que le plus ancien recensement aurait permis une évaluation de la richesse non pas en monnaie mais en superficie de terre137. Mais comme l’a bien montré G. Piéri, « cette conception d’un census fondé sur la superficie foncière ne résoud pas les difficultés posées par l’estimation des patrimoines de tous les citoyens. Tout d’abord, elle reste, en l’absence totale de témoignages anciens, purement hypothétique et permet ainsi toutes sortes de supposition arbitraires. De plus, on se représente difficilement comment la fortune de chaque citoyen a pu être appréciée d’après la possession de terres, car il faudrait alors tenir compte du rendement économique dépendant de la qualité de chaque terre. A égalité de superficie, deux terres de différentes qualités ne supposeront pas une égalité de fortune »138. Il est vrai que les proletarii, en tant que non-propriétaires, devaient être exclus, de fait sinon de droit, de l’exercitus centuriatus, car seule la possession d’une propriété foncière devait assurer la capacité économique de se procurer l’armement du hoplite. L’armée centuriate devait donc d’abord être composée d’adsidui, c’est-à-dire de propriétaires, mais les distinctions censitaires entre adsidui pouvaient difficilement reposer sur la propriété foncière. Seule peut-être pouvait exister une surface cultivable minimale pour définir l’ensemble des adsidui, comme le suggèrent les parcelles de 7 jugères qui sont attestées au début de la République, ou qui furent distribuées à la plèbe dans l’ager Veientanus, mais ce n’est là qu’une pure hypothèse139. En fait, une véritable échelle censitaire exprimée en surfaces de terres cultivables n’a probablement jamais existé à Rome, comme semble l’indiquer le silence complet des sources sur ce point.
39Les seules traditions qui nous soient parvenues sur l’échelle censitaire à Rome n’évoquent que deux modes de classification des citoyens : en fonction de leur capacité à s’équiper d’un armement plus ou moins complet, et en fonction de leur fortune exprimée en monnaie de bronze (as). Même si l’un peut être le reflet de l’autre, il est peu probable que les censeurs aient suivi simultanément deux modes de classification aussi différents : il est très probable par contre que l’évaluation des fortunes en termes monétaires ait succédé à un mode de classement plus archaïque à partir du moment où l’organisation centuriate est devenue plus complexe et où l’usage d’un étalon monétaire unique a commencé à se diffuser à Rome.
40Le mécanisme d’évaluation censitaire a en effet dû subir la même évolution que l’organisation censitaire elle-même. Tant que celle-ci n’est restée qu’une organisation essentiellement militaire, le seul critère suffisant qui permettait de départager la classis et l’infra ciassem devait être la capacité ou non de se procurer l’équipement complet du hoplite : faisaient alors partie de la classis, ceux qui arma ferre possent140. La vieille formule de convocation des comices centuriates par les censeurs, telle qu’elle était conservée dans les tabulae censoriae, indique expressément que les citoyens devaient se présenter avec les armes : omnes Quirites pedites armatos priva-tosque141. Les citoyens qui se présentaient non armés (privati) étaient par conséquent infra ciassem : point n’était alors besoin d’une évaluation, qu’elle fût sous forme monétaire ou même immobilière (dans la pratique, il est vrai, seuls les grands propriétaires devaient pouvoir se procurer cet équipement). Certes, les auteurs latins de l’époque classique expliquent généralement le verbe censere par arbitrari, aestimare ou existimare, ce qui suggère que le censor a pu être chargé, dès la création de sa fonction, de vérifier la capacité économique des citoyens à appartenir à telle ou telle classe142. Mais en comparant avec le sanscrit, G. Dumézil a pu montrer que les mots latins census, censor et censere se rattachent à la racine çams et à l’indo-européen Kens, qui signifient « nommer ou invoquer solennellement » ou « évoquer par la parole », d’où le sens de « louer » qu’a conservé dans certains cas le verbe censere143. L’éminent comparatiste a ainsi défini le sens originel du latin censere par : « situer un homme ou un acte ou une opinion à sa juste place hiérarchique, avec toutes les conséquences pratiques de cette situation, et cela par une juste estimation publique, par un éloge ou un blâme solennel »144.
41Partant de cette étymologie, С. Nicolet a souligné qu’à Rome, « le statut d’un individu ne dépend pas seulement de critères objectifs, même définis par un règlement ou une loi, mais, pour une grande part, de l’assentiment qu’y apporte la collectivité, en la personne des magistrats chargés de cette tâche, et sous la forme d’une déclaration solennelle exprimée par des mots (blâme, éloge), et se résumant dans un titre (nomen). Pour exister, le statut doit être exprimé, il doit refléter le consensus de l’opinion »145. Par conséquent, lorsque le census a été mis en place à Rome pour la première fois, il ne s’agissait sans doute pas encore d’une estimation des richesses, mais d’un avis proclamé solennellement par le censor, dont dépendait la valeur de chaque citoyen et sa place dans la hiérarchie de la cité. Comme l’avait justement remarqué G. Piéri, « quoique le census repose sur une notion d’appréciation, celle-ci a pu, à l’origine, ne pas porter sur une valeur strictement économique, et ce serait seulement lorsque cette appréciation s’est étendue à de telles valeurs que le principe d’estimation des richesses a pu alors caractériser le census »146. Or, le census n’a pu désigner une estimation des richesses (aestimatio censoria) que lorsque l’usage de la monnaie de bronze (aes) s’est véritablement diffusé à Rome, c’est-à-dire sans doute pas avant le début du premier véritable monnayage romain, vers la fin du ive siècle147.
42Il y a par conséquent de fortes chances pour que le census n’ait rien eu à voir, à l’origine, avec l’estimation des richesses, sous quelque forme qu’elles fussent (monétaires ou foncières), et que sa fonction primitive ait été essentiellement (ou exclusivement) militaire, même si dans les faits, seuls les plus riches devaient pouvoir se procurer l’équipement complet du hoplite. Pour J. Poucet, « le recensement pourrait donc n’avoir été, à l’origine, qu’une déclaration solennelle du roi définissant la place d’un citoyen dans l’armée au vu de l’équipement avec lequel il se présentait »148. Mais la création de la censure en 443 a pu devenir nécessaire suite à une diversification de l’infanterie hoplitique, par la mobilisation d’une partie des infra classem, donc de fantassins plus pauvres qui n’avaient pas les moyens de se procurer l’armement complet du hoplite qui permettait de participer à la classis clipeata. À côté de celle-ci ont dû alors apparaître, dans la deuxième moitié du ve siècle, une deuxième, voire une troisième « classe », composées de citoyens qui disposaient d’un équipement militaire un peu moins complet, à l’image de la discriptio classium présentée par Tite-Live et par Denys. Le censeur avait alors pour mission, non pas d’estimer la richesse de chacun, mais de vérifier à quelle classe pouvait appartenir chaque citoyen en fonction de l’armement qu’il était capable de présenter. Autrement dit, la censure a été créée parce que l’opération du census était devenue plus complexe qu’auparavant, étant donné que l’exercitus centuriatus ne se limitait plus simplement à la classis clipeata, mais s’étendait dorénavant à des infra ciassem, c’est-à-dire à des citoyens qui disposaient d’un armement un peu moins complet et qu’il fallait désormais classer en fonction de l’importance de leur panoplie149. Ceux des infra ciassem auxquels la pauvreté empêchait de se procurer un équipement suffisant faisaient alors partie des humiles qui restaient en-dehors de l’armée centuriate.
43Mais à partir du moment où l’organisation centuriate a été articulée en cinq classes censitaires de 193 centuries, comprenant des equites, plusieurs ordines de pedites et des proletarii, l’estimation des fortunes en vue d’un classement aussi complexe ne pouvait plus se faire que dans le cadre d’une évaluation monétaire : c’est pourquoi, comme le soulignait C. Nicolet, le système « servien » « ne saurait être antérieur à l’introduction de la plus ancienne monnaie de bronze »150. Autrement dit, l’introduction de la monnaie à Rome est le terminus post quem le plus sûr pour la naissance de l’organisation censitaire en cinq classes reposant sur une évaluation monétarisée des fortunes en vue de leur classement. Or, si la création des quatrième et cinquième classes censitaires s’explique par la mobilisation des humiles et la création simultanée de la légion manipulaire (en 311), et si le système censitaire « servien » est contemporain de l’organisation de l’armée manipulaire, sa naissance pourrait du même coup coïncider avec l’apparition des premières émissions monétaires romaines en bronze, qui, d’ailleurs, ne sont probablement pas étrangères à la réforme militaire.
44Ces premières émissions monétaires se sont d’abord présentées sous deux formes :
des lingots de bronze sans marque de valeur, dont la forme et le poids dérivent des lingots archaïques du type du « ramo secco » ou de la « spina di pesce », mais qui portent des représentations figurées et constituent ainsi le modèle « classique » de l’aes signatum151 ;
des pièces de bronze coulées (et donc non « frappées ») sur le modèle de pièces de monnaie grecques, d’un poids approchant la livre romaine (de 270 à 340 gr.), et qui constituent le type de l’aes grave152.
45L’étude du matériel archéologique qui accompagnait les plaques d’aes signatum ainsi que celle de leur métrologie ont permis d’établir les points suivants :
la chronologie de leurs émissions est postérieure à 400, et la comparaison avec des objets similaires découverts en Etrurie, en Ombrie et dans le Latium a permis d’abaisser cette chronologie à des dates postérieures à 350153 ;
leur production s’est étendue au moins jusqu’à l’époque de la guerre contre Pyrrhus, comme le montrent des représentations d’éléphants qui figurent sur certains exemplaires (pl. V, c) ;
les exemplaires les plus anciens portent des représentations à caractère religieux et naturaliste, alors que les plus récents portent des représentations à caractère commémoratif (cf. Pyrrhus)154 ;
leur poids oscille entre 1142 gr. et 1830 gr., soit un poids moyen pour 43 plaques de 1532 gr., mais la plupart des plaques pèsent entre 1350 et 1650 gr. : ces variations peuvent être dues, outre à l’altération du bronze due à l’usure et à la corrosion, aux variations du poids de la livre romaine primitive et à la diversité des ateliers monétaires155.
46L’évolution chronologique des séries d’aes signatum se traduirait aussi par celle de leur iconographie156 : L. Pedroni a cru pouvoir déceler dans l’iconographie des quatre ou cinq premiers lateres (c’est ainsi qu’il appelle les plaques d’aes signatum) des motifs liés à des événements relatifs à des censures de la fin du ive siècle, et notamment pour au moins deux d’entre eux à celle d’Appius Claudius Caecus157. Mais ces interprétations iconographiques restent extrêmement fragiles, à l’exception de celle qui explique la présence sur certains lingots de la truie (latine) et de l’éléphant (étranger) par la victoire contre Pyrrhus (R.R.C. 9/1) (pl. V, c)158 : en réalité, comme l’a fait remarquer H. Zehnacker, l’interprétation historique des effigies figurant sur les lingots d’aes signatum n’a quelque chance d’approcher de la vérité historique que lorsque ces explications s’appuient « sur des parallèles typologiques rigoureux avec l’aes grave »159. L’interprétation métrologique de ces lingots est d’ailleurs tout aussi fragile, puisque pour dater des lingots que leur iconographie rattacherait à des censures du ive siècle (et jusqu’à une censure imaginaire de 339/338 !), L. Pedroni est obligé d’imaginer une livre romaine de 336 scrupules qui serait contenue 4 fois dans des lingots de 1344 scrupules environ ; ceux-ci seraient antérieurs aux lingots de 1500 scrupules valant 5 as de 300 scrupules, avant de retrouver des lingots de 1440 scrupules qui correspondent exactement à 5 as de 288 scrupules. Il semble en fait plus simple d’imaginer que les différents poids qui ont été relevés pour les plaques d’aes signatum correspondent à des séries qui se sont succédé dans le temps, où les exemplaires les plus lourds seraient également les plus anciens, sans qu’il y ait eu nécessairement un atelier monétaire unique respectant toujours les mêmes normes : c’est en tout cas ce que laisse supposer l’évolution de l’aes grave.
47La métrologie et la typologie de l’aes grave sont un peu mieux connues que celles de l’aes signatum160. Il s’agit de pièces de bronze coulées, normalement équivalentes au poids d’une livre romaine161, dont le standard fut établi à 288 scrupules avant la première guerre punique, peut-être au moment de la création en 289 des triumviri monetales162. Mais l’aes grave ne se présente pas en une série homogène, car le poids réel de cette monnaie change pratiquement, là aussi, d’un exemplaire à l’autre163. La principale difficulté est d’établir une chronologie entre les différentes séries d’aes grave. E. A. Sydenham expliquait et datait la série lourde de Janus / Proue (R.R.C. 35/1) (pl. VI, d) par la création des duoviri navales en 311, mais cette interprétation serait exclue, d’après H. Zehnacker, par l’évolution technique des modèles de proue des navires de guerre entre le ive et le milieu du iiie siècle qui rattacherait plutôt cette monnaie à la victoire navale de Mylae, remportée en 260 par C. Duilius164.
48R. Thomsen, suivi par H. Zehnacker et par beaucoup d’autres, fixait le point de départ des séries d’aes grave avec la création supposée en 289 des triumviri monetales165. Pour expliquer pourquoi, dans un processus historique de dépréciation continue de la monnaie de bronze par rapport au poids standard de 288 scrupules, on rencontre deux séries, la série lourde Apollon / Apollon et la série Dioscure / Apollon, où l’aes grave pèse environ 300 scrupules, R. Thomsen pensait qu’à partir de la guerre contre Pyrrhus, les différentes séries d’aes grave auraient suivi une évolution parallèle à celle des didrachmes « romano-campaniens » frappés en argent (fig. 6) : d’abord le type Mars barbu / Tête de cheval avec la mention ROMANO, pesant 7,29 gr. et proche du standard campanien de 7,5 gr. (R.R.C. 13/1), puis le type Apollon / Cheval au galop, ROMANO, pesant environ 7,25 gr. (R.R.C. 15/1), le type Hercule/Louve avec les Jumeaux, ROMANO, pesant environ 7 gr. (R.R.C. 20/1), et enfin une série de 5 types auxquels s’ajoute le quadrigat, alignés sur le même standard de 6 scrupules que les didrachmes dévalués de Tarente166. Autrement dit, l’aes grave se serait « alourdi » avec le début de la frappe des premiers didrachmes en argent, que R. Thomsen datait à partir de la guerre contre Pyrrhus. Mais la chronologie de ces didrachmes « ro-mano-campaniens » a depuis été revue à la hausse : leur frappe a été précédée, dans la deuxième moitié du ive siècle, par celle des premiers bronzes « romano-campaniens » au type napolitain, frappés au nom des Romains et à la légende grecque ΡΩΜΑΙΩΝ (R.R.C. 1/1) (pl. VI, a), qui ne peuvent pas toutefois être antérieurs à la conquête de Capoue, en 338167, d’autant que les émissions napolitaines correspondantes sont datées à partir de 326168 ; quant au premier didrach-me « romano-campanien », du type Mars barbu / Tête de cheval avec la mention ROMANO(m) (un génitif archaïque qui reprend l’usage grec déjà présent dans la légende ΡΩΜΑΙΩΝ) (R.R.C. 13/1 : pl. VI, b), il a pu être daté, d’après des monnayages grecs d’Italie du Sud qui accompagnent cette monnaie dans les plus anciens trésors, de la deuxième guerre samnite au plus tard169. On est même allé jusqu’à préciser la fourchette chronologique de leur émission entre 320 et 310, voire entre 312 et 308, soit de l’époque même de la censure d’Appius Claudius Caecus170.
49Or, P. Marchetti a bien montré, après H. Mattingly et L. Breglia, que « les lourds aes grave et les didrachmes romano-campaniens s’organisent en séries parallèles » et non pas successives171 : les aeris gravis les plus lourds, le Janus / Mercure + faucille (R.R.C. 14/1) (pl. VI, c) et l’Apollon / Apollon de 300 scrupules environ (R.R.C. 18/1), devraient par conséquent être contemporains des didrachmes Mars barbu / Cheval, ROMANO + faucille, et Apollon / Cheval, ROMANO. Il semble par conséquent plus logique de considérer que les exemplaires d’aes grave les plus lourds sont également les plus anciens : si le poids de 288 scrupules pour la livre romaine a bien été la norme standard adoptée, peut-être en 289 par les premiers triumviri monetales, alors les séries d’aes grave de 300 scrupules doivent lui être antérieures. Avant 289, la livre romaine devait par conséquent avoir eu un poids supérieur à 288 scrupules172 : on aurait donc eu à l’origine, une dépréciation parallèle du poids de l’as et de celui de la livre, jusqu’à ce que celle-ci soit définitivement fixée à 288 scrupules (soit 12 onces de 24 scrupules), alors que l’as continuera par la suite à se déprécier par rapport à cet étalon (as librai, semis, triens, as quadrantaire, as sextantaire, as oncial, as semi-oncial)173. Avant 289, l’aes grave aurait donc suivi une évolution parallèle à celle de l’aes signatum, dont il n’aurait été qu’un sous-multiple, comme semblent l’indiquer à la fois leur évolution métrologique et leur évolution typologique. Le poids moyen des plaques de bronze les plus anciennes oscille en effet autour de 1500 scrupules, ce qui correspond à 5 fois le poids moyen des séries lourdes d’aes grave de 300 scrupules environ : à la fin du ive siècle, l’aes signatum aurait donc valu environ 5 as libraux174. D’ailleurs, la plus ancienne attestation littéraire de Yaes grave ne concerne pas le butin de guerre de l’année 293, comme il est parfois soutenu175, mais l’indemnité de 50.000 aeris gravis que le censeur Appius Claudius aurait versés aux Potitii après leur avoir retiré la gestion du culte d’Hercule à l’Ara Maxima pour le confier à des esclaves publics (ce qui représenterait 10.000 lingots d’aes signatum)176.
50Il existait donc à Rome, dans les deux dernières décennies du ive siècle, au moins à partir de 312, un système monétaire complexe sur lequel pouvait reposer l’échelle d’évaluation des fortunes de l’organisation censitaire en cinq classes qui fut par la suite attribuée à Servius Tullius. Ce système monétaire était basé sur le bronze, mais était en même temps parallèle au système monétaire campanien basé sur l’argent, sans qu’on puisse établir avec certitude le rapport qui pouvait exister entre les deux systèmes177. Un rapport entre le bronze romain et l’argent campanien, donc entre les deux systèmes monétaires, devait certainement exister, comme le suggèrent plusieurs indices : d’abord l’existence d’un lien politique étroit entre Rome et Capoue, surtout après l’intégration des equites Campani dans la citoyenneté romaine ; celle-ci a été commémorée, comme nous l’avons déjà vu, par une plaque de bronze affichée au temple des Castors, sur le Forum, où le montant du vectigal payé par le peuple campa-nien pour chacun de ces equites devait avoir été indiqué en didrachmes campaniens, d’où peut-être la production de la première série de didrachmes dits « romano-campaniens » (Mars barbu / Tête de Cheval, ROMANO)178 ; de plus, la somme que nous avons réussi à calculer à partir des 450 « deniers » indiqués par Tite-Live, et qui devaient correspondre à 600 drachmes légères ou 300 didrachmes campaniens, avait vraisemblablement quelque correspondance avec le montant de l’indemnité qui était alors versée aux equites Romani equo publico ; enfin, la circulation monétaire à Rome et l’existence d’un échange entre le bronze et l’argent semblent attestées pour les deux dernières décennies du ive siècle par la présence de changeurs de monnaie, appelés argentarli probablement d’après leurs homologues grecs (ἀργυραμοιβοί)179, et dont les tabernae ont remplacé sur le Forum celles des bouchers sans doute après les restructurations édilitaires opérées par la censure de C. Maenius en 318180.
51Mais si le système monétaire romain a été organisé vers la fin du ive siècle sur le modèle du système monétaire campanien, il a toutefois opté au départ pour le monométallisme du bronze, alors que son homologue campanien connaissait le bimétallisme bronze/ argent. Cette particularité est d’autant plus remarquable que la plupart des cités grecques de Grande-Grèce connaissaient soit le monométallisme de l’argent, soit le bimétallisme argent/bronze ; seules Hipponion, Medma et Nucérie n’avaient qu’une monnaie de bronze, mais il s’agit là de cités relativement secondaires dont l’importance n’avait rien de comparable à celle de Rome à la fin du ive siècle181. En Grèce même, seule Sparte, avec laquelle Rome se flattera par la suite de partager tant de points communs, disposait uniquement de la monnaie de bronze, qui ne fut d’ailleurs adoptée, là-aussi, qu’au cours du ive siècle182. Le monométallisme du bronze rapproche le système monétaire romain originel des divers systèmes monétaires italiques tels que les connaissaient déjà les cités étrusques et un certain nombre de peuples italiques de l’Italie centrale et méridionale, mais il s’agit-là de systèmes monétaires historiquement plus anciens ou techniquement plus archaïques que celui de Rome à la fin du ive siècle183. L’existence d’un lien entre le monnayage romain du bronze et le monnayage campanien de l’argent, dont la frappe des didrachmes dits « romano-campaniens » sont l’illustration la plus évidente, rend le choix du bronze d’autant plus singulier qu’il semble avoir été exclusif : les didrachmes « romano-campaniens » paraissent avoir peu circulé à Rome puisque tous les exemplaires retrouvés l’ont été en Italie du Sud, ce qui a laissé supposer que cette monnaie était frappée à l’origine ailleurs qu’à Rome (dans des ateliers campa-niens ?) et n’était pas destinée au départ à l’usage des Romains, mais plutôt à celui de leurs alliés campaniens184. Par ailleurs, le témoignage de Pline atteste formellement que les Romains ne se sont pas servis d’argent monnayé avant la guerre contre Pyrrhus185.
52Cette exclusivité du bronze dans le système monétaire romain originel, et donc dans l’échelle d’évaluation des fortunes, pourrait avoir eu à l’origine une fonction essentiellement censitaire : évaluer toutes les fortunes à l’aune du même étalon, la livre de bronze, quelle que fût l’évolution du poids de la livre et de la parité bronze-argent (surtout avant que le poids de la livre ne fût stabilisé à 288 scrupules). Les dévaluations successives et précoces de la livre de bronze ou du poids de l’as auraient en effet déprécié les fortunes estimées en bronze par rapport à celles qui auraient été estimées en argent, à moins de réviser à chaque fois l’échelle censitaire, ou de disposer d’une double échelle évaluée à la fois en bronze et en argent. Il est même possible que la valeur de la livre romaine en bronze ait été à l’origine surestimée par rapport à celle de l’argent, et aurait donc été une sorte de monnaie fiduciaire186. Aussi est-il logique que le bronze ait été au départ exclusif dans le système monétaire romain, au point peut-être de rendre la possession d’une fortune en argent dangereuse pour le maintien de l’équilibre censitaire et de l’« égalité géométrique » : la célèbre anecdote exemplaire, maintes fois répétée par de nombreuses sources, de la condamnation de Cornelius Rufinus, exclu du Sénat en 275 par le censeur Fabricius pour avoir possédé dix livres d’argent, doit peut-être se comprendre dans ce sens187. Autrement dit, le monnayage romain primitif, c’est-à-dire de la fin du ive siècle jusqu’en 269 (véritable point de départ du monnayage de l’argent à Rome188), semble avoir opté pour le monométallisme du bronze afin de fournir une base homogène et stable à l’échelle censitaire qui permettait de classer les fortunes de tous les citoyens, de la première à la cinquième classe.
53L’existence à Rome d’une échelle censitaire exprimée en monnaie doit donc bien être contemporaine de la plus ancienne monnaie de bronze, et doit être antérieure à l’introduction du bimétallisme en 269. Cette échelle censitaire n’est connue dans toute son ampleur que par les témoignages de Tite-Live et de Denys. Mais l’interprétation de ces sources reste extrêmement délicate, car elles sont le reflet d’un « double anachronisme » : d’une part, elles attribuent l’ensemble de l’organisation centuriate à l’époque de Servius Tullius, d’autre part elles attribuent à cette organisation des limites censitaires qui ne peuvent avoir existé qu’à partir des années centrales de la deuxième guerre punique au plus tôt189. Pour mémoire, ces limites censitaires sont les suivantes :
chez Tite-Live : plus de 100.000 as pour la première classe, plus de 75.000 as pour la deuxième, plus de 50.000 as pour la troisième, plus de 25.000 as pour la quatrième et plus de 11.000 as pour la cinquième190 ;
chez Denys d’Halicarnasse : plus de 10.000 drachmes (ou 100 mines) pour la première classe, plus de 7.500 drachmes pour la deuxième, plus de 5.000 drachmes pour la troisième, plus de 2.500 drachmes pour la quatrième et plus de 1.250 drachmes pour la cinquième191 ;
54En règle générale, on admet que ces sommes sont exprimées en as sextantaires (= 1/6 de livre = 2 onces) parce que les montants en as fournis par Tite-Live représentent exactement 10 fois les montants en drachmes indiqués par Denys : on considère en effet que la drachme utilisée par Denys est la drachme attique et que celle-ci était à son époque équivalente au denier ; or celui-ci représentait 10 as à l’époque de l’étalon sextantaire192. D’autre part, les chiffres de 50.000 et de 100.000 as pour le cens de la troisième et de la première classe chez Tite-Live correspondent, au moins partiellement, aux fortunes imposées par le sénatus-consulte de 214 pour l’armement de la flotte de Sicile et devaient donc, eux aussi, selon E. Gabba, être exprimés en as sextantaires193. L’as sextantaire est en effet contemporain de l’introduction du denier, qui daterait de 215-214 selon P. Marchetti, de 212-211 selon la plupart des autres numismates194. Comme par ailleurs Fabius Pictor semble avoir été la principale source utilisée par Tite-Live dans ce passage195 et que l’annaliste a effectivement rédigé ses annales au cours de la deuxième guerre punique, l’unité monétaire utilisée pour l’échelle du cens a bien pu avoir été l’as sextantaire.
55Toutefois, l’as sextantaire (= 2 onces = 1/10 denier) semble avoir été remplacé assez rapidement, peut-être au courant-même de la deuxième guerre punique, par l’as oncial, ce qui a entraîné une retarification du denier qui vaudra désormais 16 as onciaux196. Or, il n’est pas exclu, comme a récemment essayé de le démontrer E. Lo Cascio, que les chiffres de l’échelle censitaire qui nous sont parvenus soient en réalité exprimés en as onciaux197. La meilleure preuve en est fournie par Polybe, qui indique comme montant minimal de la fortune des citoyens de la première classe la somme de 10.000 drachmes198. En règle générale, et par analogie aux témoignages de Tite-Live et de Denys, on traduit d’habitude ces 10.000 drachmes en 100.000 as, selon le ratio 1 drachme = 1 denier = 10 as. Nous avons cependant déjà vu, à la suite de l’étude menée par P. Marchetti et complétée par E. Lo Cascio, que la drachme utilisée par Polybe n’est pas la drachme attique, mais la drachme légère rho-dienne (peut-être équivalente à la drachme achéenne) qui valait 3/4 denier : en signalant à propos du coût d’une nuit d’hôtel en Gaule l’équation entre un semis (= 1/2 as) et un quart d’obole, Polybe fixe en effet la valeur d’une obole (1/6 drachme) à 2 as, et donc d’une drachme à 12 as ; or 12 as représentent 3/4 denier à partir du moment où celui-ci a été « retarifé » en passant d’une valeur de 10 as sextantaires à celle de 16 as onciaux (on peut aussi penser que l’as avait atteint le poids d’une once, et donc qu’une drachme valait 12 as onciaux, avant la « retarification » officielle du denier) ; comme le détail du prix d’une nuité en Gaule a vraisemblablement été rajouté après le voyage sur place de l’historien, donc après 146, et qu’à cette date l’as oncial était certainement déjà en vigueur, la drachme polybienne vaut donc 12 as onciaux ou 3/4 denier199. C’est pourquoi les 10.000 drachmes indiqués par Polybe pour le montant minimum de la fortune des citoyens de la première classe représentent en fait 7.500 deniers « retarifés » (c’est-à-dire de 16 as chacun) ou 120.000 as onciaux200.
56Or, cette limite de 120.000 as est fournie à plusieurs reprises par nos sources pour indiquer le montant minimal de la fortune des citoyens de la première classe : il est donné par Pline et par Festus, alors qu’Aulu-Gelle, qui reproduit le contenu du discours de Caton venu soutenir la lex Voconia, indique le montant de 125.000 as201, et peut-être le retrouve-t-on encore en 168 avec le montant de 30.000 sesterces qui concernait la valeur foncière des propriétés détenues par les libertini qui n’avaient pas cette année-là été rejetés dans les quatre tribus urbaines par les censeurs202, au point qu’on peut se demander si le montant de 100.000 as a jamais existé203. Celui-ci n’est en effet indiqué que par des sources tardives, postérieures au iie siècle av. J.-C, et qui ont eu tendance à confondre les as avec des sesterces : c’est flagrant dans les autres témoignages sur la lex Voconia, où Gaius indique 100.000 aeris, le Pseudo-Asconius 100.000 sesterces, et Dion Cassius 25.000 drachmes ?> (= 25.000 deniers = 250.000 as = 100.000 sesterces)204. Il reste bien sûr les témoignages de Tite-Live et de Denys, qui sont forcément liés puisqu’ils suivent tous les deux la même échelle censitaire avec un écart de 1 à 10 entre les sommes en drachmes et les sommes en as. Si ces sommes étaient effectivement exprimées en as sextantaires, le montant indiqué de 100.000 as pour la première classe représenterait 200.000 onces : comme en 169 le cens de la première classe était de 120 ou 125.000 as onciaux, un cens antérieur de 100.000 as sextantaires supposerait une dévaluation de 40 ou 37,5 % du cens de la première classe au moment de l’adoption de l’étalon oncial. Les circonstances liées à la deuxième guerre punique et à la nécessité de recomposer les rangs d’une classe dirigeante décimée pourraient certes expliquer une pareille mesure.
57Mais les 120 ou 125.000 as onciaux de 169 ne semblent pas représenter le montant dévalué du cens de la première classe : si l’as librai, qui était subdivisé en 12 onces, représentait avant la première guerre punique une masse de 288 scrupules (donc 1 once = 24 scr.), 120.000 as onciaux devaient représenter 2.880.000 scrupules, ce qui correspond exactement, et en respectant rigoureusement les données métrologiques du monnayage romain, à 10.000 as libraux de 288 scrupules205. D’autre part, les 125.000 as mentionnés par Caton pour souligner, à propos de la lex Voconia, la différence fondamentale qui distinguait à ses yeux depuis toujours les citoyens de la classis de ceux de l’infra ciassem, peuvent très bien être la traduction, toujours en as onciaux, d’une masse de bronze équivalente correspondant à des as libraux de 300 scrupules ; ce montant pouvait figurer dans des documents censoriaux très anciens, auxquels l’ancien censeur a très bien pu avoir eu accès, et qui contenaient par ailleurs des expressions archaïques désormais tombées en désuétude (classis, infra ciassem). Ainsi, 125.000 as onciaux représenteraient une masse de 3.000.000 de scrupules, soit 10.000 as de 300 scrupules, ce qui correspond exactement à l’unité de poids des premières pièces d’aes grave, contemporaines des premiers didrachmes « romano-campaniens » de la fin du ive siècle206.
58Or, ces 10.000 as libraux correspondent probablement au montant primitif du cens de la première classe au début du IIIe siècle, lorsqu’a été définitivement fixé le poids de la livre romaine (as) à 288 scrupules : Tite-Live lui-même affirme que la somme de 10.000 aeris gravis représentait à l’époque archaïque une très grande fortune207. E. Lo Cascio a remarqué qu’un cens originel de 10.000 as libraux pour la première classe serait par ailleurs en accord avec le montant de mille assarium indiqué par Varron à propos de l’indemnité versé aux equites equo publico pour l’achat du cheval public, dans la même proportion de 1 : 10 avec le cens de la première classe que chez Tite-Live, où le montant de l’aes equestre est fixé à 10.000 as et celui de la première classe à 100.000 as208. Cet ordre de grandeur de la fortune minimale des citoyens de la première classe, qui était aussi celle des familles sénatoriales, peut être confirmé à l’époque de la deuxième guerre punique par le montant de la dot que le Sénat a versé pour le mariage de la fille de P. ou Cn. Scipion, qui combattait alors en Espagne : Valère-Maxime affirme que la dot s’est élevée à 40.000 as, en ajoutant que cela permet de voir ce qu’était le niveau des patrimoines d’autrefois (habitus veterum patrimo-niorum cognosci potest)209. Comme la promagistrature des frères Scipions s’est étendue entre 217 et 211, date de leur mort210, et qu’avant cette date l’as sextantaire n’était probablement pas encore produit, les 40.000 as de la dot versée par le Sénat étaient sans doute exprimés en as quadrantaires valant un quart de livre (3 onces), ce qui fait bien 10.000 as libraux211.
59Il est en fait très vraisemblable que la masse de bronze correspondant à la valer de chacun des niveaux de l’échelle du cens a dû rester la même au cours des siècles, ou a même pu légèrement augmenter, mais n’a sans doute pas diminué avec le temps : si entre la fin du ive et le début du iie siècle, la masse de bronze correspondant à chacun des niveaux de l’échelle du cens est restée la même, ce qui est le plus probable, les montants exprimés en as ont dû simplement varier en fonction de l’évolution du poids de l’as. Autrement dit, au fur et à mesure des dévaluations successives de l’as, l’échelle du cens a dû avoir été modifiée afin de conserver aux différents niveaux de fortune toujours la même valeur en bronze, comme le préconisait déjà Aristote pour corriger les effets des dépréciations ou des dévaluations monétaires sur les régimes censitaires212 : le contraire supposerait un appauvrissement général de la société romaine ou une démocratisation de l’organisation politique qui ne sont vraisemblables ni l’une ni l’autre, du moins jusqu’à la deuxième moitié du iie siècle213. Pour les mêmes raisons, les chiffres du cens exprimés en as dévalués ne peuvent pas avoir conservé les montants initialement exprimés en as libraux, car cela supposerait une société romaine bien plus riche au début du iiie siècle qu’au moment ou après la deuxième guerre punique214. Aussi, les 120.000 as onciaux de la fin du iiie ou du début du iie siècle, ou les 10.000 drachmes polybiennes équivalentes à 120.000 as, qui correspondaient au montant minimum de la fortune des citoyens de la première classe, devaient-ils représenter à peu près la même masse de bronze que celle qui était exprimée en as libraux vers la fin du ive siècle ou le début du iiie siècle, soit 10.000 as de 288 scrupules.
60Il est par conséquent impossible que les 100.000 as indiqués par Tite-Live pour le cens de la première classe aient été des as sex-tantaires, car ils auraient représenté un volume en bronze de 66,66 % supérieur à ce que représentaient 10.000 as libraux de 288 scr. (soit 200.000 onces au lieu de 120.000) : il est en effet difficile d’imaginer qu’au moment de l’adoption de l’étalon sextantaire, en pleine crise financière au milieu de la deuxième guerre punique, on ait augmenté la valeur des niveaux du cens. D’autre part, il n’est pas sûr que l’échelle des fortunes indiquée par le sénatus-consulte de 214 ait pu déjà avoir été exprimée en as sextantaires, ni même qu’elle ait eu quelque chose à voir avec l’échelle censitaire215 ; Tite-Live a d’ailleurs très bien pu s’exprimer dans la même unité de compte pour les deux échelles, ce qui ne résoud le problème ni de l’une ni de l’autre. Aussi H. Mattingly et E. Meyer pensaient-ils que l’échelle censitaire fournie par Tite-Live et par Denys correspondait à celle qui devait exister à la fin de la République et qui était exprimée en sesterces216. Il est effectivement possible, comme le pense M. H. Crawford, qu’à partir de 141 le cens de la première classe ait été fixé à 100.000 HS, mais une pareille erreur de la part de Tite-Live, qui aurait assimilé des sesterces à des as de l’époque de Servius Tullius, est quand même assez surprenante217. Il se pourrait par contre que les montants de l’échelle censitaire fournis par Tite-Live soient exprimés en as onciaux218, mais que le montant de 100.000 as soit le résultat d’un abaissement du niveau de fortune exigé pour la première classe qui serait intervenu au cours du iie siècle, c’est-à-dire après 169 et avant l’adoption du sesterce, vers 141219.
61On peut aussi se demander si Denys d’Halicarnasse utilise bien la drachme attique, et si en indiquant le montant minimal de 10.000 drachmes pour la première classe, il ne reproduirait pas une source du iie siècle qui aurait utilisé le même étalon que celui de Polybe : autrement dit, les chiffres de Denys exprimés en drachmes pourraient ne pas traduire, eux non plus, des as sextantaires, mais des as onciaux220. La source de Denys pourrait en effet avoir été des annales romaines du iie siècle écrites en grec et qui auraient déjà établi la conversion : 12 as = 1 drachme. Or, le plus ancien annaliste à avoir présenté l’organisation centuriate n’est autre que Fabius Pictor, dont Tite-Live s’inspire au moins partiellement dans tout le passage concernant l’organisation centuriate mise en place par Servius Tullius : Tite-Live a pu ainsi convertir en as les montants en drachmes qui figuraient chez l’annaliste selon la simple équation 1 drachme = 10 as. Fabius Pictor, qui écrivait en grec pour s’adresser à un public grec, a en effet nécessairement traduit en monnaie grecque les chiffres du cens, et a pu le faire selon une équation identique à celle de Polybe (1 drachme = 3/4 denier = 12 as) : et si l’as oncial date effectivement, comme l’affirme Pline et le soutiennent P. Marchetti et R. Thomsen, des années centrales de la deuxième guerre punique221, Fabius Pictor aurait donné la même échelle du cens que Polybe et Denys d’Halicarnasse (10.000 dr., 7.500 dr., 5.000 dr., 2.500 dr., 1.100 ou 1.250 dr., où 10.000 dr. = 120.000 as onciaux).
62Cette reconstruction de l’histoire de la transmission des chiffres du cens à travers l’histoire monétaire de la République romaine pourrait ainsi permettre de proposer une reconstitution de l’échelle primitive du cens. Les tentatives qui ont été menées jusqu’à présent dans cette direction ont abouti aux propositions suivantes :
Th. Mommsen : 40.000, 30.000, 20.000, 10.000 et 4.400 as lourds222 ;
R. Thomsen : 20.000, 15.000, 10.000, 5.000 et 2.500 as libraux223 ;
E. Lo Cascio : 10.000, 7.500, 5.000, 2.500 et 1.100 (ou 1250) as libraux224.
63En fait, le seul élément qu’on peut reconstituer avec une relative certitude est le niveau minimal de fortune exigé pour la première classe, qui devait être équivalent à 10.000 as libraux, ce qui écarte d’emblée les solutions proposées par Th. Mommsen et par R. Thomsen. Ces reconstitutions ont toutes eu comme point de départ l’échelle censitaire présentée par Tite-Live et Denys selon une progression arithmétique allant du census maximus à l’unité simple, en passant par les trois quarts, la moitié, le quart et une fraction de ce dernier. L’échelle proposée par Tite-Live et par Denys suit une progression arithmétique avec des modules de 12.500 ou 1.250 unités et dans un rapport de 8 : 1 entre la première et la dernière classe : les montants des quatrième, troisième, deuxième et première classe représentent respectivement deux fois, quatre fois, six fois et huit fois celui de la cinquième classe. On peut supposer, quelles que soient les unités de compte utilisées par Tite-Live et Denys, que la progression arithmétique contenue dans l’échelle du cens qu’il nous ont transmise est conforme à l’originale et que celle-ci n’a pas foncièrement changé depuis sa mise en place à la fin du ive siècle jusqu’à la fin de la République225.
64L’existence originelle d’une échelle censitaire où le census de la première classe aurait été huit fois plus important que celui de la dernière peut trouver confirmation dans le fameux épisode de la sanction censoriale qui aurait frappé Mam. Aemilius Mamercinus, en 434 av. J.-C. : pour avoir réduit la durée de la censure à dix-huit mois, celui-ci a été puni par les censeurs qui l’ont fait aerarius en multipliant par huit son census (octiplicato censu aerarium fece-runt)226. L’épisode est mythique, de même qu’une censure qui se serait primitivement étendue sur toute la durée d’un lustrum (cinq ans) : le récit ne sert qu’à expliquer l’existence d’une loi, qui fixa la durée de la censure à dix-huit mois moins de dix ans après la création de cette magistrature (en 443), par une prétendue réduction de sa durée227. Mais la sanction qui frappa Mam. Aemilius est exemplaire, et se place dans le cadre du système censitaire « servien » : il s’agit d’un illustre représentant de l’aristocratie, qui ne pouvait être recensé que dans la première classe (ou dans l’une des centuries équestres, mais celles-ci étaient rattachées au cens de la première classe), mais qui a été sanctionné par les censeurs en étant fait aerarius. L’objectif de la sanction était essentiellement politique : les censeurs plaçaient le citoyen dans une centurie spéciale où, sans perdre stricto sensu le droit de vote (puisque ce droit faisait partie de la citoyenneté), il ne pouvait plus l’exercer dans les faits228. Cela signifie par conséquent que la centurie des aerarii était politiquement une « centurie défavorisée » qui pouvait très bien avoir été rattachée à la cinquième classe (en compagnie des centuries d’inermes), que la procédure de vote aux comices centuriates empêchait presque toujours de voter229. Mais comme le cens de la dernière classe était huit fois moins élevé que celui de la première, et que le citoyen qui était fait aerarius ne devait pas pour autant voir ses charges fiscales et militaires diminuer230, il fallait multiplier son cens par huit afin qu’il conservât la même base d’imposition qu’auparavant (dans le cas où il provenait effectivement de la première classe). On peut donc considérer comme authentique et originelle la progression arithmétique de un à huit contenue dans l’échelle du cens transmise par Tite-Live et Denys.
65L’échelle primitive du cens pourrait par conséquent correspondre à la reconstitution proposée récemment par E. Lo Cascio et suivrait la progression suivante : 10.000, 7.500, 5.000, 2.500 et 1.250 as libraux. Les dévaluations successives de l’as auraient ensuite amené à une réévalution constante du montant minimum du cens de chaque classe afin de conserver pour chacun d’eux la même valeur en bronze, si bien que dès les années centrales de la deuxième guerre punique (lorsque l’as se réduira à une once), le cens minimum de la première classe atteignit 120.000 as onciaux. Fabius Pictor, dont les montants chiffrés ont pu avoir été repris par Denys d’Halicarnasse, aurait alors converti ces as en drachmes à raison d’une drachme pour 12 as, et Tite-Live se serait contenté de traduire ces drachmes en as selon le taux pratiqué à son époque (1 drachme = 1 denier = 10 as) :
66Le cens minimum de la cinquième classe a fait l’objet, lui aussi, de nombreuses discussions à cause des informations contradictoires transmises par les sources. Ainsi, les 11.000 as mentionnés par Tite-Live ne correspondent que très imparfaitement aux 1.250 drachmes indiquées par Denys, alors qu’Aulu-Gelle donne le chiffre de 1.500 as232 et Polybe celui de 400 drachmes233. Enfin, Cicéron mentionnait également le montant minimum du cens de la cinquième classe, mais le passage concerné du De Republica (II, 40) prête à discussion : le palimpseste du Vatican indique en toutes lettres mille centum aeris, mais au siècle dernier, le premier éditeur du manuscrit affirma avoir lu un D qui aurait été rajouté par la « deuxième main » au-dessus de centum, si bien que toutes les éditions modernes indiquent le montant de mille quingentos aeris. La trace de ce D est toutefois actuellement complètement invisible, même avec les moyens de lecture les plus sophistiqués234, si bien qu’on peut suppo ser que le cardinal A. Mai s’est laissé influencer par l’autorité d’Aulu-Gelle dans sa lecture de ce passage pourtant clair du De Republica. Or, mille centum aeris correspondent exactement à un dixième du montant du cens de la cinquième classe indiqué par Tite-Live, et sont assez proches des 1.250 as libraux qui devaient exister dans l’échelle primitive du cens235. Toutefois, les différences qui subsistent entre les divers témoignages sur le cens minimum de la cinquième classe ne semblent pas réductibles à un simple problème de conversion entre unités de compte différentes. D’après E. Gabba, on aurait eu, au cours du iie siècle, une dévaluation du cens de la cinquième classe parallèle à la dépréciation de la valeur de la terre cultivable en Italie, ce qui expliquerait du coup la « prolétarisation » de l’armée romaine236 ainsi que les nombreuses variations autour du cens de la dernière classe.
67Finalement, la naissance du système « servien » des cinq classes et des 193 centuries semble indissolublement liée à l’apparition des premières monnaies romaines de bronze vers la fin du ive siècle. D’autre part, la rupture qui apparaît dans la description de l’équipement militaire des citoyens des deux dernières classes censitaires (Tite-Live, I, 43, 6 : arma mutata...) et la correspondance avec l’armement des troupes légères de la légion manipulaire indiquent que ces citoyens n’ont pu être pris en compte dans l’organisation centuriate qu’une fois l’organisation manipulaire adoptée dans sa forme définitive, c’est-à-dire, là encore, sans doute pas avant la fin du ive siècle. La création des quatrième et cinquième classes, contemporaine de la naissance de l’ensemble de l’organisation « servienne » des cinq classes censitaires, a par conséquent dû se faire par l’adjonction à l’organisation centuriate de citoyens qui n’avaient pas auparavant la fortune nécessaire pour en faire partie.
68À cette époque, l’ajout à l’organisation centuriate de citoyens qui ne pouvaient probablement pas auparavant en faire partie doit s’expliquer par des raisons essentiellement militaires, dans le contexte des guerres samnites et de l’adoption de l’armée manipulaire, dans laquelle ces humiles devaient fournir les troupes légères nouvellement créées : c’est donc d’eux dont il doit s’agir chez Tite-Live, au moment de la réforme des tribus d’Appius Claudius Caecus. L’adoption d’une nouvelle échelle censitaire exprimée en termes monétaires aurait ainsi permis la prise en compte de fortunes qui n’étaient pas auparavant suffisantes pour permettre à un citoyen de faire partie de l’organisation centuriate. Aussi pourrait-ce être la mise en place de l’organisation « servienne » des cinq classes censitaires qui amena le censeur Appius Claudius à « corrompre le Forum et le Champ de Mars ».
Notes de bas de page
1 Commentant la phrase de Tite-Live (IX, 46, 11) :...urbanis humilibus per omnes tribus divisis..., L. Loreto (“La censura di Appio Claudio...”, dans A&R, 36, 1991, p. 191) remarque que l’historien latin ne rapporte pas là le contenu de la réforme d’Appius, mais plutôt sa conséquence : « L’ablativo assoluto può intendersi in modo sia passivo sia riflessivo e in ogni caso nulla autorizza a ritenere il nesso di causalità tra la riforma di Appio e la distribuzione della popolazione urbana tra tutte le tribù, al pari della “corruzione del foro e del campo”, come intenzionale e non puramente meccanico «.
2 G. De Sanctis, Storia dei Romani, II, p. 206-207 et p. 314-315 ; Ed. Meyer, “Das römische Manipularheer, seine Entwicklung und seine Vorstufen”, dans Kleine Schriften, II, Halle, 1924, p. 193-329 ; J. Kromayer et G. Veith, Heerwesen und Kriegsführung der Griechen und Römer, Munich, 1928, p. 288-300 ; P. Fracca-ro, “L’ordinamento manipolare”, dans Opusculo, IV, Della guerra presso і Romani, Pavie, 1975, p. 41-64 ; G. V. Sumner, “The Legion and the Centuriate Organization”, dans JRS, 60, 1970, p. 69-71 ; E. Rawson, “The Literary Sources for the Pre-Marian Army”, dans PBSR, 39, 1971, p. 13-31 (= Id., Roman Culture and Society, Oxford, 1991, p. 34-57) ; D. Kienast, “Die politische Emanzipation der Plebs”, dans В], 175, 1975, p. 106-112 ; E. Gabba, “Istituzioni militarie e colonizzazione in Roma medio-repubblicana (iv-iii sec. a.С.)”, dans RFIC, 103, 1975, p. 144-147 ; Id., « Assemblee ed esercito a Roma fra iv e iii sec. a.С", dans Roma tra oligarchia e democrazia, p. 53 ; Id., “La società romana fra iv e iii secolo”, dans Stona di Roma, II, 1, 1990, p. 14-16 ; Ch. Saulnier, L’armée et la guerre dans le monde étrusco-romain (viiie-ive s.), Paris, 1980, p. 136-137 ; T. J. Cornell, “The Conquest of Italy”, dans C.A.H.2, VII, 2, p. 373 et p. 383 ; K. A. Raaflaub et alii, dans The Age of Pyrrhus, p. 30.
3 Voir la description détaillée qu’en fait Polybe (VI, 23, 1-11) ; cf. D. Kienast, dans BJ, 175, 1975, p. 101-103. D’après P. Couissin, Les armes romaines. Essai sur les origines et l’évolution des armes individuelles du légionnaire romain, Paris, 1926, p. 181-213 et p. 240-248, le scutum aurait d’abord été un bouclier ovale, à l’image de l’armement représenté sur une fresque de l’Esquilin ou sur le monument de Paul-Émile à Delphes, et n’aurait adopté la forme rectangulaire semi-cylindrique que bien plus tard, peut-être à partir de César (cf. les frises de l’arc d’Orange) ; voir aussi M. Feugère, Les armes des Romains, de la République à l’Antiquité tardive, Paris, 1993, p. 92-97. Sur la présence du scutum ovale dans la fresque de l’Esquilin (voir pl. VIII), datable de la fin du ive ou du début du iiie siècle, voir E. La Rocca, “Fabio о Fannio. L’affresco medio-repubblicano del-l’Esquilino come riflesso dell’arte « rappresentativa » e come espressione di mobilità sociale”, dans DArch, s. 3, 2, 1984, p. 42-44 (mais la datation du monument, revue à la baisse par l’auteur, doit être corrigée : cf. M. Torelli, dans W. Eder éd., Staat und Staatlichkeit, p. 303, voir infra p. 503 et n. 76) ; sur l’armement du légionnaire, voir enfin Ch. Guittard, “Les sources littéraires et historiques concernant l’armement du légionnaire romain”, dans A.-M. Adam et A. Rouveret éd., Guerre et sociétés en Italie aux ve et ive siècles avant J.-C. Les indices fournis par l’armement et les techniques de combat (Table ronde, É.N.S. Paris, 5 mai 1984), Paris, 1986, p. 51-64 ; voir aussi Y. Le Bohec, “L’armement des Romains pendant les Guerres Puniques d’après les sources littéraires”, dans M. Feugère éd., L’équipement militaire et l’armement de la République (ive-ive siècle avant J.-C), JRMES, 8, 1997, p. 13-24.
4 Sall., Cat., LI, 38 : Arma atque tela militaria ab Samnitibus, insignia magis-tratuum ab Tuscis pleraque sumpserunt. Ined. Vat. (F.Gr.Hist., 839, 3) : Οὐκ ἦν ὁ Σαυνιτικòς ἡμῖν θυρεὸς πάτριος οὐδ’ ὑσσοὺς εἴχομεν, ἀλλ’ ἀσπίσιν ἐμαχόμεθα καὶ δόρασιν ἀλλ’ οὐδ’ ἱππεύειν ἰσχύομεν, τὸ δὲ πᾶν ἢ τὸ πλεῖστον τῆς Ρωμαικῆς δυνάμεως πεζὸν ἧν. Ἀλλὰ Σαυνίταις καταστάντες εἰς πόλεμον, καὶ τοῖς ἐκείνων θυρεοῖς καὶ ὑσσοῖς ὁπλισθέντες ἱππεύειν τε αὑτοὺς ἀναγκάσαντες ἀλλοτρίοις ὅπλοις καὶ ζηλώμασιν ἐδουλωσάμεθα τοὺς μέγα ἐφ’ ἐαυτοῖς πεφρονηκότας : « Nous ne possédions pas comme arme ancestrale le scutum samnite et nous n’avions pas de pilum, mais nous combattions avec le clipeus et la lance : nous n’étions pas non plus capables de combattre à cheval, mais toute la force de Rome, ou sa plus grande part, était l’infanterie. Mais, lorsque nous entrâmes en guerre avec les Samnites nous prîmes comme armes leur scutum et leur pilum et nous nous efforçâmes de combattre à cheval ; grâce à ces armes étrangères et en rivalisant avec eux, nous réduisîmes en esclavage ceux qui montraient un si grand orgueil « (trad. D. Briquel). Diod., XXIII, 2, 1 (Exc. Const., 4, p. 347) : Tò μὲν γὰρ παλαιὸν αὐτῶν θυρεοῖς τετραγώνοις χρωμένων, Τυρρηνοὶ χαλκαῖς ἀσπίσι φαλαγγομαχοῦντες καὶ προτρεψάμενοι τὸν ὅμοιον ἀναλαβεῖν ὁπλισμὸν ἡττήθησαν · ἔπειτα πάλιν ἄλλων ἐθνῶν θυρεοῖς χρωμένων οἷς νῦν ἔχουσι καὶ κατὰ σκείρας μαχομένων, ἀμφότερα μιμησάμενοι περιεγένοντο τῶν εἰσηγησαμένων τὰ καλὰ τῶν παραδειγμάτων : « Dans les temps anciens, <les Romains> se servaient du scutum rectangulaire ; mais les Étrusques qui se servaient du clipeus et combattaient en phalanges les amenèrent à adopter le même armement et ils furent vaincus. Par la suite, à cause d’autres peuples qui se servaient du scutum qu’ils utilisent aujourd’hui et qui combattaient en manipules, ils imitèrent l’un et l’autre point et l’emportèrent sur ceux qui leur avaient montré l’exemple à suivre » (trad. D. Briquel). Ath., Deipn., VI, 273 F : Καὶ παρὰ Σαυνιτῶν δὲ ἔμαθον θυρεοῦ χρῆσιν, παρὰ δὲ Ἰβήρων, γαίσων : « <Les Romains> apprirent également des Samnites l’usage du scutum, des Ibères celui du gèse » (trad. D. Briquel). Enfin Denys d’Halicarnasse (XX, 1,5 = 20.C Pit-tia) mentionne en 279 l’existence de τῇ Σαυνιτῶν θυρεαφόρω φάλαγγι. Cf. G. De Sanctis, Storia dei Romani, II, p. 207 ; E. T. Salmon, Samnium and the Samnites, Cambridge, 1967, p. 105-107 et p. 232, n. 2 ; D. Kienast, dans BJ, 175, 1975, p. 105.
5 Ainsi P. Couissin, Les armes romaines, p. 181-185 et p. 244-247 ; D. Briquel, “La tradition sur l’emprunt d’armes samnites par Rome”, dans A.-M. Adam et A. Rouveret éd., Guerre et sociétés en Italie, p. 65-89, tire argument du flou chronologique dans lequel ces textes placent les transformations de l’armement romain pour affirmer qu’ils ne suffisent pas à eux seuls à fonder la thèse de l’emprunt d’armes samnites par Rome.
6 P. F. Stary, “Ursprung und Ausbreitung der eisenzeitlichen Ovalschilde mit spindelförmigem Schildbuckel”, dans Germania, 59, 1981, p. 289-306 ; A.-M. Adam, “Emprunts et échanges de certains types d’armement entre l’Italie et le monde non-méditerranéen aux ve et ive siècles avant J.-C”, dans A.-M. Adam et A. Rouveret éd., Guerre et sociétés en Italie, p. 19-28 ; M. Feugère, Les armes des Romains, p. 92-94.
7 Cf. Ed. Meyer, dans Kleine Schriften, II, p. 245 ; J. Harmand, L’armée et le soldat à Rome de 107 à 50 avant notre ère, Paris, 1967, p. 59-68 ; D. Kienast, dans BJ, 175, 1975, p. 111-112 ; les plus anciennes représentations iconographiques du scutum romain remontent précisément à cette époque (fin iv-début iiie siècles) : dans la fresque de l’Esquilin (voir supra note 3) et sur des lingots de bronze (aes signatum) datant des premières décennies du iiie siècle au plus tard (R.R.C., 7/1 : voir infra pl. V, a).
8 Plaque peinte provenant de la tombe 16 de Ponte S. Prisco, à l’est de Capoue, appartenant à un groupe de sépultures dont la datation est assurée par le matériel céramique et les objets personnels des défunts qu’on y a retrouvés lors des campagnes de fouilles de 1970-1972 : cf. Il Museo Archeologico dell Antica Capua. Soprintendenza Archeologica delle province di Napoli e Caserta, Naples, 1995, p. 50-53. R. Benassai, La pittura dei Campani, p. 66-68, p. 205-206, fig. 225.
9 Cf. Ed. Meyer, dans Kleine Schriften, II, p. 261-265 ; P. Fraccaro, “L’ordinamento manipolare”, dans Opuscula, IV, p. 41-64 ; A. J. Toynbee, Hannibal’s Legacy, I, p. 505-518 ; G. V. Sumner, dans JRS, 60, 1970, p. 69 ; D. Kienast, dans BJ, 175, 1975, p. 104-107 ; Ch. Saulnier, L’armée et la guerre dans le monde étrusco-romain, p. 121-137 ; W. V. Harris, “Roman Warfare in the Economie and Social Context of the 4th Century B.C.”, dans W. Eder éd., Staat und Staatlichkeit in der frühen römischen Republik, Stuttgart, 1990, p. 508.
10 Trad, d’après R. Bloch et Ch. Guittard, éd. de Tite-Live, Histoire Romaine, tome VIII, Livre VIII, Paris (C.U.F.), 1987, p. 18-19.
11 F.-H. Massa-Pairault, “Notes sur le problème du citoyen en armes”, dans A.-M. Adam et A. Rouveret éd., Guerre et sociétés en Italie, p. 44. Sur la localisation de cette bataille, voir infra p. 505, n. 80.
12 Liv., VIII, 8, 14-15 : Alterum tantum ex Latino dilectu adiciebatur, qui ea tempestate hostes erant Romanis eodemque ordine instruxerant aciem ; nес vexilla cum vexillis tantum, universi hastati cum hastatis, principes cum principibus, sed centurio quoque cum centurione, si ordines turbati non essent, concurrendum sibi esse sciebat.
13 Liv., VIII, 8, 16-18.
14 Notamment au moment de la rencontre des armées de Marius et de Pop-paedius, en 90 av. J.-C. : Diod., XXXVII, 13 ; Plut., Mar, 33, 4. De même, la brutalité de la réponse du Sénat aux délégués latins venus réclamer en 340 l’égalité des droits (aequatio iuris) avec les Romains (Liv., VIII, 4, 1-5, 10) rappelle celle qui fut faite en 90 aux Alliés italiens venus à Rome en ambassade avec des revendications identiques (App., B.C., I, 39-40) : cf. P. Zancan, Tito Livio. Saggio storico, Milan, 1940, p. 67-76 ; E. Gabba, Appiano e la storia delle guerre civili, Florence, 1956, p. 26-27. Enfin, comme en 90, la guerre avec les anciens alliés commença en 340 par des opérations contre les Marses et les Péligniens (Liv., VIII, 6, 8 ; cf. App., B.C., I, 39), peuples de l’Italie centrale qui pouvaient difficilement faire partie de la ligue latine au ive siècle.
15 Cf. déjà en ce sens Ch. Saulnier, L’armée et la guerre dans le monde étrusco-romain, p. 123 : « La fiche didactique traitant de l’organisation militaire n’était pas le souci majeur de Tite-Live ; il s’en est servi pour compléter sa composition. En d’autres termes, la situation du passage n’est pas commandée par la chronologie mais par la construction littéraire : la réforme manipulaire ne date pas forcément de 340, elle peut très bien être antérieure». Mais l’antériorité de cette réforme est encore moins sûre que l’existence de l’armée manipulaire dès 340.
16 Pour une source antiquaire : E. Rawson, dans PBSR, 39, 1971, p. 26-31 ; Ch. Guittard, dans A.-M. Adam et A. Rouveret éd., Guerre et sociétés en Italie, p. 56-57, estime qu’«annaliste et antiquaire à la fois, Quintus Aelius Tubero, le fils de Lucius ami de Cicéron, pourrait être la source de Tite-Live pour ce passage...».
17 Tite-Live prétend que les hastati, rangés en première ligne, étaient répartis en 15 manipules au lieu de 10, ainsi que les principes rangés en deuxième ligne ; ensemble, ils constituaient les antepilani, qui précédaient 15 nouveaux ordines, eux-mêmes subdivisés en 3 sections : les triarii, composés des vétérans les plus expérimentés, les rorarii, des troupes légères, et les accensi, des troupes légères sur lesquelles on pouvait le moins compter (minimae fiduciae manum) ; d’après Polybe (VI, 21, 9 et 24, 3), dont la description remonte peut-être à un manuel du iiie siècle destiné aux tribuns militaires (cf. E. Rawson, dans PBSR, 39, 1971, p. 13-15), et qui fournit par conséquent une description de l’organisation manipulaire certainement plus authentique et plus fiable que celle de Tite-Live, les triarii étaient au nombre de 600, les principes étaient 1200 et les hastati autant, chacun des trois groupes étant répartis en 10 manipules (cf. E. Gabba, dans RFIC, 103, 1975, p. 145-146).
18 Cf. le réquisitoire de G. V. Sumner, dans JRS, 60, 1970, p. 69 : « It would seem almost impossible to believe that Livy’s legion ever existed in reality. No one can accept the 90 centurions of the triarii, rorarii and accensi ; or the implied total of 150 centurions to a legion ; or the organization of the accensi into so-called vexilla ; or the addition of the 15 tripartite ordines to the 30 maniples. All this has to be adjusted, amended or simply cancelled if Livy’s account is to be forced to make sense. It would be over-optimistic to suppose that the residue would have any claim to authenticity. The whole farrago appears as an antiquarian reconstruction, concocted out of scattered pieces of information and misinformation, mostly to do with the manipular army. One of its underlying features seems to be a strained attempt to establish some sort of relation between the new military order and the five categories of the census classification ( ?). In short, Livy’s account should not be treated as a valid description of any form of the manipular legion.» ; cf. aussi Ed. Meyer, dans Kleine Schriften, II, p. 261-265 ; et E. Rawson, dans PBSR, 39, 1971, p. 29-31 ; contra : A. J. Toynbee, Hannibal’s Legacy, I, p. 518, qui considère la description faite par Tite-Live comme “authentique” ; Ch. Saulnier, p. 124-132, suivie par R. Bloch et Ch. Guittard, éd. de Tite-Live, Livre VIII, p. cvii-cxii, tentent d’expliquer et de justifier les chiffres donnés par Tite-Live par des solutions arithmétiques bien trop complexes pour être crédibles, voire même compréhensibles (cf. à propos de l’analyse de Ch. Saulnier, la remarque de F.-H. Massa-Pairault, dans A.-M. Adam et A. Rouveret éd., Guerre et sociétés en Italie, p. 43, n. 61 : « le commentaire sur les effectifs et la tactique nous paraît difficile à comprendre») ; toutefois, P. Fraccaro, “L’ordinamento manipolare”, dans Opuscula, IV, p. 64, avait proposé une solution ingénieuse qui a le mérite de respecter le texte et le témoignage de Tite-Live en le replaçant dans son contexte chronologique : la description de Tite-Live au livre VIII concernerait la structure de la légion prémanipulaire, où les 30 manipules des deux premières lignes de bataille (2 x 15) correspondraient aux 60 centuries de iuniores des 3 premières classes censitaires, et les 15 manipules de triarii, en troisième ligne, seraient des unités de vétérans armés à l’ancienne (la hasta) et recrutés parmi les centuries de seniores, chaque centurie seniorum fournissant la moitié du contingent normal d’une centurie de iuniores ; mais l’historien italien avouait qu’avec des sources de ce genre, « non si può dare la notizia come certa ».
19 Liv., IV, 59, 11-60, 8 ; Diod., XIV, 16, 5. G. V. Sumner, dans JRS, 60, 1970, p. 74 et F.-H. Massa-Pairault, dans A.-M. Adam et A. Rouveret éd., Guerre et sociétés en Italie, p. 40-45, admettent la création du stipendium et l’adoption du scutum dès l’époque du siège de Véies, mais pas déjà l’introduction de la tactique manipulaire ; ces auteurs appuient leur argumentation sur la découverte près de Véies-Campetti et de Caere de statuettes votives en terre cuite qui dateraient de la première moitié du ive siècle et qui représentent des soldats (romains ?) équipés de boucliers de forme ovale : mais ces boucliers posés au sol ne montent que jusqu’à la taille, alors que le scutum de la légion manipulaire protégeait le soldat jusqu’aux épaules (cf. D. Kienast, dans BJ, 175, 1975, p. 103-104, n. 62 et fig. 12).
20 D. Kienast, dans BJ, 175, 1975, p. 103-104 ; selon F.-H. Massa-Pairault, dans A.-M. Adam et A. Rouveret éd., Guerre et sociétés en Italie, p. 43, « il peut s’agir, de la part de Tite-Live, d’une simple constatation chronologique : après l’institution du stipendium, le scutum commence à être introduit dans l’armée», ce qui ne signifierait donc pas qu’il y ait eu concomitance.
21 Cf. G. V. Sumner, dans JRS, 60, 1970, p. 69-70 ; D. Kienast, dans BJ, 175, 1975, p. 112 : « Jene pre-manipular Legion kann jedoch nicht mit der alten Ho-plitenarmee identisch sein, sondern muß in die 2. Hälfte des 4. Jahrhunderts gehören, als die 3 Treffenordnung als Vorstufe der Manipulartaktik ausgebildet wurde».
22 C. Nicolet, commentaire à l’éd. de Polybe, Livre VI (C.U.F.), p. 155-156 ; cf. déjà en ce sens G. V. Sumner, dans JRS, 60, 1970, p. 68 : « It will be recalled that the heavy infantry categories of hastati, principes and triarii appear to represent survivals from an earlier stage in which the principes really were principes, and the hastati were really armed with the hasta.» ; voir aussi R. Bloch et Ch. Guittard, éd. de Tite-Live, Livre VIII, p. cii-cvii : « On y trouve d’abord le reflet d’un état antérieur, que l’on pourrait qualifier de servien (sic), et un net décalage entre la terminologie et les réalités du terrain».
23 Cf. Pol., VI, 23, 1-16 ; Ed. Meyer, dans Kleine Schriften, II, p. 253-254, P. Fraccaro, dans Opuscula, IV, p. 42, et G. V. Sumner, dans JÄS, 60, 1970, p. 68, ont montré que le terme pilani, qui servait également à désigner les triarii, ne dériverait pas de pilum, mais de pilae, les “files” ou les “colonnes” (cf. F. W. Wal-bank, Historical Commentary on Polybius, I, Oxford, 1957, p. 702 : « Pilani are troops formed in columns »), terme que l’on retrouve dans manipulus : par conséquent, le terme pilani n’est sans doute pas antérieur à la réforme manipulaire, alors que le mot triarii a conservé le souvenir d’une unité tactique prémanipulaire.
24 P. Fraccaro, “La storia dell’antichissimo esercito romano e l’età dell’ordì namento centuriato”, dans Opuscula, II, Pavie, 1957, p. 287-292 ; Id., “Ancora sull’età dell’ordinamento centuriato”, dans ibid., p. 293-306 ; Id., “La falange e l’ordinamento del re Servio Tullio”, dans Opuscula, IV, p. 29-40 ; cf. aussi A. Momigliano, dans JRS, 53, 1963, p. 95-121 (= Id., Terzo contributo, II, p. 545-598) ; J. Heurgon, Rome et la Méditerranée occidentale, p. 253-255 ; C. Ampolo, dans Stona di Roma, I, 1988, p. 223, remarque que « la forza dell’argomentazione di Frac-caro è notevole, e ha il merito d’individuare una struttura che rimase formalmente inalterata anche quando le centurie furono in realtà organismi che raccoglievano molto meno di 100 uomini (60 e 30 a seconda dei casi). Inoltre è efficace la spiegazione del mutamento successivo : quando il comando passò a due consoli, si crearono due legioni di tremila opliti, ma comprendenti gli stessi quadri dell’unica legione d’età arcaica (cioè 60 centurie) ».
25 Cat., Orat., fr. 160 (n° 8) Malcovati ; Paul Fest., p. 100 L., s.v. Infra classem.
26 Paul. Fest., p. 48 L., s.v. Classes clipeatas.
27 27 Dion. Hal., IV, 14, 1-2 ; Liv., I, 43, 13 ; J.-C. Richard, Les origines de la plèbe, p. 363-365 ; Id., “L’œuvre de Servius Tullius”, dans REL, 1982, p. 32 ; Id., “L’œuvre de Servius Tullius : essai de mise au point”, dans RD, 61, 1983, p. 181-184 ; cf. R. Werner, dans Gymnasium, 80, 1973, p. 445 ; D. Kienast, dans BJ, 175, 1975, p. 100 ; M. Sordi, Il mito troiano e l’eredità etrusca di Roma, Milan, 1989, p. 36-37 ; С. Ampolo, dans Storia di Roma, I, p. 223.
28 Pol., VI, 19, 1. D’autre part, Varron explique le mot miles par mille, ce qui peut être un indice historiquement révélateur, même si l’étymologie proposée est probablement erronée (De ling. Lat., V, 89) : Milites, quod trium milium primo legio fiebat ас singulae tribus Titiensium, Ramnium, Lucerum milia militum mitte-bant. Th. Mommsen, Le droit public, VI, 1, p. 117-118 et p. 117 n. 5, suppose que « cette dénomination (χιλίαρχος), empruntée aux institutions Persico-Macédo-niennes, déjà admise pour le tribun militaire romain du temps de Polybe, ne peut (...) se fonder que sur le rattachement, certain pour son introducteur (peut-être Fabius <Pictor>), du tribunus militum à la cité primitive». Cf. aussi A. Momigliano, « Studi sugli ordinamenti centuriati", dans SDHI, 4, 1938, p. 509-520 (= Id., Quarto contributo, p. 363-375) ; G. V. Sumner, dans JRS, 60, 1970, p. 72. P. Marchetti, “À propos du tributum romain”, dans Armées et fiscalité, p. 118, n. 1, constate qu’on peut aisément repérer les étapes de l’augmentation de l’armée primitive à partir du nombre des tribuns militaires : 3 jusqu’en 426, 4 de 426 à 406, 6 à partir de 406, enfin 24 probablement en 311, avant 207 au plus tard ; si l’on admet que chaque tribun commandait un contingent de mille hommes, on connaît du même coup la force maximale de l’armée romaine aux différentes époques : 3.000, 4.000, 6.000 et enfin 16.000 (pour 4 légions) ; on voit ainsi que l’armée manipulaire de 4 légions ne peut guère dater d’avant 311.
29 Cf. T. R. S. Broughton, The Magistrates of the Roman Republic, I, p. 80. T. J. Cornell, The Beginnings of Rome, p. 336, propose un tableau récapitulatif de l’évolution du nombre des tribuns militaires de 444 à 367 ; il s’agit en fait des fameux tribuns militaires à pouvoir consulaire, qui tendirent à se substituer progressivement aux consuls entre 444 et 367 (de 391 à 367, il n’y a plus un seul collège consulaire). Or J. Heurgon, Rome et la Méditerranée occidentale, p. 286, a noté que « le fait le plus intéressant est l’accroissement régulier du nombre des tribuns consulaires : créés à raison de trois de 444 à 432, ils passent à quatre de 426 à 406 (revenant à trois en 422, 418 et 408) et atteignent six en 405 : nombre qui restera constant jusqu’à la fin du régime». G. V. Sumner, dans JRS, 60, 1970, p. 72, explique les variations du nombre annuel de tribuns militaires par les besoins variables de la levée militaire ; G. De Sanctis, Storia dei Romani, II, p. 193-194, avait déjà vu dans l’accroissement du nombre des tribuns militaires le reflet de l’accroissement des effectifs de l’armée, à raison d’un tribun pour mille hommes ; enfin pour A. Guarino, La rivoluzione della plebe, p. 222-225, suivi par E. Gabba, dans Roma tra oligarchia e democrazia, p. 50, la création des tribuni militum consulari potestate peut avoir un rapport avec l’augmentation progressive du nombre des classes censitaires et celle du nombre de citoyens mobilisés ; contra : P. Fraccaro, dans Opuscula, II, p. 304-305, qui refusa d’identifier les tribuns militaires de l’armée avec les tribuni militum consulari potestate.
30 Végèce (Mil., III, 14), qui décrit l’organisation de l’armée romaine au iie siècle av. J.-C. et qui s’inspire peut-être du De re militari de Caton, qu’il cite par ailleurs comme l’une de ses sources (E. Rawson, dans PBSR, 39, 1971, p. 17-18), donne dans l’ordre : les principes, les hastati et les triarii (d’ailleurs également armés du pilum). Pour E. Meyer, Römischer Staat und Staatsgedanke, p. 70-71, l’armée romaine compta 600 cavaliers et 6.000 fantassins à partir de la guerre contre Véies. Cf. aussi G. V. Sumner, dans JRS, 60, 1970, p. 74 (toujours avec sa propre approche chronologique) : « the iuniores of the first three classes in the so-called Servian organization actually represent the legio of 6000 hoplites of the period 405-367 ».
31 Cf. Pol., VI, 21, 9 : Διαιροῦσι δ’ αὐτοὺς τὸν τρόπον τοῦτον ὥστ’ εἷναι τοὺς μὲν πρεσβυτάτους καὶ τριαρίους προσαγορευομένους ἐξακοσίους, τοὺς δὲ πρίγκιπας χιλίους καὶ διακοσίους, ἴσους δὲ τούτοις τοὺς ἀστάτους, τοὺς δὲ λοιποὺς καὶ νεωτάτους γροσφοφόρους : « Cette répartition se fait de façon que les plus âgés, ceux qu’on nomme triarii, soient six cents, les principes mille deux cents et les hastati autant, le reste, composé des plus jeunes, formant les velites » – trad. R. Weil, C.U.F.).
32 Liv., VII, 5, 9 : <Т. Manlius>, (...) cum eo anno primum placuisset tribunos militum ad legiones suffragio fieri (nam [et] antea, sicut nunc quos Rufulos vocant, imperatores ipsi faciebant), secundum in sex locis tenuit, nullis domi militiaeque ad conciliandam gratiam meritis, ut qui rure et procul coetu hominum iuventam egisset.
33 Les différents manuscrits indiquent les distributifs seni deni, ce qui signifie littéralement l’élection de 16 tribuns dans chacune des quatre légions et aboutit au total absurde de 64 tribuns pour quatre légions ; les éditeurs traduisent d’habitude ce passage par : « seize tribuns pour quatre légions», ce qui est en contradiction avec l’utilisation du distributif ainsi qu’avec le témoignage formel de Polybe (VI, 19, 1) selon lequel il y avait 24 tribuns militaires annuels, soit six tribuns par légion. C’est pourquoi G. V. Sumner, dans JRS, 60, 1970, p. 70-71, pense qu’il faut corriger le texte de Tite-Live et qu’au lieu de seni deni in quattuor legiones, il faut lire tribuni militum seni [deni] in quattuor legiones, soit une répartition de 6 tribuns dans chacune des quatre légions, ce qui est conforme à la fois à la syntaxe du texte (l’utilisation du distributif) et au témoignage de Polybe. K.-J. Hölkeskamp, Die Entstehung der Nobilität, p. 152, admet également qu’il est possible que l’on soit passé directement dès 311 au nombre des 24 tribuns militaires mentionnés par Polybe ; mais même si l’on rejette la correction proposée par G. V. Sumner, cette hypothèse n’est pas absolument indispensable pour admettre l’existence de quatre légions manipulaires à partir de cette date.
34 Cf. K.-J. Hölkeskamp, Die Entstehung der Nobilität, p. 152-153.
35 Cf. Liv., V, 52, 16. Pour M. Humbert, dans Mélanges A. Magdelain, p. 233-234, en 362, l’élection des tribuns militaires avait commencé à se substituer à leur nomination par les consuls ou le dictateur, « sans l’appui d’une loi, sur simple décision du Sénat » ; le plébiscite de 311, probablement voté à l’initiative du Sénat, rendit définitif le principe de l’élection à cette magistrature.
36 Cf. W. V. Harris, dans W. Eder éd., Staat und Staatlichkeit, p. 509.
37 Jusqu’en 218, Rome enrôlait normalement chaque année de guerre quatre légions pour deux armées de deux légions chacune, commandées chacune par un consul : Pol., I, 16, 2 ; III, 107, 10 ; et VI, 19, 7 : τò τέτταρα παρ’ αὐτοῖς στρατόπεδα τὴν ὁλοσχερῆ καὶ πρώτην διαίρεσιν τῶν δυνάμεων ποιεῖσθαι : « la principale et première division de leur armée se fait en quatre légions » ; Liv., VIII, 8, 14 : Scribe-bantur autem quattuor fere legiones quinis milibus peditum, equitibus in singulas legiones trecenis. Cf. P. Marchetti, dans Armées et fiscalité, p. 109.
38 Comme l’ont laissé entendre K. J. Neumann, s.v. Foedus, dans R.E., VI, 2, 1909, col. 2825-2826, et E. S. Staveley, dans Historia, 8, 1959, p. 430.
39 Liv., IX, 40, 15-16 ; Auct. De vir. ill., 31, 4 ; Act. Triumph. Capit., dans C.I.L, I2, p. 456.
40 Pol., VI, 20, 9 : 1.200 hastati, 1.200 principes, 600 triarii et 1.200 velites.
41 D’après T. J. Cornell, dans C.A.H.2, VII, 2, p. 383, qui s’appuie sur les statistiques démographiques reconstituées par A. Afzelius, Die römische Eroberung Italiens (340-264 v. Chr.), Copenhague, 1942, p. 148-192 : 100.000 citoyens adultes mâles en 338, 115.000 en 304 et 160.000 après 290), en passant en 311 d’une armée de 9.000 hommes (avec 2 légions) à une armée de 18.000 hommes (avec 4 légions), la proportion de citoyens mobilisés serait passée de 9 à 16 % de la population adulte mâle (en réalité, dans ce cas de figure, une armée prémanipulaire de 6.000 hommes et 600 cavaliers devait représenter moins de 9 % de la population citoyenne) ; et en 295, au moment de la bataille de Sentinum, 28.000 hommes (6 légions) auraient représenté environ 25 % des citoyens.
42 Cf. dans le même sens E. Gabba, dans Roma tra oligarchia e democrazia, p. 53-54, qui souligne que la levée par centurie devait alors davantage peser sur les classes sociales les plus riches, qui n’ont donc pas dû être soulagées, de ce point de vu, par l’accroissement démographique qu’a connu l’ensemble de la population romaine à cette époque.
43 Liv., VII, 38, 4-41, 8 ; Dion. Hal., XV, 3 (= 15.E Pittia) ; App., Samn., I, 1-9. Cf. E. Gabba, dans RFIC, 103, 1975, p. 148-149 ; l’endettement de ces adsidui peut s’expliquer par le fait que leur armement et leur équipement militaire étaient alors encore à leur frais (donc sans stipendium), alors qu’ils ne faisaient sans doute pas partie des citoyens les plus riches (cf. D. Kienast, dans BJ, 175, 1975, p. 98-99).
44 Cf. W. V. Harris, dans W. Eder éd., Staat und Staatlichkeit, p. 509 : « It was only in or shortly before the year 311 that the normal number of legions was increased from two to four. Without reliable census figures it is impossible to judge how heavy a burden military service was, but I should suppose that the burden grew lighter down to 311, and that the Roman citizen body as a rule found it quite tolerable, to such an extent that the doubling of number of legions caused no serious dissent ».
45 L. Loreto, “La riforma romana della leva a partire dal 318 a.C”, dans BIDR, 92-93 (sér. 3 : 31-32), 1989-1990, p. 617-624.
46 L. Loreto s’appuie sur les chiffres du cens fournis par Tite-Live et la tradition annalistique (cf. C. Nicolet, Le métier de citoyen, p. 69), et admet que les tabulae censoriae donnèrent des chiffres fiables au moins à partir du début du ive siècle : en 340, on aurait compté 166.000 citoyens, et en 318, 250.000 adultes mâles (Liv., IX, 19, 1) ; ces chiffres avaient été contestés et revus à la baisse par K,-J. Beloch, Die Bevölkerung der griechisch-römischen Welt, Leipzig, 1886, p. 339-342 ; A. Afzelius, Die römische Eroberung Italiens, p. 148-192 ; P. A. Brunt, Italian Manpower 225 B.C. – A.D. 14, Oxford, 1971, p. 13-28 ; T. J. Cornell, dans C.A.H.2, VII, 2, p. 383 ; ils sont aujourd’hui réhabilités, notamment par F. Coarelli, “Demografia e territorio”, dans Storia di Roma, I, 1988, p. 336-339 ; mais il faut peut-être distinguer dans les chiffres fournis par les sources, comme le faisait A. Afzelius, ceux qui concernent la population citoyenne composée des adultes mâles qui faisaient partie du comitiatus maximus, et ceux qui concernent la population de l’ensemble de “l’empire”, y compris les colons envoyés dans les colonies et les cives sine suffragio, dont le nombre devrait se déduire (et non pas s’ajouter ! cf. F. Coarelli) de ces chiffres (cf. A. Bernardi, “Incremento demografico a Roma e colonizzazione latina dal 338 a.C. all’età dei Gracchi”, dans NRS, 30, 1946, p. 272-290 ; M. Humbert, Municipium, p. 310, a bien montré que « les cives sine suffragio ont dès les origines été comptés parmi les cives Romani-»).
47 Les arguments avancés par L. Loreto pour refuser de voir dans la mesure législative de 311 la traduction institutionnelle de l’adoption définitive de l’organisation manipulaire par l’armée romaine ne paraissent pas fondés : selon lui, le déroulement de la bataille de 310 (309) menée par L. Papirius Cursor contre les Samnites, organisée autour d’une distinction entre aile gauche et aile droite, montrerait que l’armée romaine combattait encore en phalange à cette date (cf. Liv., IX, 40, 7-14) ; or, si tant est que le détail narratif de cette bataille soit authentique (cf. en ce sens A. Rouveret, “Tite-Live, Histoire Romaine IX, 40 : la description des armées samnites ou les pièges de la symétrie”, dans A.-M. Adam et A. Rouveret éd., Guerre et sociétés en Italie, p. 91-120), l’organisation manipulaire n’empêche absolument pas une distinction tactique entre l’aile gauche et l’aile droite d’une même armée au cours d’une bataille, comme le montre le témoignage de Polybe à propos des ailes de cavalerie (VI, 26, 9), mais aussi à propos de la répartition du commandement au sein d’un manipule (VI, 24, 8) ; de plus, affirmer le maintien en 310 de la tactique du combat hoplitique en phalanges est du point de vue de l’histoire militaire un anachronisme qui ne tient même pas compte de l’apparition au cours du ive siècle d’un stade “prémanipulaire”, alors que L. Loreto admet par ailleurs que l’organisation manipulaire a été adoptée à la fin du ive siècle au plus tard.
48 Cic, De Rep., II, 39-40 ; Liv., I, 42, 4-43, 13 ; Dion. Hal., IV, 16-21. Ces trois textes ont été qualifiés de « canoniques » par C. Nicolet, L’ordre équestre, 1, p. 17 ; Id., “L’idéologie du système centuriate”, dans La filosofia greca e il diritto romano, publié par l’Accademia Nazionale dei Lincei, Rome, 1976, p. 111 ; récapitulation et analyse des sources sur l’organisation servienne par R. Thomsen, King Servius Tullius, p. 144-148. Le témoignage de Cicéron sur l’organisation centuriate diffère en fait sensiblement de la description proposée par Tite-Live et Denys, car il semble aboutir, pour le décompte des centuries de la première classe, à 70 centuries au lieu de 80, ce qui correspond au système centuriate qui existait de son temps. Mais plusieurs études se sont attachées à réhabiliter le témoignage de Cicéron, en montrant que le passage du De Republica, II, 39-40, se rattache en fait, sinon à la même source, du moins à la même tradition que celle de Tite-Live et de Denys : G. V. Sumner, “Cicero on the Comitia Centuriata : De Re Publica, II, 22, 39-40”, dans AJPh, 81, 1960, p. 136-156 ; Id., “Aspects of the History of the Comitia Centuriata in the Middle end Late Republic”, dans Athenaeum, 40, 1962, p. 37-83 ; Id., “Cicero and the Comitia Centuriata”, dans Historia, 1964, p. 125-128 ; l’auteur y réhabilite, au prix de quelques corrections, la leçon de la première main du manuscrit du palimpseste du Vatican, ce qui lui permet de retrouver le nombre de 80 centuries pour la première classe, comme chez Tite-Live et Denys (contra : L. R. Taylor, “The Corrector of the Codex of Cicero’s De Republica”, dans AJPh, 82, 1961, p. 337-345) ; С. Letta, dans SCO, 27, 1977, p. 193-282, tout en conservant la leçon de la correction apportée par la deuxième main, a voulu démontrer que Cicéron prenait bien en compte 80 centuries pour la première classe et que le décompte des voix fait par Cicéron pour le calcul de la majorité aux comices s’appuyait sur un système antérieur à la réforme du iiie siècle, où le nombre de voix ne coïncidait pas avec le nombre de centuries (les 12 centuries équestres qui ont été ajoutées aux sex suffragia n’auraient compté que pour deux voix : cf. supra p. 164, note 120).
49 Parmi ceux qui pensaient que le système centuriate décrit par Tite-Live et Denys était réellement celui mis en place par Servius Tullius : P. De Francisci, Primordia civitatis, p. 681-688 ; E. Gjerstad, dans A.N.R.W., I, 1, 1972, p. 172-182 ; Id., Early Rome, V, p. 301-308 ; Id., Early Rome, VI, Historical Survey, p. 148-155.
50 Cf. notamment Α. von Premerstein, s.v. Commentarii, dans R.E., IV, 1, 1900, col. 728-729 ; W. Hoffmann, s.v. Tullius (18), dans R.E., VII A, 1, 1939, col. 812 ; G. W. Botsford, The Roman Assemblies, p. 201-202 ; Κ. J. Beloch, Römische Geschichte, p. 283-292 ; H. Last, dans JRS, 35, 1945, p. 42-44 ; E. Meyer, Römischer Staat und Staatsgedanke, p. 52 ; Ch. Meier, s.v. Praerogativa Centuria, dans R.E., Suppl. VIII, 1956, col. 570 ; U. von Lübtow, Das römische Volk, p. 80 ; D. Kienast, dans BJ, 175, 1975, p. 85 ; E. Gabba, dans Roma tra oligarchia e democrazia, p. 49 ; L. Amirante, Una storia giuridica di Roma, p. 23 ; C. Ampolo, dans Storia di Roma, I, p. 221-222 ; E. Cizek, Mentalités et institutions politiques romaines, p. 185. Pour J.-C. Richard, Les origines de la plèbe, p. 351-359, la présentation que font Tite-Live et Denys d’Halicarnasse de l’organisation centuriate qu’ils attribuent à Servius Tullius superpose « à l’image de la légion centuriate originelle celle d’une assemblée politique plus récente». Pour J. Poucet, Les Rois de Rome, p. 218, « la tradition a mis sous le nom et le patronage de Servius Tullius une organisation qui était, globalement parlant, celle du milieu de la République, probablement le ive-iiie siècle ».
51 Cf. H. Last, dans JRS, 35, 1945, p. 38-42 ; A. Momigliano, dans Les origines de la République romaine, p. 357 ; J.-C. Richard, Les origines de la plèbe, p. 375-377 ; C. Ampolo, dans Storia di Roma, I, p. 221-228.
52 E. Gabba, “Esercito e fiscalità a Roma in età repubblicana”, dans Armées et fiscalité dans le monde antique, Colloques natioanux du CNRS, n° 936, Paris, 1977, p. 15-16 (= Id., Del buon uso della ricchezza. Saggi di storia economica e so ciale del mondo antico, Milan, 1988, p. 119-120) ; Id., dans Roma tra oligarchia e democrazia, p. 49.
53 E. Meyer, Römischer Staat und Staatsgedanke, p. 53-56 ; К. A. Raaflaub, “Stages in the Conflict of the Orders”, dans K. A. Raaflaub éd., Social Struggles in Archaic Rome, p. 209 ; Id., dans The Age of Pyrrhus, p. 30.
54 Ainsi H. Last, dans JRS, 35, 1945, p. 44 : « the centuriate organization of the members of the Servian tribes was designed primarily for military ends and (...) its adaptation to serve political purposes, wether contemporary with its inception or later, was secondary». De même E. Meyer, Römischer Staat und Staatsgedanke, p. 50-51 ; R. Thomsen, King Servius Tullius, p. 157-163 ; E. Gabba, dans Roma tra oligarchia e democrazia, p. 49-50. Mais pour U. Coli, “Tribù e centurie”, dans SDHI, 21, 1955, p. 190-192 (= Id., Scritti di diritto romano, II, Milan, 1973, p. 580-581), les 193 centuries constituèrent dès l’origine à la fois l’armée et une assemblée ; de même pour C. Ampolo, dans Storia di Roma, I, 1988, p. 225. Plus prudent, J.-C. Richard, Les origines de la plèbe, p. 378, admet que « la classis constituait le cadre virtuel d’une assemblée ».
55 Varr., De ling. Lat., V, 88 : Centuria qui sub uno centurione sunt, quorum centenarius iustus numerus. Paul. Fest., p. 46 L. : Centuria significat (...) in re militari centum homines. Cf. В. Kübler, s.v. Centuria, dans R.E., III, 2, 1899, col. 1952-1960.
56 Varr., De ling. Lat., VI, 88 : In Commentariis Consularibus scriptum sic inveni : Qui exercitum imperaturus erit accenso dicit hoc : Calpumi, voca inlicium omnes Quirites һuс ad me. Accensus dicit sic : Omnes Quirites inlicium vìsite һuс ad iudices. С. Calpumi, consul dicit, voca ad conventionem omnes Quirites һuс ad me. Accensus dicit sic : Omnes Quirites, ite ad conventionem һuс ad iudices. Dein consul eloquitur ad exercitum : Impero qua convenit ad comitia centuriata. Varr., De ling. Lat., VI, 93 : Sed ad comitiatum vocatur populus ideo quod alia de causa hic magistratus [sc. quaestor] non potest exercitum convocare ; censor, consul, dictator interrex potest, quod censor exercitum centuriato constituit quinquennalem, cum lustrare et in Urhem ad vexillum ducere debet ; dictator et consul, in singulos annos quod hic exercitui imperare potest quo eat, id quod propter centuriata comina imperare solent. Selon G. V. Sumner, dans JRS, 60, 1970, p. 67 : « The Comitia Centuriata was the exercitus urbanus – the army on parade in the Field of Mars». Cf. aussi L. Capogrossi Colognesi, Storia delle istituzioni romane arcaiche, p. 246. Contra : G. W. Botsford, The Roman Assemblies, p. 203-205, qui estime que l’assemblée centuriate ne se confond pas avec l’armée à partir du moment où elle commença à jouer un rôle politique.
57 Cf. Th. Mommsen, Le droit public, VI, 1, p. 445-446 ; L. R. Taylor, Roman Voting Assemblies, p. 85.
58 L. Amirante, Una storia giuridica di Roma, p. 23 ; J. Poucet, Les Rois de Rome, p. 219-223.
59 Fab. Pict., fr. 10 P. = 14 Ch. (ap. Liv., I, 44, 2). Polybe utilise une expression comparable à propos du nombre d’hommes, citoyens et alliés, que les Romains étaient capables de mobiliser en 225 (II, 24, 16) : δὑνάμενοι όπλα βαστάζειν. E. Gabba, “Le origini dell’esercito professionale in Roma : і proletari e la riforma di Mario”, dans Athenaeum, 26, 1948, p. 188 (= Id., Esercito e società nella tarda Repubblica romana, Florence, 1973, p. 19), restitue en grec l’expression latine cives qui arma ferre possent par : oi τά οπλα παρεχόμενοι. Toutefois, l’expression utilisée par Fabius Pictor s’applique au nombre de 80.000 citoyens que Servius Tullius aurait recensés lors du premier lustrum, et concerne par conséquent l’organisation “servienne” qui est en fait bien plus tardive (voir infra p. 291-308 et p. 366-372) ; mais l’organisation “servienne” a pu conserver des expressions qui s’appliquaient à des réalités institutionnelles plus anciennes, comme le montre la distinction que faisait encore Caton entre la classis et l’infra ciassem.
60 Il s’agit du discours prononcé par Caton l’Ancien en 169 pour soutenir la rogano Voconia (fr. 160 (n° 8) Malcovati) et transmis par Gell., Ν. Α., VI, 13, 1-3 : ‘Classici’ dicebantur non omnes qui in quinque classibus erant, sed primae tantum classis homines, qui centum et viginti quinque milia aeris ampliusve censi erant. ‘Infra ciassem’ autem appellabantur secundae classis ceterarumque omnium clas-sium qui minore summa aeris, <quam> quod supra dixi, censebantur. Hoc eo stric-tim notavi, quoniam in M. Catonis oratione, qua Voconiam legem suasit, quaeri solet, quid sit ‘classicus’, quid ‘infra ciassem’. Or l’expression infra classem a précisément été déñnie par Festus (Verrius Flaccus) en termes de timocratie (Paul. Fest., p. 100 L.) : Infra classem significantur, qui minore summa quam centum et viginti milium aeris censi sunt. Cf. G. Rotondi, Leges publicae, p. 283-284 ; P. De Francisci, Primordia Civitatis, p. 694-696 ; C. Nicolet, L’ordre équestre, 1, p. 60-63 ; J.-C. Richard, Les origines de la plèbe, p. 360-363.
61 E. Gabba, dans Armées et fiscalité, p. 16 (= Id., Del buon uso della ricchezza, p. 120).
62 Paul. Fest., p. 48 L. : Classes clipeatas antiqui dixerunt, quos nunc exercitus vocamus. Paul. Fest., p. 49 L. : Classis procincta, exercitus instructus. Fest., p. 202-204 L., s.v. opima spolia : (...) Cuius auspicio classe procincta opima spolia capiuntur (...). Paul. Fest., p. 251 L. : Procincta classis dicebatur, cum exercitus cinctus erat Gabino cinctu confestim pugnaturus. Gell., Ν. Α., I, 11, 3 : cum pro-cinctae igitur classes erant et instructa acies coeptumque in hostem progredi... L’emploi le plus ancien qui nous soit connu du mot classis remonte à un passage des Commentarti iuris pontificii de Fabius Pictor (fr. 3 Huschke, ар. Gell., Ν. Α., Χ, 15, 4), dans lequel étaient énumérés les interdits qui pesaient sur le flamen Dialis : <item religio est> ciassem procinctam extra pomerium, id est exercitum arma-tum videre. Cf. J.-C. Richard, Les origines de la plèbe, p. 360-365 ; R. Werner, “Vom Stadtstaat zum Weltreich”, dans Gymnasium, 80, 1973, p. 442-445.
63 E. Gjerstad, dans A.N.R.W., I, 1, 1972, p. 182-183, pense que l’activité politique de l’assemblée centuriate commença effectivement après la disparition de la monarchie et apparut avec la nécessité de désigner les chefs de l’armée. Mais il est en fait très probable, comme le montre le maintien de la lex curiata de imperio pendant toute la République ainsi que l’élection des premiers tribuns de la plèbe par les comices curiates (Cic., Pro Cornel. I, fr. 49 Puccioni (ap. Asc, In Cornel., p. 60 Stangi = p. 76 Clark) ; Dion. Hal., VI, 89, 1), que c’est cette dernière assemblée qui s’occupa dans un premier temps de désigner les magistrats supérieurs (cf. D. Kienast, dans BJ, 175, 1975, p. 96).
64 Ce n’est pas ici le lieu de revenir sur les différentes théories avancées par les Modernes pour expliquer et dater le passage de la monarchie à la république : nous renvoyons pour cela à l’étude historiographique très détaillée qui a été menée par J.-C. Richard, Les origines de la plèbe, p. 433-442, qui conclut que Tarquin a dû être chassé du pouvoir entre 510 et 505 par l’intervention de Porsenna, un condottiere étrusque qui a cherché à s’emparer du contrôle de la route qui menait d’Étrurie à la Campanie à travers le Latium. Cet historien rejette par ailleurs la “théorie évolutionniste” qui a été un moment avancée par certains et qui refusait d’admettre qu’un pouvoir consulaire, à la fois collégial et annuel, ait pu immédiatement succéder à la monarchie (ainsi R. Werner, Der Beginn der römischen Republik, Munich-Vienne, 1963, p. 474-482, datait la naissance du nouveau régime entre 472 et 470 ; E. Gjerstad, “The origins of the roman Republic”, dans « Entretiens sur l’Antiquité classique », Fondation Hardt, Vandœuvre-Genève, 13, 1967, p. 3-30, situait la naissance de la République dans les années 450 ; de même K. Haneli, Das altrömische eponyme Amt, p. 195-198, pour lequel le passage du re-gnum à la République coïncida avec l’époque du décemvirat). D’après K. A. Raa-flaub, dans Social Struggles in Archaic Rome, p. 219, n. 67, le système centuriate fut probablement adapté aux besoins d’une assemblée votante et élective dès les premières années de la République, car avec la disparition de la monarchie une pareille assemblée serait devenue indispensable.
65 Cf. A. von Premerstein, s.v. Commentarii, dans R.E., IV, 1, 1900, col. 728-729. Sur la constitution de ce « faux», voir infra p. 347-351.
66 XII ab., IX, 1-2 = F.I.R.A., I2, p. 64 (Cic., De leg., III, 11 et III, 44) : de capite civis rogari nisi maximo comitiatu vetat. Le comitiatus maximus est identifié avec certitude avec les comices centuriates par Cicéron lui-même, qui évoque le texte de cette loi des XII Tables dans un passage du De republica, II, 61 :...quod se legem Ulam praeclaram neclecturum negaret, quae de capite civis Romani nisi comi-tiis centuriatis statui vetaret. Par conséquent, et à moins de supposer une erreur (délibérée ?) de la part de Cicéron lui-même, le comitiatus maximus désigne bien l’assemblée centuriate : ainsi Th. Mommsen, Le droit public, VI, 1, p. 367 et n. 2 ; H. Last, dans JRS, 35, 1945, p. 44-45 ; E. Meyer, Römischer Staat und Staatsgedanke, p. 64 ; K. A. Raaflaub, dans Id. éd., Social Struggles, p. 25 ; D. Musti, “Lotte sociali e storia delle magistrature”, dans Storia di Roma, I, 1988, p. 394 ; M. H. Crawford éd., Roman Statutes, II, Londres, 1996, p. 699-700 ; С. Lovişi, Contribution à l’étude de la peine de mort sous la République romaine (509-149 av. J.-C), Paris, 1999, p. 231-235.
67 Pour A. Magdelain, “Le ius archaïque”, dans MEFRA, 98, 1986, p. 275, le verset qui, dans les XII Tables (IX, 1-2), confie au comitiatus maximus la responsabilité de juger de la peine capitale d’un citoyen romain n’a pu être introduit qu’après la loi Valeria de provocatione de 300, la seule authentique, et a donc été rajouté au iiie siècle ; comme par ailleurs maximus ne peut que signifier “souverain”, comme dans l’expression praetor maximus, il ne pourrait être question de comitiatus maximus qu’après la reconnaissance toute récente de la souveraineté populaire.
68 D’après A. Rosenberg, Untersuchungen zur römischen Zenturienverfassung, Berlin, 1911, p. 56-58, suivi par Н. Siber, “Die ältesten römischen Volksversammlungen”, dans ZRG, 57, 1937, p. 263-264, et plus récemment par R. Mitchell, Patricians and Plebeians. The Origin of the Roman State, Ithaca & Londres, 1990, p. 176, l’expression cicéronienne maximus comitiatus ne se rapporterait pas aux comices centuriates, mais aux comices curiates ; pour E. Gabba, “Maximus comitiatus”, dans Athenaeum, 65, 1987, p. 203-205 (cf. Id., dans Roma tra oligarchia e democrazia, p. 45-47), comitiatus ne serait pas synonyme de comitia, et maximus comitiatus signifierait « l’assemblée la plus nombreuse possible » pour juger un citoyen de capite ; enfin, pour A. Mastrocinque, Lucio Giunio Bruto, p. 193-194, l’expression pourrait désigner en fait l’assemblée tribute puisque d’après le témoignage de Polybe (VI, 14, 7), les condamnations à mort ou à l’exil ne pouvaient être prononcées que par les tribus.
69 Liv., IV, 8, 2 ; Dion. Hal., XI, 63, 2 (qui la place en 459) ; Zon., (D.C.), 7, 19. Th. Mommsen, Le droit public, IV, p. 5, n. 4, estimait que les noms des premiers censeurs sont interpolés et que la censure n’aurait donc pas été instaurée avant 435/434, lorsque fut votée la lex Aemilia réduisant la durée de la censure à 18 mois (Liv., IV, 24, 3-9). D’après K. J. Beloch, Römische Geschichte, p. 79-81, L. Papilius Mugillanus et L. Sempronius Atratinus auraient bien accompli le census, mais en tant que consuls en 444, non en tant que censeurs en 443. On peut quand même se demander dans quelle mesure des notices qui indiquent des noms de plébéiens parmi les censeurs avant le vote de la loi Publilia-Philonis de 339 (ou parmi les consuls avant les lois liciniennes-sextiennes de 367) ont quelque chance d’être historiques. Un certain nombre d’historiens ont toutefois trouvé de bonnes raisons pour admettre 443 comme date de création des premiers censeurs, malgré les incertitudes de l’annalistique : cf. notamment J. Suolahti, The Roman Censors, p. 166-171 ; selon F. De Martino, Storia della costituzione romana, I2, p. 328, la création de la censure serait due aux exigences nouvelles de l’organisation centuriate qui, vers le milieu du ve siècle, aurait atteint son assise définitive ; G. Piéri, L’histoire du cens, p. 127-130, attribue la création de la censure à « la plus grande complexité de l’organisation centuriate fondée sur le Census » ; voir également D. Kienast, dans BJ, 175, 1975, p. 98. Cicéron mentionne expressément les censeurs à propos du comitiatus maximus (De leg., III, 11) : de capite civis, nisi per maximum comitiatum, ollosque, quos censores in partibus populi locassint, ne fer-runto. Mais E. Gabba, dans Roma tra oligarchia e democrazia, p. 44-45, souligne qu’il n’était pas possible que la proposition incise : ollosque, quos censores in partibus populi locassint, qui fait allusion à la discriptio du populus dans l’organisation centuriate, figurât dans le texte de la loi des XII Tables, car elle n’a pu y être ajoutée qu’après la création de la censure en 443. Enfin, A. Guarino, Storia del diritto romano, Naples, 19755, p. 84-86, estime que la transformation de l’exercitus centuriatus en comitia centuriata ne peut pas être antérieure à 367 av. J.-C ; par ailleurs (Id., La rivoluzione della plebe, p. 226), cet auteur pense que l’institutionnalisation de la censure n’a dû survenir qu’après cette transformation, puisque les censeurs étaient investis par une lex centuriata de potestate censoria.
70 Sur la « dynamique sociale » que provoqua à Rome la guerre de Véies, voir notamment F.-H. Massa-Pairault, “Notes sur le problème du citoyen en armes”, dans A.-M. Adam et A. Rouveret éd., Guerre et sociétés en Italie, p. 38-45.
71 Liv., V, 7, 4-5 ; cf. C. Nicolet, L’ordre équestre, 1, p. 54-55 ; F.-H. Massa-Pairault, dans A.-M. Adam et A. Rouveret éd., Guerre et sociétés en Italie, p. 41-43.
72 Liv., IV, 59, 11 – 60, 8 ; V, 7, 7 (pedestris ordinis se aiunt esse). Cf. F.-Н. Massa-Pairault, dans A.-M. Adam et A. Rouveret éd., Guerre et sociétés en Italie, p. 40-41 ; E. Gabba, dans Roma tra oligarchia e democrazia, p. 51-52.
73 D’après Plutarque (Cam., 40, 4), Camille aurait fait renforcer le bord des boucliers allongés (θυρεόι) de ses soldats ; F.-H. Massa-Pairault, dans A.-M. Adam et A. Rouveret éd., Guerre et sociétés en Italie, p. 43-45, rapproche cette notice de la chronologie relative apportée par Tite-Live (VIII, 8, 3) au sujet de l’adoption du scutum par les Romains, postquam stipendiarli facti sunt.
74 E. Gabba, dans Armées et fiscalité, p. 16 (= Id., Del buon uso della ricchezza, p. 120) : « condivido la teoria che la lotta politica a Roma nel v sec. deve aver gradualmente portato a un sempre maggior inserimento degli infra ciassem nella vita politica dello stato, dovuto alla necessità di una loro progressiva valorizzazione in campo militare, e alla loro conseguente e sempre crescente presa di coscienza politica. È in questo contesto che l’ordinamento timocratico sarà andato svolgendosi e sempre più articolandosi, e penso anch’io che la creazione dei tribuni militum consulari potestate abbia relazione con il progressivo aumento delle classi di censo e del numero dei cittadini mobilitati » ; Id., dans Roma tra oligarchia e democrazia, p. 51-52 ; mais l’historien estime que les cinq classes censitaires du système définitif ont dû exister dès la fin du ve siècle. De même, L. Amirante, Una storia giuridica di Roma, p. 164-165, attribue l’organisation centuriate dans sa forme “servienne” à l’époque de la guerre contre Véies, et éventuellement à Camille. Mais P. Fraccaro, dans Opuscula, V, p. 58-59, a rejeté l’historicité de la tradition, rapportée notamment par Plutarque (Cam., 40, 4), qui attribue à Camille d’importantes réformes dans l’organisation militaire des Romains.
75 Pour K. A. Raaflaub, dans Social Struggles in Archaic Rome, p. 209, le système complexe et bien connu des cinq classes censitaires apparut seulement, après plusieurs changements, au ive ou au début du iiie siècle ; mais c’est probablement au cours du ive siècle que se produisirent les changements les plus importants : K. A. Raaflaub, J. D. Richards et L. J. Samons, dans The Age of Pyrrhus, p. 30.
76 G. V. Sumner, dans JRS, 60, 1970, p. 67 (cité et traduit par P. Marchetti, Histoire économique et monétaire, p. 216).
77 Y. Garlan, La guerre dans l’Antiquité, Paris, 1972, p. 99 (cité par P. Marchetti, Histoire économique et monétaire, p. 216) ; de même R. Thomsen, King Servius Tullius, p. 156, affirme que « when the Roman military forces were arranged on the basis of the manipular system, the centuriate organisation, as all scholars agree, could not be used for the formation of the army, but only had a political function, dividing the members of the Comitia Centuriata into voting groups «.
78 A. Piganiol, “Un document d’histoire sociale romaine : la classification servienne”, dans Annales E.S.C., 5, 1933, p. 117-119, avait toutefois voulu voir dans les « centuries dites serviennes » des « cadres de recrutement » pour l’armée : en comptant 100 hommes par centurie pour les 120 centuries des trois premières classes, l’historien obtenait 12.000 hommes, soit les effectifs exacts de l’infanterie lourde de quatre légions manipulaires (1.200 hastati + 1.200 principes + 600 triarii x 4) ; et en comptant toujours 100 hommes par centurie pour les 50 centuries des deux dernières classes, il obtenait 5.000 hommes armés à la légère, ou encore 4 x 1250 (cf. déjà un raisonnement similaire chez Th. Mommsen, Die römischen Tribus, p. 134-135) ; mais le résultat obtenu est approximatif, puisqu’on aurait compté par légion 1.250 hommes « armés à la légère », alors que Tite-Live et Polybe attestent expressément le nombre de 1.200 ; surtout, A. Piganiol ne tient pas compte, dans son raisonnement, des critères d’âge introduits par la réforme manipulaire et que l’on retrouve dans l’organisation censitaire “servienne” (voir infra p. 296-298) : en demandant à chacune des 193 centuries de fournir le même nombre d’hommes (100), le recrutement aurait en effet pesé plus lourdement sur les centuries de seniores, forcément moins peuplées que les centuries de iuniores, ce qui aurait été complètement illogique (cf. R. Thomsen, King Servius Tullius, p. 165-166).
79 P. Marchetti, Histoire économique et monétaire, p. 216.
80 Voir supra p. 155-160. Cf. C. Nicolet, L’ordre équestre, 1, p. 17-20, pour qui l’étude des 18 centuries était inséparable de celle du système censitaire “servien”, que l’historien ne datait dans sa forme définitive (193 centuries réparties en cinq classes) que de la fin du ive siècle.
81 Liv., I, 43, 8 : Ita pedestri exerciţii ornato distributoque, equitum ex primoribus civitatis duodecim scripsit centurias.
82 Pol., VI, 25, 3-10 ; l’armement “ancien” qu’il décrit (absence de cuirasse, tunique, lances fragiles, bouclier en cuir) pourrait correspondre à la description que fait Denys de l’équipement des equites equo publico, « alignés comme s’ils revenaient de la bataille » et revêtus de la trabée, au moment de la transvectio equitum (VI, 13, 4 : voir supra p. 155) : par conservatisme social et tradition religieuse, l’élite équestre a très bien pu conserver à cette occasion un équipement militaire depuis longtemps tombé en désuétude.
83 Pol., VI, 23, 15-16 : oἱ δὲ υπὲρ τὰς μυρίας τιμώμενοι δραχμὰς ἀντὶ τοῦ καρδιοφὑλακος σὺν τοῖς ἄλλοις ἀλυσιδωτοὺς περιτίθενται θώρακας. Ὁ δ’ αὐτὸς τρόπος τῆς καθοπλίσεώς ἐστιν καὶ περὶ τοὺς πρίγκιπας καὶ τριαρίους · πλὴν ἀντὶ τῶν ὑσσῶν οί τριάριοι δόρατα φοροῦσιν : « mais ceux dont le cens dépasse dix mille drachmes portent avec les autres armes, au lieu du “protège-cœur” (καρδιοφύλακος), la cuirasse (θώραξ). Le même type d’armement se retrouve chez les principes et les triarii, sauf que les triarii portent la lance (hasta) au lieu du javelot (pilum) » (trad. d’après R. Weil, éd. de Polybe, Histoires, Livre VI, C.U.F., p. 100).
84 On établit généralement l’équivalence 10.000 drachmes = 10.000 deniers = 100.000 as, ce qui correspond à la qualification censitaire de la première classe chez Tite-Live et Denys (cf. C. Nicolet, dans Polybe, Livre VI, C.U.F., p. 156) ; mais P. Marchetti, Histoire économique et monétaire, p. 170-173 et p. 238-239, a établi que la drachme polybienne valait 12 as, puisque l’historien grec précise à propos du coût d’une nuit en Gaule (II, 15, 6) qu’un quart d’obole valait un semis, c’est-à-dire un demi as : une drachme de 6 oboles valait donc 12 as ; les 10.000 drachmes correspondant à la qualification censitaire des principes et des triarii vaudraient par conséquent 120.000 as (ibid., p. 217) ; mais il reste encore à établir s’il s’agissait d’as sextantaires ou d’as onciaux (cf. C. Nicolet, op. cit., p. 157-158 ; voir infra p. 330-331).
85 Liv., I, 43, 2 : arma his [sc. ex iis qui centum milium aeris aut maiorem censum haberent] imperata galea, clipeum, ocreae, lorica, omnia ex aere... Dion. Hal., IV, 16, 2 : μίαν ἀφεῖλεν ἐξ ἁπάντων μοῖραν, ἧς τὸ μέγιστον ἧν τίμημα τῆς οὐσίας οὐκ ἔλαττον ἐκατὸν μνῶν. τούτους δὲ συντάξας εἰς ὁγδοήκοντα λόχους ὅπλα φέρειν ἐπέταξεν ἀσπίδας Ἀργολικὰς καὶ δόρατα καὶ κράνη χάλκεα καὶ θώρακας καὶ κνημῖδας καὶ ξίφη.
86 Les boucliers représentés sur la “Tombe des Reliefs” de Cerveteri (Caere) sont des clipei : H. Blanck et G. Proietti, La Tomba dei Rilievi di Cerveteri, Rome, 1986, passim, et part. p. 48-49 ; de même, les boucliers représentés sur les fresques de la “Tombe des Boucliers” de Tarquinia (vers 350-340) : M. Cristofani, “Il fregio d’armi della Tomba Giglioli di Tarquinia”, dans DArch, 1, 1967, fig. 2 ; ainsi que les boucliers peints sur la tombe de la famille Pinie, à Tarquinia (vers 320-310) : F.-H. Massa-Pairault, La cité des Étrusques, Paris, 1996, p. 208-209 ; et même encore ceux de la “Tombe des Guirlandes” de Tarquinia, qui date pourtant de la première moitié du iiie siècle : R. Bianchi Bandinelli et A. Giuliano, Les Étrusques et l’Italie avant Rome, Paris (coll. “L’univers des formes”), 1973, p. 288-289 et fíg. 330 ; enfin le matériel retrouvé dans la “Tombe du Guerrier” de la nécropole de Sette Camini, à Orvieto, montre que « le bouclier rond, les jambières, et la cuirasse anatomique, soit la panoplie de l’hoplite, persistent encore vers les années 350-340. Il en est donc de même vraisemblablement des classes clipea-tae » : F.-H. Massa-Pairault, dans A.-M. Adam et A. Rouveret éd., Guerre et sociétés en Italie, p. 45 (cf. Orvieto, Museo Archeologico Nazionale – Pittura etrusca a Orvieto, Catalogo della Mostra, Rome, 1982, p. 76-79).
87 Les guerriers représentés sur des peintures funéraires de tombes paes-tanes de la deuxième moitié du ivе siècle portent encore le bouclier rond (clipeus) : A. Maiuri, La peinture romaine, Genève, 1953, p. 16 ; N. Napoli, Pittura antica in Italia, Bergame, 1960, p. 9 ; A. Pontrandolfo, Α. Rouveret, Le tombe dipinte di Paestum, Modène, 1992, p. 150-151 (Andriulo, 58), p. 156-158 (Andriulo, 28), p. 174-175 (Andriulo, 114), p. 198-199 (Andriulo, 4/1971), p. 202-203 (Andriulo, 1937), p. 210-212 (Laghetto, X), p. 216-219 (Laghetto III), p. 225-226 (Arcioni, 271/1976), p. 251-254 (Gaudo, 1/1972), p. 259-264 (Gaudo, 2/1972), p. 279-281 (Vannullo, 2), p. 293 (Vannullo, 1), p. 302 (provenance inconnue) ; voir de même dans M. Cipriani et F. Longo éd., I Greci in Occidente. Poseidonia e і Lucani, Naples, 1996, p. 60 et p. 171 : la tombe 84 de Paestum, Andriulo (vers 350-340) ; ibid., p. 124 et p. 177 : la tombe 58 de Paestum, Andriulo (vers 340) ; ibid., p. 126 et p. 177-178 : la tombe 53 de Paestum, Andriulo (vers 350-330) ; ibid., p. 129 et p. 181 : la tombe 4 (1971) de Paestum, Andriulo (dernières décennies du ive siècle) ; ibid., p. 132 et p. 182 : la tombe X de Paestum, Laghetto (vers le milieu du ive siècle) ; ibid., p. 134 et p. 183 : la tombe 114 de Paestum, Andriulo (vers 330-320) ; ibid., p. 285 : la tombe dite “du Magistrat” de la nécropole de Spinazzo (fin ive-début iiie siècle) ; il en est de même pour les guerriers samnites représentés sur les peintures d’une tombe lucanienne près de Nole (deuxième moitié du ive siècle) : I Greci in Occidente. La Magna Grecia nelle collezioni del Museo Archeologico di Napoli, Naples, 1996, p. 245-254.
88 D’après Tite-Live, les triarii étaient en effet composés de vétérans au courage éprouvé (VIII, 8, 8) : primum vexillum triarios ducebat, veteranum militem spectatae virtutis, qui étaient, d’après Polybe, recrutés parmi les hommes les plus âgés (VI, 21, 7) : <οἱ χιλίαρχοι> διαλέγουσι (...)τοὺς δὲ πρεσβυτάτους εἰς τοὺς τριαρίους.
89 Pol., VI, 21, 7 : <oἱ χιλίαρχοι> διαλέγουσι (...) τοὺς μὲν νεωτάτους καὶ πενιχροτάτους εἰς τοὺς γροσφομάχους, τοὺς δ’ ἐξῆς τούτοις εἰς τοὺς ἀστάτους καλουμένους... (« les tribuns militaires choisissent... les plus jeunes et les plus pauvres pour former les velites, les suivants pour ceux qu’on appelle les hastati ») ; Liv., VIII, 8, 5-6 : Prima acies hastati erant, manipuli quindecim, distantes inter se modicum spatium ; manipulus leves vicenos milites, aliam turbam scutatorum habebat ; leves autem, qui hastam tantum gaesaque gererent, vocabantur. Haec príma frons in acie florem iuvenum pubescentium ad militiam habebat.
90 À l’origine, la classis devaient rassembler tous ceux qui étaient capables de se fournir l’armement hoplitique, sans distinction d’âge, mais probablement déjà avec une limite d’âge fixée à 60 ans : pour Ed. Meyer, dans Kleine Schriften, II, p. 267 et n. 3, la mystérieuse expression au sujet des sexagenarii de ponte indiquerait l’ancienne limite d’âge pour le service armé, et peut-être aussi, mais la chose paraît douteuse (cf. Th. Mommsen, Le droit public, IV, p. 90, n. 2 ; L. R. Taylor, Roman Voting Assemblies, p. 92 ; F. X. Ryan, “Sexagenarians, the Bridge, and the centuria praerogativa”, dans RhM, 138, 1995, p. 188-190), pour la participation à l’assemblée centuriate (cf. Varr., De vita pop. Rom., II, fr. 71 Riposati = 392 Salvadore (ap. Non., p. 842 L.) ; dans le même sens R. Werner, dans Gymnasium, 80, 1973, p. 299) ; certains ont même voulu y voir, à la suite de Festus, p. 450 L., l’élimination des sexagénaires jetés dans le Tibre (cf. A. Klotz, s.v. Sexagenarii, dans R.E., II A, 2, 1923, col. 2025-2026) ; sur les questions d’âge, voir l’excellente analyse de P. Fraccaro, dans Athenaeum, 22, 1934, p. 63 (= Opuscula, II, p. 298-299) : « si può dubitare se sia originale il limite di 46 anni compiuti, che divide gli iuniores e і seniores, e l’esistenza stessa delle due categorie. Il limite di 46 anni è piuttosto basso, e indica una certa abbondanza di uomini disponibili ; in Atene, come è noto, l’obbligo del servizio di campagna durava sino a 50 anni compiuti, in Sparta fino a 60 » ; cf. K. J. Beloch, Römische Geschichte, p. 290 ; E. Gjerstad, Early Rome, V, p. 167-168 ; de même G. V. Sumner, dans JRS, 60, 1970, p. 78 ; et aussi T. J. Cornell, The Beginnings of Rome, p. 183, estiment que les centuries de seniores ont dû avoir été introduites ultérieurement.
91 Cf. W. Soltau, Über Entstehung und Zusammensetzung der altrömischen Volksversammlungen, Berlin, 1880, p. 275-280 ; H. Last, dans JRS, 35, 1945, p. 44 ; W. Hoffmann, s.v. Servius Tullius, dans R.E., Suppl. VII, 1948, col. 813 ; E.H. Staveley, “The Constitution of the Roman Republic 1940-1954”, dans Historia, 11, 1962, p. 78 ; A. Magdelain, “Remarques sur la société romaine archaïque”, dans REL, 49, 1972, p. 119 ; D. Kienast, dans BJ, 175, 1975, p. 100 ; R. Thomsen, King Servius Tullius, p. 167-168.
92 Liv., I, 42, 4.
93 P. Marchetti, Histoire économique et monétaire, p. 215-217, estime que l’archaïsme de ces formulae censoriae est « la meilleure preuve d’antiquité » ; pour cet historien, les censeurs répartissaient les citoyens, selon la fortune et l’âge de chacun, en six ordines : le Sénat, l’ordre équestre, les principes, les triarii, les hastati et les velites ; à noter le rapprochement que suggère Festus (p. 198 L.) entre le manipule et Yordo : Sunt quidam etiam, qui manipularem,...quia infimi sit ordinis, appellatum credant ordinarium.
94 Liv., I, 43, 4-5 : <Secundae classis> arma imperata scutum pro clipeo et praeter loricam omnia eadem. <Tertiae classis> пес de armis quicquam mutatum, ocreae tantum ademptae.
95 Pol., VI, 21, 7 : (voir supra p. 296 n. 89).
96 Liv., I, 43, 6 ; cf. H. Last, dans JRS, 35, 1945, p. 43.
97 R. M. Ogilvie, A Commentary on Livy. Books 1-5, Oxford, 1965, p. 170, et D. Kienast, dans BJ, 175, 1975, p. 88, préfèrent retenir la version de Denys qui attribue le scutum également aux citoyens de la quatrième classe, sous prétexte qu’il y aurait sinon trop de frondeurs (10 + 15 = 25 centuries) dans l’armée romaine, alors que les sources ne leur accordent pas une grande importance numérique (Veg., Mil., I, 20 : nес erant admodum multi) ; toutefois, ces auteurs négligent le fait que les centuries du système censitaire ne correspondent plus à des unités militaires à partir du moment où fut adoptée la tactique manipulaire ; ils négligent surtout le témoignage des sources : toute l’infanterie légère n’était pas composée uniquement de frondeurs, puisque Polybe décrit les javelots légers qui équipaient les velites, et que Tite-Live et Denys évoquent également ces armes à propos des citoyens de la quatrième classe, alors qu’ils ne parlent des frondes qu’à propos de ceux de la cinquième classe.
98 Liv., I, 43, 6-7 : In quarta classe census quinque et viginti milium, totidem centuriae factae, arma mutata : nihil praeter hastam et verutum datum. Quinta classis aucta ; centuriae triginta factae ; fundas lapidesque missiles hi secum gerebant. Dion. Hal., IV, 17, 1-2 : Ἀφελῶν δὲ πάλιν ἐκ τῶν ὑπολειπομένων τοὺς ἐλάττω πεντακισχιλίων δραχμῶν ἔχοντας οὑσίαν ἄχρι πέντε καὶ εἴκοσι μνῶν, τετάρτην ἐποίησε μοῖραν. διέταξε δὲ καὶ τούτους εἰς εἴκοσι λόχους, καὶ δέκα μὲν ἐποίησε τῶν ἐν ἀκμῇ, δέκα δὲ τῶν ὑπερηλίκων, κατὰ ταὺτὰ τοῖς προτέροις. ὅπλα δὲ φέρειν ἔταξεν αὐτοὺς θυρεοὺς καὶ ξίφη καὶ δόρατα καὶ στάσιν ἔχειν ἐν τοῖς ἀγῶσι τὴν ὐστάτην. τὴν δὲ πέμπτην μοῖραν, οἷς ἐντὸς εἴκοσι καὶ πέντε μνῶν ἄχρι δώδεκα καὶ ἡμίσους μνῶν ὁ βίος ἧν, εἰς τριάκοντα συνέταξε λόχους, διῄρηντο δὲ καὶ οὖτοι καθ’ ἡλικίαν · πεντεκαίδεκα μὲν γὰρ ἐξ αὐτῶν λόχοι τοὺς πρεσβυτέρους εἶχον, πεντεκαίδεκα δὲ τοὺς νεωτέρους, τούτους ἔταξε σαυνία καὶ σφενδόνας ἔχοντας ἔξω τάξεως συστρατεύεσθαι.
99 Pol., VI, 22, 1-4 ; Liv., VIII, 8, 5 : leves autem, qui hastam tantum gaesaque gererent, vocabantur.
100 Liv., VIII, 8, 5-8.
101 Les gèses (lat. gaesa) désignaient des petits javelots en usage chez certains peuples gaulois établis dans les Alpes et dans la région du Rhône (cf. Pol., II, 22, 1 ; Caes., B.G., III, 4, 1 ; Serv., In Verg. Aen.., VII, 664 et VIII, 660) ainsi que chez les Ibères (Ath., Deipn., VI, 27ձ F) ; selon certains auteurs, le javelot gaulois était tout en fer et était pour cette raison appelé grave iaculum par Festus (Paul Fest., p. 88 L.) ; mais le gèse était également donné en récompense au soldat romain qui avait blessé un ennemi au combat (Pol., VI, 39, 3), et que Caton appelle une hasta donatıca (Orat., fr. 18 (n° 8) Malcovati), par ailleurs aussi appelée hasta pura (Plin., N.H., VII, 102 ; Hist. Aug., Prob., V, 1) ; or pour Varron, on l’appelait hasta pura parce que ce javelot était précisément sans fer (fr. 22 P., ap. Serv., In Verg. Aen., VI, 760) : pura hasta, id est sine ferro ; nam hoc fuit praemium apud maiores eius qui tunc primum vicisset in proelio, sicut ait Varro in libris de gente populi Ro-mani ; aussi E. Meyer, “Das römische Manipularheer...”, dans Kleine Schriften, II, p. 251 et n. 3, pense-t-il qu’il s’agissait plutôt d’une sorte d’épieu en bois (« ein hölzerner Schaft »), ce qui conviendrait mieux à l’armement de troupes légères qui devaient disposer d’un équipement peu coûteux ; quoi qu’il en soit, si cette arme a bien une origine celtique, elle pourrait bien avoir été adoptée par l’armée romaine à la suite de ses affrontements avec des troupes gauloises au cours du ive siècle, ce qui fournit un nouveau terminus post quem pour la naissance de l’organisation “servienne” et de l’armée manipulaire. Toutefois, l’interprétation proposée par Varron de l’expression hasta pura, parce que sine ferro, n’est pas assurée et a parfois été rejetée : cf. V. A. Maxfield, The Military Decorations of the Roman Army, Londres, 1981, p. 84-86.
102 Selon H. Delbrück, Geschichte der Kriegskunst, P, Berlin, 1920, p. 302-303, les chiffres étranges donnés par Tite-Live dans sa description de l’armée manipulaire (VIII, 8, 3-18) s’expliqueraient bien s’il s’agissait en fait de l’ordonnance de l’armée pour une revue militaire ou un défilé, plutôt que pour une bataille : au cours d’une parade, les combattants de moindre valeur et les non combattants se placent derrière les combattants, donc après les triarii ; ainsi, un manipule de 60 triarii serait suivi par les vélites des manipules des trois ordres (3 x 40 = 120) et 6 accensi, un par centurie, ce qui donne bien 186 hommes (Liv., VIII, 8, 8). Mais la description d’une revue ou d’un défilé militaire ne s’expliquerait que si Tite-Live ou sa source avaient pu s’inspirer d’une représentation picturale, peut-être triomphale ; or des représentations picturales de ce genre sont attestées par le témoignage de Varron sur les ferentarii représentés dans le temple d’Esculape (De ling. Lat., VII, 57 : Huiuscemodi equites pictos vidi in Aesculapii aede vetere et fe-rentarlos ascriptos) et par la peinture de la tombe des Fabii sur l’Esquilin (cf. en dernier lieu F. Coarelli, dans Storia di Roma, II, 1, 1990, p. 171-177) ; d’après A. Rouveret, dans Guerre et sociétés en Italie, p. 111-117, la description par Tite Live (IX, 40, 1-3) de l’armée samnite au moment de son affrontement avec l’armée commandée par L. Papirius Cursor, en 310 (309), est très proche de la représentation picturale de soldats lucaniens présente dans une tombe paestane de la fin du ive siècle (cf. déjà C. Nicolet, dans MEFR, 74, 1962, p. 505). La description livienne de l’armée manipulaire pourrait bien par conséquent provenir en dernier ressort d’une ancienne peinture triomphale romaine (du triomphe de Papirius Cursor en 310/309 ?). Cf. aussi C. Nicolet, dans MEFR, 74, 1962, p. 503-504 ; B. d’Agostino, “Un scavo in museo : il freggio fittile di Pompei”, dans ALON (ar-cheol), 4, 1982, p. 70-71.
103 La création des velites daterait de 211 et se serait produite au cours du siège de Capoue (encore une fois, la Campanie semble être à l’origine d’une innovation militaire romaine) : Liv., XXVI, 4, 4-10 ; Val. Max., II, 3, 3 ; Frontin., Strat., IV, 7, 29 ; Veg., Mil., III, 16 ; Oros., IV, 18, 10-12. Cf. E. Gabba, dans Athenaeum, 26, 1948, p. 182 et n. 2-3 (= Id., Esercito e società, 1973, p. 12 et n. 30-31) ; mais la valeur de cette information est rejetée par Ed. Meyer, dans Kleine Schriften, II, p. 260-261.
104 Paul. Fest., p. 13 L. : Adscripticii vel, uti quidam, scripti dicebantur, qui supplendis legionibus adscribebantur. Hos et accensos dicebant, quod ad legionum censum essent adscripti. Quidam velatos, quia vestiti inermes sequerentur exerci-tum. Nonnulli ferentarios, quod fundis lapidibusque proeliaturi ea modo ferrent, quae in hostes iacerent. Alii rorarios, quod id genus hominum, antequam acies coirent, in modum rorantis tempestatis dimicaret. Paul. Fest., p. 506 L. : Velati ap-pellabantur vestiti et inermes, qui exercitum sequebantur, quique in mortuorum militum loco substituebantur. Ipsi sunt et ferentarii, qui fundis ac lapidibus pugna-bant, quae tela feruntur, non tenentur. Cato eos ferentarios dixit, qui tela ac po-tiones militibus proeliantibus ministrabant. Varr., De ling. Lat., VII, 56 : Ascriptivi dicti, quod olim ascribebantur inermes armatis militibus qui succederent, si quis eorum deperisset. Varr., De ling. Lat., VII, 58 = Cat., De re milit., fr. 8 J. : Accensos ministratores Cato esse seribit. Varr., De vita pop. Rom. III, fr. 87 Riposati = 403 Salvadore (ap. Non., p. 837 L.) : I quidem ascriptivi, cum erant adtributi decurio-nibus et centurionibus, qui eorum habent numerum, accensi vocabantur. Eosdem etiam quidam vocabant ferentarios, qui depugnabant fundis et lapidibus, his armis, quae ferrentur, non quae tenerentur.
105 Paul. Fest., p. 13 L. ; cf. aussi Paul Fest., p. 17 L. : Accensi (...) dicti ita, quia ad censum adiciebantur.
106 Non., p. 887 L. : Rorarii appellabantur milites qui, antequam congressae essent acies, primo non multis iaculis inibant proelium. Le mot veles ou velites proviendrait de velox, adjectif qui servait à qualifier le rorarius (cf. Lucil., Sat., X, fr. 393 Marx = X, 6 Charpin (ap. Non., p. 887 L.) : pone paludatus stabat rorarius velox ; Ed. Meyer, dans Kleine Schriften, II, p. 260) ; l’armement des vélites est décrit par Polybe (VI, 22, 1-4) et correspond à celui que Tite-Live attribue aux leves milites (VIII, 8, 5 : hastam gaesaque) ainsi qu’aux citoyens de la quatrième classe (I, 43, 6 : hastam et verutum).
107 Paul. Fest., p. 13 L. :...ferentarios, quod fundis lapidibusque proeliaturi ea modo ferrent. Paul Fest., p. 506 L. : Ipsi sunt et ferentarii, qui fundis ac lapidibus pugnabant, quae tela feruntur, non tenentur. Varr., De vita pop. Rom. III, fr. 87 Riposati = 403 Salvadore (ap. Non., p. 837 L.) :...ferentarios, qui depugnabant fundis et lapidibus, his armis, quae ferrentur, non quae tenerentur. Sur l’armement des citoyens de la cinquième classe, cf. Liv., I, 43, 7 ; fundas lapidesque missiles hi secum gerebant. Dion. Hal., IV, 17, 2 : τούτους έταξε σαυνία καί σφενδόνας έχοντας εξω τάξεως συστρατεύεσθαι ; chez Denys, σαυνίον traduit probablement verutum, comme chez Diodore, V, 30, 4 (cf. Ch. Saulnier, L’armée et la guerre, p. 134, n. 67) : manifestement, Denys attribue aux citoyens de la cinquième classe deux types d’armement différents, qui sont incompatibles entre eux (un même combattant ne manipulera pas en même temps une paire de javelots et une fronde avec des pierres), et qui doivent correspondre à l’armement de deux types différents de combattants légers ; cette confusion s’explique par le fait que Denys attribue de façon erronée le scutum, donc un armement lourd, également aux citoyens de la quatrième classe.
108 Les accensi étaient considérés par Tite-Live comme des éléments militairement peu sûrs : Liv., VIII, 8, 8 : tertium <vexillum> accensos <ducebat>, mini-mae fiduciae manum : eo et in postremam aciem reiciebantur. Sur leurs fonctions d’ordonnance : cf. Varr., De ling. Lat., VII, 58 = Cat., De re milit., fr. 8 J. : Accensos ministratores Cato esse scribit ; Fest., p. 216 L. : Optio qui nunc dicitur, antea ap-pellabatur accensus. Is adiutor dabatur centurioni a tribuno militum. Qui ex eo tempore, <quo optare> quem velint centurionibus permissum est, etiam nomen ex facto sortitus est ; Paul. Fest., p. 201 L. : Optio est optatio, sed in re militari optio appellatur is, quem decurio aut centurio optat sibi rerum privatarum ministrum, quo facilius obeat publica officia. L’accensus velatus est d’abord un citoyen sans armes (inermis) et vêtu du velum, c’est-à-dire sans le sagum militaire : cf. Paul. Fest., p. 506 L. : Velati appellabantur vestiti et inermes (...) ; Ed. Meyer, dans Kleine Schriften, II, p. 255-258 ; voir surtout l’étude détaillée de P. Fraccaro, “Accensi”, dans Opuscula, II, p. 315-325.
109 Sur le nombre invariable de 193 centuries, cf. Th. Mommsen, Le droit public, VI, 1, p. 319, n. 2 ; P. Fraccaro, dans Opuscula, II, p. 316-318 ; L. R. Taylor, Roman Voting Assemblies, p. 84-85.
110 Cic., De Rep., II, 39-40 ; quatre pages manquent dans le palimpseste du Vatican précisément au moment où Scipion Emilien allait évoquer les accensi, les lіticines (ou tubicines), les cornicines et les proletarii, mais l’ordre d’énumération a fait supposer qu’il s’agissait des quatre dernières centuries composées d’hommes sans armes : cf. P. Fraccaro, dans Opuscula, II, p. 316 ; d’ailleurs, le calcul auquel se livre Cicéron ne laisse pas d’autre possibilité : en bon connaisseur des pratiques électorales aux comices, Cicéron savait que la majorité s’obtenait à partir de la 97e centurie, d’où son calcul : en additionnant les centuries équestres, celles de la première classe et une centurie de fabri, il obtient 89 centuries : il lui en reste 104 (89 + 104 font bien 193) ; ces 104 centuries ne peuvent que se répartir de la façon suivante : 100 centuries réparties entre les classes II, III, IV et V (après la réforme du iiie siècle et la réduction du nombre de centuries de 80 à 70 pour la première classe, nous ne savons pas comment furent réparties les 10 centuries restantes) et 4 centuries d’inermes.
111 Liv., I, 43, 7 ; c’est en tout cas le nombre de centuries qui figure dans tous les manuscrits, mais qui est généralement corrigé et remplacé par le chiffre deux, afin de respecter le total de 193 centuries : ainsi dans l’édition de J. Bayet, éd. de Tite-Live, Histoire romaine, Livre I, t. I, Paris (C.U.F.), 1940, p. 70, où l’apparat critique indique : « duas Sigon. (ex Dion. Hal., IV, 17, 3) : tres codd.».
112 Dion. Hal., IV, 17, 3 (deux centuries de fabri et deux centuries de musiciens) ; IV, 18, 2-3 et VII, 59, 6 (une centurie de prolétaires).
113 Cette souplesse avait déjà été soulignée par C. Nicolet, L’ordre équestre, 1, p. 22, qui remarquait que la loi électorale de 5 ap. J.-C, la lex Valeria Cornelia, dont le texte est partiellement reproduit sur la Tabula Hebana, montre que l’on avait recours à toutes sortes « de manipulations et de regroupements d’unités de vote nouvelles, afin de ne pas excéder le total antérieur <de 193 centuries>».
114 Malgré les efforts de G. V. Sumner et de С. Letta, il semble bien qu’en calculant le nombre de voix nécessaires pour obtenir la majorité aux comices, Cicéron ait eu à l’esprit le système qui existait de son temps et qui ne comprenait plus que 70 centuries pour la première classe : sa description n’est donc valable qu’à partir de la réforme qu’a connue l’organisation centuriate dans la deuxième moitié du iiie siècle, lorsque le nombre de centuries de la première classe a été aligné sur celui des 35 tribus (donc à partir de 241) : cf. G. V. Sumner, dans AJPh, 81, 1960, p. 136-156 ; Id., dans Athenaeum, 40, 1962, p. 37-83 ; Id., dans Historia, 1964, p. 125-128 ; C. Letta, dans SCO, 27, 1977, p. 193-282 (cf. supra p. 283, n. 48).
115 C’est le principal argument de P. Fraccaro (dans Opuscula, II, p. 316-319) pour donner la préférence au témoignage de Cicéron, tout en négligeant qu’il s’agit d’un témoignage très “actualisé”, qui ne correspond pas forcément à l’organisation centuriate originelle, et que celle-ci n’a pas nécessairement été un modèle immuable depuis ses origines jusqu’à Cicéron.
116 P. Fraccaro, dans Opuscula, II, p. 323, reconnaît que le mot accensus devait avoir à l’origine un rapport avec le census. E. De Ruggiero, Dizionario epigrafico di Antichità romane, I, Rome, 1895, p. 18, et W. Kubitschek, s.v. Accensi, dans R.E., I, 1, 1893, col. 137, pensent que la phrase de Festus (Paul. Fest., p. 13 L.) : ad legionum censum essent adscripti, désigne « le cens des citoyens qualifiés pour servir dans les légions», et que les accensi seraient par conséquent des citoyens d’un cens inférieur à celui de la cinquième classe qui auraient été rajoutés au nombre des légionnaires en étant choisis parmi les prolétaires. Mais le texte de Cicéron qui est invoqué (De Rep., II, 40) ne permet absolument pas cette dernière interprétation, dans la mesure où les accensi n’y sont pas assimilés aux proletarii, puisque les deux groupes constituent chacun une centurie distincte ; de même chez Tite-Live, où les accensi et les prolétaires sont clairement répartis en deux centuries distinctes ; et l’introduction de critères censitaires à l’intérieur du groupe des proletaru pour permettre à des citoyens un peu moins pauvres, mais n’atteignant pas le cens minimum de la cinquième classe, de faire partie d’une centurie “surnuméraire” rattachée à la dernière classe, n’est au mieux qu’une invention tardive ; cette dernière hypothèse s’appuie sur les données très controversées des chiffres du cens de la dernière classe fournis par les sources (et qui concernent en réalité des époques différentes, au cours desquelles sont intervenues les dévaluations successives de la monnaie de bronze et sans doute aussi des chiffres du cens : voir infra p. 342-343).
117 Paul. Fest., p. 13 L. : (voir supra p. 301 n. 104) ; Paul Fest., p. 17 L. (voir supra p. 302 n. 105) ; Varr., De vita pop. Rom. III, fr. 87 Riposati = 403 Salvadore (ap. Non., p. 837 L.) (voir supra p. 301 n. 104).
118 Accensus est un substantif formé à partir du participe à’accenseo [ad + censeo] (“Aecenser avec”, “ajouter au cens de”, “mettre au nombre des recensés”) qui n’est guère utlisé que sous cette forme : A. Ernout et A. Meillet, Dictionnaire étymologique de la langue latine, p. 112 ; mais seul le dictionnaire de F. Gaffiot donne comme premier sens (a) : « primit, désigne la cinquième classe créée par Servius Tullius ».
119 Fest., p. 308 L. : Quin]tanam ciassem [dicebant adcensos, quia Servius] rex distribut [is centuriis in classes, quas quinque] fecit, cum eas ord[inaret, quintae oh eam cau]sam de capite [censis adcensos adiecit, ut qui] nihil praeter se h[abebant atmatos sequerentur. Lu]cilius sic meminit : « quod... adeptus». («On appelle cinquième classe les accensi, parce que le roi Servius <Tullius> avait réparti les centuries en classes, dont il fit cinq, et comme il les avait organisées, il ajouta pour cette raison à la cinquième les accensi à partir des capite censi, afin que ceux-ci, qui n’avaient rien en-dehors d’eux, suivissent les hommes armés. Lucilius se souvient ainsi : « parce que... ayant acquis ». ») ; cf. Th. Mommsen, Die römischen Tribus, p. 120 ; Id., Le droit public, VI, 1, p. 323, n. 5 ; il s’agirait dès lors d’un nouveau fragment des Commentant Ser. Tullii : C. Nicolet, “La réforme des comices de 179 av. J.-C”, dans RD, 39, 1961, p. 346, n. 12.
120 Le rôle de l’infanterie légère aux côtés de la phalange ne se généralise dans le monde grec qu’au ive siècle, en liaison avec de nouvelles techniques de combat : F. Chamoux, La civilisation grecque à l’époque archaïque et classique, Paris, 1963, p. 149-152 ; J. G. P. Best, Thracian peltasts and their influence on Greek Warfare, Groningen, 1969 ; Y. Garlan, La guerre dans l’Antiquité, p. 108-110 ; P. Ducrey, Guerre et guerriers dans la Grèce antique, Paris, 1985, p. 110-112 ; F. Lissa-rague, L’autre guerrier, archers, peitastes, cavaliers dans l’imagerie antique, Paris-Rome, 1990.
121 Voir supra p. 281-282.
122 Voir supra p. 275-277.
123 Cf. C. G. Starr, The Beginnings of Imperial Rome, passim, et en part. p. 15-40 ; T. J. Cornell, The Beginnings of Rome, p. 380-398 ; E. Gabba, dans Roma tra oligarchia e democrazia, p. 49-51.
124 Ainsi К. A. Raaflaub, “Stages in the Conflict of the Orders”, dans Id. éd., Social Struggles in Archaic Rome, 1986, p. 209 : « the well-known complicated five-class system emerged after several changes only in the fourth or early third Century » ; С. Nicolet, “L’idéologie du système centuriate”, dans La filosofia greca e il diritto romano, 1976, p. 134 : « dès la censure d’Appius Claudius Caecus (...) <le système servien> fonctionnait à peu près comme Denys, Cicéron et Tite-Live le prétendent».
125 La bibliographie sur les débuts du monnayage romain est immense et nous n’en donnons ici qu’un bref aperçu, limité à l’essentiel : R. Thomsen, Early Roman Coinage. A Study of the Chronology, III, Synthesis II, Copenhague, 1961, p. 172-178 ; Id., « From librai « aes grave » to uncial « aes » reduction”, dans Les « dévaluations » à Rome. Epoque républicaine et impériale (Rome, 13-15 novembre 1975), 1, Rome (C.E.F., 37/1), 1978, p. 9-22 ; suivi par H. Zehnacker, Moneta. Recherches sur l’organisation et l’art des émissions monétaires de la République romaine (289-31 av. J.-C), I, Rome, 1973, p. 197-243 ; ces deux auteurs plaçaient les débuts du monnayage du bronze à Rome au début du iiie siècle, vers 289 (avec la création des triumviri monetales). Cette chronologie a été progressivement revue à la hausse, et est désormais stabilisée vers la fin du ive siècle : M. H. Crawford, “The early Roman economy”, dans Mélanges J. Heurgon, I, Rome, 1976, p. 197-207 ; Id., La moneta in Grecia e a Roma, Rome-Bari, 1982, p. 98-99 ; Id., Coinage and Money under the Roman Republic, Londres, 1985, p. 17-51 ; F. De Martino, Storia economica di Roma antica, Florence, 1980, p. 45-57 (avec ample bibliographie) ; P. Lévêque, “La genèse et les premières réductions du monnayage romain”, dans Les « dévaluations » à Rome. Epoque républicaine et impériale (Gdansk, 19-21 octobre 1978), 2, Rome (C.E.F., 37/2), 1980, p. 3-29 ; M. Caccamo Caltabiano, “La serie Ῥωμαίων e la cronologia delle prime emissioni bronzee di Neapolis”, dans RSA, 11, 1981, p. 35-52 ; A. Burnett, “The coinages of Rome and Magna Grecia in the late fourth and third centuries B.C.”, dans SNR, 56, 1977, p. 92-121 ; Id., La numismatique romaine de la Répulique au Haut-Empire, Paris, 1988, p. 5-22 ; Id., “The Beginnings of Roman Coinage”, dans AIIN, 36, 1989, p. 33-64 ; P. Marchetti, dans Actes du XIe Congrès International de Numismatique (Bruxelles, 8-13 septembre 1991), II, Louvain-la-Neuve, 1993, p. 99-108 ; Id., dans CCG, 4, 1993, p. 25-65.
126 Voir à ce sujet les remarques pleines de bon sens de G. Piéri, L’histoire du cens, p. 47-55. De même H. Zehnacker, “Rome : une société archaïque au contact de la monnaie (vie-ive siècle)”, dans Crise et transformation des sociétés archaïques de l’Italie antique au ve siècle av. J.-C, Rome (C.E.F. 137), 1990, p. 312 : « la notion de census implique l’évaluation et la déclaration des fortunes par leurs détenteurs ; cette opération n’est possible que si tous les biens étaient réductibles à un dénominateur commun, l’unité de compte constituée par la livre de bronze».
127 Tim., dans F.Gr.Hist., 566 F 61 (ap. Plin., N.H., XXXIII, 43) : Servius rex primus signavit aes ; antea rudi usos Romae Timaeus tradit. Cf. Plin., N.H., XVIII, 12 : Servius rex ovium boumque effigie primum aes signavit. Varr., Annales, fr. 1 P. (ap. Charis., Ars gram., p. 133-134 Barwick-Kühnert) : Idem [sc. Varro] in annali [ou : III annali] : « nummum argenteum fiatum primum a Servio Tullio dicunt. Is IIII scripulis maior fuit quam nunc <est>». Cassiod., Var., VII, 32, 4 : Proinde te (...) monetae curam habere praecipimus, quam Servius rex in aere primum in-pressisse perhibetur. Auct. De vir. ill., 7, 8 : <Servius Tullius> mensuras, pondera classes centuriasque constituit. G. Nenci, “Considerazioni sulla storia della monetazione romana in Plinio (Nat. Hist., XXXIII, 42-47)”, dans Athenaeum, n.s. 46, 1968, p. 18-22, pensait que Varron a servi d’intermédiaire entre Timée et Pline. Mais A. Alföldi, “Timaios’ Bericht über die Anfänge der Geldprägung in Rom”, dans MDAI(R), 68, 1961, p. 64-79, estimait que la notice plinienne remontant à Timée et attribuant la création de la monnaie à Servius Tullius était privée de tout fondement historique ; de même R. Thomsen, King Servius Tullius, p. 203-206 ; M. H. Crawford, Roman Republican Coinage, I, p. 36-37 ; J. Poucet, Les Rois de Rome, p. 302-305, remarque d’ailleurs que « strictement interprété, ce passage ne met sous la garantie de Timée que la notice sur l’utilisation de l’aes rude dans la Rome préservienne ».
128 P. Orlandini, “Lo scavo del thesmophorion di Bitalemi e il culto delle divinità ctonie a Gela”, dans Kokalos, 12, 1966, p. 25 ; Id., “Gela. Depositi votivi di bronzo premonetale nel santuario di Demetra Thesmophoros a Bitelami”, dans AIIN, 12-14, 1965-67, p. 1-20 ; L. Breglia, “A proposito dell’« aes signatum »”, dans AIIN, 12-14, 1965-67, p. 269-275 ; M. H. Crawford, Coinage and Money, p. 3-6.
129 Voir surtout E. Peruzzi, Money in Early Rome, Florence, 1985, p. 229-245 (qui avertit toutefois le lecteur dès sa préface qu’il écarte d’emblée le témoignage de l’archéologie, pour ne privilégier que les sources littéraires) ; H. Zehnacker, dans Crise et transformation des sociétés archaïques, p. 311-313 (cf. p. 313 : « Nous estimons donc que la genèse d’une hiérarchie timocratique fondée sur un système paléomonétaire peut être l’œuvre d’un turannos ayant régné à Rome au vie siècle».) ; L. Pedroni, Ricerche sulla prima monetazione di Roma, Naples, 1993, p. 57-70 ; Id., “Censo, moneta e « rivoluzione della plebe »”, dans MEFRA, 107, 1995, 1, p. 198-201 ; F. Catalli, Monete dell’Italia antica, Rome, 1995, p. 82-83.
130 Il est possible en effet que l’adoption d’une unité de poids commune à toute la cité, la livre de bronze appelée as (aes librale), date du règne de Servius Tullius (578-534) : C. Ampolo, “Servius rex primus signavit aes”, dans PP, 29, 1974, p. 382-388 ; Id., dans Storia di Roma, I, 1988, p. 227-228 ; M. H. Crawford, dans Mélanges J. Heurgon, I, p. 200-201 ; Id., Coinage and Money, p. 17-21 ; S. Balbi de Caro, La moneta a Roma e in Italia, I, Roma e la moneta, Milan, 1993, p. 27-32.
131 Cf. M. H. Crawford, Roman Republican Coinage, I, p. 37 ; Id., Coinage and Money, p. 6, n. 4, note : « It is wearisome to the soul to have to go on saying that Pliny, NH xxxiii, 43, ‘Servius rex primus signavit aes’, refers to the striking of coinage and that the Bitalemi find has nothing whatever to do with this particular fantasy of Pliny » ; cf. ibid., p. 22 : «... ancient authors from Timaeus onwards believed that a complex division of the people into property classes defined in monetary terms formed the basis of army recruitment and political organisation from the time of Servius Tullius. I find this implausible...» Voir aussi J. Poucet, Les Rois de Rome, p. 302-305, qui propose une critique “méthodique” du texte de Pline sur les débuts du monnayage romain, et remet en cause la “preuve” ou la “confirmation” qu’apporteraient les dépôts votifs découverts en Sicile (Bitalemi, Granmichele).
132 Le mot qui servait à désigner la livre de bronze, aes, ainsi que le verbe peser, pendere, « ont joué un rôle important dans la constitution du vocabulaire latin de la monnaie » ; H. Zehnacker, dans Crise et transformation des sociétés archaïques, p. 311 ; cf. Varr., De ling. Lat., V, 182-183 ; Plin., N.H., XXXIII, 42-44 ; Isid., Etym., XVI, 18, 8.
133 Le terme aes signatum est une expression commode inventée par les Mo demes à partir du passage de Pline sur l’invention de la monnaie par Servius Tullius (Servius rex primus signavit aes... signatum est nota pecudum) pour désigner les différentes sortes de lingots ou de barres de bronze datant du milieu du vie au début du iiie siècle : R. Thomsen, Early Roman Coinage, III, p. 186-187 ; mais c’est aussi la raison pour laquelle M. H. Crawford, Coinage and Money, p. vii, annonce dans sa préface qu’il n’utilisera pas les termes aes signatum et aes grave.
134 Les témoignages des Anciens sont en réalité contradictoires et difficiles à interpréter : la lex Aternia Tarpeia de 454 et la lex Menenia Sextia de 452 auraient établi le montant de la suprema multa en têtes de bétail selon Cicéron (De Rep., II, 60) et Denys d’Halicarnasse (X, 50, 2), ou les auraient converties en livres de bronze selon Aulu-Gelle (N.A., XI, 1, 2) et Festus (Paul. Fest., p. 129 L. ; Fest., p. 220 L. ; p. 268 L.) ; à moins qu’ils n’aient fait une confusion avec la lex Papiria Iulia de 430 qui aurait fixé la suprema multa à 3020 as, à raison d’un mouton pour 10 as et d’un bœuf pour 100 as (Cic, De Rep., II, 60 ; Liv., IV, 30, 3 ; Fest., s.v. Ovibus duabus, p. 220 L.) ; à cette dernière version se rattache peut-être la tradition sur la représentation de bœufs et de moutons sur les premières monnaies frappées par Servius Tullius (Plin., N.H., XVIII, 12). Cf. G. Rotondi, Leges Publi-cae, p. 200 et p. 211-212 ; M. H. Crawford, dans Mélanges J. Heurgon, I, p. 200-201 ; Id., Coinage and Money, p. 19-20, qui souligne qu’il lui paraît incroyable qu’on payât encore les amendes à Rome au ve siècle sous forme de bétail comme dans le monde homérique, et rappelle qu’une loi des XII Tables prévoyait d’autre part une amende de 25 unités de bronze pour iniuria (XII Tab., VIII, 3-4 = F.I-.R.A., F, p. 53-54 ; Fest., p. 508, 14 L. ; Gaius, III, 223) ; E. Peruzzi, Money in Early Rome, p. 187-206. Sur l’origine du mot pecunia : cf. Varr., De ling. Lat., V, 92 : Pe-cuniosus a pecunia magna, pecunia a pecu : a pastoribus enim horum vocabulo-rum origo ; Paul. Fest., p. 21 L., s.v. Abgregare : (...) Quorum verborum frequens usus non mirum si ex pecoribus pendet, cum apud antiquos opes et patrimonia ex his praecipue constiterint, ut adhuc etiam pecunias et peculia dicimus ; Ovid., Fast., V, 280-281 ; Col., Rust., VI, praef. 4. Cf. F. Gnoli, “Di una recente ipotesi sui rapporti tra pecus, pecunia, peculium”, dans SDHI, 44, 1978, p. 204-218.
135 Cf. M. H. Crawford, Roman Republican Coinage, I, p. 20-21 ; E. Peruzzi, Money in Early Rome, p. 13-38 ; A. Magdelain, « Le ius archaïque", dans MEFRA, 98, 1986, p. 287-296, qui souligne pour finir que ce type de prêt disparaît vers la fin du ive siècle, approximativement à l’époque où va entrer en circulation la monnaie comptée (et non plus seulement pesée).
136 Cf. H. Zehnacker, dans Crise et transformation des sociétés archaïques, p. 312-315 ; S. Balbi de Caro, Roma e la moneta, p. 33-38. Voir le dépôt votif trouvé à Vicarello, près de Bracciano, actuellement partagé entre la section numismatique du Museo Nazionale Romano au Palazzo Massimo à Rome et le Cabinet des Médailles du Vatican, et qui présente une série impressionnante de pièces de bronze prémonétaires (aes rude et lingots) datées à partir du ve siècle av. J.-C. : cf. F. Panvini Rosati, L. Michelini Tocci et A. M. Coloni, dans RPAA, 40, 1967-68, p. 35-81.
137 Cf. P. E. Huschke, Die Verfassung des Königs Servius Tullius als Grundlage zu einer römischen Verfassungsgeschichte, Heidelberg, 1838, p. 164 ; Th. Mommsen, Le droit public, VI, 1, p. 279-282 ; B. Kübler, s.v. Classis, dans R.E., III, 2, 1899, col. 2631 ; P. De Francisci, Storia del diritto romano, I2, p. 226 ; K. J. Beloch, Römische Geschichte, p. 223-224 ; E. Meyer, Römischer Staat und Staatsgedanke, p. 53 ; V. Arangio Ruiz, Storia del diritto romano, 1950, p. 37-38 ; U. von Lübtow, Das römische Volk, p. 79 ; A. Guarino, Storia del diritto romano, Naples, 19755, p. 194.
138 G. Piéri, L’histoire du cens, p. 50-51 ; cf. aussi G. De Sanctis, Storia dei Romani, II, p. 109 ; L. Clerici, Economia e finanza dei Romani, Bologne, 1943, p. 365 ; E. Gabba, dans Athenaeum, n.s. 49, 1961, p. 117.
139 Col, Rust., I, 3, 10 : Ideoque post reges exactos illa septena iugera, quae plebi, tribunus viritim diviserat (...) Plin., N.H., XVIII, 18 : (...) septem iugera (...) Haec autem mensura plebei post exactos reges adsignata est. Liv., V, 30, 8 : Adeoque ea victoria laeta patribus fuit, ut postero die referentibus consulibus senatus consultum fieret ut agri Veientani septena iugera plebi dividerentur, ‘nec patribus familiae tantum, sed ut omnium in domo liberorum capitum ratio haberetur, vellentque in eam spem liberos tollere’. Val. Max., IV, 3, 5 : Decretis etiam a senatu septenis iugeribus agri populo, sibi autem quinquaginta, popularis adsignationis modum non excessit, раrum idoneum rei publicae civem existimans qui eo quod re-liquis tribueretur contentus non esset. D’après Columelle, qui s’inspire probablement de Licinius Macer, l’assignation de parcelles de 7 jugères remontait au tribun de la plèbe C. Licinius en 493 ; mais on retrouve les mêmes dimensions au moment de la répartition du territoire de Véies, qui a donné lieu ensuite, en 367, à la première loi de modo agrorum proposée par le tribun C. Licinius Stolo ; enfin, en 145, le tribun C. Licinius Crassus semble avoir fait un jeu de mots délibéré en évoquant probablement lui-même les septem iugera forensia (Varr., Res rust., I, 2, 9) : cf. F. De Martino, “Riforme del iv secolo a.C”, dans BI DR, 17, 1975, p. 33-35 ; J. Heurgon, éd. de Varron, L’économie rurale, t. I, Livre I, Paris (C.U.F.), 1978, p. 108-109 ; A. Burdese, dans Roma tra oligarchia e democrazia, p. 63-64. L. Capo-grossi Colognesi, dans Storia di Roma, I, p. 289, estime que les septem iugera distribués à la plèbe dans l’ager Veientanus devinrent un nouveau modèle de propriété foncière qui correspondait à celui de “la petite propriété paysanne autosuffisante” et suggère que les dimensions de cette superficie aient été codifiées en 367 par la lex Licinia de modo agrorum : il n’est donc pas impossible que ces 7 jugères devinrent alors un seuil plancher dans l’organisation censitaire de la cité. Enfin E. Cavaignac, “Peut-on reconstituer l’échelle des fortunes dans la Rome républicaine ?”, dans Annales E.S.C., 1, 1929, p. 483, estimait déjà que « le chiffre de 7 jugera était nécessaire pour qualifier le légionnaire, au moins le légionnaire lourdement armé, hastat, prince ou triaire».
140 Nous suivons ainsi les conclusions auxquelles sont arrivés : F. Altheim, Römische Geschichte, II, Bis zum latiner Frieden, 338 v. Chr., Amsterdam-Leipzig, 19534, p. 166-167 ; G. Piéri, L’histoire du cens, p. 58-75 (cf. p. 75 : « le recensement primitif était un recensement de guerriers») ; R. Thomsen, King Servius Tullius, p. 207-210 (cf. p. 210 : « the census in the time of Servius Tullius only had the military purpose of establishing the classis») ; de même T. J. Cornell, The Beginnings of Rome, p. 183-186 ; J. Poucet, Les Rois de Rome, p. 218-223.
141 Varr., De ling. Lat., VI, 86 : Nunc primum ponam <e> Censoriis Tabulis : Ubi noctu in templum censor auspicaverit atque de caelo nuntium erit, praeconi sic imperato ut viros vocet : « Quod bonum fortunatum felix salutareque siet populo Romano Quiritibus reique publicae populi Romani Quiritium mihique collegaeque meo, fidei magistratuique nostro, omnes Quirites, <equites>, pedites, armatos pri-vatosque, curatores omnium tribuum, si quis pro se sive pro altero rationem dari volet, voca inlicium һuс ad me ».
142 Varr., De ling. Lat., V, 81 : Censor ad cuius censionem, id est arbitrium, censeretur populus. Varr., Ant. rer. hum., XX, fr. 11 Mirsch (ap. Non., p. 836 L.) : quod verbum censeo et arbitror idem poterat ас valebat. Varr., De vita pop. Rom. II, fr. 69 Riposati = 384 Salvadore (ap. Non., p. 836 L.) : itaque quod hos arbitros ins-tituerunt populi, censores appellarunt : idem enim valet censere et arbitrari. Paul. Fest., p. 47 L. : Censere nunc significat putare, nunc suadere, nunc decernere. Paul. Fest., p. 51 L. : Censores dicti, quod rem suam quisque tanti aestimare solitus sit, quantum Uli censuerint. Non., p. 836 L. : Censere et arbitrari veteres cognatione quadam socia ac similia verba esse voluerunt. Non., p. 408 L. : Censere significat existimare, arbitrari. Sur 1 etymologie du mot census, cf. Th. Mommsen, Le droit public, IV, p. 1-2 et n. 1 ; A. Ernout et A. Meillet, Dictionnaire étymologique de la langue latine, s.v. Censeo, p. 112-113.
143 G. Dumézil, Servius et la Fortune, Paris, 1943, p. 85-89 et p. 188 ; Id., Idées romaines, Paris, 1969, p. 103-108 ; cf. G. Piéri, L’histoire du cens, p. 55-58.
144 G. Dumézil, Servius et la Fortune, Paris, 1943, p. 188.
145 C. Nicolet, Le métier de citoyen, p. 73.
146 G. Piéri, L’histoire du cens, p. 59-60.
147 C’est précisément ce que suggère un lemme de Festus, p. 320 L. : s.v. Rodus, vel raudus : (...) In aestimatione censoria aes infectum rudus appellatar.
148 J. Poucet, Les Rois de Rome, p. 223.
149 Ainsi D. Kienast, dans BJ, 175, 1975, p. 98 ; G. Piéri, L’histoire du cens, p. 129, en avait déjà eu l’intuition : « La création de la censure pourrait donc être le signe d’une modification et d’un perfectionnement de l’opération du census dérivant précisément de l’évolution de l’organisation centuriate ».
150 C. Nicolet, L’ordre équestre, I, p. 18 ; cf. déjà E. Cavaignac, « L’as et les comices par centuries", dans JS, 1911, p. 253 : « Quant aux chiffres du cens, ils ne peuvent guère remonter plus haut que l’introduction de la monnaie proprement dite (vers 340). À notre avis, il faut même reporter l’établissement des tarifs qui nous sont donnés (sauf peut-être pour la première classe) à l’époque de la censure d’Appius Claudius Caecus (vers 310) ».
151 R. Thomsen, Early Roman Coinage. A Study of the Chronology, I, The evidence, Copenhague, 1957, p. 56-57, fig. 26-33 ; H. Zehnacker, Moneta, I, p. 204-222 ; cf. dernièrement les deux études de M. Bar, “A propos du poids des plaques d’aes signatum, de leur nature et de leur fonction”, dans RIN, 95, 1993, p. 277-286 ; et d’A. G. Fusi-Rossetti, “Moneta e non moneta : l’aes signatum e і multipli”, dans RIN, 96, 1994-1995, p. 19-36.
152 La coulée verticale et en arborescence se pratiquait régulièrement pour l’aes grave, pour lequel on а retrouvé plusieurs de ces arborescences : cf. M. Bar, dans RIN, 95, 1993, p. 283-285, et fig. 2-3.
153 A. G. Fusi-Rossetti, dans RIN, 96, 1994-1995, p. 20-22.
154 R. Thomsen, Early Roman Coinage, I, p. 56-57, fig. 26-33 ; H. Zehnacker, Moneta, I, p. 219 ; A. G. Fusi-Rossetti, dans RIN, 96, 1994-1995, p. 20-23.
155 R. Thomsen, Early Roman Coinage, I, p. 55-59 ; M. Bar, dans RIN, 95, 1993, p. 282-286 ; A.G. Fusi-Rossetti, dans RIN, 96, 1994-1995, p. 21 ; Panvini-Rosati, dans AUN, Suppl. 5, 1977, p. 214 ; A. Burnett, La numismatique romaine, p. 11 ; L. Pedroni, Ricerche sulla prima monetazione di Roma, p. 121-138 ; Id., dans MEFRA, 107, 1995, 1, p. 205-211 ; Id., Nuove ricerche sulla prima monetazione di Roma, Naples, 1996, p. 42-43 ; P. Marchetti estime que les pièces de bronze coulées qui sont parvenues jusqu’à nous ont dû perdre de 10 à 20 % de leur poids d’origine par l’usure et la corrosion du métal : Id., “Numismatique antique. Problèmes et méthodes”, dans Actes du Colloque de Nancy (1971), 1975, p. 77-88 ; Id., dans Les dévaluations à Rome, 1, 1978, p. 23-27.
156 On connaît actuellement onze variétés de lingots qui présentent au total vingt effigies différentes : cf. les études de R. Thomsen, Early Roman Coinage, I, p. 55-59 et fig. 29-36 ; Id., op. cit., III, p. 143-147 et p. 179-200 ; H. Zehnacker, Moneta, I, p. 208-218.
157 L. Pedroni, Ricerche sulla prima monetazione di Roma, p. 110-121 et tabl. 4, p. 120 ; dateraient ainsi de la censure d’Appius Claudius l’exemplaire figurant une massue et une arête de poisson, qui évoquerait la réforme du culte d’Hercule à l’Ara Maxima, ainsi que celui figurant un coq et des rostres de navire, qui évoquerait l’institution des duoviri navales en 311 et le “Patto del Gallo” ( ?) passé entre Rome et Naples en 310, pour renouveler le foedus de 326.
158 A. Alföldi, dans MDAI(R), 68, 1961, p. 72 ; Id., Early Rome, p. 271-272 ; H. Zehnacker, Moneta, I, p. 215-216 ; cf. un texte d’Élien (Nat. Anim., I, 38), qui rapporte que les éléphants ont peur du grognement des cochons, et que grâce à ce moyen les Romains mirent en fuite les éléphants de Pyrrhus.
159 H. Zehnacker, Moneta, I, p. 210.
160 Cf. R. Thomsen, Early Roman Coinage, I, p. 59-88 ; Id., Early Roman Coinage, III, p. 49-54 ; H. Zehnacker, Moneta, I, p. 222-243 et p. 269-281.
161 Plin., N.H., XXXIII, 42 : libralis adpendebatur assis. Varr., De ling. Lat., V, 169 : as ab aere ; dupondius ab duobus ponderibus, quod unum pondus assipon-dium dicebatur ; id ideo quod as erat libra pondo ; V, 174 :... libram pondo as vale-bat ; V, 182 : Hoc ipsum stipendium a stipe dictum, quod aes quoque stipem dice-bant : nam quod asses libras pondo erant. Cf. R. Thomsen, Early Roman Coinage, I, p. 19-20.
162 Varr., Res rust., I, 10, 2 : (...) habet iugerum scripula CCLXXXVIII, quantum as antiquos noster ante bellum Punicum pendebat. R. Thomsen, Early Roman Coinage, I, p. 32 ; Id., Early Roman Coinage, III, p. 172-178 ; Id., dans Les « dévaluations » à Rome, 1, 1978, p. 9 et p. 17 ; mais R. Thomsen s’appuie sur le fragile témoignage de Pomponius dans le Digeste, I, 2, 2, 30, dans lequel l’auteur énumère rapidement les principales magistratures qui composaient le vingitivirat et qui survivaient encore sous l’Empire, pour fixer la date de la création des triumviri monetales en 289 : Constituti sunt eodem tempore et quattuorviri qui curam via-rum agerent, et triumviri monetales aeris argenti auri fiatores, et triumviri capitales qui carceris custodiam haberent, ut cum animadverti oporteret interventu eorum fieret. Or seule la création des triumviri capitales est connue avec certitude pour cette année-là : il est donc périlleux de tirer argument de ce passage qu’à partir de 289, Rome possède un atelier monétaire et de faire partir de cette année-là les débuts du monnayage romain : cf. M. H. Crawford, Roman Republican Coinage, II, p. 598-602 (qui estime que cette fonction n’est pas apparue avant la création du denier) ; M. Amandry, “Le témoignage de Pomponius et la date de la création des triumviri monetales”, dans RBN, 122, 1976, p. 59-63 ; P. Marchetti, dans Actes du xie Congrès International de Numismatique, p. 101-102 ; on peut rajouter qu’en 289, l’atelier de Rome ne frappait encore ni l’or, ni l’argent, et que par conséquent la fonction de IIIvir A. A. A. F. est alors anachronique. Toutefois, S. Balbi de Caro, Roma e la moneta, p. 44-45, s’appuie sur le témoignage de la Souda (s.v. Νόμισμα), qui place la création du premier atelier monétaire romain « pendant la guerre contre Pyrrhus et les Tarentins», pour accepter le témoignage de Pompo-nius sur la création des triumviri monetales dès 289.
163 288 scrupules font un poids d’environ 327 gr., ce qui correspond approximativement aux poids de la série Janus / Mercure ; mais la plupart des exemplaires conservés pèsent soit plus, soit moins : la série lourde Apollon / Apollon et la série Dioscure / Apollon pèsent 300 scr. (341,10 gr.), alors que les séries Roma / Roma, les séries à la Roue, les séries légères Janus / Mercure et Apollon / Apollon et enfin les séries à la Proue pèsent de 250 à 240 scr. : R. Thomsen, Early Roman Coinage, III, p. 51 ; Id., dans Les « dévaluations » à Rome, 1, 1978, p. 12-13.
164 E. A. Sydenham, Aes grave. A study of the cast coinages of Rome and Central Italy, Londres, 1926, p. 25 ; H. Zehnacker, Moneta, I, p. 271-275.
165 R. Thomsen, Early Roman Coinage, III, p. 172-178 et p. 219-223 ; H. Zeh-nacker, Moneta, I, p. 197-243. Voir supra n. 162.
166 R. Thomsen, dans Les dévaluations à Rome, 1, 1978, p. 19 ; mais dans Early Roman Coinage, III, p. 232, R. Thomsen avouait qu’il ne pouvait pas expliquer a avec certitude un pareil accroissement du poids de Yaes grave, alors que le contexte chronologique dans lequel il plaçait l’apparition des séries lourdes de 300 scr. se situe au contraire dans une tendance séculaire de dépréciation du poids réel de l’as.
167 La date de 338 proposée par M. Caccamo Caltabiano, dans RSA, 11, 1981, p. 33-52, semble impossible aux numismates : cf. A. M. Burnett, dans AIIN, 36, 1989, p. 58-61 ; M. H. Crawford, Coinage and Money, p. 30, n. 6 ; P. Marchetti, dans CCG, 4, 1993, p. 27, n. 7.
168 Cf. notamment M. Taliercio, dans La monetazione di Neapolis nella Campania antica (1980), Naples, 1986, p. 236 ; ce premier bronze dit “romano-campanien” pourrait donc être consécutif à la signature du traité (foedus) avec Naples en 326 : M. H. Crawford, Coinage and Money, p. 29-30.
169 P. Marchetti, dans CCG, 4, 1993, p. 27 et p. 43. Pour R.E. Mitchell, “The fourth century origin of Roman didrachms”, dans ANSMusN, 15, 1969, p. 41-71, la 3e série de didrachmes (tête d’Hercule / Louve allaitant les jumeaux, ROMANO) ne daterait pas du consulat de Q. Ogulnius en 269, mais de l’édilité des frères Ogulnii en 296, lorsqu’ils ajoutèrent les statues de Romulus et Rémus sous les mamelles de la louve (cf. Liv., X, 23, 11-12) : dans ce cas, les deux précédentes séries de didrachmes doivent nécessairement dater de la fin du ive siècle ; voir aussi G. G. Belloni, La moneta romana. Società, politica, cultura, Rome, 1993, p. 39-44 ; S. Balbi de Caro, La moneta a Roma e in Italia, I, p. 46-54.
170 Pour une datation entre 320 et 310 : A. Johnston, The Coinage of Meta-pontum. Part III, New York, 1990, p. 59 ; G. G. Belloni, La moneta romana, p. 39 ; pour une datation entre 312 et 308 (où l’émission du didrachme est associée à la construction de la Via Appia) : M. H. Crawford, Coinage and Money, p. 29 ; entre 310 et 300 selon A. Burnett, dans AIIN, 36, 1989, p. 51 ; Id., La numismatique romaine, p. 14. M. Torelli, dans La monetazione romano-campana, Rome, 1998, p. 194-195, attribue également ce premier didrachme “romano-campanien” à la censure d’Appius Claudius Caecus, et voit dans la représentation de la tête de Mars une allusion à Mars Invictus et à la cérémonie du lustrum qui clôt les opérations du census. Voir aussi supra p. 174-175 et n. 151.
171 P. Marchetti, dans CCG, 4, 1993, p. 42-46 et p. 57 ; Id., dans Actes du xie Congrès International de Numismatique, p. 102-106 ; H. Mattingly, « The first age of Roman coinage", dans JRS, 35, 1945, p. 66-70 ; Id., « The various styles of the Roman republican coinage", dans NC, 9, 1949, p. 57-74 ; L. Breglia, La príma fase della coniazione romana dell’argento, Rome (Coll, di Studi num., III), 1952.
172 C’est la conclusion à laquelle est arrivée P. Marchetti ; voir notamment sa réponse à R. Thomsen, dans Les « dévaluations » à Rome, 1, 1978, p. 27 : « que nous apprend <la tradition littéraire>, sinon que le premier as connu d’elle était librai et par ailleurs que la livre classique pesait 288 scrupules ? À moins d’invoquer l’argument du silence, auquel il serait dangereux de recourir, cette tradition n’exclut pas l’existence d’une livre antérieure qui pesât plus de 327 gr. ni même d’un scrupule de plus de 1,137 gr. » ; cf. aussi L. Pedroni, dans MEFRA, 107, 1995, 1, p. 203-204.
173 Sur les réductions successives de l’as, cf. R. Thomsen, Early Roman Coi-nage, I, p. 35-36 et p. 80-90 ; Id., dans Les « dévaluations » à Rome, 1, 1978, p. 10-12 ; d’après P. Marchetti, ibid., p. 27 : « À partir du moment où la livre romaine a pesé 327 gr., le poids du scrupule et de la livre romaine fut pour toujours stabilisé : de fait, les réductions ultérieures du monnayage ne se seraient plus opérées par une réduction du poids de la livre mais désormais par sous-multiplication de la livre de 327 gr. ».
174 A. Burnett, dans AIIN, 36, 1989, p. 39-40 ; Id., La numismatique romaine, p. 11 ; A. G. Fusi-Rossetti, dans RIN, 96, 1994-1995, p. 20 ; L. Pedroni, Ricerche sulla prima monetazione di Roma, p. 124-125 (mais cet auteur suit la chronologie de R. Thomsen pour dater Yaes grave de 300 scr. des années 289-275, parce que certains lateres de 1500 scr. figurant un éléphant datent évidemment de la guerre contre Pyrrhus ; après 275, L. Pedroni constate une “dévaluation” du poids des lingots qui passe à 1440 scr., ce qui correspond à 5 as de 288 scr.).
175 Liv., X, 46, 12-15 ; cf. G. Nenci, dans Athenaeum, n.s. 46, 1968, p. 26, n. 64 ; P. Marchetti, dans CCG, 4, 1993, p. 28, n. 8.
176 Fest., p. 270 L., s.v. Potitium : Quae familia et posteri eius non defuerunt decumantibus usque ad Appium Claudium Censorem, qui quinquaginta millia aeris gravis his dedit, ut servos publicos edocerent ritum sacrificandi : quo facto Potiti, cum essent ex familia numero duodecim, omnes interierunt intra diem XXX. Cf. Serv., In Verg., Aen. VIII, 269 : Num quod sine familia Potitiorum sacra ista non fiebant, donec illos Appius Claudius corrupit pecunia, ut servos publicos hoc sacrum docerent, propter quod dicitur et ipse mox caecus factus et Potitiorum familia intra breve tempus extincta ? Il ne semble pas que les rares mentions de l’aes grave rapportées à des époques bien antérieures à la fin du ive siècle puissent être retenues comme historiques (cf. Liv., IV, 41, 10 et IV, 45, 2).
177 Cf. E. Cavaignac, “L’as et les comices par centuries”, dans JS, 1911, p. 248-253 ; Id., “Le principe de la répartition des centuries”, dans JS, 1913, p. 162-163 ; R. E. Mitchell, dans ANSMusN, 15, 1969, p. 41-71 ; E. Lo Cascio, “Il primo denarius”, dans AIIN, 1980/1, p. 335-345 ; M. Bar, dans RIN, 95, 1993, p. 282 ; P. Marchetti, dans CCG, 4, 1993, p. 62 ; R. Thomsen, dans Les dévaluations à Rome, 1, 1978, p. 18-19, imagine différentes combinaisons aboutissant à un rapport entre l’argent et le bronze de 120 : 1, qui correspond au taux standard pratiqué dans le monde hellénistique, ou de 160 : 1 pour un quadrigat de 6 scrupules ; mais le premier didrachme du type Mars barbu / Tête de cheval, ROMANO, de 7,5 gr., se serait échangé contre un as de 288 scrupules selon le ratio de 175 : 1 ou 130 : 1 ; M. H. Crawford, Coinage and Money, p. 41, pense que le didrachme dévalué à 6 scrupules se serait échangé contre trois as de 10 onces selon le ratio “classique” de 120 : 1 ; mais A. Burnett, dans AIIN, 36, 1989, p. 35-40, et Id., La numismatique romaine, p. 10-11, nie l’existence de toute relation fixe entre le bronze et l’argent au début du monnayage romain.
178 Voir supra p. 169-175 et pl. VI, b.
179 J. Andreau, La vie financière dans le monde romain. Les métiers de manieurs d’argent (ive siècle av. J.-C. – iiie siècle ap. J.-C), Rome (B.E.F.A.R. 265), 1987, p. 337-346.
180 Varr., De vita pop. Rom. II, fr. 72 Riposati = 393 Salvadore (ap. Non., p. 853 L.) : hoc intervallo primum forensis dignitas crevit atque ex tabernis lanienis argentariae factae. Voir aussi Liv., IX, 40, 16. Cf. T. Hölscher, dans MDAI(R), 85, 1978, p. 319-320 (= Id., Monumenti statali e pubblico, p. 20-21) ; F. Coarelli, Il Foro Romano, II, p. 140-143 ; Id., “Demografia e territorio”, dans Storia di Roma, I, 1988, p. 333. J. Andreau, La vie financière, p. 340, date par conséquent l’apparition des “changeurs-banquiers professionnels” à Rome des années 318-310 av. J.-C, soit de l’époque-même de l’apparition de la première série de didrachmes dits “romano-campaniens” : cf. A. Burnett, dans SNR, 56, 1977, p. 92-121. Selon F. Coarelli, op. cit., II, p. 308, il existait à l’époque républicaine un passage couvert entre le Comitium et la basilique Aemilia appelé Ianus medius, où se tenait la juridiction du préteur (près du puteai Scribonianum) ainsi que les trafics des argentarli et des feneratores, ce qui expliquerait la présence du dieu sur les pièces d’aes grave de la série Janus / Mercure ; d’ailleurs la proximité des argentarii du tribunal du préteur explique pourquoi celui-ci devait faire fermer leurs boutiques avant de tenir les comices (Varr., De ling. Lat., VI, 91).
181 Cf. F. Di Bello, Elea-Velia. Polis, zecca e monete di bronzo, Naples, 1997, p. 261.
182 M. Bar, dans RIN, 95, 1993, p. 277, remarque qu’«en plein ive siècle av. J.-C, les Spartiates n’avaient pas de monnaie propre, les Romains non plus » ; les Spartiates utilisaient toutefois de « petits lingots paramonétaires en forme de haches, de pointes de flèche, de dauphins, de palets ou aussi de briques, en latin, lateres » : autrement dit, de petits lingots de bronze comparables aux plaques d’aes signatum.
183 H. Zehnacker, Moneta, I, p. 199 : « Pour les paiements courants, le bronze constitue le véritable métal prémonétaire de l’Italie Centrale, et l’unité était le poids de la livre». Le monométallisme du bronze aurait été une survivance de l’âge du bronze en Italie Centrale, selon E. J. Haeberlin, Aes grave. Das Schwergeld Roms und Mittelitaliens einschliesslich der ihm vorausgehenden Rohbronzewährung, Francfort, 1910, p. 1 ; sur le monnayage du bronze par les peuples italiques avant la romanisation, cf. A. Stazio, “Monetazione delle « poleis » greche e monetazione degli « ethne » indigeni”, dans G. Pugliese Carratelli éd., Magna Grecia, III, Lo sviluppo politico, sociale ed economico, Milan, 19892, p. 151-172 ; F. Catallı, Monete dell’Italia antica, p. 71-77 et p. 95-107 ; P. Marchetti, dans CCG, 4, 1993, p. 51-58 ; L. Pedroni, Nuove ricerche, p. 149-184. Enfin, pour A. Burnett, dans AIIN, 36, 1989, p. 41, la production par les Romains de l’aes grave, à partir de 300 environ, serait le résultat d’une “combinaison” entre l’idée grecque de pièces rondes et la conception centre-italique d’unités de compte en bronze lourd sous forme de barres ou de fragments bruts (le fameux « aes rude»).
184 P. Marchetti, dans CCG, 4, 1993, p. 41.
185 Plin., N.H., XXXIII, 42 : Populus Romanus ne argento ąuidem signato ante Pyrrhum regem devictum usus est. Cf. P. Marchetti, dans CCG, 4, 1993, p. 40-41.
186 En tant que monnaie à valeur nominale fixe, le bronze librai était surévalué : S. Bolin, State and currency in the Roman Empire to 300 A.D., Stockholm, 1958, p. 42-45 et p. 131-163 ; H. Zehnacker, Moneta, I, p. 207.
187 Voir supra p. 174 n. 152.
188 Plin., N.H., XXXIII, 44 ; la littérature sur cette question est très abondante, mais un accord semble s’être fait entre historiens et numismates pour dire que ce que Pline appelle denarius n’est autre que le nummus en argent, soit la quatrième série des didrachmes “romano-campaniens” (du type Hercule/Louve = R.R.C. 20), dont l’atelier de production a été transféré pour la première fois à Rome en 269 : R. Thomsen, Early Roman Coinage, I, p. 50-51, fig. 7 ; Id., op. cit., III, p. 116-122 ; E. Lo Caseio, dans AIIN, 1980/1, p. 354-357 ; V. Picozzi, “Q. Ogulnio С. Fabio cos”, dans NAC, 8, 1979, p. 159-171 ; M. H. Crawford, Coinage and Money, p. 31-32 (avec toutefois beaucoup de scepticisme quant à l’attribution de cette pièces aux consuls de 269) ; A. Burnett, dans AUN, 36, 1989, p. 34-37 ; Id., La numismatique romaine, p. 16-17 ; P. Marchetti, dans CCC, 4, 1993, p. 58-65.
189 Cf. la longue remarque faite à ce sujet par C. Nicolet, L’ordre équestre, 1, p. 58-59 : « Nulle question n’est sans doute plus embrouillée, dans la science moderne, que celle des qualifications censitaires : c’est que les sources sont elles-mêmes contradictoires et peu sûres ; en effet, tout dépend de l’idée qu’on se fait de l’histoire monétaire de Rome, et celle-ci était, jusqu’à ces derniers temps, remplie de mystères : dévaluations successives du bronze et de l’argent, permanence de la monnaie de compte, se conjuguent avec le fait que, dans les documents non pas économiques mais censitaires, les classifications ont peut-être gardé un caractère archaïque, pour faire de cette question un véritable traquenard ». Sur le “double anachronisme” dont sont responsables nos sources à propos du système censitaire attribué à Servius Tullius, cf. récemment E. Lo Cascio, “Ancora sui censi minimi...”, dans Athenaeum, 66, 1988, p. 274-276 et passim.
190 Liv., I, 43, 1-7.
191 Dion. Hal., IV, 16, 2 – 17, 2.
192 Th. Mommsen, Le droit public, VI, 1, p. 282 ; C. Nicolet, L’ordre équestre, 1, p. 18 et p. 59-64 ; Id., “L’idéologie du système centuriate...”, dans La filosofìa greca e il diritto romano, 1976, p. 116-117 ; Id., “Mutations monétaires et organisation censitaire”, dans Les dévaluations à Rome, 1, 1978, p. 252-259 ; P. Marchetti, Histoire économique et monétaire, p. 265-267 ; R. Thomsen, King Servius Tullius, p. 151-152 ; E. Gabba, Republican Rome, p. 3 ; E. Lo Cascio, dans Athenaeum, 66, 1988, p. 275 ; T. J. Cornell, The Beginnings of Rome, p. 181 ; D. Rathbone, “The census qualifications of the assidui and the príma classis”, dans De agricultura. In memoriam P. W. de Neeve, Amsterdam, 1993, p. 121-152.
193 Liv., XXIV, 11, 7-9 ; E. Gabba, “Le origini dell’esercito professionale in Roma”, dans Athenaeum, 26, 1948, p. 175-176 (= Id., Esercito e società, p. 4-5).
194 P. Marchetti, “La datation du denier romain et les fouilles de Morgantina”, dans RBN, 117, 1971, p. 81-114 ; Id., Histoire économique et monétaire, p. 299-301 ; Id., dans CCG, 4, 1993, p. 40 ; M. H. Crawford, Roman Republican Coinage, I, p. 28-35 ; Id., Coinage and Money, p. 55-56 ; Th. Buttrey, « Morgantina and the Denarius", dans NAC, 8, 1979, p. 149-157. (= Id., Morgantina Studies, II. The Coins, Princeton, 1989) ; R. Thomsen, Early Roman Coinage, II, p. 370-372 ; A. Burnett, La numismatique romaine, p. 41-42 ; E. Lo Cascio, dans Athenaeum, 66, 1988, p. 276.
195 Fab. Pict., 10 P. = 14 Ch. (ap. Liv., I, 44, 2). Cf. Th. Mommsen, Le droit public, VI, 1, p. 283 ; C. Nicolet, dans La filosofia greca e il diritto romano, 1976, p. 137 ; E. Lo Caseio, dans Athenaeum, 66, 1988, p. 277-278. Voir infra p. 345.
196 Plin., N.H., XXXIII, 45, date explicitement la retarification du denier de l’époque de la deuxième guerre punique, ce qui serait donc survenu peu de temps après sa création : P. Marchetti, Histoire économique et monétaire, p. 174-191 ; E. Lo Caseio, dans Athenaeum, 66, 1988, p. 280-281, mais il se rapproche de la chronologie de M. H. Crawford p. 292 ; contra : M. H. Crawford, Coinage and Money, p. 145, qui date la retarification du denier du milieu du iie siècle, ainsi que R. Thomsen, dans Les dévaluations monétaires, 1, 1978, p. 21-22 (mais ce dernier pense, au regard des pièces conservées, que l’as sextantaire s’est rapidement déprécié et qu’il a atteint un niveau oncial bien avant la retarification du denier).
197 E. Lo Caseio, dans Athenaeum, 66, 1988, p. 283-294.
198 Pol., VI, 23, 15.
199 Pol., II, 15, 6 ; P. Marchetti, Histoire économique et monétaire, p. 170-173 ; E. Lo Caseio, dans AIIN, 1989, p. 112-117 (voir supra p. 171 et n. 143) ; cf. déjà H. Mattingly, “The property qualifications of the Roman classes”, dans JRS, 27, 1937, p. 100-101 ; le raisonnement est entièrement approuvé par E. Lo Caseio, dans Athenaeum, 66, 1988, p. 280 et p. 296, mais a été rejeté par R. Thomsen, “The Pay of the Roman Soldier and the Property Qualifications of the Servian Classes”, dans C&M, Francisco Blatt septuagenario dedicata, Copenhague, 1973, p. 197-198 ; de même J. W. Rich, “The Supposed Roman Manpower Shortage of the Later Second Century B.C.”, dans Historia, 32, 1983, p. 306-307 (avec un scepticisme un peu contradictoire).
200 P. Marchetti, Histoire économique et monétaire, p. 217 ; cf. Id., dans CCG, 4, 1993, p. 37, n. 44 (à propos de Plin., N.H., XXXIII, 43) : « le cens de 120.000 asses pour la première classe n’est pas antérieur à la réforme onciale».
201 Plin., N.H., XXXIII, 43 : Maximus census assium fuit illo rege [sc. Servio Tullio], et ideo haec prima classis. Paul. Fest., p. 100 L. : Infra ciassem signifi-cantur, qui minore summa quam centum et viginti milium aeris, censi sunt. Gell., N.A., VI, 13, 1-3 : (cf. Cat., Orat., fr. 160 (n° 8) Malcovati) : voir supra p. 286 n. 60. Sur la loi Voconia, cf. G. Rotondi, Leges publicae, p. 283-284 ; A. Steinwenter, s.v. Lex Voconia, dans R.E., XII, 2, 1925, col. 2418-2430 ; U. Wesel, “Über den Zusammenhang der lex Furia, Voconia und Falcidia”, dans ZRG, 81, 1964, p. 308-316.
202 Liv., XLV, 15, 2 (voir supra p. 246, n. 49). Selon M. H. Crawford, Roman Republican Coinage, II, p. 631, Tite-Live suivrait ici Valerius Antias qui aurait traduit en sesterces et selon la valeur de son temps, à savoir 1 sesterce = 4 as, le montant initial de 120.000 as (= 30.000 x 4), qui devaient donc correspondre en 168 au cens de la première classe ; mais C. Nicolet, dans Les dévaluations à Rome, I, 1978, p. 264, note que « malheureusement rien dans le texte ne vient préciser que l’on a privilégié les affranchis de la première classe » et relève que le taux traditionnel de 1 sesterce = 2,5 as n’est pas à exclure, ce qui ramènerait le montant de 30.000 HS à 75.000 as, soit le cens de la deuxième classe.
203 Ainsi déjà E. Lo Cascio, dans Athenaeum, 66, 1988, p. 283-284 ; il est évidemment trop facile d’écarter d’un revers de main les témoignages anciens sur le cens de la première classe à 120.000 ou 125.000 as, sous le prétexte qu’on n’arrive pas à les expliquer et à les mettre en rapport avec les 10.000 drachmes mentionnées par Polybe (pour lesquelles on préfère, par une sorte de conformisme, également écarter la solution proposée par P. Marchetti), ni avec les 100.000 as rapportés par Tite-Live dont le témoignage est pour une fois préféré à celui de sources qui lui sont manifestement bien antérieures, comme le fait J. W. Rich, dans Historia, 32, 1983, p. 315 : « The most economical solution is to suppose that the variant figures are the product of error or invention ( ?), and that the census was fixed at 100.000 asses in or soon after 211, when the as became sextantal, and remained at the rate until 141, when it was converted into probably 25.000 sestercii ( ?) ».
204 Gaius, II, 274 : Item mulier, quae ab eo, qui centum milia aeris census est, per legem Voconiam heres institui non potest, tamen fideicommisso relictam sibi hereditatem capere potest. Ps. Asc, In Cic. 2 Verr., I, 104, p. 247 Stangi (à propos de : neque census erat) : neque centum milia sestertium possideret. D.C., LVI, 10, 2 : Τῶν τε γυναικῶν τισι καὶ παρὰ τὸν Οὺοκώνειον νόμον, καθ’ ὅν οὐδεμιᾷ αὐτῶν οὐδενὸς ὑπὲρ δύο ἥμισυ μυριάδας οὐσίας κληρονομεῖν ἀξῆν, συνεχώρησε τοῦτο ποιεῖν : « Et il autorisa certaines femmes, contrairement à la loi Voconia, qui leer interdisait d’hériter de fortunes supérieures à 25.000 (drachmes ?), à recevoir de tels héritages » (trad. С. Nicolet). Cf. sur ces textes l’analyse de M. H. Crawford, Roman Republican Coinage, II, p. 631 ; Id., dans Les dévaluations à Rome, 1, 1978, p. 271-272 (en réponse à la critique qu’en avait faite C. Nicolet, ibid., p. 260-264).
205 Si 1 once = 24 scrupules, 120.000 as onciaux = 120.000 x 24 = 2.880.000 scr. ; or 2.880.000 : 288 = 10.000.
206 Un as de 300 scr. suppose il est vrai que chaque once pesait 25 scr., et non 24 ; mais 120.000 onces de 25 scr. font exactement, là-aussi, 3.000.000 de scr., donc 10.000 as de 300 scr. : Caton, qui connaissait peut-être le poids des premiers as libraux, a pu diviser leur montant par 24 au lieu de 25 et obtenir 125.000 au lieu de 120.000 as (ce qui avait le mérite d’accroître encore la différence censitaire entre la classis et l’infra ciassem).
207 Liv., IV, 45, 2 :... dena milia gravis aeris, quae tum divitiae habebantur. Il s’agit du montant de la récompense offerte par l’État aux dénonciateurs d’un complot fomenté par des esclaves en 419 : double anachronisme, puisque l’aes grave n’est pas attesté pour la fin du ve siècle et qu’une révolte d’esclaves paraît peu probable à cette époque, car ceux-ci n’étaient pas encore très nombreux (sauf peut-être les esclaves pour dettes ?). La remarque de Tite-Live sur l’importance que devaient représenter 10.000 aeris gravis a généralement été très mal comprise, parce qu’on rapprochait ce montant des 11.000 as indiqués par l’historien à propos du cens minimum des citoyens de la cinquième classe, ce qui est évidemment absurde puisque Tite-Live ne s’exprime pas là en as lourds : ainsi J. Bayet, éd. de Tite-Live (C.U.F.) ; H. Zehnacker, dans Crise et transformation des sociétés archaïques, p. 318-319. Nous arrivons par contre à la même conclusion qu’E. Lo Caseio, dans Athenaeum, 66, 1988, p. 290, qui a vu dans ces 10.000 aeris gravis le cens de la première classe exprimé en as libraux (cf. infra p. 339 et n. 224).
208 Varr., De ling. Lat., VIII, 71 (voir supra p. 171). Liv., I, 43, 9 : Ad equos emendos dena milia aeris ex publico data... E. Lo Caseio, dans Athenaeum, 66, 1988, p. 285-286 et p. 288-289.
209 Val. Max., IV, 4, 10 ; dans le même paragraphe, Valère Maxime évoque également les cas de Taccia, fille d’un Caeso, qui a apporté à son mari la dot qui semblait la plus élevée qui fût avec ses 10.000 as, ainsi que celui de Mégullia, qui avait 50.000 as quand elle est entrée dans la famille de son mari et qui a tiré de là le surnom de Dotata ; mais Valère Maxime n’accompagne ces anecdotes d’aucune indication chronologique, ce qui ne permet d’en tirer aucune information sur le niveau de fortune que représentaient ces sommes.
210 T. R. S. Broughton, The Magistrates of the Roman Republic, I, p. 245-274 ; sur la chronologie de leur promagistrature, cf. G. De Sanctis, Storia dei Romani, III, L’età delle guerre puniche, 2, Turin, 1917, p. 446, n. 4.
211 La datation de l’étalon quadrantaire est incertaine : M. H. Crawford date l’étalon semi librai de 217 et l’étalon sextantaire de 211, et place la création de l’étalon quadrantaire en 214, au moment du débarquement de Marcellus en Sicile et du début des opérations contre Syracuse (Roman Republican Coinage, I, p. 43 ; Id., Coinage and Money, p. 55-63) ; mais il concède à P. Marchetti que la somme dépensée pour les Ludi Romani de 217 ne permet pas de dater de cette année la réduction semi librale, dont la création remonterait à la première guerre punique d’après ce dernier (P. Marchetti, dans Les dévaluations à Rome, 1, 1978, p. 28-29 ; M. H. Crawford, Coinage and Money, p. 55, n. 5) ; bien plus, la démonstration très convaincante de P. Marchetti sur l’origine du montant insolite de 333.333 as 1/3 voté en 217 tendrait plutôt à montrer que la réduction quadrantaire daterait de cette année-là, même s’il refuse pourtant d’aller jusque-là.
212 Arist., Pol., V, 8, 10 (1308 a-b) : « Pour faire face à la transformation d’une oligarchie ou d’une “politela” qui peut se produire à cause des variations du cens, lorsque, l’assiette du cens restant la même, le numéraire devient abondant, il est utile d’examiner le montant total de la fortune nationale, comparé avec le montant antérieur, annuellement dans toutes les cités où l’estimation des biens a lieu chaque année, tous les trois ou cinq ans dans les cités plus importantes ; et si ce total est multiple ou sous-multiple du total fait précédemment, au temps où furent établies les estimations officielles exigées pour la citoyenneté, il est bon qu’il y ait une loi pour le relèvement ou l’abaissement de ces estimations » (texte cité par C. Nicolet, dans Les dévaluations à Rome, 1, 1978, p. 252) ; la solution préconisée par Aristote fut d’ailleurs appliquée dès le ive siècle à Athènes pour la détermination des symmories.
213 E. Gabba, Republican Rome, p. 3 ; J. W. Rich, dans Historia, 32, 1983, p. 311.
214 Cette hypothèse a un moment été envisagée par C. Nicolet, dans Les dévaluations à Rome, 1, p. 257-259 (sur la base des montants de fortune rapportés par Tite-Live, XXIV, 11, 7-9, à propos de la fameuse contribution extraordinaire de 214), mais a été rejetée par R. Thomsen, dans ibid., p. 270, et par E. Lo Cascio, dans Athenaeum, 66, 1988, p. 278-280, suivant les arguments d’E. Gabba que nous avons repris ; cf. déjà en ce sens Th. Mommsen, Le droit public, VI, 1, p. 280.
215 C. Nicolet, dans Les dévaluations à Rome, 1, 1978, p. 257-259, a essayé de montrer que l’échelle des fortunes indiquée par le sénatus-consulte de 214 correspondait à l’échelle censitaire à partir de la troisième classe, mais que le cens de la première classe a été subdivisé en deux catégories nouvelles (300.000 as et 1.000.000 d’as) pour tenir compte de la dépréciation de l’as, car jusqu’à 100.000 as, l’échelle des fortunes reflèterait l’échelle censitaire primitive dont les montants originaux auraient été conservés ; cette dernière hypothèse est toutefois impossible (voir supra n. 214), comme l’a aussitôt souligné R. Thomsen (ibid., p. 270), pour qui le système des contributions pour la marine en 214 n’a rien à voir avec les classes “serviennes” ; enfin, pour M. H. Crawford, le texte du sénatus-consulte de 214 ne permet en rien de résoudre le problème de l’unité de compte utilisée par Tite-Live et Denys dans leur description de l’échelle censitaire.
216 H. Mattingly, dans JRS, 27, 1937, p. 99-107 ; E. Meyer, Römischer Staat und Staatsgedanke, p. 52-53.
217 M. H. Crawford, Roman Republican Coinage, II, p. 630-631. Contra : С. Nicolet, dans Les dévaluations à Rome, 1, 1978, p. 260-264 (mais sans argument définitif : cf. la réplique de M. H. Crawford, ibid., p. 271-272). Si ces 100.000 HS correspondaient à des as semi-onciaux, ce qui est vrai pour le dernier siècle de la République (l’as semi-oncial a été fixé par la loi Papiria vers 91 av. J.-C. : Plin., N.H., XXXIII, 46 ; cf. M. H. Crawford, Coinage and Money, p. 183-185), ils représenteraient 125.000 as onciaux (100.000 x 2,5 : 2), soit le montant du cens de la première classe au moment de la loi Voconia en 169. D. Rathbone, dans De agricultura, p. 131-133, estime, quant à lui, que les 100.000 as indiqués par Tite-Live comme cens minimum de la première classe sont des as sextantaires, et qu’ils auraient été “retarifés” à 100.000 HS en 140, ce qui paraît une manipulation monétaire assez peu plausible.
218 Ainsi E. Lo Caseio, dans Athenaeum, 66, 1988, p. 289-294.
219 Pour M. H. Crawford, dans Les dévaluations à Rome, 1, 1978, p. 271, le montant de 100.000 as doit nécessairement être postérieur à celui de 120.000, parce que ce dernier aurait été connu par Timée (cependant, le fragment rapporté par Pline n’indique en aucune manière que le chiffre du cens qu’il fournit pour la première classe figurait chez l’historien grec, mais écrit simplement que celui-ci attribuait la première frappe de la monnaie à Rome au roi Servius Tullius). J. W. Rich, dans Historia, 32, 1983, p. 305-306, souligne toutefois qu’aucun historien ancien ne mentionne une réduction des niveaux du cens et qu’il s’agit-là plutôt d’une hypothèse moderne pour essayer d’expliquer les différents montants qui figurent dans nos sources, alors que celles-ci ne s’expriment pas toujours dans la même unité de compte.
220 J. W. Rich, dans Historia, 32, 1983, p. 306, n. 86, remarque que ce n’est pas parce que Denys établit l’équivalence 1 drachme = 1 denier = 10 as qu’il s’agit automatiquement d’as sextantaires, car l’historien grec a très bien pu appliquer rétrospectivement à des sommes exprimées en as une telle conversion parce qu’il croyait qu’à l’origine, 1 denier valait 10 as (cf. Plin., N.H., XXXIII, 44 ; voir supra p. 172-173 et n. 147 et 148).
221 Plin., N.H., XXXIII, 45 : Postea Hannibale urguente Q. Fabio Maximo dic-tatore asses unciales facti, placuitque denarium XVI assibus permutari... Mais le Cunctator n’a été dictateur qu’en 217, ce qui ne peut pas correspondre à la date de la retarification du denier, qui n’a été créé qu’en 212/211, ou en 215/214 au plus tôt ; si l’adoption de l’as oncial date bien de la deuxième guerre punique (Hannibale urguente), cette mesure peut tout aussi bien avoir été prise par Fabius Maximus lors de son dernier consulat, en 209, et avoir été attribuée par Pline à sa célèbre dictature. Pour P. Marchetti, Histoire économique et monétaire, p. 174-191 et p. 302-305, l’étalon sextantaire daterait de 215/214 alors que les premières monnaies de poids oncial apparaissent dès 211 ; R. Thomsen, dans Les dévaluations à Rome, 1, 1978, p. 12, ne distingue pas de grande différence métrologique entre les pièces sextantaires et les pièces onciales, et pense que le poids de l’as sextantaire s’est déprécié immédiatement après l’introduction du denier pour atteindre un niveau oncial bien avant la retarification officielle du denier, vers le milieu du iie siècle. Voir aussi l’état de la question sur le problème de l’apparition de l’as oncial présenté par H. Zehnacker dans son commentaire de l’édition de Pline, Histoire Naturelle, Livre XXXIII, Paris (C.U.F.), 1983, p. 155-156.
222 Th. Mommsen, Le droit public, VI, 1, p. 281-282 ; pour l’historien allemand, l’as lourd équivaut au sesterce d’argent d’1/4 de denier, donc à 2 as légers et demi, et les chiffres du cens qui nous ont été transmis s’entendent en as d’1/10 de denier (donc en as sextantaires) ; mais la numismatique a montré depuis que le sesterce ne date que du iie siècle (sans doute vers 141, selon M. H. Crawford) et qu’il est donc impossible qu’il ait alors valu un ancien as lourd.
223 R. Thomsen, dans Les dévaluations à Rome, 1, 1978, p. 270, pense que l’échelle censitaire mentionnée par Tite-Live est exprimée en as sextantaires (de 2 onces) qui ne représenteraient plus qu’1/5 de la valeur de l’as librai de 10 onces qui avait cours à la veille de la deuxième guerre punique, et qu’il faut donc diviser par 5 les montants indiqués par Tite-Live ; mais son raisonnement aboutit ainsi à un cens de 20.000 as libraux de 10 onces pour la première classe, soit 200.000 onces ou 4.800.000 scrupules, ce qui correspond à la somme invraisemblable de 16.666,66 as libraux de 288 scrupules, ou, ce qui est un peu mieux, à 16.000 as libraux de 300 scrupules ; le résultat final ne semble guère convaincant : quel aurait alors été le cens de la première classe du temps de l’as librai pesant 288 scrupules, c’est-à-dire la norme standard à partir du début du iiie siècle, et comment serait-on venu ensuite au montant de 20.000 as libraux de 10 onces ?
224 E. Lo Caseio, dans Athenaeum, 66, 1988, p. 289 et p. 299 ; l’historien italien obtient cette échelle du cens exprimée en as libraux selon un calcul avec lequel nous ne sommes pas en accord : l’auteur estime que les chiffres du cens rapportés par Denys et par Tite-Live sont la traduction de montants originaux exprimés en as libraux de 10 onces (= 240 scr.) qui devaient exister à la veille de la deuxième guerre punique, donc juste avant les grands bouleversements monétaires qui ont entraîné la naissance de l’as sextantaire puis de l’as oncial ; les montants fournis par Tite-Live seraient par conséquent exprimés en as onciaux selon l’équivalence 1 as librai = 10 as onciaux (donc 10.000 as libraux = 100.000 as onciaux chez Tite-Live) ; Denys d’Halicarnasse aurait reproduit le même calcul selon l’équivalence traditionnelle à son époque de 10 as = 1 drachme (et donc 10.000 as libraux = 100.000 as onciaux = 10.000 drachmes) ; mais E. Lo Caseio est obligé d’admettre que l’échelle du cens aurait dû avoir été révisée lorsque l’as librai est passé de 12 à 10 onces (en 269 ?), portant le cens de la première classe à 12.000 as (de 10 onces) et celui de la dernière à 1.500 as (pour correspondre au minimum de la cinquième classe donné par Aulu-Gelle et Cicéron), ce qui ne peut plus correspondre aux chiffres fournis par Tite-Live et Denys : il vaut dès lors mieux conserver l’idée qu’en général, les chiffres du cens indiquent globalement toujours une quantité constante de bronze, dont la masse peut être réduite au poids exprimé en scrupules ; d’autre part, l’existence d’un as librai de 10 onces, déjà soutenue par Th. Mommsen, n’est pas confirmée par la tradition littéraire et repose peut-être sur une mauvaise interprétation de la métrologie des pièces de bronze du iiie siècle, que l’usure et la corrosion empêchent pour la plupart de peser exactement 288 ou 144 scrupules : cf. notamment la position défendue par P. Marchetti, dans Actes du Colloque de Nancy (1971), 1975, p. 77-88 ; Id., dans Les dévaluations à Rome, 1, 1978, p. 23-29 (en réponse détaillée à la vive critique que lui avait adressée R. Thomsen, ibid., p. 14-17).
225 Contra : P. Fraccaro, dans Opuscula, II, Pavie, 1957, p. 300.
226 Liv., IV, 24, 7 : Censores aegre passi Mamercum, quod magistratum populi Romani minuisset, tribu moverunt octiplicatoque censu aerarium fecerunt. Cf. Liv., IX, 33, 4-9 ; Zon. (D.C.), 7, 19.
227 Cf. J. Suolahti, The Roman Censors, p. 26-29. Voir infra p. 412, n. 49.
228 Cf. P. Fraccaro, “Tribules ed Aerarii”, dans Athenaeum, 21, 1933, p. 166-172 (= Id., dans Opuscula, II, Pavie, 1957, p. 164-170). Selon С. Nicolet, “La centurie niquis scivit et les aerarli”, dans Ann. ERHE, ive sect., 1974-75, p. 378-381, qui s’appuie sur les textes de Festus (p. 184 L., s.v. Niquis scivit centuria) et du Pseudo-Asconius (p. 189 St.), la centurie dans laquelle était inscrit un aerarius correspondrait à la centurie niquis scivit : d’après Festus, cette centurie aurait été créée par le roi Servius Tullius (quae dicitur a Serv. Tullio rege constituta), ce qui en fait un élément constitutif du système censitaire “servien” ; cf. Id., Le métier de citoyen, p. 117-118 ; Id., “Les listes des centuries : la prétendue centurie niquis scivit”, dans MEFRA, 113, 2001, 2, p. 723-734.
229 Cf. Cic, De Rep., II, 39-40. С. Nicolet, Le métier de citoyen, p. 357-360.
230 Ses charges fiscales étaient probablement même augmentées, car d’après le Pseudo-Asconius (p. 189 Stangi), l’aerarius payait pro capite suo tributi nomine aerea, ce qui signifie que le tributum devenait pour lui une capitation au lieu d’un impôt de répartition. Toutefois, octiplicato censu ne signifie pas que l’on ait multiplié ses impôts par huit, comme on le comprend d’habitude (cf. C. Nicolet, Le métier de citoyen, p. 118), sinon Tite-Live aurait utilisé le mot tributum à la place de census : le mot census ne désigne en effet jamais l’impôt, mais le niveau de fortune qui était attaché à chaque classe censitaire ; par conséquent, si la centurie dans laquelle étaient versés les aerarii était par exemple rattachée à la cinquième classe, le census de cette centurie aurait normalement dû être équivalent au niveau de fortune minimal de l’échelle censitaire.
231 Columelle (Rust., III, 3, 8) évalue le iugerum à 1.000 HS, soit 2.000 HS pour 2 jugères ; puisqu a son époque un sesterce = 4 as, si ce sont des as semi-onciaux, 2.000 HS = 4.000 as onciaux : on n’est pas loin des 400 drachmes indiqués par Polybe (VI, 19, 2) pour le seuil censitaire en-dessous duquel on recrutait les équipages de la marine (comme la drachme de Polybe vaut 12 as onciaux, 400 dr. = 4.800 as onciaux) ; on aurait donc bien eu, au cours du iie siècle, une dévaluation du cens de la cinquième classe parallèle à la dépréciation de la valeur de la terre cultivable en Italie (cf. E. Gabba, dans Athenaeum, 26, 1948, p. 177-190 = Id., Esercito e società, p. 6-21). Cf. différemment, à propos du prix de la terre à partir des 1.000 HS indiqués par Columelle : Th. Mommsen, Le droit public, VI, 1, p. 281 ; F. De Martino, Stona della costituzione romana, I2, p. 187.
232 Gell., Ν.Α., XVI, 10, 10 : Qui in plebe... Romana tenuissimi pauperrimique erant neque amplius quam mille quingentum aeris in censum deferebant, ‘proletarii’ appellati sunt, qui vero nullo aut perquam parvo aere censebantur, ‘capite censi’ vocabantur. Cf. Non., p. 228 L. : Proletarii cives dicebantur qui in plebe tenuissima erant et non amplius quam mille et quingentos aeris in censum deferebant.
233 Pol., VI, 19, 2 : à l’époque de Polybe, 400 drachmes auraient été le seuil censitaire en-dessous duquel on recrutait les équipages de la marine.
234 Une étude attentive du manuscrit (cod. Vat. lat. 5757, fol. 93), y compris à la lumière ultra-violette (lampe de Wood) et après traitement infographique de l’image, n’a révélé la présence d’aucune correction interlinéaire à l’endroit indiqué par A. Mai : le parchemin du palimpseste étant ici en bon état de conservation, ce procédé aurait normalement dû révéler l’existence d’une lettre même invisible à l’œil nu.
235 Ainsi déjà E. Lo Cascio, dans Athenaeum, 66, 1988, p. 286-289.
236 E. Gabba, dans Athenaeum, 26, 1948, p. 177-190 (= Id., Esercito e società, p. 6-21).
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