Chapitre 2. Equites Campani et equites Romani
p. 133-184
Texte intégral
1 – APPIUS CLAUDIUS CAECUS ET LA CAMPANIE
1La puissance romaine fit intrusion en Campanie au cours de la seconde moitié du ive siècle. L’annexion de Capoue vers 343/342 livra à Rome l’une des villes qui passait alors parmi les plus opulentes d’Italie, riche en terres et en traditions aristocratiques fortement hellénisées1. Dans les années qui suivirent, entre 338 (ou 334) et 332, les Campaniens du Nord (Formies, Capoue et Cumes) et du Sud (Suessula et Acerrae) obtinrent la citoyenneté romaine sine suffragio2. La pénétration romaine en Campanie se confirma quelques années plus tard avec la prise de Naples, suivie d’un traité (foedus aequum) avec l’aristocratie locale3 : Naples, principale ville grecque de Campanie, entra dès lors dans une longue et fidèle alliance avec Rome, et son conquérant, Q. Publilius, prit le surnom grec de Philo, probablement parce qu’il était devenu l’« ami » de certaines familles aristocratiques napolitaines, qui sont peut-être alors entrées dans sa clientèle4. Naples servit presqu’aussitôt d’atelier monétaire à Rome, et produisit, probablement dès 326, et peut-être pour commémorer le traité qui venait d’être conclu, une série de pièces de bronze avec la légende grecque ΡΩΜΑΙΩΝ (pl. VI, a), qui précéda ainsi de quelques années seulement la production des premiers didrachmes d’argent (dits « romano-campaniens ») avec la légende ROMANO, mais également alignés sur l’étalon monétaire de Naples (cf. infra p. 322, fig. 6, et pl. VI, b)5. La mainmise romaine sur la Campanie, qui se traduisit par des confiscations de terre dans l’ager Falernus, par la déduction de nouvelles colonies et par la création de la tribu Falerna en 3186, établit ainsi sur de nouvelles bases les rapports pourtant anciens que Rome entretenait avec le monde grec italien, et favorisa l’hellénisation de sa classe dirigeante grâce aux contacts que celle-ci établit avec les aristocraties campaniennes7. Mais la conquête de la Campanie entraîna en même temps Rome dans une lutte sans merci contre les populations samnites, des populations montagnardes qui convoitaient (elles aussi) les riches terres campaniennes8. Et c’est au cours des opérations de la deuxième guerre samnite, débutée avec la conquête de Naples, qu’intervinrent la censure d’Appius Claudius et la construction de la via Appia.
La construction de la via Appia et la naissance de l’impérialisme romain
2Les circonstances et les objectifs de la construction de la via Appia sont les indices les plus clairs des liens qui pouvaient unir Appius Claudius à la Campanie9. La tradition littéraire, unanime, attribue la construction de la route à la censure d’Appius Claudius Caecus en 312, magistrature qui aurait même été exceptionnellement prolongée au-delà de sa durée légale de dix-huit mois afin de permettre au censeur, qui allait donner son nom (Appius) à la route, d’achever les gigantesques travaux qu’il avait fait entreprendre10. La route a été construite pour assurer une meilleure « continuité territoriale » entre Rome et Capoue, qui représentait sa première destination : grâce à ses longs tracés rectilignes et à son itinéraire qui coupait droit à travers les monts Albains, la plaine Pontine et l’ager Falernus, la via Appia était à la fois plus rapide et plus sûre que l’ancienne via Latina, qui traversait la vallée du Liris et se trouvait plus exposée aux attaques des Samnites. La construction de la route se situe dans le contexte des opérations militaires de la deuxième guerre samnite, et suit de peu une grave défaite romaine, en 315, au col des Lautulae, véritables « Thermopyles de l’Italie centrale » qui défendaient le passage entre le Latium et la Campanie, juste au-dessus de la nouvelle colonie romaine de Terracine (329)11. Cette défaite fut elle-même suivie, en 314, par la découverte d’une coniuratio associant des éléments de l’aristocratie campanienne à une partie de l’aristocratie romaine. Or c’est dans ce contexte d’une crise « campanienne » qu’a débuté la censure d’Appius Claudius et de C. Plautius en 312, dont l’une des principales réalisations, toujours visible aujourd’hui, fut la construction de la première grande route romaine, la via Appia de Rome à Capoue12.
3Les hypothèses avancées par certains pour remettre en cause le témoignage des sources sur le parcours initial et la première destination de la via Appia ne paraissent pas fondées13 : les sources sont assez peu nombreuses à préciser quelle a été la première destination de la via Appia, mais à l’exception de l’Anonyme du De viris illustribus (34, 6) qui commet un anachronisme évident en la faisant poursuivre dès 312 jusqu’à Brindisi, elles affirment toutes que la route a été construite pour relier Rome à Capoue14. En fait, le contexte historique, assez bien connu pour cette époque, peut suppléer ici les lacunes des sources et la difficulté d’interprétation de trop rares témoignages archéologiques : dans le contexte politique et militaire de la seconde moitié du ive siècle, où les guerres samnites ont suivi la prétendue deditio de Capoue en 343/342, il n’est guère douteux que la construction de la via Appia répondait à une nécessité à la fois politique et stratégique et qu’elle était d’abord destinée à assurer la « continuité territoriale » entre Rome et la Campanie15. La construction de la via Appia fut d’ailleurs de peu précédée par la défaite romaine en 315 aux Lautulae, qui fut elle-même suivie en 314 par une tentative de défection de Capoue et la découverte d’une coniuratio associant des éléments de l’aristocratie campanienne à une partie de l’aristocratie romaine16. C’est dans ce contexte que commença la célèbre censure d’Appius Claudius Caecus : construire une route qui se serait arrêtée à Sinuessa ou à Formies, voire à Forum Appi, aurait alors été un non-sens rendant cette construction inutile !
4La construction de la via Appia est également à mettre en rapport avec le mouvement de colonisation qui se développa à cette époque en direction du Latium méridional et de la Campanie17. Mais si des incertitudes demeurent encore sur le parcours exact que devait emprunter la via Appia entre Minturnes et Capoue18, il semble en revanche bien établi qu’il y a eu un rapport direct entre la déduction des colonies de Terracine (329), Minturnes (296) et Sinuessa (296), la création des tribus Oufentina (318), Falerna (318) et Teretina (299), et enfin la construction de la via Appia (fig. 4)19. Celle-ci unifia en effet ces territoires récemment acquis par Rome et permit à celle-ci d’assurer à l’avenir sa domination sur les populations en partie hellénisées du Latium méridional et de l’ager Falernus : il est d’ailleurs possible, comme nous le verrons, que la politique d’Appius Claudius Caecus ait eu pour objectif d’assurer l’intégration dans la cité romaine des populations hellénisées des territoires récemment soumis à la domination romaine. La construction de cette route semble dès lors trahir, non seulement les préoccupations géostratégiques et géopolitiques de son concepteur, mais aussi les ambitions culturelles et les intérêts personnels d’un aristocrate romain qui semblent tournés vers le monde grec ou hellénisé d’Italie du Sud et la recherche de nouvelles clientèles20.
La clientèle campanienne d’Appius Claudius
5La politique d’Appius Claudius en direction de la Campanie et en faveur des Campaniens pose le problème de l’existence d’une clientèle campanienne sur laquelle le censeur se serait appuyé. Même s’il est vrai que la tradition annalistique anti-claudienne a éventuellement développé outre mesure le thème des nombreuses clientèles des Claudii, il y a probablement quelque chose de vrai derrière les tantae clientelae et les plurimae clientelae que l’on attribue toujours aux Claudii21. Appius Claudius aurait ainsi introduit des fils de libertini au Sénat afin d’y obtenir les soutiens « politiques » qu’il cherchait (quas petierat opes urbanas)22, et est accusé par Tite-Live d’être resté à Rome pendant tout son premier consulat dans le but d’accroître ses soutiens grâce à ses talents « urbains » (son éloquence ?) (ut urbanis artibus opes augeret), alors que son collègue L. Volumnius allait à la guerre23. Mais les opes ne constituent peut-être pas nécessairement des clientèles, car elles désignent l’ensemble des moyens humains et matériels qui soutiennent un homme politique : selon J. Hellegouarc’h, opes « désigne tout ce dont dispose l’homme politique pour exercer son influence. Le mot englobe ainsi les divitiae ; mais il s’applique aussi aux autres moyens par lesquels il assure son succès et celui de ses amis ; en fait, il désigne l’aide apportée par les clientèles lors des campagnes électorales. Par là opes a fréquemment une valeur semblable à celle de gratia et il aboutit au sens purement abstrait de “puissance de l’homme politique” »24.
6Les clientèles sont par contre directement mentionnées par Suétone à propos d’un certain Claudius (Drusus) qui se serait fait élever une statua diademata à Forum Appi, et qui est accusé d’avoir cherché à prendre le contrôle de l’Italie grâce à ses clientèles (Italiam per clientelas occupare temptavit)25. La présence de cette statue à Forum Appi, une statio de la via Appia au cœur de la plaine Pontine dont la création remonte à la construction de la route et qui porte le nom de son constructeur, est évidemment hautement suggestive : la construction du récit de Suétone, ainsi que l’éponymie de la route et de la statio de Forum Appi, incitent à y voir une statue d’Appius Claudius Caecus26, mais même s’il ne s’agit que de l’un de ses descendants, le lien clientélaire entre les Claudii et la via Appia, et donc aussi la Campanie, paraît assuré. Et s’il s’agit bien du constructeur de la route qui s’est ainsi fait représenter par une statua diademata, on peut penser avec L. R. Taylor et B. MacBain que ce sont précisément ceux qui ont directement tiré un avantage politique ou économique de l’existence de la route qui l’ont ainsi honoré et remercié comme leur patronus, tel une sorte de seigneur féodal régnant sur la route et qui défendait leurs intérêts dans la capitale27.
7On peut même se demander si l’existence de nombreuses clientèles dans la dépendance des Claudii ne serait pas une conséquence directe de la construction de la route28, et si le mythe des cinq mille clients avec lesquels Attus Clausus serait arrivé à Rome, au début du ve siècle, ne serait pas le reflet de la situation que cette famille n’aurait atteinte qu’à partir de la fin du ive ou du iiie siècle29. Enfin, l’étrange cognomen « Centemmanus », que Pomponius prête à Appius Claudius (à propos justement de la construction de la via Appia et de l’aqua Appia), est peut-être à mettre en rapport, si l’on suit l’interprétation proposée par A. Forcellini, avec ses nombreux clients qui lui auraient fourni autant de bras, ou bien encore, si l’on préfère une hypothèse récente avancée par F.-H. Massa-Pairault, avec l’Hécatoncheir, le Titan aux cent bras qui dépeindrait une activité per clientelas, et qui nous reporterait « au contexte culturel du golfe de Naples », où il pourrait avoir été « un sobriquet <émanant> de milieux campaniens ou en rapport avec la Campanie »30.
8La construction de la via Appia et les multiples liens familiaux et clientélaires qu’elle leur permit d’établir avec les aristocraties campaniennes conduisirent les Claudii à s’intéresser toujours davantage à la poursuite de l’expansion romaine en Italie du Sud, et à l’assimilation de sa culture. D’après F.-H. Massa-Pairault, les opérations militaires conduites en Campanie en 295 par Appius Claudius, alors préteur, et par le proconsul L. Volumnius auraient eu pour but de « défendre, non seulement Capoue, mais aussi des terres ou des intérêts romains en Campanie », où se seraient croisés ceux des Claudii, de L. Volumnius, de P. Decius et des equites Campani : pour cette historienne, « la via Appia ne permet donc pas seulement d’assembler des armées, elle unit des propriétés »31. En 285, pendant l’année du premier consulat de Claudius Canina, un représentant de la branche plébéienne de cette famille, Rome décida d’apporter son aide à Thourioi, assiégée par les Lucaniens, intervention qui déclencha la guerre avec Tarente32 ; ce même Claudius Canina est à l’origine de la déduction de la colonie latine de Paestum, lors de son deuxième consulat en 27333, et ce n’est sans doute pas un hasard si l’on retrouve, vers le milieu du iiie siècle, un autre Claudius plébéien, questeur de la colonie34. Vers la même époque, en 268, l’année du consulat d’Appius Claudius Russus, on peignit une représentation de l’Italie (cartographiée ou allégorique ?) dans le temple de Tellus35 : or, si l’Italie était à l’origine un concept géopolitique exclusivement grec, et qui servait à désigner la partie la plus méridionale de la péninsule, colonisée par les Grecs36, le concept semble entrer dans la géopolitique romaine peut-être dès le mystérieux traité romano-carthaginois de 30637, en tout cas au plus tard dans le discours prononcé par Appius Claudius contre les propositions de paix de Pyrrhus38. L’appropriation du concept de terra Italia, qui joua un rôle si important dans la légitimation des ambitions et de l’expansion romaines39, n’est probablement pas étrangère à l’existence de la via Appia et aux liens que celle-ci permettait d’établir avec la Campanie et le monde grec d’Italie du Sud. La défense des intérêts (économiques et clientélaires) liés à la route fut peut-être ainsi l’un des enjeux de la poursuite acharnée des combats contre Pyrrhus, et la raison essentielle de l’intervention d’Appius Claudius au Sénat : le « chant du cygne » de l’ancien censeur aurait donc eu comme objectif essentiel la sauvegarde des intérêts méridionaux que représentait déjà la regina longarum viarum40.
Une alliance matrimoniale entre les Claudii et les Calavii de Capoue
9La censure d’Appius Claudius Caecus semble en tout cas avoir apporté un certain nombre de solutions à la coniuratio capouane de 314, ce qui a pu conduire une partie des equites Campant à se ranger au sein de ses clientèles. Au moment de la défection de Capoue pendant la deuxième guerre punique, Tite-Live évoque l’existence d’un vetustum conubium par lequel « beaucoup de familles <campaniennes> illustres et puissantes s’étaient, <par le passé>, mêlées à des familles romaines »41 : des alliances matrimoniales entre l’aristocratie romaine et les familles dirigeantes de Campanie et d’Italie du Sud existaient peut-être bien déjà vers la fin du ive siècle, ce qui permettrait d’expliquer la politique « campanienne » de certaines familles romaines de cette époque42. Ainsi Pacuvius Calavius, le magistrat de Capoue qui souleva en 216 le peuple contre le sénat local, avait épousé la fille d’un Appius Claudius, et avait lui-même donné une fille en mariage au Romain M. Livius (les Livii ont eu au iiie siècle des préoccupations culturelles très proches de celles des Claudii, avec lesquels ils semblent liés)43. La personnalité de cet aristocrate capouan n’est d’ailleurs pas sans rappeler celle d’un Appius Claudius44, au point qu’on peut se demander si la superbia ingenita Campanis ne serait pas à l’origine de l’insita superbia des Claudii45.
10L’alliance matrimoniale entre les Calavii46 de Capoue et la famille romaine des Claudii47, qui est attestée à l’époque de la deuxième guerre punique48, pouvait alors exister depuis déjà deux ou trois générations, et constituer ainsi un vetustum conubium49 : d’ailleurs, si la femme de Pacuvius Calavius50 est la fille d’un Appius Claudius, celà peut en faire la petite-fille ou la nièce d’Appius Claudius Caecus51. Or, la tradition connaît l’existence des Calavii à Capoue dès les dernières décennies du ive siècle, puisqu’un certain Ofilius Calavius, un noble capouan qui faisait probablement partie des equites Campani (clarus genere factisque), se signala par son soutien à la cause romaine après la défaite des Fourches Caudines52. Puis les frères Ovius et Novius Calavius se trouvèrent impliqués dans la coniuratio romano-capouane de 314, qui entraîna la disparition politique de Q. Publilius Philo, mais qui semble avoir trouvé une solution définitive dans les mesures prises par la censure d’Appius Claudius (à partir de 312)53. On peut dès lors se demander si l’alliance matrimoniale (et politique) entre les Calavii et les Claudii ne remonterait pas à la fin du ive siècle, où elle aurait fait suite à la construction de la via Appia de Rome à Capoue et à l’octroi de la citoyenneté romaine optimo iure aux equites Campani54. Cette dernière mesure pourrait en effet prendre place dans le cadre d’une vaste réorganisation des structures institutionnelles de la classe dirigeante romaine, qui a pu en certains points s’inspirer du « modèle campa-nien ».
2 – LA PREMIÈRE RECOGNITIO EQUITUM ET L’ORGANISATION D’UN « ORDRE ÉQUESTRE » À ROME
11La réorganisation de la classe dirigeante romaine à la fin du ive siècle est la conséquence de deux phénomènes historiques apparus au cours de ce siècle, et dont la conjonction va amener le développement de nouvelles structures politiques et institutionnelles : le partage du pouvoir entre la vieille aristocratie patricienne et la nouvelle élite plébéienne (les primores plebis), formant ainsi une nobilitas patricio-plébéienne, et l’intégration croissante de nouveaux citoyens issus des premières conquêtes territoriales, dont les élites (notamment latines et campaniennes) souhaitaient naturellement s’intégrer à la nouvelle classe dirigeante romaine. Cette réorganisation se fera sous l’égide des censeurs, dont le rôle institutionnel et donc aussi l’auctoritas s’accrurent alors de manière considérable55, et aboutit simultanément à la création d’un « ordre équestre » en partie inspiré du modèle campanien, et à l’élaboration d’un nouveau Sénat dont les procédures de recrutement furent alors bouleversées : « en d’autres termes, la naissance et le développement de l’ordo equester (...) suit exactement le passage du patriciat traditionnel à la nobilitas »56 et coïncide avec l’intégration de nouveaux citoyens et de nouvelles élites dans la cité romaine, une évolution qui prend place dans les bouleversements politiques, institutionnels et stratégiques de la deuxième moitié du ive siècle.
12La création de l’ » ordre équestre » républicain permit de constituer un « vivier » regroupant l’élite de la société romaine d’où proviendraient les magistrats de la République, et au sein duquel les censeurs auraient à choisir les futurs nouveaux sénateurs : il s’agit des 18 centuries d’equites equo publico dont provenaient encore à la fin de la République la plupart des membres de l’ordre sénatorial57. À l’époque classique de la République, l’appartenance à ces 18 centuries équestres se faisait toujours selon les principes timocratiques du système « servien »58 : au moment du census, les chevaliers qui bénéficiaient du « cheval public » devaient se présenter devant les censeurs, sur le Forum, avec leur équipement au grand complet. Le déroulement de la recognitio equitum sur le Forum plutôt qu’au Champ de Mars, donc à l’intérieur du pomerium, s’explique certainement par la présence à cet endroit du temple de Castor et Pollux : depuis la mythique bataille du lac Régille, les Dioscures étaient en effet devenus les protecteurs attitrés de la cavalerie romaine59. L’examen auquel ces chevaliers étaient soumis comprenait une évaluation aussi bien physique, que morale et censitaire de chaque individu60, et était sanctionné par la sentence sans appel des censeurs : les simples paroles « transduc equum »61 ou « equum adimere »62 suffisaient pour décider du maintien ou du rejet d’un chevalier equo publico. Ces equites equo publico constituaient ainsi à leur tour, et dès l’origine de leur organisation, un ordo, c’est-à-dire une catégorie particulière de citoyens aptes à certaines fonctions et définis par une certaine dignitas par l’accord préalable des censeurs63. Aussi la création d’un ordo equester à Rome pourrait-elle être exactement contemporaine de la réforme du Sénat et de la création d’un ordo senatorius, dont le recrutement a été confié aux censeurs vers la fin du ive siècle par la loi Ovinia64 : désormais, l’ordre équestre fera partie intégrante du système timocratique romain qui achève alors de s’organiser selon les principes nouveaux de l’« égalité géométrique »65. L’organisation d’un ordo equester, tout comme celle d’un ordo senatorius, ne pouvait en effet être laissée qu’à des censeurs et n’a donc pu se dérouler qu’au cours d’une censure particulièrement mémorable.
La recognitio equitum d’Appius Claudius
13Diodore a précisément transmis le souvenir de la recognitio equitum organisée par Appius Claudius au cours de sa censure, et rapporte que le censeur ne priva aucun chevalier de son cheval, ce qui rappelle justement l’attitude analogue envers les sénateurs précédemment inscrits, et peut parfaitement correspondre au « cas limite » de la première recognitio equitum66 (XX, 36, 5) :
Καì κατὰ μὲν τὴν τῶν ἱππέων δοκιμασίαν οὑδενòς ἀφείλετο τòν ἵππον...
« Lors de la revue des chevaliers, il ne priva personne de son cheval... ».
14Pour F.-H. Massa-Pairault, l’historien grec semble « transformer en éloge ce qui en réalité constituait la substance des critiques des nobiles (augmentation injustifiée du nombre des equites) » : l’information serait par conséquent tout à fait authentique67. En fait Appius Claudius n’exclut aucun chevalier de l’album équestre, de même qu’il n’exclut aucun sénateur au moment de sa lectio senatus, précisément parce que sa mission était de « recruter » un nouveau personnel politique, ou de recruter un personnel politique sur de nouvelles bases68. Il s’agit en tout cas de la première recognitio equitum mentionnée par nos sources : replacée dans le contexte politique et culturel de la fin du ive siècle, tout porte à croire qu’il s’agit en fait de la toute première recognitio equitum organisée par un censeur69.
Le modèle équestre campanien
15C. Nicolet a relevé un certain nombre d’indices qui indiquent clairement que la constitution d’un « ordre équestre » organisé par les censeurs au moment de la recognitio equitum remonte à la fin du ive siècle, dans le contexte des guerres samnites et de l’expansion romaine en Campanie. Il justifie la date de 312 av. J.-C. qu’il a choisie comme point de départ de son étude sur l’ordre équestre, donc précisément la date de la censure d’Appius Claudius, en s’appuyant sur deux séries de textes qui montrent que l’organisation des 18 centuries équestres intégrées dans le système servien ne pouvait dater que de la fin du ive siècle70. Il s’agit d’abord d’un passage de Tite-Live (VIII, 11, 16) qui rapporte l’existence d’une table de bronze fixée dans le temple de Castor et Pollux, sur le Forum, qui indiquait le montant du vectigal que devait payer le peuple de Capoue pour financer une indemnité de 450 « deniers » versée à chacun des 1.600 equites de Capoue, qui étaient restés fidèles à Rome et qui auraient reçu en 340 la citoyenneté romaine en récompense de leur fidélité :
Equitibus Campanis civitas Romana data, monumentoque ut es-set, aeneam tabulam in aede Castoris Romae fixerunt. Vectigal quoque eis Campanus populus iussus pendere in singulos quotannis (fuere autem mille et sexcenti) denarios nummos quadringenos quinquagenos.
« On donna aux chevaliers campaniens le droit de cité romaine et, en commémoration, on fixa une plaque de bronze dans le temple de Castor à Rome. Le peuple campanien reçut aussi ordre de payer dorénavant chaque année à chacun d’eux (or, ils étaient mille six cents) un vectigal de quatre cent cinquante deniers »71.
16Comme cela a déjà été souligné à plusieurs reprises, Tite-Live n’a pas dû voir le document par lui-même, mais a sans doute reproduit le témoignage d’un annaliste, que C. Nicolet accepte éventuellement d’identifier avec Coelius Antipater, tout en remarquant que « la mention de ce document peut remonter à Fabius Pictor, à Cincius Alimentus ou à C. Acilius »72 : bref, il s’agit d’un document certainement authentique et qui ne peut remonter qu’au ive siècle73, mais dont l’interprétation historique reste délicate à cause des nombreux intermédiaires qui le séparent du manuscrit de Tite-Live et de la traduction en latin d’un texte qui était probablement écrit en grec sur le document original74. Or, comme le souligne C. Nicolet, « tout le monde a fait le rapprochement, qui s’impose, avec l’aes equestre et Yaes hordearium des chevaliers romains du système servien »75 : tout comme le vectigal payé par l’ensemble du peuple de Capoue à ses equites, l’aes equestre n’était rien d’autre au départ qu’un tributum ou un vectigal76 payé à des cavaliers par la totalité du peuple romain, ce qui ne peut d’ailleurs remonter plus haut que la fin du ive siècle avec l’apparition du premier monnayage romain77.
17Par ailleurs, le nombre relativement réduit d’equites concernés par le vectigal capouan (1.600 equites Campani) est évidemment à rapprocher de celui des 1.800 equites equo publico romains78 : il est peu probable qu’il se soit agi de la totalité de la cavalerie alors disponible, ce qui suppose qu’il s’agissait bien d’une élite choisie ou définie selon des critères particuliers79. Les equites Campant représentaient en fait une véritable aristocratie qui, comme les equites Romani par rapport à la cavalerie légionnaire, ne regroupait pas toute la cavalerie de Capoue : ils bénéficiaient en fait « des mêmes privilèges que leurs parèdres romains, c’est-à-dire une indemnité annuelle »80. Or, à Rome, le seul mécanisme de sélection connu des equites equo publico, membres des 18 centuries équestres « serviennes », était la recognitio equitum organisée par les censeurs. Ces 1.800 equites étaient choisis ex primoribus civitatibus (Liv., I, 43, 8), parmi les citoyens qui avaient le cens le plus élevé :
– ἐκ τῶν ἐχόντων τò μέγιστον τίμημα (Dion. Hal., IV, 18, 1)
– τοὺς ἀπò τοῦ μεγίστου τιμήματος καταγραφέντος (IV, 20, 3)
–...duodeviginti censu maximo (Cic, De Rep., II, 39)81.
18En fait, à l’origine, il n’y avait pas de qualifications censitaires particulières pour appartenir aux 18 centuries équestres : comme l’a bien montré P. Marchetti, « il ne peut faire de doute que le census maximus dont parle Cicéron, ou le μέγιστον τίμημα de Denys, soit celui de la première classe et qu’il suffit de le posséder pour appartenir aux primores civitatis »82. Mais il en tire argument pour rejeter l’existence d’un « ordre équestre » à Rome avant la guerre sociale, ce qui ne paraît pas acceptable83 : il n’y avait en effet nul besoin de critères censitaires particuliers pour distinguer les membres d’un « ordre équestre » des citoyens de la première classe, car la différence de dignitas évaluée par les censeurs suffisait largement84. En réalité, l’apparition d’un ordo equester à Rome dès la fin du ive siècle, regroupant 1.800 equites equo publico à l’image des 1.600 equites Campani dont parle la table en bronze contemporaine, semble indissociable de la première recognitio equitum qui pourrait bien dater de la censure d’Appius Claudius. Or, la recognitio equitum avait précisément pour objectif de sélectionner (lectio equitum) ceux des citoyens de la première classe qui avaient suffisamment de mérite et de dignitas85 pour avoir l’honneur de disposer du cheval public et de figurer parmi les 18 centuries équestres86. L’existence d’un « ordre équestre », parallèle à celle d’un « ordre sénatorial », est donc indissociable du jugement arbitraire porté par les censeurs sur les qualités « morales » de chaque individu composant l’élite sociale et politique romaine à partir de la fin du ive siècle. Selon les principes de « l’égalité géométrique » du système timocratique romain qui achève alors de se mettre en place, cette élite équestre avait ainsi à la fois le maximum de charges et de privilèges (honores)87 : les charges étaient à la fois militaires et fiscales, les privilèges étaient politiques (le poids électoral), financiers (les aera equestria) et honorifiques (l’equus publicus, les insignes équestres et la transvectio equitum)88.
La première transvectio equitum
19La deuxième série de textes mentionnée par C. Nicolet au début de son ouvrage pour justifier le point de départ chronologique de son étude portait précisément sur l’instauration, en 304, de la transvectio equitum. Cette cérémonie, qui se déroulait chaque année aux ides de juillet, voyait l’ensemble des chevaliers romains des 18 centuries équestres défiler dans une grande parade allant du temple de Mars, situé au premier mille de la via Appia, jusqu’au temple de Castor et Pollux sur le Forum89. Or, même si Denys d’Halicarnasse place la l’institution de cette cérémonie en 496, au lendemain de la victoire romaine à la bataille du lac Régille90, une tradition majoritaire l’attribue à la censure de Q. Fabius Rullianus en 304, peu de temps donc après la censure d’Appius Claudius (dont Fabius est précisément présenté comme le rival) :
Liv., IX, 46, 15 :
Ab eodem [sc. Q. Fabio] institutum dicitur, ut equites idibus Quinctilibus transveherentur.
« On dit que c’est par le même Fabius que fut institué le défilé des chevaliers aux ides de Quinctilies ».
Val. Max., II, 2, 9 :
Trabeatos vero equites idibus Iuliis Q. Fabius transvehi instituit.
« Q. Fabius institua que les chevaliers défilent avec la trabée aux ides de juillet ».
20La description très colorée qu’en fait Denys, décrivant le défilé des chevaliers rangés en ordre de bataille par tribus et centuries comme s’ils revenaient du champ de bataille, coiffés de couronnes de laurier et vêtus de la trabée, évoque en fait des cadres politico-institutionnels (πομπὴ τῶν ἐχόντων τòν δημόσιον ἵππον, οἴ κατὰ φυλάς τε καì λόχους κεκοσμημένοι [...] ὡς ἐκ μάχης ἤκοντες)91 et culturels (ἐστεφανωμένοι θαλλοῖς ἐλαίας)92 qui ne peuvent correspondre qu’à ceux de la fin du IVe siècle (Dion. Hal., VI, 13, 4) :
ὑπὲρ ἅπαντα δὲ ταῦτα ἡ μετὰ τὴν θυσίαν ἐπιτελουμένη πομπὴ τῶν ἐχόντων τὸν δημόσιον ἵππον, οἳ κατὰ φυλάς τε καὶ λόχους κεκοσμημένοι στοιχηδὸν ἐπὶ τῶν ἵππων ὀχούμενοι πορεύονται πάντες, ὡς ἐκ μάχης ἥκοντές ὲστεφανωμένοι θαλλοῖς ἐλαίας, καὶ πορφυρᾶς φοινικοπαρύφους ἀμπεχόμενοι τηβέννας τὰς καλουμένας τραβέας, ἀρξάμενοι μὲν ἀφ’ ἱεροῦ τινος Ἄρεος ἔξω τῆς πόλεως ἱδρυμένου, διεξιόντες δὲ τὴν τε ἄλλην πόλιν καì διὰ τῆς ἀγορᾶς παρὰ τò τῶν Διοσκούρων ἱερòν παρερχόμενοι...
« Mais par-dessus tout, il y a la procession effectuée après un sacrifice par ceux qui disposent d’un cheval public et qui, rangés par tribus et par centuries, défilent tous alignés en rang sur leurs chevaux comme s’ils revenaient de la bataille, couronnés de branches d’olivier et revêtus d’un manteau rouge bordé de pourpre appelé trabée ; ils prennent leur départ près d’un temple de Mars construit à l’extérieur de la ville, et après avoir traversé la ville en différents endroits et être allés jusqu’au Forum, ils arrivent près du temple des Dioscures... ».
Les 18 centuries d’equites equo publico
21С. Nicolet a souligné combien la recognitio equitum et la transvectio equitum faisaient des equites equo publico, cette fine fleur de la jeune nobilitas romaine, un « corps aristocratique (...) pénétré d’influences méridionales, grecques et campaniennes, (...) entouré d’une sorte d’éclat religieux qui s’incarne dans le culte de Castor et Pollux »93. Or, la transvectio equitum telle qu’elle est décrite par Denys et telle qu’elle était encore pratiquée au début de l’Empire, est une cérémonie qui semble directement liée à l’existence de l’« ordre équestre » républicain composé des 18 centuries d’equites equo publico94 : la création (ou la réorganisation95) de cette cérémonie à la fin du ive siècle, peu après la censure d’Appius Claudius, pourrait ainsi signifier que l’organisation des 18 centuries d’equites equo publico fut elle-aussi toute récente. Autrement dit, ce n’est qu’à la fin du IVe siècle que la cavalerie au sein de l’organisation timocratique romaine serait passée des 6 turmes primitives (transformées en 6 « centuries » : les sex suffragia96) aux 18 centuries du système « servien »97. À la suite de K. J. Neumann, A. Alföldi avait justement remarqué que les 600 equites romains qui furent livrés en otages aux Samnites après la défaite des Fourches Caudines, en 321, devaient représenter la jeunesse patricienne des six centuries équestres primitives98 : il est donc probable qu’à cette date le nombre de 18 centuries d’equites equo publico n’ait pas encore été atteint. Or, l’ajout de 12 centuries supplémentaires n’a pu se faire qu’au cours des opérations du cens d’une censure exceptionnelle, celle-la même qui vit la première recognitio equitum censoriale, et il y a de fortes chances qu’il s’agisse de celle d’Appius Claudius99.
22Le triplement de l’equitatus au sein du système timocratique romain à la fin du ive siècle (passage de 6 à 18 centuries) peut révéler l’importance croissante de la cavalerie au sein de l’armée romaine dans le contexte des guerres samnites100. Certes, les 18 centuries d’equites equo publico n’étaient pas seulement une force militaire et ne représentaient peut-être pas la totalité de la cavalerie que l’armée romaine était capable d’aligner, et il est par ailleurs loin d’être démontré, bien au contraire, que la cavalerie ait joué un rôle militaire secondaire avant le ive siècle101. Mais l’accroissement des effectifs de la cavalerie dans la deuxième moitié du ive siècle, et particulièrement à la fin du siècle, peut s’expliquer par des raisons à la fois militaires et politiques, liées à l’accroissement général des effectifs militaires au moment des guerres samnites et à l’ascension politique de nouvelles catégories de citoyens. L’armée manipulaire composée de quatre légions paraît en effet avoir été adoptée au cours de la seconde moitié du ive siècle, probablement pour répondre aux nécessités tactiques de la guerre contre les Samnites102, et un terminus ante quem peut être fixé avec une relative certitude en 311 lorsque le nombre de tribuns militaires passa de six à seize (ou vingt-quatre) et que le nombre de légions passa probablement alors de deux à quatre103 : or d’après Polybe et Tite-Live, le nombre de cavaliers affectés normalement à chacune des quatre légions manipulaires était de 300, ce qui correspond à un effectif total de 1.200 cavaliers104. Et le témoignage de Polybe, qui affirme que ces cavaliers étaient précisément choisis en fonction de leur fortune par les censeurs avant la levée normale de la légion, donc au moment de la recognitio equitum, permet de confondre les 1.200 cavaliers des quatre légions manipulaires normales avec les 1.200 nouveaux equites equo publico probablement créés au même moment et intégrés dans l’organisation centuriate du système « servien » à la fin du ive siècle105.
23Dans ce cas, les 1.200 nouveaux equites equo publico auraient dès lors été les seuls cavaliers « publics » à servir dans des unités combattantes régulières, alors que les 600 autres cavaliers, héritiers des vieilles turmes gentilices, étaient transformées en centuries prérogatives, voire en simples unités votantes à l’assemblée centuriate, et pour cela appelées sex suffragia106. Aussi, même si le triplement des centuries équestres au sein de l’organisation censitaire peut coïncider avec une réforme militaire des structures de l’armée romaine, celui-ci coïncide avant tout avec l’augmentation dans la même proportion de « l’élite sociale » de la cité, et doit par conséquent également s’expliquer par des raisons politiques. Le problème est en réalité de savoir dans quelles nouvelles couches sociales Appius Claudius (s’il est réellement l’auteur de la réforme) a pu trouver les individus disposant des critères de cens et de dignitas qui étaient requis pour composer les 12 nouvelles centuries équestres.
La promotion d’une nouvelle élite
24Il semble à première vue évident de voir dans l’institution du « cheval public » et dans l’augmentation du nombre des centuries équestres du système timocratique romain le résultat de la promotion des primores plebis, ceux-là mêmes qui se sont déjà battus equo privato lors du siège de Veies107, ces grands propriétaires terriens qui ont arraché aux patriciens, depuis les lois licinio-sextiennes de 367, l’accès aux différentes magistratures108. En ce sens, comme l’a vu récemment F.-H. Massa-Pairault, la réorganisation de l’equitatus romain par le censeur Appius Claudius peut être considérée comme le prolongement de sa lectio senatus, fondée sur les dispositions du plébiscite ovinien109 : comme pour les sénateurs, il s’agissait de recruter de nouveaux chevaliers choisis ex omni ordine110. La première recognitio equitum sans doute organisée par Appius Claudius à la fin du ive siècle s’inscrit par conséquent d’abord dans un cadre politique général interne à la cité romaine : celui de la fusion du patriciat et de l’élite de la plèbe au sein d’une nobilitas qui tend à substituer à l’ancienne aristocratie héréditaire une oligarchie fondée sur la richesse et le mérite111.
Les sex suffragia et les autres centuries équestres
25Toutefois, la promotion des primores plebis ne peut pas entièrement rendre compte de la création de 12 nouvelles centuries équestres à la fin du ive siècle. Depuis 367, ceux-ci avaient en effet déjà eu l’occasion de fournir à la République un certain nombre de préteurs, de consuls, de dictateurs et même de censeurs : ensemble ils constituaient, avec les sénateurs patriciens, ce que l’on appelle la noblesse patricio-plébéienne. Il est difficile de savoir dans quelles centuries ces primores plebis, déjà membres de la nobilitas, étaient auparavant recensés : rien n’interdit de penser qu’ils l’étaient déjà parmi les sex suffragia, même si cela paraît peu probable112. Et même si les sex suffragia avaient longtemps été réservés aux seuls patriciens113, les primores plebis déjà membres de la nobilitas ont pu y être enregistrés pour la première fois au moins à partir de la censure d’Appius Claudius et de la première recognitio equitum : rien n’interdisait plus dès lors de les enregistrer parmi ces centuries privilégiées. D’ailleurs, les anciennes centuries patriciennes auraient perdu leurs vieux noms romuléens (Ramnenses, etc.), ou peut-être plutôt celui de procum patricium114, et se seraient appelées sex suffragia à partir du moment où elles ont été ouvertes à toute la noblesse115 : l’expression sex suffragia suppose en effet l’existence des 12 autres centuries équestres et ne serait donc pas antérieure à la fin du ive siècle116. En tout cas, le maintien d’une discrimination entre « centuries équestres patriciennes » (les sex suffragia) et « centuries plébéiennes » (les 12 autres centuries équestres), comme le proposait Th. Mommsen117, aurait nui aux objectifs mêmes de la réforme et aurait été contraire à l’esprit de « concorde » qui règnait alors sinon entre les « ordres », du moins au sein de la nobilitas patricio-plébéienne.
26Par ailleurs, numériquement, la « noblesse » plébéienne (c’est-à-dire l’ensemble des anciens magistrats curules d’origine plébéienne) ne devait pas à la fin du ive siècle représenter suffisamment d’individus pour pourvoir à elle seule les 1.200 places des 12 nouvelles centuries. Autrement dit, pour constituer les 12 nouvelles centuries, il a bien fallu recruter en-dehors de la noblesse, donc parmi des nouveaux venus qui n’avaient encore jamais exercé de magistratures curules et qui appartenaient à des familles non nobles118. De fait, pendant très longtemps, ces 12 centuries ont joui d’un prestige moindre que celui des sex suffragia, non seulement parce qu’elles étaient historiquement plus récentes, mais aussi parce qu’elles devaient être composées d’individus qui ne disposaient pas de la même dignitas car ils ne disposaient pas tout à fait du même statut social : cette disparité de considération s’expliquerait difficilement s’ils avaient tous appartenu à la noblesse patricio-plébéienne. D’après A. Momigliano, les sex suffragia se seraient appelés ainsi parce qu’ils désignaient à l’origine les seules centuries équestres à pouvoir voter119 : dans ce cas, il faudrait imaginer soit que les sex suffragia aient existé avec ce nom avant la création des 12 autres centuries, soit que les 12 centuries qui ont été rajoutées à la fin du IVe siècle n’auraient pas immédiatement obtenu le droit de voter aux comices centuriates, ce qui dans tous les cas paraît difficile à admettre. Pour C. Letta, qui a cherché à réhabiliter le témoignage du De Republica de Cicéron sur l’organisation du système centuriate « servien », les sex suffragia auraient été à l’origine les seules centuries équestres à disposer d’une voix par centurie (donc au total de six voix, d’où leur nom), alors que les 12 autres centuries (« anonymes ») n’auraient disposé ensemble que de deux voix aux comices (ou d’une voix pour six centuries)120 : mais aucun témoignage ne permet de confirmer cette reconstruction. Les centuries équestres ont en tout cas longtemps conservé une différence dans la procédure de vote, les sex suffragia votant en premier (et formant par conséquent les centuriae praeroga-tivae), et les 12 autres votant à part121.
27En partant du témoignage du De Republica de Cicéron (IV, 2 : equitatus, in quo suffragia sunt etiam senatus), С. Nicolet n’excluait pas la possibilité qu’à l’époque républicaine, certaines centuries équestres aient pu avoir été réservées aux sénateurs, et songeait notamment à « une éventuelle distinction d’âge à l’intérieur des 18 centuries, parallèle à celle qui existe dans les classes de fantassins entre les iuniores et les seniores »122 : en rapprochant un texte de Festus (p. 454 L.) d’un texte de Varron transmis par Aulu-Gelle (N.A., III, 18, 5)123, С. Nicolet en concluait, à la suite de B. Cohen, que seuls les chevaliers qui étaient seniores avaient droit au titre de senator, s’ils étaient sénateurs, et que les autres membres de l’assemblée (ceux qui n’étaient pas encore seniores au sein des centuries équestres) n’avaient éventuellement le droit que de « donner leur avis au Sénat ». Comme la répartition entre centuries de iuniores et centuries de seniores était faite en nombre égal dans le reste de l’organisation centuriate, on pourrait songer à une division par moitié de chacun des deux groupes : les sex suffragia se seraient ainsi partagés en trois centuries de iuniores (qui auraient regroupé les jeunes nobiles patriciens et plébéiens faisant leurs 10 années de service dans la cavalerie avant de pouvoir postuler aux magistratures donnant accès au Sénat) et trois centuries de seniores (correspondant exactement aux 300 sénateurs qui avaient accédé aux magistratures et avaient donc accompli leurs 10 années de service dans la cavalerie, mais qui pouvaient encore conserver leur cheval public, puisqu’on a précisément relevé que d’anciens consuls ou d’anciens censeurs possédaient encore, à la fin du iiie ou au début du iie siècle, leur cheval public) ; les 12 autres centuries équestres, qui auraient regroupé l’ensemble des cavaliers iuniores et seniores qui n’avaient pas exercé de magistrature ou dont aucun membre de la famille n’avait exercé de magistrature, et étant de surcroît de création récente, ne pouvaient qu’avoir un rang ou une dignité inférieure aux sex suffragia : ce sont elles qui devaient rassembler les hommes nouveaux disposant du census maximus et qui constituaient le vivier potentiel de renouvellement de la classe politique à l’époque républicaine (magistrats et sénateurs). Mais cette distinction d’âge au sein des centuries équestres n’est pas autrement attestée, et, si elle existait bien, se superposait peut-être plus simplement à la distinction entre les sex suffragia et les 12 autres centuries124 : les premières regroupant les seniores parmi les equites, qui avaient voix prérogatives lors des votes aux comices centuriates et au sein desquelles se retrouvaient les 300 sénateurs ; les secondes regroupant les iuniores qui formaient les unités de cavalerie combattantes et qui constituaient le vivier des futurs sénateurs.
28Les sex suffragia devaient donc à l’origine regrouper les nobiles patriciens et plébéiens, et notamment les membres de l’« ordre sénatorial », les 12 autres centuries rassemblant les equites de familles non sénatoriales ou non nobles, mais dont la fortune atteignait toutefois le census maximus : l’accroissement quantitatif de l’equitatus romain, lié à la création de l’ordre équestre républicain, rejoint par conséquent un problème qualitatif sur la nature et l’origine des nouveaux individus susceptibles d’en faire partie, ce qui ne peut pas être séparé de la question de l’extension de la civitas aux nouveaux munіcipes et notamment aux equites Campani125.
3 – L’INTÉGRATION DES EQUITES CAMPANI DANS LA CITÉ ROMAINE
29L’organisation d’un ordo equester à Rome à la fin du ive siècle pose le problème d’une éventuelle « imitation » par la noblesse romaine d’un « modèle campanien », sur le « modèle » de ce qui semble déjà exister à Capoue à la même époque. Il est vrai que « la tradition, comme le soulignait C. Nicolet126, présente le vectigal campanien comme une copie de l’institution romaine », alors qu’à ce moment-là, « Capoue, loin d’être en retard sur Rome, était peut-être, aussi bien en ce qui concerne la civilisation que les institutions, en avance ». Il n’est toutefois pas certain, même si la cavalerie paraît avoir été une vieille tradition de l’aristocratie campanienne, que celle-ci ait pu inspirer toute l’organisation du système timocratique romain au sein duquel s’est intégrée une catégorie privilégiée de cavaliers représentant l’élite du corps social et civique de la cité : « nous ne pouvons donc dire avec certitude qui a imité l’autre »127. En réalité, la cavalerie est une vieille tradition de toutes les aristocraties de l’Antiquité, aussi bien en Grèce, en Étrurie, en Campanie qu’à Rome128. À Rome précisément, existaient sans doute depuis l’époque royale six turmes de cavaliers recrutés parmi les patriciens dans le cadre archaïque des trois tribus primitives, dont elles portaient les noms129. Il est fort probable qu’elles aient occupé, depuis la mise en place vers le milieu du vie siècle d’une première forme simplifiée de système censitaire, une situation déjà privilégiée dans l’organisation timocratique primitive de Rome130. Mais l’attribution, exceptionnelle au sein d’un système censitaire où les droits étaient proportionnels aux devoirs, d’une indemnité qui était versée à ceux qui étaient justement aussi les plus riches, ainsi que la collation, à Rome du moins, d’un « cheval public », au nom des principes d’honos et de dignitas, apparaissent comme des nouveautés sans précédent à Rome comme à Capoue vers la fin du ive siècle et peuvent sembler à première vue des anomalies131. On n’a sans doute pas suffisamment pris garde que l’apparition quasi simultanée du même système dans les deux cités, peu après l’annexion de Capoue par Rome, ne peut pas être due au hasard et révèle certainement l’existence d’un lien intrinsèque qui va bien au-delà d’une simple coïncidence institutionnelle ou d’une simple « imitation » de l’un par l’autre.
La table en bronze du ive siècle et l’indemnité versée aux équités Campani
30Pour tenter d’expliquer l’apparition quasi simultanée à la fin du ive siècle du même système à Rome et à Capoue, il faut revenir à la table en bronze qui mentionnait le vectigal que devait payer chaque année le peuple capouan à ses equites. L’obligation ainsi faite au peuple de Capoue était en réalité un « ordre » imposé par Rome, sans doute à la suite d’une loi votée par les comices ou d’un sénatus-consulte (vectigal quoque eis Campanus populus iussus pendere... ) : que cet « ordre » fût le résultat d’un accord préalable avec l’aristocratie capouane est probable, sinon certain, mais l’initiative ne pouvait venir que des autorités romaines132. Or, il peut paraître curieux que celles-ci aient pu accepter d’accorder un privilège à l’aristocratie d’une cité que Rome venait juste d’annexer, si l’aristocratie (ou la noblesse) romaine ne bénéficiait pas en même temps d’un privilège équivalent. D’autre part, cette table en bronze a été fixée dans le temple de Castor et Pollux sur le Forum, là-même où se réunissaient les equites equo publico au moment de la recognitio equitum et où aboutissait la transvectio equitum : cette localisation très « officielle » indique à elle seule la volonté délibérée d’associer pleinement les equites Campani à l’organisation d’un ordo equester qui n’existe probablement sous sa forme définitive qu’à partir des censures d’Appius Claudius et de Q. Fabius Rullianus133.
31Nous avons par ailleurs déjà vu que l’institution de l’aes equestre et de l’aes hordearium, parallèle à celle du vectigal payé aux equites Campani, ne pouvait exister à Rome qu’avec l’apparition du premier monnayage en bronze, en liaison avec l’introduction du stipendium et le paiement du tributum, à partir de la fin du ive siècle. Tite-Live a conservé très précisément les montants des sommes qui étaient ainsi allouées aux chevaliers romains, même si celles-ci sont probablement exprimées en as dévalués134 dans le texte livien (I, 43, 9) :
Ad equos emendos dena milia aeris ex publico data, et, quibus equos alerent, viduae attributae quae bina milia aerìs in annos singulos penderent.
« Pour l’achat des chevaux, il leur fit payer 10.000 as par an par le trésor, et pour la nourriture des chevaux il frappa les veuves d’un impôt de 2.000 as par an »135.
32W. Weissenborn et H. J. Müller, M. Kubitschek, J. Heurgon et C. Nicolet avaient déjà vu combien ce texte était proche de celui de la table de bronze qui évoquait le vectigal payé aux equites Campani136. D’ailleurs, dans les deux cas, le texte utilise le verbe pendere pour payer (même si le texte de la table de bronze n’est sans doute qu’une traduction du grec), dans la même famille de mots que stipendium, dont l’étymologie déjà soulignée par Varron est en rapport avec la pesée du métal utilisé comme premier moyen de paiement137.
33Mais le texte de la table en bronze pose une difficulté qui réside dans l’unité monétaire indiquée par Tite-Live, le denier : celui-ci n’est apparu qu’au cours de la seconde guerre punique et est contemporain de la création de l’as sextantaire138. En fait, Tite-Live utilise le terme de denarii nummi, ce qui renvoie plutôt à des monnaies campaniennes ou romano-campaniennes139 ; le texte grec du document original devait en effet exprimer les sommes en drachmes, ou plutôt en didrachmes « romano-campaniens » : d’après la plupart des auteurs, celles-ci auraient été traduites en deniers selon une équivalence traditionnelle chez les auteurs latins d’un denier pour une drachme140. Mais même traduite en drachmes, la somme de 450 deniers attribués à chacun des equites pose encore problème, car elle ne repose sur rien de connu : J. Heurgon a voulu n’y voir qu’un quotient, car selon lui la table de bronze devait certainement indiquer le montant global du vectigal versé chaque année par le peuple de Capoue, à savoir 1.600 x 450 drachmes, soit 720.000 drachmes141. Il est allé encore plus loin, en suggérant l’existence d’un rapport arithmétique entre la somme totale que devait verser le peuple de Capoue à ses equites (les 720.000 drachmes) et le montant annuel de l’aes equestre à Rome : sur la base d’une équivalence de 10 as sextantaires pour 1 denier ou 1 drachme, cet historien estimait le coût annuel d’un chevalier romain à 3.000 as (2.000 as au titre de l’aes hordearium, auxquels s’ajouteraient 1.000 as correspondant aux 10.000 as de l’aes equestre, répartis sous forme de rente annuelle tout au long des 10 ans de service militaire dans la cavalerie romaine), soit 300 drachmes142. En ne tenant compte que de l’aes hordearium versé par les veuves et les orphelins, on arrive à 200 drachmes annuels, ce qui correspond, pour les 1.800 cavaliers des 18 centuries équestres, à une somme de 360.000 drachmes, soit exactement la moitié des 720.000 drachmes prévus pour le vectigal à verser aux equites Campani. J. Heurgon explique cette différence par l’utilisation originelle de deux montures par cavalier, attestée par la définition donnée par Festus (Paul. Fest., p. 247 L.) à l’aes parartum : id quod equitibus duplex pro binis equis dabatur, et suggère ainsi implicitement que le nombre d’equites Campant concerné par le vectigal campanien était en fait égal à celui des 1.800 equites equo publico à Rome.
34Mais une explication plus simple peut permettre de comprendre le montant de 450 « deniers » par cavalier et par an qui était censé figurer sur la table en bronze qui mentionnait le vectigal campanien. Si l’information recueillie par Tite-Live remonte effectivement à une source du iie siècle, il est possible que celle-ci ait non pas « traduit » en deniers le montant exprimé en drachmes ou en didrachmes sur le document original, mais ait « converti » la somme selon une équivalence drachme-denier qui avait cours à son époque. Or, P. Marchetti a justement démontré avec beaucoup de force que la drachme mentionnée par Polybe dans son œuvre était en règle générale, et sauf indication contraire de sa part, la drachme « légère » rhodienne qui correspondait « à un étalon aussi largement répandu en Grèce au deuxième siècle que l’étalon attique » et qui ne valait que les trois quarts d’un denier143. Dans ce cas de figure, les 450 deniers de la table en bronze correspondraient en fait à 600 drachmes « poly-biennes » ou 300 didrachmes.
35Ce montant de 300 didrachmes a peut-être quelque correspondance avec le montant de l’indemnité qui était alors versée aux equites Romani. Mais les sommes indiquées par Tite-Live semblent exprimées en as dévalués dont la nature exacte est assez incertaine, et dont les rapports avec les montants d’origine des indemnités équestres qui devaient être exprimés en as libraux sont par conséquent impossible à établir. Toutefois, un passage de Varron, destiné il est vrai à corriger un barbarisme, semble avoir conservé le souvenir d’un aes equestre qui valait 1.000 as libraux, ce qui permet au moins de proposer un ordre de grandeur (De lingua Latina, VIII, 71)144 :
Item quor dicatur mille denarium, non mille denariorum ? Est enim hoc vocabulum figura ut Vatinius, Manilius, denarius : debet igi-tur dici ut Vatiniorum Maniliorum denariorum ; et non equum publicum mille assarium esse, sed mille assarlorum : ab uno enim assario multi assarii, ab eo assariorum.
« De la même manière, pourquoi mille deniers se disent mille denarium, et non pas mille denariorum ? Ce mot denarius a en effet la même forme grammaticale que Vatinius et Manilius : comme on dit Vatiniorum, Maniliorum, on devrait donc dire denariorum ; et on devrait dire qu’un cheval public de mille as n’a pas une valeur de mille assarium, mais de mille assariorum : en effet, pour un seul on dit as-sarius et pour plusieurs on dit assarii, et de là on devrait donc dire assariorum... ».
36D’après E. Lo Cascio, à la suite de Th. Mommsen, il faut comprendre le mot assarius dans le sens d’as librai (ou aes grave), et le texte de Varron, qui remonterait aux tabulae censoriae, reflèterait le montant initial de l’aes equestre145. Ces 1.000 as libraux versés pour l’achat d’un cheval de guerre donnent d’ailleurs un ordre de grandeur qui peut correspondre au coût de certains grands animaux d’élevage à l’époque archaïque146, et se substituent aux 10.000 as dévalués mentionnés par Tite-Live au titre de l’aes equestre. Dans ce cas-là, et si on réduit ces 1.000 as libraux à une indemnité annuelle en fonction des 10 années de service qui seront par la suite pratiquées dans la cavalerie, on obtiendrait un montant de 100 as libraux par an, auxquels s’ajouterait encore le montant de l’aes hordearium pour l’entretien et la nourriture du cheval (200 as libraux par an ?).
37La possibilité d’un taux de change fixe à haute époque entre l’argent et le bronze a par ailleurs été partiellement confirmée à propos du fameux passage de Pline sur le premier monnayage romain de l’argent, qui datait l’apparition du denier à Rome en 269 et fixait sa valeur à 10 as147 : il s’agirait en fait, non pas du premier « denier » romain, mais d’un didrachme dit « romano-campanien » frappé pour la première fois dans un atelier monétaire romain et dont l’équivalence en monnaie de bronze aurait alors été déterminée par rapport à des unités de compte en argent d’une valeur de 10 as libraux148. Par ailleurs, l’étude métrologique des premières séries de monnaie romaine de bronze (aes grave) comparées aux premières séries de didrachmes « romano-campaniens » révèle l’existence d’une production simultanée de séries lourdes et légères de bronze et d’argent selon des « émissions parallèles », ce qui signifie automatiquement l’existence de taux de change fixes au sein des différentes séries monétaires149. On peut dès lors parfaitement admettre que le texte grec de la table en bronze exprimait les sommes en didrachmes « romano-campaniens »150, dont la série la plus ancienne remonte en fait à la fin du ive siècle, et que les montants de l’aes equestre et de l’aes hordearium, exprimés en as libraux, avaient alors une correspondance monétaire avec le vectigal campanien. Autrement dit, le montant de l’indemnité versée au ive siècle aux equites Campani (300 didrachmes « romano-campaniens » ?) pourrait correspondre à celle qui était alors versée aux equites Romani equo publico (300 as libraux ?), même s’il est très difficile d’établir une équivalence monétaire pour cette époque entre l’argent campanien et le bronze romain (voir infra p. 321-327).
38Ce n’est pas tout : la première série de didrachmes dits « romano-campaniens », portant l’effigie de Mars sur l’avers et une tête de cheval sur le revers, avec la légende ROMANO (R.R.C. 13/1) (pl. VI, b), serait datable des années 310 environ151 ; il s’agit d’une émission unique, alignée sur le standard monétaire de Naples, mais relativement abondante, à en juger d’après le nombre d’exemplaires retrouvés jusqu’en Italie du Sud. Les données métrologiques de ces pièces d’argent, la situation géographique où elles furent découvertes, ainsi que l’interdiction qui semble avoir été faite à l’origine à la noblesse romaine de posséder de l’argent « travaillé » (en orfèvrerie, mais sans doute aussi en numéraire152) indiquent que ces premiers didrachmes « romano-campaniens » ne semblent avoir été possédés et utilisés que par des populations de Campanie ou d’Italie du Sud153. M. H. Crawford avait pensé lier cette émission aux besoins nés de la construction de la via Appia, ce qui ne semble pas une explication très satisfaisante, car on ne voit pas pourquoi Rome aurait dû recourir à des paiements extérieurs pour financer la construction d’une route154. Une autre hypothèse (pas nécessairement contradictoire d’ailleurs, mais éventuellement complémentaire) serait de lier cette émission unique dont les symboles équestres sont évidents (la tête de cheval, également utilisée sur des monnaies d’argent tarentines comme symbole des Dioscures155, mais aussi l’effigie de Mars, le temple de Mars étant au début du parcours de la transvectio equitum), à l’instauration sous couvert de l’État romain du vectigal payé en drachmes (ou didrachmes) par le peuple de Capoue aux equites Campani156. Cette hypothèse pourrait être confortée par l’existence d’un précédent, si la fameuse pièce de bronze de type napolitain (R.R.C. 1/1) (pl. VI, a), avec une tête d’Apollon sur l’avers et un taureau au revers, et portant la légende ΡΩΜΑΙΩΝ, unanimement datée de la seconde moitié du ive siècle et que Th. Mommsen et L. Sambon dataient de 338 environ157, était effectivement liée à l’octroi de la civitas romana sine suffragio aux Campaniens158.
La conjuration romano-capouane de 314
39Les confusions et les silences de la tradition annalistique romaine sur l’intégration des equites Campani dans la civitas Romana sont en fait aisément explicables aussi bien par les confusions fréquentes quand il s’agit du ive siècle, que par les circonstances troublées de la deuxième guerre samnite et par les réminiscences de la deuxième guerre punique. D’après Tite-Live, ou sa source, la table en bronze commémorait (monumentoque ut esset) l’attribution de la civitas Romana aux equites Campani en même temps qu’elle rappelait l’instauration du vectigal imposé au peuple de Capoue : il en avait conclu que l’une et l’autre étaient contemporaines de la prétendue deditio de Capoue (en 343)159 et de l’attribution de la civitas sine suffragio au reste de la population capouane, vers 338 (ou 334)160. Or, les autres sources affirment toutes que la civitas sine suffragio fut alors accordée à l’ensemble de la population de Capoue, sans distinction161. Un traitement inégal appliqué au même moment aux deux parties de la population semble en fait peu probable162. L’attribution de la civitas Romana optimo iure en 340 aurait en effet obligé ces equites Campani à migrer vers Rome pour pouvoir être inscrits dans une tribu et jouir de leurs droits politiques (à condition que l’inscription dans une tribu fût alors déjà un critère de citoyenneté : voir infra p. 402-419) : comme ils étaient également de grands propriétaires fonciers et que leurs terres se trouvaient dans la région de Capoue (l’ager Falemus), leur inscription dans une tribu romaine et donc leur admission dans une civitas Romana autre que purement honorifique n’ont été possibles au plus tôt qu’à partir de la création de la tribu Falerna en 318. Il est donc plus cohérent de penser que l’ensemble de la population capouane, ses élites comprises, a reçu au départ le même traitement et a dû se contenter de la civitas sine suffragio163, et que les equites Campani ont reçu la civitas optimo iure un peu plus tard, mais toujours dans le contexte des guerres samnites, à la suite d’une véritable négociation avec les autorités romaines, puisque l’octroi de la citoyenneté était assorti du paiement des indemnités équestres par le peuple de Capoue.
40La tradition annalistique romaine s’est d’ailleurs confusément souvenue d’une coniuratio romano-capouane impliquant des représentants de la noblesse romaine et de l’aristocratie capouane164 : en 314, les primores civitatis de Capoue « conspirèrent » contre Rome (Capuae quoque occultae principum coniurationes factae) et semblent avoir obtenu un appui auprès de certains membres de la nobilitas. Parmi les « conspirateurs », on trouve les noms d’Ovius et de Novius Calavius, dont la famille est connue pour son soutien à Rome et pour être par la suite entrée dans la clientèle des Claudii165 : il est très probable que ces « conspirateurs » étaient en fait des equites Campani. C. Maenius fut alors nommé dictateur et chargé de diriger une commission d’enquête sénatoriale (la quaestio Maeniana) : les chefs d’accusation, peu clairs, semblent concerner l’accès aux magistratures des « hommes nouveaux »166. Mais on voit mal comment l’accès aux magistratures de la part des homines novi romains pouvait encore, un demi-siècle après les lois licinio-sextiennes, être considéré comme un « crime » pour lequel il aurait fallu créer un dictateur et instituer une quaestio. En fait, les seuls personnages pour lesquels l’accès aux magistratures romaines pouvait être un « crime » et qui avaient pu être en relation avec des représentants de la noblesse romaine (précisément des homines novi)167, ne sauraient être que des membres de l’aristocratie capouane, surtout si celle-ci n’avait jusqu’alors obtenu que la civitas sine suffragio168. D’ailleurs, on ne voit pas pourquoi les equites Campani auraient « conspiré » contre Rome en 314 s’ils avaient effectivement reçu dès 340 les privilèges dont parle la table en bronze affichée sur le Forum ; et s’il s’était agi d’une tentative de sécession à la suite des défaites romaines des Fourches Caudines et des Lautulae, à l’instar de ce qui se passera sous la deuxième guerre punique, on ne voit pas pourquoi la quaestio Maeniana a également dû se tourner contre des représentants de la noblesse romaine (dont Q. Publilius Philo)169. En fait, cette coniuratio n’était sans doute pas une opposition contre l’État romain, ou une tentative de sécession de Capoue (en cela l’annalistique a facilement pu faire la confusion avec les événements de la deuxième guerre punique170), mais plutôt un conflit interne à l’État romain, au sein de la nobilitas, et impliquant les equites Campani171. Or, c’est précisément aussitôt après la conclusion de cette affaire que se place la fameuse censure d’Appius Claudius, dont la réalisation la plus spectaculaire fut la construction de la via Appia destinée d’abord à assurer la « continuité territoriale » entre Rome et Capoue172 : il semble en fait probable qu’il existe un lien entre la coniuratio de 314 et la censure de 312173.
L’intégration des equites Campani
41À la lumière de ces éléments, on peut par conséquent proposer de reconstituer les événements d’après le schéma suivant : les equites Campani auraient obtenu la civitas sine suffragio, ainsi que leurs compatriotes, vers 338 (ou 334), peu après l’annexion de Capoue par Rome ; les efforts consentis au cours de la deuxième guerre samnite les ont progressivement amenés à réclamer une véritable égalité des droits avec la nobilitas romaine, tout en obtenant le soutien de certains nobles romains au nom de l’étroitesse des liens, notamment clientélaires, qui avaient commencé à se créer174 ; la situation militaire délicate dans laquelle se trouvait Rome après ses défaites aux Fourches Caudines et aux Lautulae a amené les autorités romaines à négocier, puis à intégrer les equites Campani dans la civitas Romana optimo iure, et à les associer à l’organisation d’un ordre équestre créé au même moment à Rome (à l’image de ce qui existait peut-être déjà à Capoue)175. En échange de cette importante concession, les autorités romaines ont dû obtenir que le vectigal des equites Campani fût payé exclusivement par le peuple de Capoue. L’inscription sur une table en bronze fixée dans le temple des Castors « commémorait » cet événement en rappelant dans quelles circonstances les equites Campani avaient obtenu à la fois la civitas Romana et leur quasi assimilation à un ordre équestre auquel ils apportaient leurs codes et leurs valeurs d’aristocrates déjà très hellénisés : il n’est d’ailleurs pas impossible qu’un certain nombre des nouveaux equites composant les 12 nouvelles centuries équestres romaines, dont nous avons vu qu’elles ont dû être constituées à partir de nouvelles élites extérieures aux primores plebis, aient été en fait des equites Campani qui se seraient transférés à Rome.
42Autrement dit, Xequitatus campanien semble avoir été intégré par les autorités romaines à la fin du ive siècle, au moment où un ordo equester se constituait à Rome, probablement à partir de la censure d’Appius Claudius. Or, il est certain que l’aristocratie équestre campanienne connaissait déjà un certain nombre d’institutions et de pratiques collectives avant son intégration dans l’État romain, et qui existaient par ailleurs dans le monde grec : d’après M. W. Frederiksen, la cavalerie campanienne se serait organisée dès le vie siècle sur le modèle fourni par la colonie grecque voisine de Cumes, ce qui permettrait d’expliquer certaines similitudes avec l’organisation de l’éphébie à Athènes176. Les peintures funéraires de Capoue et de Paestum, qui mettent précisément en scène des représentants de cette aristocratie campanienne du ive siècle, montrent l’importance des modèles culturels et militaires helléniques177. Certains éléments d’apparat qui évoquent le statut social ou la dignité de ces aristocrates campaniens, comme le port de l’anneau d’or ou de la couronne de laurier, rappellent des symboles identiques qui n’apparaissent à Rome que vers la fin du IVe siècle et qui correspondent à des marques de noblesse (Ehrenabzeichen) qui sont alors adoptés par la classe dirigeante romaine (infra fig. 5)178. D’autre part, le nombre de 1.800 equites equo publico à Rome ne peut pas ne pas avoir de rapport avec celui des 1.600 equites Campani, car il s’agit d’un ordre de grandeur comparable, beaucoup plus en tout cas que celui des 600 Celeres de la cavalerie primitive : la création au sein du système centuriate romain de 12 centuries équestres supplémentaires peut donc difficilement être intervenue avant l’intégration des equites Campani, à la fin du ive siècle. L’antériorité de l’organisation sociale et institutionnelle de la cavalerie campanienne sur celle de la cavalerie romaine semble en effet très vraisemblable : aussi l’ordre de grandeur très comparable de leurs effectifs respectifs, la préexistence en Campanie de certains rites collectifs comme la δοκιμασία, la similitude des sommes qui servaient à indemniser les chevaliers campaniens et romains, la chronologie et le symbolisme des premiers didrachmes « romano-campaniens » ainsi que le contexte historique dans lequel les equites Campani ont pu acquérir la citoyenneté romaine incitent-ils à penser à une imitation par l’equitatus romain d’un « modèle » campanien selon des formes sociales et institutionnelles préexistantes à Capoue et manifestement d’origine grecque179. Les equites Campani ont ainsi pu fournir aux equites Romani un modèle culturel et sans doute aussi institutionnel, et Rome a su accepter et imposer un cadre institutionnel qui lui permettait de favoriser à la fois l’intégration politique et civique des primores plebis au sein de la nobilitas romaine, voire celle d’hommes nouveaux, et l’intégration de l’aristocratie campanienne au sein de la citoyenneté romaine.
43C’est donc dans le cadre d’une réorganisation nécessaire de la classe dirgeante romaine et dans le contexte d’une crise « campanienne » qu’a débuté la censure d’Appius Claudius et de C. Plautius en 312. Nous avons vu qu’à cette occasion, les equites Campani n’ont probablement pas remis en cause l’autorité de Rome, comme ce sera le cas pendant la deuxième guerre punique, mais ont au contraire dû réclamer une meilleure intégration dans les structures dirigeantes de l’État romain, pour prix de leur participation à l’effort de guerre accru qui leur était alors demandé. Les réformes de la censure d’Appius Claudius et de C. Plautius en 312 aboutirent donc à la création d’un « ordre équestre » romain, une mesure qui doit être mise en parallèle avec la lectio senatus de 312 et une complète réorganisation du Sénat, mais aussi avec la réforme des tribus qui les accompagnèrent. L’organisation du nouvel « ordre équestre » romain a dû s’inspirer de l’exemple des equites Campani, qui reçurent probablement alors seulement la citoyenneté romaine pleine et entière (optimo iure) dont parle Tite-Live : ceux d’entre eux qui résidaient à Rome purent éventuellement être intégrés dans le nouvel « ordre équestre », voire dans l’« ordre sénatorial » que l’application de la loi Ovinia et l’organisation de la première lectio senatus censoriale venaient de constituer. En même temps, la construction d’une liaison terrestre directe et rapide entre Rome et Capoue consacrait les liens entre les deux aristocraties et favorisait l’intégration des equites Campani dans la cité romaine. Les solutions apportées par la censure d’Appius Claudius semblent par conséquent avoir pris en compte les nouvelles dimensions de l’État romain à la fin du ive siècle, en essayant d’intégrer au mieux de nouvelles catégories de citoyens issues de l’expansion romaine vers le Latium méridional et la Campanie : en ce sens, la politique d’Appius Claudius est effectivement l’héritière de celle de Q. Publilius Philo, le conquérant de Naples, mais aussi l’« ami » des familles aristocratiques locales favorables à Rome180.
Notes de bas de page
1 Liv., VII, 31, 1 : (...) magnae parti <senatus> urbs <Capua> maxima opulen-tissimaque Italiae, uberrimus ager marique propinquus ad varietates annonae hor-reum populi Romani fore videbatur (...). Flor., I, 11, 6 : et ipsa caput urbium, Capua, quondam inter tres maximas [Romam Carthaginemque] numerata. Cf. J. Heurgon, Recherches sur Capoue préromaine, p. 243-259 ; M. Humbert, Munici-pium et civitas sine suffragio, p. 167-176 ; M. Frederiksen, Campania, p. 180-206 ; F. Càssola, dans G. Pugliese Carratelli éd., Storia e civiltà della Campania. L’evo antico, Naples, 1991, p. 103-104.
2 Liv., VIII, 14, 10-11 ; VIII, 17, 12 ; Vell., I, 14, 3. Cf. M. Humbert, Municipium, p. 195-199.
3 Liv., VIII, 25, 5-13. F. Càssola, dans Storia e civiltà della Campania, 1991, p. 104-105.
4 Le chef de l’aristocratie napolitaine, Charilaos, en livrant la ville à Q. Publilius Philo, lui déclara que les Napolitains souhaitaient entrer in amicitiam suam (Liv., VIII, 25, 12). J. Hellegouarc’h, Le vocabulaire latin des relations et des partis politiques sous la République, Paris, 19722, p. 54-56, a montré qu’à Rome, « l’amitié politique (...) n’est pas très différente de la clientèle ». Sur la politique “campanienne” de Q. Publilius Philo, cf. notamment W. Hoffmann, s.v. Publilius (11), dans R.E., XXIII, 2, 1959, col. 1912-1916 ; J. Heurgon, Recherches sur Capoue préromaine, p. 264-268 ; A. Garzetti, dans Athenaeum, 25, 1947, p. 184-186 ; E. S. Staveley, dans Historia, 8, 1959, p. 426-429 ; F. Càssola, I gruppi politici, p. 121-128 ; L. Loreto, “Osservazioni sulla politica estera degli Emilii Mamercini e di Publilio Philone”, dans Prometheus, 18, 1992, p. 58-68. Selon certains, Q. Publilius serait lui-même d’origine campanienne (ou volsque) : cf. L. Loreto, “Aspetti dell’ideologia del ceto magistratuale-senatorio a Roma tra il 326 e il 264 a.C”, dans AFLM, 25-26, 1992-1993, p. 331 et n. 9.
5 R.R.C., 1/1 ; puis R.R.C., 13/1 ; R.R.C., 15/1 ; R.R.C., 20/1 ; R.R.C., 22/1. Cf. M. H. Crawford, Coinage and Money, p. 28-35 ; T. J. Cornell, dans C.A.H.2, VII, 2, p. 415-416. Sur les circonstances de l’apparition de la monnaie à Rome, vers la fin du ive siècle, voir infra p. 308-344.
6 Liv., VIII, 11, 13-16 ; IX, 20, 6. Cf. Th. Mommsen, dans C.I.L., X, p. 365-366 ; L. R. Taylor, The voting Districts, p. 56 ; M. Humbert, Municipium, p. 202-203.
7 Cf. E. Gabba, dans G. Pugliese Carratelli éd., Roma e l’Italia, p. 55-56. Voir infra p. 144-146.
8 Cf. E. T. Salmon, Samnium and the Samnites, Cambridge, 1967, p. 191-254 ; M. Frederiksen, Campania, p. 212-216 ; D. Musti, “La spinta verso il Sud : espansione romana e rapporti “internazionali””, dans Storia di Roma, I, 1988, p. 527-533 ; G. Clemente, dans Storia di Roma, II, 1, 1990, p. 22-26.
9 Cf. M. Humm, “Appius Claudius Caecus et la construction de la via Appia”, dans MEFRA, 108, 1996, p. 693-746.
10 Diod., XX, 36, 1-2 ; Cic., Pro Mil, 17 ; Pro Cael, 34 ; Liv., IX, 29, 6-8 ; elog., dans C.I.L., P, 1, p. 192, n° X (= I.L.S., 54 ; Inscr. It., XIII, 3, 79) ; Frontin., De aq., 1, 5, 1-3 ; Paul. Fest., p. 23 L. ; Pomp., Ench. (ap. Dig., I, 2, 2, 36) ; Eutr., Brev., II, 9, 2 ; Auct., De vir. ill, 34, 6-7 ; Proc, Goth., I, 14, 6-9 ; Soud., s.v. « ‘Αππία όδος ».
11 Cf. Diod., XIX, 72, 7 ; l’expression a connu un grand succès : utilisée une première fois par H. Nissen, Italische Landeskunde, II, Berlin, 1902, p. 642, elle fut ensuite reprise par : G. De Sanctis, Storia, p. 305 ; G. Lugli, Ager Pomptinus, p. 202, n. 1 ; G. Uggeri, dans S. Quilici Gigli éd., La Via Appia, p. 21 ; A. Bianchini, “Terracina. Termopili del Lazio”, dans Saggi su Terracina e la Regione Pontina, Casamari, 1975, p. 337-356.
12 Appius Claudius est souvent décrit comme l’héritier politique de Q. Publilius Philo (voir supra p. 105 et n. 16), un personnage qui semble directement impliqué dans la coniuratio romano-capouane de 314 (infra p. 175-179).
13 E. Pais, Storia critica, TV, p. 189 (= Id., Storia di Roma, vol. V, p. 206-207), estimait qu’à l’origine la via Appia n’allait que jusqu’à Sinuessa, colonie fondée pendant le second consulat ou pendant la préture d’Appius ; G. Radke, Viae publicae Romanae, Bologne, 1981, p. 40-46 et p. 134-140, a cherché à démontrer qu’à l’époque de la censure d’Appius, la via Appia ne pouvait pas aller au-delà de Formies ; enfin, encore plus radical, T. Pekary, Untersuchungen zu den römischen Reichsstrassen, Bonn, 1968, p. 45, fixa le terminus initial de la route, à l’époque d’Appius Claudius Caecus, à Forum Appi.
14 Cf. Diod., XX, 36, 2 : ἀπò Ῥώμης μέχρι Καπύης, ὄντος τοῦ διαστήματος σταδίων πλειόνων ἤ χιλίων. Frontin., Aq., I, 5, 1 : viam Appiam a porla Capena usque ad urhem Capuam muniendam curavit. Auct. de Vir. ill., 34, 6 : viam usque Brundisium lapide stravit, unde illa Appia dicitur. Proc, Goth., I, 14, 6 : ἐκ Ῥώμης γὰρ αὕτη ἐς Καπύην διήκεὶ.
15 L’expansion romaine vers la Campanie et l’Italie du Sud dans la seconde moitié du IVe siècle ainsi que la menace samnite ont certainement poussé Appius Claudius à construire une route offrant une alternative plus rapide et plus sûre que la via Latina : celle-ci empruntait la vallée du Trerus (Sacco) puis du Liris, avant de rejoindre la plaine du Volturne (Garigliano) à la hauteur de Teanum (infra fig. 4) ; la via Latina était ainsi plus longue de 15 milles (22 km), soit 147 milles (218 km) contre 132 milles (196 km) pour la via Appia ; enfin, la route construite par Appius Claudius emprunta en réalité le tracé d’une ancienne “route côtière” qui a dû préfigurer celui de la via Appia et qui est à plusieurs reprises évoquée par les sources (cf. Liv., VII, 39, 7-16 ; VIII, 14, 10 ; Dion. Hal., XV, 4, 1 = 15.G Pittia) : cf. D. Sterpos, Roma-Capua, comunicazioni stradali attraverso і tempi, Novara, 1966, p. 7-10 ; S. Mazzarino, “Aspetti di storia dell’Appia antica”, dans Helicon, 8, 1968, p. 181, parle à ce sujet de “préhistoire de la via Appia” ; F. Castagnoli, “La Via Appia”, dans Capitolium, XLIV (n° 10, 11 et 12), 1969, p. 77-82, suppose également l’existence très ancienne d’un lien routier entre les cités albaines et Rome et qui aurait à peu près correspondu au tracé actuel de la via Appia sur ce tronçon ; enfin la protohistoire de la route côtière qui reliait l’Etrurie méridionale, le Latium et la Campanie, a été étudiée par A. Alföldi, Early Rome and the Latins, Ann Arbor, 1965, p. 187-192, ainsi que par L. Quilici dans Civiltà del Lazio primitivo, Rome, 1976, p. 11-15.
16 Diod., XIX, 76, 3-5 ; Liv., IX, 26, 5-22 ; la coniuratio de 314 semble traduire les difficultés d’intégration dans la citoyenneté romaine des éléments les plus “philo-romains” des notables campaniens installés à Rome : voir infra p. 175-179 ; cf. aussi J. Heurgon, Capoue préromaine, p. 278-279 ; enfin G. Radke, Viae publi-cae Romanae, p. 135 avait déjà souligné le lien qu’il a pu y avoir entre la défaite romaine aux Lautulae en 315/314, la tentative de défection de Capoue en 314/313 et la construction de la via Appia à partir de 312.
17 Cf. M. Frederiksen, Campania, p. 213-215 ; F. Coarelli, “Colonizzazione romana e viabilità”, dans DArch, s. 3, 6, 1988, p. 35-48 ; G. Uggeri, “La Via Appia nella politica espansionistica di Roma”, dans S. Quilici Gigli éd., La Via Appia, dans Quaderni del Centro di Studio per l’Archeologia etrusco-italica, 18, Decimo incontro di studio del comitato per l’archeologia laziale, Rome, 1990, p. 21-28.
18 De nombreuses hypothèses ont été proposées à ce sujet : G. Radke, Viae publicae Romanae, p. 134-140 : l’auteur a imaginé que la via Appia a été construite par tronçons successifs, en suivant la carrière politique d’Appius Claudius Caecus : le censeur de 312 aurait d’abord construit sa route jusqu’à Formies, puis l’aurait complétée pendant son consulat de 307 en construisant le tronçon entre Minturnes et Calès via Suessa Aurunca, et aurait enfin aménagé le détour par Sinuessa et Pons Campanus au cours de son second consulat, en 296, ou de sa préture, en 295 ; T. P. Wiseman, “Roman Republican Road-building”, dans PBSR, 38, 1970, p. 130-131 (= Id., Roman Studies, Liverpool, 1987, p. 134-135), montre l’impossibilité technique de l’existence d’une route côtière et d’un pont sur l’impétueux Volturne dès la fin du ive siècle av. J.-C. : la via Appia devait primitivement passer par Suessa Aurunca et Calès, colonies latines fondées respectivement en 313 et 334 ; Sinuessa a dû alors être reliée à la via Appia par une route transversale à partir de Suessa, et n’aurait été desservie par une route côtière qu’avec la création de la via Domitiana, peut-être vers 162 av. J.-C ; mais l’opinion majoritaire estime généralement que si le tracé de la via Appia passait effectivement à l’origine à l’est du mont Massico, près de Suessa Aurunca, il fut par la suite détourné par Sinuessa, après la fondation de la colonie en 296 : cf. G. Radke, Viae publicae Romanae, p. 137-138 ; D. Sterpos, Roma-Capua, p. 16 ; M. Frederiksen, Campania, p. 38-39 ; F. Castagnoli, dans F. Castagnoli, A. M. Colini et G. Macchia éd., La Via Appia, Rome, 1972, p. 68 ; enfin W. Johannovsky, “Problemi archeologici campani”, dans RAAN, n. s. 50, 1975, p. 3-38 (cf. surtout p. 14-17 et 30-31), estime au contraire que le premier tracé de la via Appia, s’il menait bien dès l’origine de Rome à Capoue, passait en fait directement de Sinuessa à Capoue à travers l’ager Falemus, via le pons Campanus et Casilinum, bien à l’abri des attaques samnites derrière la ligne de défense constituée par les colonies latines de Suessa Aurunca, Teanum et Calès.
19 Sur les liens entre la fondation de la colonie de Terracine et la construction de la via Appia, cf. M.-R. De la Blanchère, Terracine. Essai d’histoire locale, Paris (B.E.F.A.R. 34), 1884, p. 52-54 ; S. Mazzarino, dans Helikon, 8, 1968, p. 178-180 ; M. I. Pasquali, “La via Appia e il Capitolium di Terracina”, dans A. R. Mari, R. Malizia, P. Longo et M. I. Pasquali éd., La Via Appia a Terracina. La strada romana e і suoi monumenti, Casamari, 1988, p. 153-154 ; il est par ailleurs évident que la création des tribus Oufentina et Falerna (en 318) a précédé et conditionné la construction de la via Appia : cf. M. Humbert, Municipium, p. 200-204 ; L. Loretto, loc. cit., dans A&R, 36, 1991, p. 185, n. 23 ; enfin M. Cancellieri, “Il territorio pontino e la Via Appia”, dans S. Quilici Gigli éd., La Via Appia, p. 61-71, a analysé les relations qui ont pu exister entre la via Appia et l’organisation agraire qui la précédait dans la zone des Marais Pontins : des photographies aériennes ont révélé l’existence d’un quadrillage du parcellaire agricole que la via Appia coupe avec un angle de 45° en fractionnant les parcelles, ce qui ne pourrait s’expliquer que si le parcellaire agricole était antérieur à la construction de la route et datait de la distribution virttim du territoire privernate en 340, avant que l’établissement de citoyens romains sur ces terres n’amenât la création de la tribu Oufentina en 318.
20 Cf. F. Altheim, Rom und der Hellenismus, Amsterdam-Leipzig, 1941, p. 96-106 ; E. S. Staveley, dans Historia, 8, 1959, p. 410-433 ; F. Càssola, I gruppi politici, p. 128-137 (cf. surtout p. 129 sur la signification politique et économique de la via Appia).
21 Cic, Cat. M., 37 : Quattuor robustos filios, quinque filias, tantam domum, tantas clientelas Appius regebat et caecus et senex... Val. Max., VIII, 13, 5 : Appi vero aevum clade metirer, quia infinitum numerum annorum orbatus luminibus exe-git, nisi quattuor filios, V filias, plurimas clientelas, rem denique publicam hoc casu gravatus fortissime rexisset. Cf. E. Albertini, “Les clientèles des Claudii”, dans MEFR, 24, 1904, p. 247-276 ; E. Rawson, “The Eastern Clientelae of Claudius and the Claudii”, dans Historia, 22, 1973, p. 219-239 ; Ead., “More on the clientelae of Claudius and the Claudii”, dans Historia, 26, 1977, p. 219-239 ; T. P. Wiseman, Clio’s cosmetics, p. 89 et p. 91, a montré qu’il s’agissait d’un thème récurrent de la traduction anti-claudienne.
22 Liv., IX, 46, 11.
23 Liv., IX, 42, 4.
24 J. Hellegouarc’h, Le vocabulaire latin des relations et des partis politiques, p. 237-238.
25 Suet., Tib., II, 5.
26 Cf. F.-H. Massa-Pairault, dans D. Briquel et J.-P. Thuillier éd., Le Censeur et les Samnites, p. 106-107. Voir infra p. 485-489.
27 L. R. Taylor, The Voting Districts, p. 133-137 ; B. MacBain, “Appius Claudius Caecus and the Via Appia”, dans CQ, 30, 1980, p. 356-372 (en part. p. 360-364) ; F.-H. Massa-Pairault, dans D. Briquel et J.-P. Thuillier éd., Le Censeur et les Samnites, p. 106-107. Sur la politique clientélaire d’Appius Claudius, voir aussi G. Clemente, dans Storia di Roma, II, 1, 1990, p. 40-45.
28 Voir supra p. 139, n. 21. L’inscription du milliaire de Posta di Mesa (infra p. 490, n. 26), au 53e mille de la via Appia, indique le nom de l’édile P. Claudius (Pulcher), le fils d’Appius (Claudius Caecus), qui doit donc être à l’origine de travaux sur la route dans la zone pontine vers 251 ou 249 av. J.-C, ce qui prouve pour le moins un intérêt familial pour la via Appia : cf. M. Humm, dans MEFRA, 108, 1996, p. 726-727.
29 Cf. Liv., II, 16, 4 ; Dion. Hal., V, 40, 3 ; cf. Suet., Tib., I, 1-2.
30 Voir T.L.L. Onomasticon, II, 1907-1913, s.v. Centemmanus, col. 323 ; T.L.L., III, 1907, s.v. centimanus, col. 820 ; Pomp., Ench. (ap. Dig., I, 2, 2, 36) : Post hunc [sc. Appium Claudium] decemvirem Appius Claudius eiusdem generis maximam scientiam habuit : hic Centemmanus appellatus est, Appiam viam stravit et aquam Claudiam induxit... Cf. Liv., II, 16, 4 (à propos d’Attus Clausus) : magna clientium comitatus manu... A. Forcellini, Totius latinatis onomasticon, II, 1868, p. 309 ; F.- H. Massa-Pairault, dans D. Briquel et J.-P. Thuillier éd., Le Censeur et les Samnites, p. 107 ; cf. Ead., “Signification politique de la Gigantomachie du temple de Mater Matuta (Satricum)”, dans MNIR, 56, 1997, p. 115-137 (en part. p. 121-122). Pour une autre interprétation possible, voir aussi supra p. 48, n. 58.
31 F.-H. Massa-Pairault, dans D. Briquel et J.-P. Thuillier éd., Le Censeur et les Samnites, p. 101 ; cf. Liv., X, 31, 2-7.
32 Plin., N.H., XXXIV, 32. Cf. T. R. S. Broughton, The Magistrates of the Roman Republic, I, p. 186-187 ; F. Càssola, I gruppi politici, p. 159-171 ; F.-H. Massa-Pairault, dans D. Briquel et J.-P. Thuillier éd., Le Censeur et les Samnites, p. 107.
33 Vell., I, 14, 7. Cf. M. Denti, “Il Marsia di Paestum”, dans AION (archeol), 13, 1991, p. 175-176.
34 M. Mello et G. Voza, Le iscrizioni latine di Paestum, Naples, 1968, p. 213-214 (n° 139) : Sex(tus) Sextio(s) Sex(ti) [f(ilius)] L(ucius) Tatio(s) L(uci) f(ilius), / L(ucius) Claudio(s) Tr(ebi) f(ilius), / L(ucius) Statio(s) C(ai) f(ilius), / qaistores de leged fecere. D’après les caractéristiques paléographiques, l’inscription daterait du milieu du IIIe siècle environ et représenterait l’un des plus anciens documents épigraphiques de Paestum. Pour F.-H. Massa-Pairault, dans D. Briquel et J.-P. Thuillier éd., Le Censeur et les Samnites, p. 107, comme ce L. Claudius, « Trebi filius », porte le gentilis des Claudii, alors que son père avait un prénom osque, il pourrait s’agir d’ » un Claudius dont la famille pourrait nous reporter à l’origine aux propriétés des Claudii à Capoue. Il s’agit donc d’un cas postérieur à Appius Caecus mais qui renvoie aux rapports des Claudii (des descendants immédiats du Caecus, de leurs gentiles et de leurs clients) avec l’Italie méridionale jusqu’à la IIe guerre punique. » Et de conclure : « Il faut souvent remonter les générations pour établir des continuités réelles ou simplement plausibles avec l’époque du Caecus ».
35 Varr., Res rust., I, 2, 1 : spectantes in pariete pictam Italiam. Cf. supra p. 69, n. 123.
36 H. Kiepert, Manuel de géographie ancienne, Paris, 1887, p. 207-208 ; W. Hoffmann, Rom und die griechische Welt, p. 127. Voir supra p. 69 et n. 123.
37 Cf. E. Lepore, “L’ITAΛIA nella formazione della communità romano-italica”, dans Klearchos, 5, 1963, p. 89-113 (en part. p. 99-100). Le traité romano-carthaginois de 306 est mentionné par Tite-Live (IX, 43, 26) quelques années seulement après la fondation de colonies maritimes à Antium (338), Terracine (329) et Pontiae (313), la création des premiers duumviri navales (en 311 : Liv., IX, 30, 4) et l’organisation d’une expédition navale en Campanie contre Pompéi et Nucérie (en 310 : Diod., XIX, 65, 7 ; Liv., IX, 38, 2-3) : on a suggéré qu’Appius Claudius a pu être pour quelque chose dans l’élaboration de ce traité, préparé au cours de son consulat, mais rien ne le prouve : cf. E. S. Staveley, dans Historia, 8, 1959, p. 430 ; K. A. Raaflaub et al., The Age of Pyrrhus, p. 44. On a d’autre part rapproché ce traité de 306 de la mention par Philinos, un historien sicilien cité par Polybe (III, 26, 2-4), d’un traité qui aurait départagé, avant la première guerre punique, les zones d’influence respectives des deux puissances, en interdisant aux Romains toute ingérence en Sicile, et aux Carthaginois l’accès à l’Italie : J. H. Thiel, History of Roman Sea Power before the Second Punic War, Amsterdam, 1954, p. 12-17 ; E. S. Staveley, dans Historia, 8, 1959, p. 422 ; F. Càssola, I gruppi politici, p. 84-88 ; S. Mazzarino, Il pensiero storico classico, II, 1, p. 96 et p. 148 ; J. Heurgon, Rome et la Méditerranée, p. 337 ; R. E. A. Palmer, Rome and Carthage at Peace, Stuttgart, 1997, p. 15-30 (en part. p. 16). Mais l’existence du “traité de Philinos” est rejetée par d’autres, pour des raisons historiques et chronologiques : cf. en dernier lieu E. Gabba, dans Storia di Roma, II, 1, 1990, p. 57 et n. 12 ; Id., dans G. Pugliese Carratelli éd., Roma e l’Italia, p. 73 (qui estime que le “traité de Philinos” pourrait plutôt concerner le traité romano-carthaginois conclu pendant la guerre de Pyrrhus, vers 280-278, ce qui confirmerait également l’utilisation du concept d’Italie dans le discours d’Appius Claudius).
38 Voir la réponse du Sénat romain à Pyrrhus après le discours d’Appius Claudius et le renvoi de Cinéas (Plut., Pyrrh., 19, 5) : Τοιαῦτα τοῦ Ἀππίου διαλεχθέντος, ὁρμὴ παρέστη πρòς τòν πόλεμον αὐτοῖς, καὶ τòν Κινέαν ἀποπέμπουσιν ἀποκρινάμενοι Πύρρον ἐξελθόντα τῆς Ἰταλίας, οὕτως εἰ δέοιτο περὶ φιλίας καὶ συμμαχίας διαλέγεσθαι, μέχρι δ’ οὑ πάρεστιν ἐν ὅπλοις, πολεμήσειν αὐτῷ Ῥωμαίους κατὰ κράτος, κἂν μυρίους ἔτι Λαιβίνους τρέψηται μαχόμενος : « Le discours d’Appius incita les Romains à la guerre et ils renvoyèrent Cinéas avec cette réponse : “Que Pyrrhos commence à sortir d’Italie et alors, s’il le veut, on pourra parler d’amitié et d’alliance, mais tant qu’il restera ici en armes, les Romains lui feront la guerre à outrance, eût-il battu dix mille Laevinus en batailles rangées !” » – trad. R. Flace-lière et E. Chambry, éd. de Plutarque, Vies, t. VI, Paris (C.U.F.), 1971, p. 51-52) ; Eutr., II, 13, 1 : Pax discipluit remandatum Pyrro est a senatu eum cum Romanis, nisi ex Italia recessisset, pacem habere non posse. Cf. en ce sens J. Carcopino, Profil de conquérants, Paris, 1961, p. 65-66 (qui parle d’une sorte de “doctrine Monroe” romaine !) ; P. Catalano, “Aspetti spaziali del sistema giuridico-religioso romano. Mundus, templum, urbs, ager, Latium, Italia”, dans A.N.R.W., II, 16, 1, 1978, p. 525-553 (en part. p. 546-547 et n. 3) ; cet auteur remarque également (p. 543) que la réforme du culte d’Hercule à l’Ara Maxima, en 312, qui consista à adopter une forme de culte originaire de Grande-Grèce et à introduire le Graecus ritus à l’intérieur du pomerium, signifie que l’Italia était alors déjà devenue une unité juridique pour la religion romaine ; sur la portée du discours d’Appius Claudius dans la formation de la conception romaine de l’Italie, voir enfin F. Zevi, dans Studi Miscellanei, 30, 1991-1992, p. 127.
39 Voir E. Gabba, dans G. Pugliese Carratelli éd., Roma e l’Italia, p. 43-44.
40 Cf. Stat., Silv., II, 2, 11. Voir déjà en ce sens A. Passerini, “Sulle trattative dei Romani con Pirro”, dans Athenaeum, 21, 1943, p. 110-111 ; F. Càssola, Gruppi politici, p. 167-168.
41 Liv., XXIII, 4, 7 : Id modo erat in mora ne extemplo deficerent, quod conubium vetustum multas familias claras ас potentes Romanis miscuerat. Cf. aussi Liv., XXXI, 31, 10-11.
42 Cf. F. Münzer, Römische Adelsparteien und Adelsfamilien, p. 51-60 (notamment sur le rôle des Fabii) ; W. Schur, dans Hermes, 59, 1924, p. 450-473 ; J. Heurgon, Capoue préromaine, p. 260-277 (sur l’origine “campanienne” de P. Decius Mus) ; A. Bernardi, “Roma e Capua nella seconda metà del IV sec. a.C”, dans Athenaeum, 21, 1943, p. 26-28 ; E. S. Staveley, dans Historia, 8, 1959, p. 428-429 ; С. Nicolet, dans REL, 20, 1961, p. 717 (qui souligne que C. Plautius, le collègue d’Appius Claudius à la censure, « porte un nom bien campanien », et renvoie à l’anthroponyme Navios Plautios) ; M. Frederiksen, Campania, p. 229-232 ; F.-H. Massa-Pairault, dans D. Briquel et J.-P. Thuillier éd., Le Censeur et les Samnites, p. 101.
43 Liv., XXIII, 2, 2-6. Cf. F. Münzer, s.v. Calavius (4), dans R.E., III, 1,1897, col. 1337 ; Id., s.v. Claudia (383), dans R.E., III, 2, 1899, col. 2285 ; J. Heurgon, Capoue préromaine, p. 106-108 ; J.-M. David, Le patronat judiciaire au dernier siècle de la République romaine, Rome (B.E.F.A.R. 277), 1992, p. 872. Sur le rôle culturel des Livii et des Claudii au IIIe siècle, notamment dans l’introduction du théâtre grec à Rome et la première production de Livius Andronicus (originaire de Tarente) aux Ludi Romani de 240 : E. Flores, Letteratura e ideologia, p. 14-16 ; F. Altheim, Rom und der Hellenismus, p. 104-105 ; Id., La religion romaine antique, p. 208.
44 Liv., XXIII, 2, 2 : Senatum et sibi et plebi obnoxium Pacuvius Calavius fece-rat, nobilis idem ас popularis homo, ceterum malis artibus nanctus opes.
45 La superbia ingenita Campants : Liv., IX, 6, 5 ; cf. Cic, De leg. agr., II, 91 ; Gell., N.A., I, 24, 2. L’insita superbia des Claudii : Liv., IX, 34, 15 ; Tac, Ann., I, 4, 3 (vetus atque insita Claudiae familiae superbia). La superbia et la pertinacia d’Appius Claudius : Liv., IX, 29, 8 ; IX, 34, 22 ; IX, 34, 24.
46 Voir supra p. 144, n. 43 ; infra n. 51.
47 Voir supra p. 144.
48 Voir supra n. 43.
49 Liv., XXIII, 4, 7 (voir supra p. 144, n. 41).
50 Voir supra p. 144, n. 43.
51 Sur les Calavii de Capoue, voir en dernier lieu : D. Briquel, “L’image des Calavii de Capoue”, dans D. Briquel et J.-P. Thuillier éd., Le Censeur et les Samnites, p. 117-133. La femme de Pacuvius Calavius est dite la fille d’un Appius Claudius (Liv., XXIII, 2, 6) : comme elle avait des enfants qui semblent alors déjà avoir atteint l’âge adulte, elle ne peut pas avoir été la fille d’Appius Claudius Pulcher (R.E., n° 293), consul en 212 ; or Appius Claudius Russus (R.E., n° 316), consul en 268, et Appius Claudius Caudex (R.E., n° 102), consul en 264, respectivement le fils aîné et le frère d’Appius Claudius Caecus, sont les deux seuls Claudii du iiie siècle, connus par les sources et antérieurs à la deuxième guerre punique, à avoir porté le prénom Appius. En revanche, l’écart de génération rend peu plausible qu’elle ait pu être la fille d’Appius Claudius Caecus lui-même, comme l’a récemment soutenu Y. Le Bohec, Histoire militaire des guerres puniques, Paris, 1996, p. 38 ; voir infra l’arbre généalogique des Claudii, p. 662-663.
52 Liv., IX, 7, 1-5. Cf. J. Heurgon, Recherches sur Capoue préromaine, p. 106-108 ; F. Càssola, Gruppi politici, p. 126, n. 14 ; L. Loreto, dans AFLM, 24, 1991, p. 63 ; Id., dans AFLM, 25-26, 1992-1993, p. 334. Toutefois, d’après D. Briquel, dans D. Briquel et J.-P. Thuillier éd., Le Censeur et les Samnites, p. 124-128, l’intervention d’Ofilius Calavius en faveur des Romains au lendemain des Fourches Caudines pourrait être un épisode imaginaire, inventé par un annaliste qui aurait tenté, par la présentation de Calavii proromains, de « redresser grâce à eux l’image négative qui s’attachait à la cité campanienne, et à cette famille en particulier » (p. 128), surtout depuis la trahison de Capoue en 216 et le rôle qu’y a joué Pacuvius Calavius ; mais l’historicité du personnage d’Ofilius Calavius, dont « le prénom [Ofillius < Offals < Opfals] est emprunté au plus pur stock onomastique de l’osque » (p. 124), ne semble faire aucun doute.
53 Liv., IX, 26, 7. Voir infra p. 175-179.
54 F.-H. Massa-Pairault, dans D. Briquel et J.-P. Thuillier éd., Le Censeur et les Samnites, p. 101, situerait la décision d’une alliance matrimoniale entre les Claudii et les Calavii à la suite de la campagne menée en Campagnie en 295 par le préteur Appius Claudius et le proconsul L. Volumnius (cf. supra p. 141).
55 La censure vit ses pouvoirs et son influence (auctoritas) s’accroître à partir de la deuxième moitié du ive siècle, à la suite des lois licinio-sextiennes : cf. K. Beloch, Römische Geschichte, p. 81 ; A. С. Astin, “The Censorship of the Roman Republic”, dans Historia, 31, 1982, p. 174-187 ; F. Càssola, “Lo scontro fra patrizi e plebei e la formazione della « nobilitas »”, dans Storia di Roma, I, 1988, p. 461.
56 F.-H. Massa-Pairault, “« Eques Romanus – Eques Latinus » (ve-ive siècle)”, dans MEFRA, 107, 1995, p. 47.
57 Cf. Cic, De Rep., IV, 2 : equitatus, in quo suffragia sunt etiam senatus : le mot suffragia est à entendre ici dans son sens général, et ne signifie pas précisément les seules centuries équestres appelées sex suffragia (cf. infra p. 156 et n. 96, et C. Nicolet, L’ordre équestre, 1, p. 135). A l’époque républicaine, les sénateurs proviennent tous des centuries équestres : cf. Th. Mommsen, Le droit public, VI, 2, p. 104-109 ; C. Nicolet, dans JRS, 1976, p. 20-38 ; F.-H. Massa-Pairault, dans MEFRA, 107, 1995, p. 53.
58 Sur la “place de l’ordre équestre dans le système « servien »”, cf. C. Nicolet, L’ordre équestre, 1, p. 25-45.
59 Cf. C. Nicolet, L’ordre équestre, 1, p. 71 ; selon C. Nicolet, « le choix du Forum » s’expliquerait aussi « par le fait que cette recognitio n’est pas à proprement parler un acte militaire, et que les chevaliers ne s’y présentent pas rangés en troupe (...), mais sans doute par centuries, et certainement par tribus ».
60 Cf. Th. Mommsen, Le droit public, VI, 2, p. 92-103 ; J. Suolahti, Roman Censors, p. 41-43.
61 L’expression transduc equum, utilisée par Valère Maxime (IV, 1, 10) et reprise par Quintilien (V, 11, 3), n’est autrement attestée dans la littérature latine que par Cicéron (traduc equum : Pro Cluent., 133) : cf. C. Nicolet, L’ordre équestre, 1, p. 83.
62 Selon H. Hill, The Roman Middle Class in the Republican Period, Oxford, 1952, p. 35, « the technical terms are equum adimere or equum vendere iubere, and the censors’ formula was probably vende equum ». Sur l’expression equum adimere ou equi adempti, et l’étude des cas d’exclusion, voir C. Nicolet, L’ordre équestre, 1, p. 83-88.
63 Cf. J. Hellegouarc’h, Le vocabulaire latin des relations et des partis politiques, p. 427-428 (sur la notion d’ordo) et p. 457-458 (sur l’emploi de l’expression dignitas equestris). Voir surtout C. Nicolet, L’ordre équestre, 1, p. 163-176 ; cf. ibid., p. 68 : « L’album des chevaliers a toujours été celui d’un “ordre” honorifique, un honneur constitué par le choix du magistrat, et non par la possession d’un certain cens. Et l’ordre équestre n’est, au sens strict, que l’ensemble des equites equo publico » ; et ibid., p. 170, l’équation établie par C. Nicolet : « Ordo Equester = Equites Romani = Equites equo publico = Equites centuriarum equitum Romanorum ». Voir aussi Th. Mommsen, Le droit public, VI, 2, p. 75-80 ; H. Hill, “Livy’s Account of the Equites”, dans СРҺ, 25, 1930, p. 245-247 ; Id., The Roman Middle Class, p. 32-44 ; В. Cohen, Les ordres romains (synopsis en français), p. xxiv-xxxviii. Contra : P. Marchetti, Histoire économique et monétaire, p. 209-238, qui refuse d’admettre l’existence d’un ordo equester, c’est-à-dire d’une catégorie privilégiée d’equites equo publico à côté d’autres equites, qui auraient été equo privato, avant 90 av. J.-C. : jusque-là, tous les cavaliers romains auraient été, sans exception, equites equo publico ; c’est oublier un peu vite que le cheval public est d’abord un signe honorifique laissé à la discrétion des censeurs au moment de la recognitio equitum, et décerné parmi ceux qui avaient le census maximus : en fait, il ne faut pas confondre les réalités militaires avec les réalités politiques du système timocratique romain.
64 Sur la réforme du Sénat et le contenu de la loi Ovinia, voir infra p. 185.
65 L’« ordre équestre » est ainsi explicitement désigné par Cicéron comme étant le « second ordre » de l’État dans les expressions : secundus ordo civitatis (Pro Rab. Post., 16 ; Pro Cluent., 150 et 153 ; II Verr., 3, 184) ou Senatus, equester ordo, ceteri ordines (Pro Cluent., 150-151 ; Pomp., 17-18 ; Pro Rab. Post., 27 ; Sen., 10 ; In Pis., 45).
66 Cf. С. Nicolet, L’ordre équestre, 1, p. 71 (« le cas limite de la première recognitio equitum »).
67 F.-H. Massa-Pairault, Recherches sur l’art et l’artisanat étrusco-italiques à l’époque hellénistique, Rome (B.E.F.A.R. 257), 1985, p. 110 ; cf. Ead., dans MEFRA, 107, 1995, p. 54.
68 Cf. F.-H. Massa-Pairault, dans MEFRA, 107, 1995, p. 52-55.
69 Cf. H. Hill, The Roman Middle Class, p. 36-37. Les censures pour lesquelles le census equitum est mentionné sont celles de 312, 304, 276, 252, 214, 209, 204, 194, 189, 184, 179, 174, 169, 164, 159, 142, 125, 102, 70 et 50. C. Nicolet, L’ordre équestre, 1, p. 70, remarque que le plus ancien des équivalents grecs pour désigner la recognitio equitum d’Appius Claudius (δοκιμασία) correspond au terme employé pour le double examen des cavaliers athéniens (cf. Arist., Ath. polit., XLIX, 1-2).
70 Cf. C. Nicolet, L’ordre équestre, 1, p. 17-20 ; cf. à propos du système « servien », cette remarque ibid., p. 18 : « En vérité, on ne peut guère avoir l’espoir de saisir la réalité antérieure à la fin du ive siècle ».
71 Trad. de R. Bloch et Ch. Guittard, éd. de Tite-Live, Histoire Romaine, tome VIII, Livre VIII, Paris (C.U.F.), 1987, p. 29.
72 Cf. C. Nicolet, L’ordre équestre, 1, p. 37-38 ; cf. aussi J. Heurgon, Recherches sur Capoue préromaine, p. 179.
73 La défection de Capoue pendant la deuxième guerre punique interdit absolument de rabaisser la date de ce document au-delà de la fin du iiie siècle ; comme il n’y a au cours du iiie siècle aucun événement auquel il semblerait possible de rattacher l’institution de ce vectigal, ce document doit forcément remonter au ive siècle, dans la période qui a suivi l’annexion de Capoue par Rome. Contra : A. Bernardi, “Roma e Capua nella seconda metà del iv sec. a.C”, dans Athenaeum, 20, 1942, p. 86, n. 3, qui met en doute l’authenticité du document ; P. Marchetti, Histoire économique et monétaire, p. 204-208, préfère voir dans ce document une anticipation, commise par les annalistes que suivit Tite-Live, des événements de la deuxième guerre punique. Mais ni le nombre des chevaliers campaniens (1.600 au lieu des 300 restés fidèles à Rome en 215 : Liv., XXIII, 31, 10), ni même l’existence d’un vectigal payé par le peuple campanien à ses chevaliers après la déportation d’une partie de la population de Capoue en 211-210 (Liv., XXVI, 16, 11) ne semblent réellement plausibles au moment de la deuxième guerre punique ; d’ailleurs, à ce moment-là, la citoyenneté romaine des equites Campani semble un fait acquis de longue date, comme le laisse entendre le discours du consul romain aux députés campaniens pour les conjurer de ne pas trahir les anciens traités (Liv., XXIII, 5, 9) : civitatem nostram magnae parti vestrum dedimus communicavimusque vobiscum.
74 J. Heurgon, Recherches sur Capoue préromaine, p. 255-256 ; C. Nicolet, L’ordre équestre, 1, p. 37.
75 C. Nicolet, L’ordre équestre, 1, p. 19 et p. 36-38 ; cf. le commentaire de Weissenborn-Müller, t. III, 1, p. 209 ; W. Kubitschek, s.v. Aes equestre, dans R.E., I, 1, 1893, col. 684 ; J. Heurgon, Recherches sur Capoue préromaine, p. 253-257.
76 C. Nicolet, L’ordre équestre, 1, p. 40, rappelle la définition donnée par Festus aux mots vectigal aes (p. 508 L., avec la correction <a> populo) : appellatur, quod ob tributum et stipendium et aes equestre et hordiarium <a> populo debetur, et souligne que « dans ce passage, vectigal a le sens non pas de revenu de l’Etat (sens qu’il prendra plus tard), mais au contraire, de “somme payée” par le peuple. » Contra : P. Marchetti, Histoire économique et monétaire, p. 200-201, qui refuse la correction <a> populo et propose la traduction : « on appelle vectigal aes à la fois le stipendium, l’aes equestre et l’aes hordearium qui sont dus au peuple en échange du tribut ».
77 C. Nicolet, L’ordre équestre, 1, p. 42-45 (ainsi, p. 45 : « le fait que la tradition ne connaisse pas d’autre nom qu’aes equestre pour cette contribution semble indiquer que nous sommes dans une économie monétaire ») ; cf. aussi P. Marchetti, Histoire économique et monétaire, p. 208-209. Sur l’apparition du premier monnayage romain et ses rapports avec l’institution du stipendium et la création du tributum, à la fin du ive siècle, voir infra p. 308-344 : “La nouvelle échelle censitaire et les débuts du monnayage romain”, et p. 375-397 : “Réforme militaire et réforme des tribus”.
78 D’après C. Nicolet, L’ordre équestre, 1, p. 113-123, qui s’appuie sur le témoignage un peu confus de Tite-Live à propos du dédoublement des trois centuries équestres primitives par Tarquin l’Ancien (Liv., I, 36, 7 : ita ut mille ас ducenti in tribus centuriis essent), puis de l’ajout par Servius Tullius de 12 nouvelles centuries de chevaliers (Liv., I, 43, 8), les 18 centuries équestres auraient totalisé 2.400 cavaliers dès le ive siècle. En réalité, ce nombre n’a peut-être été atteint qu’au iie siècle, et il vaut mieux admettre qu’à l’origine les 18 centuries équestres du système censitaire romain étaient les seules à comprendre des effectifs limités exactement à 100 hommes, selon la définition que donnent Varron et Festus de la centurie primitive (Varr., De ling. Lat., V, 88 ; Paul. Fest., p. 46 L. : voir infra p. 285, n. 55), et ne comprenaient donc que 1.800 equites equo publico : Th. Mommsen, Le droit public, VI, 1, p. 119, n. 2, et p. 293-294 ; Id., Le droit public, VI, 2, p. 70-71 ; A. Stein, Der römische Ritterstand, Munich, 1927, p. 4-5 ; H. Hill, The Roman Middle Class, p. 7 ; E. Schönbauer, “Die römische Centurien-Verfassung in neuer Quellenforschung”, dans Historia, 2, 1953, p. 42-43 ; L. R. Taylor, Roman Voting Assemblies from the Hannibalic War to the Dictatoship of Caesar, Ann Arbor, 1966, p. 86 ; G. De Sanctis, Storia dei Romani, IIP, 1, Florence, 1967, p. 365 ; A. Piganiol, La conquête romaine, Paris, 1974, p. 175 et n. 1.
79 Cf. J. Heurgon, Recherches sur Capoue préromaine, p. 253-254 ; C. Nicolet, L’ordre équestre, 1, p. 36-37 et p. 114-115.
80 C. Nicolet, L’ordre équestre, 1, p. 37 ; cf. J. Heurgon, Recherches sur Capoue préromaine, p. 254.
81 Ce qui correspond exactement au μέγιστον τίμημα : P. Marchetti, Histoire économique et monétaire, p. 211.
82 P. Marchetti, Histoire économique et monétaire, p. 212.
83 P. Marchetti, Histoire économique et monétaire, p. 214-241 ; pour cet historien, le mot ordo ne désignait à l’origine que le “rang” occupé à l’armée, et tous les citoyens servant à cheval (donc toute la cavalerie romaine) auraient depuis toujours été inscrits dans les 18 centuries équestres et auraient bénéficié de l’attribution de l’equus publicus et des aera equestria : il n’y aurait donc pas eu une catégorie privilégiée de citoyens réunie au sein d’un ordo equester et constituant une sorte d’aristocratie au sein de la cité, du moins pas avant le début du ier siècle av. J.-C.
84 Cf. Th. Mommsen, Le droit public, VI, 1, p. 292.
85 Cf. J. Hellegouarc’h, Le vocabulaire latin, p. 388-411.
86 A. Alföldi, “(Centuria) procum patricium”, dans Historia, 17, 1968, p. 455-460, admettait que l’institution du cheval public ne pouvait pas remonter aux origines de la cavalerie romaine, ni même aux origines du système centuriate, au vie siècle ; mais l’historien ne pouvait pas en expliquer l’origine.
87 Sur “les droits et les devoirs civiques des chevaliers”, cf. l’exposé très diachronique proposé par Th. Mommsen, Le droit public, VI, 2, p. 109-181.
88 Cf. C. Nicolet, L’ordre équestre, 1, p. 35 : « le cheval public est une institution qui s’intègre très bien dans un système censitaire qui tend à répartir, à l’intérieur de la cité, les droits et les devoirs en fonction de la fortune ».
89 La transvectio equitum devait partir à l’origine du temple de Mars, sur la via Appia, comme l’indique Denys d’Halicarnasse (VI, 13, 4) ; ce n’est qu’après construction du temple d’Honos à la porte Capène par Q. Fabius Maximus Verrucosus, donc au plus tôt après 233, que cette cérémonie a pu prendre ce nouveau point de départ : cf. S. Weinstock, “Die römische Reiterparade”, dans SMSR, 13, 1937, p. 10-24 ; Id., s.v. Transvectio equitum, dans R.E., VI A, 2, 1937, col. 2178-2187 ; F.-H. Massa-Pairault, loc. cit., dans MEFRA, 107, 1995, p. 42 et n. 34.
90 Pour F.-H. Massa-Pairault, loc. cit., dans MEFRA, 107, 1995, p. 41-43, « le motif de la fondation de la transvectio equitum au ve siècle dépend vraisemblablement d’un motif de propagande gentilice des Postumii » (p. 43).
91 La transvectio equitum ne concerne que les equites equo publico (πομπή τῶν εχόντων τòν δημόσιον ΐππον), ce qui ne peut se placer historiquement qu’après l’institution de la recognitio equitum et la création d’un ordo equester, qui datent vraisemblablement de la censure d’Appius Claudius. D’ailleurs, pendant la parade, les chevaliers sont rangés par tribus et centuries (κατά φυλάς τε καὶ λόχους), ce qui correspond d’une part à l’ordre dans lequel les censeurs procédaient à la recognitio equitum (cf. C. Nicolet, L’ordre équestre, 1, p. 72), et d’autre part à la nouvelle procédure du dilectus qui apparaît sans doute vers la fin du ive siècle avec le développement de l’organisation manipulaire (voir infra p. 375-397, en part, p. 384-387) ; F.-H. Massa-Pairault, dans MEFRA, 107, 1995, p. 57-58, propose d’ailleurs « de reconnaître en Appius Claudius l’un des créateurs de l’equitatus dans sa nouvelle base de recrutement combinant census et tribu ». Enfin, selon A. Magdelain (mentionné par C. Nicolet, op. cit., p. 71, n. 7), le fait que la transvectio equitum se déroulait en ordre de bataille (ώς έκ μάχης ἢκοντες) à l’intérieur du pomerium ne peut pas faire remonter cette institution au-delà de la fin du ive siècle.
92 La couronne d’olivier (θαλλòς έλαία) réservée aux soldats vainqueurs est une pratique culturelle incontestablement d’origine grecque (cf. Val. Max., II, 6, 5 : Eadem [sc. urbs Atheniensium] bonos cives corona decorandi prima consuetu-dinem introduxit, duobus oleae conexis ramulis clarum Periclis cingendo caput. Plin., N.H., XV, 19 : Oleae honorem Romana maiestas magnum perhibuit turmas equitum idibus luliis ea coronando, item minoribus triumphis ovantes. Athenae quoque victores olea coronant, Graecia oleastro Olympiae. Voir aussi : Plut., Per., 28, 5-6 ; Cim., 8, 1). Son introduction à Rome à la fin du ive siècle seulement peut trouver confirmation dans l’autorisation accordée en 293 aux citoyens romains qui avaient reçu une couronne pour leurs exploits militaires, d’assister couronnés aux Jeux Romains (Liv., X, 47, 3 : Eodem anno, coronati primum ob res bello bene gestas ludos Romanos spectarunt, palmaeque tum primum, translato e Graecia more, victoribus datae ; cf. Th. Mommsen, Le droit public, II, p. 78). Cet honneur particulier renforce la présomption d’un éventuel modèle grec ou gréco-colonial pour la transvectio equitum : Tarente, Sybaris, Loeres, Cumes et la Sicile ont été tour à tour invoquées (cf. F.-H. Massa-Pairault, dans MEFRA, 107, 1995, p. 45-46, avec bibliographie).
93 C. Nicolet, L’ordre équestre, 1, p. 44-45.
94 Cf. C. Nicolet, L’ordre équestre, 1, p. 19.
95 C. Nicolet, L’ordre équestre, 1, p. 19-20, n’exclut pas entièrement qu’il ait pu exister une cérémonie similaire avant 304, mais selon lui, « la “mise en forme” de l’institution, telle qu’elle s’est perpétuée par la suite, ne remonte pas au delà de la fin du ive siècle » ; A. Momigliano, “Procum Patricium”, dans JRS, 56, 1966, p. 22 (= Id., Quarto Contributo alla Storia degli Studi Classici e del Mondo Antico, Rome, 1969, p. 390-391), a essayé de concilier le témoignage de Denys avec celui des autres sources : au début du ve siècle, il ne se serait agi que d’une cérémonie purement religieuse ; mais en 304, celle-ci aurait dorénavant été placée sous la supervision des censeurs ; or l’intervention des censeurs se comprendrait mieux si les 12 nouvelles centuries de cavaliers avaient précisément été créées vers la même époque.
96 Les témoignages des Anciens sur l’origine des sex suffragia et leur intégration dans le système “servien” sont confus et contradictoires, ce qui révèle certainement une longue stratification historique, résultat de transformations et de réformes successives : cf. Liv., I, 36, 7-8 : Neque tum Tarquinius de equitum cen-turiis quicquam mutavit : numero alterum tantum adiecit, ut mille et octingenti equites in tribus centuriis essent ; posteriores modo sub iisdem nominibus qui additi erant appellati sunt. Quas nunc, quia geminatae sunt, sex vocant centurias. Liv., I, 43, 9 : sex item alias centurias, tribus ab Romulo institutis, sub iisdem quibus inauguratae erant nominibus fecit, [sc. Servius Tullius] Fest., p. 452 L., sex suffragia appellantur in equitum centuriis quae sunt adiectae [adfectae F : corr. Augustinus] ei numero centuriarum quas Priscus Tarquinius rex constituit ; selon certains, il faudrait préférer la leçon adfectae du texte de Festus, avec le sens suivant : aux trois centuries dédoublées de Tarquin, Servius Tullius “attribua” sex suffragia, c’est-à-dire le droit de voter comme six centuries (cf. H. Hill, “Festus on sex suffragia”, dans AJPh, 58, 1937, p. 458-459 ; J. H. Oliver, “Festus on the sex suffragia”, dans Studi in onore di Pietro De Francisci, I, Milan, 1956, p. 129-130 ; G. V. Sumner, “The Legion and the Centuriate Organization”, dans JRS, 60, 1970, p. 75, n. 23 ; F.-H. Massa-Pairault, “Notes sur le problème du citoyen en armes : cité romaine et cité étrusque”, dans A.-M. Adam et A. Rouveret éd., Guerre et sociétés en Italie, p. 33). Le doublement des trois turmes primitives, dont le nombre était aligné sur celui des trois tribus gentilices, comme l’indiquent leurs noms, date très probablement de l’époque archaïque : cf. C. Ampolo, “La città riformata e l’organizzazione centuriata. Lo spazio, il tempo, il sacro nella nuova realtà urbana”, dans Storia di Roma, I, 1988, p. 221 ; J.-C. Richard, “Patricians and Plebeians : The Origin of a Social Dichotomy”, dans dans К. A. Raaflaub éd., Social Struggles in Archaic Rome, p. 117 (qui attribue le doublement des trois centuries équestres primitives, Ramnes, Tities et Luceres, à Servius Tullius lui-même). Sur le rôle politique des’sex suffragia à l’époque républicaine, voir les textes de Cic, De Rep., II, 39 ; et IV, 2 ; cf. Th. Mommsen, Le droit public, VI, 1, p. 329-332 ; A. Momigliano, dans JRS, 56, 1966, p. 17-18 (= Id., Quarto Contributo, p. 379-392) ; C. Nicolet, L’ordre équestre, 1, p. 126-138.
97 Cf. S. Weinstock, dans SMSR, 13, 1937, p. 10-24 ; A. Alföldi, Der frührömische Reiteradel, p. 102-114 ; U. von Lübtow, Das römische Volk, sein Staat und sein Recht, Francfort, 1955, p. 74 ; E. Meyer, Römischer Staat und Staatsgedanke, Zürich-Stuttgart, 19643, p. 84 et p. 496 ; A. Momigliano, dans JRS, 56, 1966, p. 22 (= Id., Quarto Contributo, p. 391) ; E. Ferenczy, From the Patrician State, p. 172 ; F.-H. Massa-Pairault, dans MEFRA, 107, 1995, p. 55-58.
98 K. J. Neumann, s.v. Foedus, dans R.E., VI, 2, 1909, col. 2825 ; A. Alföldi, Der frührömische Reiteradel, p. 100 ; cf. Liv., IX, 14, 14-16 ; IX, 15, 7 ; App., Samn., IV, 4.
99 Cf. déjà dans le même sens C. Nicolet, L’ordre équestre, 1, p. 44 : « Les equites equo publico des 18 centuries, qui comptent à cette époque [fin ive siècle] les sénateurs dans leurs rangs, font partie intégrante du système servien, c’est-à-dire que leurs vieilles turmes, d’origine italique ou étrusque, ont été intégrées dans un ingénieux et minutieux système timocratique qui existait sans doute auparavant, mais qui est fortement réorganisé au cours des censures successives d’Appius Claudius et de Fabius Rullianus ; ils sont isolés et honorés moins comme la cavalerie de la cité que comme la fleur de sa jeune “nobilitas” ». Voir aussi F.-H. Massa-Pairault, dans Guerres et sociétés en Italie, p. 42 et n. 57 ; Ead., loc. cit., dans MEFRA, 107, 1995, p. 55-58 (cf. n. 91), semble hésiter entre la cohérence logique et historique qui associerait le triplement de Yequitatus à la création de Yor-do equester par Appius Claudius, et la force de la tradition qui fait remonter à Servius Tullius les dix-huit centuries équestres.
100 Cf. F.-H. Massa-Pairault, dans MEFRA, 107, 1995, p. 48-51.
101 Cette assertion, devenue classique, s’appuie essentiellement sur le témoignage du texte de l’Ineditum Vaticanum (F.Gr.Hist., 839, 3 : voir infra p. 269, n. 4) ; cf. G. De Sanctis, Storia dei Romani, II, La conquista del primato in Italia, Turin, 1907, p. 208 et n. 54) qui prétend que la cavalerie n’eut pas de poids à Rome avant les guerres samnites. E. Lammert, dans sa recension des travaux de W. Helbig dans Neue Jahrb., 19, 1907, p. 616, avait déjà rejeté l’idée selon laquelle les Romains n’auraient eu une véritable cavalerie qu’à partir des guerres samnites, et expliquait le témoignage de l’Ineditum Vaticanum par une augmentation du nombre des cavaliers romains à cette époque. Sur l’importance de la cavalerie romaine dès l’époque archaïque, sur le plan militaire aussi bien que social et politique, voir notamment les travaux d’A. Alföldi, Der frührömische Reiteradel (cf. la mise au point faite lors de la réédition de cet ouvrage à Rome en 1979 par F. De Martino, “Sulla storia dell’equitatus romano”, dans PP, 35, 1980, p. 143-160 = Nuovi studi di economia e diritto romano, Rome, 1988, p. 67-85) ; Id., “Die Herrschaft der Reiterei in Griechenland und Rom nach dem Sturz der Könige”, dans Festschrift K. Schefold, Bâle, 1967, p. 13-47. En réalité, pour le statut social et politique des cavaliers dans la cité, réalités militaires et réalités civiques sont souvent confondues par nos sources dans une “dialectique” complexe : cf. F.-H. Massa-Pairault, dans MEFRA, 107, 1995, p. 47-48. Pour A.-M. Adam, “Aspects de l’iconographie des cavaliers en Etrurie du vie au ive siècle avant notre ère : représentation et idéologie”, dans MEFRA, 107, 1995, p. 71-96, l’image du cavalier dans les cités étrusques du vie et encore du ve siècle est avant tout celle d’une classe d’âge, celle de la jeunesse cavalière des clans aristocratiques. Enfin, une thèse récente soutenue par N. Lubtchansky sur Jeunesses cavalières et cavaleries gentilices. Le cavalier et son image en Etrurie et en Grande Grèce à l’époque archaïque (Université de Paris X, 1996), replace le problème du rôle et de la place de la cavalerie romaine à l’époque archaïque dans le contexte plus large des cavaleries étrusques et grecques de l’Italie préromaine, pour montrer qu’il s’est toujours agi de corps militaires d’élite d’origine aristocratique et jouant un rôle de premier plan aussi bien sur le plan politique que militaire : elle s’oppose ainsi à la thèse d’A. Momigliano, selon laquelle la cavalerie n’aurait jamais joué qu’un rôle secondaire dans les institutions politiques et militaires de l’ancienne Rome (cf. A. Momigliano, dans JRS, 56, 1966, p. 16-24 = Quarto contributo, p. 377-394 ; Id., “Cavalry and Patriciate. An answer to professor A. Alföldi”, dans Historia, 18, 1969, p. 385-388 = Quinto contributo, I, Rome, 1975, p. 635-639 ; et la critique de F. De Martino, dans PP, 35, 1980, p. 147, n. 14).
102 E. Meyer, “Das römische Manipularheer”, dans Kleine Schriften, II, Halle, 1924, p. 193-329 ; E. Rawson, “The Literary Sources for the Pre-Marian Army”, dans PBSR, 39, 1971, p. 13-31 (= Id., Roman Culture and Society, Oxford, 1991, p. 34-57) ; D. Kienast, “Die politische Emanzipation der Plebs und die Entwicklung des Heerwesens im frühen Rom”, dans BJ, 175, 1975, p. 106-112 ; E. Gabba, “Istituzioni militarie e colonizzazione in Roma medio-repubblicana (iv-iii sec. a.C.)”, dans RFIC, 103, 1975, p. 144-147 ; Id., “Assemblee ed esercito a Roma fra IV e III sec. a.C”, dans Roma tra oligarchia e democrazia. Classi sociali e formazione del diritto in epoca medio-repubblicana (Copanello 28-31 Maggio 1986), 1989, p. 53 ; Id., “La società romana fra iv e iii secolo", dans Storia di Roma, II, 1, p. 14-16 ; Ch. Saulnier, L’armée et la guerre dans le monde étrusco-romain (viiie-ive siècle), Paris, 1980, p. 123 ; T. J. Cornell, “The Conquest of Italy”, dans C.A.H. 2, VII, 2, p. 373 et p. 383 ; K. A. Raaflaub et alii, dans The Age of Pyrrhus, p. 30 ; voir aussi infra p. 268-283.
103 Liv., IX, 30, 3. Cf. E. S. Staveley, dans Historia, 8, 1959, p. 430 ; P. Marchetti, “A propos du tributum romain : impôt de quotité ou de répartition ?”, dans Armées et fiscalité dans le monde antique, Paris, 1977, p. 109 et p. 118, n. 1 ; T. J. Cornell, The Beginnings of Rome, p. 354. Sur le nombre de tribuns militaires fixé par la loi Atilia-Marcia de 311, voir infra p. 278-279 et n. 33.
104 Selon Polybe, le nombre de soldats composant normalement la légion s’élevait à 4.200 hommes et 300 cavaliers (VI, 20, 9) : μετὰ ταῦτα τοὺς ιππεῖς τò μὲν παλαιòν ὑστέρους εἰώθεσαν δοκιμάζειν ἐπὶ τοῖς τετρακισχιλίοις διακοσίοις, νῦν δὲ προτέρους, πλουτίνδην αὐτῶν γεγενημένης ὑπò τοῦ τιμητοῦ τῆς ἐκλογῆς καὶ ποιοῦσι τριακoσίους εἰς ἕκαστον στρατόπεδον : « ensuite venait dans l’ancien temps le tour des cavaliers, qu’on avait coutume de sélectionner après les quatre mille deux cents <fantassins> ; mais aujourd’hui, cela se fait d’abord, d’après un choix que le censeur a effectué en fonction des fortunes ; et on en prend trois cents pour chaque légion » (cf. aussi Pol., II, 24, 13). Dans son commentaire à l’édition de Polybe (Histoires, Livre VI, Paris (C.U.F.), 1977, p. 97, n. 1), C. Nicolet remarque que « la chronologie de la réforme que résume Polybe est mal connue ; il n’est pas impossible qu’elle remonte pour partie jusqu’au IVe siècle. » Or pour la deuxième moitié du ive siècle, Tite-Live donne précisément à deux reprises le nombre de 300 cavaliers par légion : en 349, lorsqu’il anticipe la levée en masse dont parle Polybe pour l’année 225 (VII, 25, 8) : Undique, non urbana tantum, sed edam agresti iuventute, decem legiones scriptae dicuntur, quaternum milium et duceno-rum peditum equitumque trecenorum ; et en 340, lorsqu’il décrit pour la première fois l’organisation manipulaire (VIII, 8, 14) : Scribebantur autem quattuor fere legiones quinis milibus peditum, equitibus in singulas legiones trecenis.
105 Voir déjà en ce sens : A. Piganiol, “Un document d’histoire sociale romaine : la classification servienne”, dans Annales E.S.C., 5, 1933, p. 118 ; sans faire référence au témoignage de Polybe, E. Meyer, Römischer Staat und Staatsgedanke, Zürich-Stuttgart, 19643, p. 82-83, en était aussi arrivé à la même conclusion.
106 Cf. déjà G. V. Sumner, dans JRS, 60, 1970, p. 74-75, mais qui plaça cette réforme à l’époque de la guerre contre Véies, où les 12 nouvelles centuries équestres auraient été partagées entre 2 légions, avant d’être partagées entre 4 légions à partir de 367/366 (mais cette reconstruction chronologique ne repose sur aucune source ni sur aucun indice précis) ; de même E. Gjerstad, “Innenpolitische und militärische Organisation in frührömischer Zeit”, dans A.N.R.W., I, 1, 1972, p. 172-174 ; Id., Early Rome, V, The written Sources, Lund, 1973, p. 159-161, pour qui les centuries composant les sex suffragia auraient été, dès la création des 12 nouvelles centuries équestres, réduites à un simple rôle politique dans l’assemblée électorale parce que les tribus gentilices qui leur servaient de cadres de recrutement avaient cessé d’exister avec la création des nouvelles tribus (mais cet historien considère que le système centuriate “servien” remonte effectivement à Servius Tullius, qui aurait donc introduit les 12 nouvelles centuries équestres en même temps que les nouvelles tribus territoriales) ; il n’est pas exclu, comme le suggéra E. Meyer, Römischer Staat und Staatsgedanke, p. 82, que les sex suffragia aient pu constituer, après la création des 12 nouvelles centuries équestres en rapport avec l’existence de 4 légions manipulaires à partir de la fin du ive siècle, une force de réserve pour deux légions supplémentaires : au moment de la bataille de Sentinum, en 295, Rome avait en effet engagé simultanément six légions.
107 Liv., V, 7, 3-7. Cf. C. Nicolet, L’ordre équestre, 1, p. 54-55 ; F.-H. Massa-Pairault, dans Guerres et sociétés en Italie, p. 41-43 ; Ead., dans MEFRA, 107, 1995, p. 52 et n. 79.
108 Cf. F.-H. Massa-Pairault, dans MEFRA, 107, 1995, p. 52-55 : “equites equo publico et primores plebis”.
109 F.-H. Massa-Pairault, dans MEFRA, 107, 1995, p. 53-54. Voir infra p. 185-226, en part. p. 188-199 et p. 203-208.
110 Th. Mommsen, Le droit public, TV, p. 104, a montré que « la confection de la liste des sénateurs présente des analogies multiples avec celle de la liste des chevaliers et sous certains rapports elle a été positivement organisée à son image » (cf. aussi J. Suolahti, Roman Censors, p. 54-55) ; les deux opérations suivaient en effet la même démarche : on commençait par réviser la liste précédente « en constatant les décès, les autres vacances et les causes d’inaptitudes », puis on finissait par « remplir les places vacantes ».
111 Cf. F. Càssola, “Lo scontro fra patrizi e plebei e la formazione della « nobilitas »”, dans Storia di Roma, I, p. 451-481.
112 Telle était du moins l’opinion d’A. Momigliano, dans JRS, 56, 1966, p. 18 (= Id., Quarto Contributo, p. 382) : la base de recrutement des sex suffragia était constituée par les 3 tribus primitives, c’est-à-dire les 30 curies archaïques, qui étaient composées aussi bien de patriciens que de plébéiens ; toutefois, un monopole patricien a très bien pu se mettre en place au début de l’époque républicaine, dans le contexte de la “serrata del patriziato”, et les sex suffragia ne se seraient ouverts de nouveau aux plébéiens que plus tard : Th. Mommsen a précisément souligné que leur nom officiel était à l’origine Titienses, Ramnenses, Luceres priores et posteriores, et ne serait devenu sex suffragia que lorsqu’elles ont été ouvertes aux plébéiens, ce qui a pu se produire après le vote des lois licinio-sextiennes et l’accès des plébéiens aux magistratures, et donc aussi au Sénat, ou au plus tard au moment de la censure d’Appius Claudius Caecus et de la première recognitio equitum censoriale.
113 Comme le prétendait Th. Mommsen, “Die patricischen und die plebejischen Sonderrechte”, dans Id., Römische Forschungen, I, p. 135-140 ; Id., Le droit public, VI, 1, p. 287-288. Pour A. Alföldi, dans Historia, 17, 1968, p. 448, les vieilles centuries des Tities, Ramnes et Luceres étaient à l’origine exclusivement patriciennes parce qu’elles étaient les seules à avoir été légitimées par l’auspica-tio, un privilège exclusivement patricien (contra : A. Momigliano, dans JRS, 56, 1966, p. 16-24 = Quarto contributo, p. 377-394 ; Id., dans Historia, 18, 1969, p. 385-388 = Quinto contributo, p. 104-108).
114 Cic, Orat., 155-156 : Nec enim dixerim tam libenter ‘annum iudicium’ (...) quam ‘centuriam fabrum’ et ‘procum’, ut censoriae tabulae loquuntur, audeo di-cere, non ‘fabrorum’aut ‘procorum’. Fest., p. 290 L. : Procum patricium in discriptione classium quam fecit Ser. Tullius significat procerum : i enim sunt principes. Il est certain que la centuria procum mentionnée par Cicéron d’après les tabulae censoriae correspond aux procum patricium mentionnés par Festus (Verrius Flaccus), sans doute à partir de Varron, qui a trouvé l’expression dans les Commentarii Servii Tullii regis et qui est cité par Festus dans le lemme précédent. Depuis Th. Mommsen, on considère généralement qu’il y avait plus d’une centuria procum patricium (même si Cicéron emploie le singulier pour son exemple grammatical, comme pour la centuria fabrum, alors que dans ce cas nous savons qu’il y en avait deux) et que ces centuries devaient correspondre aux trois anciennes centuries équestres dédoublées (Titienses, Ramnenses, Luceres priores et posteriores) devenues par la suite les sex suffragia : Th. Mommsen, Le droit public, VI, 1, p. 277, n. 4 ; p. 287-288 ; G. De Sanctis, Storia dei Romani, F, p. 241 ; P. De Francisci, Primordia Civitatis, Rome, 1959, p. 569 et p. 703 ; A. Alföldi, dans Historia, 17, 1968, p. 444-460. D’autres ont opposé les proci aux patricii, en pensant qu’il s’agissait d’une asyndète pour proci <et> patricii, sur le modèle de patres conscripti, et que les proci désigneraient les primores plebis regroupés avec les patriciens dans une ou plusieurs centuries : A. Rosenberg, Untersuchungen zur römischen Zenturienverfassung, Berlin, 1911, p. 48 ; E. Schönbauer, dans Historia, 2, 1953-54, p. 42 sq. ; U. von Lübtow, Das römische Volk, p. 75-76 ; E. Meyer, Römischer Staat und Staatsgedanke, p. 84 et p. 491-496 ; A. Alföldi, Der frührömische Reiteradel, p. 99 et p. 106. Contra : A. Momigliano, dans JRS, 56, 1966, p. 16-24 = Quarto contributo, p. 377-394 ; Id., dans Historia, 18, 1969, p. 385-388 = Quinto contributo, p. 104-108 (A. Momigliano pensait qu’il n’y avait qu’une centuria procum patricium et qu’elle n’avait rien à voir avec les centuries équestres ; mais l’historien ne parvient pas à expliquer à quoi correspondait cette centurie) ; A. Mag-delain, "Procum patricium", dans Studi in onore di E. Volterra, II, Milan, 1971, p. 247-266 (qui pensait qu’il s’agissait d’une centurie unique et non équestre regroupant des consulaires (= proceres) patriciens et plébéiens) ; de même J.-C. Richard, Les origines de la plèbe romaine. Essai sur la formation du dualisme patricio-plébéien, Rome (B.E.F.A.R. 232), 1978, p. 485-487.
115 Cf. H. Hill, The Roman Middle Class, p. 208-211 ; С. Nicolet, L’ordre équestre, 1, p. 127-128 ; A. Bernardi, “Dagli ausiliari del rex ai magistrati della res publica”, dans Athenaeum, 30, 1952, p. 23-24 et p. 48, estimait que l’expression procum patricium désignait les sex suffragia, ouverts au patriciat et à la plèbe et qui seraient venus s’ajouter aux centuries Titienses, Ramnenses, Luceres priores et posteriores à la fin du ive siècle ; C. Letta, “Cic, De re p., II, 22 e l’ordinamento centuriato”, dans SCO, 27, 1977, p. 231-242, pense que dans une étape intermédiaire, qui correspondrait à la “serrata del patriziato”, les six centuries primitives correspondant aux Titienses, Ramnenses, Luceres priores et posteriores se seraient appelées procum patricium, d’après l’expression archaïque conservée par Cicéron (Orat., 156) et Festus (p. 290 L., s.v. Procum patricium) : dans ce cas, et si cette hypothèse est juste, le changement de nom intervenu avec l’adoption de l’expression sex suffragia serait encore plus évocateur et l’abandon de toute référence explicite au patriciat signifierait effectivement l’ouverture des six centuries équestres primitives, à l’origine exclusivement réservées aux patriciens, à la nouvelle noblesse patricio-plébéienne.
116 Cf. E. Schönbauer, dans Historia, 2, 1953-54, p. 42 ; A. Alföldi, dans Historia, 17, 1968, p. 454 ; C. Letta, dans SCO, 27, 1977, p. 242-250.
117 Th. Mommsen, Le droit public, VI, 1, p. 288 et p. 306, n. 3, pensait que les sex suffragia n’avaient été ouverts aux plébéiens qu’au moment de la grande réforme des comices centuriates, dans la deuxième moitié du iiie siècle (qu’il datait en 220) : cette interprétation s’appuyait sur un fragment de Salluste (Hist., fr. 11 M.), où l’historien affirmait que la lutte entre patriciens et plébéiens s’était poursuivie jusqu’à la deuxième guerre punique. Contra : G. De Sanctis, Storia dei Romani, III2, 1, p. 331, n. 80 ; H. Hill, The Roman Middle Class, p. 6, p. 16 et p. 211 ; F. Càssola, I gruppi politici, p. 9, n. 12.
118 Cf. F.-H. Massa-Pairault, dans MEFRA, 107, 1995, p. 55.
119 A. Momigliano, dans JRS, 56, 1966, p. 18 (= Id., Quarto Contributo, p. 381) : « The name “sex suffragia” was obviously due to the fact that originally they were the only existing centuries of knights with the right to vote : they were literally the ‘sex suffragia’, as far as the cavalry was concerned ».
120 С. Letta, dans SCO, 27, 1977, passim, et part. p. 245-250 ; l’auteur justifie ainsi le calcul fait par Cicéron pour obtenir une majorité aux comices centuriates : 6 (les sex suffragia) + 2 (les 12 centuries “anonymes”) + 80 (les centuries de la première classe) + 1 (la centurie des fabri tignarli) = les 89 centuries qu’obtient Cicéron en additionnant les centuries équestres, celles de la première classe et la centurie des charpentiers (De Rep., II, 39).
121 Cf. Th. Mommsen, Le droit public, VI, 1, p. 287-288 et p. 308 n. 3 ; G. V. Sumner, “Cicero on the comitia centuriata : De Republica II, 22, 39-40”, dans AJPh, 6, 1960, p. 147, n. 13 ; A. Momigliano, dans JRS, 56, 1966, p. 17-18 (= Id., Quarto Contributo, p. 380-381) ; C. Nicolet, L’ordre équestre, 1, p. 126-131. Dans l’ordre de vote, les centuries équestres votaient en premier (Liv., I, 43, 11 : equites (...) vocabantur primi) et les sex suffragia faisaient fonction de praerogativae, comme le laisse entendre un passage de Tite-Live (XXVIII, 9, 20) : Equites L. Ve-turium et Q. Caecilium legatos magnis tulisse laudibus, hortatosque esse plebem, ut eos consules in proximum annum crearent ; adiecisse equitum praerogativae aucto-ritatem consules (cf. Ch. Meier, s.v. Praerogativa Centuria, dans R.E., Suppl. VIII, 1956, col. 570 ; C. Nicolet, op. cit., p. 128) ; le vote séparé des 12 centuries postérieures est signalé par Tite-Live à l’occasion du procès perduellionis du censeur Appius Claudius en 169 (XLIII, 16, 14) : cum ex duodecim centuriis equitum octo censorem condemnassent multaeque aliae primae classis. Il n’est toutefois pas possible de tirer du témoignage de Cicéron sur l’élection de Dolabella comme consul en 44 l’argument que les sex suffragia auraient voté après la première classe (Phil., II, 82 : Ecce Dolabellae comitiorum dies. Sortitio praerogativae ; quiescit. Re-nuntiatur ; tacet. Prima classis vacatur, renuntiatur. Deinde, ita ut adsolet, suffragia ; tum secunda classis vocatur), alors que celui de Tite-Live (XLIII, 16, 14) sur le procès d’Appius Claudius montrerait que les 12 autres centuries votaient avec ou avant les centuries de la première classe (ainsi notamment : A. Momigliano, dans JRS, 56, 1966, p. 18 = Id., Quarto Contributo, p. 380-381) : C. Nicolet, op. cit., p. 134-137, a montré combien ces textes avaient été « surexploités » par les historiens modernes, et qu’il fallait « comprendre la phrase de la seconde Philippique de la manière la plus simple, comme le fait P. Wuilleumier [dans la C.U.F.] : “Le vote se poursuit conformément à la coutume ; c’est le tour de la seconde classe” », en proposant peut-être la correction : suffrag(i)atum secunda classis vocatur. En tout cas, cette distinction a dû se maintenir jusqu’au début du iie siècle au moins : C. Nicolet, op. cit., 1, p. 127 et p. 129.
122 C. Nicolet, dans JRS, 1976, p. 25 = Id., dans C. Nicolet éd., Des ordres à Rome, p. 151-152 ; cf. aussi G. V. Sumner, dans JRS, 60, 1970, p. 74.
123 Fest., p. 454 L. : Senatores a senectute dici satis constat ; quos initio Romulus elegit centum, quorum Consilio rempublicam administraret. Itaque etiam <pa>tres appellati sunt ; et nunc cum senatores adesse iubentur, “quibus in senatum sententiam dicere licet” ; quia hi, qui post lustrum conditum ex iunioribus magistratum ceperunt, et in senatu sententiam dicunt, et non vocantur senatores ante quam in senioribus sunt censi. Gell., Ν.Α., III, 18, 5 (cf. Varr., Men., fr. 220 Cèbe) : M. autem Varro in ‘Satura Menippea’, quae Ίπποκύων inscripta est, equites quos-dam dicit ‘pedarios’ appellatos, videturque eos significare qui, nondum a censoribus in senatum lecti, senatores quidem non erant, sed quia honoribus populi usi erant, in senatum veniebant et sententiae ius habebant.
124 Cf. E. Schönbauer, dans Historia, 2, 1953-54, p. 41 ; H. Hill, The Roman Middle Class, p. 14-16 et p. 208-211 ; E. Gjerstad, Early Rome, V, p. 159-160 (les sex suffragia auraient correspondu à 6 centuries de seniores, et les 12 autres centuries équestres à des centuries de iuniores). Contra : C. Letta, dans SCO, 27, 1977, p. 230 et p. 238, pour qui il n’y eut jamais de disctinction entre iuniores et seniores au sein des centuries équestres.
125 Cf. F.-H. Massa-Pairault, dans MEFRA, 107, 1995, p. 55.
126 C. Nicolet, L’ordre équestre, 1, p. 19.
127 Id., ibid.
128 Cf. M. W. Frederiksen, “Campanian Cavalry : a Question of Origins”, dans DArch, 2, 1968, p. 3-31 ; voir supra p. 157-158, n. 101.
129 Liv., I, 36, 2 : Tarquinius [sc. Priscus] equitem maxime suis deesse viribus ratus ad Ramnis, Titienses, Luceres, quas centurias Romulus scripserat, addere alias constituit suoque insignes relinquere nomine. Liv., I, 43, 9 : sex item alias centurias, tribus ab Romulo institutis, sub iisdem quibus inauguratae erant nominibus fecit, [sc. Servius Tullius]. Cf. Th. Mommsen, Le droit public, VI, 1, p. 295-296.
130 F.-H. Massa-Pairault, dans MEFRA, 107, 1995, p. 35 et n. 10, attribue la création du premier equitatus romain à Servius Tullius, alias Macstarna, qu’elle assimile à un magister equitum (Dion. Hal., IV, 6, 4 : ἡγεμῶν τῶν ἱππέων) initialement subordonné à Tarquin (l’Ancien), chef de la phalange de hoplites (magister populi ?). Cf. J.-C. Richard, Les origines de la plèbe, p. 314 et p. 380-382.
131 C. Nicolet, L’ordre équestre, 1, p. 31-32.
132 Cf. dans le même sens M. W. Frederiksen, Campania, Rome, 1984, p. 193.
133 J. Heurgon, Recherches sur Capoue préromaine, p. 179 : « Les Dioscures étaient les protecteurs attitrés des chevaliers romains, et tout ce que l’on souhaitait marquer, c’est que désormais la même protection s’étendait aux chevaliers capouans. »
134 Les chiffres du cens seraient exprimés, chez Tite-Live comme chez Cicéron et Denys, d’après une échelle fixée en monnaie d’étalon sextantaire selon C. Nicolet, L’ordre équestre, 1, p. 58-63 ; Id., “L’idéologie du système centuriate et l’influence de la philosophie politique grecque”, dans La filosofia greca e il diritto romano, publié par l’Academia Nazionale dei Lincei, Rome, 1976, p. 116-117 (= Id., Censeurs et publicains. Economie et fiscalité dans la Rome antique, Paris, 2000, p. 49-50) ; P. Marchetti, Histoire économique et monétaire, p. 265-267. Mais E. Lo Cascio, « Ancora sui censi minimi delle cinque classi serviane », dans Athenaeum, 66, 1988, p. 283-294, estime que ces montants ont pu avoir été exprimés en as onciaux : sur cette question, voir infra p. 329-344.
135 Trad. de G. Baillet, éd. de Tite-Live, Histoire Romaine, tome I, Livre I, Paris (C.U.F.), 198513, p. 70.
136 W. Weissenborn et H. J. Müller, t. III, 1, p. 209 ; W. Kubitschek, s.v. Aes equestre, dans R.E., I, 1, 1893, col. 684 ; J. Heurgon, Recherches sur Capoue préromaine, p. 255 ; C. Nicolet, L’ordre équestre, 1, p. 36. Voir supra p. 151.
137 Varr., De ling. Lat.,, V, 182-183 ; cf. Plin., N.H., XXXIII, 42-44 ; Isid., Etym., XVI, 18, 8.
138 P. Marchetti, “La datation du denier romain et les fouilles de Morgantina”, dans RBN, 117, 1971, p. 81-114 ; Id., Histoire économique et monétaire, p. 299-301 ; Id., dans CCG, 4, 1993, p. 40 ; M. H. Crawford, Roman Republican Coinage, I, p. 28-35 ; Id., Coinage and Money, p. 55-56 ; Th. Buttrey, “Morgantina and the Denarius”, dans NAC, 8, 1979, p. 149-157 (= Id., Morgantina Studies, II, The Coins, Princeton, 1989) ; R. Thomsen, Early Roman Coinage, II, p. 370-372 ; A. Burnett, La numismatique romaine, p. 41-42 ; E. Lo Cascio, dans Athenaeum, 66, 1988, p. 276.
139 Cf. H. Mattingly, “Aes and Pecunia. Records of Roman Currency down to 269 B.C.”, dans NC, 1943, p. 25 ; R. Thomsen, Early Roman Coinage, II, Copenhague, 1961, p. 182 ; A. Burnett, “The Beginnings of Roman Coinage”, dans AIIN, 1989, p. 54.
140 Cf. Plut., Cam., 13 ; J. Heurgon, Recherches sur Capoue préromaine, p. 256 et n. 2 ; H. Mattingly, dans NC, 1943, p. 25 ; R. Thomsen, Early Roman Coinage, II, p. 182 ; С. Nicolet, commentaire au texte de Polybe (VI, 39, 12) dans Polybe, Histoires, Livre VI, Paris (C.U.F.), 1977, p. 157-158 ; L. Pedroni, Nuove ricerche sulla prima monetazione di Roma, Naples, 1996, p. 51 ; mais P. Marchetti, Histoire économique et monétaire, p. 168-170, précise que cette équivalence (1 denier = 1 drachme) n’est attestée qu’à partir des auteurs du ier siècle av. n. ère.
141 J. Heurgon, Recherches sur Capoue préromaine, p. 257.
142 Cf. W. Kubitschek, s.v. Aes equestre, dans R.E., I, 1, 1893, col. 683-684.
143 P. Marchetti, Histoire économique et monétaire, p. 167-198 ; de même E. Lo Cascio, “Ancora sullo stipendium legionario dall’età polibiana a Domiziano”, dans AIIN, 1989, p. 101-120, démontre que cette drachme légère correspond au monnayage de la ligue achéenne au cours de la première moitié du iie siècle, et que sauf indication contraire de sa part, c’est la monnaie à laquelle Polybe doit faire référence (en part. p. 112-117). Voir aussi infra p. 331.
144 Contra : C. Nicolet, L’ordre équestre, 1, p. 116, qui discute en fait le témoignage de Priscien sur un discours de Caton (fr. 85 (n° 8) Malcovati, ap. Prise, Inst., VII, 38) pour rejeter l’interprétation qu’en avait faite Gronovius (Caton aurait, selon lui, demandé que les aera equestria ne fussent pas inférieurs à 2.200 as) : C. Nicolet a raison d’invoquer les témoignages de Cicéron et Tite-Live sur le montant de l’aes equestre (10.000 as), mais ceux-ci ne sont pas en contradiction avec celui de Varron si on tient compte d’un versement de l’aes equestre, qui est avant tout une “indemnité”, en 10 annuités de 1.000 as ; contre le témoignage de Varron également P. Marchetti, Histoire économique et monétaire, p. 207-208, n. 70, essentiellement parce que la somme de 3.000 as ainsi obtenue (1.000 + 2.000) et versée annuellement aux cavaliers romains ne pourrait pas correspondre, selon lui, aux 450 deniers versés aux equites Campani.
145 Th. Mommsen, Le droit public, VI, 1, p. 291, n. 4 ; E. Lo Cascio, dans Athenaeum, 66, 1988, p. 285-286 ; pour l’historien italien, il ne fait pas de doute qu’il faut entendre assarius dans le sens d’as librai (ou aes grave) et que le texte de Varron, qui remonterait peut-être aux tabulae censoriae, reflète en fait le montant initial de l’aes equestre : dans ce cas, les 10.000 as (sextantaires ?) avancés par Tite-Live au titre de l’aes equestre auraient été la transposition de la somme initiale de 1.000 as libraux ; mais il paraît méthodologiquement très imprudent de tenter d’établir de pareilles équivalences entre des unités monétaires d’époques différentes, et il serait surprenant que les dévaluations successives de l’as aient abouti à un rapport de 1 à 10 entre l’as libral et l’as sextantaire (ou oncial) : avant la réduction monétaire contemporaine du denier, les poids des asses avaient connu trois étapes de dévaluation métrologique, librale, semilibrale et postsemilibrale, faisant passer le poids de l’as d’une livre à une demi-livre et à un tiers ou un quart de livre (cf. P. Marchetti, “Paie des troupes et dévaluations monétaires…”, dans Les dévaluations à Rome, Rome (C.E.F. 37), 1978, p. 200-204). Voir infra p. 334.
146 Ainsi, d’après la lex Atemia Tarpeia de 454 et la lex Iulia Rapiria de 430, qui auraient converti en as lourds les amendes auparavant payées en têtes de bétail, un mouton valait 10 as et un bœuf 100 as (cf. G. Rotondi, Leges publicae, p. 200 et p. 211) ; or il est tout à fait concevable qu’un cheval de guerre valait dix fois le prix d’un bœuf (donc 1.000 as), mais pas cent fois (c’est-à-dire 10.000 as) : cf. E. Belot, De la révolution économique et monétaire, Paris, 1885, p. 105-111 ; E. Cavaignac, “Peut-on reconstituer l’échelle des fortunes dans la Rome républicaine ?”, dans Annales E.S.C., 1, 1929, p. 484 et p. 493 ; voir aussi infra p. 312, n. 134.
147 Plin., N.H., XXXIII, 44 : Argentum signatum anno urbis CCCCLXXXV, Q. Ogulnio C. Fabio cos., quinque annis ante primum Punicum bellum. Et piacuit denarium pro X libris aeris valere... Cf. Varr., De ling. Lat.,, V, 173 : In argento nummi, id ab Siculis ; denarii, quod denos aeris valebant... Analyse critique du fameux passage plinien par P. Marchetti, dans CCG, IV, 1993, p. 35-42 (« Pline ou l’anti-histoire de la monnaie romaine »).
148 Cf. V. Picozzi, “Q. Ogulnio C. Fabio cos.”, dans NAC, 8, 1979, p. 159-171 ; E. Lo Cascio, “Il primo denarius”, dans AIIN, 27-28, 1980-1981, p. 335-357 (qui propose l’équivalence : un didrachme de 6 scrupules = 2,5 asses de 10 onces) ; Id., dans La monetazione romano-campana, Atti del X Convegno del Centro Internazionale di Studi Numismatici (Napoli ¡8-19 giugno 1993), Rome, 1998, p. 179-192. P. Marchetti, “Les fausses certitudes de la numismatique républicaine du iiie siècle”, dans Actes du XIe Congrès International de Numismatique (Bruxelles, 1991), IL, Monnaies celtiques et romaines, Louvain-la-Neuve, 1993, p. 99-108, a montré que les premières émissions de monnaies de bronze (aes grave) et d’argent (didrachme “romano-campanien”) se structuraient en séries parallèles et contemporaines (et non pas successives) qui “nous obligent à établir [un parallélisme] entre le bronze et l’argent” (cf. Id., dans CCG, IV, 1993, p. 62-63 : « une équivalence entre le didrachme et l’aes grave libral n’est pas absurde », mais l’erreur de Pline aurait été d’avoir établi « un rapport indu entre le denier et dix livres de bronze » aboutissant « à une équivalence argent-bronze totalement exclue par l’usage antique ») ; P. Marchetti a identifié des rapports identiques entre argent et bronze dans le monnayage de Populonia, en Etrurie : la monnaie au type du Gorgoneion, d’un poids voisin de 8 gr. et qui daterait en fait du iiie siècle (et non pas du ve siècle, comme cela avait été proposé), porte la même marque de valeur (X) que le futur denier romain (Id., Histoire économique et monétaire, p. 309-316 ; Id., dans CCG, LV, 1993, p. 62-63 ; Id., “Les fausses certitudes”, p. 99-100, n. 3). On admet en général que la première monnaie d’argent frappée à l’atelier de Rome serait le didrachme : tête d’Hercule/Louve, ROMANO, qui correspond à la troisième série des didrachmes dits “romano-campaniens” (voir infra p. 322, fíg. 6 с) : cf. M. H. Crawford, Roman Republican Coinage, I, p. 137, n° 20 (= R.R.C., 20/1) ; H. Zehnacker, éd. de Pline l’Ancien, Histoire Naturelle, XXXIII, Paris (C.U.F.), 1983, p. 153 (contra : voir infra p. 323, n. 169).
149 P. Marchetti, dans CCG, LV, 1993, p. 42-58 ; Id., dans Actes du XIe Congrès International de Numismatique, p. 102-107.
150 Cf. déjà en ce sens P. Marchetti, Histoire économique et monétaire, p. 209.
151 La datation de ce “premier didrachme” des années 310 est due à la présence d’un certain nombre d’exemplaires de cette monnaie dans le trésor de Vale-sio : cf. A. Burnett, “The First Roman Silver Coins”, dans NAC, 7, 1978, p. 121-142 (qui le date entre 305 et 295) ; A. E. M. Johnston, “Report of a Discussion on South Italian Chronology, 350-280 B.C.”, dans CH, 7, 1985, p. 53 ; P. Marchetti, dans CCG, IV, 1993, p. 27, n. 7 ; Id., “Les fausses certitudes”, p. 105, n. 25 (qui souligne « qu’une date “vers 300”, à l’intersection des 2e et 3e guerres samnites, n’est guère significative »). Contra : L. Pedroni, Ricerche sulla prima monetazione di Roma, Naples, 1993, p. 31-37, qui a cherché à démontrer à tout prix, pour justifier une reconstruction historiquement très hypothétique, la datation du premier didrachme “romano-campanien” vers 275 environ. Voir aussi infra p. 321-323.
152 Cf. l’épisode fameux de la nota censoriale à l’encontre de P. Cornelius Ru-finus, ancien consul et dictateur, coupable d’avoir possédé chez lui “dix livres de vaiselle d’argent” (Varr., De vita pop. Rom, II, fr. 73 Riposati = 399 Salvadore (ap. Non., p. 745 L) ; Liv., Per., 14, 4 ; Dion. Hal, XX, 13, 1 (= 20.L Pittia) ; Val. Max., II, 9, 4 ; Plin., N.H., VII, 51 ; XVIII, 39 ; Plut., Syll., 1, 1 ; Gell., N.A., IV, 8, 7 ; XVII, 21, 39 ; Flor., I, 18, 21 ; Ampel, 18, 9 ; Zon. (D.C.), 8, 6 ; Tert., Apol, 6 ; August., Civ., V, 18) ; par ailleurs, Pline (N.H., XXXIII, 42) souligne que les Romains ne se seraient pas servi d’argent monnayé avant leur victoire contre Pyrrhus.
153 Cf. P. Marchetti, dans CCG, IV, 1993, p. 58-65 ; Id., dans Actes du XIe Congrès International de Numismatique, p. 105-106.
154 M. H. Crawford, Coinage and Money under the Roman Republic, Londres, 1985, p. 28-29 ; contra : L. Pedroni, Nuove ricerche sulla prima monetazione, p. 37-38, qui nie que ces premières monnaies “romano-campaniennes” aient pu avoir une réelle fonction économique, mais estime (p. 68) qu’elles étaient destinées aux dépenses militaires romaines en Grande-Grèce.
155 Il s’agit de sous-unités en argent d’une valeur d’une demi λίτρα et d’un poids de 0,38 gr. environ, dont la datation oscille entre le ive et le iiie siècles : cf. Sylloge Nummorum Graecorum, Copenhagen, n° 1052-1064 ; L. Pedroni, Ricerche sulla prima monetazione, p. 47.
156 P. Marchetti, dans CCG, IV, 1993, p. 60-62, souligne que « les monnayages romano-campaniens sont difficilement dissociables des besoins liés au stipendium » et que les premières émissions monétaires, notamment en argent, étaient certainement d’abord destinées à payer les alliés de Rome, et notamment les Campaniens.
157 Th. Mommsen, Histoire de la monnaie romaine, Paris, 1865-1875, III, p. 225 ; L. Sambon, Recherches sur les monnaies de la presqu’île italique, Naples, 1870, p. 153 ; cf. aussi K. J. Beloch, Campanien, Breslau, 18902, p. 37 ; et plus récemment M. Caccamo Caltabiano, dans RSA, 11, 1981, p. 33-52 (cf. P. Marchetti, dans CCG, IV, 1993, p. 27, n. 7, et p. 53, n. 116). M. H. Crawford, R.R.C., p. 131, et Id., Coinage and Money, p. 30, date ce premier bronze “romano-campanien” de 326 environ et l’associe à la conclusion cette année-là du foedus entre Rome et Naples. Voir aussi supra p. 133-134 et infra p. 321-323.
158 Ainsi L. Pedroni, Ricerche sulla prima monetazione, p. 30-31, qui signale que les Campaniens avaient déjà émis à la fin du ve siècle une monnaie portant en grec leur ethnonyme ΚΑΜΠΑΝΟΣ et en avaient confié la réalisation à un atelier monétaire napolitain.
159 J. Heurgon, Recherches sur Capoue préromaine, p. 157-177, a longuement démontré que la tradition sur la prétendue deditio de Capoue en 343 (Liv., VII, 30-31 ; Flor., I, 11, 1-2) résulte d’une falsification historique délibérée destinée à justifier, aux yeux de l’annalistique romaine, le déclenchement des guerres samnites ; en réalité il y aurait eu, sans doute en 341, un véritable traité d’alliance (foedus) avec les aristocrates campaniens (les equites Сатрапі), en violation du traité d’amitié qui liait préalablement les Romains aux Samnites (Liv., VII, 31, 2) : la pénétration romaine en Campanie fut ainsi le point de départ des guerres samnites et du processus impérialiste romain. Toutefois, M. Humbert, Municipium et civitas sine suffragio, p. 167-176, a de cette histoire une vision singulièrement plus complexe : le « simulacre de deditio » serait « trop peu honorable pour avoir été inventé », et aurait été un artifice diplomatique imaginé à l’époque afin d’écarter la menace samnite sur la Campanie ; mais dès 341, les Campaniens auraient conclu une alliance avec les Latins et les auraient poussés à la rébellion contre Rome et les Samnites ; en 340, « près de Capoue, la coalition latino-volsco-campanienne fut défaite par les forces romano-samnites » (bataille du Véséris), et un « règlement provisoire » assujettit définitivement les Campaniens aux Romains (confiscation de l’ager Falemus).
160 En réalité, d’après Tite-Live, la “naturalisation” des Capouans se serait faite en deux étapes : en 340, la citoyenneté romaine optimo iure aurait été accordée aux seuls chevaliers de Capoue, pour les récompenser de ne pas s’être révoltés avec les Latins (VIII, 11, 16) ; mais en 338, la civitas sine suffragio aurait été accordée à l’ensemble des Capouans (VIII, 14, 10), ce qui ne paraît pas très cohérent. J. Heurgon, Recherches sur Capoue préromaine, p. 179, avait déjà souligné que sur ce point le document représenté par la table de bronze avait dû avoir été interprété “de travers”. Selon M. Humbert, Municipium et civitas sine suffraggio, p. 172-176, la civitas Romana qui fut accordée en 340 aux 1.600 equites Campani leur fut donnée à titre individuel et correspondait à « une citoyenneté romaine optimo iure, mais purement potentielle » (M. Humbert parle même de civitas honoraria) ; il s’agissait par conséquent « d’un décrêt individuel d’isopoliteia », à la différence de la civitas sine suffragio qui sera accordée en 338 (ou plutôt en 334, comme l’indique Velleius Paterculus qui ne tient pas compte des années dictatoriales) à l’ensemble des Campani et qui leur imposait davantage de charges et de devoirs que de droits politiques.
161 Vell. I, 14, 3 : Sp. Postumio Veturio Calvino coss. Campanis data est civitas partique Samnitium sine suffragio ; Enn., Ann., V, 169 V.2 = 157 Sk. (= Keil, VI, 2, p. 612, 6 ; p. 616, 9) : Cives Romani tunc facti sunt Campani ; Oxyrh. Papyri, I, 12 ; Pol., II, 24, 14. J. Heurgon, Recherches sur Capoue préromaine, p. 177-178 : « La tradition centrale, qui va d’Ennius-Fabius à Velleius Paterculus en passant par le chronographe d’Oxyrhinchos et Tite-Live (loi de 338) se résume comme suit : les Capouans ont reçu la civitas sine suffragio à une date qui oscille entre 338 et 334 ». Cf. aussi C. Nicolet, L’ordre équestre, 1, p. 37.
162 Cf. Th. Hantos, Das römische Bundesgenossensystem in Italien, Munich, 1983, p. 111, n. 68.
163 Cf. A.J. Toynbee, Hannibal’s Legacy, I, Londres, 1965, p. 397-403.
164 Liv., IX, 26, 5-22 ; cf. Diod., XIX, 76, 3-5.
165 Ovius et Novius Calavius sont sans doute les fils d’Ofilius Calavius, un noble capouan (clarus genere factisque) qui se signala par son soutien à la cause romaine après la défaite des Fourches Caudines (Liv., IX, 7, 1-5 ; cf. J. Heurgon, Recherches sur Capoue préromaine, p. 106-108 ; F. Càssola, Gruppi politici, p. 126, n. 14 ; L. Loreto, dans AFLM, 24, 1991, p. 63 ; Id., dans AFLM, 25-26, 1992-1993, p. 334 ; D. Briquel, dans D. Briquel et J.-P. Thuillier éd., Le Censeur et les Samnites, p. 117-133) ; mais leur suicide au moment de l’enquête romaine rappelle trop celui des Campaniens de 211 pour ne pas paraître suspect (Liv., IX, 26, 7 et XXVI, 13, 14-15, 15). Sur les alliances matrimoniales entre Romains et Campaniens (et notamment entre Calavii et Claudii), ainsi que sur la clientèle campanienne d’Appius Claudius, voir supra p. 139-146.
166 Liv., IX, 26, 9 : coitiones honorum adipiscendorum causa factas adversus rem publicam esse ; et IX, 26, 11 : universi simul negare nobilium id crimen esse, quibus, si nulla obstetur fraude, pateat via ad honorem, sed hominum novorum. Sur la probabilité de l’existence de coitiones électorales associant des nobles romains à des aristocrates campaniens à la fin du IVe siècle, cf. E. J. Phillips, dans Athenaeum, 50, 1972, p. 343-349. Mais M. W. Frederiksen, Campania, p. 229-230, estime qu’une dictature quaestionibus exercendis ne trouve pas de parallèle et ne semble donc pas plausible, tout en admettant que le récit de Tite-Live « is probably in its essence reliable ».
167 On retrouve parmi eux des partisans et des artisans de l’expansion romaine en Campanie : С. Maenius lui-même ainsi que M. Folius, son maître de cavalerie, obligés de démissionner (IX, 26, 20), mais aussi Q. Publilius Philo, le conquérant de Naples (IX, 26, 21). Selon G. Clemente, dans Storia di Roma, II, 1, 1990, p. 44, certains hommes politiques romains (comme Publilius Philo) étaient sans doute alors disposés, par l’existence de relations personnelles anciennes ou par une meilleure connaissance des problèmes de cette région, à tenir compte des intérêts et des points de vue des Campaniens, depuis peu passés sous le contrôle romain.
168 D’après Festus en effet, un municeps n’avait pas le droit de magistratum capere (Paul. Fest., p. 117 L., s.v. Municeps), mais pouvait accéder à la citoyenneté romaine en venant s’installer à Rome et présenter sa candidature aux magistratures après un délai de quelques années (Paul. Fest., p. 155 L., s.v. Municipium) : en ayant reçu la civitas sine suffragio en 338 (ou 334) et en étant ensuite venus s’installer à Rome, certains nobles capouans ont pu commencer à prétendre, vers 314, accéder aux magistratures romaines.
169 Liv., IX, 26, 8-22 ; pour R. Develin, dans K. A. Raaflaub éd., Social Struggles in Archaic Rome, p. 347-348, les nobiles qui s’opposèrent à Q. Publilius Philo lors de la quaestio Maeniana en 314 seraient en fait des patriciens.
170 Claudius Quadrigarius notamment semble avoir été une des sources de Tite-Live pour les développements concernant les relations entre Capoue et Rome, aussi bien pour la période des guerres samnites que pour celle de la seconde guerre punique, alors que ceux-ci sont absents chez Diodore et Polybe : cf. C. Nicolet, “Les equites Campani et leurs représentations figurées”, dans MEFR, 1962, p. 492-496 ; J. von Ungern-Sternberg, Capua im Zweiten Runischen Krieg. Untersuchungen zur römischen Annalistik, Munich (Vestigia, 23), 1975, p. 49-54.
171 Cf. déjà en ce sens E. S. Staveley, dans Historia, 8, 1959, p. 427-428 ; F. Càssola, I gruppi politici, p. 125-126 ; G. Clemente, dans Storia di Roma, II, 1, 1990, p. 44 ; L. Loreto, dans AFLM, 25-26, 1992-1993, p. 334.
172 Voir supra p. 134-139.
173 Cf. avec des interprétations différentes : E. S. Staveley, dans Historia, 8, 1959, p. 428-429 ; C. Nicolet, dans REL, 20, 1961, p. 717 ; F. Càssola, / gruppi politici, p. 125-128 ; J. Heurgon, Recherches sur Capoue préromaine, p. 162 et p. 278-279 ; E. Ferenczy, dans AAntHung, 13, 1965, p. 395-396 (= Id., From the Patrician State, p. 131) ; R.A. Bauman, Lawyers in Roman Republican Politics, Munich, 1983, p. 24 ; M. W. Frederiksen, Campania, p. 230 ; L. Loreto, dans AFLM, 24, 1991, p. 61-65 ; G. Clemente, “Basi sociali e assetti istituzionali”, dans Storia di Roma, II, 1, 1990, p. 41 et p. 44 ; K. A. Raaflaub et alii, dans The Age of Pyrrhus, p. 37, n. 85.
174 Cf. E. S. Staveley, dans Historia, 1959, p. 428-429 ; F. Càssola, I gruppi politici, p. 125-128 ; G. Clemente, dans Storia di Roma, II, 1, p. 44.
175 M. W. Frederiksen, Campania, p. 192-193, tout en admettant la chronologie proposée par Tite-Live pour cet événement (340), propose de voir dans l’attribution aux equites Campani de la citoyenneté romaine optimo iure une mesure exceptionnelle et provisoire accordée à 1.600 individus virtutis causa, peut-être seulement pour la durée de leur service ou pour la durée de leur existence : ainsi s’expliquerait qu’au moment de la seconde guerre punique, les 300 equites Campani restés fidèles à Rome aient été récompensés en étant inscrits dans le municipe de Cumes, et en étant par conséquent maintenus dans la civitas sine suffragio ; d’autre part, la chronologie ici proposée pour l’attribution de la citoyenneté aux equites Campani (vers 314 plutôt qu’en 340) permet d’expliquer pourquoi on ne voit apparaître ces cavaliers aux côtés de la cavalerie romaine qu’à partir de la fin du ive et le début du iiie siècles (la première fois à propos des combats de 310 : Liv., IX, 40, 12 et 17 ; puis au moment de la bataille de Sentinum, en 295 : Liv., X, 26, 14 et 29, 12 ; cf. J. Heurgon, Recherches sur Capoue préromaine, p. 206-207).
176 M.W. Frederiksen, dans DArch, 2, 1968, p. 16-24.
177 Cf. C. Nicolet, dans MEFR, 1962, p. 463-517 : l’auteur y étudie les représentations figurées illustrant des thèmes (combats, retour du guerrier, héroïsation) où apparaît cette noblesse cavalière ; il a ainsi identifié les guerriers des fresques de Capoue et de Paestum aux equites Campani.
178 С. Nicolet, dans MEFR, 1962, p. 479-480 et fig. 8 : le vieillard représenté sur une fresque trouvée à Santa Maria di Capua Vetere (donc à l’emplacement de l’antique Capoue), et datant du 3e quart du ive siècle, porte une tunique richement ornée sous un manteau qui ressemble à une toge, a la tête couronnée de laurier et présente ostensiblement une bague à la main gauche dans laquelle C. Nicolet est prêt à voir un anulus aureus : « il représente sans doute un de ces aristocrates de Capoue tels que nous les décrit Tite-Live à la fin du ive siècle ». Cf. aussi A. Pontrandolfo, “Le necropoli dalla città greca alla colonia latina”, G. Pugliese Caratelli éd., Poseidonia-Paestum, Atti del XXVII Convegno di Studi dulia Magna Grecia (Taranto, 1987), Tarente, 1988, p. 260, pl. XLI, 3 et XLII, 1-2 ; A. Rouveret, “Les langages figuratifs de la peinture funéraire paestane”, dans ibid., p. 313, pl. XLVII, 3 ; R. Benassai, La pittura dei Campani e dei Sanniti, Rome, 2001, p. 24, fig. 7 ; p. 210-211, fig. 228. Or d’après Pline (N.H., XXXIII, 17-18), le port de l’anneau d’or par les représentants de la noblesse romaine n’est mentionné pour la première fois dans les plus vieilles annales romaines (in anti-quissimis annalibus) qu’à l’époque de Cn. Flavius et d’Appius Claudius Caecus : cf. A. Alföldi, Der frührömische Reiteradel und seine Ehrenabzeichen, p. 26-35. Sur l’adoption à partir de la deuxième moitié du ive siècle de codes de valeur et de comportements collectifs d’inspiration hellénique par la nouvelle nobilitas romaine, cf. notamment : T. Hölscher, dans Akten des XIII. Internationalen Kongresses für klassische Archäologie (Berlin 1988), Mayence, 1990, p. 73-79 ; K.-J. Hölkeskamp, Die Entstehung der Nobilität, p. 204-240.
179 Cf. à propos du vectigal campanien et de ses éventuels rapports avec l’aes equestre et l’aes hordearium romains, C. Nicolet, dans MEFR, 1962, p. 468-469 : « Nous ne doutons pas que l’institution campanienne soit la plus ancienne, et la plus sûre chronologiquement (sous réserve de la dater plutôt de 314 que de 338). » Voir également M. W. Frederiksen, dans DArch, 2, 1968, p. 3-31, et en particulier cette conclusion, p. 24 : « the origins of the Campanian cavalry are to be explained within the context of Greek colonial institutions and their influence (...) Capua, even more than Rome, was a πόλις Έλληνίς ». C’est sans doute également au moment de l’intégration des equites Campani dans la citoyenneté romaine et de leur quasi assimilation à l’equitatus romain qu’il faut dater le remplacement, signalé par Polybe (VI, 25, 3-8), de l’armement de l’ancienne cavalerie romaine par un équipement analogue à celui des Grecs (μετέλαβον τὴν Έλληνικὴν κατασκευὴν τῶν ὅπλων). Voir infra p. 294 et n. 82.
180 Voir supra p. 105 et n. 16.
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