Chapitre 4
Insertion sociale et provenances géographiques des musiciens
p. 193-250
Texte intégral
1Pour caractériser le milieu des musiciens, en particulier, observer l’insertion de ce groupe professionnel dans le tissu urbain romain, la mobilisation d’une documentation variée s’est imposée d’elle-même. Des recherches intensives dans différents fonds d’archives ont permis de combiner différents types d’approches et de varier les échelles d’analyse1 : quand certaines sources se prêtent au jeu de l’enquête qualitative et biographique, d’autres, au contraire, éclairent la composition de ce milieu et mettent au jour ses liens avec un environnement social plus large. Je me suis ainsi intéressée au profil social des musiciens, à leurs parcours et à leurs carrières, à leur mobilité et à leur origine tant sociale que géographique, tout autant qu’à leur inscription dans l’espace et la société urbaine. Je me suis attachée à leur insertion sociale, c’est-à-dire à la façon dont ils construisent leurs relations et leurs réseaux sociaux urbains, et se font une place dans les milieux professionnels.
2Les sources classiques de la démographie historique ont constitué un point de départ pour localiser et identifier les musiciens actifs à Rome, et déterminer leur nombre. Ces sources, nous le verrons, constituent une réserve précieuse d’informations qui, à partir de la démographie, embrasse d’autres champs et problématiques, comme l’histoire économique et sociale, l’anthropologie de la famille, l’histoire culturelle et religieuse. Elles voient cependant leur intérêt décupler lorsqu’elles sont mobilisées aux côtés d’autres types de documents. Pour déterminer le nombre de musiciens actifs à Rome, notre intérêt s’est porté sur la documentation produite en 1708 par la Congregazione economica. Cette source, que je présenterai plus loin, surtout utilisée par les historiens de l’économie, rend possible l’identification des musiciens.
3Les archives paroissiales ont été également des alliées précieuses pour reconstituer la composition des familles ainsi que leurs trajectoires. Les états des âmes (Stati delle anime), dans lesquels la profession des individus pouvait être indiquée, permettent de déterminer les lieux de résidence des musiciens et de connaître leur environnement quotidien. Le recoupement avec les registres de sépulture et de mariage permet aussi de compléter les informations biographiques des individus repérés2.
4Les archives notariales sont, bien entendu, une autre source essentielle qui permet d’approfondir et d’enrichir l’analyse en nous livrant le cadre matériel, symbolique, culturel et relationnel que les musiciens entretenaient au cours de leur vie. En suivant les « fils3 » emmêlés de la vie quotidienne du passé enfermés dans les actes notariés, je me suis intéressée à l’expérience des musiciens à Rome, en axant la réflexion sur leur intégration dans le tissu social et le milieu musical local. Enfin, la présence des musiciens étrangers à Rome a retenu mon attention. En effet, la forte attractivité de la ville explique la présence d’un nombre conséquent de musiciens étrangers dont l’insertion a jusque-là très peu intéressé les chercheurs4.
5C’est grâce au croisement de ces différentes sources qu’il est possible d’identifier les musiciens actifs à Rome au XVIIIe siècle, de les localiser dans la ville, de connaître leur cadre de vie et leurs réseaux.
Un recensement des musiciens à partir de la Congregazione economica de 1708
6En 1708, l’État pontifical était engagé dans la guerre de Succession d’Espagne (1701-1714). Pour affronter les lourdes dépenses liées aux vicissitudes politiques et militaires du contexte, le pape Clément XI ordonna à la Confrérie économique de recueillir dans l’urgence une imposition extraordinaire sur le revenu présumé de différents corps de métier. Cent vingt-neuf corps ou associations de métiers étaient imposés, dont ceux liés à l’activité musicale : la Congregazione dei musici di Santa Cecilia, les différentes corporations de facteurs d’instruments (comme les luthiers, les facteurs d’orgue) et la Cappella Pontificia. Le Diario sistino5 de l’année 1708 mentionne cette imposition extraordinaire à la date du 12 août6. Des représentants élus du Collège pontifical devaient prendre des renseignements supplémentaires sur l’imposition à la Chancellerie, et organiser ensuite une assemblée générale avec tous les membres de l’institution pour décider de la somme à verser.
7Les documents relatifs à la Congregazione economica de 1708, étudiés scrupuleusement par Carlo Maria Travaglini7, sont répartis dans quatre cartons d’archives conservés à l’Archivio di Stato de Rome8. Les trois premiers contiennent des documents d’ordre administratif regroupés par activité professionnelle, ainsi que des suppliques et des mémoires rédigés par les membres des différents corps de métiers ou des institutions concernés. Le quatrième carton se présente comme un registre où sont notées les sommes versées par tous les corps de métier, lesquels sont classés par ordre alphabétique. En revanche, ce registre ne présente pas les cent vingt-neuf activités imposées, mais seulement cent une. Les vingt-huit activités exclues sont « celles relatives aux arts libéraux et aux appareils administratifs publics9 ».
8La documentation relative à cette imposition fournit donc un état de la situation économique des différentes professions à partir des capacités de contribution des corporations romaines. Elle livre des informations sur la place des professions musicales dans le système général des métiers à Rome et permet de déterminer l’importance de ce secteur dans le tissu économique de la ville.
9Les institutions musicales ne sont pas toutes présentées de la même façon dans les documents de la Congregazione economica de 1708. Les Musici della Cappella Pontificia ont été insérés dans le groupe des représentants d’une profession libérale et de l’administration publique, donc au sein des vingt-huit activités exclues de la source comptable. En revanche, les Musici di Santa Cecilia, c’est-à-dire la Congregazione dei musici, figurent parmi les cent une activités incluses dans la documentation comptable « et qui, de fait, se caractérisent davantage comme des corps de métier10 ». Cette distinction est importante à souligner, car elle révèle la place que les contemporains accordaient aux musiciens. Au début du XVIIIe siècle encore, les musiciens étaient parfois associés au monde des artisans et aux corps de métiers relevant de ce milieu. La place différente accordée aux chanteurs pontificaux créée néanmoins une certaine ambiguïté. Elle pourrait s’expliquer par le fait que les chanteurs jouissaient d’une considération sociale et économique plus élevée que les instrumentistes. Comme la Congregazione dei musici était composée à la fois de compositeurs, de chanteurs et d’instrumentistes, il était moins évident de l’insérer dans le groupe des professions libérales.
10Les documents administratifs de la Congregazione economica relatifs aux institutions musicales ont été signalés en 1989 par Maria Grazia Pasturra, dans une étude sur les sources disponibles pour une histoire du théâtre11. La chercheuse y résumait brièvement le contenu de la documentation avant de retranscrire la liste des musiciens imposés. Un peu plus tard, le musicologue Franco Piperno l’utilisa partiellement pour dénombrer les musiciens actifs au moment où le violoniste et compositeur Pietro Locatelli exerçait à Rome12. Patrizio Barbieri13, quant à lui, a récemment publié un article dans lequel il propose, à partir de cette source, un état financier des catégories et revient sur les parcours de vie de certains musiciens14. Cependant, à travers elle, j’ai voulu observer pour ma part la façon dont les membres des institutions décrivaient le milieu musical, notamment la façon dont ils mettaient en évidence leurs limites et leurs contraintes.
Effectifs et moyens économiques
11Si l’on reprend les données reportées par Carlo Maria Travaglini, lequel recense les montants globaux de 101 contributions, la Confrérie de Sainte-Cécile se situait à la 35e place. D’autres corps de métiers, tels les marchands de Saint-Sébastien (n° 1), les chirurgiens (n° 28) ou les libraires (n° 29), proposaient des contributions de valeur plus élevée15. En revanche, si l’on s’intéresse à la contribution moyenne par membre, les musiciens se trouvaient à la 78e place, avec une moyenne de 1,5 scudi.
12L’étude de la documentation relative à la Congregazione economica met au jour des différences sensibles entre les différentes institutions ou associations musicales, en ce qui concerne la répartition des effectifs mais aussi le paiement des contributions (tab. 17).
Tab. 17 – Effectif des institutions ou des associations liées à l’activité musicale sur les 101 corps de métiers d’après Carlo Maria Travaglini.
Fonctions | Nombres de donateurs | Contributions (scudi romani) | Moyenne de la contribution (scudi romani) |
Musici della Cappella Pontificia (membres de la chapelle pontificale) | 32 | 660 | 20,6 |
Musici di Santa Cecilia (membres de la Confrérie des musiciens de Sainte-Cécile) | 143 | 210 | 1,5 |
Cordari da liuto (cordiers pour luth) | 11 | 110 | 10 |
Cimbalari (facteurs de clavecin) | 10 | 15 | 1,5 |
Chitarri e liutari (facteurs de guitares, luthiers) | 15 | 8 | 0,5 |
Organari (facteurs d’orgue) | 20 | 7 | 2,9 |
Total | 231 | 1010 |
13Les chanteurs pontificaux, bien que moins nombreux, étaient par exemple plus lourdement imposés que les membres de la Congregazione dei musici di Santa Cecilia. Cela s’explique par le fait qu’ils disposaient de meilleurs salaires16.
14Cette source, de nature économique, permet également de comptabiliser les représentants du milieu musical alors actifs à Rome. Après avoir exclu les 56 facteurs d’instruments qui appartiennent à la catégorie des artisans et non des musiciens, on dénombre 175 musiciens, répartis entre les membres de la chapelle pontificale et ceux de la Confrérie des musiciens de Rome. Ce chiffre est différent de celui reporté dans la documentation administrative de chaque institution. Parmi la documentation relative à la Congregazione dei musici figure une supplique rédigée par les membres de la confrérie pour justifier la somme proposée à la Congregazione economica. On précisait que la confrérie comptait environ 300 personnes17, mais que tous n’avaient pas pu payer. Les musiciens imposés étaient répartis dans cinq catégories distinctes : les chanteurs, les maîtres de chapelle, les organistes, les instrumentistes et les copistes (tab. 18).
Tab. 18 – Répartition des musiciens à partir des documents administratifs relatifs à la taxation de la Congregazione dei musici di Roma.
Intitulé de la catégorie | Nombre | Contributions (scudi) | Contributions moyennes (scudi) |
Lista di tutti li signori musici di Santa Cecilia di Roma, répartis dans les 16 chapelles fixes | 111 | 122,2 | 1,10 |
Lista di tutti li signori musici di Santa Cecilia di Roma [altri musici] | 11 | 19,4 | 1,76 |
Nota dei signori maestri di cappella e signori professori che operanno musiche | 32 | 104,4 | 3,26 |
Strumentisti | 65 | 63,9 | 0,98 |
Nota delli signori organisti di Roma | 25 | 24,9 | 0,99 |
Nota delli signori copisti di musica di Roma | 14 | 12 | 0,86 |
Total | 258 | 346,8 |
15La confrontation des moyennes des contributions signale que les maîtres de chapelle étaient les plus imposés, suivis des chanteurs, tandis que les instrumentistes et les copistes versaient des sommes moins élevées. Cette différence correspond à la hiérarchie salariale qui existait dans le monde musical18.
16Il faut néanmoins préciser que le nombre total de membres indiqué, soit 258, ne correspond pas à l’effectif réel des musiciens membres de la confrérie imposés. En effet, seize musiciens durent payer deux, voire trois fois, une contribution en raison de leur appartenance à plusieurs catégories (tab. 19). Sur les 300 membres de la confrérie, 242 individus peuvent ainsi être identifiés.
Tab. 19 – Musiciens inscrits dans deux catégories.
Prénoms | Noms | Catégorie d’appartenance pour la taxation | Contribution totale (scudi)a |
Domenico | Mancini | Chanteur dans deux chapelles fixes | 0,5 + 0,3 |
Alessandro | Ginnelli | Chanteur + copiste | 0,3 + 0,8 |
Antonio | Ferrari | Chanteur + copiste | 1 + 1 |
Onofrio | Onofri | Chanteur + copiste | 0,3 + 0,3 |
Sebastiano | Troli | Chanteur + copiste | 0,5 + 1 |
Gioseppe | De Luca | Chanteur dans deux chapelles fixes + copiste | 1,5 + 0,5 + 1 |
Giovanni | Travagli | Instrumentiste + chanteur | 1,5 + 0,5 |
Giovanni Mari [sic] | Pertica | Instrumentiste + copiste avec son fils | 0,3 + 0,7 |
Amerigo | Bandiera | Instrumentiste + maestro di organo | 2 + 1 |
Giovanni Andrea | Uberti | Instrumentiste + pour deux orgues | 2,5 + 2 |
Don Giovani Batista [sic] | Nanini | Maestro di cappella + chanteur | 2 + 0,5 |
Pietro Paolo | Martinetti | Maestro di cappella + chanteur | 3 + 1 |
Giuseppe | Scalmani | Maestro di cappella + organiste | 1,5 + 0,5 |
Giovan Battista | Pioselli | Maestro di cappella + organiste | 4,6 + 0,5 |
Giovan Carlo | Amaltei | Maestro di cappella + organiste | 0,5 + 1 |
Gregorio | Cola | Maestro di cappella + organiste | 1,5 + 0,4 |
a. Voir la table de métrologie en fin de volume. |
17D’après la documentation de la Congregazione economica, les chanteurs de la chapelle pontificale étaient au nombre de 32. J’ai donc eu recours au Diario sistino de l’année 1708 pour connaître la composition exacte de l’ensemble musical (tab. 20).
Tab. 20 – Membres de la chapelle pontificale en 1708.
Giubilati | Serventi | Maestri di cerimonie | Cappellani | Scrittori | Custode dei libri |
11 | 28 | 5 | 2 | 3 | 1 |
18En réalité, selon le Diario, les chanteurs pontificaux étaient 39 : 28 d’entre eux, les serventi, étaient en activité – dont un qui remplissait aussi la fonction de maître de chapelle – et 11 étaient retraités.
19Les différentes conclusions émanant de l’analyse des sources, permettent ainsi d’identifier 281 musiciens pour l’année 1708 – les 242 membres de la Confrérie ayant été associés aux 39 chanteurs pontificaux – alors que la population totale de Rome s’élevait à environ 134 500 habitants pour l’année 170319.
20Si ce recensement permet une évaluation quantitative des musiciens dans la ville de Rome, il s’agit néanmoins d’un nombre a minima. Seuls les musiciens qui exerçaient dans les lieux de culte étaient ici imposés, c’est-à-dire les membres de la Confrérie de Sainte-Cécile ou de la chapelle musicale pontificale. Ceux qui exerçaient en dehors de ce cadre, en revanche, n’étaient pas comptabilisés. Le chiffre de cette première estimation doit donc être augmenté si l’on inclut les musiciens au service des grandes familles aristocratiques ou encore ceux qui exerçaient dans les théâtres publics. De plus, il faut rappeler que l’admission à la Congregazione dei musici devenait obligatoire au bout d’un an de présence à Rome. Les musiciens de passage à Rome, lesquels exerçaient pendant quelques mois seulement, n’étaient pas imposés. Enfin, puisqu’elles ne pouvaient pas exercer dans les chapelles musicales, les femmes musiciennes n’étaient pas non plus recensées.
21Malgré ses limites, la documentation de la Congregazione economica s’avère précieuse non seulement pour quantifier la présence des musiciens actifs à Rome, mais aussi pour étudier la façon dont les individus étaient classés en différentes catégories qui composaient le milieu des chapelles musicales.
Bilans économiques des institutions musicales
22Les documents relatifs à la Congregazione economica de 1708 permettent aussi de connaître l’état financier des institutions musicales et révèlent la situation économique de leurs membres. Le milieu musical était en effet traversé par de fortes disparités qu’éclaire la documentation étudiée.
La Congregazione dei musici di Santa Cecilia
23En réponse à la demande de la Congregazione economica, les membres de Congregazione dei musici proposèrent la somme annuelle de 346,90 scudi, lesquels correspondaient à 5 % des revenus non réguliers (les incerti) de ses membres. Pour justifier cette somme, et s’excuser « de ne pas pouvoir faire une offre annuelle plus élevée20 », les membres adressèrent au pape une réponse argumentée dans laquelle ils évoquaient les difficultés économiques rencontrées par un grand nombre de musiciens.
24Les membres de la confrérie étaient répartis dans trois catégories, déterminées en fonction des types de postes occupés dans les chapelles musicales, et des revenus des musiciens. La première catégorie incluait les musiciens les plus pauvres, qui vivaient grâce aux offrandes de la confrérie et qui, pour cette raison, ne pouvaient pas être imposés21. La seconde catégorie rassemblait ceux qui exerçaient dans les chapelles romaines sans occuper un poste de titulaire et vivaient donc de revenus subsidiaires (appelés incerti)22, tandis que les musiciens qui disposaient d’un poste fixe, les titulaires, composaient la troisième catégorie.
25Sur la base de cette répartition, je détaillerai les différences de statuts observés dans le milieu musical.
26Dans leur missive, les musiciens de la confrérie indiquaient que la situation de l’art musical était bien peu florissante, voire préoccupante. De fait, l’interdiction des opéras et des fêtes publiques au cours des années précédentes avait considérablement mis à mal le secteur musical. Les interdictions des divertissements carnavalesques ne cessèrent de se succéder au cours de la période. Entre 1698 et 1709, plusieurs événements, aussi bien volontaires que fortuits, contrarièrent l’organisation des productions musicales et théâtrales. Elles furent annulées à plusieurs reprises : en 1698 et 1699 par décision du pape Innocent XI ; pour l’année sainte en 1700 ; en 1702 pour l’année sainte promulguée par Clément XI ; en 1703 à cause de conditions désastreuses et de tremblements de terre ; de 1704 à 1708 suite à la décision des cardinaux et de la magistrature citadine23.
27En 1705, soit quelques années avant la taxation extraordinaire, Alessandro, le père de Domenico Scarlatti24, signalait la difficulté d’exercer la musique à Rome dans une lettre adressée à Ferdinando de’ Medici25, et dans laquelle il demandait de faciliter l’insertion de son fils dans la ville de Venise :
Je l’ai [Domenico] arraché de force à Naples : il pourrait y être accueilli pour son talent, mais ce n’est pas un endroit pour son talent. Je l’éloignais aussi de Rome, parce que Rome n’a pas de toit pour accueillir la Musique, qui y est mendiante. Mais cet Enfant, qui est un aigle dont les ailes ont poussé, ne doit pas rester oisif dans le nid, et quant à moi je ne dois pas l’empêcher de voler26.
28Alessandro Scarlatti dénonçait ainsi les faibles ressources économiques que l’activité musicale procurait dans la ville de Rome. Pourtant, malgré la réserve de son père, Domenico Scarlatti y séjourna de 1709 à 1719. Au cours de cette période, il fut notamment au service de deux grands personnages, la reine Marie Casimire de Pologne et l’ambassadeur du Portugal, le marquis de Fuentes, et il occupa la fonction de maître de la chapelle Giulia27.
29Afin d’éviter que les musiciens qui bénéficiaient de postes fixes (troisième catégorie) ne soient trop lourdement imposés, les autorités de la Congregazione dei musici précisaient que ces musiciens disposaient de revenus mensuels faibles et qu’ils avaient déjà versé une contribution à leurs chapelles d’appartenance28.
30La situation économique de certains musiciens était effectivement fragile mais les autorités cherchaient ici à généraliser ces difficultés à l’ensemble des membres de la confrérie, afin d’éviter une trop lourde imposition. Dans la lettre qu’il adressa aux autorités de la Congregazione economica le 13 septembre 1708, le primicier de la confrérie, Lodovico Sergardi, présentait la somme offerte par la confrérie tout en mettant en avant les difficultés économiques de ses membres. Il précisait que la contribution ne portait pas sur les revenus fixes (certi) des musiciens, dont le montant était encore trop bas, à cause de la suppression du service musical dans plusieurs églises ou lieux de culte29. D’après le livre comptable tenu par les autorités de la Congregazione economica, la somme proposée par la confrérie fut encore revue à la baisse puisqu’il enregistre seulement un versement de 210 scudi30.
La Cappella musicale pontificia
31La situation économique de la chapelle pontificale était meilleure que celle de la Congregazione dei musici. Le montant de l’impôt initialement proposé par les membres de cette institution, jugé trop faible par les autorités de la Congregazione economica, fut d’ailleurs rehaussé.
32Le déroulement de la négociation relative à ce versement est clairement exposé dans le Diario sistino de l’année 170831. Le 25 août, les membres du Collège pontifical furent enjoints à se réunir le lendemain, afin de fixer le montant de la contribution. Le compte rendu de l’assemblée du 26 août 1708 rapporte avec précision l’organisation de la séance et la stratégie mise en place par les musiciens. On décida de députer trois anciens musiciens pour rédiger une réponse qui justifiait une contribution maximale de 300 scudi. Ce texte fut présenté au Cardinal protecteur qui, par le biais de son auditeur, fit une offre de 200 scudi seulement au secrétaire de la Congregazione economica.
33Dans les documents administratifs de la Congregazione economica figure la supplique du camerlingue Carlo Antonini. Celui-ci avançait plusieurs arguments pour justifier la somme proposée :
Du temps de la Sainte mémoire d’Urbain VIII jusqu’à aujourd’hui, étant donné que les rentes du Collège des Chanteurs de la Chapelle Pontificale ont été notablement réduites, à savoir : dans les cérémonies traditionnellement données pour les funérailles des Souverains Pontifes, correspondant à chaque fois à 250 livres ; dans l’achat de la toile de rideau en lin des Flandres qui est traditionnellement utilisée à chaque distribution publique de l’Agnus Dei ; dans les habits de fin tissu rouge de première qualité, qui sont donnés à la création de chaque pontife, et qui ne coûtent pas moins de 30 scudi par chanteur ; et dans d’autres émoluments dont le nombre a grandement diminué ou qui ont entièrement disparu, ou qui pour certains sont abandonnés pour ne pas augmenter les difficultés ; et étant donné que le Collège a trouvé, et admis, dans les livres des anciens Camerlingues, la contribution faite du temps de la mémoire d’Urbain VIII, qui ne fut que de 100 scudi32.
34Le camerlingue présentait une institution dont l’état financier était désastreux, en particulier à cause des nombreuses dettes contractées par le Collège pontifical. En outre, pour justifier le montant de l’offre proposée, il rappelait l’expérience passée, notamment la somme qui avait été précédemment versée lors de la dernière taxation extraordinaire (uniquement 100 scudi). Comme l’a remarqué Carlo Maria Travaglini, toutes les institutions sollicitées pour contribuer tendaient à se présenter comme des corps de métier dans le besoin.
35Pourtant, comme le rapporte le Diario sistino, la manœuvre ne fut pas suffisante : la Congregazione economica refusa l’offre proposée33 et exigea que le Collège pontifical, associé aux aumôniers et aux gardiens de l’institution, versent la somme de 660 scudi. Le versement devait se faire en quatre fois, au cours de l’année, jusqu’à ce que la somme de 200 scudi soit atteinte (soit 20 scudi annuels par chanteur).
36Les documents de la Congregazione economica présentent ainsi un double avantage. Ils permettent de situer les institutions musicales au sein de l’économie locale de la société romaine et offrent également la possibilité de dénombrer les musiciens exerçant dans la ville. Les ressources économiques des musiciens dépendaient de plusieurs facteurs, notamment de la catégorie dont ils relevaient (compositeurs, chanteurs, instrumentistes) mais aussi de leur position au sein des institutions qui les recrutaient (membres d’une chapelle fixe ou non)34. En outre, le nombre de musiciens actifs à Rome, proche de 300, n’était pas négligeable à l’échelle de la population.
37D’autres sources permettent toutefois d’observer encore plus finement cette population musicienne : les archives paroissiales et les archives notariales. L’utilisation de ces fonds consent au chercheur de collecter des données qualitatives et descriptives sur les individus qui composaient le milieu musical.
Localiser les musiciens dans la ville : l’apport des Stati delle anime
38Pour observer l’insertion des individus dans l’espace urbain, social et professionnel, l’analyse des sources classiques de la démographie historique constitue une étape obligée, laquelle permet la reconstitution de parcours individuels et familiaux de musiciens. Afin de recenser, localiser les habitations et documenter la réalité familiale des musiciens, j’ai donc choisi comme point de départ l’étude des registres paroissiaux conservés dans les archives du vicariat de Rome35, en particulier les registres des Stati delle anime (« États des âmes »), bien connus pour leur continuité et leur homogénéité au XVIIIe siècle, et qui rendent possibles des analyses sérielles sur des périodes de longue durée.
Une source pour identifier les musiciens
39À l’époque moderne, la structure paroissiale constituait l’espace territorial, administratif et social de base pour l’organisation de la vie civique et religieuse de la ville36. Au XVIIIe siècle, la ville de Rome comptait entre 150 000 et 160 000 habitants, répartis dans plus de 80 paroisses (entre 81 et 83)37. Depuis le concile de Trente, les curés étaient tenus d’enregistrer les événements qui scandaient le rythme de la vie religieuse de leurs paroisses (baptêmes, mariages), dans des registres spécifiques. En 1614, le Rituale romanum rendit également obligatoire l’enregistrement des sépultures et la rédaction annuelle des Stati delle anime, dont était chargé le curé, dans le but de veiller à ce que le devoir de communion pascale fût bien respecté. Les Stati delle anime d’une paroisse constituent ainsi une source extrêmement précieuse pour recueillir des données de nature démographique, socio-économique et topographique sur la population de la ville.
40Les informations contenues dans les registres dépendent néanmoins du soin apporté par les curés à les renseigner. Certains ne mentionnaient guère plus que les noms et prénoms de leurs paroissiaux, tandis que d’autres faisaient preuve d’une grande précision. Il arrive en effet que soient indiqués l’ascendance ou la filiation des individus, les relations de parenté à l’intérieur du ménage, l’âge des membres composant le noyau familial, l’origine géographique, la profession et la condition (propriétaire, locataire)38. Les ménages étaient formés autour du chef de famille, le capofamiglia, à la suite duquel étaient énumérés les membres de la famille : le nom de l’épouse s’il était marié, suivi de ceux des enfants selon l’ordre de naissance, de ceux des éventuels frères et sœurs, ascendants ou collatéraux qui cohabitaient avec lui, ainsi que ceux des éventuels domestiques. Ces documents permettent de dresser un profil très précis de la population et d’effectuer différentes analyses démographiques, en adoptant, par exemple, la méthode proposée par le démographe Peter Laslett39.
41Cette source a fait l’objet de l’intérêt précoce des historiens de l’art qui ont souhaité identifier des artistes de l’art figuratif (peintres et sculpteurs en particulier) actifs à Rome, à des dates précises ou au cours de périodes plus longues40. Les musicologues, quant à eux, s’en sont servi de façon ponctuelle, pour obtenir des informations sur le ou les musiciens dont ils suivaient la trace41.
42Bien que précieuse pour le démographe ou l’historien, la source a cependant quelques limites. Comme les registres sont plus ou moins précis selon les années, certaines informations sont parfois manquantes. L’activité professionnelle du chef de famille et des individus qui composaient le foyer n’est en effet pas toujours indiquée – et cela est particulièrement vrai pour les femmes – ce qui complique la tâche du chercheur qui souhaite identifier un groupe professionnel particulier.
43Pour cette enquête, j’ai décidé d’exploiter les Stati delle anime à une date précise : l’année 1745. Je souhaitais pouvoir confronter les noms relevés dans ces registres paroissiaux à ceux d’une liste des membres de la Congregazione dei musici di Roma qui aurait été rédigée entre 1746-1749, transcrite par Giancarlo Rostirolla42. Sur les 82 paroisses existantes en 1745, seules 65 ont pu être prises en compte, car les registres des Stati delle anime des 17 restantes ont été perdus ou détruits. Grâce à la liste des Status animarus alme urbis de l’année 174543, on sait que la ville de Rome comptait alors 149 396 habitants. Dans la mesure où certains registres des états des âmes étaient manquants pour l’année 1745, ou plus complets pour d’autres années, j’ai eu recours aux registres rédigés à des dates avoisinantes44.
44On a ainsi pu recenser tous les individus dont la profession musicale était indiquée dans les registres, soit un total de 137 musiciens et danseurs, dont trois femmes (deux chanteuses et une danseuse), répartis dans 38 paroisses différentes (Annexe 1).
45C’est bien le vocabulaire des contemporains que l’on peut apprécier à travers l’étude des Stati delle anime, et les dénominations qui servaient à identifier les représentants du milieu de la musique et celui de la danse étaient nombreuses45. Plus d’une vingtaine de dénominations ont été répertoriées (tab. 21).
Tab. 21 – Musiciens et danseurs identifiés dans les Stati delle anime à partir de l’étude de 38 registres datés de 1741 à 1746.
Catégories | Dénominations dans les sources | Total |
Danse | ballerino (1), ballerina (1), maestro di ballo (5) | 7 |
Chant | cantarina (1), cantastorie (2), cantatrice (1), musico (30), musico della cappella pontificia (1), musico di cappella (3), musico di palazzo (3), musico decano di palazzo (1), musico di San Pietro (9), musico giubilato di San Pietro (1), musico di Santa Maggiore (1), musico tenore (1), musico cantore (1), musicus (1), stampatore musico (1) | 57 |
Musique | organista (2), organista della Chiesa Nova (1), organista e violino (1), sonatore (33), professore di musica (1), maestro di cembalo (1), sonatore di oboe (1), sonatore di violino (2), tromb. (1), tromba (1), trombetta (2), trombettiere (1), trombettiere di Nostro Signore (1), violino (1), virtuoso (1) | 50 |
Composition | maestro di cappella (16), maestro di cappella di San Pietro (1), sonator cimbalo maestro di cappella in Araceli (1) | 18 |
Sans indication | 5 | |
Total | 137 |
46Pour les instrumentistes, le terme générique sonatore était parfois complété par le type d’instrument joué. Pour qualifier les chanteurs, le terme musico était le plus couramment employé. En revanche, la chapelle d’appartenance des chanteurs a été précisée dans trois cas : la chapelle pontificale (musico di palazzo, c’est-à-dire du palazzo apostolico), la chapelle de San Pietro et celle de Santa Maria Maggiore. Cette distinction répond directement à la hiérarchie des institutions musicales puisqu’il s’agissait des chapelles les plus prestigieuses.
47Le nombre de musiciens enregistrés dans les états des âmes est probablement sous-estimé. En effet, l’étude précédemment évoquée, conduite à partir des documents produits par la Congregazione economica de 1708, permettait d’estimer que la population des musiciens actifs à Rome avoisinait les 300 individus. Même si le dénombrement des musiciens par l’intermédiaire des Stati delle anime demeure imparfait, il constitue toutefois une bonne base et offre un échantillon suffisant pour mieux connaître ce milieu. Aussi, en plus de ces recensements ponctuels – pour une période comprise entre 1741 et 1746 – j’ai procédé à des identifications par sondages pour la paroisse de San Lorenzo in Lucina (Annexe 2), située au cœur de Rome, dans laquelle les activités économiques étaient nombreuses au XVIIIe siècle46. Dans cette paroisse, on identifie 34 musiciens pour la seule année 1745.
48Il a donc été possible de localiser, au total, les domiciles de 390 musiciens et de suivre certains d’entre eux, à différentes dates. La présente enquête ne permet pas de formuler des considérations générales sur le milieu musical, mais elle apporte des éclairages sur les conditions matérielles de vie et de logement des musiciens.
Manières d’habiter, manières de vivre
49L’exploitation des Stati delle anime permet notamment de localiser le domicile des musiciens dans le tissu urbain romain47. En l’absence du numérotage des rues, la situation exacte des habitations dépendait de l’attention du curé au moment de la rédaction du registre. Il faut souvent se satisfaire d’expressions vagues et incomplètes, et accepter que la localisation du domicile dans la paroisse soit imprécise.
50Pour le groupe professionnel considéré, on a repéré plusieurs formes d’habitat, ce qui permet de dégager quelques informations concernant les habitudes de domiciliation dans l’espace urbain.
51Certains musiciens vivaient dans les résidences des familles cardinalices ou aristocratiques pour lesquelles ils travaillaient. Le palais de la famille Doria Pamphili se trouvait, par exemple, dans la paroisse de Santa Maria in Via Lata48. En 1755, Antonio Lusini, sonatore di tromba di Panfili, vivait dans un appartement où l’on devait « mettre les instrumentistes49 », situé à proximité du palais, dans le vicolo della gatta. De la même façon, un maître de chapelle appelé Francesco Cola50, résida avec les membres de sa famille de 1741 à 1748 au moins, dans le palais du Grand Duc de Toscane situé dans la paroisse de San Nicola dei Prefetti51.
52Parmi les musiciens recensés, certains louaient des appartements. L’étude de registres des Stati delle anime permet parfois de savoir à qui appartenaient les appartements qu’ils occupaient. Les registres de la paroisse de Santo Stefano in Piscinula, par exemple, signalent qu’un certain nombre de chanteurs pontificaux étaient installés dans des appartements possédés par les Pères de la Chiesa Nuova. En 1745, trois chanteurs pontificaux s’y trouvaient52 : Angelo Resi (sacerdote musico di palazzo) dans l’habitation n° 93, Francesco Colapaoli (sacerdote musico di cappella) dans la n° 100, Girolamo Vasconi (chierico musico di cappella) dans la n° 103. Dans l’habitation n° 110 habitait également Propertio Zappini (musico), âgé de 16 ans. Il sera admis quatre ans plus tard dans la chapelle musicale pontificale comme chanteur surnuméraire53.
53Le chapitre de San Pietro in Vaticano louait également des logements. Grâce à un contrat de location retrouvé dans les archives de la basilique, on sait qu’en 1745 le chanteur Giovanni Trinca loua « le second étage de l’appartement à Ponte Sant’Angelo », pour un an54. Le loyer était fixé à 36 scudi annuels et versé tous les trois mois. L’appartement comportait cinq pièces dont la cuisine55.
54Certains chanteurs de la chapelle de San Pietro in Vaticano (Cappella Giulia) furent aussi logés dans la paroisse de San Giacomo in Borgo, où se trouvait une habitation qui prenait le nom de casa de’ musici di San Pietro. Composée de trois étages, ce logement n’était cependant pas exclusivement réservé aux membres de la chapelle. En 1746, on comptait, par exemple, en plus d’individus dont la profession n’était pas précisée, quelques veuves, deux soldati di castello, et seulement deux chanteurs : Ubaldo Sesti, âgé de 76 ans, et Giuseppe Lafini, âgé de 45 ans56.
55Les registres des Stati delle anime nous renseignent également sur la composition du noyau résidentiel, et permettent ainsi de documenter les structures familiales et démographiques des familles de musiciens. Nous pouvons alors pénétrer dans l’espace intime de ces individus, découvrir leur environnement quotidien et familial, à un moment donné de leur histoire.
56Les situations familiales des musiciens étaient variées : enfants d’un noyau familial, célibataires, mariés, avec ou sans enfant, etc. Grâce aux liens de parenté parfois indiqués dans les registres, il est possible d’identifier des familles de musiciens. En 1755, par exemple, le sonatore Celestino Liggi vivait avec son épouse et ses deux fils, Michelangelo et Eligio, également sonatori, dans la paroisse de San Lorenzo in Lucina. Ces trois musiciens figurent parmi les membres de la Congregazione dei musici dans la catégorie des violonistes57. Les Liggi habitaient à la même adresse en 176558.
57D’autres familles de musiciens ont ainsi pu être localisées dans l’espace urbain, telles les Vacca, les Giobbe, les Uberti, qui jouaient des instruments à vent, ou encore les Bencini et les Di Capua, deux familles de compositeurs.
Stati delle anime, paroisse de San Lorenzo in Lucina, famille de Celestino Liggi, 1755.
Seguita il corso verso S. Lorenzo Celestino Liggi sonatore Angela Pini moglie Michelangelo f[iglio] an[ni] 22 sonatore Eligio f[iglio] an[ni] 16 sonatore Vittoria f[iglia] an[ni] 13 Angelica Pini zit[ella] an[ni] 28 |
58Les unions matrimoniales entre les familles de musiciens étaient fréquentes, ce qui renforçait la cohésion et la solidarité de groupe. En septembre 1747, par exemple, la fille de Domenico Ghirarducci, tromboniste au Castel San Angelo, épousa un trompettiste membre du Concerto del Campidoglio, Tommaso Fabri59. Les musiciens Giovanni Battista Costanzi et Sebastiano Haim, quant à eux, étaient mariés à deux sœurs de la famille Farinelli, Apollonia et Aurora, comme l’a observé Alberto Cametti60.
59D’après les sondages effectués dans les registres de la paroisse de San Lorenzo in Lucina, pour des périodes de 10 ans61, on sait que des musiciens ont connu des situations de longue sédentarité. C’est notamment le cas du chanteur Francesco Antonio Avicenna qui résida dans la paroisse de San Lorenzo in Lucina de 1735 à 176562, et y mourut le 30 janvier 177263. Les contrebassistes et frères Gaetano et Francesco Frosini habitèrent également dans cette même paroisse dès 1745, et jusqu’à leur mort64.
60Les Stati delle anime permettent également de mettre au jour les déplacements des musiciens à l’intérieur de la ville. En 1735 et en 1740, le compositeur Pietro Paolo Bencini, habitait dans la paroisse de San Lorenzo in Damaso, une paroisse dynamique caractérisée par une forte mobilité, surtout masculine65. En 1745, Bencini résidait alors dans la paroisse de San Pietro in Vaticano. Son changement de domicile correspond à une étape importante de sa carrière : sa nomination, en 1743, au poste de maestro di cappella de la basilique de San Pietro (Cappella Giulia).
61En partant d’un échantillon de 16 paroisses66 et un total de 108 familles, l’examen des structures familiales des musiciens, à partir de la taxonomie proposée par Peter Laslett, donne des indications intéressantes sur leurs modes de vie à Rome. Loin de l’image du musicien solitaire et itinérant, l’analyse des données recueillies montre plutôt que la plupart des musiciens vivaient dans un cadre familial, au sein duquel la famille nucléaire dominait mais où les familles élargies étaient en grand nombre. Il n’est pas rare que les musiciens appartiennent à des familles nombreuses, accueillant des parents, ascendants ou collatéraux, au sein desquels se trouvaient parfois des domestiques.
62Si l’on compare les données concernant spécifiquement les musiciens à celles de l’ensemble de la population de San Lorenzo in Damaso67, une paroisse assez représentative du dynamisme et de la mobilité de la population romaine, on remarque que le nombre de familles élargies était sensiblement plus élevé que la moyenne. On peut également constater que les ménages multiples étaient quasiment inexistants et que le groupe des solitaires et des foyers sans structures familiales représentait tout de même environ 20 % de l’ensemble, suivant une tendance proche de celle observée à l’échelle générale pour San Lorenzo in Damaso. Concernant les foyers sans structures familiales, il n’était pas rare que des musiciens célibataires cohabitent ensemble, probablement pour des raisons pratiques, liées à l’exercice de la musique, ou tout simplement au partage du loyer.
63Par ailleurs, certaines paroisses accueillaient un nombre sensiblement élevé de musiciens quand d’autres n’en accueillaient aucun, ce qui indique la centralité de certains quartiers pour les activités musicales (à proximité des théâtres, des palais nobiliaires ou princiers, des églises)68.
64Enfin, on a pu constater une certaine tendance à la concentration de ces familles dans certaines contrade des paroisses, à San Andrea delle Fratte par exemple, respectant ainsi une logique spatiale assez commune de la ville selon laquelle les corps de métiers ou les groupes spécialisés se concentrent à certains endroits.
65Les registres paroissiaux constituent ainsi une source de première main pour identifier les musiciens dans la ville, même si certains ont échappé à notre enquête du fait du caractère parfois lacunaire de la documentation. Les musiciens se concentraient dans les paroisses où se situaient les lieux d’exercice de la musique (chapelles, palais, théâtres), en particulier dans des paroisses centrales telles que San Lorenzo in Lucina ou Santo Stefano in Piscinula. Si certains musiciens se sédentarisaient, d’autres se déplaçaient dans la ville, notamment en fonction des opportunités de travail qui leur étaient offertes. Le groupe était soudé, comme en témoignent les alliances matrimoniales parfois resserrées entre deux ou plusieurs familles. À partir du cadre offert par les états des âmes, il est possible d’analyser plus en profondeur cette petite société des musiciens. Le recours aux archives notariales qui permettent d’éclairer les pratiques des acteurs, leurs modes de vie, leurs patrimoines et leurs activités, s’avère précieux pour compléter cette enquête.
Les conditions de vie des musiciens au regard des archives notariales
66Les archives notariales constituent des sources intarissables pour écrire une histoire sociale des musiciens69. Les travaux de Madeleine Jurgens, d’Alan Howe et d’Isabelle Handy, qui portent sur d’autres contextes chronologiques et géographiques que la présente étude, ont mis en évidence l’intérêt de ces sources pour la connaissance du milieu musical70. Ces chercheurs ont notamment étudié des documents conservés dans le Minutier central des notaires de Paris, afin de décrire la vie musicale parisienne ainsi que la condition sociale de plusieurs de ses représentants. L’étude d’actes d’associations, d’actes relatifs aux engagements des musiciens, de contrats d’apprentissage ou encore d’inventaires après décès, permettent en effet de reconstituer, avec des degrés de précision variables, le cadre de vie des musiciens.
67Pour la présente enquête, on l’a vu, l’activité théâtrale a été observée à partir des actes notariés du gouverneur de Rome, en particulier pour saisir la structuration du marché et observer les conditions de la pratique musicale dans les théâtres71. D’autres actes notariés ont également été pris en compte. Tandis que l’inventaire après décès consent à conduire une « étude des conditions matérielles et culturelles de la vie du plus grand nombre72 », le testament constitue une « source essentielle pour la connaissance de la famille, et par là même de la vie sociale […] et une source majeure d’histoire des mentalités », en ce qu’il nous informe sur la manière dont les individus font face à la mort et souhaitent léguer leurs biens à leurs descendants, en privilégiant certains d’entre eux ou en organisant leur succession pour prévenir d’éventuelles querelles familiales73.
68J’ai ainsi procédé à un dépouillement sélectif de testaments et d’inventaires après décès de musiciens conservés à l’Archivio di Stato di Roma. Au total, 54 testaments et 31 inventaires après décès ont été recensés. Les documents qui composent ce corpus ont été identifiés à partir d’ouvrages de seconde main74 et au cours des différents dépouillements que j’ai pu conduire75.
69Pour rechercher les testaments et les inventaires après décès, il est préférable de connaître la date de décès des musiciens. Dans le cas de musiciens passés à la postérité, elle est souvent mentionnée dans les dictionnaires biographiques ou dans les monographies qui se rapportent à leurs vies. Pour les musiciens peu ou pas connus, l’affaire est plus complexe, et le recours aux archives paroissiales s’est avéré précieux. Les dates de décès de certains musiciens ont en effet pu être identifiées grâce aux registres des sépultures conservées à l’Archivio del Vicariato di Roma.
70La première étape de la recherche s’est faite à l’Archivio Capitolino où sont conservés les registres des notaires. Les rubricelle des testaments, des sortes d’index, sont classés par ordre chronologique, puis organisés par ordre alphabétique mais selon la première lettre du prénom, non la première du nom de famille.
71Bien que partielle et ponctuelle, notre enquête permet néanmoins d’offrir des informations sur le bagage culturel et le cadre domestique des musiciens, ainsi que les liens sociaux qu’ils pouvaient tisser puis entretenir au cours de leur vie.
Le testament : du lien social et familial au patrimoine
72Les testaments de musiciens étudiés sont assez redondants, mais certains renferment des informations fort intéressantes. Les premières considérations portaient généralement sur le salut de l’âme. Le testateur remettait son âme aux mains d’un ou plusieurs saints protecteurs, en général ceux qui patronnaient la confrérie ou les confréries auxquelles il appartenait. Il exprimait ensuite ses dernières volontés quant au devenir de son corps et au lieu de sépulture qu’il choisissait. Souvent, les individus exprimaient le souhait d’être enterrés dans leur paroisse de résidence. Parfois, le testateur précisait le nombre de messes à célébrer en son honneur. Enfin, on venait à désigner les héritiers et les modalités de la division des biens, dans le but de prévenir d’éventuelles disputes au sein de la famille.
73Les 54 testaments à disposition ne sont pas tous semblables d’un point de vue qualitatif, c’est-à-dire sur le plan des informations qu’ils révèlent. Certains sont brefs et sommaires, tandis que d’autres sont détaillés et précis. Je m’intéresserai ici à trois testaments particulièrement consistants à partir desquels il est possible d’éclairer des parcours individuels.
74Le chanteur, compositeur et homme de lettres Andrea Adami (1663-1742), originaire de Bolsena (indiqué « Voltseno » dans le document) rédigea son testament le 19 juin 1736, de sa propre main76. Il commençait par rappeler ses fonctions : abbé du sanctuaire de Santa Maria dell’Acqua Santa situé à Marino, il était également arciprete de Santa Maria Maggiore et membre decano (le plus ancien) de la chapelle pontificale. Il s’agit en effet d’un représentant imminent de cette chapelle musicale. Admis en 1689 comme sopraniste surnuméraire, il devint maestro di cappella de l’institution en 1701, et prit sa retraite (giubilazione) après 25 années de services77. Le testament révèle à plusieurs reprises l’esprit de piété du musicien : il confiait son âme à la Vierge Marie et à plusieurs saints notamment Saint Michel, Saint Joseph et Philippe Néri78.
75On perçoit également le lien particulièrement étroit qu’Andrea Adami entretenait avec son protecteur, le cardinal Pietro Ottoboni79, qu’il choisit comme exécuteur testamentaire. Le cardinal Ottoboni devait décider du lieu de sépulture mais aussi se charger de la vente des meubles et des biens qu’il possédait. Le revenu tiré de ces ventes devait servir à acheter des luoghi di monte80 pour les héritiers du défunt81. Le musicien souhaitait aussi que dix messes soient dites pour le salut de son âme, dont certaines devaient être célébrées dans l’église de San Cimitero de Bolseno, d’où il était originaire. Une messe mensuelle devait également être dite dans l’église de San Lorenzo in Damaso, dont le protecteur n’était autre que le cardinal Ottoboni.
76En 1705, le musicien habitait le palais de la Cancelleria avec d’autres membres de sa famille : avec son frère Paolo, son père Francesco, son neveu Bonaventura, et Elisabetta Bonetti, une domestique originaire de Bolsena.
Stati delle anime, paroisse de San Lorenzo in Damaso, famille d’Andrea Adami, 1705.
Palazzo della Cancelleria n. 488 |
77Vingt ans plus tard, en 1735, il habitait toujours le palais, cette fois avec sa belle-sœur Cristina, sa nièce Teresa et un domestique milanais nommé Pietro Bianchini82.
78En signe de gratitude, le musicien léguait un tableau du peintre Francesco Solimena (1657-1747)83 à son protecteur dont il rappelait la « généreuse charité84 ». Quelques années plus tôt, Andrea Adami avait déjà exprimé sa reconnaissance à Pietro Ottoboni en lui dédicacant l’ouvrage qu’il avait consacré à l’histoire de la chapelle pontificale intitulé Osservazioni per ben regolare il coro dei cantori della cappella pontificia publié en 171185.
79La carrière d’Andrea Adami a en effet été grandement facilitée par la protection du cardinal Pietro Ottoboni, qu’il servit de 1686 à 174086. Hans Joachim Marx a montré qu’Ottoboni était fasciné par les capacités musicales et vocales du chanteur. Cette admiration explique les différentes initiatives du mécène en sa faveur. Andrea Adami bénéficia de son soutien à différentes reprises, ce qui favorisa son intégration professionnelle. Pietro Ottoboni le fit nommer maestro de la chapelle pontificale et lui permit d’obtenir un bénéfice à Santa Maria Maggiore87. L’admission du musicien au sein de l’Accademia dell’Arcadia en 1690, déjà facilitée par sa double qualité de poète et d’érudit, fut également favorisée par la protection du cardinal88. Adami fait partie du groupe restreint des musiciens admis au sein de l’Arcadia, lesquels étaient surtout des compositeurs89. Selon Fabrizio della Seta, les admissions de musiciens au sein de cette institution culturelle romaine étaient étroitement liées au système de recommandation exercé par les membres de l’élite qui avaient la main mise sur les Pasteurs arcadiens, et qui exerçaient d’ailleurs une fonction essentielle pour la promotion de l’art musical à Rome90.
80Andrea Adami, clerc et donc célibataire, léguait et répartissait ses biens à plusieurs membres de sa famille : à sa belle-sœur Cristina, à ses neveux, Bonaventura, Giuseppe Maria et Pietro. Il laissait également des sommes d’argent non négligeables à ses deux nièces, Olimpia et Teresa, respectivement 20 et 50 scudi. Pour satisfaire à ces legs, le musicien précisait que les héritiers pouvaient vendre un anneau lui appartenant, et utiliser les revenus que lui conférait le bénéfice ecclésiastique de Santa Maria Maggiore91.
81Bien que les dispositions d’Adami n’aient pu être suivies en raison de la mort du cardinal Pietro Ottoboni qui advint avant celle du musicien, en 1740, ce document atteste de la forte relation que pouvait entretenir un musicien avec son protecteur, auquel il va jusqu’à confier l’organisation de son héritage.
82La relation de proximité entre un musicien et son protecteur est aussi perceptible dans le testament du violoncelliste et compositeur Giovanni Battista Costanzi (1704-1778)92 retrouvé par Alberto Cametti93. Les protections dont bénéficiait le musicien apparaissent très clairement dans ses dernières volontés94. Le musicien commandait tout d’abord cinquante messes de requiem pour le cardinal Pietro Ottoboni, son premier protecteur. Il faisait don à la famille Stuart de son meilleur violoncelle, fabriqué par le luthier David Tecchler95, et laissait ses partitions au duc d’York, Henry Benedict Stuart, qu’il servit plusieurs années durant96.
83Dans ces deux cas de figure, les musiciens avaient acquis une notoriété en grande partie grâce à leurs protecteurs, ce qui explique l’intensité des signes de reconnaissance que leurs testaments renferment.
84Le testament du chanteur pontifical Domenico Ricci (1709 env.-1751)97 est également riche d’enseignements. D. Ricci rédigea ses dernières volontés le 18 février 1751, à l’âge de 42 ans98. Il remettait son âme à plusieurs saints protecteurs, avant de formuler le souhait d’être enterré dans « l’église des pères de l’oratorio de San Filippo Neri », c’est-à-dire Santa Maria in Vallicella99. Il désignait son père, Francesco, comme héritier100 et nommait aussi deux héritiers fiduciaires101, deux amis et collègues de la chapelle musicale pontificale, Matteo Fornari et Gasparo Reder102. Ces derniers devaient se charger de la vente des biens du défunt103.
85Les réseaux de relations de certains musiciens apparaissent ainsi très clairement dans leurs testaments : soit de manière verticale, quand les mécènes et les protecteurs jouaient un rôle central dans le déroulement des carrières des musiciens, soit de manière horizontale, lorsque la parenté et les compagnons étaient omniprésents et dessinaient les contours d’un groupe solidaire. Les inventaires après décès, quant à eux, complètent les informations qui proviennent des testaments, et nous informent cette fois sur la consistance des patrimoines, sur les objets possédés et sur le cadre de vie des individus.
L’inventaire de biens : cadre domestique et culture matérielle
86Les inventaires après décès, des sources essentielles pour l’étude de la culture matérielle et de la dévolution du patrimoine, n’étaient pas rédigés de façon systématique lorsqu’une personne décédait. Généralement, ces documents étaient dressés à la demande des héritiers du défunt ou d’une tierce personne, par exemple un créancier104. La compilation de l’inventaire prenait plus ou moins de temps, en fonction des ressources financières et du patrimoine du défunt. Chaque bien était estimé et sa valeur notée avec minutie : de la vaisselle aux ustensiles de cuisine, en passant par les outils de la vie quotidienne, jusqu’aux vêtements, draps, meubles et literies, bibliothèques ou encore les biens immobiliers. Tous les biens étaient inventoriés, jusqu’au simple objet. Pour établir un inventaire, on recourait à des experts chargés d’apprécier la valeur des biens et d’en donner une estimation la plus précise possible105.
87Les inventaires recensent en général le mobilier et les objets entreposés dans l’habitation (meubles, linge et vêtements, argenterie, bijoux et argent liquide), mais aussi les archives, les livres de compte et les documents privés du défunt (scritture private). Ces derniers rappelaient et garantissaient la possession de biens immeubles, les transactions diverses et variées qu’il avait pu faire au cours de sa vie, ses dettes et ses créances, ou encore les rentes dont il bénéficiait. L’examen de cette riche documentation montre combien les conditions économiques des musiciens étaient hétérogènes : si certains inventaires indiquent une certaine aisance matérielle, d’autres, au contraire, laissent entrevoir des situations plus modestes.
88Examinons plus en détail deux inventaires après décès particulièrement fournis, parmi les 31 recensés : le premier concerne un compositeur, Giovanni Battista Casali, le second un chanteur pontifical, Properzio Zappini.
89Giovanni Battista Casali106 rédigea son testament en septembre 1772 et l’enregistra par-devant notaire à la fin du même mois, le 27 septembre 1772. Le musicien désignait comme héritière universelle son épouse, Barbara Monti. Quelques jours après sa mort, advenue le 3 juin 1792107, ses fils, Giuseppe, Salvatore et Ambrogio, firent dresser l’inventaire après décès de leur père devenu veuf, ce qui permet de connaître avec précision la situation matérielle du musicien108. Outre les effets personnels du défunt, ses biens meubles et ses instruments de musique, sur lesquels on s’attardera ci-après dont la valeur était évaluée à environ 800 scudi romani, l’héritage comportait un certain nombre de créances et de dettes. En effet, le défunt devait encore percevoir des sommes assez élevées – environ 215 scudi romani et 53 baiocchi – correspondant à des émoluments que certaines institutions religieuses devaient lui verser, puisqu’il y avait officié en tant que maestro di cappella (tab. 22)109.
Tab. 22 – Liste des créances de G. B. Casali en tant que maestro di cappella.
Noms de l’institution religieuse | Montants (en scudi) |
Dalla chiesa della Minerva | 40 |
Dalla chiesa dell’Araceli | 36 |
Dal monastero di S. Silvestro in Capite | 36,20 |
Dall’Ecc[ellentissi]ma casa Doria per la chiesa di S. Agnese | 4,33 |
Del Capitolo di S. Gio[vanni] Laterano | 14 |
Dalla chiesa Nuova | 16 |
Dal Gio. Della Pigna | 20 |
Della chiesa di S. Marco | 43 |
Da S. Antonio de Portoghesi | 6 |
Total | 215,53 |
90Les dettes de Giovanni Battista Casali s’élevaient quant à elles à 292 scudi et 60 baiocchi : un tiers, 100 scudi, correspondait aux honoraires dus au médecin Orazio Antonio Bellini, qui l’avait soigné trois ans plus tôt110 ; le reste concernait les honoraires dus à son serviteur, le loyer de l’habitation qu’il avait occupée ou des frais de bouche. Enfin, un peu plus d’un tiers des dettes (152 scudi et 50 baiocchi) portait sur les sommes que Casali devait encore verser à des musiciens, qu’il avait probablement recrutés pour des services musicaux.
91Le domicile que louait Giovanni Battista Casali était situé dans le centre de Rome, place de la Chiesa Nuova, et se composait de cinq pièces : une chambre à coucher, une autre salle, une camera del cembalo, la pièce du domestique et une cuisine. La « salle de clavecin » devait être la pièce que le musicien utilisait pour donner ses leçons privées. Parmi les objets recensés dans cette pièce figurent un clavecin estimé à 9 scudi111 et une étagère dans laquelle on trouvait diverse carte di musica que le priseur devait estimer112. Ces partitions, reportées juste avant les crédits héréditaires, ne donnèrent pourtant lieu à aucune estimation. En revanche, le priseur prit soin de les classer par genre : un premier ensemble était composé de messes, de psaumes et d’antiennes ; un second de cantates, oratorio, intermèdes113. L’orgue portatif (organo portabile) présent dans la pièce ne fut pas non plus estimé.
92Dans les inventaires de biens pris à l'étude, les partitions musicales étaient le plus souvent indiquées par des formulations sommaires et génériques, telles carta di musica ou libri di musica114. Il est donc rare de pouvoir restituer la bibliothèque musicale d’un musicien. Seul un inventaire de biens, celui d’Antonio Bencini, énumère précisément les compositions acquises, sans doute parce que sa mort précède celle de son père, le maestro di cappella Pietro Paolo Bencini, lequel pouvait avoir intérêt à connaître la liste détaillée des partitions possédées par le fils : Antonio possédait 30 partitions originales auxquelles s’ajoutent plus de 70 partitions copiées115.
93À l’instar de G. B. Casali qui avait dans de bonnes conditions de vie et disposait de plusieurs ressources financières, le chanteur pontifical Properzio Zappini se trouvait dans une situation matérielle confortable. Dans son testament daté du 24 octobre 1796, Properzio Zappini désignait Joseph Censi comme héritier fiduciaire116. Ce dernier décida de dresser l’inventaire des biens du musicien le 22 novembre 1796117. Le domicile du chanteur pontifical, situé dans la strada detta il Monte della Farina, était composé de plusieurs pièces : une salle, une antichambre, une stanza delle bandiere, une chambre, une cuisine, deux greniers et une cave.
94Le riche mobilier de Properzio Zappini comprenait des objets qui évoquaient son activité musicale : deux instruments de musique (un clavecin et une épinette) et des livres appartenant au Collegio della Cappella Pontificia118. En outre, parmi les nombreux tableaux qu’il possédait, figurait un portrait du compositeur Giovanni Pierluigi Palestrina119. Enfin, l’érudition et le goût du musicien pour l’histoire, les lettres et l’opéra sont attestés par la présence de plusieurs livres : vingt tomes de Ludovico Antonio Muratori, quinze tomes de Pietro Metastasio, deux tomes de Battista Platina, un dictionnaire d’italien et de latin, trente-quatre livrets d’érudition et de dévotion120.
95Contrastant fortement avec les deux précédents inventaires après décès, celui du compositeur Antonio Aurisicchio121 fait état d’un domicile beaucoup plus modeste. Le logement du musicien, situé à proximité de l’église de Santa Maria in Via était composé de deux pièces. Le priseur précisait que le compositeur écrivait et composait dans la seconde122.
96La confrontation des inventaires après décès permet ainsi de saisir la diversité économique des représentants du milieu musical. Certains musiciens possédaient de nombreux biens et disposaient de ressources financières variées, tels Giovanni Battista Casali ou Properzio Zappini, tandis que d’autres, comme Antonio Aurisicchio, étaient visiblement dans des situations économiques plus fragiles. Les testaments et les inventaires après décès constituent ainsi des sources précieuses à plusieurs égards. Ils permettent de reconstituer les réseaux de relations des protagonistes et d’observer leurs formes d’insertion sociale et professionnelle. Ils offrent également la possibilité d’analyser des niveaux de fortunes, de déterminer les conforts de vie et d’obtenir des informations sur la culture et l’éducation de ces musiciens.
Étude de cas : la famille Vacca
97Le croisement de différentes sources (archives paroissiales, actes notariés, etc.) rend possible la reconstruction de parcours biographiques. On s’essaiera ici à montrer l’apport de cette méthodologie à partir d’un cas concret, celui des Vacca, une famille d’instrumentistes à vent qui semblent avoir réussi son insertion sociale et professionnelle dans la Rome du XVIIIe siècle.
98Le père Ludovico, originaire de Velletri, arriva à Rome vers 1703123. Quelques décennies plus tard, en mai 1743, alors qu’il attestait du célibat de son fils, lequel souhaitait convoler en noces avec Cecilia Maria Modelli124, Ludovico disait être trombettiere delli cavalleggieri125. Le musicien était donc parvenu à se faire une place dans un ensemble musical prestigieux au service du pape, le corps des Trombetti della guardia dei cavalli leggieri. En 1745, il vivait dans la paroisse de Santa Susanna, avec son épouse Teresa, et ses trois fils Antonio, Carlo et Francesco, âgés de 14 à 29 ans.
Stati delle anime, paroisse de Santa Susanna, famille de Ludovico Vacca, 1745.
(Après la piazza Barberini) |
99Le fils de Ludovico Vacca, Carlo, est indiqué une seconde fois dans le registre de la même paroisse, et exerce la profession de trombettiere.
Stati delle anime, paroisse paroisse de Santa Susanna, famille de Carlo Vacca, 1745.
Piazza Barberini |
100Ludovico, son second fils Carlo, et son troisième fils Francesco, qui était également musicien, étaient inscrits parmi les membres de la Congregazione dei musici di Santa Cecilia, dans la catégorie des instrumentistes126. La famille développa son activité dans différents milieux. Si l’agrégation à la Congregazione leur permettait de se produire dans les édifices religieux, ils jouaient aussi régulièrement les parties de trompettes ou de cors de chasse dans les orchestres des théâtres Alibert et Argentina127.
101Dans son testament, daté du 2 janvier 1753, Lodovico Vacca, exprimait le souhait d’être enterré dans sa paroisse de résidence, San Nicola in Arcione128, et décidait du partage égalitaire de son patrimoine entre ses trois fils. Chose peu courante, il précisait par écrit le sort qu’il réservait à ses instruments de musique :
Ensuite à propos des trompettes, et des cors de chasse qui se trouvent dans son héritage, le dit testateur a voulu, et ordonne que le dit Carlo doit accepter que Francesco son jeune fils puisse se servir de ceux-ci, et si jamais Carlo souhaitait que tout soit vendu, toute l’affaire de cette vente devrait être faite par son jeune fils Francesco, celui-ci ayant la vertu de savoir en jouer129.
102Le musicien tenait à régler la question de l’utilisation future de ses instruments et favorisait son dernier fils, lui aussi musicien, et visiblement talentueux. Il souhaitait que Carlo puisse veiller au bon déroulement de la succession, mais demandait que les instruments soient confiés au frère cadet, Francesco. Ce dernier, qui était sans doute plus averti que les autres pour déterminer la valeur des objets, devait se charger lui-même de la vente des instruments qu’il ne souhaiterait pas utiliser. Les instruments qui étaient rangés dans la cantina, une sorte de cave, étaient également estimés : 44 scudi et 40 baiocchi (tab. 23).
Tab. 23 – Instruments de musique estimés dans l'inventaire de biens de Ludovico Vacca.
Instruments | Montants (en scudi) |
Un paro di corni da caccia in tono 7 | 10 |
Altro paro consimili di migliore qualità | 14 |
Altro paro in tono g | 9 |
Altro paro di minor qualità dell’istesso tono con altri torcoli, e giunte | 6 |
Due trombe di ottone | 2,40 |
Una tromba di metallo d’inghilterra guarnita di argento | 3 |
103L’étude de cas concernant la famille Vacca montre, si besoin était, la portée du croisement des sources. L’exploitation systématique d’actes notariés permet en effet d’offrir une analyse plus fine des hiérarchies à l’intérieur du groupe, ainsi que de révéler des comportements familiaux et matrimoniaux spécifiques. Les inventaires de biens, en particulier, permettent de recenser des instruments de musique et, d’une manière plus générale, de connaître l’ensemble des biens possédés par les musiciens, ce qui permet au chercheur de comparer les différentes conditions de vie rencontrées dans ce milieu professionnel.
Quantifier et caractériser la présence des musiciens d’origine étrangère à Rome
104Capitale des États pontificaux et de la chrétienté, centre artistique et culturel international, Rome se présentait comme une ville attrayante que nombre d’étrangers visitait. Comme d’autres villes d’Ancien Régime, Rome comptait une forte présence étrangère sur son territoire, mais dans des proportions particulièrement élevées130. Certains ne faisaient qu’y passer, tandis que d’autres s’y installaient pour une durée plus ou moins longue. Le statut des nombreux étrangers présents dans la Ville éternelle était varié : pèlerins, hommes et femmes d’Église, artisans, domestiques, nobles, artistes ou visiteurs du Grand Tour131.
105L’historiographie de la ville de Rome à l’époque moderne n’a cessé de mettre en évidence son image de capitale culturelle et spirituelle, d’évoquer sa richesse artistique et de relever sa position stratégique dans l’Europe moderne132. En outre, dans les descriptions de la Rome baroque, les références à la capacité d’attraction de la ville, comme celles qui portent sur la présence d’artistes sur son territoire, sont des constantes.
106La forte renommée artistique de la cité pontificale reposait en partie sur l’intense activité musicale citadine. Attirés par l’autorité et le prestige du monde musical local, certains musiciens européens décidèrent de faire étape à Rome et parfois de s’y installer définitivement.
Origines et spécialisations des musiciens étrangers
107La catégorie conventionnelle d’étranger a fait l’objet d’un certain nombre de questionnements méthodologiques et épistémologiques récents qu’il ne s’agira pas de discuter ici133. Une distinction sommaire doit néanmoins être rappelée au sujet de la catégorie « étranger » : par musiciens « étrangers » (stranieri), j’entends ceux qui étaient originaires de territoires situés en dehors de la péninsule italienne, lesquels se distinguent des étrangers nés dans un autre État de la péninsule (forestiero).
108Comme l’a précisé Daniel Roche, il est délicat d’étudier et de suivre une présence étrangère dont on perd facilement la trace :
Les étrangers sont partout noyés dans une masse foraine dont ils ne se distinguent qu’à l’arrivée, disparaissent ensuite par intégration, assimilation, départs toujours mal connus. Leur visibilité dépend d’un rapport à l’espace, soit qu’ils se dispersent totalement dans la ville, dans les quartiers, voire même dans les maisons, soit qu’ils se localisent de façons contraintes imposées par la loi ou les habitudes professionnelles, sociales, techniques, donc de la liberté totale au confinement, de l’ostensibilité architecturale ou comportementale à la disparition134.
109En effet, identifier et suivre les étrangers pose un certain nombre de problèmes que les démographes ont signalés depuis longtemps, même s’il est plus facile de repérer les migrants qui arrivent et apparaissent soudainement dans les sources que les individus qui s’apprêtent à migrer, et qui disparaissent tout aussi brusquement de la documentation locale.
110Pour procéder à l’identification formelle des individus, j’ai porté mon attention sur deux types d’information : la consonance des noms de famille et l’indication précise de l’origine géographique lorsqu’elle apparaissait de façon évidente dans les documents. La première méthode reste incertaine puisque, à l’époque, les noms et prénoms des individus étaient souvent italianisés même si certains d’entre eux trahissent immédiatement une origine étrangère. Seule l’indication précise de l’origine géographique permet d’établir une véritable distinction entre les étrangers et les individus nés à Rome ou dont la présence sur le territoire est ancienne. L’origine étrangère des individus peut être saisie par la mention de la ville, de la région ou du pays de provenance. Ces différentes indications rappellent toutefois la difficulté d’attribuer une identité géographique précise aux individus, les appartenances nationales n’étant pas encore strictement définies135.
111Pour cette enquête, le repérage des musiciens et des danseurs étrangers ayant séjourné à Rome au cours du XVIIIe siècle a été effectué à partir de différentes sources : les archives paroissiales, les archives des institutions musicales romaines, les caricatures de Pier Leone Ghezzi, et la bibliographie spécialisée. Il a été possible de déterminer l’origine géographique de 71 musiciens et danseurs (tab. 24).
Tab. 24 – Origine géographique des musiciens et des danseurs étrangers identifiés.
Régions européennes | Musiciens | Danseurs |
Péninsule ibérique | 20 | 0 |
Europe centrale | 18 | 0 |
Royaume de France | 6 | 3 |
Flandre-Hollande | 3 | 1 |
Anciens Pays-Bas | 16 | 0 |
Angleterre | 4 | 0 |
Total | 67 | 4 |
112La liste que j’ai pu dresser n’est pas exhaustive, mais son exploitation permet de faire quelques observations. Le dénombrement136 indique une surreprésentation de la péninsule ibérique et de l’Europe centrale (Allemagne, Bohême, Saxe, Carinthie, etc.), une forte présence de Belges et un nombre non négligeable de Français et de Flamands. Les Anglais, peu nombreux au début du XVIIIe siècle, sont davantage représentés dans la seconde moitié du siècle137.
113On peut parfois lier l’origine géographique à une spécialisation musicale ou artistique, comme l’a observé Giancarlo Rostirolla pour les instrumentistes : « Les flûtes traversières et les hautbois viennent de France ; les instruments à vent et en bois, les violons et les violoncelles d’Allemagne ; les violistes d’Angleterre138 ». En outre, un certain nombre de maîtres de ballet actifs à Rome était originaire d’Europe septentrionale, du royaume de France ou des Flandres. La grande tradition du ballet français en Europe est l’une des raisons de cette mobilité. Certaines familles nobles choisirent d’engager des maîtres à danser originaires de ces pays pour recevoir un enseignement privé139. Attractive et dynamique, Rome était aussi une destination prisée par les musiciens qui souhaitaient se former ou se perfectionner.
Pourquoi séjourner ou s’installer à Rome ?
114Les raisons qui poussaient les musiciens à organiser un séjour dans la cité pontificale étaient nombreuses. Pour un grand nombre d’entre eux, le souhait d’un perfectionnement musical ou la recherche d’un emploi justifiait un voyage dans la péninsule italienne. Comme le précise Christian Meyer, « pour le musicien et le compositeur, alors que l’enseignement du métier demeurait faiblement institutionnalisé, le voyage demeurait une condition indispensable pour le perfectionnement de son art140 ». Le voyage en Italie, notamment en raison de la prééminence du goût musical italien, était jugé utile pour compléter la formation des jeunes musiciens. À côté de Naples, Venise ou Bologne, Rome figurait parmi les destinations choisies par les musiciens européens. Dans son récit, André-Modeste Grétry signalait la pratique partagée des artistes de séjourner en Italie, et légitimait, par la même occasion, sa propre démarche :
Les contrées septentrionales de l’Europe n’ont guère produit d’artiste distingué qui n’ait fait un séjour plus ou moins long en Italie. Il semble que c’est un tribut qu’il doit payer à ce climat privilégié, qui en récompense assure sa réputation. Ceux qui ne peuvent acquérir que de l’esprit n’ont rien à faire en Italie ; La logique des pays chauds est l’action même du génie, qui dédaigne la forme et la subtilité. Que l’homme du nord, qui s’est vu au milieu de ces têtes bouillantes dit s’il ne s’est pas senti entraîné par elles, et s’il ne leur doit pas le foyer qu’il rapporte en sa patrie, et auquel il devra ses succès141 ?
115Ainsi, le voyage dans la péninsule servait parfois de tremplin pour la carrière d’un musicien. Une expérience en Italie pouvait être un atout pour le recrutement dans d’autres villes européennes.
116Venanzio Rauzzini, chanteur d’origine romaine qui séjournait à Dublin dans les années 1770, utilisa une argumentation semblable à celle d’André-Modeste Grétry pour convaincre le père du futur chanteur ténor Michael Kelley, d’origine irlandaise, d’organiser un voyage de formation en Italie pour son fils :
Mon cher Monsieur, vous pouvez compter sur le fait que votre fils n’exercera jamais d’autre profession que celle de musicien ; et puisque personne en ce pays n’est en mesure de lui donner l’instruction dont il a besoin, vous devriez l’envoyer en Italie. Il a désormais atteint le bon âge de la vie pour absorber le véritable sens du goût, chose qu’on ne trouve qu’en Italie. Si vous l’envoyez à Rome, faites-le étudier avec Latilla ; si vous l’envoyez à Naples (qui est le meilleur endroit des deux), envoyez-le dans n’importe quel Conservatoire142.
117Pour certains contemporains, Naples était cependant considérée comme la ville la plus intéressante pour la formation musicale qu’elle offrait. Selon eux, les conservatoires qu’elle abritait avaient formé les meilleurs maîtres de chapelle.
118Sans détrôner Naples, Rome fut également choisie comme destination par plusieurs musiciens, pour se former ou parfaire leur formation. Il n’était pas rare que des musiciens accompagnent des ambassadeurs ou des représentants politiques qui devaient séjourner à Rome dans le cadre de leurs fonctions ou pour effectuer un Grand Tour143. Ce fut par exemple le cas de Conrad Friedrich Hurlebusch, claveciniste originaire de Saxe, qui arriva en Italie en 1718. Il accompagnait Alderano Cybo, prince de Massa, à l’occasion d’un séjour à Rome organisé en 1720. Un autre musicien, le violoncelliste français Pierre-Philippe Saint-Sévin144, séjourna à Rome en 1724, avec son protecteur, un certain Bacqueville145.
119La riche documentation transcrite par Alina Żórawska-Witkowska nous offre la possibilité de nous attarder un instant sur l’histoire des musiciens au service de la cour de Saxe, dont certains ont séjourné à Rome à la fin des années 1730146.
120En 1740, Frédéric Christian de Saxe147, âgé de 16 ans, fit un voyage en Italie qui dura plusieurs mois, de mai 1738 à septembre 1740148. Parmi ceux qui l’accompagnaient figuraient le compositeur Johann Gottlob Harrer149, le compositeur et violoniste Christian Friedrich Horn150, un page flûtiste, Jósef Wilkoński, et les « valets de chambre » Antoni Głowacki, violoniste et Dominicus Ehrlinger151.
121Le comte Joseph de Wackerbarth qui accompagnait l’électeur de Saxe en Italie se réjouissait de la présence du musicien Christian Friedrich Horn. Il fit part de son enthousiasme à Heinrich von Brühl, ministre du Cabinet du Roi de Pologne et protecteur du musicien :
Vous Serez Surpris, Monseigneur, de trouver que mes journaux font si souvent mention de Concert et de Musique. Nous en sommes en partie redevables à Votre Excellence. Son Violon Horn ayant trouvée parmi les personnes de la suite de quoi former un petit Orquestre dont il est à la tete ; Ce garçon par son habileté et son application merite qu’on lui permettre de s’arreter quelque temps en Italie où il se perfectionnera. Non seulement son execution, mais quelques pieces de sa façon ont eu l’approbation de tous ceux qui les ont entendues, et meme des Virtuosi152.
122Le comte Joseph de Wackerbarth proposait que le musicien, dont les talents avaient été remarqués, reste en Italie pour poursuivre sa formation. Heinrich von Brühl se montra satisfait de la réussite du violoniste et approuva le fait qu’il puisse y améliorer son talent musical :
Je me felicite Monseigneur, de ce que mon violon Horn soit en etat de figurer dans un Orchestre ; et je serai charmé si Votre Excellence vouloit bien luy permettre des attaches à la suite de Monseigneur le Prince Royal pendant que S.A.R. sera en Italie, à fin qu’il ait d’autant plus d’occasion de se perfectionner dans les différents endroits où il pourra profiter de l’habilite et du scavoir des Virtuosi qui s’y trouveront, & où S.A.R. le passera153.
123Bien entendu, dans ce contexte, les musiciens domestiques suivaient le rythme de la cour de Saxe mais ils profitaient aussi de leur voyage pour se perfectionner. Ces séjours ayant parfois une durée assez longue, ils avaient tout loisir de s’exercer et de parfaire leur art au contact des autres musiciens présents à Rome.
124Grâce au journal de voyage du prince, il est possible de reconstruire les événements musicaux qui eurent lieu durant le séjour romain de la cour du prince électeur. Au mois de juin 1739, certains musiciens au service de l’électeur participèrent à l’académie musicale de P. L. Ghezzi, comme le compositeur Harrer. Pier Leone Ghezzi croqua ce dernier et, dans la didascalie qui accompagnait le dessin, fit part de son talent154.
125Les musiciens divertissaient le prince, notamment pendant les rassemblements mondains. Le 3 août 1739, par exemple, dans le palais Albani (près de San Carlo alle Quattro Fontane) la résidence romaine du prince Frédéric Christian, un dîner accompagné de musique fut organisé, que le prince décrit ainsi dans son journal :
Les Marquis Maffei et Baldasini dinerent ici […] le Chanoine Wolski qui dina aussi chez moi. Pendant qu’on fut a table il y eut Concert de Musique et Harre le Compositeur du Ministre C[omte] de Brühl produisit un tres joli concert. Un Violon de la Ville nome Giorgetto joua un solo. Les autres Instruments furent les Valets de Cham[bre], Ehrlinger, et Glowacki, le Page Wilkonski et Horn le Violon du Ministre C[omte] de Brühl […] Horn joua un solo pendant qu’on prenoit le Caffe155.
126Les musiciens du Prince Électeur séjournèrent probablement à Rome le temps de son séjour, du mois de novembre 1738 au mois d’octobre 1739, soit un an environ156.
127La durée du séjour romain des musiciens variait donc en fonction des finalités du voyage. Dans certains cas, les musiciens rejoignaient Rome pour se faire engager dans une chapelle musicale, dans les théâtres publics ou encore pour se mettre au service d’un mécène. Dans d’autres cas, ils accompagnaient leurs protecteurs et restaient jusqu’au départ de ces derniers. Enfin, certains suivaient un enseignement et restaient le temps de se former, pendant quelques années.
128Les expériences individuelles et la capacité des musiciens à s’insérer dans le monde musical romain influaient aussi sur la durée du séjour. Ceux qui venaient dans l’espoir d’obtenir un poste dans une institution musicale restaient plus ou moins longtemps en fonction de la réussite de leur entreprise. L’installation à Rome pouvait correspondre à l’occupation et l’obtention d’un poste spécifique (par exemple, un emploi pour une saison théâtrale), ou de plusieurs emplois que le musicien parvenait à occuper. Certains s’établirent de façon durable à Rome.
L’insertion des musiciens professionnels
129La condition d’étranger rendait-elle l’insertion du musicien difficile dans le milieu professionnel romain ? Observer l’utilisation faite par les musiciens des ressources urbaines et les modalités de leur participation à la vie musicale romaine permet de saisir les dynamiques à l’œuvre dans l’insertion sociale des musiciens étrangers.
Un marché du travail ouvert à l’élément étranger
130Les statuts des institutions qui encadraient les activités musicales (Congregazione dei musici di Santa Cecilia, Cappella musicale pontificia, Musici del Campidoglio, Musici di Castel Sant’Angelo, etc.), n’envisageaient pas de règles d’exclusion pour les travailleurs étrangers. De fait, à l’époque moderne, la mobilité musicienne était un élément partagé par de nombreux professionnels, mais elle coexistait aussi avec des situations de stabilité ou de sédentarité, en fonction des carrières et des potentialités offertes aux individus. Quand certains utilisaient leur séjour romain comme tremplin pour une future carrière dans leur pays d’origine ou ailleurs en Europe, d’autres y trouvaient un aboutissement, une consécration ou, tout simplement, l’opportunité d’obtenir un engagement supplémentaire dans un lieu attractif. Comme on le sait, la mobilité géographique et la mobilité sociale étaient souvent liées et leur interdépendance était sans doute davantage marquée pour les musiciens.
131Le deuxième article des statuts de la Congregazione dei musici di Roma signale que tout musicien résidant à Rome depuis plus d’un an devait s’y inscrire sous peine d’amende157. L’origine géographique n’était donc pas un critère discriminatoire. Les étrangers étaient habilités à exercer dans les lieux sacrés de Rome, et devaient respecter les règles dictées par la confrérie. Comme leurs collègues italiens, ils devaient payer une contribution annuelle pour pouvoir exercer dans les églises romaines. Dans la confrérie, les fonctions de responsabilité n’étaient pas non plus réservées aux musiciens locaux ou originaires d’un État de la péninsule italienne. Filippo Stolz (ou Stolzi) sans doute originaire d’Autriche ou de Bohême occupa la fonction de gardien de la section des instrumentistes. Comme les trois autres gardiens, il devait notamment se charger de l’assistance des musiciens et veiller à la discipline du groupe.
132La chapelle musicale pontificale, quant à elle, comptait plusieurs membres étrangers parmi ses membres. Le chanteur Ambrogio Viedman n’en fut membre que pendant quelques années avant son départ pour le Portugal158, mais d’autres, comme le ténor Giovanni Carlo Anatò (Jean-Charles Hanoteau), originaire de Tongres, et la basse Gabriel Puyol, originaire de Vich, restèrent à Rome jusqu’à leur mort159.
133Les orchestres des théâtres de Rome n’excluaient pas non plus les musiciens étrangers. Le joueur de viola espagnol Michele Surignach joua par exemple dans l’orchestre du théâtre Alibert en 1752 et 1753 et dans celui du théâtre Argentina en 1758 et 1759160.
134Certains musiciens étrangers parvinrent à servir des familles influentes comme les Borghese. Le mécénat musical de cette famille, étudié par Arnaldo Morelli et Fabrizio Della Seta, respectivement pour le XVIIe siècle et le premier quart du XVIIIe siècle161, était ouvert à l’élément étranger162.
135En janvier 1753, deux joueurs de cor de chasse, originaires d’Europe centrale sont inscrits dans les ruoli de la famille : Giovanni Pall (ou Poll) et Joseph Leitgeb, sous la mention « serviteurs, et joueurs de cors de chasse163 ». Giovanni Pall/Poll ne figure plus dans les listes à partir du mois d’octobre 1756. Joseph Leitbeg, l’un des cornistes les plus talentueux de sa génération, reste au service de la famille jusqu’au mois d’avril 1759164. Les Stati delle anime de la paroisse de San Lorenzo in Lucina, dans laquelle le palais de la famille Borghese se trouvait, indiquent que les deux musiciens vivaient dans un hébergement situé au troisième étage du palais165. Dans la première moitié du siècle, les musiciens au service des Borghese logeaient souvent dans le palais familial166.
136Antonio Benedetto D’Alberto, hautboïste et violiste originaire de Carinthie167, fut au service de la famille au début du XVIIIe siècle. Entre octobre 1722 et 1725, il donna des leçons de flûte au jeune prince Paolo Borghese168 et participa à plusieurs événements organisés par la famille, telle la visite du Grand Prieur de France en 1727, au cours de laquelle il joua la seconde partie de hautbois au sein de l’orchestre présent169.
137Par ailleurs, plusieurs membres d’une famille de maîtres de ballet d’origine française, la famille Arnò170, furent au service des Borghese pendant toute la première partie du XVIIIe siècle. Giovanni (Battista) Arnò, originaire de Paris171, entra au service de la famille en 1718, prenant la suite du maître de ballet Nicolò Levesque172. Le succès du ballet à la française et de ses représentants, qui marque le début du XVIIIe siècle, est fièrement rappelé en 1725 par le musicien français Pierre Rameau :
Nous pouvons dire à la gloire de notre Nation qu’elle a le véritable goût de la belle Danse. Presque tous les Étrangers loin d’en disconvenir, viennent depuis près d’un siècle admirer nos Danses, se former dans nos Spectacles & dans nos Ecoles ; même il n’y a point de Cour dans l’Europe qui n’ait un Maître à danser de notre Nation173.
138En 1745, la famille Arnò résidait dans un appartement situé à proximité de l’église de San Lorenzo in Lucina, non loin du palais Borghese174. Le maestro di ballo Giovanni Arnò, chef de famille, y vivait avec sa femme Catarina De Bargo175, originaire de Lyon176, ses deux enfants Natale et Luca, et ses deux neveux.
Stati delle anime, paroisse de San Lorenzo in Lucina : habitation de la famille Arnò en 1745.
Viale della Madonna verso San Lorenzo |
139Quelques-unes des étapes de la carrière de Giovanni Arnò ont pu être retracées. Il fut notamment chargé des chorégraphies de plusieurs ballets produits au théâtre Capranica et dans les collèges Romano et Clementino. Il développa également son activité d’enseignement dans plusieurs cercles aristocratiques, notamment celui des frères Stuart. Giovanni Arnò fut employé pour la première fois en avril 1725, et continua d’enseigner la danse au prince Charles puis au prince Henry, au moins jusqu’en 1742177. D’après un reçu comptable non daté retrouvé par Anne-Madeleine Goulet178, un certain « Jean Arnault », en toute vraisemblance le même individu, donna des leçons de danse à Louise-Angélique de la Trémoille179. Ce document permet de connaître la fréquence des leçons et le salaire perçu par Giovanni Arnò :
A Jean Arnault par son altesse madame la princesse des Ursins la somme de dix-sept escus pour soixante-neuf leçons de dance que j’ay donnée a mademoiselle donna Angelich sur le pied de trois escus par douze leçons180.
140Ainsi, en échange d’un salaire de trois scudi, le maître à danser dispensait douze leçons par mois, soit trois leçons environ par semaine.
141En juin 1755, à la mort de Giovanni Arnò, ses fils ne quittèrent pas Rome. Luca et Natale, dans le sillage de leur père, servirent la famille Borghese et occupèrent la fonction de maître à danser de 1750 à 1760. La transmission de la charge des Arnò auprès des Borghese soulève la question du lien existant entre musiciens et employeurs. Le service rendu par le père semble en effet avoir satisfait la famille Borghese, qui décida d’engager ses héritiers. Cette étude de cas met au jour l’importance des réseaux et des recommandations dans ce milieu professionnel. En effet, l’expérience heureuse du père à Rome permit la pleine intégration de toute une famille : elle facilita sans nul doute la carrière de ses fils, lequels, en plus de l’art et du savoir-faire paternels, avaient hérité de ses réseaux et de ses protections. Luca Arnò servit notamment la famille Caetani dans les années 1770181, et mourut à Rome le 31 décembre 1803182.
142L’ouverture aux musiciens étrangers, constatée ainsi dans plusieurs lieux ou secteurs de la pratique musicale, confirme que la mobilité était une caractéristique généralisée, ou du moins commune, de la carrière musicale183. Les enfants de certains musiciens étrangers, établis à Rome, purent s’insérer plus facilement ensuite dans le milieu musical romain. Ils avaient appris à connaître les règles du métier dès leur plus jeune âge, alors qu’ils accompagnaient leur père. Ils pouvaient bénéficier des réseaux de leurs parents, notamment de la protection de familles aristocratiques. L’intégration n’était cependant pas la même pour tous les musiciens. Elle pouvait notamment dépendre des catégories et des hiérarchies au sein même du milieu musical. Par exemple, il semblerait que pour les compositeurs étrangers, les opportunités eussent été moins nombreuses, et la possibilité de s’intégrer dans le milieu de la scène musicale publique plus ardue. Il était rare, en effet, que des compositeurs étrangers, à l’exception de ceux formés en Italie, composent pour les théâtres publics romains.
Études de cas : André-Modeste Grétry et Charles Wiseman
143L’expérience de deux musiciens étrangers orientera la réflexion sur la manière dont ils se sont approprié l’espace urbain romain et sur la façon dont s’est déroulée leur intégration dans le tissu social local. L’étude et la confrontation de ces différentes expériences permettront de mieux connaître les formes d’intégration possibles et les éventuelles stratégies mises en œuvre par les musiciens pour faciliter ou consolider cette insertion.
144Le musicien André-Modeste Grétry, par exemple, fait partie du groupe de musiciens liégeois qui rejoignit l’Italie pour se former à l’art musical. Les recherches conduites par Antoine Auda ont permis de dénombrer au moins seize musiciens ayant séjourné à Rome au cours du XVIIIe siècle, pour suivre des cours de composition ou améliorer une pratique vocale voire instrumentale, en particulier le violon (tab. 25).
Tab. 25 – Musiciens belges ayant séjourné à Rome au XVIIIe siècle.
Date de séjour | Musiciens | Motif(s) du séjour |
1711 | Nicquet Henri | Pour le chant, à Rome. Il envoie des compositions. |
1725 | Claes Nicolas Joseph | Pour la composition, à Rome |
1728 | Hamal Jean-Noël | Pour la composition, à Rome et à Naples |
1729 | Servais Gilles François | Pour le violon, à Rome |
1732 | Pirotte Guillaume | Pour le chant et l’orgue à Rome |
Vers 1735 | Rendeux Englebert | Pour le violon et la peinture, à Rome |
Vers 1736 | Braye Sébastien | Pour le violon, à Rome |
1753 | Baet Pierre Joseph | Pour la composition, à Rome |
Vers 1759 | Leclercq Simon | Pour le chant et la composition, à Rome et à Naples |
1760 | Grétry André-Modeste | Pour la composition, à Rome et à Naples |
Vers 1765 | Renier Jean Jacques | Pour la composition, à Rome |
Vers 1765 | Hamal Henri | Pour la composition, à Rome et à Naples |
1774 | Thollé Thomas | Pour le chant et la composition |
1775 | Gérard Henri-Philippe | Pour le chant et la composition |
1773 | Gresnick Antonio | Pour la composition, à Rome et à Naples |
1774 | Van den Berg Lambert | Pour la composition, à Rome |
145En 1760, alors âgé de 18 ans, André-Modeste Grétry, encouragé par un chanoine nommé Harlez184, décidait de se rendre à Rome :
Le projet d’aller étudier à Rome ne me quitta plus, et pour décider le chapitre à me laisser partir, je finis la messe dont j’ai parlé. Je la fis voir à M. Moreau, en lui disant : Je conviens, Monsieur, qu’un écolier de ma sorte ne doit pas entreprendre un ouvrage si considérable ; mais je suis décidé à aller étudier à Rome : mes parens s’y opposent, vu ma foible santé ; mais dussé-je y aller à pied et demander la charité sur les chemins, mon parti est pris, je le suivrai185.
146L’objectif du voyage du musicien est clairement énoncé dans les registres capitulaires de la collégiale de Saint-Denis, à la date du 17 avril 1760 :
Messieurs, sur supplique présentée par Grétry, leur remontrant qu’il est d’intention de se rendre à Rome pour pouvoir se perfectionner dans la composition. Lui ont accordé pour l’encourager à bien faire, une gratification de cent florins Bravant, admettant d’un contexte son frère pour deuxième violon pour continuer ses devoirs jusqu’à son retour, voir en faisant les obligations attachées à cet office186.
147Les chanoines de la basilique acceptaient qu’André-Modeste Grétry se rende à Rome avec une bourse d’étude. Ils concédeaient que son frère, qui pratiquait le violon, le remplace pendant son absence. Il était alors courant que des musiciens belges obtiennent des bourses d’études de la part des autorités religieuses de Liège187.
148André-Modeste Grétry partit pour Rome en 1760, et y séjourna jusqu’en 1766, dans le collège fondé par Lambert Darchis. Ce dernier avait laissé une partie de ses biens pour la fondation d’un collège dans lequel il souhaitait que ses concitoyens puissent venir continuer leurs études188. Dans son testament, Darchis précisait certaines conditions : « Les compatriotes seront reçus pour cinq ans et pas davantage. Ils auront un lit, de la lumière et du bois pendant l’hiver189 ». Ils devaient également porter l’habit d’abbé. Le service de la maison était assuré par un cuisinier et un domestique, tandis qu’un prêtre, qui résidait dans le collège, servait de recteur. Le Collège, construit en 1699, était situé dans le centre de Rome, sur la place Monte Oro, à proximité du palais de la famille Borghese. Du temps d’André-Modeste Grétry, dix-huit chambres étaient occupées, aussi bien par des artistes que par des étudiants en droit ou en médecine190.
149Les conditions d’admission au collège étaient strictes. Les candidats devaient officier à la curie, ne pas exercer de travail manuel ou artisanal, être uniquement francophones, et habiter Liège ou l’une des localités voisines, c’est-à-dire distantes de quatre lieues tout au plus. Pourtant, dès 1711, les conditions furent élargies afin d’inclure des artistes191. Si la mobilité des musiciens liégeois existait déjà au siècle précédent, elle fut favorisée par la création de cette institution.
150André-Modeste Grétry commença ses leçons musicales avec un organiste qui ne le convainc guère :
Je fis la connaissance d’un organiste, qui me dit avoir fait de bons élèves pour le clavecin et pour la composition. Je le pris pour maître sans trop de réflexion ; il m’enseigna pendant six ou huit mois, et je n’étois guère content de lui : son doigter n’étoit pas naturel, sa manière de corriger mes leçons de composition me sembloit pédante et sèche ; il acheva de me déplaire un jour en me parlant avec dureté : je lui répondis vivement […]. Je sortis bien content de chez lui, et bien résolu de n’y plus rentrer. On croira peut-être que mes progrès étoient une suite naturelle des leçons qu’il m’avoit données ; non : secondé par la nature, j’avoie au contraire été obligé de faire des efforts terribles pour oublier ce qu’il m’avoit appris192.
151Mécontent des enseignements dispensés par l’organiste, il suivit ensuite ceux du compositeur Giovanni Battista Casali193 pendant deux ans. Grétry soulignait la qualité des leçons données, notamment parce qu’elles lui avaient permis d’exploiter sa créativité :
Ce fut pour moi une vraie jouissance que le cours de composition que je fis sous Casali, le seul maître que j’avoue, et sous lequel mes idées ont commencé à se développer194.
152Selon André-Modeste Grétry, son expérience romaine fut particulièrement enrichissante. Il parvint notamment à composer des intermèdes en musique pour le théâtre Alibert qui furent appréciés par les contemporains. Le compositeur belge sut se frayer une place dans la société romaine et dépasser les premières réticences :
Dès que j’eus fait entendre à Rome quelques scènes italiennes et quelques symphonies, je vis avec plaisir que l’on se promettait quelque chose de moi. Je fus, le carnaval suivant, choisi par les entrepreneurs du théâtre d’Aliberti, pour mettre en musique deux intermèdes intitulés : Les Vendangeuses. Les jeunes maîtres de musique du pays crièrent au scandale en leur voyant préférer un jeune abbé du collège de Liège. Mille bruits se répandirent dans les cafés, mais ils m’étaient favorables : à Rome, comme ailleurs, on élève l’étranger pour humilier les nationaux195.
153Grétry indiquait la réserve de certains compositeurs italiens, qui refusaient qu’il intègre aussi facilement le milieu professionnel. Conscients que leur talent et leur activité pouvaient être mis à l’épreuve par la concurrence des étrangers, les musiciens locaux se montraient donc parfois hostiles.
154Pendant le séjour de Grétry, le théâtre Alibert était géré par une sociétà de caratisti196, à la tête de laquelle se trouvaient trois chefs directeurs : Agostino Massaruti, Antonio Iacopini et Tomaso Carafa. La seconde œuvre représentée, la Schiava astusta fut composée par Marcello Di Capua. Alors que Marcello Di Capua toucha 40 scudi, André-Modeste Grétry, lui, perçut 30 scudi :
Moi, je souscris et m’engage à composer une combinaison d’intermèdes c’est à dire le premier et le second acte, et de faire toutes les répétitions qui me seront demandées par les chefs directeurs et de composer les premiers et seconds conformément à ce que me diront les dits chefs de l’orchestre, et ceux-ci avec un honoraire pour un carat (une part) de 30 scudi en tout197.
155Dans son récit, André-Modeste Grétry raconte lui-même la forme que prit son engagement, précisant qu’il remplaçait un premier compositeur initialement choisi :
Je commençois à m’occuper de mes intermèdes, lorsque les entrepreneurs vinrent chez moi pour me dire que l’ouvrage qu’on répétoit depuis quinze jours, ne répondant point à leur attente, ils avoient engagé le musicien à retirer et corriger sa musique, et qu’il me falloit absolument prendre sa place. Y pensez-vous, messieurs, leur dis-je ? c’est dans huit jours l’ouverture. – Oui, dans huit jours. – Ils me firent beaucoup de complimens, vrais ou faux, sur l’impatience que le public témoignoit de m’entendre ; je travaillai pendant les huit jours et les huit nuits, entouré de copistes et de mes acteurs ; on répétoit le lendemain ce que j’avois composé la veille ; on fit deux répétitions générales. Le bruit de ma témérité s’étoit répandu, et l’affluence fut si grande, qu’on força la garde à la seconde répétition198.
156Le musicien, qui n’eut pourtant que très peu de temps pour composer son œuvre, disait avoir remporté un franc succès. On lui proposa de composer pour les théâtres Tordinona et della Pace pour la saison suivante199, mais il préféra répondre à l’invitation d’un flûtiste, Charles Weiss, qui le conduisit à Genève en 1766. Le musicien pensait que cette nouvelle expérience lui permettrait d’économiser de l’argent pour rejoindre ensuite Paris200.
157Dans le cas présent, Rome fut donc un véritable tremplin. Le musicien présente cette expérience romaine comme une étape marquante de sa carrière, notamment parce qu’elle lui permit de se forger une réputation et de s’aguerrir à l’accueil d’un public exigeant et connaisseur.
158L’itinéraire de Charles (ou Carlo) Wiseman201 permet d’illustrer un autre exemple d’insertion : une installation durable à Rome. En 1745, Carlo Wiseman vivait dans la paroisse de San Lorenzo in Lucina, dans une « rue en pente vers la place d’Espagne », avec sa femme, Geltrude Dossoli, sa belle-sœur, Apollonia Bartolini, sa belle-mère Caterina, et une domestique. Dans une maison à proximité de son foyer habitaient aussi un certain Giuseppe Wiseman, musicien aussi, et Celinda Sicutari, son épouse. S’il n’a pas été possible d’établir une connexion directe entre Giuseppe et Carlo Wiseman, il ne fait nul doute que les deux personnages étaient apparentés, soit frères, soit cousins202.
159Depuis 1740, Carlo Wiseman était membre de la Confrérie de Sainte-Cécile, parmi les violinistes203, et parvint à se faire engager de façon régulière dans les orchestres du théâtre d’Alibert pendant plusieurs saisons204.
Stati delle anime, paroisse de San Lorenzo in Lucina, famille Wiseman, 1745.
Selciata verso piazza di Spagna |
160Carlo Wiseman s’était marié avec Geltrude Dossoli le 31 décembre 1744205. Les dépositions des deux témoins venus garantir le célibat des époux206 indiquent que Carlo Wiseman était arrivé à Rome six ans plus tôt. Voici le témoignage de son ami et témoin, Antonio Dolcibeni :
Je rencontrai monsieur Giacomo Maria Carlo Wiseman au mois d’octobre 1739, lorsqu’il vint à Rome et s’installa dans la maison attenante à la mienne, et Angela Celtruda Angela Reela Dossoli alors qu’elle n’était pas nubile, entre six et sept ans, alors qu’elle habitait avec ses parents dans la même maison que moi, et c’est ainsi que, par habitude, je l’ai traitée avec une amitié constante jusqu’à aujourd’hui207.
161La mère de Geltrude Dossoli confirma l’année d’arrivée de Carlo Wiseman ainsi que son premier lieu de résidence, une maison située à proximité de la sienne, dans le quartier de Monte d’Oro. Ces divers témoignages permettent de savoir comment les futurs époux s’étaient rencontrés : à travers un rapport de voisinage, qui permit à Carlo, tout récemment installé à Rome, d’entrer en contact avec une famille locale. Comme l’a mis en évidence Eleonora Canepari, Rome était alors une ville dynamique qui offrait à ceux qui venaient y habiter des ressources telles que le « marché du travail ou le mariage208 ».
162Les contacts entre les individus s’établissaient souvent en raison d’une origine géographique commune, de la pratique d’un même métier ou d’une situation de voisinage209. Dans le cas de Carlo Wiseman, le voisinage était cependant singulier, riche en contiguïtés professionnelles. En effet, la sœur de Geltrude Dossoli, la belle-sœur de Carlo Wiseman est qualifiée dans les Stati delle anime de « chanteuse » (cantarina). Geltrude Dossoli n’était peut-être pas la seule interprète de sa famille. Le rapprochement des époux a pu se faire par le biais d’un intérêt commun pour l’art musical.
163Après son mariage avec Geltrude Dossoli en 1744, Carlo Wiseman s’installa dans la paroisse de San Lorenzo in Lucina. Les Stati delle anime de cette paroisse pour les années 1755, 1765 et 1775 confirment qu’il y a habité pendant plus de 30 ans. Il changea cependant de lieu de résidence dès 1775. Il résidait « montée de San Sebastianello », avec sa seconde épouse, Teresa Bonora210. Son insertion dans le milieu musical et le tissu social romains prit différentes formes et témoigne d’une expérience de mobilité originale et féconde. Je reviendrai d’ailleurs sur son parcours professionnel dans un prochain chapitre211.
164L’utilisation conjointe et croisée de différentes sources d’archives permet ainsi de mieux saisir le cadre de vie des musiciens. Les sources proprement démographiques sont bien entendu indispensables pour les identifier et les recenser – avec toutes les limites qu’elles comportent. Les archives notariales, une documentation davantage qualitative, viennent en complément fournir de précieuses informations, non seulement sur les trajectoires des individus et de leurs familles, mais aussi sur leur patrimoine, matériel ou immatériel, sur les réseaux dans lesquels ils s’insèrent et sur lesquels ils s’appuient, ou encore sur les circuits de mobilités, géographiques ou sociales, dans lesquels ils se meuvent.
165Si la présente enquête ne constitue qu’un point de départ, elle propose des hypothèses qu’il conviendra d’approfondir grâce au recours à une plus vaste documentation et à une analyse de type prosopographique. Elle permet de mettre en lumière des aspects importants du milieu musical étudié. Celui-ci se caractérise, en effet, par la variété des situations des musiciens, parmi lesquels on trouve un contingent non négligeable d’étrangers et de migrants, qui trouvèrent à Rome l’occasion de faire leurs armes dans la profession, de se perfectionner au contact d’autres musiciens, de se forger des réseaux solides au sein des groupes dominants, amateurs d’arts, de lettres et de musique. De fait, certains de ces musiciens étaient aussi des lettrés, comme en témoignent les inventaires après décès où apparaissent des ouvrages de natures variées. Certains musiciens talentueux n’hésitaient pas à utiliser l’expérience romaine comme une véritable rampe de lancement pour une carrière européenne. D’autres, dont la carrière était plus modeste, devaient composer avec la réalité d’un marché du travail où la concurrence était réelle et ressentie. Les musiciens circulaient à Rome comme les notes d’une partition musicale : les allers-retours étaient constants, les airs se rejouaient et parfois s’enchevêtraient, les silences laissaient place aux accélérations du rythme de la ville. Ces nombreuses allées et venues témoignent sans doute de phénomènes bien plus vastes. Il faudrait en effet pouvoir mesurer, par un changement de focale, l’importance, à l’échelle transnationale, de ces circulations d’hommes et de savoir-faire. Au-delà, on pourrait ainsi construire une histoire sociale et culturelle, mais aussi économique de l’Europe, à travers l’étude des réseaux d’artisans, d’artistes, d’hommes de lettres ou de cour, qui tiendrait aussi compte des différents circuits de production et de diffusion des objets musicaux, mais aussi des idées et des techniques liées à la pratique musicale212.
Notes de bas de page
1 Pour les réflexions sur les changements d’échelles qui ont inspiré ma démarche, voir Revel 1996 ; Passeron – Revel 2005.
2 Sur la méthodologie adoptée, voir Oriol 2012.
3 Groppi 2000.
4 Cette présence étrangère a d’ailleurs fait l’objet du projet de recherche ANR/DFG « Musici » co-dirigé par Anne-Madeleine Goulet et Gesa Zur Nieden (2010-2013). Pour les résultats de cette enquête collective, voir notamment Goulet – Zur Nieden 2015.
5 Le Diario sistino se présente comme une chronique des événements saillants des cérémonies liturgiques pontificales et contient quelques informations sur l’actualité de la chapelle. Il était tenu par le puntatore de la chapelle pontificale.
6 BAV, Cappella Sistina Diari, vol. 128, fol. 119 (anno 1708 dal « puntatore, e segretario per l’anno 1708, Antonio Caldarini ») : « L’E[ccellentissi]mo Prote[ttor]e ha fatto partecipare in Colleg[i]o il biglietto mandatoli da Monsig[nore] Marabottini segretario della Cong[regazio]ne deputata da N[ostro] S[ignore] per intimare, e ricevere l’oblationi gratuite da farsi anche dall’ nostro Colleg[i]o per sovvenim[en]to alla sede apostolica durante le pr[esen]ti necessità, che ha per il mantenim[en]to di 30, e più mila soldati fin ad hora assoldati per difesa dello stato ecclesiastico. A fine dunque di concorre il Colleg[i]o à qualche competente contribuzione, risolse di eleggere gl’officiali, ad effetto si portassero alla Cancelleria per sentir meglio l’oracolo E[ccellentissi]mo Prote[ttor]e, e poi intimare una piena Cong[regatio]ne de S[igno]ri Compagni per risolvere qual somma di contribuzione doverà assegnarsi ».
7 Travaglini 1999. L’objectif de Carlo Maria Travaglini est de reconstruire la structure du système corporatif romain à partir de cette imposition extraordinaire.
8 ASR, Congregazioni economiche 1708-1722, Serie VIII, vol. 26-29.
9 Travaglini 1999, p. 285 : « Quell[e] relativ[e] alle arti liberali e agli apparati della pubblica amministrazione. » Parmi les 28 activités mentionnées dans l’article figurent les peintres de l’Accademia di San Luca, les architectes, les avocats, les médecins, les procureurs, les tribunaux, etc.
10 Travaglini 1999, p. 285 : « E che di fatto più si caratterizzano come corpi di mestiere ».
11 Pastura Ruggiero 1989a.
12 Piperno 1995, p. 808.
13 Barbieri 2009.
14 Je ne dénombre pas le même nombre de chanteurs que P. Barbieri.
15 Répartition de la contribution de la Congregazione economica de 1708 entre les différents corps de métiers dans Travaglini 1999, p. 299-301.
16 Voir infra, chap. 5.
17 ASR, Congregazioni economiche, 1708-1722, Serie VIII, n° 111 : « La detta Congregazione è composta di 300 persone incirca. »
18 Voir infra, chap. 5.
19 Sonnino 1998.
20 ASR, Congregazione economiche, 1708-1722, Serie VIII, 28, n° 111, doc. n° 4 : « Hanno considerato di non poter fare maggiore offerta annuale, che di cinque per cento da ricavarsi dagli emolumenti incerti, che ricevono dalle musiche ascendenti alla somma di scudi 6938 annui, come dall’annesso foglio per le seguenti ragioni ».
21 Ibid. : « Ve ne sono moltissimi poveri, che vivono d’elemosine, quali gli somministra la detta congregazione per legati lasciati a quest’effetto dai benefattori, e da queste non se ne può ricavare cosa alcuna ».
22 Ibid. : « L’altra maggior parte poi delle dette persone vive coll’incerti, dai quali non possono nemmeno ricavarne il proprio sostentamento per essere diminuiti notabilmente, a causa di non farsi da tanti anni l’opere, ed altre feste pubbliche, che gli recavano considerabili emolumenti ». Sur les revenus incertains, les incerti, voir supra, chap. 1.
23 Lindgren 1985, p. 39.
24 Le compositeur et claveciniste Domenico Scarlatti (1685-1757) a conduit une brillante carrière internationale.
25 Ferdinand III de Médicis (1663-1713), fils aîné du grand-duc de Toscane Cosme III, se distingua comme protecteur des arts.
26 Fabbri 1961, p. 58 : « Io l’ho staccato [Domenico] a forza da Napoli, dove, benché havesse luogo il suo talento, non era talento per quel luogo. L’allontano anche da Roma, perché Roma non ha tetto per accoglier la Musica, che ci vive mendica. Questo Figlio ch’è un’Aquila, cui son cresciute l’Ali, non deve star’oziosa nel nido, ed io non devo impedirle il volo ».
27 Sur la présence de Scarlatti à Rome, voir notamment Rostirolla 1987a.
28 ASR, Congregazione economiche, 1708-1722, Serie VIII, 28, n° 111, doc. n° 4 : « Vi sono ancora quelli, i quali hanno gl’assegnamenti certi dalle cappelle delle chiese, alle quali servono, ma oltre l’essere le provisioni assai tenui, pretendono i luoghi pii di ripartire del donativo, che essi danno, particolarmente sopra le dette provisioni, onde ne pur questi si possono maggiormente aggravare ».
29 ASR, Congregazione economiche, 1708-1722, Serie VIII, 28, n° 111, doc. n° 1 : « Sergardi riverisce devo[temen]te V[ostre] Ill[ustrissi]me, e le trasmette l’annessa offerta della Cong[regatio]ne de Musici, pregandola a riflettere à motivi che adducono nel loro memoriale, che dopo molti congressi si sono riconosciuti esser pur troppo tutti sussistenti sopra l’assegnamenti certi, come altra volta è stato accennato, non si è potuto stabilire alcuna tassa essendosi questi ridotti meno certi dell’incerti istessi, stante che tutte le chiese e luoghi pii hanno riformato la musica in primo luogo come cosa non necessaria ».
30 Travaglini 1999, p. 288.
31 BAV, Cappella Sistina Diari, vol. 128, fol. 126-129 (25-26 août 1708).
32 ASR, Congregazione economiche, 1708-1722, Serie VIII, 26, n° 47, doc. n° 2 : « Dal tempo della S.a memoria d’Urbano Ottavo fino al giorno d’hoggi, essendo notabilm[en]te diminuite le rendite del Collegio de Cantori della Capp[ella] Pontif[icia] ; cioè nelle Cere solite darsi nelle esequie de Somi Pontefici consistenti in lib[ra] 250 per ciascuna volta ; Nel prezzo della tela cortoina di fiandra solita darsi in ogni publica distributione degl’Agnus Dei ; Nelle vesti di panno fino rosso di prima sorte, che si danno nella Creazione di Ciaschedun’ Pontefice, che non importa meno di scudi trenta per ogni cantore ; et altri emolumenti in gran numero diminuiti, et intier[amen]te mancati, che per non tediare si tralasciano, et havendo di più d[ett]o Collegio rincontrato, e riconosciuto dalli libri de passati Camerlenghi la Contributione, fatta in tempo della med[esi]ma mem[ori]a d’Urbano Ottavo, che fù di soli scudi cento ».
33 BAV, Cappella Sistina Diari, vol. 128, fol. 128-129 (dimanche 26 août 1708) : « Ma dalla med[esim]a Cong[regatio]ne fù rigettata per tenue offerta, e tassato il R[everendo] Collegio unito insieme con li Cappellani, e Custodi nella somma di scudi 660 a ragione d’un giulio per scudo, nella istessa forma che contribuisce la Camm[er]a segreta, e famiglia di Palazzo, e la d[ett]a annua contribuzione durante la presente necessità doverà farsi in quattro paghe l’anno ; si che a computo di scudi 200, che tanto è il salario d’ogni cantore partecipante, toccarà per ciascuno 20 scudi annui ».
34 Je reviendrai sur les différences salariales dans le chap. 5.
35 L'Archivio Storico del Vicariato di Roma, par la suite ASVR.
36 À Rome (précocement divisée en rioni) comme dans d’autres villes européennes, ce cadre paroissial coexiste avec d’autres découpages urbains. Voir Topalov 2002 ; Boutry – Haupt – Lequin 1993. En ce qui concerne la péninsule italienne au Moyen Âge, voir Paravicini Bagliani – Pasche 1995.
37 Sonnino 2000, p. 335. Sur la population romaine, voir, entre autres, Cerasoli 1891 ; Gemini 1992.
38 Pour une description des Stati delle anime en tant que source historique, voir notamment Bellettini 1974 ; Corsini 1974 ; Sbarna – Traina – Sonnino 1977 ; Gemini 1992 ; Sonnino 2000.
39 Laslett 1972.
40 Voir Bonfait 1996 ; Michel 1996 ; Debenedetti 2004.
41 À titre d’exemples, pour Pietro Crispi voir Cametti 1920 et pour Francesco Gasparini, voir Piperno 1981.
42 La liste a été publiée et commentée par le musicologue Giancarlo Rostirolla. Voir Rostirolla 1984.
43 ASVR, Status animarus alme urbis anno 1745.
44 Je remercie le personnel de l'Archivio Storico del Vicariato di Roma et son directeur, Domenico Rocciolo, pour l'aide fournie au cours de la recherche : ASVR, Status Animarum, San Andrea delle Fratte (1745), San Angelo in Pescaria (1745), San Apollinare (1745), San Celso e Giuliano (1745), San Eustacchio (1746), San Giacomo in Borgo (1746), San Giovanni dei Fiorentini (1745), San Giovanni in Laterano (1745), San Lorenzo in Damaso (1745), San Lorenzo in Lucina (1745), San Luigi dei Francesi (1745), San Marcello (1745), San Marco (1747), San Maria ad Martyres (1746), San Martino ai Monti (1744), San Nicola dei Prefetti (1745), San Nicola in Arcione (1745), San Prassede (1745), San Quirico e Giulitta (1745), San Salvatore a Monti (1745), San Salvatore in Onda (1745), San Salvatore in Pede Pontis (1748), San Simeone Profetta (1745), Santo Spirito in Sassia (1745), Santo Stefano del Cacco (1745), Santo Stefano in Piscinula (1745), Santa Caterina della Rota (1742), Santa Maria del popolo (1747), Santa Maria ad Martyres (1744-1746), Santa Maria in Campitelli (1745), Santa Maria in Campo Carleo (1741), Santa Maria in Monticelli (1745), Santa Maria in Traspontina (1745), Santa Maria Sopra Minerva (1745), Santa Susanna (1745), Santi Dodici Apostoli (1744-46), Santi Simone e Giuda (1745). Les Stati delle anime de San Pietro in Vaticano sont en revanche conservés à l’AFSP, Stati delle anime, anno 1745.
45 Sur les dénominations professionnelles comme objet d’étude, voir Hanne – Judde de La Rivière 2010.
46 Voir notamment Paternò 1993.
47 À titre comparatif, les lieux de résidence des musiciens ont été étudiés pour d’autres villes européennes. Voir Granger 2004, p. 65-78 ; Hennebelle 2009a, p. 289-303 ; Hennebelle 2009b. En ce qui concerne la localisation des résidences d’autres professions artistiques à l’époque moderne, voir par exemple Carrangeot 2009 ; Gribenski – Meyer – Vernois 2007.
48 Pour une carte des paroisses de Rome, voir Lelo – Travaglini 2013, vol. 1, p. 106-107.
49 ASVR, Santa Maria in Via Lata, Stati delle anime, 1755, fol. 64r : « Palazzo Panfili Aldobrandini Dal corso Spigglionaro/Casa verso il vicolo della gatta […]. Secondo app[artamen]to Al n[umer]o 83 si deve mettere li sonatori : Antonio Lusini sonator di tromba di Panfili 43 Lucrezia Bronchelli da Fioranza Moglie 44 Giulio figlio 20 ».
50 L’activité de ce compositeur était inconnue jusque-là. Les registres paroissiaux, en particulier les Stati delle anime, permettent ainsi d’identifier des musiciens. Francesco Cola pourrait être un parent du maestro di cappella Gregorio Cola, actif à Rome dans la première moitié du XVIIIe siècle. Rostirolla 1984, p. 240.
51 ASVR, San Nicola dei Prefetti, Stati delle anime, 1741, fol. 2 ; 1742, fol. 12 ; 1743, fol. 22r ; 1744, fol. 32v, 1746, fol. 55r ; 1747, fol. 66v ; 1748, fol. 77v. Le musicien n’apparaît plus en 1749.
52 ASVR, Santo Stefano in Piscinula, Stati delle anime, 1745. Les pages ne sont pas numérotées, mais le curé de cette paroisse a attribué un numéro à chaque maison/appartement, ou à des groupes d’appartements, sans doute pour faciliter le repérage.
53 Celani 1909, p. 102.
54 BAV, Archivio del Capitolo di San Pietro, Locazioni ed esigenze, vol. 1, fol. 179r : « Il secondo piano della casa a Ponte Sant’Angelo ».
55 Ibid. : « Uno di stanze cinque tra grandi e piccole, compresa la cucina, ed’altri annessi con porte, chiavi, ferramenti, e netri sani. »
56 AVR, San Giacomo in Borgo, Stati delle anime, 1746, n° 11.
57 D’après le « stato nominativo dei membri della Congregazione ceciliana », registre tenu par Luigi Rossi lorsqu’il était secrétaire de l’Académie de Sainte-Cécile (1830-1843), les musiciens furent admis aux années suivantes : Celestino Liggi en 1730, Michele en 1749 et 1754, puis Eligio en 1752.
58 ASVR, San Lorenzo in Lucina, Stati delle anime, 1755, fol. 90r. Voir Annexe 2 : Liggi.
59 ASVR, San Simone e Giuda, Libro dei matrimoni (1742-1780), fol.18r.
60 Cametti 1924, 6-2, p. 41 et Cametti 1925, p. 131. Voir également le Stato delle Anime de la paroisse de Santo Stefano in Piscinula en 1755 (voir fig. 7).
61 ASVR, San Lorenzo in Lucina, Stati delle anime, 1715 ; 1725 ; 1735 ; 1745 ; 1755 ; 1765 ; 1788. Voir Annexe 2.
62 ASVR, San Lorenzo in Lucina, Stati delle anime, 1735, fol. 134 ; 1745, fol. 116 ; 1755, fol. 113 ; 1765, fol. 133.
63 ASVR, San Lorenzo in Lucina, Registro dei morti, vol. XIV (1765-1781), fol. 112v.
64 ASVR, San Lorenzo in Lucina, Stati delle anime, Gaetano Frosini : 1745, fol. 177r ; 1755, fol. 121v ; 1765, fol. 141v. Francesco Frosini : 1745, fol. 66v ; 1755, fol. 74r ; 1765, fol. 158r ; ASVR, San Lorenzo in Lucina, Registro dei morti, vol. XIV (1765-1781), fol. 96r, 2 septembre 1770 (Gaetano Frosini) ; fol. 103v, 3 avril 1771 (Francesco Frosini).
65 Gemini 1998.
66 San Andrea delle Fratte, San Giovanni dei Fiorentini, San Angelo in Pescaria, San Celso e Giuliano, San Eustacchio, San Giacomo in Borgo, San Giovanni della Malva, San Lorenzo in Lucina, San Luigi dei Francesi, San Marcello, San Marco, San Martino ai Monti, San Nicola dei Prefetti, San Nicola in Arcione, San Pietro in Vaticano, San Prassede, S. Quirico e Giulitta di Roma.
67 Gemini 1998, p. 151-170.
68 Dans la mesure où la profession n’était pas toujours indiquée, des musiciens ont pu échapper à notre enquête.
69 Sur l’exploitation des archives notariales pour l’histoire sociale, voir notamment Vogler 1979 ; Roche 1989.
70 Jurgens 1968 ; Jurgens – Howe 2000 ; Handy 2008.
71 Voir supra, chap. 3.
72 Roche – Arnette – Ardellier 1979 p. 231-232.
73 Vovelle 1979, p. 259.
74 Patrizio Barbieri a retrouvé 14 inventaires après décès et 14 testaments pour la période qui nous intéresse. Voir Barbieri 2009. Des actes notariés sont également cités dans des articles ou des monographies qui portent sur un musicien en particulier. À titre d’exemple, voir Wessely-Kropik 2002.
75 Trente-neuf testaments et quinze inventaires de biens ont été retrouvés au cours de cette enquête.
76 ASR, 30 Notai Capitolini, officio 25, testamenti, 10 avril 1747, vol. 592, fol. 655r : « Io Infrascritto Andrea Adami Abb. Di S. Maria detta dell’Acqua Santa, Beneficio di S. M. Maggiore, decano de Cantori della Cappella Pontificia, nato in Voltseno [Bolsena] diocesi d’Orvieto dalli Signori Francesco Adami, e Caterina Rinaldi della medesima terra, […] temendo il caso della mia futura morte ».
77 Celani 1909, p. 69-70.
78 ASR, 30 Notai Capitolini, officio 25, testamenti, 10 avril 1747, vol. 592, fol. 655r : « Primieramente principiando dell’anima come cosa più nobile del corpo, la raccommando a S[ua] D[ivina] M[aestà], alla gloriosissima Sempre Vergine Madre Maria, a S. Michele Arcangelo, all’Agnolo mio custode, a S. Giuseppe, a S. Filippo Neri, ed a quel tanto, di cui la Chiesa fa la festa in quel giorno, nel quale io sarò per vendere l’anima al suo curatore ».
79 Ibid., fol. 655v : « Il mio corpo divenuto cadavere sia sepolto dove, e come piacerà al mio E[ccelentissi]mo Sig[nor]e Cardinale Ottoboni mio amico Benefattore eletto da me per esecutore di questa mia ultima volontà. Mentre il detto mio corpo sarà sotto la terra mi si faccino delli miei eredi celebrare dieci scudi di messe per suffraggio dell’Anima mia, e non potendosi tutti celebrare, se ne mandi quella provizione che avanza alla Chiesa di S. Cimitero di Bolsena parte all’altare del Santissimo Miracolo e parte all’altare di detta chiesa, come ancora una messa quotidiana per un anno da principiare dopo un mese dopo la mia morte all’altare di S. Cristina di Bolseno, et una messa per un mese continuo all’altare del Santissimo Sagramento di S. Lorenzo in Damaso per avere io abitato nella Cancelleria apostolica mediante il generoso animo del mio Prot[ettor]e benefattore il Signore Cardinale Ottoboni ».
80 Les luoghi di monte étaient des titres achetés sur la dette publique.
81 ASR, 30 Notai Capitolini, officio 25, testamenti, 10 avril 1747, vol. 592, fol. 656r : « Item pregò, e supplico il mio esecutor testamentario di far vendere tutti i miei mobili tanto quadri e libri, ed anello, et orologio, e dal retratto di essi se ne comprino tanti luoghi di monte per dar maggior commodo alli miei eredi, acciò che il tutto conservi alla mia posterità ».
82 ASVR, S. Lorenzo in Damaso, Stato delle anime, 1735, vol. 117, fol. 46.
83 Le peintre Francesco Solimena (1657-1747), dit l’Abbé Ciccio, se forma à Naples notamment auprès de Luca Giordano.
84 ASR, 30 Notai Capitolini, officio 25, testamenti, 10 avril 1747, fol. 655v : « Lascio poi per ragione di legato, et in ogni altro miglior modo un quadro da Testa rappresentante una gloria S. Angeli dipinto dal Solimena all’E.mo Signore Cardinale Ottoboni in segno delle mie eterne obligazioni, riconoscente tutto il mio essere dalla di lui generosa beneficenza ».
85 Adami 1711, dédicace : « Lontananza maggiore non potea prender la mente a superare, nè speranza per me dar si potria per conseguirne l’intento, se nel momento, che ho concepito così gran volo, non mi fossi trovato da tanto tempo sostenuto dall’instancabile protezione di Vostra Eminenza, che nella privata sua abitazione, m’ha voluto per suo distinto domestico : nella Pontificia Cappella regnando Alessandro Ottavo di gloriosa memoria suo Zio, mi ha annoverato fra i Cantori della medesima, e finalmente come Arciprete di Santa Maria Maggiore, il primo gra quelli, che sono stati proveduti dall’Eminenza Vostra, ho goduto la sorte d’occupare in così Venerabil Capitolo un luogo di Benefiziato ».
86 Stefano La Via a précisé qu’A. Adami faisait partie des musiciens au service du cardinal (catégorie « diversi ») de 1724 à 1740. Voir La Via 1995, p. 467.
87 Marx 1993, p. 106.
88 Franchi 2012, p. 84.
89 Saverio Franchi comptabilise huit musiciens admis entre 1706 et 1728 : Arcangelo Corelli, Alessandro Scarlatti et Bernardo Pasquini (1706) ; Andrea Adami (1711), Francesco Gasparini (1718), Domenico Sarro (1726), Giovanni Battista Costanzi (1728) et Giuseppe Valentini (date ignorée). À ceux-ci peuvent s’ajouter Nicolo Jommelli (1753), Domenico Terradellas (date inconnue) et Pietro Crispi (date inconnue). Voir Franchi 2012. Voir également Oriol 2017, p. 360-362.
90 « Abbiamo escluso che l’Arcadia avesse interesse a sollecitare la presenza fra i propri aderenti di musicisti ; è facile allora supporre che tutti i progressi compiuti da questi ultimi all’interno dell’Accademia fossero dovuti al consistente appoggio di quel mecenatismo romano che si compiaceva di stendere la sua ala sui Pastori, ma forse non necessariamente per una convinta adesione ai loro ideali poetici, e che d’altra parte, non v’è quasi bisogno di ricordarlo, esercitò una funzione rilevante nella promozione dell’arte musicale a Roma, almeno fino alla metà del Settecento ». Voir Della Seta 1982, p. 132-133.
91 ASR, 30 Notai Capitolini, officio 25, testamenti, 10 avril 1747, vol. 592, fol. 657r : « Lascio a mia Nipote Olimpia per una sol volta scudi venti, ed a Teresa mia Pronepote scudi cinquanta ritrovandosi alla mia morte ; e perché i miei eredi abbiano modo di sodisfare a quelli legati dovranno vendere il mio anello di diamanti apprezzato scudi settanta e le mie mesate di Santa Maria Maggiore, le quali saranno almeno dodici, e che in tutto questo la mia volontà ho di nuovo sottoscritto come segue. Abb. Andrea Adami Mano Propria ».
92 Je reviendrai sur la carrière de ce musicien, lequel jouissait d’une grande renommée, dans le chap. 6.
93 Cametti 1924, p. 41. L’auteur n’a pas transcrit le testament et mentionne seulement certains passages.
94 ASR, 30 notai capitolini, officio 3, testamenti, 4 mars 1778, fol. 103 : « Item per ragione di legato per ordine, e commanda che dalla detta sua erede si faccino celebrare scudi cinquanta di messe basse di requiem in suffraggio dell’anima della B[eata] me[moria] del cardinale Pietro Ottoboni, dal quale dice essere stato molto beneficato, e ciò per una sol volta perché cosi. Item per ragione di legato, et in ogn’altro miglior modo lascia alla Real Casa Stuard il suo miglior violoncello di David, e à S. A. R. E[ccelentissi]ma il Signore Cardinale Duca di Kiorch le sue carte di musica, e ciò in contrasegno dell’umil sua servitù, che ha professato, e professa verso detti soggetti ».
95 David Tecchler (1666-1747) était un luthiste d’origine allemande actif à Rome.
96 Voir infra, chap. 6.
97 Sur la carrière de ce musicien, voir infra, chap. 6. L. Ghezzi a fait la caricature de ce chanteur sopraniste en 1729 environ. Voir Rostirolla 2001, p. 344, n° 137 : « Menicuccio musico soprano della Cappella Pontificia ».
98 ASR, 30 notai capitolini, ufficio 15, vol. 794, fol. 244r : « Io sottoscritto Domenico Ricci figliolo del signor Francesco Ricci da Fano chierico in età d’anni 42 circa, sano per la grazia di Dio di Mente, vista, loquela [sic], udito, è d’ogn’altro umano sentimento, benché al presente infermo di corpo, sapendo benissimo esser mortale ».
99 Ibid. : « Alla glorissima sempre vergine Maria, al mio S. Angelo custode, a miei santi Avvocati, e protettori, ed a tutta la corte celeste. »
100 Le musicien avait obtenu la permission du tribunal de la Sagra Rota.
101 L’héritier fiduciaire « est celui qui est chargé par le testateur de restituer sa succession à un autre, lequel est appelé héritier fidéi-commissaire. On appelle aussi héritier fiduciaire, celui qui n’est, par la disposition du testateur, que le dépositaire des biens de la succession » (Ferrière 1762, p. 1031).
102 Le ténor Matteo Fornari devint membre de la chapelle pontificale en 1716, Gasparo Reder en 1720. Les deux chanteurs meurent en 1761. Celani 1909, p. 82 et p. 86-87.
103 ASR, 30 notai capitolini, ufficio 15, vol. 794, fol. 244v : « Finalmente miei eredi fiduciari dichiaro, nomino, o quando sia necessario, istituisco li signori Don Matteo Fornari, e Gasparo Reder miei particolarissimi amici e compagni nella cappella del Papa, ed avendo alli medesimi communicata la mia volontà gli do anche amplissima facoltà di vendere tutte le mie robbe, e effetti ereditarii, essendo sicuro, che in cio fare provederanno ogni maggior vantaggio alla mia eredità ».
104 Roche 1981 ; Pardailhé-Galabrun 1988 ; Ago 2006.
105 Les inventaires après décès de musiciens ont été utilisés dans d’autres travaux. Voir notamment Morales 2007 ; Hennebelle 2009.
106 Sur la carrière de ce compositeur, voir infra, chap. 6.
107 ASVR, S. Stefano in Piscinula, Registro dei morti, n. 7 (1750-1792), fol. 152v (Die 3 Junii 1792).
108 ASR, 30 notai capitolini, ufficio 9, vol. 901, fol. 688r-695v ; 701r-707r.
109 ASR, 30 notai capitolini, ufficio 9, vol. 901, fol. 705r. Ces informations avaient été données par un certain D. Domenico Francolini, lequel assista le défunt pendant sa maladie et durant les derniers jours de sa vie.
110 Ibid., fol. 705v-706r : « Doveva il defunto al signor Dottor Orazio Antonio Bellini, per la sua longa ultima malattia, e quello in permittenti, circa tre anni prima ».
111 Ibid., fol. 695v : « Un cembalo con cassa dipinto a due registri con suoi piedi ; 9 scudi ».
112 Ibid., fol. 692v : « Una Scanzia di legno con tela a ferro à diversi spartimenti dentro la medesima diverse carte di musica da stimarsi del perito ».
113 Ibid., fol. 704v : « Le carte di musica consistenti in messe, salmi, antifone, si stimano assieme/Altre carte di musica consistente in cantate, oratorii, intermezzi di niun valore ».
114 À titre d’exemple, l’inventaire de biens de Giuseppe Belcore. Voir Barbieri 2009, p. 617 (note 51).
115 ASR, Officio della Curia Civile del Governo, ufficio 35, vol. 104 (7 mai 1749).
116 ASR, 30 notai capitolini, ufficio 9, vol. 1054, fol. 373r-376v.
117 ASR, 30 notai capitolini, ufficio 9, instrumenti, vol. 919, fol. 310ss.
118 Ibid., fol. 318r : « Dentro un credenzino al muro, libri appartenenti al Collegio della Cappella Pontificia ».
119 Ibid., fol. 313v : « Un quadro di misura di palmi tre rappresentante il Palestrina con cornice liscia dorata ».
120 Ibid., fol. 330.
121 Voir infra, chap. 6.
122 ASR, 30 notai capitolini, ufficio 29, vol. 448, fol. 114r-115v ; 135r-135v : « Nella seconda stanza, ove il defonto soleva scrivere, e comporre ».
123 ASVR, Posizioni matrimoniali, Interrogatori, Uff. IV, anno 1743, fol. 138v.
124 L’acte de mariage est daté du 19 mai 1743 : ASVR, San Nicola dei Prefetti, Libro matrimoni, 1711-1781, fol. 87r.
125 ASVR, Posizioni matrimoniali, Interrogatori, Uff. IV, anno 1743, fol. 138v.
126 D’après le « stato nominativo dei membri della Congregazione ceciliana », registre tenu par Luigi Rossi lorsqu’il était secrétaire de l’Académie de Sainte-Cécile (1830-1843), les musiciens furent admis dans les années suivantes comme trombista : Ludovico Vacca, en 1716, Carlo et Francesco Vacca en 1750.
127 De façon certaine, grâce aux listes comptables des saisons théâtrales, on sait que Ludovico joua tous les ans de 1726-1729 ; Ludovico et Carlo jouèrent en 1740, 1741, 1746 ; Carlo et Francesco jouèrent à l’Argentina en 1758 et 1759. ASMOM, vol. 421-424, 431, 433 ; ASC, Fondo Maccarani, vol. 52 ; ASR, Fondo Sforza Cesarini, vol. 458.
128 ASR, 30 Notai capitolini, officio 7, testamenti, 2 janvier 1753, vol. 702 : « Seguita che sarà la sua morte hà ordinato di essere sepelito nella sua parocchia di S. Nicola in Arcione accompagnato con la compagnia di detto S. Nicola in Arcione, e dieci torcie, et in detta sua parrochia esposto con altre dieci torcie, et hà ordinato che sopra il corpo se gli faccino celebrare cento cinquanta messe compresa la messa cantata ».
129 Ibid., fol. 139 : « Rispetto poi alle trombe, e corni da Caccia che si ritrovaranno nella sua eredità esso Signore testatore hà voluto, et ordinato che detto Carlo debba condescendere che delli medemi se ne possa servire Francesco suo figlio piccolo, e se mai esso Carlo volesse che si vendessero tutta la cura di detta vendita l’habbi detto Francesco figlio piccolo havendo il mede[si]mo tale virtù di sonare ».
130 La présence des communautés étrangères et les structures d’accueil qui leur sont offertes dans les villes d’Ancien Régime ont fait l’objet de nombreux travaux de recherche. Voir par exemple Calabi – Lanaro 1998 ; Bottin – Calabi 1999 ; Luzzi 2003.
131 À titre d’exemples, la présence française à Rome au XVIIIe siècle a été étudiée par Gilles Montègre (Montègre 2011). Voir également les travaux d’Eleonora Canepari qui portent sur la place des étrangers dans la ville de Rome au XVIIe siècle. Voir Canepari 2007.
132 Pour une analyse de l’attractivité de la cité pontificale et des caractéristiques du « mythe de Rome », voir Garms – Garms 1982.
133 Pour une étude récente sur la condition d’extranéité, voir Cerutti 2012.
134 Roche 2002, p. 850.
135 À ce sujet, voir par exemple Armstrong 1982 ; Herczog 2003. Pour une réflexion sur l’Italie, voir les contributions rassemblées dans le dossier suivant : Delille – Matthews-Grieco 2003.
136 Les résultats dépendent évidemment des sources exploitées. Le recours à d’autres documents pourrait modifier les effectifs des musiciens répartis par région. Les chiffres présentés donnent toutefois quelques tendances assez nettes.
137 Sur la forte présence des artistes anglais à partir de la moitié du XVIIIe siècle, voir le chap. « The English community in Rome », dans Woodfield 2001.
138 Rostirolla 1994b, p. 159 : « Dalla Francia vengono i flauti traversi e gli oboi ; dalla Germania gli strumenti a bocchino e legni, violini e violoncelli ; dall’Inghilterra i violisti ».
139 Bien que la présence de chorégraphes français fût particulièrement forte dans la région du Piémont, pour des raisons géographiques et politiques, certains d’entre eux rejoignirent d’autres villes, comme Rome. L’influence française se développa davantage en Italie à partir de la moitié du siècle avec l’arrivée de nouveaux chorégraphes comme Jean Dauberval, Pierre Alouard, (Jean) Antoine Terrades ou Pierre-Bernard Michel. Sur l’histoire du ballet italien au XVIIIe siècle et de l’influence française, voir en particulier Hansell 1992, p. 208-278 ; Sasportes 2011.
140 Meyer 2003, p. 1.
141 Grétry 1797, p. 69-70.
142 Kelley 1826, p. 11-12 : « My dear Sir, depend upon it, your son will never follow any profession but that of a musician ; and as there is n° person in this country who can give him the instruction he requires, you ought to send him to Italy. He is now at the time of life to imbibe true taste, and in Italy only is to be found. If you send him to Rome, let him study under Latilla ; if to Naples (the better place of the two) send him to either of the Conservatorios ».
143 Sur le Grand Tour en Italie, voir notamment Bertrand 2008.
144 Originaire de la ville d’Agen, Pierre Saint-Sevin dit L’Abbé l’aîné (1695-1768) rejoint Paris en 1722 avant de voyager en Italie.
145 Rostirolla 2001, p. 313 : « Il violoncellista [Pierre-Philippe Saint-Sévin dit] L’Abbé [l’aîné], 1724 [La didascalia dice quanto segue : Il virtuoso del signor de Bacqueville. Roma, 12 marzo 1724] ». Il s’agit sans doute du marquis de Bacqueville, Jean-François Boyvin de Bonnetot (1688-1760).
146 Zórawska-Witkowska 1996. Les documents transcrits n’ont pas fait l’objet d’une analyse détaillée par l’auteur.
147 Frédéric IV de Saxe (1722-1763) fut Électeur de Saxe et membre de la dynastie des Wettin.
148 Ce voyage avait « il carattere del grand tour, limitato ad un solo paese a causa dell’invalidità che lo aveva colpito con una paralesi alle gambe e con la deviazione della colonna vertebrale ». Voir Zórawska-Witkowska 1996 p. 278.
149 Né en 1703 à Görlitz, Haarer fut membre de la chapelle d’Heinrich von Brühl dans les années 1731-1750.
150 Horn était aussi au service d’Heinrich von Brühl.
151 Zórawska-Witkowska 1996, p. 280.
152 Ibid., p. 318. Lettre de Wackerbarth à Heinrich von Brühl, Ischia, 16 septembre 1738.
153 Ibid., lettre de Heinrich von Brühl à Wackerbart, Varsovie, 8 octobre 1738.
154 Rostirolla 2001, p. 379, n. 208 : « Compositor di musica e sonator di violino di natione tedesco il quale stava al servitio del signor principe elettorale di Polonia et era bravo assai, il quale mi favoriva di venire alla mia accademia di musica ». Bien que le violoniste soit nommé Haar par Ghezzi, il s’agit sans nul doute du compositeur Johann Gottlob Harrer. Le page Jósef Wilkoński fut aussi croqué par Ghezzi le 15 juin 1715 : « Paggio del principe elettorale di Polonia il quale sona bene la traversiera » (ibid., p. 409, n. 285).
155 Zórawska-Witkowska 1996, p. 306. Un passage de la correspondance de Wackerbarth fait référence à ce dîner : « Le Maitre de chapelle Harre demanda la permission de faire exécuter pendant le repas un Concert de Musique, qu’il avoit composé, et il fut assez bien exécuté par les officiers, et Domestiques, qui sont à la suite de S.A.R ».
156 Rostirolla 2001, p. 409, n. 285 : « Didascalie de Ghezzi : Il signor principe elettorale parti per Caprarola il di 15 ottobre 1739 » ; Franchi 1997, p. 301.
157 Statuti della Congregazione dei musici di Roma, 1716, article 2 : « Ma se un Professore sarà stato permanente in Roma un anno senza essersi fatto aggregare nostro Fratello, e senza aver pagato nell’ingresso una libra di cera alla nostra Congregatione, non possa essere più ammesso a musiche ecclesiastiche, sotto pena al Maestro di Cappella, che l’inviterà o riceverà a dette musiche di pagare scudi tre del proprio da applicarsi in opere pie solite farsi dalla nostra Congregatione ».
158 Il fut admis dans la chapelle pontificale en 1717, puis partit pour le Portugal. Voir Celani 1909, p. 83.
159 Jean-Charles Hanoteau, admis en 1683, fut giubilato (mis à la retraite) en 1708 après avoir rempli ses 25 années de service. Ses obsèques furent organisées le 12 octobre 1733 dans l’église de la Chiesa Nuova. Gabriel Puyol, admis en 1698, mourut le 19 mai 1725. Voir Celani 1909, p. 68 et 75.
160 Pour le théâtre Alibert : ASC, Fondo Maccarani, vol. 52 (1752-1753). Pour le théâtre Argentina : ASR, Fondo Sforza Cesarini, VII, vol. 458.
161 Della Seta 1983 ; Morelli 2010, 2011b et 2016.
162 J’ai effectué des sondages dans les archives de la famille pour le XVIIIe siècle.
163 « Servitori, e sonatori di corni da caccia ». Je parlerai des émoluments de ces musiciens dans le chap. 5, voir infra.
164 À ma connaissance, jusqu’à aujourd’hui, on ignorait le séjour à Rome du corniste autrichien Joseph Leutgeb/Leitgeb (1732-1811). Ce dernier mena une carrière internationale et fut l’un des interprètes favoris de W.A. Mozart. Voir Morley-Pegge – Hiebert 2001.
165 ASVR, San Lorenzo in Lucina, Stati delle anime, 1755, fol. 110 : « Nel palazzo dell’Ecc[ellentissi]ma Casa Borghese […] al terzo piano ».
166 Registres consultés : ASVR, San Lorenzo in Lucina, Stati delle anime, 1725/1735/1745/1755 et 1765.
167 L’information provient de l’acte de décès du musicien : ASVR, San Lorenzo in Lucina, Registro dei morti, vol. XIV, fol. 156v.
168 Fabrizio Della Seta a retrouvé les justificatifs de paiement du libro mastro pour la période 1720-1725. Le justificatif de paiement se présente ainsi : « Al Sig. Antonio Benedetto D’Alberto Maestro di Flauto scudi 3 moneta, quali si fanno pagare per la letione data all’Ecc[ellentissim]o Sig[nori]no D. Paolo figlio di S[ua] Eccellenza » (Della Seta 1981, p. 217).
169 Liste des instrumentistes qui jouèrent pour la cantate et le bal exécutés à l’occasion de la visite du Gran Prieur de France le 31 juillet 1727. Voir Della Seta 1983, p. 202. Indiqué comme suit : « Monsù Antonio », secondo oboe, 2 scudi.
170 L’orthographie du nom de famille varie en fonction des sources : Arnò, Arnault, Arnaud, etc. J’ai choisi ici la forme italianisée Arnò.
171 L’origine géographique de Giovanni Battista Arnò est indiquée dans son acte de décès. Voir ASVR, San Lorenzo in Lucina, Registro dei morti, vol. XIII (1753-1764), fol. 38r.
172 Je reviendrai sur le service de la famille Arnò pour la famille Borghese, voir infra, chap. 5.
173 Rameau 1725.
174 ASVR, San Lorenzo in Lucina, Stati delle anime, 1745, fol. 124v.
175 La forme française apparaît dans un acte notarié relatif à la dot de la fille de G. B. Arnò, comme suit : Catherine Debargues, Gio. Arnault, Claudio Persin de Lavault.
176 Information tirée de l’acte de décès de Giovanni Battista Arnò.
177 Corp 2011, p. 157
178 Je remercie chaleureusement Anne-Madeleine Goulet de m’avoir signalé cette source.
179 Sur la vie de Marie-Anne de La Trémoille, princesse des Ursins, à Rome, voir Goulet 2011a et 2011b.
180 ASR, Archivio Lante della Rovere, vol. 758 [2].
181 En 1763, il occupait le poste de maestro di ballo de la famille. Voir Arch. Caetani, Fondo economico, Giustificazioni, anno 1763, vol. 488.
182 Testament rédigé le 25 septembre 1783. Voir ASR, 30 Notai capitolini, ufficio 33, mai 1804, instrumenti, vol. 689, fol. 354r-355v ; 366r/v.
183 Sur la circulation des musiciens dans l’Europe moderne, voir Meyer 2003 ; Goulet – Zur Nieden 2015 ; Zur Nieden – Over 2016.
184 Grétry 1797, p. 33 : « Je fis six symphonies : elles furent exécutées dans notre ville avec succès. M. le chanoine de Harlez me pria de les lui porter à son concert ; il m’encouragea beaucoup, me conseilla d’aller étudier à Rome, et m’offrit sa bourse ».
185 Grétry 1797, p. 34. Sur le voyage en Italie de Grétry, voir entre autres Traversier 2013.
186 Long des Clavières 1920, p. 24.
187 Auda 1930, p. 166.
188 Puraye 1993.
189 Cité dans Bodard 1981, p. 68. Le testament est déposé chez Amico Abinati, notaire de la curie capitoline.
190 Long des Clavières 1920, p. 34.
191 Bodard 1981, p. 68.
192 Grétry 1797, p. 81-83.
193 Ibid., p. 85 : « Je ne tardai guère à me faire présenter le signor Casali. Le titre d’élève del signor *** ne fut pas bien pompeux à ses yeux. Il me fit, et pour la troisième fois, recommancer les premiers élémens de la composition ».
194 Ibid., p. 87.
195 Ibid., p. 102-103.
196 L’organisation de la société fut réglée par 35 chapitres présentés devant notaire. Voir ASR, Notai del Tribunale del governo, vol. 60, cc. 668ss.
197 ASR, Notai del Tribunale del governo, vol. 60, cc. 695r : « Io sotto scritto, mi obligo di comporre una muta d’intermezzi cioe primo e secondo atto, e di far tutte prove quante mi saranno ordinate dalli capi direttori e di comporre li primi o secondi conforme mi saran ordinati dalli sudetti capi d’orchestra, e questi pur mio onorario per il carato di scudi trenta in tutto e per tutto cosi di accordo à tenore dei presenti capitoli. Andrea Gretriy [sic] ».
198 Grétry 1797, p. 103.
199 Ibid., p. 110 : « Ce fut pour une autre circonstance que je quittai l’Italie, où je pouvois demeurer avec agrément ; car l’on m’avoit proposé de faire pour le carnaval suivant, des intermèdes pour les théâtres di Tordinona e della Pace ».
200 Ibid., p. 112 : « Mon intention en allant à Genève étoit de faire quelques épargnes pour me mettre en état d’aller à Paris chercher à me faire connoître ».
201 L’orthographie du nom varie selon les sources : Wyseman, Wisman, etc. J’ai choisi ici « Wiseman ».
202 Il pourrait s’agir de frères ou de cousins, mais en l’absence de documentation précise, il est impossible de définir le lien de parenté des deux musiciens. Je pense néanmoins qu’il s’agit d’un lien relativement étroit. En effet, alors que Carlo et Giuseppe vivent avec leurs épouses respectives dans deux habitations différentes en 1755 (ASR, San Lorenzo in Lucina, Status Animarum, 1755, fol. 24 et fol. 49), les documents relatifs au foyer familial de Carlo Wiseman en 1775 mentionnent la présence de Celinda, l’épouse de Giuseppe, devenue « veuve » (ASVR, San Lorenzo in Lucina, Stati delle anime,1775, fol. 33r).
203 D’après le registre tenu par l’archiviste Luigi Rossi.
204 D’après les documents d’archives dont nous disposons, il fait partie des membres de l’orchestre des saisons 1741, 1766, puis de 1768 à 1771.
205 ASVR, San Lorenzo in Lucina, Libro dei matrimoni, 1740-1757, fol. 74v (31 décembre 1744).
206 Ces informations sont tirées des interrogatoires des processetti matrimoniali. Eleonora Canepari les a étudiés de façon systématique pour le XVIIe siècle romain. Il s’agit des témoignages des individus présents à un mariage. Voir Canepari 2009b.
207 ASVR, Posizioni matrimoniali, Interrogatori, ufficio II, décembre 1744 : « Io cominciai à conoscere il detto signor Giacomo Maria Carlo Wisman dal mese d’ottobre 17trentanove in cui venne in Roma in occasione che venne ad abitare nella casa contigua alla mia abitatione, e la detta Angela Celtruda Angela Reela Dossoli della di lei innubile età di sei in sette anni in occasione che la medema con suoi genitori abitava nella stessa casa dove abitavo io, e cosi per continua amicizia, e pratica l’hò trattato sono al presente giorno ».
208 Canepari 2007, p. 130
209 Canepari 2009a, p. 13.
210 La raison du remariage est inconnue. L’acte de décès de la première épouse n’a pas été retrouvé dans les registres de sépulture de la paroisse.
211 Voir infra, chap. 5.
212 Roche 2011.
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