Chapitre IX. Sacra Albana. Les Féries Latines
p. 517-729
Texte intégral
« Sur ces hauteurs, où les chefs mêmes des cités conduisaient les Latins vers le Jupiter de leur race, la solennité de la nature venait se joindre aux solennités humaines pour imprégner l’âme du sentiment religieux et les rapprocher encore de la divinité. Les hommes rapportaient de ce spectacle des souvenirs d’émotion commune qui étaient les meilleures garanties de l’union future. Il n’y a pas dans la société moderne, il n’y eut peut-être pas dans le Moyen Age, des fêtes d’un caractère plus pittoresque et de plus d’ampleur religieuse ».
Camille Jullian, D.A.G.R. Daremberg et Saglio, 2, 2, 1896, s.v. « Feriae Latinae », p. 1072.
LES SOURCES
1Sur le mont dit Albain, les Féries rassemblaient chaque année les foules latines et romaines derrière leurs dirigeants. Le lieu, excentré par rapport à l’Vrbs, tout comme nombre de particularités de la fête plaident en faveur d’une existence dès la première période latiale et sans doute avant, bien que certains savants, suivant en cela une partie de la tradition antique, préfèrent en fixer l’origine durant la monarchie tarquinienne. Dans la suite des temps, l’antique rassemblement fédéral deviendra l’expression la plus solennelle d’une domination que Rome aura alors étendue aux dimensions du monde connu : comme si, de la cité des bords du Tibre luttant durement pour s’imposer à ses voisins immédiats jusqu’à l’empire universel et cosmopolite des siècles classiques, rien n’avait vraiment changé.
2À la fin du ive siècle de notre ère, au moment où le pouvoir romain est en train de s’effacer, les Féries sont encore célébrées, et lorsqu’elles ne le seront plus, la Rome non chrétienne sera proche de sa fin, de telle sorte qu’on ne sait si c’est son imperium qui n’a pas survécu aux Féries ou le contraire.
3Un tel rayonnement, une telle « perdurance » auraient justifié, assurément, de nombreuses recherches. Pourtant, dans le no man’s land scientifique qu’a longtemps été le légendaire albain, l’étude des Féries est à elle seule un désert1 : la relative abondance des publications que nous serons amené à citer ne doit pas, à cet égard, faire illusion. Rarement, dans le domaine des primordia, disproportion aura été plus grande entre l’importance d’un sujet et la friche où il aura été laissé. C’est sans doute que, là aussi, la quête toujours recommencée d’une ville d’Albe a détourné l’attention d’un site et de rites si visiblement non urbains. D’autres causes, plus générales, sont venues ajouter à ce désintérêt : l’Altertumswissenschaft triomphante n’a évidemment pas, au xixe siècle, négligé une fête dont la célébration incombait aux consuls romains, mais elle s’est bornée, sauf exception, à étudier dans une optique chronologique et prosopographique le témoignage, au demeurant très lacunaire, des Fastes des Féries : on se souvient que les recherches archéologiques entreprises sur la cime du Monte Cavo n’avaient eu que ce seul but épigraphique. Pour ce qui est des sources littéraires, qui, on va le voir, ne manquent pas, y compris en ce qui concerne les périodes protohistorique et archaïque (même s’il ne s’agit évidemment que d’échos lointains et déformés), l’hypercritique professait une défiance trop systématique pour qu’elle leur accordât quelque crédit. Seules furent exploitées les indications valables dans le domaine du droit public romain. Et lorsque l’archéologie fit enfin son entrée dans le débat sur les primordia, la rareté et l’ambiguïté des vestiges venus au jour sur le mont ne firent qu’accentuer encore l’éloignement des archéologues, des historiens, des philologues, qui restèrent les yeux fixés sur Rome, où se multipliaient, au contraire, les nouvelles trouvailles, tombes, assises de temples, urnes-cabanes, dont les premiers exemplaires révélés provenaient pourtant des monts Albains. Il y a plus : peut-être, d’un point de vue romanocentrique, les fêtes furent-elles considérées comme trop latines, précisément, alors qu’à l’inverse, pour une optique orientée vers les faits latins ou latiaux, elles apparaissaient comme trop romaines. Ainsi, à l’image du paysage où elles avaient lieu et de sa situation par rapport à Rome et au Latium côtier, les Féries, cérémonie non fixée dans le calendrier romain et qui n’a pas eu son Ovide, sont restées comme un thème laissé à l’écart, visible certes, mais non regardé pour lui-même.
4La première tâche à accomplir était donc de faire le point, à la lumière des enquêtes les plus récentes, sur ce qu’on peut savoir, archéologiquement parlant, du sanctuaire situé au sommet du mont. Nous avons vu ce qu’il en est2 : la question de l’éventuelle existence d’un temple n’est pas décisivement résolue, même pour la période impériale, a fortiori pour celle de la monarchie servio-tarquinienne, même si la recherche récente, notamment en Italie, penche parfois pour l’hypothèse de la construction d’un édifice dès l’ère archaïque. L’hypothèse classique d’un enclos sacré à l’air libre reste donc la plus probable. Par contre, un élément nouveau est apparu : l’existence d’un habitat sur le site dès la première phase latiale. Reste le dossier philologique, qui, lui, s’avère moins évanescent. La dissertation De Feriis Latinis présentée par Christian Werner à Leipzig en 1888 (= Werner 1888), qui est de loin le travail le plus solide sur la question, et d’où dépendent tous les travaux ultérieurs, s’appuie sur un corpus de références qui, malgré les apparences, n’est pas exhaustif. Nous avons donc entrepris de dresser ici la liste la plus complète possible des citations antiques sur le sujet, car il nous a semblé qu’une telle collation, jamais faite jusqu’à présent, constituait un préalable indispensable à toute étude des Féries.
5L’ordre d’exposition choisi est celui de la chronologie respective des auteurs cités, sous réserve des incertitudes dont elle est parfois grevée ; un tel classement n’a, bien sûr, pas de signification quant à l’ancienneté relative de chacun des éléments fournis par les différentes citations. Les textes sont donc les suivants :
Varron
6[1] Ling. Lat., 5, 52
7Collis Latiaris : sexticeps in uico Insteiano summo, apud auguraculum ; aedificium solum est.
8« Colline de Jupiter Latial : sixième chapelle, dans la partie haute de la rue Insteius, près de l’observatoire augural ; l’édifice est isolé »3.
9[2] Ib., 6, 25
10De statutis diebus dixi ; de annalibus nec die statutis dicam [...] Similiter Latinae feriae dies conceptiuus, dictus a Latinis populis, quibus in Albano monte ex sacris carnem petere fuit ius cum Romanis, a quibus Latinis Latinae dictae.
11« J’ai fini de parler des fêtes à jour fixe ; je vais parler des fêtes annuelles dont le jour n’est pas fixé. [...] Également mobile est le jour des Féries Latines nommées d’après les peuples latins qui, sur le mont Albain, avaient en commun avec les Romains le droit de réclamer leur portion du sacrifice ; c’est d’après ces Latins qu’elles ont été appelées Latines »4.
12[3] Ib., 6, 29
13Comitiales dicti [... ] nisi si quae feriae conceptae essent, propter quas non liceret, <ut> Compitalia et Latinae.
14« On parle de jours comitiaux, [...] à moins qu’on n’ait annoncé des fêtes entraînant une interdiction, comme les Compitalia et les Féries Latines »5.
Cicéron
15[4] ad Atticum, 1, 3 (Rome, fin 67)
16Auiam tuam scito desiderio tui mortuam esse et simul quod uerita sit ne Latinae in officio non manerent et in montem Albanum hostias non adducerent.
17« Ta grand-mère, sachele, est morte du regret de ton absence, et aussi de la peur de voir les féries latines ne plus rester fidèles à la tradition et ne pas amener sur le mont Albain les victimes rituelles »6.
18[5] ad Quint. fr., 2, 4 (Rome, peu après le 11 mars 56, à propos des fiançailles imminentes entre Tullia et Crassipès)
19§2 :... sed dies erant duo qui post Latinas habentur religiosi (ceterum confectum erat Latiar).
20« ... mais il y a deux jours, après les féries latines, où on ne peut les célébrer, parce qu’ils sont consacrés (le Latiar est d’ailleurs terminé) »7.
21[6] Ib., 2, 4a (Rome, fin mars 56)
22... consul est egregius Lentulus [...] Dies comitiales exemit omnes ; nam etiam Latinae instaurantur ; nec tamen deerant supplicationes.
23« ... Lentulus est un consul excellent [...] Il a trouvé le moyen de supprimer tous les jours comitiaux : on recommence même les féries latines ; et par ailleurs les supplications ne manquent pas »8.
24[7] ad fam,. 8, 6, 3 (Rome, fin février 50)
25Consules autem habemus summa diligentia ; adhuc s.c. nisi de feriis Latinis nullum facere potuerunt.
26« Nous avons des consuls d’une activité !... Jusqu’ici ils n’ont pu faire qu’un sénatus-consulte, sur les féries latines »9.
27[8] Pro C. Planc., 9, 23 (fin août 54)
28Nisi forte te Labicana aut Gabina aut Bouillana uicinitas adiuuabat, quibus e municipiis uix iam qui carnem Latinis petant reperiuntur.
29« À moins que toi, peut-être, tu n’aies été aidé par le voisinage de Labicum, de Gabies ou de Bovillae, tous municipes où l’on trouve à peine assez de monde pour aller, au sacrifice des Féries Latines, réclamer leur part de viande »10.
30[9] Rep., 1, 9, 14 (l’action se passe en 129, pendant les trois jours des Féries Latines, deux livres étant accordés à chaque jour du débat)
31Nam cum P. Africanus, hic Pauli filius, feriis Latinis Tuditano cons. et Aquilio constituisset in hortis esse [...] Latinis ipsis mane...
32« Sous le consulat de Tuditanus et d’Aquilius, Publius l’Africain, celui qui est le fils de Paul, avait décidé de passer, dans ses jardins, les féries latines [... ] Le matin du sacrifice Latin... ».
33[10] Ib., 12, 18
... quod erat hibernum tempus anni...
« ... comme on était en hiver... »11.
34[11] Pro Milone, 31, 85 (52 av. J.-C.)
... tuque ex tuo edito monte, Latiaris sancte Iuppiter, [... ] aliquando ad eum poeniendum oculos aperuisti...
« ... et toi, du haut de ta montagne, divin Jupiter Latial, [... ] tes yeux se sont enfin ouverts pour son châtiment »12.
35[12] de div, 1, 11, 18
Nam primum astrorum uolucris te consule motus
concursusque grauis stellarum ardore micantis
tu quoque, cum tumulos Albano in monte niualis
lustrasti et laeto mactasti lacte Latinas
uidisti et claro tremulos ardore cometas
multaque misceri nocturna strage putasti,
quod ferme dirum in tempus cecidere Latinae,
cum claram speciem concreto lumine luna
abdidit et subito stellanti nocte perempta est.
36« Car d’abord les mouvements ailés des astres sous ton consulat, les conjonctions menaçantes d’étoiles aux feux étincelants, quand sur les hauteurs enneigées du mont Albain tu as accompli les rites purificateurs et honoré les Féries Latines d’une belle libation de lait, tout cela tu l’as vu toi aussi, ainsi que le vif éclat de comètes scintillantes ; tu as songé à la vaste confusion d’une nuit de massacres, car les Féries Latines sont tombées à peu près au moment sinistre où la lune, dérobant son bel éclat, n’offrit plus qu’une lueur brouillée pour disparaître soudain dans la nuit étoilée »13.
37[12bis] nat. deor., 1, 6, 15
38Nam cum feriis Latinis ad eum [... ] uenissem, offendi eum sedentem in exedra...
39« En effet, alors que j’étais venu chez lui durant les fêtes latines, je le trouvai assis dans sa rotonde... »14.
César
40[13] Bell. ciu., 3, 2, 1 : l’action se passe début octobre (Groebe) ou fin octobre-début novembre 50 (Le Verrier)
41His rebus et feriis Latinis comitiisque omnibus perficiundis XI dies tribuit.
42« Il consacre onze jours au règlement de toutes ces questions, aux Féries Latines et à l’achèvement de tous les comices »15.
Auguste
43[14] ap. Suet., Claud., 4, 7 (lettre d’Auguste à Livie au sujet de Claude)
44In Albanum montem ire eum non placet nobis aut esse Romae Latinarum diebus. Cur enim non praeficitur urbi, si potest sequi fratrem suum in montem ?
45« Nous ne voulons pas qu’il aille sur le mont Albain, ni qu’il soit à Rome pendant les fêtes latines. Pourquoi, en effet, ne pas le mettre à la tête de la ville, s’il peut suivre son frère sur le mont Albain ? »16
Horace
46[14bis] Epist., 1, 7, v. 75-76
47...mane cliens et iam certus conuiua, iubetur rura suburbana indictis comes ire Latinis.
48« ...le matin, client fidèle, et le soir, convive assidu, [Ména] est invité, après la notification des féries latines, à accompagner Philippe dans son domaine suburbain »17.
Tite-Live
49[15] 1, 29, 6
50... obsessa ab armatis templa augusta [...] Templis tamen deum – ita enim edictum ab rege fuerat – temperatum est.
51« ... les temples vénérés occupés par les troupes [...] Les temples seuls furent épargnés par décret royal »18.
52[16] Ib., 31, 1 à 4
53... nuntiatum regi patribusque est in monte Albano lapidibus pluuisse [... ] haud aliter quam cum grandinem uenti glomeratam in terras agunt, crebri cecidere caelo lapides. Visi etiam audire uocem ingentem ex summi cacuminis luco ‘ut patrio ritu sacra Albani facerent’ [... ] Romanis quoque ab eodem prodigio nouendiale sacrum publice susceptum est, seu uoce caelesti ex Albano monte missa – nam id quoque traditur – seu haruspicum monitu.
54« ... on annonça au roi et aux Pères que sur le mont Albain il y avait eu une pluie de pierres [...] il tomba une épaisse pluie de pierres, semblable aux masses de grêlons que le vent chasse sur la terre. Ils crurent même entendre une grande voix s’élever dans le bois sacré qui couronne le sommet et ordonner aux Albains ‘de sacrifier selon leurs rites nationaux’ [...] Les Romains, eux aussi, à la suite de ce prodige, firent officiellement une neuvaine, soit que la voix céleste du mont Albain l’eût prescrite (certains récits ajoutent, en effet, ce détail), soit sur le conseil des aruspices... »19.
55[17] 5, 17, 2 (397 ou 392 av. J.-C., à propos de la montée soudaine des eaux du lac Albain)
56... ad prodigii Albani procurationem ac deos rite placandos... : inuentumque tandem est ubi neglectas caerimonias intermissumue sollemne di arguerent : nihil profecto aliud esse quam magistratus uitio creatos Latinas sacrumque in Albano monte non rite concepisse.
57Recherche en vue « de faire l’expiation du prodige albain et d’apaiser les dieux selon les formes... » : « puis on finit par découvrir quelles étaient ces négligences dans le culte et cette rupture dans le cycle annuel des fêtes dont les dieux se plaignaient : cela signifiait simplement que les magistrats, élus d’une manière irrégulière, n’avaient pas rituellement fixé les féries latines et le sacrifice sur le mont Albain »20.
58[18] Ib., 19, 1 (av. J.-C. 396 ou 391)
59Iam ludi Latinaeque instaurata erant, iam ex lacu Albano aqua emissa in agros, Ueiosque fata adpetebant.
60« Maintenant que les jeux et les fêtes latines étaient renouvelés, maintenant qu’on avait dérivé l’eau du lac Albain dans les campagnes, Véies était guettée par les destins »21.
61[19] Ib., 52, 8
62Illi (maiores) sacra quaedam in monte Albano Lauiniique nobis facienda tradiderunt.
63« Leurs traditions à eux nous obligent à faire des sacrifices sur le mont Albain et à Lavinium »22.
64[20] 7, 28, 6 et 7 (345-4 ou 341-0 av. J.-C.)
65Anno postquam uota erat aedes Monetae dedicatur C. Marcio Rutulo tertium T. Manlio Torquato iterum consulibus. Prodigium extemplo dedicationem secutum, simile uetusto montis Albani prodigio : namque et lapidibus pluit et nox interdiu uisa intendi ; librisque inspectis cum plena religione ciuitas esset, senatui placuit dictatorem feriarum constituendarum causa dici. Dictus P. Ualerius Publicola ; magister equitum ei Q. Fabius Ambustus datus est. Non tribus tantum supplicatum ire placuit sed finitimos etiam populos, ordoque iis, quos quisque die supplicarent, statutus.
66« Un an après que le vœu en eut été prononcé, sous le troisième consulat de Gaius Marcius Rutulus et le second de Titus Manlius Torquatus, on dédie le temple de Monéta. Survint aussitôt après la dédicace un prodige semblable à celui, très ancien, du mont Albain. Car il tomba une pluie de pierres et, en même temps, on vit en plein jour s’étendre la nuit. Les livres consultés, comme la cité était hantée de scrupules religieux, le sénat décida la nomination d’un dictateur pour l’organisation de (plutôt : « des ») Féries. On désigna Publius Valérius Publicola et on lui donna pour maître de la cavalerie Quintus Fabius Ambustus. Et il fut enjoint non seulement aux tribus, mais aux peuples voisins, d’adresser des supplications aux dieux, selon un ordre fixé d’avance qui indiquait le jour où chacun supplierait »23.
67[21] 8, 11, 15 (340 av. J.-C.)
68... cum Laurentibus renouari foedus iussum renovaturque ex eo quotannis post diem decimum Latinarum.
69« ... on décida de renouveler le traité avec les Laurentins et on le renouvelle depuis lors chaque année, le dixième jour après les féries latines »24.
70[22] 21, 63, 5 et 9 (mars 217 av. J.-C.)
71Ob haec ratus auspiciis ementiendis, Latinarumque feriarum mora et consularibus aliis impedimentis retenturos se in urbe, simulato itinere priuatus clam in prouinciam abiit [... ] nunc conscientia spretorum et Capitolium et sollemnem uotorum nuncupationem fugisse [...] ne Latinas indiceret Iouique Latiari sollemne sacrum in monte faceret...
72« [Flaminius] pensant pour cette raison qu’en invoquant mensongèrement les auspices, en retardant les Féries Latines et en utilisant les autres obstacles qu’on oppose aux consuls, ils le retiendraient dans la ville, il feignit un voyage et partit en cachette, comme un simple particulier, pour sa province [...] ; maintenant la conscience qu’il a de les (= les dieux) avoir méprisés lui a fait fuir le Capitole et la prononciation solennelle de ses vœux [...] pour éviter de fixer la date des Féries Latines et de faire le sacrifice annuel sur le mont Albain à Jupiter Latiaris... »25.
73[23] 22, 1, 6 et 7
74... redintegrata in C. Flaminium inuidia est. [...] Quodenim illi iustum imperium, quod auspicium esse ? Magistratus id a domo, publicis priuatisque penatibus, Latinis feriis actis, sacrificio in monte perfecto, uotis rite in Capitolio nuncupatis, secum ferre...
75« ... le mécontentement des esprits contre Flaminius se réveilla. [...] Quelle autorité légitime, quel auspice a-t-il reçu ? Les magistrats n’étaient institués qu’à Rome même, au milieu des pénates publics et privés, après avoir célébré les féries latines, offert un sacrifice sur le mont Albain et prononcé au Capitole les vœux solennels... »26.
76[24] 25, 7, 7 et 9 (212 av. J.-C.)
77Tempestates foedae fuere ; in Albano monte biduum continenter lapidibus pluit [... ] Horum prodigiorum causa diem unum supplicatio fuit et per aliquot dies consules rebus diuinis operam dederunt et per eosdem dies sacrum nouendiale fuit.
78« Il y eut d’affreuses tempêtes ; sur le mont Albain, il plut des pierres pendant deux jours sans interruption [...] À cause de ces prodiges, il y eut une journée de supplications ; pendant plusieurs jours les consuls se consacrèrent aux affaires religieuses, et dans le même temps il y eut une neuvaine »27.
79[25] Ib., 12, 1-2 (212 av. J.-C.)
80Romae consules praetoresque usque <ad> ante diem quintum calendas Maias Latinae tenuerunt ; eo die perpetrato sacro in monte in suas quisque prouincias proficiscuntur.
81« À Rome, les Féries latines retinrent les consuls et les préteurs jusqu’au cinquième jour avant les calendes de mai ; ce jour-là, après avoir célébré le sacrifice sur le mont Albain, ils partirent chacun pour leur province »28.
82[26] 26, 21, 2 et 6 (211 av. J.-C., retour de Marcellus après la prise de Syracuse)
83... postulauit ut triumphanti urbem inire liceret. Id non impetrauit. [... ] medium uisum ut ouans urbem iniret. [... ] Pridie quam urbem iniret in monte Albano triumphauit.
84« ... il demanda l’autorisation d’entrer dans la ville en triomphateur. Cela, il ne l’obtint pas. [...] C’est une solution intermédiaire qui fut adoptée : l’entrée à Rome avec une ovation. [...] La veille du jour où il entra dans la Ville, il triompha au mont Albain »29.
85[27] 27, 1 (en 209 av. J.-C., après la défection de douze colonies romaines sur trente)
86Prodigia quoque, priusquam ab urbe consules proficiscerentur, procurari placuit. In Albano monte tacta de caelo erant signum Iouis arborque templo propinqua.
87« On décida aussi, avant que les consuls quittent la Ville, de conjurer les prodiges. Sur le mont Albain, avaient été frappés de la foudre la statue de Jupiter et l’arbre proche du temple »30.
88[28] 28, 11, 3 (206 av. J.-C.)
89... et Albae duo soles uisos ferebant... :
90« ... à Albe aussi, on avait vu, à ce qu’on rapportait, deux soleils... »31.
91[29] 32, 1, 1 et 9 (199 av. J.-C.)
92Consules praetoresque, cum idibus Martiis magistratum inissent [...] feriae Latinae pontificum decreto instauratae sunt, quod legati ab Ardea questi in senatu erant sibi in monte Albano Latinis carnem, ut adsolet, datam non esse.
93« Les consuls et les préteurs étant entrés en charge aux Ides de mars [...] sur décret pontifical, on recommença la célébration des féries latines, parce que les représentants d’Ardée s’étaient plaints au sénat de ce qu’on ne leur avait pas offert, conformément à l’habitude, la viande sacrée sur le Mont Albain, lors du sacrifice Latin »32.
94[30] 33, 23, 1 et 3 (197 av. J.-C.)
95Q. Minucius, temptata tantum relatione, cum aduersum omnem senatum uideret, in monte Albano se triumphaturum et iure imperi consularis et multorum clarorum uirorum exemplo dixit.
96« Q. Minucius essaya seulement de présenter un rapport et, quand il constata que le sénat tout entier lui était hostile, il dit qu’il célébrerait son triomphe sur le mont Albain, en vertu de son pouvoir consulaire mais aussi selon l’exemple de nombreux hommes illustres »33.
97[31] Ib., 23, 8 et 9
98Q. Minucius consul de Liguribus Boisque Gallis in monte Albano triumphauit. Is triumphus, ut loco et fama rerum gestarum et quod sumptum non erogatum ex aerario omnes sciebant inhonoratior fuit, ita signis carpentisque et spoliis ferme aequabat. Pecuniae etiam prope par summa fuit ; aeris tralata ducenta quinquaginta quattuor milia, argenti bigati quinquaginta tria milia et ducenti ; militibus centurionibusque et equitibus idem in singulos datum quod dederat collega.
99« Le consul Q. Minucius célébra, sur le mont Albain, son triomphe sur les Ligures et les Gaulois Boïens. Ce triomphe, s’il fut moins glorieux en raison de l’endroit où il se déroulait, du bruit mené autour des opérations militaires, du fait, connu de tous, qu’il n’était pas financé sur le trésor public, l’égala presque par les enseignes, les chariots et les dépouilles. Le total des sommes aussi fut presque le même : deux cent cinquante-quatre mille as en bronze y furent transportés ainsi que cinquante-trois mille deux cents pièces en argent au bige. Il fit à chaque soldat, centurion et cavalier, la même gratification que son collègue »34.
100[32] 37, 3, 4 (en 190 av. J.-C., avant le départ des consuls pour la guerre contre Antiochus)
101Ea procurata Latinaeque instauratae, quod Laurentibus <pars> carnis quae dari debet data non fuerat.
102« Ces prodiges furent conjurés, et les Féries Latines recommencées parce que les Laurentins n’avaient pas reçu la part de viande qui leur revient »35.
103[33] 38, 44, 7 et 8 (187 av. J.-C.)
104Latinae inde fuerunt. Quibus religionibus liberati consules [...] in prouinciam profecti sunt.
105« Puis eurent lieu les Féries latines. Après s’être acquittés de leurs devoirs religieux, les consuls gagnèrent leur province »36.
106[34] 40, 45, 1 et 2 (179 av. J.-C.)
107Hiems eo anno niue saeua et omni tempestatum genere fuit : arbores quae obnoxiae frigoribus sunt, deusserat cunctas ; et eadem aliquanto quam alias longior fuit. Itaque Latinas nox subito coorta et intolerabilis tempestas in monte turbauit instaurataeque sunt ex decreto pontificum.
108« L’hiver de cette année-là fut rendu cruel par la neige et par toutes sortes d’intempéries : il avait entièrement brûlé tous les arbres qui craignent les coups de froid ; il fut aussi notablement plus long que les autres années. C’est ainsi que la brusque arrivée des ténèbres et qu’une tempête impossible à endurer perturbèrent les féries latines sur le mont Albain et celles-ci furent recommencées sur décret des pontifes »37.
109[35] 41, 16, 1 à 7 (176 av. J.-C. ; cf. T132)
110Latinae feriae fuere ante diem tertium nonas Maias, in quibus, quia in una hostia magistratus Lanuuinus precatus non erat populo Romano Quiritium, religioni fuit. Id cum ad senatum relatum esset senatusque ad pontificum collegium reiecisset, pontificibus, quia non recte factae Latinae essent, instaurari Latinas placuit, Lanuuinos, quorum opera instaurandae essent, hostias praebere. Accesserat ad religionem, <quod> Cn. Cornelius consul ex monte Albano rediens concidit et, parte membrorum captus, ad Aquas Cumanas profectus ingrauescente morbo Cumis descessit. [... ] Consul Q. Petilius, cum primum per auspicia posset, collegae subrogando comitia habere iussus et Latinas edicere, comitia in <ante> diem tertium nonas Sextiles, <Latinas> in ante diem tertium idus Sextiles edixit. [...] Dum consules primum religiones, deinde alterum alterius mors et comitia et Latinarum instauratio inpediunt...
111« Les féries latines eurent lieu trois jours avant les nones de mai ; comme, au cours de celles-ci, le magistrat de Lanuvium, en frappant une victime, n’avait pas prié pour le peuple romain des Quirites, on eut des scrupules religieux. Comme on avait rapporté la chose au sénat et que celui-ci avait renvoyé l’affaire au collège des pontifes, ceux-ci décidèrent, les féries latines n’ayant pas été célébrées régulièrement, de les faire recommencer et d’obliger les habitants de Lanuvium, par la faute desquels elles étaient recommencées, à fournir les victimes. Les scrupules religieux étaient encore accrus < du fait qu’> à son retour du mont Albain, le consul Cn. Cornelius s’était écroulé, à moitié paralysé : étant parti pour les eaux de Cumes, sa maladie s’aggrava et il mourut à Cumes. [...] Le consul Q. Petilius eut l’ordre, dès que les auspices le permettraient, de tenir les comices pour pourvoir au remplacement de son collègue, et de fixer par édit les féries latines : il fixa par édit les comices au troisième jour avant les nones d’août, < les féries > au troisième jour avant les ides d’août. [...] Tandis que les consuls se trouvaient empêchés d’abord par des affaires religieuses, puis par la mort de l’un d’eux, par les comices et le recommencement des féries latines... »38.
112[36] Ib., 27 (174 av. J.-C., à propos de la censure de Q. Fulvius Flaccus et d’A. Postumius Albinus)
113Censores uias sternendas silice in urbe, glarea extra urbem substruendas marginandasque primi omnium locauerunt, pontesque multis locis faciendos [... ] < et uiam latinis > feriis in monte Albano consulibus, et cliuom Capitolinum silice sternendum curauerunt...
114« Les censeurs furent les premiers de tous à mettre en adjudication le pavage des rues dans la Ville et, au dehors de la Ville, la pose d’une assise de gravier sur les routes et l’établissement d’accotements, ainsi que la construction de ponts en de nombreux endroits [...] ils se chargèrent du pavage de la voie sur le mont Albain réservée aux consuls lors des Féries Latines et de celui du cliuus Capitolinus »39.
115[37] 42, 10, 15 (172 av. J.-C., C. Popilius et P. Aelius consuls)
116Consules ob ea irati senatui, Latinis feriis in primam quamque diem indictis, in prouinciam abituros esse denuntiarunt, nec quicquam rei publicae acturos, praeterquam quod ad prouinciarum administrationem adtineret.
117« Les consuls que ces mesures avaient irrités contre le sénat fixèrent les féries latines pour le terme le plus proche ; ils annoncèrent qu’ils allaient partir pour leur province et qu’ils n’accompliraient aucun acte relevant de la vie publique, à l’exception de ce qui concernait l’administration de leurs provinces »40.
118[38] Ib., 21, 7 (172 av. J.-C.)
119Is expositis, quas in Corsica res gessisset, postulatoque frustra triumpho, in monte Albano, quod iam in morem uenerat, ut sine publica auctoritate fieret, triumphauit.
120« Celui-ci (= C. Cicereius) fit le récit de ce qu’il avait accompli en Corse et, après avoir en vain demandé le triomphe, le célébra sur le mont Albain, comme l’usage – on n’avait pas besoin d’un décret officiel – s’en était déjà répandu »41.
121[39] Ib., 35, 3 (171 av. J.-C.)
122Quo maturius in prouincias magistratus proficiscerentur, Latinae kalendis Iuniis fuere ; eoque sollemni perfecto C. Lucretius praetor [...] Brundisium est profectus...
123« Pour permettre aux magistrats de partir plus vite pour leur province, les féries latines furent fixées aux calendes de juin ; une fois célébrée cette fête annuelle, le préteur C. Lucrétius partit pour Brindes... »42.
124[40] 43, 15, 3 (169 av. J.-C.)
125... Latinisque actis Marcius extemplo est profectus.
126« ... une fois célébrées les Féries latines, Marcius partit aussitôt »43.
127[41] 44, 17, 8 (169 av. J.-C.)
128Latinas, ubi magistratum inissent, quod per religiones posset, primo quoque tempore fieri placere, ne quid consulem, cui eundum in Macedoniam esset, teneret.
129« Quant aux Féries latines, on décida qu’elles seraient célébrées dès leur entrée en charge, aussitôt que les raisons d’ordre religieux le permettraient, de façon que rien ne retardât le consul qui devait aller en Macédoine »44.
130[42] Ib., 19, 4 (168 av. J.-C., à propos du consul L. Aemilius Paulus)
131Et ne quid profectionem suam teneret, pridie idus Apriles Latinis esse constitutam diem. Sacrificio rite perfecto et se et Cn. Octauium, simul senatus censuisset, exituros esse.
132« En outre, pour que rien ne retardât son départ, il avait fixé les Féries Latines à la veille des ides d’avril. Une fois le sacrifice accompli selon le rite, tous deux, Cn. Octavius et lui, partiraient dès que le sénat l’aurait décidé »45.
133[43] Ib., 21, 3
134... [senatus decreuit]... ut sollemni Latinarum perfecto L. Aemilius consul, Cn. Octauius praetor [... ] in prouinciam proficiscantur.
135« ... une fois terminées les Féries latines, le consul L. Aemilius et le préteur Cn. Octavius [... ] partiraient pour leur province »46.
136[44] Ib., 22, 16 (168 av. J.-C.)
137Ab hac contione Latinis, quae pridie kal. Apriles fuerunt, in monte sacrificio rite perpetrato protinus inde et consul et praetor Cn. Octauius in Macedoniam profecti sunt.
138« Aussitôt après ce discours et la célébration sur le mont Albain, conformément aux rites, du sacrifice (des Féries latines) qui eut lieu la veille des calendes d’avril, le consul et le préteur Cn. Octavius partirent l’un et l’autre pour la Macédoine »47.
139[45] 45, 3, 2 (168 av. J.-C., après la nouvelle à Rome de la victoire de Pydna, prélude à celle d’Illyrie)
140Ob eas res gestas ductu auspicioque L. Anici praetoris senatus in triduum supplicationes decreuit. Iterum Latinae edictae a consule sunt in ante <diem> quartum et tertium et pridie idus Nouembres.
141« Pour ces exploits, accomplis sous le commandement et les auspices du préteur L. Anicius, le sénat décréta qu’auraient lieu trois jours de supplications. Le consul fixa une deuxième célébration des Féries latines au quatrième jour, au troisième et à la veille des Ides de novembre »48.
142[46] Ib., 15, 10 (168 av. J.-C.)
143Eodem anno C. Cicereius aedem Monetae < in monte > Albano dedicauit quinquennio post quam uouit.
144« La même année, C. Cicéréius dédia un temple à Monéta sur le mont Albain, cinq ans après l’avoir voué »49.
145[47] Ib., 38, 4 (167 av. J.-C.)
146... multi etiam qui ab senatu non inpetrarunt triumphum in monte Albano triumpharunt.
147« ... beaucoup, même ceux qui n’ont pas obtenu du sénat le triomphe, ont triomphé au mont Albain »50.
Denys d’Halicarnasse, Antiquités Romaines
148[48] 3, 27, 1
149[όΤύλλος] καλέσας Μάρκον Όράτιον [...] ἐκέλευσεν ἐπὶ τὴν ‘Αλβανῶν πóλιν ἂγειν [...] καθελεῖν τὴν πóλιν ἂχρι θεμελίων, μηδενòς μήτε ιδίου μήτε κοινοῦ κατασκευάσματος φειδόμενον ἔξω τῶν ιερῶν...
150« Tullus appela Marcus Horatius, lui ordonna de la (= l’armée) mener vers la ville des Albains [...] de détruire la ville jusqu’à ses fondations en n’épargnant aucun bâtiment, ni privé ni public, à l’exception des édifices sacrés... »51.
151[49] Ib., 29, 5 et 6
152ἴστε δὴ ταῦτα δεδογμενα ‛Ρωμαίοις [...] τὴν μὲν πóλιν υμῶν καθαιρεθῆναι καὶ μήτε τῶν δήμοσίων μήτε τῶν ιδιωτικῶν κατασκευασμάτων ỏρθóν τι ἐᾶσαι διαμένειν μηθἐν ἔξω τῶν ίερῶν [...] ὄσην τε τò κοινòν ὑμῶν ἐκέκτητο γῆν τοῖς μηδένα κλῆρον ἔχουσιν ‘Αλβανῶν διαμερισθῆναι, χωρὶς τῶν ίερῶν κτημάτων, ἐξ ὧν αἱ θυσίαι τοῖς θεοῖς ἐγίνοντo...
153« Sachez donc ce que les Romains ont décidé : que votre ville soit détruite, qu’on ne laisse rien subsister intact des bâtiments publics ou privés, à l’exception des édifices sacrés [...]. Toute la terre que votre communauté avait acquise, qu’elle soit distribuée – sauf les biens sacrés, d’où provenaient les sacrifices aux dieux – à ceux des Albains qui ne possèdent aucun lot »52.
154[50] 4, 49 (Tarquin le Superbe, après avoir éliminé Turnus Herdonius, établit sa suprématie sur les Latins)
155Τυχὠν δἐ τῆς Λατίνων ἡγεμονίας ὁ Ταρκύνιος ἐπρεσβεὑσατο καὶ πρòς τὰς ‘Έρνίκων πόλεις καὶ προς τὰς Οὐολούσκων προκαλούμενος κἀκείνους εἰς φιλίαν τε καὶ συμμαχίαν. "Έρνικες μὲν οὖν ἄπαντες ἐψήφίσαντο ποιεῖν τὴν συμμαχίαν, ἐκ δὲ τοῦ Οὐολούσκων ἔθνους δύο πόλεις ἐδέξαντο μόναι τὰς προκλήσεις, Ἐχετρανοί τε καὶ Ἀντιάται. τοῦ δὲ μένειν εἰς ἄπαντα χρόνον τὰ συγκείμενα ταῖς πόλεσι πρόνοιαν ὁ Ταρκύνιος λαμβάνων ίερòν ἔγνω κοινὸν ἀποδεῖξαι ‛Ρωμαίων τε καὶ Λατίνων καὶ Ἐρνίκων καὶ Οὐολούσκων τῶν ἐγγραψαμένων εις τὴν συμμαχίαν, ἴνα συνερχόμενοι καθ’ ἔκαστον ἐνιαυτòν εἰς τòν ἀπoδειχθέντα τόπον πανήγυρίζωσι καὶ συνεστιῶνται καὶ κοινῶν ίερῶν μεταλαμβάνωσιν. ἀγαπηῶς δὲ πάντων τò πρᾶγμα δεξαμένων τόπον μὲν ἀπέδειξεν, ἔνθα ποιήσονται τὴν σύνοδον ἐν μεσω μάλιστα τῶν ἐθνων κείμενον ὄρος ὑψήλóν, ὃ τῆς Ἀλβανῶν ὑπέρκειται πόλεως, ἐν ᾦ πανηγύρεις τ’ ἀνὰ πᾶν ἔτος ἄγεσθαι καὶ ἐκεχειρίας εἶναι πᾶσι πρòς πάντας ἐνομοθέτήσε θυσίας τε συντελεῖσθαι κοινὰς τῷ καλουμένῳ Λατιαρίω Διὶ καὶ συνεστιάσεις, τάξας ἃ δεῖ παρέχειν ἑκάστήν πόλιν εἰς τά ίερά, καὶ μοῖραν, ἣν ἑκάστην δεήσει λαμβάνειν. αἱ δὲ μετασχοῦσαι τῆς ἑορτῆς τε καὶ τῆς θυσίας πόλεις τριῶν δέουσαι πεντήκοντα ἐγένοντο. ταύτας τὰς ἑορτὰς τε καὶ τὰς θυσίας μέχρι τῶν καθ’ ἡμᾶς χρόνων ἐπιτελοῦσι ‛Ρωμαῖοι Λατίνας καλοῦντες, καὶ φέρουσιν είς αὐιτὰς αἱ μετέχουσαι τῶν ίερῶν πόλεις αἱ μὲν ἄρνας, αἱ δὲ τυροιύς, αἱ δὲ γάλακτός τι μέτρον, αἱ δὲ ὅμoιόν τι τούτοις [πελάνου γένος] ἑνòς δὲ ταύρου κοινῶς ὑπò πασῶν θυομένου μέρος ἑκάστή τò τεταγμένον λαμβάνει. θύουσι δ’ ὑπὲρ ἁπάντων καὶ τὴν ήγεμονίαν τῶν ίερῶν ἔχουσι ‘Ρωμαῖοι.
156« Tarquin, soucieux de voir durer tout le temps les conventions prises avec les cités, décida de fixer un sanctuaire commun aux Romains, Latins, Herniques et Volsques qui avaient souscrit l’alliance, afin que, se réunissant chaque année au lieu fixé, ils célèbrent ensemble une fête et un banquet et participent à des sacrifices communs. Pour que tous soient satisfaits du projet, il choisit comme lieu de leurs futures réunions, situé le plus possible au milieu des peuples, une montagne élevée, celle qui domine la cité des Albains : c’est là, édicta-t-il, qu’ils se réuniraient chaque année pour une fête solennelle, qu’il y aurait trêve pour tous envers tous, qu’on célébrerait des sacrifices communs à Jupiter dit Latial et qu’ils participeraient à un banquet collectif ; il fixa ce que chaque cité devait fournir pour les sacrifices, ainsi que la part que chacune devrait en recevoir. Les cités participant à la fête et au sacrifice furent quarante-sept. Ces fêtes, avec les sacrifices qui les accompagnent, sont célébrées encore de nos jours par les Romains qui les appellent Latines, et parmi les cités qui participent aux offrandes, les unes apportent des agneaux, les autres des fromages, les autres encore, une mesure de lait, d’autres quelque chose de semblable [un genre de miel]. Mais elles sacrifient ensemble un taureau et chacune en prend la part qui lui a été assignée. Le sacrifice est fait pour tous et la direction des cérémonies est assurée par les Romains »53.
157[51] 6, 95, 1 à 3 (493 av. J.-C., conclusion du foedus Cassianum)
158‘Εγένοντο δ’ἐν τῷ αὐτῷ χρόνῳ καὶ πρòς τὰς τῶν Λατίνων πόλεις άπάσας συνθῆ-και καιναὶ μεθ’ ὅρκων ὑπὲρ είρήνης καὶ φιλίας [...] ταῦτα μὲν δὴ ‘Ρωμαῖοί τε καὶ Λατῖνοι συνέθήκαν πρòς ἀλλήλους ὀμόσαντες καθ ‘ ίερῶν. ἐψήφίσατο δὲ καὶ θυσίας ἀποδοῦναι τοῖς θεοῖς ἡ βουλὴ χαριστηρίους ἐπὶ ταῖς πρòς τòν δῆμον διαλλαγαῖς, προσθεῖσα μίαν ἡμέραν ταῖς καλουμέναις Λατίναις ἑορταῖς δυσίν οὔσαις, τήιν μὲν πρώτην ἀνιερώσαντος βασιλέως Ταρκυνίου, καθ’ ὅν χρόνον ἐνίκήσε Τυρρηνούς τὴν δ’ ἑτέραν τοῦ δήμου προσθέντος, ὅτε τοὺς βασιλεῖς ἐκβαλὼν ἐλευθέραν ἐποίησε τὴν πόλιν αἷς ἡ τρίτη τότε προσενεμήθη τῆς καθόδου τῶν ἀποστάντων ἔνεκα. τὴν δὲ προστασίαν καὶ τὴν ἐπιμέλειαν τῶν ἐν αὐταῖς γινoμένων θυσιῶν τε καὶ ἀγώνων οἱ τῶν δημάρχων ὑπήρέται παρέλαβον, οἱ τήν νῦν ἀγορανομικὴν ἔχοντες ἐξουσίαν, ὤσπερ ἔφην, κοσμηθέντες ὑπò τῆς βουλῆς πορφύρᾳ καὶ θρόνω ἐλεφαντίνω καὶ τοῖς ἄλλοις ἐπισήμοις, οἷς εἷχον οἱ βασιλεῖς.
159« Au même moment, on conclut sous serment avec toutes les cités latines de nouvelles conventions de paix et d’amitié [...] Voilà donc ce dont convinrent Romains et Latins entre eux, en prêtant serment sur les victimes sacrées. Le Sénat de son côté décida par un vote d’offrir des sacrifices aux dieux en actions de grâce pour la réconciliation avec le peuple ; il ajouta une journée aux Fêtes appelées Latines, qui en duraient deux, dont la première avait été consacrée par le roi Tarquin au moment de sa victoire sur les Tyrrhéniens et la seconde ajoutée par le peuple lorsque, par l’expulsion des rois, il avait libéré la Ville. La troisième y fut alors ajoutée, en mémoire du retour des révoltés. Quant à la présidence et la surveillance des sacrifices et des jeux qui y étaient célébrés, elles furent confiées aux assistants des tribuns, lesquels avaient le pouvoir qui est maintenant celui des édiles, comme je l’ai dit. Le Sénat leur accorda pour ornement la robe de pourpre, le trône d’ivoire et les autres insignes qu’avaient eus les rois ».
160[52] 8, 87, 6 (483 av. J.-C.)
161οὐδενòς γάρ εἰσι τῶν ἔξω τῆς πόλεως οἱ τὴν δήμαρχικὴν ἔχοντες ἐξουσίαν κύριοι. περιγέγραπται γὰρ αὐτῶν τò κράτος τοῖς τείχεσι, καὶ οὐδὲ ἀπαυλισθῆναι τῆς πόλεως αὐτοῖς θέμις, ὅτι μὴ πρòς ἕνα καιρόν, ἐν ᾦ πᾶσαι θύουσιν αἱ τῆς πόλεως ἀρχαί κοινὴν ὑπὲρ τοῦ Λατίνων ἔθνους τῷ Διὶ θυσίαν ἐπὶ τò ‘Αλβανῶν ὄρος άναβαίνουσαι.
162« ... en effet les détenteurs de la puissance tribunitienne n’ont aucun pouvoir en dehors de la ville ; car leur juridiction est limitée entre ses murailles et il ne leur est pas même permis de passer une nuit hors de la ville, sinon en une seule occasion, dans laquelle toutes les magistratures de la ville participent à un sacrifice commun à Jupiter en faveur de la nation latine, en montant sur le mont Albain ».
Strabon
163[53] 5, 3, 2, C 229
164... ῎Αλβαν [...] ἐν τῷ ‘Αλβανῷ ὄρει [...] ‘Ένταῦθα ‘Ρωμαῖοι σύν τοῖς Λατίνοις Διί θύουσιν, ἅπασα ἡ συναρχία ἀθροισθεῖσα. τῇ πόλει δ’ ἐφίστήσιν ἄρχοντα πρòς τòν τῆς θυσίας χρόνον τῶν γνωρίμων τινὰ νέων.
165« ... Albe [... ] sur le mont Albain. C’est là que se célèbre le sacrifice commun des Romains et des Latins en l’honneur de Zeus. La magistrature s’y rassemble au complet et remet le gouvernement de la ville à un jeune patricien pour la durée de la cérémonie »54.
166[54] Ib., 3, 4, C 231 (à propos de Rome et d’Albe)
167... ἱερὰ κοινὰ τὰ ἐν ῎Αλβα καὶ ἄλλα δίκαια πολιτικά. ὕστερον δὲ πόλέμου συσ-τάντος ἡ μὲν ῎Αλβα κατεσκάφη πλὴν τοῦ ίεροῦ, οἱ δ’ Αλβανοὶ πολῖται ‘Ρωμαίων ἐκρίθήσαν.
168« ... les sanctuaires d’Albe, ainsi que les droits politiques, étaient communs aux deux cités. Mais plus tard éclata une guerre, à l’issue de laquelle Albe fut entièrement détruite, à l’exception du sanctuaire, et ses habitants furent décrétés citoyens romains »55.
Nicolas de Damas
169[55] Aug., 5, 13
170ἐνστὰςης δέ τινός ἐορτῆς Λατίνής, ὁπóτε καὶ τοὺς ὑπάτους εἰς ῎Αλβαν τò ὄρος ἀναβαίνειν ἔδει πατρίου θυσίας ἕνεκα, τοὺς δ’ ἱερεῖς διαδόχους αὐτῶν τῆς δικαιοδοσίας εἷναι, καθίζει ἐπὶ τò βῆμα Καῖσαρ ἐν μέση ἀγορᾴ.
171« Alors qu’avaient lieu les Féries Latines, moment où même les consuls devaient monter à Albe sur la montagne afin de célébrer le sacrifice ancestral, et où les prêtres avaient à les remplacer dans leurs fonctions judiciaires, voici que César siège sur une tribune en plein forum »56.
Verrius Flaccus (Festus)
172[56] De sign. uerb., 177 M = 186 L = 294 L2
173Nouendiales feriae < dicuntur institutae a Tullo > Hostilio rege ex min [20 lettres manquantes]... < monitu haruspicum >... is nono die inferre [M. : in feriis] [19 lettres]... < siue quod in > [ou <ne> ?] more [M. : monte] Albano lapi<dibus pluisset, siue quod uox esset > exaudita, ut Albani < 21 lettres : suo ritu facerent, quae omissa e>- rant sacra iam ab his < 20 lettres : eadem sacra fieri di uoluerunt > quae missa crate a [M. = amissa ciuitate ac] poe – < 40 lettres : ne funditus deleta negligere temporibus inseque->ntibus coepissent.
174« Ces fêtes furent, dit-on, instituées par le roi Tullus Hostilius d’après l’avis des haruspices... – celui-ci le neuvième jour dans les fêtes [ ?] -, soit parce qu’une pluie de pierres était tombée sur le mont Albain, soit parce qu’une voix s’était fait entendre, déclarant que les Albains devaient célébrer, selon leurs rites particuliers, les sacrifices qui avaient été négligés. Car les dieux voulurent que ce peuple célébrât les mêmes sacrifices que ceux qu’ils avaient, dans le temps qui suivit la perte et la ruine presque totale de leur ville, commencé à négliger »57.
175[57] Ib., 194 M = 212 et 214 L = 307 L2 (absent de Paul Diacre)
176Oscillantes, ait Cornificius, ab eo quod os celare sint soliti personis propter uerecundiam, qui eo genere lusus utebantur. Causa autem eius iactationis proditur [lacune d’une dizaine de lettres]58 Latinus rex, qui praelio, quod ei[s] fuit aduersus Mezentium, Caeritum regem, nusquam apparuerit, iudicatusque sit Iuppiter factus Latiaris. Itaque f scit59 eius dies f feriatos liberos seruosque requirere eum non solum in terris, sed etiam qua uide[n]tur caelum posse adiri per oscillationem, uelut imaginem quandam uitae humanae, in qua altissima interdum < ad infima >, infima ad summum efferuntur. Atque ideo memoriam quoque redintegrari initio acceptae uitae per motus cunarum lactisque alimentum, quia per eos dies feriarum et oscillis moueantur, et lactata potione utantur. Nec desunt qui exemplum Graecorum secutos putent Ital[ic]os, quod illi quoque, iniuria interfecto Icaro, <cum> Erigone filia eius dolore inpulsa suspendio perisset, per simulationem...
177« Cornificius dit qu’on nommait ainsi les gens qui se balancent, parce que ceux qui se livraient à ce genre de jeu avaient coutume de se couvrir par bienséance la figure d’un masque. On dit que ce fut le roi Latinus qui fut à l’origine de cette gymnastique, lui qu’on ne vit, suite au combat qui l’opposa à Mézence, roi de Caere, plus apparaître nulle part et qu’on pensa être devenu Jupiter Latial. C’est pourquoi il [= Cornificius ?] apprend que pendant les jours de fêtes qui lui étaient consacrés les hommes libres et les esclaves le recherchaient non seulement sur la terre mais aussi là où, dans les airs, ils croyaient pouvoir l’approcher grâce au jeu de la balançoire ; manière de donner une espèce d’image de la vie humaine, où tantôt la plus haute fortune est portée au degré le plus bas, et la plus basse fortune au sommet. Et pour cette raison on croit aussi qu’est rétabli le souvenir de la vie reçue au début à travers le mouvement des berceaux et une alimentation lactée, parce que durant ces jours de fêtes on se fait bercer sur des balançoires et on ne consomme comme boisson que du lait. Et il ne manque pas de gens pour penser que les Italiens n’ont fait que suivre l’exemple des Grecs, étant donné que ceux-ci aussi, après la mort injuste d’Icare, lorsque sa fille Erigone poussée par la douleur qu’elle en éprouvait, eut mis fin à ses jours en se pendant, par imitation... »60.
178[58] Ib., 230 L = 317 L2
179Piscatorium aes uetusto more appellatur quod in monte Albano datur pro piscibus.
180« On appelle, par un antique usage, bronze de la pêche, celui que l’on donne sur le mont Albain pour les (ou : en guise de ?) poissons »61.
Valère Maxime
181[59] Fact. dict. mem,. 3, 6, 5 (231 av. J.-C.)
182Nam Papirius quidem Masso, cum bene gesta re publica triumphum a senatu non impetrauisset, in Albano monte triumphandi et ipse initium fecit et ceteris postea exemplum praebuit proque laurea corona, cum alicui spectaculo interesset, myrtea semper usus est.
183« Quant à Papirius Masso, malgré son succès dans sa gestion des affaires publiques, il n’avait pas obtenu du Sénat le droit de triompher ; alors il organisa sur le Mont Albain la cérémonie triomphale dont il prit l’initiative et dont il laissa le modèle à tous ceux qui la célébrèrent par la suite ; et à la place de la couronne de laurier, chaque fois qu’il participait à quelque spectacle, il en a pris une de myrte »62.
Lucain
184[60] Pharsale, 1, 198
185... et residens celsa Latiaris Iuppiter Alba.
186« ... Jupiter Latiaris qui résides sur les hauteurs d’Albe »63.
187[61] 1, 533-5
188... emicuit caelo tacitum sine nubibus ullis / fulmen et Arctois rapiens de partibus ignem / percussit Latiare caput.
189« ... la foudre silencieuse, sans aucun nuage, arrachant son feu aux régions arctiques frappa le sommet latial »64.
190[62] Ib., 549-552
191Vestali raptus ab ara / ignis et ostendens confectas flamma Latinas / scinditur in partis geminoque cacumine surgit / Thebanos imitata rogos.
192« Le feu pris à l’autel de Vesta, la flamme qui signale la fin des Féries latines se fend en deux et sa cime s’élève double, imitant les bûchers thébains »65.
193[62bis] Scholia (M. A. Lucani Commenta Bernensia, éd. H. Usener, Leipzig, 1869, p. 37)
194a) ad v. 550 : L. feriae Latinae XXX diebus fiunt. die qua explicantur sic dicitur ‘confectae feriae Latinae’. eo die sacra celebrantur.
195b) Adnotationes super Lucanum, I. Endt éd., Leipzig, 1909, p. 31, ib. : Ioui Latiali sacrificia fiunt, unde Latinae feriae nuncupantur. Ergo confectas id est perditas Latinas ostendebat flamma, quae se extis impositis diuidebat.
196[63] 3, 87-88 (à propos de l’arrivée de César à Rome)
197... quaque iter est Latiis ad summam fascibus Albam ; / excelsa de rupe procul iam conspicit urbem...
198« ... et là où il y a un chemin pour les faisceaux latins vers le sommet d’Albe ; du haut de la roche il contemple déjà au loin la ville... »66.
199[63bis] Scholia (H. Usener, o.c., p. 94)
200ad v. 87 : zeugma : superauerat. qua iter est consulibus ad Albam, hoc est kal. ianuariis. Peractis comitiis in campo martio kl. ianuarias. ordinati consules ibant sacrificare albanum montem.
201ad v. 88 : de tertio decimo lapide dicit.
202[64] 5, 400-402
203Nec non Iliacae numen quod praesidet Albae, / haud meritum Latio sollemnia sacra subacto / uidit flammifera confectas nocte Latinas.
204« Et dans le Latium asservi, la divinité qui protège Albe la troyenne / vit, sans l’avoir mérité les sacrifices solennels / et les féries latines qui s’achèvent dans la nuit illuminée par les flammes »67.
205[64bis] Adnotationes..., I. Endt éd., o.c., p. 178 : ad v. 400 : Vestam dicit, ignem aeternum, et Iouem Latialem, ubi per nouem dies solebant haec sacrificia celebrari.
206Ib., p. 179, ad v. 402 : sensus hic est : uidit Iuppiter conpletas Latinas ferias, quae per noctem in Albano monte flammis declarantur, tunc cum illic ludi luduntur a consule ; hoc ergo accipiamus : haec sacra Caesarem sollemniter celebrasse, cum adeptus est dictaturam et consulatum (cf. aussi arg., l. 5, p. 158).
207[65] 7, 394-396
208Albanosque lares Laurentinosque penates / rus uacuum, quod non habitet nisi nocte coacta / inuitus questusque Numam iussisse senator.
209« ... les Lares albains et les Pénates laurentins ; campagne vide qu’habite seulement, à la nuit noire, un sénateur contraint et mécontent que Numa l’ait ordonné ainsi »68.
210[65bis] Scholia (H. Usener, o.c., p. 236-237)
211a) ad v. 396 : Numa Pompilius multorum fuit auctor sacrorum, qui hoc instituit ut aput uicina urbi loca sacrificia fierent. dicit ergo senatores qui munus hoc subirent indigne tulisse, quod in Albana solitudine manerent, cum e uestigio recurrere Romam non possent, pro condicione scilicet noctis.
212b) Adnotationes..., I. Endt éd., o.c., p. 272 : ad v. 394 : hae urbes Alba et Laurentum sacra Romana custodiunt.
213Ib., ad v. 395 : mittebantur enim in Laurentum et in Albanum senatores, ut per noctem illic sacrificia celebrarent, quae Numa primus instituit.
Pline l’Ancien
214[66] 3, 5, 64
215<C>abienses in monte Albano69.
216[67] Ib., 5, 68-69
217In prima regione praeterea fuere in Latio clara oppida [suivent 20 noms de cités]... [§ 69] et cum iis carnem in monte Albano soliti accipere populi Albenses Albani Aesolani Accienses Abolani Bubetani Bolani Cusuetani Coriolani Fidenates Foreti Hortenses Latinienses Longani Manates Macrales Munienses Numinienses Olliculani Octulani Pedani Poletaurini Querquetulani Sicani Sisolenses Tolerienses Tutienses Vimitellari Velienses Venetulani Vitellenses [70] ita ex antiquo Latio LIII populi interiere sine uestigiis.
218« Dans la première région, il y avait en outre dans le Latium des villes célèbres [...] et, avec celles-ci, les peuples qui selon la coutume partageaient la viande du sacrifice sur le mont Albain [...]. Ainsi cinquante-trois peuples du Latium Ancien ont disparu sans laisser de traces »70.
219[68] 14, 14 (88)
220Romulum lacte non uino libasse indicio sunt sacra ab eo instituta quae hodie custodiunt morem.
221« Romulus faisait des libations de lait, non de vin, comme le prouvent les cérémonies religieuses qu’il institua et dont le rite demeure aujourd’hui »71.
222[69] 15, 38, 126
223L. Piso tradit Papirium Masonem, qui primus in monte Albano triumphauit de Corsis, myrto coronatum ludos Circenses spectare solitum...
224« L. Pison rapporte que Papirius Mason, dont le triomphe sur les Corses fut célébré pour la première fois sur le mont Albain, avait l’habitude d’assister couronné de myrte au spectacle des jeux du Cirque »72.
225[70] 27, 28, 45
226Absinthii genera plura sunt : [...] multoque Italicum amarius [...]. De usu eius conuenit, herbae facillimae atque inter paucas utilissimae, praeterea sacris populi Romani celebratae peculiariter, siquidem Latinarum feriis quadrigae certant in Capitolio uictorque absinthium bibit, credo, sanitatem praemio dari honorifice arbitratis maioribus. Stomachum corroborat, et ob hoc sapor eius in uina transfertur, ut diximus.
227« Il y a plusieurs espèces d’absinthe : [...] celle d’Italie est beaucoup plus amère [...]. Tout le monde s’accorde sur son usage, car c’est une plante des plus faciles à reconnaître et d’une rare utilité ; de plus elle est spécialement en honneur dans les cérémonies religieuses du peuple romain, puisqu’aux festivités célébrées pendant les féries latines, dans la course de chars qui a lieu au Capitole, on donne à boire au vainqueur une coupe d’absinthe, nos ancêtres ayant jugé, je crois, que c’était une récompense honorifique que de lui donner la santé. Elle fortifie l’estomac, aussi fait-on, comme nous l’avons dit, un vin au goût d’absinthe »73.
228[71] 34, 18, 43
229Factitauit colossos et Italia. [...] Fecit et Sp. Caruilius Iouem qui est in Capitolio, uictis Samnitibus sacrata lege pugnantibus e pectoralibus eorum ocreisque et galeis. Amplitudo tanta est ut conspiciatur a Latiari Ioue.
230« En Italie également on a fait de nombreux colosses. [...] Sp. Carvilius fit également faire, après sa victoire sur les Samnites qui combattaient liés entre eux suivant un rite sacré, le Jupiter qui est au Capitole, avec les cuirasses, les jambières et les casques des vaincus. Il est si grand qu’on peut l’apercevoir du sanctuaire de Jupiter Latial »74.
Plutarque
231[72] Romulus, 23, 6
232οί δὲ προγενέστεροι Λατῖνοι πέμψαντες αὐτῷ φιλίαν ἐποιήσαντο καὶ συμμαχίαν.
233« Les Latins autochtones lui [= à Romulus] envoyèrent des ambassadeurs et conclurent avec lui un traité d’alliance et d’amitié »75.
234[73] Camille, 4, 6 et 7 (après la prédiction du devin capturé, concernant le débordement du lac Albain, le Sénat envoie une délégation à Delphes)
235[6] οἱ δὲ πεμφθέντες ἄνδρες ἔνδοξοι καὶ μεγάλοι, Κόσσος Λικίνιος καὶ Οὐαλέριος Ποτῖτος καὶ Φάφιoς ῎Λμβουστος, πλῷ τε χρησάμενοι καὶ τῶν παρὰ τοῦ θεοῦ τυχόντες ἧκον ἄλλας τε μαντείας κομίζοντες, αἵ πατρίων τινῶν περί τὰς καλουμένας Λατίνας ἑορτὰς ỏλιγωρίαν ἔφραζον αὐτοῖς [...] [7] ‘Λπαγγελθέντων δὲ τούτων οἱ μὲν ἱερεῖς τὰ περί τὰς θυσίας ἔπραττον, ὁ δὲ δῆμος ἐχώρει πρòς τὰ ἔργα καὶ τò ὕδωρ ἐξέτρεπεν.
236« On y délégua des hommes illustres et puissants, Cossus Licinius, Valerius Potitus et Fabius Ambustus, qui firent la traversée et rapportèrent plusieurs oracles qu’ils avaient reçus du dieu. Ces oracles les avertissaient que certains rites traditionnels avaient été négligés lors de la célébration des fêtes appelées féries latines. [... ] les réponses reçues, les prêtres réparèrent les fautes commises dans les cérémonies religieuses, tandis que le peuple allait accomplir les travaux prescrits et détourner l’eau du lac »76.
237[74] Ib., 42, 6 (après la décision qui accorde à la plèbe le droit d’élire dans ses rangs l’un des deux consuls)
238Τῆ δ’ ὑστεραία συνελθόντες ἐψήφίσαντο [...] ταῖς δὲ καλουμέναις Λατίναις μίαν ἡμέραν προσθέντας ἑορτάζειν τέτταρας, παραυτίκα δὲ θύειν καὶ στεφανηφόρεῖν ‘Ρωμαίους ἅπαντὰς.
239« Le lendemain, le peuple s’assembla et décréta [...] qu’on ajouterait une journée aux fêtes appelées féries latines de façon à les faire durer quatre jours, et qu’à l’heure même tous les Romains prendraient part à un sacrifice, la couronne sur la tête »77.
240[75] Marcellus, 22, 1
241Ένισταμένων δὲ τῶν ἐχθρῶν τῷ Μαρκέλλsῳ πρòς τòν θρίαμβον, ἐπεί καὶ πράξεις τινὲς ὑπολιπεῖς ἧσαν ἔτι περί Σικελίαν καὶ φθόνον εἷχεν ὁ τρίτος θρίαμβος, συνεχώρησεν αὐτòς τòν μὲν ἐντελῆ καὶ μέγαν εις τò ‘Λλβανòν ὄρος ἐξελάσαι, τòν δ’ ἐλάττω καταγαγεῖν εἰς τὴν πόλιν, ὃν εὔαν μὲν Έλλήνες, ὄβαν δὲ ‘Ρωμαῖοι καλοῦσι [...] [8] Ὄβις δὲ τὰ πρόβατα ‘Ρωμαῖοι καλοῦσιν ἐκ τούτου καὶ τòν θρίαμβον ὄβαν ὠνόμασαν.
242« Les ennemis de Marcellus s’opposant à son triomphe, parce qu’il restait encore en Sicile des affaires à terminer et qu’un troisième triomphe excitait l’envie, il céda et consentit à célébrer le grand triomphe complet sur le mont Albain et à ne mener dans la ville que le petit, que les Grecs appellent évoé et les Romains ovation. [...] Or les Romains appellent la brebis ouis et c’est de là qu’ils ont nommé ovation le petit triomphe »78.
243[76] César, 34, 1
244Οί μὲν οὖν ὕπατοι μήδ’ ἅ νóμος ἐστὶ πρὸ ἐξόδου θύσαντες ἒφυγον.
245« Donc les consuls s’enfuirent, sans même offrir les sacrifices que l’usage prescrit lorsqu’ils sortent de la ville »79.
246[77] Ib., 60, 3 (janvier 44)
247Καὶ καταβαίνοντος ἐξ ῎Λλβης Καὶσαρος εἰς τὴν πόλιν, ἐτόλμησαν αὐτòν ἀσπά-σασθαι βασιλεία.
248« ... et, un jour que César descendait d’Albe à Rome, ils osèrent le saluer du titre de roi »80.
Tacite
249[78] Ann., 4, 36, 1 (25 ap. J.-C.)
250Ceterum postulandis reis tam continuus annus fuit ut feriarum Latinarum diebus praefectum Vrbis Drusum, auspicandi gratia tribunal ingressum, adierit Calpurnius Saluianus in Sex. Marium.
251« Au demeurant, l’année n’offrit à ce point aucun répit pour les demandes d’accusation que, pendant les Féries latines, et alors que Drusus, préfet de la Ville, était monté sur son tribunal pour prendre les auspices, il fut abordé par Calpurnius Salvianus pour accuser Sex. Marius »81.
252[79] Ib., 6, 11, 1 et 2
253Namque antea, profectis domo regibus ac mox magistratibus, ne Vrbs sine imperio foret, in tempus deligebatur qui ius redderet ac subitis mederetur ; feruntque ab Romulo Dentrem Romulium, post ab Tullo Hostilio Numam Marcium et ab Tarquinio Superbo Spurium Lucretium impositos. Dein consules mandabant, duratque simulacrum quotiens ob Ferias Latinas praeficitur qui consulare munus usurpet.
254« Car, auparavant, lorsque les rois puis les magistrats étaient absents de Rome, afin que la Ville ne restât pas sans magistrats, on désignait, provisoirement, quelqu’un pour dire le droit et parer aux situations imprévues ; on rapporte que Romulus confia cette charge à Denter Romulius, Tullus Hostilius, ensuite, à Numa Marcius, et Tarquin le Superbe à Spurius Lucretius. Puis ce furent les consuls qui conféraient cette charge et il en reste un vestige, chaque fois que, en raison des féries latines, on désigne un magistrat pour exercer les fonctions consulaires »82.
Juvénal
255[80] Sat., 8, 155-161 (à propos, sans doute, de Plautius Lateranus, consul désigné en 65)
256Interea, dum lanatas robumque iuuencum / more Numae caedit, Iouis ante altaria iurat / solam Eponam et facies olida ad praesepia pictas. / Sed, cum peruigiles placet instaurare popinas, / obuius adsiduo Syrophoenix unctus amomo / currit, Idymaeae Syrophoenix incola portae, / hospitis adfectu dominum regemque salutat...
257« Cependant, tandis qu’il immole des animaux à laine et un jeune taureau roux selon le rituel de Numa, il ne jure, devant l’autel de Jupiter, que par Epone et par les figures peintes dans son écurie puante. Mais, lorsqu’il lui plaît d’aller, pour toute la nuit, retrouver les tavernes, un Syrophénicien, habitant de la porte iduméenne, le salue, avec la cordialité d’un hôte, des noms de maître et de roi... »83.
258[80bis] Scholia in Iuenalem uetustiora, ad S., 4, 60, P. Wessner éd., 1931, p. 58
259Romani cum Tullo Hostilio rege cum diripuissent Albam, sacra sublata Romam transtulerunt et deos penates [...] ex libris Sibyllinis iussipontifices ex SC. Albae sacra renouare.
Suétone
260[81] Caesar, 79, 2
261Nam cum in sacrificio Latinarum reuertente eo inter immodicas ac nouas populi acclamationes quidam e turba statuae eius coronam lauream candida fascia praeligata inposuisset...
262« Il revenait des fêtes latines, salué par le peuple d’acclamations excessives et inouïes, lorsqu’un homme sortant de la foule couronna sa statue d’une branche de laurier que nouait par devant une bandelette blanche... »84.
263[82] Caligula, 22, 3
264... et quidam eum Latiarem Iouem consalutarunt.
265« ... et certains le saluèrent du nom de Jupiter Latial »85.
266[83] Nero, 7, 8
267Auspicatus est et iuris dictionem praefectus urbi sacro Latinarum, celeberrimis patronis non tralaticias, ut assolet, et breuis, sed maximas plurimasque postulationes certatim ingerentibus, quamuis interdictum a Claudio esset.
268« Il rendit aussi la justice pour la première fois comme préfet de Rome, durant les fêtes latines, et les plus célèbres avocats rivalisèrent entre eux pour porter à son tribunal non point, suivant l’usage, des affaires courantes et vite réglées, mais une foule de causes très importantes, cela malgré l’interdiction de Claude »86.
Florus
269[84] Ep., 2, 6, 8 (à propos de la Guerre sociale)
270Primum fuit belli in Albano monte consilium, ut festo die Latinarum Iulius Caesar et Marcius Philippus consules inter sacra et aras immolarentur. Postquam id nefas proditione discussum est...
271« Le premier plan de guerre consistait à immoler sur le mont Albain, le jour des féries latines, les consuls Julius César et Marcius Philippus, au milieu des sacrifices et des autels. Ce plan sacrilège ayant été déjoué par la trahison... »87.
Pomponius
272[85] In Dig., 1, 2, 2, 33
273... quotiens autem proficiscuntur (magistratus), unus relinquitur, qui ius dicat : is uocatur praefectus urbi qui praefectus olim constituebatur : postea fere Latinarum feriarum causa introductus est et quotannis obseruatur.
274« ... à chaque fois que les magistrats sortent de la Ville, on en laisse un pour rendre la justice : on appelle préfet de la ville celui qui autrefois était installé en tant que préfet ; par la suite il a été introduit en raison des féries latines et il est en fonction chaque année »88.
Novatien
275[86] de spect., 5, 1
276Plura prosequi quid est necesse uel sacrificiorum in ludis genera monstruosa describere, inter quae nonnumquam et homo fit hostia latrocinio sacerdotis, dum cruor etiam de iugulo calidus exceptus spumanti patera, dum adhuc feruet, et quasi sitienti idolo in faciem iactatus crudeliter propinatur, et inter uoluptates spectantium quorundam mors erogatur, ut per cruentum spectaculum saeuire discatur, quasi parum sit homini priuata sua rabies, nisi illam et publice discat.
277« Pourquoi poursuivre davantage et décrire même les monstrueux genres de sacrifices qu’offrent les jeux ? Par exemple, il arrive même qu’un homme soit traité en victime par l’acte criminel d’un prêtre : c’est alors que le sang est recueilli tout chaud de la gorge même dans une coupe fumante, tant qu’il bouillonne encore ; et comme si l’idole en avait soif, on lui en jette à la face et on en boit – quelle cruauté ! – en son honneur ; pour le plus grand plaisir de certains spectateurs, on offre la mort, pour qu’on apprenne, grâce à un spectacle sanglant, à être cruel : comme si la fureur que peut éprouver un homme en son particulier était insuffisante s’il n’en faisait aussi l’apprentissage en public »89.
Justin
278[87] Ap., 2, 12, 5 = 80M
279··· καὶ ἐν τῷ αἵματος ἐμπίπλασθαι, ὡς λέγεται, τὰ ἴσα τῷ παρ’ ὑμῖν τιμωμένῳ είδώλῳ, ᾦ oὐ μόνον ἀλογων ζώων αἳματα προσραίνεται ἀλλά καὶ ἀνθρώπεια, διὰ τοῦ παρ’ ὑμῖν ἐπισήμοτάτου καὶ εὐγενεστάτου ἀνδρός τὴν πρόσχυσιν τοῦ τῶν φονευθέντων αἳματος ποιουμενοι.
280« [Pourquoi ne pas dire] qu’en nous abreuvant (comme on le dit) de sang, nous célébrons un culte semblable à celui que vous rendez à l’idole que vous honorez par des aspersions, non seulement de sang des animaux sans raison, mais même de sang humain, quand, par la main du plus illustre et du plus noble d’entre vous, vous offrez la libation du sang des hommes qui ont été mis à mort »90.
Tatien
281[88] Oratio ad Graecos, 29, 1
282... εὑρὼν δὲ παρὰ μὲν ‘Ρωμαίοις τòν κατ’ αὐτοὺς Λατιάριον Δία λύθροις ἀνθρώπων καὶ τοῖς ἀπò τῶν ἀνδροκτασιῶν αἵμασι τερπόμενον, ῎Λρτεμιν δ’ οὐ μακρὰν τῆς μεγάλής πόλεως τῶν αὑτῶν πράξεων ἐπανηρήμένήν τò εἷδός...91.
283« ... ayant trouvé que chez les Romains leur Zeus Latiaris se plaît aux victimes humaines, au sang versé par l’homicide, que non loin de la grande ville Artémis patronne les mêmes actes... »92.
Théophile d’Antioche
284[89] ad Autol., 1, 10, 3
285Ζεὺς μὲν γάρ ἐν πρώτοις προσαγορεύεται Όλύμπιος, καὶ Ζεὺς Λατεάριος, καὶ...93.
286« On donne à Zeus, en premier lieu, le nom d’Olympien ; puis c’est Zeus du Latium... »94
287[90] Ib., 3, 8, 3
288Τί γάρ μοι καταλέγειν τὰς ἀσελγείας τῆς μητρòς θεῶν λεγομένης, ἢ Διòς τοῦ Λατεαρίου διψῶντος ἵματος ἀνθρωπείου95
289« À quoi bon énumérer les impudicités de la prétendue Mère des dieux ? ou de Zeus Latial qui a soif de sang humain ? »96.
Aulu-Gelle
290[91] Noct. Att., 14, 8
291Quaesitum esse dissensumque an praefectus Latinarum causa creatus ius senatus conuocandi consulendique habeat. [1] Praefectum urbi Latinarum causa relictum senatum habere posse Iunius negat quoniam ne senator quidem sit neque ius habeat sententiae dicendae cum ex ea aetate praefectus fiat quae non sit senatoria. 12 I M. autem Uarro, in IIII ‘epistolicarum quaestionum’ et Ateius Capito in ‘Coniectaneorum’ I ius esse praefecto senatus habendi dicunt ; deque ea re adsensum esse <se> Capito Tuberoni contra sententiam Iunii refert : « Nam et tribunis, inquit, plebis senatus habendi ius erat quamquam senatores non essent ante Atinium plebiscitum ».
292« Question posée et réponses contradictoires sur le droit du préfet nommé pour les féries Latines de convoquer et de consulter le sénat. Junius affirme que le préfet de la ville laissé à Rome pour les féries Latines ne peut pas réunir le sénat, puisque, dit-il, il n’est pas même sénateur et n’a pas le droit d’opiner au sénat car on devient préfet à un âge où on ne peut être sénateur. Mais Marcus Varron dans le livre IV des Questions épistolaires et Ateius Capiton au livre I des Conjectures disent que le préfet a le droit de réunir le sénat ; et Capiton rapporte qu’il a approuvé Tubéron contrairement à l’avis de Junius : ‘Car les tribuns de la plèbe aussi, dit-il, avaient le droit de réunir le sénat bien qu’ils ne fussent pas sénateurs avant le plébiscite Atinien’ »97.
Tertullien
293[92] Apol., 9, 5 (écrit en 197)
294Sed et in illa religiosissima urbe Aeneadarum piorum est Iuppiter quidam, quem ludis suis humano sanguine proluunt. Sed bestiarii, inquitis – Hoc, opinor, minus quam hominis ! An hoc turpius, quod mali hominis ? Certe tamen de homicidio funditur. O Iouem Christianum et solum patris filium de crudelitate !
295« Mais jusque dans cette très religieuse cité des pieux descendants d’Enée, il y a un certain Jupiter que dans ses jeux on arrose de sang humain. « C’est le sang d’un bestiaire », direz-vous. Apparemment, c’est là moins que le sang d’un homme ! N’est-il pas encore plus honteux, que ce soit le sang d’un malfaiteur ? Ce qui est sûr, du moins, c’est qu’il est versé par un homicide. Oh ! le Jupiter chrétien et fils unique de son père par la cruauté ! »98.
296[93] Spect., 6, 2 (écrit entre 197 et 202)
297Megalenses enim et Apollinares, item Cereales et Neptunales et Latiares et Florales in commune celebrantur...
298« En effet, tandis que les jeux qui honorent Cybèle et Apollon, de même que Cérès, Neptune, Jupiter Latial et Flore sont célébrés dans l’intérêt général... »99.
299[94] Scorp. (écrit en 212), 7, 6
300Sed enim Scytharum Dianam aut Gallorum Mercurium aut Africorum Saturnum hominum uictima placari apud saeculum licuit, et Latio ad hodiernum Ioui media in urbe humanus sanguis ingustatur, nec quisquam retractat aut non rationem praesumit aliquam aut inaestimabilem dei sui uoluntatem100.
301« Mais il a été permis chez les païens d’apaiser Diane, Mercure ou Saturne, vénérés respectivement par les Scythes, les Gaulois et les Africains, par un sacrifice humain ; et aujourd’hui encore, le Jupiter du Latium, en plein milieu de la Ville, se repaît de sang humain, et personne ne proteste ou ne présume que c’est sans quelque motif ou sans une volonté incommensurable de son propre dieu ».
Dion Cassius101
302[95] a) Livre 39, 15 (57 av. J.-C.)
303τò δὲ Θεῖον κεραυνῷ κατ’ ἀρχὰς εὐθὺς τοῦ ἐχόμένoυ ἔτους τò ἄγαλμα τοῦ Διòς τοῦ ἐν τῷ ‘Λλβανῷ ίδρυμένου βάλων.
304« ... du reste aussitôt au début de l’année suivante, la statue de Jupiter sur le mont Albain fut frappée par la foudre... »102.
305b) 39, 20 (56 av. J.-C.)
306ἔν τε γὰρ τῷ ‘Λλβανῷ νεὼς ῞Hρας βραχὺς ἐπὶ τραπέζης τινòς πρòς ἀνατολῶν ἱδρυμένος πρòς τὴν ἄρκτον μετεστράφή.
307« ... sur le mont Albain, un petit temple de Junon, placé sur une base carrée et dont la porte regardait l’orient, se tourna du côté du couchant... »103.
308c) Ib.
309... καὶ θόρυβος ἐν τῷ Λατίνῳ ὐπò γῆς ἐξηκοὑσθή.
310« ... un bruit souterrain se fit entendre dans la campagne du Latium... »104.
311d) 39, 30, 4 (56 av. J.-C.)
312οὐκ ἐπὶ τὰς ἀνοχὰς τὰς Λατίνας, δεύτερον τότε ὐπό τινoς οὐκ ὀρθῶς πραχθέντος ποιουμένας, ἐς τò ‘Λλβανòν άφίκοντο.
313« ... [les Sénateurs] ne se rendirent pas au mont Albain pour les féries latines qu’on célébrait une seconde fois, en ce moment, à cause de quelque irrégularité »105.
314[96] 41, 14, 4 (49 av. J.-C., énumération de prodiges – τείρατα)
315καὶ πολίαρχος οὐδεὶς ἐς τὰς ἀνοχάς, ὥσπερ εἴθιστο, - ἡρέθη, ἀλλ’ οἱ στρατηγοὶ πάντα τὰ ἐπιβάλλoντα αὐτῷ, ὥς γέ τισι δοκεῖ, διῴκήσαν ἕτεροι γὰρ ἐν τῷ ὐστέρῳ ἔτει φασὶν αὐτοὺς τοῦτο ποιῆσαι. Καὶ ἐκεῖνο μὲν καὶ αὗθις ἐγὲνετο...
316« On ne désigna pas, comme d’habitude, un préfet de la Ville pour les Féries, mais ce furent les préteurs qui, selon certains, se chargèrent de toutes ses obligations (mais d’autres disent que ce fut l’année suivante que les préteurs intervinrent). En réalité cela se produisit deux années de suite... »106.
317[97] 43, 48, 4 (45 av. J.-C.)
318πολίαρχός τέ τις ἐν ταῖς ἀνοχαῖς καταστὰς ἕτερον αὺτòς τῆς ὑστεραίας ἀνθείλετο, καὶ ἐκεῖνος ἄλλον ὃ μήτε πρότερον μήθ’ ὕστερόν πoτε ἐγένετο.
319« Un préfet nommé pour les Féries Latines, s’en substitua lui-même un autre le lendemain, et celui-ci un autre ; ce qui n’avait pas eu lieu auparavant, et ce qui n’eut jamais lieu dans la suite »107.
320[98] 44, 4, 3 (44 av. J.-C., à propos de César)
321μετά τε τὰς ἀνοχάς τὰς Λατίνας ἐπῖ κέλητος ἐς τὴν πόλιν ἐκ τοῦ ‘Αλβανοῦ ἐσελαύίνειν ἔδοσαν.
322« On lui permit [...] au retour du mont Albain, après les Féries Latines, de faire à cheval son entrée dans Rome »108.
323[99] Ib., 10, 1 (44 av. J.-C., après l’épisode des Lupercales)
324ώς μέντοι μετὰ τοῦτο ἐσιππεύοντα αὐτòν άπό τοῦ ‘Λλβανοῦ βασιλέα αὖθίς τινες ὡνόμασαν, καὶ αὐτòς μὲν οὐκ ἔφή βασιλεὺς ἀλλὰ Καῖσαρ καλεῖσθαι.
325« Après cette affaire cependant, tandis qu’il revenait à cheval du mont Albain, quelques-uns lui avaient encore donné le nom de roi et il répondit qu’il ne s’appelait pas roi mais César »109.
326[100] 46, 33, 4 (43 av. J..C.)
327... καὶ προσέτι καὶ τò τοὺς ὑπάτους τὴν ἔξοδον πρò τῶν Λατίνων ἀνοχῶν ποιήσασθαι · οὐ γὰρ ἔστιν ὁπóτε τούτου γενoμένου καλῶς ἀπήλλαξαν.
328« ... et s’ajoute à cela le fait aussi que les consuls sortirent de Rome avant les Féries Latines, circonstance qui, toutes les fois qu’elle se produisit, n’amena jamais que des résultats funestes »110.
329[101] a) 47, 40, 4 (42 av. J.-C., présages avant la bataille de Philippes)
330...τó τε ἄγαλμα τò τοῦ Διòς τò ἐν τῷ ‘Λλβανῷ ὂν αἷμα παρ’ αὐτὰς τὰς ἀνοχὰς ἔκ τε τοῦ δεξιοῦ ὤμου καὶ ἐκ τῆς δεξιᾶς χειρòς ἀνέδωκε.
331« ... la statue de Jupiter sur le mont Albain répandit du sang de son épaule et de sa main droites dans le temps même des Féries Latines »111.
332b) Ib., 40, 6
333... συνενηνέχθαι δέ πως ἐς ταὐτό καὶ ὅσα παρὰ τῶν ἀνθρωπων κατὰ συντυχίαν ἐπράχθη ἔδοξεν · ἔν τε γὰρ ταῖς ἀνοχαῖς ὁ πολίαρχος τὰ Λατιάρια, οὔτ’ ἄλλως προσήκοντα αὐτῷ οὔτ’ ἐν τῷ καὶρῷ ἐκείνῳ γίγνεσθαι εἰωθότα, ἐποίησεν.
334« À ces mêmes présages semblèrent se rapporter aussi toutes les actions que les hommes firent par l’effet du hasard : pendant les Féries Latines, le préfet de la ville célébra les Latiares, bien que ce ne fût ni dans ses attributions ni à l’époque habituelle »112.
335[102] 49, 16, 2 (36 av. J.-C.)
336... οὔτε πολίαρχος ἐς τὰς ἀνοχὰς ἀπεδείχθη, ἀλλ’ ἐκ τῶν στρατήγῶν τινες τὰ ἐπιβάλλοντα αὐτῷ διήγαγον.
337« ... il n’y eut pas non plus de préfet désigné pour les Féries Latines, mais certains des préteurs accomplirent ce qui lui incombait »113.
338[103] Ib., 42, 1 (34 av. J.-C., après la mention des fêtes pour Vénus Genetrix célébrées en juillet)
339ἔν τε ταῖς ἀνοχαῖς αἱρετοὶ ὑπò τοῦ Καὶσαρος πολίαρχοι, παῖδες ἄνηβοι, ἐξ ἱππέων ἀλλ’ οὐκ ἐκ βουλευτῶν γεγoνότες ἦρξαν.
340« Pendant les Féries Latines, César choisit des enfants impubères, fils de chevaliers et non de sénateurs, pour exercer la charge de préfet de la ville »114.
341[103bis] 50, 8, 6 (32 av. J.-C., à propos d’Antoine)
342τòν δ’ ὄλεθρον εἰκών τις αὐτοῦ ἐν τῷ ‘Λλβανῷ παρὰ τῷ Διί ἀνακειμένή · λιθίνη γὰρ ο ὖσα αἷμα πόλὺ ἀνῆκε.
343« La mort de celui-ci fut en outre annoncée par une statue le représentant qui était placée près de celle de Jupiter sur le mont Albain : quoiqu’en pierre, elle laissa couler des flots de sang »115.
344[104] a) 53, 32 (23 av. J.-C.)
345··· ἀπεῖπε τὴν ὑπατείαν ἐς<τό> ‘Λλβανόν ἐλθών.
346« ... il abdiqua le consulat dans sa terre d’Albe, où il était allé »116.
347b) Ib., 33, 3 (23 av. J.-C.)
348... κἀν ταῖς ἀνοχαῖς δύο καθ ‘ ἑκάστην ἠμέραν ἐπολιάρχήσαν, καὶ εἷς γέ τις αὐτῶν οὐδ’ ἐς μειράκιά πω τελῶν ὅμως ἦρξεν.
349« ... durant les Féries Latines il y eut chaque jour deux préfets urbains et même l’un d’entre eux, bien qu’il ne fût pas même à l’âge de jeunesse, ne laissa pas d’exercer sa charge »117.
350[105] 54, 6, 6 (21 av. J.-C., des troubles populaires, à l’occasion de l’élection consulaire, conduisant Auguste, alors en Sicile, à marier Agrippa à Julie et à lui confier le gouvernement de la Ville, celui-ci prend diverses mesures)
351... ταραχῆς δέ τινός περὶ<τὴν>τοῦ πολιάρχου τοῦ διὰ τὰς ἀνοχάς αἱρουμένου χειροτονίαν συμβάσης οὐκ ἐπεκράτήσεν αὐτῆς, ἀλλὰ ἄνευ τῆς ἀρχῆς ταύτης τòν ἐνιαυτòν ἐκεῖνον διεγένοντο.
352« ... l’élection du préfet urbain pour les Féries Latines ayant suscité quelques troubles, il ne put venir à bout de l’élection, et les fêtes eurent lieu, cette année-là, sans préfet »118.
353[106] Ib., 17, 2 (18 av. J.-C., mesures prises par Auguste)
354τóν τε πολίαρχον τòν ὲς τὰς ἀνοχὰς καθιστάμενον ἕνα ἀεί αίρεῖσθαι.
355« Il ordonna aussi qu’on n’élirait toujours qu’un seul préfet des Féries Latines »119.
356[107] Ib., 29, 7 (12 av. J.-C., après la mort d’Agrippa)
357... καὶ κεραυνòς ἐς τὴν ἐν τῷ ‘Λλβανῷ οἰκίαν, ἐς ἣν οἱ ὓπατοι ἐν ταῖς ίερουργίαις καταλύουσιν, ἐνέσκήψε.
358« ... la foudre frappa, sur le mont Albain, la maison dans laquelle descendent les consuls pendant le temps des sacrifices »120.
359[108] 55, 2, 5 (9 av. J.-C.)
360Τὰ δ’ αὐτὰ ταῦτα καὶ τῷ Δρούσῳ ἡτoιμάζετό · καί γε αἱ ἀνοχαὶ δεύτερον τὴν χάριν αὐτοῦ, πρòς τò τὰ νικητήρια ἐν ἐκείναις αὐτòν ἑορτάςαι, γενήσεσθαι ἔμελλον.
361« Les mêmes préparatifs se faisaient aussi en l’honneur de Drusus : les Féries Latines allaient être célébrées une seconde fois, pour que les fêtes de son triomphe eussent lieu pendant cette solennité »121.
362[109] 59, 28, 5 (40 ap. J.-C., à propos de Caligula)
363Δία τε Λατιάριον τε ἑαυτòν ὀνομάσας.
364« Il se fit appeler Jupiter Latial »122.
365[110] 60, 5, 8 (41 ap. J.-C., mesures prises par Claude)
366... τούς τε γαμβροὺς τότε τε ἐν τοῖς εἴκοσιν ἀνδράσιν ἄρξαι καὶ μετὰ τοῦτο πολιαρχῆσαι ἐν ταῖς ἀνοχαῖς ἐκέλευσεν.
367« ... il voulut que ses gendres fussent alors investis du vingitivirat et ensuite de la charge de préfets urbains pendant les Féries Latines »123.
368[110bis] 63, 26 (68 ap. J.-C., à propos de Néron)
369ἐν τῷ ‘Λλβανῷ τοσούτῳ δή τινι αἳματι ὗσεν ὥστε καὶ πoταμοὺς ῥυῆναι.
370« ...une pluie de sang tombée avec tant d’abondance dans le pays d’Albe, que les fleuves en avaient charrié dans leurs eaux... »124.
Minucius Felix
371[111] Octau., 22, 6 (écrit entre 210 et 245)
372Quid ? ipse Iuppiter vester [...] et cum Latiaris (s.e. dicitur), cruore perfunditur...
373« Et votre grand Jupiter lui-même ? [...] l’appelle-t-on Latial ? il est arrosé de sang... »125.
374[112] Ib., 30, 4
375... hodieque ab ipsis Latiaris Iuppiter homicidio colitur, et, quod Saturni filio dignum est, mali et noxii hominis sanguine saginatur.
376« ... de nos jours encore Jupiter Latiaris est honoré, chez les mêmes Romains, par un homicide, et, traitement qui sied au fils de Saturne, engraissé du sang d’une canaille criminelle »126.
Porphyre
377[113] De Abst., 2, 56, 9
378‘Λλλ’ ἔτι γε νῦν τίς ἀγνοεῖ κατὰ τὴν μεγάλήν πóλιν τῆ τοῦ Λατιαρίου Διòς ἑορτῆ σφαζόμενον ἄνθρωπον ;
379« Mais aujourd’hui encore, qui ignore que dans la Grande Ville un homme est égorgé lors de la fête de Zeus Latin ? »127.
Eusèbe
380[114] De laud. Constantini (MPG, 20, 1857, col. 1403-4 = G.C.S., Eusebius, 1, p. 239).
381Ταῦτα μὲν φιλοσόφων οἱ καὶ δoκιμώτατοι μεμαρτυρήκασιν ο ὕτως ἔχειν.
382« Même les plus estimés des philosophes ont témoigné de la réalité de cette situation »128.
Arnobe
383[115] Adu. nat., 2, 68
384In Albano antiquitus monte nullos alios licebat quam niuei tauros immolare candoris : nonne istum morem religionemque mutastis atque ut rufulos liceret dari, senatus constitutum sanctione ?
385« ... de tout temps, sur le mont Albain, il n’était permis d’immoler que des taureaux d’une blancheur de neige : n’est-il pas vrai que vous avez changé cette coutume et cette superstition et n’a-t-il pas été décidé, par un vote du sénat, qu’il fût permis d’en offrir des roux ? »129.
Lactance
386[116] Inst. div, 1, 21, 3
387Ne Latini quidem huius immanitatis expertes fuerunt, siquidem Latiaris Iuppiter etiamnunc sanguine colitur humano.
388« Les Latins eux-mêmes n’étaient pas exempts de pareille cruauté puisque, encore de nos jours, Jupiter Latiaris est honoré avec du sang humain »130.
389[116bis] Epitome div. Inst.
390Latiaris quoque Iuppiter humano sanguine propitiatus est.
391« Jupiter Latial se laissait également fléchir par le sang humain »131.
Firmicus Maternus
392[117] err. relig. pag., 26, 2
393... humanarum te etiam uictimarum frequenter sanguine cruentasti et Latiaris templi cruore uel ara Kartaginis rabies tua et siccarum faucium uenena nutrita sunt.
394« Souvent même tu t’es souillé du sang des victimes humaines. On a versé le sang humain dans le temple de Jupiter Latial ou sur l’autel de Carthage pour assouvir ta rage et ta gueule desséchée par le venin ! »132
Ps-Aurelius Victor
395[118] de uiris ill., 8, 3 (à propos de Tarquin le Superbe)... ferias Latinas primus instituit. « ... il fut le fondateur des fêtes latines »133.
396[118bis] Ib., 66, 12 (à propos de M. Livius Drusus)
397Et cum Latini consulem in Albano monte interfecturi essent, Philippum admonuit, ut caueret...
Histoire Auguste
398[119] Anton. philosophus, 4, 6 (à propos de Marc Aurèle, ayant revêtu la toge virile à quinze ans)
399... nec multo post praefectus feriarum Latinarum fuit. In quo honore praeclarissime se pro magistratibus agentem et in conuiuiis Hadriani principis ostendit.
400« Peu après il fut préfet des féries latines, charge dans laquelle il se montra particulièrement brillant aussi bien en remplaçant les magistrats qu’en participant aux banquets de l’empereur Hadrien »134.
Servius et pseudo-Servius
401[120] Breuis expositio, in Georg., 2, 389
402Alii dicunt : post mortem Latini regis quaesiuerunt eum in terra et in mari et nusquam inuentum est corpus eius ; quaesiuerunt eum in aere et suspendisse [se] laqueo inuentum est. Hinc initiauerunt hoc genus mortis135.
403« D’autres disent : après la mort du roi Latinus, on le chercha sur terre comme en mer et son corps ne fut jamais retrouvé ; on le rechercha dans les airs et on imagina de se balancer à une corde. C’est de là qu’on commença ce genre de mort ».
404[121] Probi comm., ib.
405Hic quoque ritus oscillorum iactationis frequens in Italia ab Atticis est traditus : ce-lebratur autem feriis sementiuis, ex hac causa ab Atheniensibus institutus136.
406« Ce rite également du balancement des disques votifs, qui est répandu en Italie, y fut introduit par les habitants de l’Attique ; on le célèbre lors des fêtes des semailles, et c’est pour cette raison qu’il a été établi par les Athéniens ».
Serv. auct., ib.
407[122]
408... oscilla autem dicta, siue quoniam capita et ora hostiarum in summis perticis figebantur, siue quia hunc lusum Osci dicuntur frequenter exercuisse et rem per Italiam sparsisse137.
409« ... or on les appelle des ‘oscilla’, soit parce que les têtes et les visages des victimes étaient fixés au sommet des portails, soit parce que les Osques passent pour avoir pratiqué assidûment ce jeu et en avoir répandu la pratique à travers l’Italie ».
410[123] ad Aen., 1, 211
411... in Albano Latinis uisceratio dabatur, id est caro138.
412« ... sur le mont Albain on donnait lors des fêtes Latines des parts de chair, c’est-à-dire de viande ».
413[124] Ib., 7, 716
414Populique Latini qui intererant Albani montis uiscerationi...139
415« Et les peuples Latins qui participaient à la distribution de viande du mont Albain... ».
416[125] Ib., 12, 135
417... hoc ideo ait, quia in Albano res diuina a iure triumphantibus fieri solebat, scilicet quod Alba patria populi Romani habetur, unde omnis origo Romana : propter quod Albanique patres : et Iuppiter Latiaris antiquissimus est – ergo montis huiusce ‘gloria’, quod patria populi Romani esse dicatur ; ‘honos’ uero res diuina, quae ibi a Romanis fieri consueuerat ; ‘nomen’ quis ignorat a longa Alba f tractaturi [tractum ex re ?] ?140
418« Il dit cela pour la raison que sur le mont Albain un sacrifice était d’ordinaire célébré par ceux qui obtenaient légalement le triomphe, précisément parce qu’Albe est considérée comme la patrie du peuple Romain, elle d’où procède toute l’origine romaine : voilà pourquoi <l’expression> les pères Albains : Jupiter Latial également est très ancien ; c’est donc de ce mont-là que vient la ‘gloire’, dans la mesure où l’on dit que c’est la patrie du peuple Romain ; quant à l’’honneur’, il s’agit en réalité du sacrifice, que les Romains avaient l’habitude de célébrer là-bas ; pour le ‘nom’, qui ignore qu’il vient d’Albe La Longue ? ».
[126] Scholia in Cic. orat. Bobiensia
419Oppida commemorauerat Lauicanum et Gabinum et Bouillas prope iam uacua et populi exiguitate deserta, quae Laterensem non tantopere suffragiis suis potuerint adiuuare. Quod uero mentionem petendae carnis fecit, pertinet ad consuetudinem sacri anniuersarii. Nam Latinae feriae a quo fuerint institutae, dissentiunt plerique auctores. Alii ab L. Tarquinio Prisco, rege Romanorum, existimant, alii uero a Latinis priscis. Atque inter hos ipsos causa sacrificii non conuenit. Nam quidam id initum ex imperato Fauni contendunt, nonnulli post obitum Latini regis [et] <aut> Aeneae, quod ii nusquam comparuerant. Itaque ipsis diebus ideo oscillare instituerunt, ut pendulis machinis agitarentur : quoniam eorum corpus in terris non esset repertum, ut animae uelut in aere quaererentur. Feriarum Latinarum sacrificio solebat hoc obseruari, ut <ex> hostia ciuitates adiacentes portiunculas carnis acciperent [ex] <in> Albano monte secundum ueterem superstitionem. Uerum tam exiguum in illis ciuitatibus numerum hominum significat, ut desint etiam, qui carnem petitum de sollemni more mittantur141.
420« Il avait rappelé les villes de Labicum, de Gabies et de Bovillae, désormais presque vides et rendues désertes à cause d’une population très peu nombreuse, villes qui n’auraient pas tellement pu aider Laterensis de leurs suffrages. Quant à la mention de la demande de viande qu’il y faisait, elle regarde l’habitude d’un sacrifice annuel. Car sur l’identité du fondateur des fêtes latines, il y a désaccord entre la plupart des auteurs. Les uns l’attribuent à L. Tarquin l’Ancien, roi des Romains, mais les autres aux Anciens Latins. Bien plus, entre les mêmes auteurs on ne s’accorde pas sur la cause du sacrifice. En effet certains prétendent qu’il remonte au règne de Faunus, alors que quelques-uns le placent après la mort du roi Latinus ou d’Enée, parce que ceux-ci ne reparurent plus jamais. C’est pourquoi on décida de se balancer en ces jours mêmes, afin d’être secoué par des engins suspendus : dans la pensée que, puisque leurs corps n’avaient pas été retrouvés sur terre, la conséquence en serait que leurs âmes seraient recherchées pour ainsi dire dans les airs. On avait l’habitude pendant le sacrifice des fêtes latines d’observer l’usage suivant : les cités du voisinage recevaient de petites portions de viande prises sur une victime, sur le mont Albain, selon une ancienne croyance. Ce qu’il veut dire, c’est que la population dans ces cités est si réduite qu’on manque même de gens qu’on puisse envoyer pour réclamer la part de viande selon une coutume observée chaque année ».
Macrobe
421[127] Sat., 1, 16, 6
422... [feriae] conceptiuae sunt quae quotannis a magistratibus uel a sacerdotibus concipiuntur in dies uel certos uel etiam incertos ut sunt Latinae...142
423Sont mobiles les fêtes annoncées chaque année par les magistrats ou les prêtres pour des jours précis ou même indéterminés, comme le sont les Féries latines... »143.
424[128] Ib., § 16-17
425... nam cum Latiar, hoc est Latinarum sollenne, concipitur [...], nefas est proelium sumere : quia nec Latinarum tempore, quo publice quondam indutiae inter populum Romanum Latinosque firmatae sunt, inchoari bellum decebat.
426« ... en effet, après la proclamation du Latiar, ou solennités des Féries latines, [...] il est sacrilège de prendre les armes, [17] car il ne convenait pas de déclencher la guerre à l’époque des Féries latines, où était autrefois conclue une trêve officielle entre le peuple Romain et les Latins »144.
Athanase d’Alexandrie
427[129] Contra gentes, 24
428καὶ οἱ πάλαι δὲ ‘Ρωμαῖοι τòν καλoύμενον Λατιάριον Δία ἀνθρωποθυσίαις ἐθρήσκευον145.
429« Et les anciens Romains honoraient Jupiter Latiaris par des sacrifices humains »146.
Anthol. lat.
430[130] Carmen contra paganos, v. 121-122
431... desine post hydropem talem deflere maritum, de Ioue qui Latio uoluit sperare salutem147.
432« Cesse de pleurer après un tel mari malade, qui n’a voulu espérer son salut que de Jupiter Latial ».
Nonius Marcellus
433[131] Conp. doctr., 2, 122M = 176L
434Hillas intestina ueteres esse dixerunt : unde Bohillae, oppidum in Italia, quod eo bos intestina uulnere trahens aduenerit148.
435« Les Anciens disaient que les entrailles étaient des « hillae » : d’où le nom de Bohillae, bourg d’Italie, parce qu’un bovin traînant ses entrailles blessées y était parvenu ».
Julius Obsequens
436[132]
437[9] Cornelius ex monte Albano rediens membris captus ad aquas Cumanas mortuus. (Cf. T35 ; 176 av. J.-C.)
438« Cornelius, revenant du mont Albain, fut atteint d’apoplexie, et mourut aux eaux de Cumes ».
439[133] 113 av. J.-C.
440[38] Albanus mons nocte ardere uisus. Aedicula et signum de caelo tacta.
441« Pendant la nuit, le mont Albain parut tout en feu. Une (la ?) chapelle et une (la ?) statue furent frappées de la foudre ».
442[134] 42 av. J.-C. (cf. T101)
443[70] Latinis in Albano monte cum sacrificaretur ex humero et pollice Iouis cruor manauit.
444« Pendant les féries latines, alors qu’on offrait le sacrifice sur le mont Albain, du sang coula de l’épaule et du pouce de Jupiter »149.
Prudence
445[135] Contre Symmaque
446a) 1, v. 388
447Hae sunt deliciae Iouis Infernalis
448« Telles sont les délices du Jupiter infernal ».
449b) 1, v. 396-8
Funditur humanus Latiari in munere sanguis
Consessusque ille spectantium soluit ad aram
Plutonis fera uota sui.
450« On verse le sang humain dans les jeux du Latiar, et ces spectateurs assemblés s’acquittent devant l’autel de leur Pluton de leurs vœux sauvages »150.
Symmaque
451[136] Ep., 9, 147 (sans doute avant 382, adressée au préfet de la Ville)
452More institutoque maiorum incestum Primigeniae dudum apud Albam Vestalis antistitis collegii nostri disquisitio deprehendit [...] restat ut in eos qui caerimonias publicas abominando scelere polluerunt legum seueritas exeratur.
453« Suivant les règles de la tradition ancestrale, l’enquête de notre collège a mis au jour l’inceste de Primigénia, naguère la prêtresse de Vesta en Albe. [...] Il reste à déployer la sévérité des lois contre ceux qui par un forfait exécrable ont sali les rites de la Cité ».
454[137] Ib., 148 (id., adressée au vicaire de Rome)
455Secundum proximae aetatis exempla clarissimo et excellentissimo uiro fratri nostro praefecto Vrbi Primigeniae uirginis quae sacra Albana curabat a collegio nostro uindicta delata est. [...] in Primigeniam, quae pudici numinis maculauit arcana...
456« Conformément aux exemples du passé le plus récent, notre collège a remis à Son Excellence l’honorable préfet de la Ville, notre frère, le châtiment de la vierge Primigénia naguère en charge des rites albains [...] à l’encontre de Primigénia qui, en ses tréfonds, a entaché la chaste divinité... »151.
Ps-Paulin de Nole
457[138] Carmen, 32, v. 108-109
Hinc Latiare malum prisci statuere Quirites
Ut mactatus homo nomen satiaret inane152
458« C’est pour cela que les Citoyens de jadis ont établi le crime du Latiar, de manière à ce qu’un homme égorgé rassasiât un nom vide de sens ».
Etienne de Byzance
459[139] ‘Εθνικά
460... λέγεται καὶ Αλβανòς ἐν ‘Ίταλία τόπος, ἐν ᾦ ίεροπόιίαι ἐγένοντο153.
461« ... on appelle aussi Albain un lieu (une montagne), situé(e) en Italie, sur laquelle avaient lieu des cérémonies sacrées ».
Commentaires
462[140] À propos de Perse, ad Sat., 6, 55
463Bouillae sunt uicus ad undecimum lapidem Appiae uiae, quia aliquando in Albano monte ab ara fugiens taurus iam consecratus, ibi comprehensus est, inde Bouillae dictae154.
464« Bovillae est un bourg situé à l’onzième borne de la voie Appia : c’est parce qu’un jour, sur le mont Albain, un taureau qui avait déjà été consacré, s’échappant de l’autel fut repris là, que Bovillae en a pris son nom ».
465[141] Ps-Acro, Scholia in Horat. uetustiora, éd. Keller, Leipzig, 2, 1904, ad Epist., 1, 7, 76 :
466Feriis Latinis in urbe agi aliquid non licebat, hoc est nundinis, quae incertis diebus ac non praedictis fieri solebant.
Zonaras
467[142] Chron., 3, 4 (145, 16)
468... οἱ δὲ τῶν ἀνηρήμένων οἰκεῖοι μὴ τυγχάνοντες δίκής ἐν ‘Λλβανῷ θύοντα μετὰ ‘Ρωμύλου τòν Τάτιον πρoσπεσόντες κτιννύουσι155.
469« ... les parents de ceux qui avaient été tués n’obtenant pas justice, tuent Tatius alors qu’il sacrifiait avec Romulus dans le massif albain ».
[143] Documents épigraphiques
470Fasti fer. Lat.
471CIL, 6 (1876), 2011 à 2019 = CIL, 14 (1887), 2227 à 2250 et p. 490 ad n. 2237 et n. 4210a et 4210c = Inscr. It. (Degrassi), 1947, 13, 1, p. 143 à 158. Voici les extraits les plus significatifs de ces Fastes :
472a) praescriptio : [...] tur autem [...] / i[d quod] infra scriptu [m est]
473b) a. 451 : Xuiri[s legibus s]cribendis / L(atinae) f(uerunt)
474c) a. 450 : Xuiris legib[us scribe]ndis / L(atinae) non [f(uerunt)]
475d) a. 449 : [L. Val]erio P. f. P. n. Putito co(n)s(ulibus) / [L(atinae) f(uerunt) IIII eid. Ian. / [Ite]r(um) L(atinae) f(uerunt) III non. Febr. / [Tert(ium)] L(atinae) f(uerunt) k. Mai.
476e) a. 396 : [Tribunis milita]r(ibus) pro [co(n)s(ulibus)] / [L(atinae) f(uerunt) pr.] non. [...] / [M. Furio L. f. Sp. n. Ca]millo dic[tatore] /[Iter(um) L(atinae) f(uerunt)] pr. k. N(ou]
477f) a. 27 : [Imp. Caesare VII, M. Agr]ippa III co(n)s(ulibus) / [L(atinae) f(uerunt)...] non. Mai. / [Imp. Caesar uale]tudin(e) inpeditus fuit
478g) a. 24 : [L(atinae) f(uerunt)...] eid. Iun. /[Imp.] Caesar ualetud(dine) / [inpedit (us) fuit]
479h) a. 23 : [Imp. Caesare XI, C] n. Pisone co(n)s(ulibus) / [L(atinae) f(uerunt)... k] Iul. / [Imp. Cae]sar in monte fuit. / [...Imp. Ca]esar co(n)s(ulatum) abdicauit. / [Iter (um) L(atinae) f(uerunt)... ] k. Nou.
480Depuis 1947, seul un fragment (trouvé dans les fouilles de 1912-1914), dépourvu de contexte et de datation, a été publié156.
481i) Inscription trouvée en 1939157 et récemment relue ; il s’agit d’une dédicace (base de statue, reproduite sur plusieurs faces) en l’honneur de Marcus Consius Cerinthus, affranchi originaire de Ficulea et ayant exercé ses fonctions dans la première moitié du ier s. ap. J.-C. ; en voici un extrait :
[in memoriam] / M(arci) Consii Cerinthi p[atr , accensi uelati] / diuo Claudio in consulatu [in monte Albano ferias] / Latinas condenti ad sacra, [...] / [Imp(eratori) Neroni Claudio Caesari Aug(usto) Germanico] / in consulatu in monte Albano [ferias Latinas condenti ad] / sacra ; item apparenti<s> cons[ulibus in monte Albano ferias] / Latinas co[ndentibus ad sacra]...
BILAN DES SOURCES
482Les Fastes emploient, de façon constante, une formule tripartite pour indiquer la célébration des Féries : après les noms des magistrats, vient l’expression Lat(inae) fuer(unt), suivie enfin de la date. Ils commencent en 451 av. n. è. et vont jusqu’en 109 de notre ère (et peut-être 142 ou 144, si on interprète en ce sens des fragments peu clairs). Pour cette durée de plus de 560 années, les Féries ne sont attestées que pour 43 années ; c’est dire l’étendue des lacunes : un demi-siècle, par exemple, entre 448 et 398 av. J.-C., puis 137 ans entre 394 et 257, 40 années ensuite entre 257 et 218 puis entre 168 et 129 av. J.-C. ; d’autre part, les sources littéraires citées précédemment ne prennent véritablement le relais qu’à partir de 397/392 av. J.-C.158 On remarquera également que la seconde moitié du premier siècle av. J.-C. est très bien attestée, ce qui peut tenir au simple hasard de la conservation des documents ou bien refléter un soin particulier mis à l’archivage durant la période augustéenne. En amont comme en aval, le vide documentaire est total : rien avant le Décemvirat, rien après le début du second siècle de notre ère, alors qu’on peut penser que les Féries existaient déjà à l’époque royale et que les sources littéraires, d’un autre côté, paraissent en attester la persistance jusqu’au ive siècle ap. J.-C. Tout cela peut fort bien s’expliquer par des changements dans les habitudes d’archivage épigraphique ou par les hasards de la fouille159, sans que, pour autant, on doive conclure que la cérémonie n’aurait pas existé avant ou aurait cessé après. Ces Fastes étaient gravés sur des plaques comprenant chacune deux colonnes couvrant chacune trente-six années, pour une hauteur d’à peu près quatre mètres160. Rappelons qu’on ne sait rien de l’édifice où ils étaient fixés161. Si la majorité des huit fragments fut trouvée dans les fouilles des années 1868-1869, on notera que l’un (le n° 5 in Degrassi) vint au jour dès 1570, un autre apparaissant en 1765. D’une manière générale, ces documents confirment, en accord avec les sources littéraires, le rythme annuel de la célébration des Féries ; ils attestent la présence personnelle, entre autres, de Camille (en 396), de César (en 49), d’Agrippa (en 27), d’Auguste (en 23), de Claude (en 47-48) et de Néron sur le mont Albain.
483Pour ce qui est des sources littéraires, on ne peut qu’être frappé par leur nombre, qui reflète bien l’importance historique de la fête : plus de cent soixante textes s’étendant sur près de sept siècles (sans y compter Zonaras). Plusieurs de ces sources ne sont littéraires que de nom : Varron, par exemple, et Tite-Live, à plusieurs reprises, ne font selon toute apparence que reprendre des documents d’origine sacrale ; c’est ainsi qu’on rencontrera chez l’historien padouan (T33, 39, 44) la même formule que celle dont usent les Fastes pour indiquer la célébration des Féries : Latinae fuerunt. Par ailleurs, l’origine antiquaire de la célèbre liste de Pline (T67) ne fait, quant à elle, aucun doute. Du point de vue de leur répartition dans le temps, la période couvrant le premier siècle avant notre ère et les débuts de celle-ci, en y incluant Tite-Live, Denys d’Halicarnasse et Strabon, est celle qui fournit le plus gros lot de témoignages : près d’une soixantaine. Le second siècle de notre ère est représenté par une douzaine de textes, avec une percée remarquée de l’apologétique chrétienne dès sa seconde moitié ; les autres siècles, premier, troisième et quatrième, apportant chacun une vingtaine de textes. De tout cela, Byzance renvoie deux tardifs échos (T139 et 142), séparés par un intervalle de près de six cents ans. Les deux sources majeures sont Tite-Live pour la République et Dion Cassius pour l’Empire.
484Il va de soi qu’on ne saurait considérer l’ensemble de ces textes, littéraires et épigraphiques, comme un tout se suffisant à lui-même, et révélant l’alpha et l’omega d’une cérémonie et de rites qui existèrent longtemps avant les premiers et après les derniers d’entre eux. En ce sens, il est absolument nécessaire de prendre en compte les données archéologiques et le rôle qu’elles donnent aux monts Albains dans la « culture » latiale, notamment du point de vue religieux.
LES FÉRIES ROMAINES
485Une fois établi l’inventaire des sources, il convient de déterminer comment ordonner l’étude d’une cérémonie dont l’existence s’est prolongée pendant une durée de huit siècles au moins (en prenant 451 av. J.-C. comme terminus post quem), et, très probablement, bien davantage. Nul doute que cette longévité n’ait finalement découragé l’analyse : la fête qui rassemblait les habitants d’un territoire aux dimensions très restreintes ne semblait pas justifiable de la même approche que celle qui scandait le rythme d’un pouvoir devenu universel. Et quant aux vestiges proto – voire préhistoriques dont la plupart des savants s’accordent à reconnaître les traces dans la cérémonie albaine, comment ne pas penser qu’ils n’aient pas été effacés par le rituel mis en œuvre par Rome aux temps de sa splendeur ? Aussi bien, les tentatives faites pour rendre compte des particularités des Féries en fonction d’un modèle unique n’emportent guère l’adhésion : la lecture primitiviste, à orientation ethnique, proposée par A. Alfoldi162, n’explique pas que l’instrument d’expression du nomen Latinum ait pu devenir celui de l’imperium Romanum ; inversement, l’éclairage juridique apporté à la fête sous contrôle romain par la science allemande du xixe siècle163, si utile qu’il soit, laisse totalement de côté, sinon à les réduire à un simple folklore, des éléments visiblement témoins d’un très ancien passé. Ainsi, de part et d’autre, ce qui est sans doute la particularité marquante des Féries reste incompréhensible : leur longévité et les adaptations qu’elle implique.
486Pour comprendre comment cette histoire a été possible, et pour expliquer un tant soit peu comment, au cours d’une si longue durée, se sont opérés les passages successifs d’un état à un autre, il faut renoncer, pensons-nous, au projet d’un modèle unique d’explication. C’est pourquoi la complexité et la perdurance des Féries nous paraissent mieux rendues par ce qui pourrait être une espèce de modèle mobile d’interprétation, évoquant les réalisations d’un Calder. Le pivot de cet ensemble complexe pourrait être fourni tout d’abord par la toponymie, née du temps mais lui échappant peut-être en partie. La chronologie orienterait ensuite l’analyse, permettant de transformer la synchronie en diachronie : il y aurait ainsi d’abord une perspective préhistorique, où les Féries seraient à rattacher à ce que l’on peut savoir des manifestations religieuses liées à un sanctuaire de montagne. Pour les périodes protohistorique et archaïque, les ligues grecques fournissent un modèle que les Anciens eux-mêmes pouvaient avoir à l’esprit ; plus directe encore, peut-être, la référence aux confédérations étrusques, contemporaines de la ligue latine archaïque et qui l’ont peut-être inspirée. Il convient également, dans ce cadre, d’esquisser au moins une comparaison avec l’organisation et les rituels dont témoignent les Tables Eugubines, c’est-à-dire le document le plus complet sur les religions italiques. Pour l’époque romaine proprement dite, le culte public le mieux documenté, celui des arvales, fournit les termes d’une comparaison qu’on peut espérer productive. Enfin, une analyse, même brève, des circonstances qui ont conduit à l’interruption définitive des Féries peut permettre de comprendre certaines caractéristiques de la documentation. Ces pistes, au demeurant, ne sont pas neuves : la plupart ont été déjà au moins esquissées depuis longtemps çà et là ; ce qui peut être nouveau et, espérons-nous, utile, c’est le principe de leur exploration systématique et combinée. Au-delà des excellentes, mais brèves descriptions que fournissent les encyclopédies du xixe siècle164, nous avons voulu ainsi dégager de nouveaux questionnements. C’est dire qu’il s’agira, dans les pages qui suivent, beaucoup moins d’un bilan que d’un projet, avec son inévitable – et consciente – incomplétude. Ce sont les Féries en tant qu’expression de la civilisation latiale, de la religion latine et de la ligue du nomen Latinum archaïque (et éventuellement protohistorique) qui nous intéressent ici, mais on ne peut espérer, la plupart du temps, en retrouver les traces qu’à partir des rituels attestés à l’époque classique. C’est pourquoi nous donnerons à notre enquête une progression rétroactive, en commençant par la fin, de manière à partir de la célébration des Féries à l’époque impériale, pour atteindre ce qu’on peut en présumer pour l’ère archaïque puis protohistorique ; ce qui, méthodologiquement, revient à aller du connu à l’inconnu.
487Sans préjuger des interrogations plus affinées que permettra l’étude de chacun de ces aspects, on doit rappeler ici les problèmes qui sont traditionnellement évoqués165 lorsqu’on parle des Féries et du nomen Latinum : quel est le rapport exact du politique et du religieux dans leur organisation et leur rayonnement ? Comment s’articulent entre elles les différentes ligues connues sur l’espace des monts Albains, puisque, outre celle du mons Albanus, sont attestées également la réunion des peuples latins à la source Férentine, ainsi qu’une autre coalition, centrée, elle, autour du sanctuaire de la Diane de Nemi ? Quelles furent les relations entre Rome et les peuples latins rassemblés annuellement au Monte Cavo ? Ou, pour le dire autrement : comment penser la bipolarité entre la Ligue – latine – et la Ville – romaine ?
1) Noms, dates et formules
488S’offrant dans l’immédiateté de leur présence, surgis du passé le plus lointain, mais en usage jusqu’à la fin des temps romains, les noms propres – ceux qui désignaient la fête comme le lieu où elle se déroulait – doivent être analysés en première instance. On a souvent cru devoir souligner166 que les traditions concernant les Féries n’avaient rien à voir avec la légende d’une ville d’Albe ; et on l’a d’autant plus dit qu’on croyait devoir localiser la métropole mythique à Castel Gandolfo. En réalité, cette disjonction apparente n’existe pas : nous avons rassemblé dans le chapitre précédent assez de textes pour montrer, sans doute possible, qu’aux yeux de la plupart des Anciens, le mont des Féries avait été le lieu de la ville primordiale. La tradition même de la clémence de Tullus Hostilius, détruisant la ville et conservant les temples, met pour ainsi dire à découvert – notamment chez Tite-Live (T15), Denys (T48 et 49) et Strabon (T54) – le mécanisme étiologique qui a donné naissance à l’image d’une ville d’Albe ; le pluriel employé par Tite-Live laisse voir qu’il y avait d’autres édifices, outre le sanctuaire de Jupiter : et si Obsequens (T133) parle d’une aedicula, on ne sait s’il s’agit ou non d’une chapelle unique. D’autre part, à s’en tenir même aux textes qui ne parlent que des Féries, on trouve quelques allusions qui se rattachent, semble-t-il, à la légende d’une ville d’Albe, lorsqu’il est question du nouendiale sacrum (T16 et 56). Il reste que l’absence de référence à une cité albaine se remarque dans d’autres traditions, apparemment parmi les plus anciennes, comme c’est le cas de celles sur l’oscillatio (T57) : tout se passe, donc, comme s’il y avait, au moins résiduellement, une strate mythographique albaine antérieure, ou au moins étrangère à la légende d’une ville d’Albe.
489Une relation entre les Féries et la métropole latine existe pourtant indubitablement ; comment interpréter autrement le nom même qui est celui du lieu de leur célébration : mons Albanus ? Dira-t-on – en réalité on le sous-entend plus qu’on ne le dit167 – que cette appellation traduit seulement, de la part d’une communauté qui se serait dite albaine, la mainmise sur le sanctuaire fédéral des Latins, mais sans liaison topographique directe entre l’une et l’autre ? Si séduisant et répandu qu’il soit, ce schéma vient se heurter à la réalité des faits onomastiques : on sait en effet que le Monte Cavo actuel doit son nom aux Cabenses dont l’épigraphie atteste la présence sur la montagne albaine168, sous la forme d’un de ces collèges sacerdotaux qui perpétuaient dans les rites la survivance d’une communauté politiquement annihilée, à l’instar de ce bourg de Caenina, conquis, disait-on, par Romulus et remémoré dans la prêtrise des Caeninenses, peut-être présents eux aussi sur le mont Albain169. Cette étymologie est donc venue se substituer à celle qui avait cours dans la vieille recherche antiquaire et où le nom du Monte Cavo était expliqué, soit par les carrières qui étaient censées y avoir été creusées au Moyen Age, soit plus souvent par le relief en forme de cratère éventré qu’affecte la partie supérieure de la montagne, du côté de Rocca di Papa, explication qui était encore celle de Lugli dans les années 1920170. La dérivation à partir du Cabenses latin, proposée par Mommsen171, est évidemment beaucoup plus convaincante et elle s’est imposée : force est de reconnaître cependant qu’entre l’appellation épigraphique (Cabenses) et le toponyme qui n’apparaît qu’au xiiie siècle (sous la forme mons Cauae), elle laisse un vide, puisque chez Tite-Live, par exemple, et toute la tradition classique, le mont porte le nom d’Albanus. Le chaînon manquant entre Cabenses et Cavo est fourni, nous semble-t-il, par le mons Gabus qui apparaît dans le Liber Pontificalis172 et où le topographe Becker173, dès 1842, proposa de reconnaître le sommet albain, également désigné sous le nom transparent d’Albius dans une des traditions de ce texte majeur174. Réfutée depuis par les spécialistes du christianisme ancien, cette identification a été reproposée par F. Coarelli175 avec de solides arguments de topographie historique. Pour notre part, nous nous contenterons de souligner que Cabenses n’a pu donner exactement la forme Cavo (ou Cavi), Gabus (ou Gabius), si, le passage du G au C étant facile à admettre. On le voit : si le Monte Cavo s’appelle ainsi, c’est qu’il avait été, fût-ce fictivement, sous le contrôle sacral des Cabenses ; des Cabenses, donc, et non pas des Albani. Pour les tenants de la thèse d’une entité albaine unitaire, il y a là une aporie que seule la diachronie peut expliquer. Il s’ensuit que l’appellation Albanus appliquée au mont des Féries relève sans doute plus du mythe que de la réalité, bref qu’il s’agirait plus d’un qualificatif fait pour confirmer une légende, plaçant la métropole latine sur la montagne sacrée, que d’un toponyme purement descriptif, car, de ce point de vue, c’est la série Cabenses, Gabus, Gauus (Cauus) qui entrerait en jeu. Cependant, il apparaît, sans doute possible, dans plusieurs textes (T53, 54, 55, 60, 63, 64, 77), que le nom d’Alba désigne précisément le lieu de célébration des Féries, ce qui donne du même coup, d’ailleurs, le sens exact de ce toponyme dans un texte comme celui de Symmaque (T136). Resterait à déterminer à quelle époque s’est faite, si l’on admet le caractère artificiel du processus, « l’imposition du nom », pour le dire en termes varroniens.
490À suivre en effet la légende même d’une ville d’Albe, on se serait plutôt attendu à un mont « Latin » et à un Jupiter « Albain », sur le mode du Jupiter dit Capitolinus176 à Rome ou Anxurus à Terracine, alias Anxur. Si cependant le mons est Albanus et non pas Latiaris, et le Jupiter, Latiaris et non pas Albanus, c’est apparemment que ce dernier fut en fait antérieur au premier. Tout se passe donc comme si le dieu, et la réalité de son culte, avaient précédé la ville, et le mirage de son nom. Incontestablement, du point de vue de l’épiclèse religieuse du dieu et de sa fête, il n’est pas question d’Albe, soit qu’elle n’ait jamais existé, soit qu’elle ait disparu très tôt.
491Le nom même des fêtes latines, Latinae feriae, suffirait à lui seul à prouver, comme le disait déjà C. Werner177, qu’elles étaient antérieures à la domination romaine, car on n’imagine pas que l’Vrbs ait poussé l’altruisme jusqu’à placer des cérémonies qu’elle aurait fondées, sous le nom de voisins qui furent souvent, jusqu’au ive siècle av. J.-C., des adversaires. Il prouve également que la légende d’une ville d’Albe est distincte par rapport à une réalité sacrale qui l’a en bonne partie fait naître ; vu l’ancienneté présumable de la fête, ce n’est d’ailleurs pas là une observation chronologiquement très significative.
492Avant d’en venir178 à l’analyse de ce nom, commençons par la fin, c’est-à-dire le moment où les Féries cessèrent d’être célébrées. Malgré l’absence des témoignages épigraphiques, qui ne continuent pas après le second siècle de notre ère, la continuation des Féries jusqu’au ive siècle paraît au premier abord assez attestée par des auteurs comme Arnobe, Prudence, Macrobe et Symmaque179. On a souvent considéré que le dernier texte littéraire à attester une célébration des Féries était, compte non tenu des quelques mentions isolées faites par la suite, le poème180 découvert à la Bibliothèque Nationale de Paris en 1867 par Léopold Delisle dans les dernières pages d’un manuscrit de Prudence. Vu les multiples identités181 proposées pour le personnage, laissé innommé, visé par cette œuvre anonyme et non datée, il convient de dissocier nettement ce problème d’histoire littéraire de la recherche du moment où les Féries furent célébrées pour la dernière fois. On se gardera de considérer les édits de Théodose182, et particulièrement celui de 392, comme un infranchissable terminus post quem non : d’abord parce qu’à ce moment, l’Occident était sous le pouvoir d’Eugène, qui s’appuyait sur l’aristocratie sénatoriale romaine restée en grande partie fidèle au paganisme. Surtout, on imagine difficilement que l’apôtre de la restauration païenne qu’était le préfet du Prétoire et consul désigné, Nicomaque Flavien183, n’ait pas célébré les Féries Latines avant son départ pour l’armée et la bataille de la Rivière Froide. Tite-Live – dont l’œuvre était alors considérée par ces tenants de la tradition comme une véritable bible, et dont le préfet lui-même était l’un des éditeurs -n’avait-il pas souligné que la bataille de Trasimène avait été perdue parce que la cérémonie du mont Albain avait été négligée par le consul Flaminius ?184 Et comme tout semble indiquer que la principale fête religieuse publique d’Occident n’a pas pu durer plus longtemps que les jeux Olympiques, qui cessèrent en 394, ou que les mystères d’Eleusis, interrompus après 396185, on pensera volontiers que les dernières Féries eurent lieu en 394, très probablement en mai186, sans exclure une célébration quelques mois après187.
493En réalité, le vrai problème touche à ce qui a pu se passer avant cette date. Sur ce point, l’affaire de l’autel de la Victoire peut, croyons-nous, fournir un point de comparaison utile. Elle suggère que la célébration des Féries a dû, elle aussi, pâtir, dès les débuts du ive siècle, des à-coups de la politique religieuse du pouvoir impérial188. Symmaque (cf. T136 et 137), en réclamant en vain, en tant que pontife, le châtiment, selon les anciens usages qui prévoyaient la mort par ensevelissement189 (ce qu’il se garde de dire clairement), d’une Vestale albaine, témoigne dès avant 382 de la désaffection qui commençait à frapper les sacra Albana et les caerimonias publicas qu’étaient, éminemment, les Féries sur le mont Albain. À cet égard, peu de cérémonies devaient constituer un sujet aussi sensible que celle qui, depuis toujours, paraissait consacrer, sur le plan de la politique extérieure de l’Empire comme sur celui de la symbolique du pouvoir, « l’alliance du trône et de l’autel ». On pourrait ainsi se demander si, dès le règne de Constantin, la célébration des Féries n’a pas commencé à apparaître comme un enjeu d’État : au lendemain de la bataille du pont Milvius, le 29 oct. 312, l’empereur refusera de monter au Capitole190. Après 330, les inventaires des biens des temples, la répugnance devant les sacrifices sanglants dont témoigne le rescrit d’Hispellum191 n’ont-elles eu aucune influence sur le sacrifice solennel du mont Albain ? On en doute ; de même pour l’interdiction, rapportée ensuite par Magnence, puis rétablie en 364, des sacrifices nocturnes, s’il est vrai que les Féries en comprenaient. Plus grave, la suppression par Gratien, en 382, des immunités et des revenus des Vestales192, sacerdoce présent sur les monts Albains. Ces mesures sont, il est vrai, loin d’être toujours cohérentes entre elles ; leur répétition même fait soupçonner que, bien souvent, elles ne furent pas appliquées ; le détail des événements échappe en grande partie à l’analyse : il est clair, cependant, que c’est le siècle tout entier qui est traversé par une controverse à la fois religieuse et culturelle193 qui n’a sans doute pas ignoré l’antique et solennel rite des fêtes latines. On le devine à voir le nombre et la qualité des sources concernant la fête qui datent de ce temps-là : si antique qu’il fût, le nom même du Latiar serait resté absent de tout texte officiel, si Macrobe194 ne l’avait exhumé de la littérature antiquaire qui lui était encore accessible. Cette précision accrue par rapport aux auteurs précédents, ce resserrement, sur une brève période, de plusieurs sources importantes, ne sont pas fortuits195 : ils traduisent une revendication, laissent deviner une polémique, de même que les imparfaits employés par Servius comme par l’auteur des Saturnales expriment, au-delà d’un état de fait, une visible nostalgie pour la grandeur d’un passé à jamais révolu mais encore récent196.
494Venons-en maintenant à ce passé impérial et républicain, suivant la démarche à rebours qu’impose paradoxalement l’attention que nous accordons aux périodes protohistorique et archaïque : les vestiges de ces dernières n’apparaissent en effet que dans l’analyse des sédimentations plus récentes qui sont venues les recouvrir et, parfois, en conserver la forme.
495Observons tout d’abord, avec C. Werner, que les fêtes sont désignées beaucoup plus souvent par le simple adjectif substantivé, Latinae, que par l’expression composée feriae Latinae : quarante-deux attestations197 pour la forme simple, dix-sept198 pour la locution, en excluant, dans les deux cas, le témoignage des textes grecs, peut-être moins précis dans leur terminologie. C. Werner, qui n’avait inventorié que dix-neuf occurrences pour Latinae et neuf pour le composé f.L.199, pensait que la forme simple désignait toujours le sacrifice proprement dit et la forme composée l’ensemble des jours de la fête, à l’image de la dualité épigraphique entre les expressions Latinae (fuerunt) et praefectus fer. Lat. causa. La distinction n’est pas toujours aussi tranchée : les Cabenses du mont Albain sont, dans une inscription, des sacerdotes feriarum Latinarum montis Albani (CIL, 14, 2228), formule convenant apparemment plus au sacrifice central qu’à l’organisation du reste des festivités ; à moins qu’on ne doive comprendre par là qu’ils participaient à toutes les journées de la fête. Si les textes T9 et 29 vérifient pleinement l’observation de C. Werner, dans la mesure où y apparaissent à la fois les deux expressions avec cette différence de sens, d’autres passages sont moins clairs : les extraits T14 et 45 (texte incertain) emploient le seul mot Latinae pour l’ensemble des festivités. L’expression Latinas indicere désigne bien en T22 la fixation du seul jour du sacrifice opéré par le consul sur le mont Albain, mais on trouvera aussi chez le même Tite-Live (T37) la formule Latinas ferias indicere, tandis que Cicéron décrit le sénatus-consulte qui officialisait la mesure comme un s.c. de feriis Latinis (T7). Un autre texte de Tite-Live (T35) cite les Latinae et les Latinae feriae en donnant à ces deux expressions le même sens, et Aulu-Gelle (T91) parlera du praefectus Latinarum causa. Il reste que dans tous les autres textes, la loi établie par C. Werner est respectée, si bien que nous proposerons d’ôter le mot ferias des restitutions de l’inscription citée supra (T143 i), en y lisant seulement l’expression : in monte Albano Latinas condere. Cette formule, absente des sources littéraires, s’applique au consul présidant les Féries, et elle a un net caractère technique et sacral.
496Comment était désigné ordinairement le lieu où se déroulaient les Féries : le mont Albain ? Les sources latines disent un peu plus souvent in monte (ou montem) Albano (ou Albanum) que in Albano (ou Albanum) monte (ou montem) : dix-huit occurrences pour la première formule200, quatorze pour la seconde201, l’expression Albano in monte n’apparaissant qu’une fois (T12), et dans un texte poétique ; hormis in, la seule préposition qu’on trouve avant la locution est ex, avec, symétriquement, une attestation pour ex Albano monte (T16), à laquelle correspond le ex edito monte cicéronien (T11) : l’omission de l’adjectif Albano dans un plaidoyer qui tend à faire croire, mais sans aller jusqu’à le dire, que la villa de Clodius se situait sur un emplacement de la ville mythique qu’il localise de l’autre côté du lac, contrairement à la vulgate antique, est significative ; les mots ex monte Albano se trouvent dans trois autres sources202. Le seul nom d’Alba pour désigner le mont se rencontre pour les Féries cinq et sans doute dix fois203. Enfin, l’abréviation in monte(m) apparaît à six reprises204 : lui correspond, pour deux occurrences (T123 et 125), le simple in Albano. De tout cela, on peut donc conclure qu’à l’époque classique encore, le lien entre la fête et le lieu de sa célébration reste très fort, assez même pour faire visiblement ressentir comme incomplète toute formulation qui resterait sans précision topographique.
2) Questions de temps
497Immobiles dans l’espace, les Féries ne le sont pas dans le temps : annuelles (T2, 50, 85, 126, 127), elles appartiennent en effet à la catégorie des fêtes mobiles (T2 et 127), au même titre que, par exemple, les Paganalia ou les Compitalia. Pourquoi cela ? La réponse, nous semble-t-il, fut apportée par Seeck205 et elle tient à la diversité même des communautés appelées à célébrer la cérémonie : si Rome n’a pas inclus dans le temps de la Ville la célébration des Féries, même lorsqu’elle eut définitivement assis sa domination sur les peuples du Latium, et transformé, nous le verrons, la fête fédérale en affirmation de sa supériorité, ce ne peut être que parce que, pendant longtemps, la date de ce rassemblement ne pouvait auparavant qu’être fixée par une décision commune, bref, parce qu’il s’agissait d’une festivité des Latins. Cela étant, Rome a néanmoins, sans aller jusqu’à l’inclure dans son calendrier, cherché à fixer les Féries par rapport à sa propre mesure du temps, et elle l’a fait par le biais du droit public : la célébration du sacrifice latin est ainsi devenue l’un des actes indispensables à tout consul lors de son entrée en charge. Comme par transparence, le rôle d’un magistrat fédéral se laisse alors deviner pour les époques plus anciennes, et on peut penser au dictator Albanus de l’épigraphie.
498À quelle période de l’année les Féries étaient-elles célébrées ? Une tradition semble, au moins en partie, contradictoire avec le caractère mobile de la fête : quelques sources de bonne facture font état d’un antique calendrier albain206, ce qui a du reste été parfois considéré, notamment par Alfoldi207, comme une preuve supplémentaire de l’existence d’une ville d’Albe. En réalité, un tel calendrier est caractérisé par la tradition208 autant, sinon plus, comme latin que comme albain, ce qui relativise singulièrement l’existence d’une communauté spécifique, dont jusqu’à présent nous avons cherché en vain les traces : c’est ainsi que le calendrier de Préneste mentionne le mois de mars apud Albanos et plerosque Latinos, et que Censorin (22, 10) n’évoque à son propos que la gens Latina, précisant ailleurs que l’ancien nom du mois de juillet, Quintilis, lui venait « de ce qu’il occupait la cinquième place dans le calendrier des Latins », apudLatinos209. Les sources ne sont même pas unanimes, puisque Ovide (Fast., 3, 89) précise que mars était « le troisième chez les Albains », tertius Albanis, même s’il ajoute ensuite que le comput « albain » valait également pour Aricie et Tusculum (ib., 91-92). Si donc le calendrier dit albain ne saurait valoir comme indice d’« urbanisme », il reste qu’il paraît témoigner d’une année latine de dix mois, que, selon une tradition antique il est vrai sujette à caution210, Rome aurait partagée avant la réforme attribuée à Numa. Mais cette unité d’ensemble n’empêchait pas, selon le témoignage de Censorin211, des différences dans le nombre des jours attribués à chaque mois, qui, dans la même zone géographique, pouvaient aboutir à des décalages notables. Cela seul pourrait expliquer l’impossibilité de fixer statutairement et calendairement la date des Féries : a fortiori si, comme le pense la science moderne, le comput romain était, dès la fondation de la Ville, de douze mois et non de dix pour les « pays » alentour (à moins que cette dernière tradition ne soit elle aussi réfutable, ce qui aboutirait à rétablir une unité de comput). La non-fixation calendaire de la date des Féries par Rome, lors même pourtant qu’elle en avait le contrôle, pourrait donc être considérée comme une trace du caractère fédéral et « international » qu’avait eu à l’origine une fête rassemblant des peuples dont le calcul du temps n’était pas toujours le même, dans une proportion qui reste impossible à évaluer. Quant au fait que, comme l’a établi P. Brind’Amour212, « la plupart du temps, onze fois sur quinze, les féries latines tombent en des jours comitiaux », on l’expliquera, avec ce savant, par la volonté de Rome de ne pas les faire coïncider avec son propre férial.
499Ce caractère mobile de la fête implique-t-il pour autant que sa date en fût totalement aléatoire, c’est ce qu’il nous faut examiner maintenant. Il convient d’abord de répertorier tous les cas où la date de célébration est indiquée par les sources, sans oublier que le décalage avait fini par être assez grand, à la fin de la République, entre le calendrier officiel et le calendrier solaire ; lorsque c’est possible en fonction d’indices climatiques ou astronomiques, on s’efforcera d’indiquer la date réelle de célébration. Ce n’est en effet qu’à partir de telles considérations que l’on pourra éventuellement déterminer si elle obéissait à une causalité autre qu’institutionnelle. Que les consuls dussent aller sur le mont Albain à leur entrée en charge est en effet une coutume, mos plutôt que lex, solidement attestée (T22, 23, 55, 100). Voici les dates que font connaître les sources littéraires : en 337 av. J.-C., en juillet (T20 interprété par P. Brind’Amour, n. 22) ; en 212 av. J.-C., les Féries ont lieu ante diem quintum calendas Maias (T25) ; en 199, après les ides de mars (T29) ; en 179, après la fin normale de l’hiver (T34) ; en 176, ante diem tertium nonas Maias (T35), avant d’être recommencées ante diem tertium idus Sextiles ; en 171, aux calendes de juin (T39) ; en 168, une deuxième célébration est fixée juste avant les ides de novembre (T45 = août julien, cf. supra n. 47), après une première célébration, plutôt précoce, à la veille des ides (ou des calendes) d’avril (T42 et 44) ; en 63, en avril aussi, semble-t-il (T12) ; en 56, en mars (T5, 6 et 95), en 50 (T7 et 13), en hiver ; en 49, en janvier (T63bis) ; en 34 av. J.-C., en été (T103) ; en 394 ap. J.-C. (cf. supra n. 183), probablement en mai : en tout quatorze cas, dont la plupart durant la belle saison, surtout au printemps, et quatre en hiver (dont une répétition). Le fait que Cicéron écrivant en 54 son De Republica soit capable de préciser qu’en 129 av. J.-C., date fictive du dialogue, les Féries avaient eu lieu en hiver (T10), détail qu’il n’aura sûrement pas inventé, permet de supposer l’existence d’une source archivistique. On pensera à des commentaires sacerdotaux213, d’autant plus que, sauf exception (T25 et 39), les dates républicaines conservées se rapportent à des célébrations ayant donné lieu à des incidents rituels ou liées à des circonstances exceptionnelles. Mais la gravure relativement tardive – à l’époque augustéenne – de Fastes épigraphiques commençant au ve s. av. J.-C. prouve également, à moins de supposer une invention complète, difficilement vraisemblable, l’existence d’une source écrite antérieure, comprenant des Fastes complets. Faut-il restituer la praescriptio ouvrant l’inscription, en lisant : [legi]tur autem [in commentariis pontificum] id quod infra scriptum est214 ? Il semble en effet que l’exécution des sacra Albana ait été contrôlée par le collège pontifical romain (T29, 34 et 35).
500Voici en tout cas les datations qu’on peut tirer de l’épigraphie ; les Féries auraient été célébrées un peu avant ou après ou avec les ides, les nones ou les calendes des mois de : janvier et février en 449 av. J.-C. (deux célébrations) ; en janvier en 44 av. J.-C.215 ; avril en 42 ap. J.-C. ; mai en 449 (pour une troisième célébration), 218, 217, 216, 214, 213, 212, 27 et 26 av. J.-C. ; juin en 451, 215, 25, 24 av. J.-C., et 40 et 108 ap. J.-C. ; juillet en 23 av. J.-C., 41, 70, 71, 99, 106 ap. J.-C. ; août en 98 et 107 ap. J.-C. ; novembre en 396 et 23 (itérations) av. J.-C. Sur ces vingt-neuf cas identifiables216, la prépondérance du mois de mai est donc très nette, avec neuf occurrences, quinze autres se situant également dans la belle saison (d’avril à août), quatre cas seulement concernant la mauvaise saison.
501Mais ces dates sont des dates calendaires de l’année romaine et il peut être intéressant de voir, dans les rares cas où c’est possible, à quelles dates réelles elles correspondent dans l’année solaire. La question a été traitée par P. Brind’Amour217 dans son Calendrier romain. Ce savant a souligné que sur les quinze célébrations datables par l’épigraphie, douze se situèrent dans la belle saison même si « le principe qui permettait de fixer, chaque année, la date des Latinae, s’il y en avait un, ne se laisse pas déterminer ». Remarquons en tout cas la tendance à fixer la fête aux ides, aux nones ou aux calendes, ou à la veille de ces jours.
502Au-delà du détail d’une chronologie souvent impossible à établir, on doit remarquer avec C. Werner que, dans le corpus de dates donné par les sources, la plupart des célébrations automnales ou hivernales des Féries se situent au cours d’années très mouvementées pour Rome et généralement marquées par la guerre civile. Auparavant, hormis, précisément, l’année 449 av. J.-C. qui dut être particulièrement troublée, presque toutes les célébrations connues se situent, on vient de le voir, dans la belle saison (sauf une itération en 396 av. J.-C., autre année extraordinaire) ; l’Empire et la paix une foix établis, la prépondérance de la belle saison redevient écrasante. Il y a à cela, bien sûr, une cause toute simple : il vaut mieux qu’un rassemblement en plein air se fasse par beau temps. Mais on peut se demander si cette remarque de bon sens ne doit pas être considérée comme un véritable principe consubstantiel aux Féries elles-mêmes. Ce que nous pouvons seulement dire, en tout cas, c’est que les apparences plaident en ce sens218. Cette régularité saisonnière pourrait alors être le signe de l’appartenance originelle de la fête au cycle agraire, hypothèse qui n’est pas nécessairement contradictoire avec l’explication « internationale » esquissée plus haut. Quoi qu’il en soit, l’importance de la cérémonie est marquée par la rareté des années où elle ne fut pas célébrée : l’événement (ou plutôt le non-événement) est même assez préoccupant, du point de vue religieux, pour que les Fastes l’enregistrent explicitement à l’année 450 av. J.-C. : L(atinae) non (fuerunt). Pour le reste, seule l’année 49 av. J.-C. aurait connu une telle omission, à en croire Plutarque qui s’est, d’ailleurs, peut-être laissé abuser par la propagande césarienne219. On conçoit en effet que l’accusation de n’avoir pas célébré à temps les Féries ait pu, à l’occasion, être un puissant levier de propagande politique. Flaminius ne passait-il pas pour avoir négligé les Féries ? Or, s’il ne les célébrait pas, le consul restait un priuatus (T22), son autorité de magistrat ne se trouvant confirmée qu’après certaines formalités religieuses au premier rang desquelles figurait la présidence des Féries (T23) : la criminelle négligence du consul de 217 fut considérée comme l’une des principales causes du désastre de Trasimène. Cette tradition de l’absence de Flaminius aux Féries de 217 est répétée par nombre d’historiens modernes220 : pourtant, la présence de l’abréviation « COS » pour cette année-là dans les Fastes des Féries (Inscr. It., 13, 1, p. 148) fait penser que son nom y était mentionné. N’était-il point venu lui-même sur le mont Albain, plusieurs exemples prouvent que la célébration des Féries pouvait légalement être assurée par un seul des deux consuls221, dont on supposera alors que le nom était inscrit en premier dans les Fastes222. C’est pourquoi le fait qu’à quelques reprises, cet ordre ne soit pas le même que celui des Fastes Capitolins ne suffit pas à prouver que ces derniers se fondaient sur une autre source, bien qu’apparemment contemporains (Degrassi, p. 144). C’est cette absence finalement normale d’un des consuls qui a dû être constatée en 217, et cela montrerait que l’accusation portée contre Flaminius était en réalité infondée en droit sacré, bien qu’apparemment justifiée223 : elle révèle beaucoup plus l’habileté de ses adversaires que l’impiété du consul.
503Il pouvait arriver aussi que les Féries fussent interrompues pour des raisons météorologiques. Dans ces cas, il y a recommencement des Féries, instauratio. Bien d’autres circonstances peuvent justifier une instauratio, mais la plupart sont d’ordre liturgique : en 396 (T17 et 18), c’est une faute, non précisée, dans la fixation rituelle des Féries et qui provoque la crue du lac Albain, en 199, ce sont les Ardéates qui n’ont pas reçu leur part du sacrifice (T29)224, en -190 c’est le tour des Laurentins (T32), en 176 c’est l’oubli de la prière pour Rome de la part du magistrat de Lanuvium (T35) ; le rapprochement dans le temps de ces trois derniers épisodes semble indiquer que les rapports entre la Ville et le nomen Latinum connurent, à l’époque, une phase de tension225. Comme pour toute solennité importante, la recélébration des Féries pouvait servir à un enjeu politique : ce fut le cas en -56 (T6 et 95d). Mais, selon Mommsen, il arriva qu’une nouvelle célébration ait pu être provoquée seulement pour fêter une heureuse conjoncture : pourtant on a proposé226 parfois que la réitération ait porté sur les seuls jours de fêtes précédant le sacrifice fédéral, comme par exemple en 168, après Pydna (T45), et en 9 av. J.-C., au moment du triomphe attendu de Drusus (T108) ; quant à la triple célébration de 449 (si l’on en croit du moins les Fastes), elle s’expliquait, selon Mommsen, par la volonté de réparer l’absence de cérémonie de l’année précédente et de fêter la fin du décemvirat227. Il est fréquent également qu’un phénomène caractérisé comme un prodigium soit noté par les sources, sans qu’elles précisent s’il a donné lieu à une réitération des Féries. Il s’agit souvent d’une pluie de pierres, qui semble bien avoir servi d’aition aux Féries (T16 et 56), et est caractérisée comme un archétype, d’origine albaine (T20, uetusto montis Albani prodigio), mentionné pour l’année 212 av. J.-C. (T24), année où par suite de la pression d’Hannibal, le problème des rapports de Rome avec ses alliés latins se posait de façon cruciale. La foudre apparaît également fréquemment, en conformité du reste, nous l’avons vu, avec la réalité d’une région de reliefs : en 209 av. J.-C., dans un contexte de rapports romanolatins particulièrement difficiles (T27), en 113 av. J.-C. (T133), en 49, à en croire Lucain, lors de la marche de César sur Rome (T61), en 57 av. J.-C. (T95a), en 12 av. J.-C., après la mort d’Agrippa (T107). La légende royale semble fournir l’aition de ce genre d’épisodes, avec la mort du roi Romulus Silvius, frappé par la foudre (Liv., 1, 3, 9). Sur le terrain, deux autels228 furent retrouvés jadis près de Palazzolo : dédiés (en grec) à Jupiter Fulgur et à Vulcain, ils sont, il est vrai, d’époque impériale.
504C’est parfois la montagne tout entière qui s’embrase (T133), et elle peut être le lieu de curieux phénomènes lumineux (T28, pour l’année 206 av. J.-C.). Autre prodige typiquement albain : le sang qui colore l’aquam Albanam (Liv., 27, 11), soit, à notre avis, l’eau, alors colorée par des micro-organismes, et qui coule dans l’emissarium Albanum et à son débouché, que nous identifions avec le caput aquae Ferentinae, lieu de réunion de la ligue latine ; il est significatif de voir ce prodige, qui est ainsi à valeur fédérale, intervenir lors d’une sécession de douze des trente colonies romaines. Le sang coule également de la statue de Jupiter, en 42 av. J.-C. (T134). La montagne, l’eau, la statue cultuelle : comme on le voit, ces phénomènes – dont certains sont considérés comme des prodigia – concernent les principaux « marqueurs » du paysage sacré qu’est le massif albain.
505Comment les hommes réagissent-ils à ces signes envoyés par les dieux ? Observons d’abord qu’il ne s’agit que des Romains, les Albains n’intervenant que lors du règne de Tullus Hostilius (T16 et 56, qui ont sans doute la même source) pour un épisode clairement étiologique. Deux exemples, l’un légendaire, l’autre historique, montrent que le Sénat est aussitôt informé et saisi (T16 et 35) ; en 179 av. J.-C. (T34), par contre, il ne paraît pas l’être et l’affaire est portée devant le seul collège des pontifes, alors que trois ans plus tard ces derniers devront attendre que le Sénat les en informe. La raison de cette éventuelle différence de procédure pourrait tenir au caractère politique du prodigium de 176, puisque le magistrat de Lanuvium oublie de « prier pour le peuple romain » ; en 179, il ne s’agit que d’une tempête, manifestation uniquement divine, et les pontifes s’en chargent directement ; le plus probable est cependant que Tite-Live, à son habitude, ne détaille à chaque fois qu’une partie de la procédure. Plus d’un demi-millénaire plus tard, on verra encore Symmaque, en tant que pontife, saisir directement l’autorité romaine de la faute commise par une Vestale ; le vice de forme concernant les Ardéates, constaté en 199 av. J.-C., donne lieu à un décret des pontifes (T29), le sénat ayant été d’abord saisi de l’affaire. Caractérisé comme albain (T20), le prodigium de la pluie de pierres reçoit une réponse qui est décrite comme spécifiquement albaine (T16) : il s’agit de la neuvaine, nouendiale sacrum, décidée par le roi Tullus Hostilius après consultation des haruspices (T16 et peut-être 56), et réapparaissant en 212 av. J.-C. (T24) ; elle est mentionnée également à propos de la dédicace du temple de Junon Moneta (T46), événement situé dans un contexte albain, le sanctuaire de l’Vrbs ayant son jumeau sur le mons Albanus. Par la suite, la neuvaine apparaît comme un rite de procuration fort usité à Rome229 : il vaudrait la peine de rechercher s’il est alors définitivement « romanisé » ou si l’analyse des circonstances dans lesquelles il est décidé ne laisse pas apparaître encore des enjeux latins et fédéraux230. Il est par ailleurs significatif que la période où ce type de procuration est historiquement attesté aille des années 345/344, qui sont celles de la lutte finale entre Rome et la ligue latine, à 93/91 av. J.-C., où se manifeste l’ultime sursaut de ses alliés contre Rome. Par la suite, il subsistera sous la forme du délai qui restera de rigueur entre la célébration des Féries et le renouvellement annuel du traité entre Rome et Lavinium : on n’a pas assez remarqué que la durée du séjour (T13) de César à Rome en 50 (dont on souligne en général la brièveté) lui était dictée par le délai de rigueur prescrit entre les pèlerinages albain et lavinate (T21). Par sa durée de trois fois trois jours, le nouendiale sacrum231 obéit à cette logique ternaire si présente dans la composition de la ligue primitive du nomen Latinum – qui passait pour avoir regroupé trente peuples (T67 et D.H., 6, 63) – et qui se retrouvera au niveau, assurément artificiel, de l’agencement chronologique de la légende albaine avec les trois cents ans séparant la fondation de Lavinium de celle d’Albe, tout comme dans la logique institutionnelle de la Rome des trois tribus et des trente curies, ou encore dans la légende de la truie aux trente gorets.
506Voilà pour les circonstances extraordinaires – interruptions, répétitions, prodiges, rites expiatoires – qui pouvaient modifier la célébration de la fête. En temps normal, c’est-à-dire presque toujours, à en juger par nos sources en tout cas, quelles étaient les modalités du rituel ordinaire des Féries Latines ? La première étape est constituée par l’annonce publique de la cérémonie : qui en fixait la date232, quand, où et comment ? Comme on l’a reconnu depuis longtemps, la décision se joue du côté du Sénat : les sources montrent tantôt un seul consul (T22, 42 et 45 pour 168 av. J.-C., où il y eut deux célébrations), tantôt les deux (T7 et 37), le Sénat imposant parfois sa volonté aux consuls (T35 et 41). La décision passait par un sénatus-consulte (T7) et elle intervenait dès l’entrée en charge des nouveaux magistrats (T7, 22, 23, 35, 41) : elle était donc sans doute prise dans l’enceinte du Sénat ou dans le lieu où il se réunissait (qui pouvait, on le sait à propos d’autres circonstances, être un temple). La date ainsi fixée n’était pas celle de l’ensemble des festivités, mais seulement celle du dernier jour233, où se célébrait le sacrifice consulaire. D’autre part, entre la proclamation et la célébration, le délai234 pouvait varier de 17 (soit deux nundines) à 75 jours (cf. T39 pour ce maximum exceptionnel) : dans l’ensemble, le souci de faire vite apparaît nettement ; quant au délai minimum, il était sans doute fait pour permettre la diffusion de l’information dans toute la région et la participation du plus grand nombre possible de pèlerins : en ce sens, il peut s’agir d’une disposition de date ancienne. Enfin, l’importance de cette phase initiale de la procédure rituelle est soulignée par la valeur d’étiologie négative conférée (en T17) au miracle du lac Albain, qui est censé avoir sanctionné son oubli.
507Quels étaient les magistrats qui avaient à célébrer la cérémonie ? S’il est vrai qu’il arriva par exception que les Féries ne fussent présidées que par un célébrant (un dictateur nommé ad hoc en 345, cf. T20 ; un consul en 168, cf. T45 ; César en 44 : T81), la présence des deux magistrats suprêmes était, en temps normal, requise sur le mont : de nombreux textes le prouvent, et parfois de la manière la plus explicite235. L’assistance de tous les autres magistrats de la Ville était également de rigueur (T52 et 53), en particulier celle du ou des préteurs en charge (T25) ; les sénateurs devaient également être là (T95d). Mais les sources n’insistent ni sur le trajet Romemont Albain (sauf T14 : Albanum in montem ire ; T85 : proficisci) ni sur celui du retour (sauf T81 : reuerti ; T132 : ex monte A. redire). C’est que le sanctuaire albain est presque considéré comme faisant partie de Rome (cf. le Romae de T25 et le ab urbe de T27, alors qu’il s’agit des Féries), dont il est comme une annexe. Il n’y a qu’un vrai départ, et c’est celui que font les consuls, après les Féries, pour leur province : in prouinciam (-as) proficisci (T25, 33, 43 ; T37 : in p. abire ; T42 : exire ; T39 et 40 : proficisci). Toutes ces données prouvent donc que la bonne exécution du rituel impliquait la présence sur le mont Albain des plus hautes autorités de l’État romain, et particulièrement des détenteurs des auspicia et de l’imperium.
508Il n’est pas difficile de rétrodater ensuite cette obligation, en la faisant remonter jusqu’à la période monarchique et à la personne même du roi. Du reste, les Romains (cf. T79)236 rattachaient explicitement à la royauté une autre institution, elle aussi étroitement liée au rituel des Féries : la préfecture urbaine. Nous laisserons aux spécialistes du droit237 l’histoire et la définition exacte des compétences attribuées à cette magistrature, nous contentant ici, à propos de la période impériale, d’une observation : la fin des guerres civiles marque une décadence de l’institution, qui aurait pu disparaître alors, que ce soit par défaut ou par excès ; on la voit à l’occasion, ou remplacée par des préteurs (en 49 et 36 av. J.-C., cf. T96 et 102), ou occupée par plusieurs titulaires – successifs (T97 et T103 pour 45 et 34 av. J.-C.), voire simultanés (en 23 av. J.-C. : T104b) -, ou enfin laissée vacante (en 21 : T105). La décision d’Auguste, en 18 av. J.-C., de ne plus faire élire qu’un seul titulaire qui serait, pour reprendre la définition de Strabon (T53), « un jeune patricien », en fonctions « pendant la durée de la cérémonie », marque une reprise en main et une revalorisation archaïsante, ouvrant alors la voie à la promotion, par ce biais, des jeunes princes de la dynastie. En témoigne l’ostracisme promulgué à l’égard de Claude par Auguste, qui ne veut voir le jeune balourd ni sur le mont ni à Rome (T14), alors qu’inversement, il réservait à Drusus la direction de féries recommencées en son honneur (T108). On comprend, dans ces conditions, que l’exercice, plus tard, de cette même préfecture par le jeune Néron (T83) ait dû être ressenti comme une provocation délibérée par Claude devenu princeps, qui paraît avoir accordé assez d’importance à la fonction pour la destiner à ses gendres (T110). On le voit ensuite célébrer, en tant que consul, les Féries (T143i), dont les Fastes semblent avoir été, sous son règne, exactement tenus238 : tout cela paraît bien témoigner de la transformation d’une magistrature républicaine en instrument de la politique dynastique. En ce sens, la présence, qu’on devine plus qu’on ne la voit, de la foule, est sans doute un élément capital dans le déroulement de la cérémonie : sous l’Empire, elle a valeur d’approbation donnée par le peuple romain à ses dirigeants, comme le montrent les sources (T77 et 99, et surtout 81) à propos de César, en 44, à un moment crucial de cette évolution. À Rome, sur le Forum, l’exercice public de la préfecture vaut comme un test de compétence et de popularité (T83) pour celui qui est souvent le futur princeps. Mais auparavant, il s’agit d’un élément d’importance à la fois liturgique et politique : sur le mont, le partage sacrificiel doit être fait publiquement, devant une assistance, non seulement romaine mais latine, qui sera témoin de sa validité (ou non-validité)239 sacrale.
509Une question délicate est celle de la durée exacte des festivités célébrées sur le mont Albain : comme la cérémonie proprement dite, ou sacrificium Latinarum, avait lieu (T81) le dernier jour des Féries, on supposera, avec C. Werner et tous les commentateurs240, qu’aux temps archaïques, le rituel se limitait à une seule journée. Quand y furent ajoutés d’autres jours et combien ? La réponse de la tradition antique (T51 et 74) consiste à lier ces ajouts aux grandes évolutions historiques que connut Rome – fin de la Royauté, conclusion du traité avec les Latins, accès de la plèbe au consulat. Cette tradition n’est pas sans vraisemblance, même si nous n’avons les moyens ni de la confirmer ni de l’infirmer. C. Werner refusait d’accorder quelque validité que ce fût à Denys, dont le texte (T51) est le plus complet sur la question. On ne saurait certes considérer comme une confirmation l’indication des Fastes triomphaux241 selon laquelle Tarquin aurait triomphé de Etrusceis en 588 : en effet, la chronologie de la seconde partie de la période royale a été très tôt fortement remaniée242. Il nous paraît assuré, cependant, que la thèse d’une fondation des Féries ex nihilo, qui est celle d’une partie seulement de la tradition ancienne, ne tient guère. Par contre, il n’est pas invraisemblable que la dynastie tarquinienne se soit préoccupée de contrôler un lieu et une fête qui importaient au plus haut point pour son projet de domination (fût-elle recherchée sans être atteinte) du Latium tout entier. Les Féries auraient donc duré un jour sous les rois, deux après leur expulsion, trois à partir du foedus Cassianum ; qu’elles soient passées à quatre dès les lois Licinio-Sextiennes (T74, Plutarque) est plus discutable, dans la mesure où il semble bien qu’en 168 av. J.-C., encore, elles duraient trois jours243 : ce n’est peut-être pas non plus un hasard si, comme le soulignait C. Werner, l’on retrouve ici cette logique ternaire si souvent à l’œuvre dans tout ce qui touche au nomen Latinum.
510Il reste que, même si l’on doit mettre en doute la notice de Plutarque sur l’ajout d’un quatrième jour destiné à commémorer l’accès de la plèbe au consulat, plusieurs éléments, dans une tradition il est vrai confuse, et en partie anachronique, semblent indiquer l’existence de liens, dont la nature serait à préciser, entre les Féries, la plèbe romaine et les peuples latins. C’est ainsi qu’au moment du foedus Cassianum, la réconciliation externe de Rome avec les Latins se double d’une réconciliation interne entre les différentes composantes du peuple de l’Vrbs (T51) ; un siècle plus tard, au moment du siège de Véies, Tite-Live lie explicitement le prodige du lac Albain à un vice de forme d’ordre rituel dans la célébration des Féries, accomplie par des magistrats uitio creatos (T17), dans un contexte politique qui est marqué par l’opposition entre plébéiens et patriciens : lors de ces deux événements, positivement dans l’un, négativement dans le second, politique intérieure et politique extérieure se correspondent, dans un rapport qui semble mettre sur un plan équivalent alliés latins d’une part, plébéiens d’autre part. Le développement et l’analyse d’une telle corrélation, mise jadis systématiquement en lumière par Binder244, excéderait de beaucoup le cadre de notre présente enquête albaine, mais il s’agit à notre avis d’une donnée qui mériterait réexamen. Tout se passe comme si l’Vrbs sans cesse grandissante avait puisé ses forces vives et ses ressources humaines d’abord chez les Latins. Qu’il nous suffise d’observer ici que la mise en évidence de cette constante redonne peut-être en partie crédit aux traditions (T51) faisant état de l’organisation, parallèlement aux Féries, de jeux présidés par les tribuns de la plèbe, ce qu’on a pris en général245 pour une confusion de Denys avec les Jeux plébéiens ou romains.
3) La liturgie
511Après avoir ainsi étudié les différentes appellations des Féries, leur place dans l’année, les circonstances exceptionnelles ayant pu accompagner ou interrompre leur célébration, l’identité des magistrats officiant sur le mont, il convient d’en venir au déroulement de la cérémonie elle-même et aux modalités du rite qui accompagnait le sacrifice consulaire. Du lieu où il s’accomplissait, nous avons déjà analysé246 ce que l’archéologie permet de dire. Sans décrire les lieux, les textes les suggèrent : on y voit une statue cultuelle de Jupiter Latial (T27, 101 et 134), une statue d’Antoine (T103bis), un temple de Junon Moneta (T46), une chapelle (T133), un arbre (T27) et un bois sacrés (T16) ; d’autre part, la dimension étiologique des descriptions de la destruction d’Albe (T15, 48, 49 et 54) doit être prise en compte, et elle implique l’existence, sur le mont, d’une pluralité d’édifices sacrés, ce qui laisse supposer que d’autres dieux (cf. T49) aient pu y être honorés, outre Jupiter et Junon Moneta. Il est important de souligner ce point, dans la mesure où, trop souvent, le rituel des Féries Latines a été limité au seul Iuppiter Latiaris. On songera à la pluralité des divinités albaines évoquée par Ovide : et quaecumque tenent Albanos numina montes (Met., 14, 674). La question du temple de Jupiter mise à part, les sources permettent de restituer également l’existence d’un autel principal (T140), voire de plusieurs autres (T84), ainsi que d’un autre autel consacré à Vesta (T62) ou, en tout cas, servi par des Vestales ; peut-être ailleurs que sur le sommet du mont, se trouve un lieu de résidence pour les consuls (T107). Ces lieux, et sans doute une partie du territoire albain, sont domaine public. La vraisemblance le suggère, un texte le dit sur le mode étiologique, évoquant le respect des biens sacrés albains par Tullus Hostilius (T49). Horace dépeint des bêtes promises au sacrifice – il est vrai à Rome – paissant dans les pâturages albains : [Nam quae...] aut crescit Albanis in herbis / uictima, pontificum securis / ceruice tinguet247. Or l’épigraphie confirme peut-être l’existence, sur les monts Albains, de pacages appartenant au collège des Vestales, s’il est vrai qu’une inscription trouvée en 1735 dans le cratère de Prata Porci, et datée du premier siècle de notre ère248, révélerait l’exemption de toute réquisition accordée aux Vestales pour leurs troupeaux de chevaux. Ce sont ces domaines que viseront les mesures combattues par Symmaque (cf. supra n. 192) ; auparavant, ce sont eux qui auront assuré les ressources nécessaires à la célébration de la cérémonie, et fourni une partie des victimes sacrifiées à cette occasion solennelle. À la faveur d’autres exemples un peu moins mal connus, on peut en inférer que la gestion de ces revenus s’accompagnait d’une documentation archivistique249, dont, dans ce cas précis, on ne sait toutefois rien.
512Venons-en, dès maintenant, au moment ultime et principal de l’ensemble des festivités latines : les sources, en effet, concentrent sur lui une attention presque exclusive, ne mentionnant d’autres sacrifices que lorsqu’ils avaient donné lieu à des incidents rituels. Aussi bien le sénatus-consulte sur la date des Féries ne fixait-il que le jour (cf. supra n. 233) du sacrifice opéré par le ou les consuls : ce que les textes appellent250 sacrum ou sacrificium ou sollemne, mots souvent déterminés par le génitif Latinarum ou par un ablatif locatif, in monte, le verbe étant facere ou, plus fréquemment, perficere ou perpetrare. Peut-on appeler ce sacrifice du nom de Latiar comme on le fait toujours, sur la foi de Cicéron (T5) et de Macrobe (T128) ? Rompant décisivement avec une vulgate bien établie, M. Malavolta251, suivi par A. Pasqualini252, a démontré que le texte de Cicéron n’a de sens que s’il s’applique à un rituel accompli hors du mont Albain et après le sacrifice qui y était célébré. Cette interprétation nous paraît fondamentalement exacte, même si certains des arguments sur lesquels elle s’appuie doivent être nuancés : l’absence, par exemple, du terme technique Latiar chez Tite-Live s’explique peut-être par le souci littéraire propre à l’historiographie antique ; le mot Latiaria employé par Dion Cassius (T101b) renvoie, selon nous, à un ensemble sacral et pas seulement à un sacrifice, quel qu’il soit – nous y reviendrons. Surtout, la définition de Macrobe, utilisée comme ratio ultima par les deux savants italiens, nous paraît devoir être rapportée, comme on le fait d’ordinaire, au mont Albain : il y est question, en effet, de la proclamation du Latiar, autrement dit de cette procédure classique de l’indictio décrite souvent ailleurs253 ; voulût-on la rapporter à un sacrifice exclusivement romain, c’en serait la seule attestation. Davantage : Macrobe explique (hoc est) le terme Latiar comme Latinarum sollenne ; or c’est très exactement ainsi qu’est défini par Tite-Live (T43 : sollemni Latinarum) un sacrifice qui est visiblement celui du mont Albain. La langue religieuse appelait donc Latiar, selon nous, aussi bien un sacrifice célébré à Rome254 juste après les Féries, que le sacrifice célébré sur le mont Albain – localisation dont nous verrons qu’elle a une confirmation au moins indirecte.
513La victime sacrificielle, hostia (T126), de cette cérémonie était un taureau (taurus)(T50 et 115), dont le pelage devait être de couleur blanche. À une date qu’il est difficile de fixer, mais qui, contrairement à ce qu’on dit toujours255, doit être très antérieure à Arnobe s’il est vrai que Juvénal (T80), déjà, en fait état, une décision du Sénat (T115) autorisa le recours à un animal de couleur rousse (robus)256.
514Or le choix d’un taureau comme victime pour un sacrifice à Jupiter, fût-il Latiaris, ne va pas de soi, dans la mesure où une antique prescription, rapportée par Macrobe257 qui la tenait d’Ateius Capito, spécifiait que Ioui tauro [...] immolari non licet. À cette aporie traditionnelle, nous pouvons ajouter une autre, puisque la victime du mont Albain est également qualifiée de bos (T131) et de iuuencus (T80) ; le nom même de Bouillae et son étymologie par bos pourraient, dans la mesure même où il s’agit probablement d’une étiologie religieuse, inciter en effet à faire du taurus du mont Albain un bos. Est-ce à dire que les notices antiques sur le sujet sont inexactes et incohérentes ? Pour résoudre la première difficulté, G. Dumézil258 vit dans taurus l’appellation d’un animal entier, bos étant celle d’un animal châtré ; par une espèce de correspondance mystique, inversée et paradoxale, le dieu de la souveraineté se serait vu réserver des bêtes marquées par la stérilité. Quant au taurus que Virgile fait sacrifier par Enée (Aen., 3, 19-48), il s’agirait d’un vice de forme volontairement introduit par le poète, selon une explication qui était déjà celle de Macrobe (Sat., 3, 10). Cette interprétation ne nous convainc guère pour deux raisons : la première est que le savant auteur des Quaestiunculae indo-italicae a passé sous silence le sacrifice albain, pour lequel les sources mentionnent explicitement un taurus ; dès lors, l’explication par l’exception ou l’erreur, fût-elle volontaire, devient délicate, si ce n’est impossible. La seconde est qu’il faut également supposer que le bos – et effectivement cela semble possible dans le cas albain – est un animal châtré, mais comme on l’a parfois remarqué259, il est difficile de penser que ce type de victime ait pu alors être défini en tant que bos mas, comme il l’est souvent, non sur le mont Albain, mais ailleurs (par exemple dans les commentaires des arvales). La solution de cette double aporie albaine nous semble avoir été fournie par G. Capdeville260 lorsqu’il a montré, se fondant sur une distinction établie par Benveniste261 entre « mâle » et « reproducteur », qu’« un même animal peut sans doute être appelé bos mas ou taurus selon qu’on envisage sa nature ou sa fonction, mais ce sera toujours le même animal »262. Ainsi pourrait-on expliquer, puisque l’intégrité de l’animal n’est finalement pas ce qui entre en ligne de compte, que la victime sacrificielle du mont Albain ait pu être décrite par des observateurs extérieurs comme Denys ou Arnobe sous le nom de taurus. Il s’agissait en réalité d’un animal certes « pleinement adulte et pleinement mâle », mais n’ayant « jamais été utilisé pour la reproduction » (ib.). De ce point de vue, il n’y avait donc aucune différence extérieure entre un taurus et un bos. On conçoit, dans ces conditions, que seuls ceux qui s’étaient occupés de la bête aient été à même de savoir ce qu’il en était exactement. La conséquence logique et inévitable d’une telle prescription rituelle devait donc être l’élevage des futures victimes sous le contrôle de leurs futurs sacrificateurs : or, comme nous l’avons vu précédemment, l’existence de tels pâturages sacrés est présumable dans les monts Albains – ainsi d’ailleurs qu’à Rome à en croire l’étymologie proposée, sans doute à juste titre, par Orose (5, 18, 27) pour les prata Flaminia, qui auraient d’abord désigné « les pacages appartenant aux flamines ».
515Aussi bien la vraie difficulté posée par ce sacrifice au Latiar d’un taurus qui est un bos n’est, à notre avis, pas celle-là : elle vient plutôt, nous semble-t-il, de ce que le sacrifice légendaire, visiblement utilisé comme prodige de fondation du nomen Latinum – celui qu’Enée, après son débarquement à Lavinium, ira accomplir selon Fabius Pictor263 sur le mont Albain –, fait intervenir, non pas un taureau, mais une truie. Pourquoi la légende des primordia, lorsqu’elle a donné à la réunion des peuples sur le mont Albain l’étiologie d’un rituel énéen, a-t-elle eu recours à un type de sacrifice qui n’était pas celui qui s’accomplissait réellement, chaque année, lors du Latiar ? Sur cette discordance, qui traduit sans doute une diachronie, il nous faudra revenir (cf. infra n. 311).
516Essayons maintenant de décrire le déroulement du sacrifice lui-même ; les sources sont avares de précisions qui devaient paraître à leurs rédacteurs inutiles ou inopportunes. Pour autant, il reste possible, à notre avis, non pas de restituer le détail du rituel, mais au moins de formuler différentes hypothèses pouvant valoir comme des directions possibles de recherche ; le moyen en est l’analyse comparative, par référence d’abord aux autres rituels connus dans le domaine du culte public romain264. C’est ainsi que l’on doit supposer, à la lumière des définitions rapportées précédemment, que le taureau destiné à être sacrifié sur le mont Albain était d’abord soumis à une inspection destinée à en vérifier la conformité liturgique : deux statuettes265 – dont l’une provenant peut-être des monts Albains – représentent une vérification de ce genre, opérée sans doute par un pontifex minor. D’où venait l’animal ? Nous avons dit les raisons qui nous font penser à un élevage albain : il reste qu’il est difficile de penser qu’il n’ait pas fait partie de la procession qui, partie de Rome, se rendait, guidée par les consuls et les magistrats de l’Vrbs, au mons Albanus. La scholie de Perse (T140), anecdote étiologique montrant un taureau s’échappant266 jusqu’à Bovillae, signifie-t-elle qu’il en était parti ? Nos textes ne disent rien non plus d’une purification préalable des sacrifiants, mais les installations hydrauliques, dont nous avions précédemment rappelé l’existence sur le mont267, doivent sans doute y être rapportées. Si l’on se réfère au culte des arvales, qui est si richement documenté qu’il vaudrait, selon J. Scheid268, comme « un modèle pour l’étude et la compréhension du culte public », on peut se demander si le sacrifice du taureau était précédé par une praefatio sacrorum, une offrande préliminaire, qui, dans le cas du rituel célébré à La Magliana, consistait en encens et vin269. Sur ce dernier point, l’exclusion du vin dans la cérémonie albaine est clairement indiquée par nos sources, qui parlent d’une libation de lait (T12, 50 et 68) mais sans dire exactement, toutefois, si elle se faisait avant ou après le sacrifice du taureau. Cependant, étant donné qu’elles paraissent poser un rapport d’équivalence entre le lait et le vin, d’ordinaire employé dans les autres rites romains, nous penserions volontiers que c’est précisément lors de cette phase préliminaire au sacrifice lui-même, plutôt qu’après, qu’était faite la libation lactée. Tous les commentateurs270 ont toujours interprété la nature de cette offrande comme l’une des traces les plus sûres d’une civilisation pastorale, l’un des indices les moins contestables de l’origine préhistorique du rituel des Féries. Même si cette lecture reste la plus cohérente, on nous permettra néanmoins de remarquer qu’elle se fonde sur les postulats d’une exclusion du vin de la sphère de la première civilisation latiale et d’une arrivée relativement tardive de cette boisson de souveraineté en Latium : or, nous avons vu qu’il s’agit là de deux thèses qu’il convient à tout le moins de nuancer fortement. Surtout, un rituel, comme nous allons le voir, indissociablement lié aux Féries, faisait intervenir à Rome, sinon le vin, du moins un breuvage de souveraineté. Dans ces conditions, il pourrait s’agir, sur le plan de l’anthropologie religieuse, d’une opposition de valences sacrales autant que d’un simple marqueur chronologique, ces deux points de vue n’étant pas nécessairement contradictoires : le lait est peut-être, chronologiquement, la survivance d’une phase pastorale, dont nous avons vu la probable réalité archéologique271 ; religieusement, il pourrait être le signe que l’offrande s’adressait, ou s’était d’abord adressée, à un dieu qui n’était pas Iuppiter Latiaris. En effet, on ne peut que s’étonner de voir honorée avec du lait une divinité qui est présentée comme bénéficiaire et destinataire du vin du Latium dans le mythe étiologique de l’offrande faite à Jupiter par les Latins en lutte contre Mézence272.
517Notons qu’au témoignage de Cicéron (T12), qui eut à célébrer la cérémonie en tant que consul, il s’agissait là d’un rite purificatoire (lustrasti) s’appliquant à l’ensemble des monts Albains (tumulos) ; voilà donc sans doute la raison qui explique l’expression révélée il y a quelques décennies par l’épigraphie, Latinas condere273, qui est, selon nous, à mettre en parallèle avec la formule bien connue lustrum condere, du reste présente dans la même inscription. Le texte de Festus (T57), i.e. de Verrius Flaccus, c’est-à-dire d’auteurs vivant à une époque où la fête était régulièrement célébrée, semble prouver, à moins qu’il ne s’agisse d’une généralisation abusive – ce dont la précision de langage habituelle à ce lexique nous fait douter -, que le lait n’était pas alors seulement matière à une libation préliminaire, mais qu’il était utilisé comme boisson par tous les participants aux Féries (lactata potione utantur), ce qui pourrait être, évidemment, de grande importance.
518C’est à ce moment que, suivant le témoignage de Denys (T50), l’on placera également les offrandes présentées par les autres cités latines : agneaux, fromages, miel (peut-être). Comme on le voit, on reste dans la sphère d’une civilisation pastorale et préagricole.
519Chaque communauté sacrifiait ensuite une victime particulière (T35), puis venait (T50) le sacrifice du taureau. L’action décrite par le verbe immolare (T115 et, par allusion, T84) désigne par métonymie le sacrifice et implique stricto sensu qu’était versée préalablement, sur l’animal sur le point d’être abattu, de la mola. C’est cette opération qui consacrait véritablement la victime (cf. T140, consecratus), c’est-à-dire qui la faisait entrer dans la propriété divine, qui la rendait sacra. Mais où était préparée cette mola, mélange rituel d’épeautre et de saumure ? On sait que les Vestales de Rome avaient pour tâche la préparation de la mola salsa, et, sur le mont Albain, la présence de Vestales est attestée274.
520Sur les phases suivantes du rite275, nos sources ne sont guère explicites, car elles les résument toutes dans une formule qui ne concerne que l’étape finale et qui servait à désigner métonymiquement l’ensemble de la cérémonie des Féries Latines : carnem petere (T2, 8 et 126). Ainsi les représentants des peuples et cités participant au Latiar demandent-ils à quelqu’un qui ne peut être que le ou les magistrats romains présidant la cérémonie et sacrifiant le taureau leur « part de viande ». On trouve aussi les formules carnem dari (T29 et 32) et carnem accipere (T67 et 126). À suivre la description de Denys (T50), qui semble se conformer au déroulement du rituel, cette distribution est postérieure aux offrandes apportées par les participants : le sacrificium in monte Albano apparaît donc comme une manière d’échange symbolique, une espèce de don suivi d’un contre-don entre les participants et la divinité, le tout sous le contrôle du ou des magistrats romains.
521Sur ce schéma général, la comparaison avec d’autres témoignages et d’autres rites permet d’ajouter des éléments supplémentaires. On y voit en particulier que l’immolatio – où sont utilisés de la mola, un couteau sacrificiel et sans doute, ici, du lait – s’accompagne d’ordinaire d’une prière, à placer « entre la praefatio et l’égorgement de la victime »276. S’agit-il de la prière dont l’oubli par le magistrat de Lanuvium provoqua en 176 av. J.-C. le recommencement des Féries (T35) ? Non, puisque Tite-Live parle à ce propos d’una hostia, comme s’il s’agissait d’un sacrifice annexe et d’une victime mineure : à cette date, il est en outre difficile d’imaginer que la direction de la cérémonie et l’immolation du taureau n’aient pas incombé au consul romain.
522Deux indications données par Denys (T50 et 52) montrent que cette prière était prononcée par le magistrat romain en faveur du nomen Latinum tout entier : ainsi célébrées par et pour les Latins, les Féries méritaient bien leur nom de Latines. Mais ce qu’un autre texte (T35) montre aussi, grâce au hasard d’un incident rituel sans doute archivé ensuite comme tel, c’est que cette prière et ce sacrifice final étaient précédés par des prières et des sacrifices annexes, faits peut-être les uns après les autres (n’y aurait-il pas eu, autrement, cacophonie ?) et dans un certain ordre rituellement fixé (mais sur lequel nous ne savons rien). Quoi qu’il en soit du déroulement exact de ce moment de la cérémonie, c’est chacun des peuples latins qui, séparément, priait alors pour le peuple romain. Ainsi, de même qu’à la chapelle de Versailles les courtisans nommaient dans leurs prières le Roi-Soleil, qui était le seul à être agenouillé vers l’autel, de même, sur le mont Albain, les peuples latins priaient pour le peuple-roi, qui priait ensuite pour eux tous indistinctement, en s’adressant au roi des dieux. Rien, plus que cette dévolution sacrale et la hiérarchie qu’elle suppose, n’illustre mieux le détournement de sens, la mainmise, l’interpretatio Romana imposée par l’Vrbs au vieux rituel latin et fédéral. Car, en diachronie, il faut évidemment supposer que chacun des peuples latins ait, durant la protohistoire, d’abord prié pour lui-même le dieu du Latium auquel le magistrat fédéral demandait ensuite de protéger les Latins dans leur ensemble.
523Le rituel des arvales permet de restituer les étapes suivantes du sacrifice : abattage de l’animal sacrificiel, litatio, découpe, cuisson, reddition de la fressure. La litatio, ou inspection des organes vitaux – dits exta – d’une victime sacrificielle était une étape essentielle de tout sacrifice277. M. G. Granino Cecere278 remarque que parmi les quatre pontifices Albani connus, tous d’époque impériale, trois apparaissent liés avec l’haruspicine d’État, sans, écrit-elle, que l’on puisse discerner la raison d’une telle relation. Le fait, en tout cas, atteste un syncrétisme, autrefois mis en lumière par R. Schilling279, entre la tradition proprement romaine de la litatio, limitée à la vérification du bon état des exta, et la tradition étrusque, donnant à cet examen une finalité divinatoire. De quand date, sur le mont Albain, la fusion entre ces deux traditions ? On suggérerait volontiers le règne de Claude, puisque c’est à lui qu’est due l’organisation d’un collège d’haruspices placés sous l’autorité des pontifes romains, et que l’épigraphie (voir les Fastes et T143i) atteste un intérêt marqué de cet empereur pour le Latiar. D’un autre côté, l’annalistique et l’érudition romaines orientent vers une chronologie nettement plus haute, car elles font mention d’haruspices dans un contexte albain, pour une époque qui est déjà celle des rois : des haruspices apparaissent dans le récit qui sert d’aition à la création des Féries Latines (T16 et p.ê. 56) ; on en retrouve aussi lors de l’épisode de la crue miraculeuse du lac Albain (Liv., 5, 15 et 21), prodige qui passait pour avoir précisément comme cause directe un dysfonctionnement dans la proclamation du Latiar (cf. T17). Sous l’Empire, cette présence d’haruspices sur le mont Albain, loin d’être le signe d’un prétendu déclin ou d’une « situation de danger » pour la religion romaine, nous apparaît au contraire comme le signe de la vitalité et de l’ouverture d’un système religieux pleinement fonctionnel, marquant par là sa capacité à intégrer une certaine forme d’altérité dans un rituel public engageant et symbolisant les rapports de Rome avec le monde extérieur.
524Après l’inspection de la victime venait la découpe et la cuisson des viandes, dont une partie – les exta – était réservée pour les dieux. Intervient alors toute une cuisine du sacrifice, exigeant des équipements dont les traces archéologiques sont peut-être à identifier dans ces restes de constructions retrouvées sur le sommet du Monte Cavo280 ; il faut supposer également281 la présence, sur l’aire sacrificielle, de foyers portatifs, à l’image de ces trépieds dont l’archéologie latiale et albaine, dès les premières phases de la civilisation latiale, offre le témoignage. Une fois cuite et coupée, la fressure282 était posée dans le feu brûlant sur l’autel – ara (T140) – et parvenait ainsi à la divinité sous forme de fumée. La bonne exécution de tous ces rites impliquait évidemment la présence, sur le mont, à côté des prêtres et des consuls, de toute une équipe d’assistants « techniques » (faut-il y inclure les « assistants des tribuns » de T51 ?), qui apparaissent parfois fugitivement dans l’épigraphie283. En 1869, une inscription très fragmentaire284 comprenant une liste de noms propres fut trouvée sur le sommet albain et rapportée par De Rossi aux sacerdotes Cabenses, dont le rôle exact dans le sacrifice fédéral demeure du reste inconnu ; mais la présence d’un nom d’affranchi conduisit Henzen à rejeter cette hypothèse au profit de celle d’un collège de kalatores ; on pourrait maintenant, nous semble-t-il, songer tout aussi bien aux accensi uelati récemment attestés (T143i) : en tout cas, cette inscription révèle l’activité archivistique285 qui pouvait se dérouler dans un sanctuaire comme celui du mont Albain.
525Quels qu’ils fussent, c’étaient ces assistants qui tuaient le taureau, le magistrat, ou plutôt, si l’on en croit Horace286, le prêtre – pontifex Albanus ? – se contentant d’en esquisser le geste avec une hache. L’offrande sacrificielle du taureau constitue ainsi, en droit sacré, un hommage rendu au dieu, ce que traduit très précisément le terme honos287, qui n’est pas employé au hasard par Virgile (T125). Le modèle fourni par le culte des arvales peut permettre de supposer qu’après la reddition de la fressure était prononcée, par le magistrat président assisté d’un prêtre, la prière votive, véritable « prière universelle » en faveur du nomen Latinum.
526L’étape suivante est celle que désignent spécifiquement les expressions carnem petere, carnem dare et carnem accipere288. Alors que pour tous les autres rites publics romains, les documents manquent à propos de ce rite de la répartition sacrificielle, si bien qu’est née entre spécialistes une véritable controverse à ce sujet289, nous disposons, avec la cérémonie des Féries, d’une attestation, indiscutable et répétée, qui fait du rituel du Monte Cavo « l’exemple le plus beau » (J. Scheid) de banquet sacrificiel dans la religion romaine. Le verbe petere employé par Varron et par Pline laisse même deviner, comme on l’a toujours reconnu290, quelques détails du cérémonial suivi. L’expression semble impliquer en elle-même un rapport de subordination. Apparemment donc, les représentants des peuples latins avaient à réclamer leur part de viande à celui qui assurait le partage sacrificiel, fait par ceux qui donnent (dare) à ceux qui reçoivent (accipere). L’oubli dont furent victimes, en 199 av. J.-C., les représentants d’Ardée (T29), et, en 190, ceux de Lavinium (T32), révèle qu’une certaine confusion pouvait régner sur le mont Albain au moment de cette distribution. Cela semble exclure que les noms des cités aient été appelés un à un d’après une liste préétablie, et on pensera plutôt à un défilé de leurs délégués devant l’officiant. Le témoignage de Denys (T50) – qui fut probablement témoin oculaire291 d’au moins une célébration des Féries – assure explicitement qu’il s’agit alors d’un partage inégal, se faisant selon une proportion fixée à l’avance. On peut donc penser qu’il y a eu un document spécifiant la part qui revenait à chacun et dont la rédaction aurait été attribuée à l’initiative de Tarquin : s’agissait-il d’un commentaire sacerdotal ou d’un décret pontifical romain ? Certains recevaient donc plus que d’autres et, de fait, d’autres sources, réunies par J. Scheid292, attestent pour d’autres sacrifices l’existence d’une semblable hiérarchie distributive. À l’image de ces exemples, on peut supposer que le ou les consuls romains recevaient aux Féries double, voire triple part : hiérarchie quantitative dont on peut se demander si elle ne s’accompagnait pas également d’une hiérarchie qualitative, du point de vue de la nature des morceaux distribués. Il est clair que cette hiérarchie sacrificielle entre les différents participants au Latiar ne faisait que refléter et légitimer sacralement la hiérarchie politique des cités latines entre elles et par rapport à Rome293. L’hypothèse d’une inégalité de répartition opposant seulement Rome à l’ensemble des autres participants contredirait Denys (T50) mais expliquerait mieux les incidents de 199 et 190 : en ce cas, il est sans doute inutile de supposer l’existence d’un document rituel de référence.
527Un autre aspect, d’ordre plus concret, semble ne pas avoir suscité de difficulté auprès des commentateurs : si les cités membres de la ligue albaine étaient, comme l’assure Denys (T50), au nombre de quarante-sept, et s’il paraît bien que chacune d’elles était représentée éventuellement par plusieurs délégués (cf. T29, legati), il s’ensuit – sans tenir même compte du fait que ces parts étaient peut-être inégales -, que le nombre des bénéficiaires du partage sacrificiel était assez élevé : un seul animal y suffisait, dans la mesure où il n’y avait qu’une portion par cité (cf. T50). Le problème (au centre d’un débat entre M. Kajava et J. Scheid) vient en réalité du fait, attesté il est vrai seulement pour d’autres cérémonies mais présumable sur le mont Albain, que, même si le banquet sacrificiel des Féries s’adressait d’abord aux délégués des peuples ou des cités membres du Latiar, une cérémonie publique s’accompagnait normalement294 d’une participation de l’ensemble des assistants : or il s’agissait, sur le mons Albanus, d’une foule considérable. Ou alors, doit-on supposer que tous ces gens ne faisaient qu’assister au repas sacrificiel pris, devant eux mais sans leur participation directe, par leurs magistrats et leurs prêtres ? En réalité, d’autres sacrifices, dont on ne connaît pas le moment exact dans la cérémonie, sont attestés : Cicéron parle de victimes au pluriel, hostiae (T4) ; en 176 av. J.-C., le magistrat de Lanuvium (T35) oublie de prier pour le peuple romain (in una hostia) en sacrifiant une victime qui ne paraît pas être le taureau blanc (qui aurait été appelé uictima) de Jupiter Latial ; on peut déduire de cet incident que la prière pour Rome adressée par chacune des cités latines s’accompagnait à chaque fois du sacrifice d’un animal – qui, à en juger par T50, pouvait être un agneau. Le Latiar se célèbre inter sacra et aras (T84), au milieu des sacrifices et des autels : pluralité de sacrifices, d’autels, de dieux, le tout sur le même lieu. Pluralité de victimes, donc, ce qui peut suffire à répondre à la difficulté que nous évoquions.
528Comparativement, il nous semble que ces considérations nous permettent désormais de comprendre un peu mieux la physionomie d’un autre lieu sacré du Latium, le site dit des treize autels de Lavinium295, d’autant plus qu’il s’agit aussi d’un lieu fédéral, comme le suggère sa situation extra muros par rapport à la cité. Le modèle albain restitué ici expliquerait donc pourquoi il y avait là-bas des autels qui (même si leur total ne fit jamais treize) fonctionnaient à plusieurs en même temps, avec, éventuellement, une diversité des divinités destinatrices du culte. Pour en revenir au mont Albain, nous nous demandons si, comme c’est le cas pour le Septimontium qui est le nom d’un jour du férial déterminé par une réalité topographique296, le mot Latiar n’aurait pas désigné autant cette aire sacrificielle parsemée d’autels que le sollemne sacrum (T22) qui y était célébré. Le suggérerait l’analogie297 avec cet Apollinare, qui désigna d’abord une aire consacrée au dieu grec dans l’enceinte du Cirque Flaminius ; et surtout, le nom ancien d’une des hauteurs du Quirinal, collis Latiaris (T1)298 : le toponyme ne doit-il pas être compris comme signifiant un collis pourvu d’un Latiar ? Et en ce cas, le nom du sanctuaire lavinate « aux treize autels » n’a-t-il point dû être le même : Latiar ? Nous le penserions d’autant plus volontiers qu’on a récemment proposé de reconnaître299 dans le site lavinate le lieu où les colonies latines venaient, avant 338 av. J.-C., célébrer leur appartenance au nomen Latinum ; il y aurait correspondance in globo entre la chronologie des différents autels et celle des plus anciennes colonies latines.
529L’immolation et les prières achevées, venait le banquet sacrificiel (T50), qui, en droit sacré, fait pleinement partie du sacrificium300 : au cas où la foule rassemblée sur le mons Albanus y participait, il faudrait peut-être supposer que les parts de viande étaient, non pas données, mais vendues aux convives. Il n’y a, il est vrai, qu’un seul exemple précis, celui des ludi Taurii de Rome, mis récemment en lumière par J. Scheid301, mais, vu sa date et son contexte, il n’est pas à écarter. Quoi qu’il en soit, Denys (T50), qui avait à sa disposition des sources que nous n’avons plus, parle pour les Féries d’un « banquet collectif », qui devait concerner l’ensemble des sacrifiants, latins et romains : en supposant une portion distribuée par cité latine, et compte tenu de la probable prédominance des officiants représentant Rome, cela veut dire que le taureau jupitérien était au moins divisé en une soixantaine de parts sacrificielles. Avec, en outre, la cinquantaine de victimes mineures abattues par les cités latines, la commensalité sacrificielle avait matière à s’exercer largement sur le mont Albain. Tout cela impliquait, sur le terrain, des structures pour la préparation des viandes et l’on peut penser à ce que Varron dit de l’équipement en « cuisines » dans les sanctuaires du Latium302 : s’y rapportent peut-être, sur le mont, des vestiges vus jadis par les voyageurs (cf. supra p. 274), ainsi que d’autres à Lavinium, où le sanctuaire aux treize autels était bordé par une construction légère mais vaste303.
530Il faut croire que l’ensemble de ces rituels occupait toute la journée puisque l’on sait, par Lucain (T62 et 64), que le signal de l’achèvement de la cérémonie était donné par un grand feu nocturne allumé sur le mont. Ensuite, le ou les consuls ou préteurs romains avaient la possibilité de partir aussitôt (ex templo, T40 ; protinus inde, T44) pour leur province : les sources sont très claires (T 25, 39, 42 et 43) sur le caractère conclusif de cette journée. Si donc une maison (T107) était destinée aux consuls sur le mont, elle n’avait pas pour fonction de leur permettre d’y passer la nuit venant après la cérémonie : s’il ne s’agissait pas de la nuit suivante, c’était par conséquent la précédente où ils avaient à être déjà là, pour une raison qu’il nous faudra éclairer.
531Mais, même une fois la cérémonie achevée et les participants rentrés chez eux, il restait une formalité assez importante pour avoir laissé des traces jusqu’à aujourd’hui : la gravure des Fastes, qui, selon une hypothèse oubliée de G. De Rossi, incombait aux Cabenses sacerdotes. D’un fait épigraphique, Mommsen allait faire un problème d’ordre historique304 : pourquoi ces Fastes ne commencent-ils qu’en 451, avec le Décemvirat ? Alfoldi305 répondit à cette question dans le cadre de son interprétation générale des primordia, y voyant la preuve que Rome n’avait accédé à la grandeur et à l’hégémonie sur les Latins qu’à partir de cette date, très tardive par rapport aux dires de la tradition littéraire. Une dizaine d’années plus tard, Gjerstad306 apportait une réponse qui n’était pas moins cohérente, mais en fonction d’une autre herméneutique : conformément à la théorie défendue par son compatriote K. Hanell, il y voyait le signe que la royauté romaine avait existé jusqu’au milieu du ve siècle, et que les rédacteurs des Fastes avaient voulu occulter cette période royale. Aujourd’hui, les deux systèmes qui fondaient ces différentes explications sont, on peut le dire, fragilisés, même s’il est probable qu’ils connaissent un jour ou l’autre quelque regain307. La grande Rome des Tarquins est une réalité urbaine qui s’impose chaque année davantage à l’attention des archéologues, tandis que la chronologie céramologique qui était à la base des travaux de Gjerstad s’est trouvée, nous l’avons vue, totalement réfutée par les spécialistes. Toute réponse doit, à notre sens, partir du caractère historique, indirectement mais fermement assuré par les fouilles du temple romain des Castores308, qu’a le foedus Cassianum309 de 493 av. J.-C. Dès lors, plusieurs solutions sont possibles : ou le commencement en 451 seulement des Fastes des Féries traduit une innovation archivistique310 qu’on mettra en rapport avec la publication des XII Tables, et, peut-être, une réforme calendaire ; ou bien cela voudrait dire que les Féries ne furent pas célébrées entre 493 et 451, le temps que s’estompe le souvenir des très vifs conflits qui avaient opposé Romains et Latins. En ce cas, il faudrait invalider l’affirmation de Denys (T51) selon laquelle une journée avait été ajoutée aux Féries en mémoire de la conclusion du f. Cassianum ; mais le principe même d’un accord romano-latin n’impliquait-il pas la célébration régulière du Latiar ? C’est aussi dans cette perspective des rapports entre Rome et les cités latines qu’il faut, selon nous, comprendre pourquoi la légende d’Enée met en scène, dans un contexte pourtant clairement albain et fédéral, le sacrifice d’une truie et non d’un taureau : dans le langage du mythe311, Rome ne pouvait mieux dire que ses relations avec le nomen Latinum étaient désormais fondées, non point sur le partage communiel et annuel du taureau latin, mais sur la conclusion contractuelle et singulière d’accords passés successivement avec chacune des cités ; il est peu probable, toutefois, que cette évolution se soit produite dès 493 et on pensera plutôt au siècle suivant.
532Quoi qu’il en soit, on se souviendra que ces Fastes furent, pour une part, gravés et affichés à l’époque augustéenne312 : on ne saurait donc exclure a priori que l’attribution, avant 338 av. J.-C., de la présidence des Féries à des magistrats romains, ne résulte d’une falsification – même si cette hypothèse nous paraît excessive. Notant, évidemment sur ordre, la présence ou l’absence du princeps sur le mont313, le rédacteur des Fastes témoigne de l’intérêt qu’accordait le nouveau régime à l’antique cérémonie. Le soin apporté par Auguste à la réforme des praefecti feriarum latinarum, dont Dion Cassius se fait à plusieurs reprises l’écho, confirme cette impression. D’autres signes peuvent être observés dans des domaines différents : E. Rodriguez-Almeida314 a ainsi démontré que le plan de Rome établi sous les Sévères avait eu un modèle augustéen, aujourd’hui perdu ; or ce même savant souligne que ce plan sévérien est orienté selon un axe sud-est correspondant à la via Latina et unissant le Capitole et le sanctuaire du mont Albain. Relevons aussi, sans donner à cet indice valeur de preuve, que la porta Capena, d’où partaient la via Latina comme la via Appia, toutes deux orientées vers les monts Albains, avait donné son nom à la première des quatorze régions de l’Vrbs315. Mais ce sont surtout les sources littéraires qui révèlent l’intérêt du régime augustéen pour le sanctuaire du nomen Latinum, si l’on veut bien les considérer dans la perspective de « l’horizon d’attente » qu’elles devaient avoir en vue : à cet égard, les textes de Varron (T1 à 3) et surtout l’insistance si frappante de Tite-Live (T15 à 47) sur la célébration ou la non-célébration des Féries, celle, également, de Denys pour la monarchie tarquinienne (T50), la précision des lemmes de Verrius Flaccus (Festus) (T56 à 58) valent comme autant d’indices révélateurs. Tout cela nous ferait penser que les interventions d’Auguste sur le site – affichage des Fastes et sans doute réfection du sanctuaire – ont pu culminer avec sa venue sur le mont et la présidence des Féries qu’il assura en 23, peut-être pour marquer l’achèvement des travaux. Et est-ce un hasard si, dans l’épître (2, 1, 27) qu’il dédie précisément à Auguste, Horace mentionne les Muses du mont Albain, qui, déjà dans l’Antiquité, suscitaient l’étonnement de ses commentateurs ?316 La venue d’Auguste en 23, à un jour qu’on ne peut malheureusement préciser, avant les kalendes de juillet, fit même peut-être date317 : les Féries de 41, 70, 71, 99 et 108 furent toutes fixées par rapport à ces kalendes de juillet, celles de 41, 70 et 71 l’étant « VII k. Iul. »...
LES FÉRIES ARCHAÏQUES
533Si Auguste avait marqué ainsi tant d’intérêt pour les Féries, c’est que leur ancienneté leur donnait de droit une place dans le programme de restauration archaïsante qu’il entreprenait. Peut-on, aujourd’hui, dire plus précisément à quand remontent les Féries Latines et quelle fut leur portée dans le Latium, où elles connurent leurs premiers développements ?
534La tradition antique n’a pas du tout ignoré cette question de l’origine des Féries : elle y a même apporté des réponses beaucoup plus variées qu’il ne semble à première vue. On dit presque toujours318, en effet, que les sources se partagent entre deux doctrines, l’une attribuant la création des Féries aux prisci Latini, l’autre aux Tarquins. En réalité, les sources ont exploré presque toutes les possibilités situées entre ces deux attributions. À y regarder de près, en effet, il apparaît que le traité conclu par Romulus avec les Latins dont Plutarque fait état (T72) implique une célébration fondatrice des Féries : comment ne pas reconnaître, dans ces « Latins autochtones » (προγενέστεροι), ces prisci Latini de la tradition latine, dont les liens avec « Albe » sont très étroits ? La même conclusion peut être tirée de la notice de Tacite sur l’origine de la préfecture de la Ville (T79) et, à première vue, de celles montrant Romulus sacrifiant avec Titus Tatius sur le mont Albain (T142)319. Ailleurs, Juvénal, dans un texte certes parodique, mais remarquablement précis sur le Latiar, fait allusion au rituel de Numa, more Numae (T80), selon une tradition qu’on trouve peut-être déjà chez Lucain (T65) ; ailleurs encore, d’autres textes, appartenant au genre historique (T48 et 49) aussi bien qu’au courant antiquaire (T56), impliquent, sinon une création, du moins une refondation des Féries par Tullus Hostilius. On connaît bien, enfin, les hésitations des textes entre Tarquin l’Ancien et Tarquin le Superbe, conformes à un schéma qui se retrouve pour toutes les grandes initiatives de la dynastie320. Faunus, Latinus, Romulus, Numa, Tullus Hostilius, les deux Tarquins : les rois du Latium et tous ceux de Rome sont donc cités par les sources à propos de la fondation des Féries, et si Servius Tullius manque seul à l’appel, ce peut être dû simplement aux lacunes de notre documentation. C’est d’ailleurs peut-être cette richesse de la tradition qui a conduit Tite-Live à faire silence sur l’origine des Féries. Le débat, en réalité, n’est pas seulement chronologique : se demander, pour l’érudition antique qui le fait dans un cadre étiologique, quand les Féries ont commencé, c’est s’interroger sur le problème de leur origine – romaine ou latine ? Sans doute la doctrine officielle romaine est-elle venue recouvrir des traditions plus anciennes.
535Au total, seul l’épisode tarquinien est susceptible d’une analyse d’ordre historique, au moins en partie. Le regard de la communauté scientifique sur la geste des rois de la Rome du vie siècle est en effet de plus en plus historicisant : c’est là une approche qui rassemble significativement toutes les écoles de pensée321. On se souvient que nous avons proposé322 une chronologie archaïque de la source de Ferentina, déesse que nous interprétons comme l’hypostase fonctionnelle de l’emissarium Albanum et dont nous déchiffrons le nom comme celui d’une « Pourvoyeuse », « Donatrice », « Conductrice ». Tournons-nous maintenant vers une autre tradition, qui reçoit peut-être des remarques précédentes un éclairage nouveau : il s’agit du texte de Promathion323, où l’on voit un Tarchetios présenté comme « roi des Albains ». Or la notice a d’autant plus d’intérêt que, comme le montre l’épisode de César salué roi à son retour des Féries en 44 av. J.-C., il pourrait s’agir, selon la suggestion de S. Weinstock324, d’un titre qui aurait été, dans la protohistoire, celui du magistrat-prêtre fédéral présidant le Latiar. Dans ces conditions, la tradition, d’autant plus intéressante qu’elle est plurielle, sur la fondation des Féries par les Tarquins prend un relief particulier.
536Peut-on ajouter à ces indices, ténus mais réels, l’existence d’un nom comme celui de Tusculum325, porté par l’un des principaux verrous stratégiques du massif albain, pour appuyer la thèse d’une intervention forte de la monarchie tarquinienne dans cette partie du Latium ? Malgré les apparences, sans doute non, car il peut tout aussi bien être d’origine villanovienne ou archaïque. Dans le Latium, un nom comme Tusculum est aux monts Albains ce que le nom du uicus Tuscus est à Rome : le signe de la présence d’une communauté dont la spécificité ne se dissout pas dans le milieu qui l’accueille. Mais bien des explications sont possibles, et aucune chronologie ne se laisse préciser326. Quant à l’origine étrusque que la science avait autrefois327 cru pouvoir donner à des noms comme Velletri ou Terracine, il s’agit d’hypothèses abandonnées aujourd’hui. Il reste que la tradition antique de la fondation des Féries Latines par un Tarquin est cependant, selon nous, à prendre au sérieux. Pour autant, elle n’implique pas une création ex nihilo, trop d’éléments – à commencer par son nom et sa situation géographique – révélant une origine encore plus ancienne de la fête. Tarquin n’a pas plus fondé les Féries qu’un roi nommé Ancus Marcius n’a fondé des salines ostiennes dont le nom de la uia Salaria suggère l’existence antérieure328 : ces traditions reflètent sans doute au moins une tentative de prise de contrôle politique.
537Les considérations qui précèdent éclairent-elles le vieux débat329 sur la place respective du religieux et du politique au sein du nomen Latinum ? L’idée, très répandue au début du siècle dernier et soutenue encore par Rudi Thomsen330 en 1980, d’une priorité originaire du sanctuaire de Ferentina, doit être, selon nous, abandonnée. La ligue aricienne, dont Caton (fg. 58P) atteste l’existence, doit, conformément aux conclusions de la recherche récente331, être placée entre la fin de la royauté romaine et la bataille du lac Régille : sur le terrain, la ressemblance, si poussée qu’on ne peut que la croire volontaire, entre les deux émissaires, celui du lacus Albanus et celui du specus Dianae, doit, à notre avis, être comprise comme une tentative de substitution de l’un à l’autre canal, et, partant, de l’une à l’autre ligue332. Non moins significative est, de ce point de vue, l’absence (déjà soulignée par Nissen), dans nos « sources » qui sont des textes romains, de toute mention quant à un culte attaché au débouché de l’émissaire de Nemi : silence éloquent qui vaut condamnation. Enfin, et surtout, la dualité Ferentina-Latiar ne saurait plus, dans cette perspective, être considérée comme une difficulté insurmontable ou une étrangeté inexplicable. Le Latiar, comme nous l’avons vu, est annuel, et ne peut être répété que pour des motifs exceptionnels. À l’opposé, le rythme des réunions au caput Ferentinae n’est ni fixe ni limité dans sa fréquence, et, même si rien n’interdit de penser que, dès qu’il fut construit, les participants au Latiar s’y arrêtaient dans leur marche vers la montagne sacrée pour une réunion plus spécifiquement politique, puisqu’il est situé près de l’Appia, il s’agit là d’un minimum qui n’excluait pas d’autres réunions quand le besoin s’en faisait sentir. L’origine romaine des réunions à la source fédérale, suggérée selon nous par le parcours même de ses eaux333, serait, si elle était prouvée, en conformité avec la tradition antique, mais sur une base qui n’en dépend pas, et montrerait le contrôle exercé par l’Vrbs royale sur la ligue : on voit chez Tite-Live334 Tarquin convoquer, de son propre chef et à un moment qui n’est pas fixé par le calendrier religieux, les peuples latins au bois sacré de Ferentina. Là-haut, donc, sur la montagne, venue du fond des âges, la liturgie solennelle et formelle des peuples latins ; ici, dans la plaine, la réalité changeante des rapports de force, à un rythme qui est celui des événements et non celui de la religion, même si cette dernière n’était évidemment pas absente de ces réunions, comme le prouvent l’existence même de Ferentina ainsi que la notice de Plutarque335 sur les sacrifices attribués à Romulus et à Tatius, ce qui ne permet cependant pas d’affirmer que les rites aient été encore célébrés au premier siècle de notre ère. En tout cas, c’est cette différence de rythme et de statut entre ces deux lieux de réunion du nomen Latinum qui explique à notre sens que, comme l’affirment les sources antiques336, le lieu où, désormais, se jouait l’évolution des rapports entre les différents membres de la ligue latine ait été, dès sa construction et jusqu’en 338 av. J.-C., le caput aquae Ferentinae et non plus le mons Albanus, qui semble disparaître de l’horizon des textes sur la période archaïque, sans que pour autant l’on doive en déduire que les Féries auraient alors cessé d’être célébrées.
538Il y a d’ailleurs, autour du sanctuaire du Monte Cavo, d’autres lieux de culte fédéral, outre celui de Ferentina : c’est ainsi qu’à Lavinium, avec le sanctuaire dit des treize autels, à Aricie, au temple de la Diane de Nemi, à Tusculum, au lieu dit Corne337 et, selon Pline et Strabon338, à Ardée, l’archéologie ou la tradition conduisent à placer d’autres sanctuaires dont le caractère latin et fédéral ne fait guère de doute. Avec Ferentina, on arrive donc à au moins cinq lieux de culte fédéraux dans le Latium, ce qui semble beaucoup, à première vue, pour une seule ligue. Face à cette pluralité a priori gênante, la recherche récente et moins récente a très généralement recouru à la classique opposition du politique et du religieux, pour proposer deux solutions alternatives : ou bien, avec Alfoldi, on suppose des hégémonies successives, émanant, à chaque fois, d’un sanctuaire lié à l’une des principales cités du Latium archaïque et on en arrive ainsi à l’idée d’une espèce de « turn-over » pour la souveraineté dans la ligue latine ; ou bien, avec T. J. Cornell339, on conclut à la coexistence, plus ou moins pacifique, de différents systèmes d’alliance formant chacun une fédération plus ou moins étendue au même moment. Ces deux hypothèses sont en opposition avec la tradition ancienne qui, elle, attribue de façon aussi constante qu’explicite la souveraineté, « l’hégémonie »340 en Latium, à la seule Rome. Pur mensonge dicté, pense-t-on, par le chauvinisme, au demeurant indéniable, de l’annalistique. Il est clair qu’au terme de cette logique, qui trouve déjà ses prémisses chez Mommsen, c’est la possibilité de l’unité de la ligue latine et, plus fondamentalement, l’existence même d’une ligue latine qui sont en question. Poussant jusqu’au bout le raisonnement, le rédacteur de la seconde édition de la canonique Cambridge Ancient History (T. J. Cornell) en vient donc à définir la ligue latine comme un ensemble mouvant d’alliances variées : une ligue, donc, si tant est que le mot soit encore pertinent, plurielle, contractuelle et à géométrie variable341. Dans le même temps, les mêmes savants refusent, selon la logique de leur raisonnement, toute historicité à la tradition de la fondation des Féries par les Tarquins342. À l’image de l’hégémonie exclusivement romaine, présentée par les sources, se substitue le modèle d’une hégémonie itinérante, partielle et provisoire.
539En réalité, la Rome royale ne saurait, selon nous, être mise sur le même plan que celle des premiers âges républicains, et les rapports de l’Vrbs et des peuples latins n’ont pas nécessairement suivi une évolution à sens unique. Quoi qu’il en soit, nous voudrions mentionner d’autres éléments, d’ordre topographique, qui peuvent indiquer, au moins, que le sanctuaire albain ne cessait pas d’être la référence des ligues partielles qui pouvaient se former ici et là. Il s’agit de l’orientation343 de ces sanctuaires latins. L’examen des réalités du terrain ne laisse pas en effet d’être riche d’enseignements : à Lavinium, par exemple, les autels sont orientés à l’est344 et cela pourrait s’expliquer par la volonté qu’auraient eue leurs constructeurs de les tourner, en quelque sorte, vers l’acropole de Pratica di Mare, d’où venaient, vraisemblablement, les processions sacrées345 ; explication qui doit, à notre sens, être complétée par la remarque suivante : en prenant, près des autels, la place d’un officiant antique, un observateur dirigeant ses regards vers la cité lavinate pourra constater encore aujourd’hui que la haute silhouette de la citadelle, dont Carcopino découvrit avec tant de soulagement le vertigineux surplomb qu’elle forme au-dessus de la plaine346, se dresse avec en toile de fond le décor que dessinent les monts Albains, et singulièrement le mons Albanus347. Ailleurs, il est frappant de constater combien le même Monte Cavo est visible et omniprésent pour qui se trouve sur les pentes de Tusculum348. Le site d’Ardée, quant à lui, est loin d’avoir révélé aux archéologues tous ses secrets, d’autant qu’il a subi, encore récemment, nombre de déprédations. C’est ainsi qu’ont été dégagées des ruines de temples, dont l’identification n’est rien moins qu’assurée, notamment au lieu-dit Civitavecchia où les traces de deux édifices sont apparues récemment grâce à la fouille. Or, selon les dires mêmes de l’archéologue E. Tortorici, « i due templi sembrano ambedue orientati lungo un asse longitudinale, diretto verso i Colli Albani, che attraversa tutta l’area urbana »349 : témoignage d’autant plus valable qu’il n’a, on le voit, nullement été sollicité. Est-il besoin, enfin, d’ajouter que pour le bois sacré de Ferentina, le rapport topographique avec le Monte Cavo est indiqué par les sources antiques elles-mêmes : sub monte Albano ?350 De même le sanctuaire de l’Albunea, dont la valeur fédérale est bien soulignée par la recherche récente, est-il décrit par Bonstetten qui, le premier, en reconnut le site351 à la Zolforata, comme dominé par la silhouette « de ce majestueux mont Albain ». Ainsi, pour tous les sanctuaires dont la recherche récente a tiré argument pour contester la centralité du lieu de célébration des Féries Latines, des indices, qui n’appartiennent pas aux domaines, toujours sujets à évaluations contradictoires, de la philologie et de l’historiographie anciennes, convergent tous vers une seule et unique direction : celle du Latiar, du mons Albanus où, chaque année, les populi Latini fêtaient ensemble les feriae Latinae. Il est vrai que le Monte Cavo, l’un des principaux sommets de toute la région, y est visible de partout : mais, compte tenu du fait qu’il était le lieu de la principale panégyrie fédérale, il nous paraît difficile de postuler que cette orientation ait été dépourvue de toute signification. Cela n’empêche pas qu’un épisode comme celui de la ligue tusculo-aricienne, dont Caton (fg. 2, 28 Ch.) nous a transmis le souvenir, doit sans doute être interprété sous un angle anti-romain et sécessionniste352, fût-ce pour un temps. Mais ces éléments topographiques prouvent le caractère à la fois central et primordial du sanctuaire du mons Albanus, au moins du point de vue de l’idéologie religieuse.
540Ajoutons à ces considérations un fait qui incline l’analyse dans la même direction : la première phase du sanctuaire lavinate des treize autels, qui ne sont alors que trois (les n° 8, 9 et 13), a été datée, par F. Castagnoli et son équipe, du milieu du vie siècle ; un siècle plus tard, au milieu du ve donc, l’aire sacrée fit l’objet, selon les mêmes spécialistes, d’une restructuration générale353. Or ces deux étapes ont leur équivalent sur le mont Albain, avec la tradition d’une intervention tarquinienne d’une part, la gravure, d’origine décemvirale, des Fastes d’autre part. Sources incomplètes dans l’un et l’autre cas, il est vrai, mais qu’il est tentant de compléter en chiasme : d’un côté une tradition qui n’est sans doute seulement littéraire que par suite des lacunes béantes de notre documentation sur le site du Monte Cavo354, tandis qu’il est difficile de penser que l’intervention décemvirale ne se soit pas accompagnée d’un remaniement, au moins partiel, du sanctuaire, même s’il est impossible d’en dire davantage. On peut se demander, bien sûr, si les autres sanctuaires panlatins ne firent pas également l’objet de réaménagements aux mêmes moments, mais l’insuffisance des données archéologiques s’oppose à toute conclusion. D’ores et déjà, cependant, on se gardera de la tendance, qui a survécu à Alfoldi, à présenter dans une optique excessivement anti-albaine les développements du sanctuaire lavinate : puisque Albe ne fut, nous l’avons vu, jamais une ville, l’interprétation, assurément très courante355, de la légende des origines latines sous l’angle d’une histoire urbaine avant la lettre, opposant les deux métropoles qu’auraient été Albe et Lavinium, la seconde succédant à la première, ne nous paraît pas pertinente. À tout le moins doit-elle être transposée sur le plan de la symbolique religieuse : autrement dit, si Lavinium a joué, comme notre analyse du mythe de Latinus nous le fait penser, un rôle fédérateur important dans l’histoire du Latium archaïque (aux viie-vie s.), il nous semble qu’elle l’a fait en récupérant, contre Rome, le modèle fédéral albain.
541Les considérations qui précèdent ont une autre conséquence : si notre analyse du mot Latiar en termes topographiques est justifiée, il s’ensuit que le Jupiter Latiaris n’est plus seulement le dieu honoré sur le mons Albanus, mais un dieu ayant pu avoir d’autres lieux de culte ailleurs en Latium356, sous réserve, bien sûr, que ces autres aires sacrées restent référées au sanctuaire majeur, comme le suggère l’examen des questions d’orientation.
542Cette interdépendance se manifeste également dans la relation qu’entretient le sanctuaire albain avec le site romain. Là aussi, il semble bien que des lieux de culte majeurs soient placés sub monte Albano : pour qui est sur le Germal, autrement dit la partie la plus romuléenne du Palatin, près de laquelle se trouvait la Roma quadrata, l’horizon, à l’est, se trouve dominé par la haute, et presque proche, masse du mons Albanus357 ; sur le Quirinal, le nom, sinon la situation, du collis Latiaris, semblent de même renvoyer à la montagne latine358. Surtout, le mont Albain se trouvait dans la visée de l’augure placé sur l’auguraculum de l’arx, longtemps localisé dans le jardin de l’Ara Coeli359. Le mérite de cette constatation revient à Richardson, et F. Coarelli en déduisit logiquement l’existence, sur le mont Albain, d’un auguraculum360. Nous avons nous-même, autrefois361, développé cette hypothèse du point de vue des conclusions qu’elle nous paraissait autoriser au sujet de la formation de l’espace romain de l’Vrbs. Force est de reconnaître, cependant, qu’elle a rencontré une forte opposition : une autre localisation de l’arx capitoline et la contestation de la qualité d’arx pour le sommet albain ont été, de ce point de vue, les arguments essentiels362. Dans ces conditions, le face-à-face du mont Capitolin et du mont Albain était laissé aux seules contingences de la géographie physique. À l’examen, aucune de ces objections ne nous paraît définitive : d’abord parce que le catalogue des Argées transmis par Varron (LL, 5, 52) atteste l’existence, sur le collis Latiaris, d’un auguraculum ; parce que le toponyme romain suggère un parallélisme avec un mons Albanus qui, nous l’avons vu, a dû d’abord avoir le nom de Latiaris, il nous paraît donc logique de restituer à la montagne latine un autre auguraculum. Par ailleurs, une autre localisation de l’arx capitoline ne remettrait pas en cause un rapport visuel avec le mont Albain, qui apparaît maintenant avoir conditionné, sans doute non sans interférences religieuses, l’orientation même du plan sévérien de Rome (cf. supra n. 314). Surtout, et sans parler de la suggestion fournie par les Tables Eugubines, l’appellation arx Albana était celle qui était très officiellement – l’épigraphie en fait foi363 – donnée au Monte Cavo, et, partant, elle implique à elle seule, un lemme de Festus (17L) le prouve, la présence d’un auguraculum.
543D’ailleurs, on peut se demander si ce n’est pas la qualité augurale qu’aurait eue ainsi, selon nous, le mont Albain, qui explique certaines particularités de la célébration des Féries. Nous avons vu, en effet, que les consuls (ou au moins l’un d’eux) devaient, avant leur départ pour leur province, aller présider les Féries Latines. Coutume qui semble avoir eu des bases très sérieuses, institutionnelles semblerait-il, à en juger par la virulence des accusations portées, à tort peut-être, contre Flaminius qui passait pour ne pas l’avoir respectée. Dion Cassius évoque d’autre part (T107) l’existence, sur le mont Albain, d’une demeure destinée à accueillir les consuls, et il est clair que ce séjour concernait la veille du sacrifice du Latiar plutôt que le lendemain364. Bref, il était impératif que les consuls allassent sur le mont Albain et s’y trouvassent à l’aube, après y avoir passé la nuit. Comment interpréter cette double exigence, dont la première est bien connue mais la seconde, qui pourtant l’éclaire, beaucoup moins ? Goût pour la promenade, désir de profiter du lever du soleil, effectivement magnifique à observer en ces lieux élevés à cette heure-là, souci d’hygiène ? Evidemment non ; même si l’usage romain voulait qu’on commençât souvent un sacrifice le matin, on peut penser ici à une autre cause : la prise d’auspices. C’est elle, on le sait par Festus, qui requiert du consul qu’il post mediam<noctem auspi>candi causa ex lectulo suo si<lens surr>exit et que, mane surg<ens auspicandi gratia euigi>lauit365. Jusqu’à présent, autant on s’accordait pour éclairer, au vu de textes explicites, par le droit augural, la visite des consuls au Capitole, autant le pèlerinage qu’ils avaient le devoir d’accomplir immédiatement après au mont Albain restait relégué dans les limbes d’un vague mos maiorum. C’est ainsi qu’A. Giovannini a bien vu qu’« on ne rencontre jamais l’expression paludatis lictoribus exire ou paludatus exire pour un magistrat qui se rend aux Feriae Latinae »366, mais sans en expliciter la raison. À moins d’attribuer au hasard cette omission récurrente, la seule explication possible est que le Latiar était tout aussi indispensable au changement de tenue et de qualité indiqué par le mot paludatus que la cérémonie du Capitole. Si elles sont justifiées, les observations qui précèdent permettront désormais de comprendre le pourquoi de ce qui valait comme une véritable prescription de droit public : après la prise des auspicia urbana inaugurant, au sens fort du terme, son pouvoir sur la res publica de Rome, le nouveau consul procédait, nous semble-t-il, à une seconde auspicatio, qui inaugurait de la même façon l’imperium du plus haut magistrat de l’État sur le territoire qui avait si longtemps représenté et symbolisé pour l’Vrbs le monde extérieur : l’ager de la vieille confédération du Latium antiquum. En évoquant, dans la prosopopée qui conclut le pro Milone, Jupiter Latial en train de contempler les limites – fines – de son territoire, il est donc possible que Cicéron – lui-même augure367 et qui avait eu à célébrer en tant que consul les Féries de 63 – n’emploie pas au hasard un mot qui appartient à la langue augurale368. Autrement dit, on369 a eu tort de nier toute pertinence théologique au concept d’ager Latinus qui apparaît non seulement chez Tite-Live mais chez Varron, c’est-à-dire chez un auteur soucieux d’une grande précision terminologique en matière religieuse : mais on a préféré parler d’approximation plutôt que d’admettre que le droit augural n’était pas nécessairement lié à une réalité urbaine. Comme le remarque justement C. Cecamore370, l’ager Latius mentionné par Varron (LL, 5, 32) est implicitement référé au mont Albain. Et si la classification officielle des agrorum genera rapportée par le même texte (ibid.) ignore cet ager Latius, c’est qu’il était antérieur – ce que dit Varron – à l’urbanisation en Latium, antérieur à Rome.
544Ainsi, la liaison du sanctuaire albain avec le site romain comme avec les principaux sanctuaires fédéraux du Latium était, à notre avis, fondée sur le droit augural. On peut se demander, dans ces conditions, si, parmi les vestiges d’« habitat » latial identifiés récemment sur le sommet albain, certains ne sont pas à mettre en relation avec le premier état d’un tabernaculum371, ou poste d’observation rituel372. Nous pensons donc que, sur le mont Albain, le consul pratique une auspicatio, indispensable, parallèle et complémentaire par rapport à celle qu’il vient d’effectuer sur le Capitole. Pourquoi, cependant, les textes ne parlent-ils que de cette dernière, laissant l’autre dans l’ombre ? C’est que celle du Capitole était la première et était faite dans l’Vrbs, ce qui la rendait plus visible ; nos sources, de plus, datent toutes d’une époque où la suprématie romaine est depuis longtemps affirmée sur tout le Latium, si bien qu’il y a, incontestablement, une tendance à oublier ce qui est latin au profit de ce qui est romain (nous en avons déjà rencontré maint exemple) ; elles ont pu taire, du reste, ce qui allait de soi. Il n’est pas sûr, enfin, que leur silence ait été total : lorsqu’il évoque le remplacement de magistrats contestés et le recommencement des Féries Latines qui en fut la suite prévue pour l’année 392, Tite-Live (5, 17, 3) écrit que auspicia de integro repeterentur : est-il sûr qu’il ne s’agissait que des auspices pris à Rome ? La réelle symétrie sacrale existant entre le mont Albain et le Capitole invite à se demander si le phénomène n’avait pas une traduction auspiciale.
545Cette symétrie s’illustre peut-être dans d’autres domaines : Tite-Live (T36), dans un passage concernant le mont Albain, fait état d’une intervention censoriale en 174 av. J.-C., dont la nature n’est pas claire étant donné que le texte est lacunaire à cet endroit373. W. Richter supplée le mot manquant par aedem et, s’agissant du mons Albanus, on va même parfois jusqu’à considérer que ce texte fournit la preuve, toujours manquante, de l’existence d’un temple de Jupiter sur le mont latin. C’est, à notre avis, aller trop loin : il est beaucoup question, dans ce passage, de la réfection de routes et de ponts, ce qui rentrait bien dans la compétence des censeurs. Nous proposons de restituer, avant les mots in monte Albano, le simple terme uiam, en écho au début du texte374. Il est vrai que, quelques lignes plus loin (ib., 11), on voit Fulvius Flaccus, l’un des deux censeurs, faire construire à Pisaurum un temple d’un Jupiter, Iouis aedem, qui pourrait même bien être Jupiter Latial à en juger par la présence de cultores Iouis Latii attestée par une inscription trouvée dans cette ville (CIL, 112, 6310). Cependant, Tite-Live mettant explicitement en parallèle les sites romain et albain pour cette intervention, on pourrait considérer que ces lignes permettent de confirmer, du point de vue de la voirie, la complémentarité entre les deux sanctuaires. Dans ces conditions, et compte tenu du fait qu’il y a, entre les deux monts, de nombreuses autres analogies, nous nous demandons si cette gémellité des deux voies, celle menant au temple de Jupiter Capitolin et celle du Jupiter Latial, n’implique pas qu’elles aient porté le même nom : ni uia Triumphalis, ni uia Albana, comme on l’a souvent proposé375, mais, ici comme là, uia Sacra. De fait, sur le mons Albanus comme à Rome, la fonction est de nature cérémoniale : à Rome, les augures et sans doute le rex ; sur le mont Albain, les magistrats des communautés latines et les prêtres fédéraux, tous empruntent une route qui, dans les deux lieux, aboutit à une arx.
546Il est tentant de poursuivre ce parallèle romain pour déterminer l’étape qui devait suivre : on sait, grâce à Cicéron (T12), qu’il s’agit d’une lustratio ; la comparaison s’impose donc avec la lustratio par excellence qu’est, à Rome, la cérémonie accomplie par les censeurs. Or les Registres des Censeurs tels que les cite Varron prescrivaient qu’« après avoir pris, de nuit, les auspices dans l’aire augurale, le censeur commandât au héraut de convoquer les hommes »376. On a vu qu’un nouveau document épigraphique377 atteste l’existence de la formule Latinas condere : faut-il, par analogie avec l’expression bien connue lustrum condere378, y voir une référence à l’aspect lustratoire des Féries ? C’est ce qu’on serait tenté de penser, étant donné que l’inscription met sur le même plan, et la même ligne, la présence de l’appariteur de Claude et de Néron aussi bien aux Féries qu’au champ de Mars pour la cérémonie du census. Il est vrai que le Latiar ne comprend pas de suovétaurile. En tout cas, les censeurs comme les autres magistrats supérieurs (cf. T52 et 53) devaient être présents sur le mont, où c’était le consul qui présidait la cérémonie.
547Les observations qui précèdent nous suggèrent quelques réflexions : on croira difficilement que l’aspect augural du Latiar, tel que nous avons essayé de le restituer, ne soit qu’une invention de la République. À cet égard, parlant de la cérémonie du Capitole et plus généralement de la compétence auspiciale liée à l’imperium consulaire, l’ensemble des commentateurs379 s’accorde, depuis au moins Mommsen, à y voir l’héritage direct de la royauté : pourquoi ce qui vaut pour le Capitole ne vaudrait-il pas pour le mont Albain ? On aurait alors un nouvel indice, venu d’abord par le biais de l’analyse du rituel tel qu’il est attesté à l’époque républicaine, de la mainmise royale sur le Latiar : royale, et très probablement tarquinienne comme le suggèrent les éléments passés ci-dessus en revue. Or on se souvient que notre analyse des traditions anciennes concernant la localisation d’Albe380 nous a montré que la grande majorité d’entre elles plaçaient la ville légendaire sur le mont des Féries ; du point de vue philologique, nous avons vu également que l’origine de cette vulgate remonte à Caton et à Fabius Pictor, comme du reste l’ont reconnu la plupart des commentateurs. Ainsi, les deux pères de l’historiographie romaine n’ont-ils peut-être pas créé la tradition dont ils sont pour nous les premiers témoins. S’il y avait, dès les temps monarchiques, une arx et une arx Albana, on peut en effet présumer, avec une forte probabilité, qu’il y avait aussi, liée à cette fonction augurale du Monte Cavo, la légende d’une ville d’Albe située sur le même Monte Cavo. De là à penser que la légende, le mythe si on veut, est née de la fonction, disons le rite, il n’y a plus qu’un pas, que seule l’existence probable d’un habitat sommital empêche de franchir. Nous en arrivons par conséquent aux propositions suivantes : la légende d’Albe La Longue vue comme une ville située sur le Monte Cavo est née en relation avec l’utilisation de ce relief comme point de référence et d’observation augurale, et avec l’ancien habitat latial ; l’appellation mons Albanus donnée à un lieu saint contrôlé par un peuple portant un nom différent (Cabenses) reflète et signale la fixation de la légende urbaine et albaine sur le mont ; la diffusion des présences archéologiques dans toute la région, et, corrélativement, l’absence d’un centre archéologiquement définissable et perceptible confirment le caractère en partie artificiel de la tradition, ce qui n’exclut pas son ancienneté.
1) Des influences étrusques ?
548Dès lors, la question qui devrait être posée serait celle d’une éventuelle influence étrusque : le parallèle des Féries avec les festivités du plus illustre et du plus mystérieux des sanctuaires fédéraux étrusques, le fanum Voltumnae, que Latte attribuait à Mommsen, et que reprit Alfoldi, remonte en fait beaucoup plus haut puisqu’il était déjà esquissé par Volpi381. Mais à bien y regarder, pour tentant qu’il soit, le rapprochement n’en est pas moins périlleux, dans la mesure où la part d’incertitude apparaît finalement encore plus grande sur la rive droite du Tibre que sur la rive gauche. Du centre fédéral étrusque, on ignore en effet et la localisation précise, même si on s’accorde dans l’ensemble à le placer près de Volsinies, peut-être au lieu dit aujourd’hui Campo della Fiera382, et la chronologie383 ; bien plus, la lecture proposée par H. Rix384 pour l’expression zilath mechl rasnal n’aboutit-elle pas à mettre en cause le principe même d’une ligue étrusque unitaire ? Car si, pour le dire en peu de mots, cette titulature renvoie à une magistrature seulement civique, sur la base d’une équivalence rasna = publicus, et non plus fédérale, comme on le croyait avant en interprétant, à partir de Denys d’Halicarnasse (1, 30), le mot385 comme une désignation ethnique ou géographique s’appliquant à l’Etrurie, que reste-t-il, dans la documentation étrusque elle-même, qui puisse témoigner en faveur de l’existence d’une ligue nationale étrusque ? C’est ainsi que sur deux terrains différents, l’Etru-rie et le Latium, la recherche contemporaine aboutit au même résultat : la mise en question du concept même de ligue. Dans un cas comme dans l’autre, c’est sans doute pousser très loin le doute méthodologique : pour ce qui est de la ligue étrusque, la présence de Vortumnus – s’il faut bien y reconnaître une version romaine de Voltumna386 – dans la topographie sacrale de la Rome archaïque387 pourrait suffire à prouver l’ancienneté et l’importance de cette figure divine. Quant au fait fédéral lui-même, Denys d’Halicarnasse et Tite-Live388 semblent bien parler d’une ligue, même si l’historien padouan n’est précis que pour la période 434-389, et bien qu’on ne doive pas exclure, évidemment, chez l’un et l’autre, ou leurs sources, la part d’interprétation : auquel cas, ce serait précisément la ligue latine qui leur aurait fourni un modèle pour rendre compte des réalités étrusques ! Cependant, les fresques de la Tombe François ne tendent-elles pas à prouver, au moins pour une période antérieure au iiie siècle (280 av. J.-C. étant la date de la fin de l’indépendance de Vulci, sur le territoire de laquelle se trouve la tombe), la réalité d’initiatives étrusques confédérales et, en l’occurrence, en partie anti-romaines ?389 C’est pourquoi, si les problèmes liés à la ou à une ligue étrusque demeurent nombreux, et peut-être insolubles390, il convient de relever les éléments caractéristiques que les sources lui attribuent, dans la mesure où on les retrouve à propos de la ligue latine : il s’agit de l’absence d’un centre urbain comme lieu de rassemblement, du rythme sans doute annuel des réunions et de leur présidence par un magistrat fédéral, de l’organisation concomitante de jeux, de la personnalité même du dieu fédérateur, peut-être assimilable à Tinia, le Jupiter étrusque, de la participation aux cérémonies des dirigeants des cités ainsi que de leurs populations, de la possibilité d’une action fédérale, sur les plans juridique et militaire, tout cela, bien sûr, restant à prouver au cas par cas. En fonction de ces homologies, qu’il ne faut donc considérer que comme des hypothèses plausibles, entre deux systèmes, on peut se demander lequel a influencé l’autre : la réponse habituelle place le modèle du côté de l’Etrurie391 ; cependant, compte tenu du fait qu’en tout état de cause la chronologie des réunions du fanum Voltumnae ne semble pas pouvoir être placée avant l’ère archaïque, alors que de nombreux éléments indiquent, dans le cas du Latiar, une origine au moins protohistorique (xe et ixe siècles)392, la supposition d’une influence, en sens inverse393, du Latium vers l’Etrurie, apparaît aussi, et, peut-être même, plus vraisemblable.
2) Des influences grecques ?
549Dès Volpi394, cependant, l’hypothèse d’une dérivation étrusque avait voisiné avec celle d’un modèle venu de Grèce, selon un schéma qui est déjà esquissé par les sources anciennes ; en effet, Denys d’Halicarnasse (4, 25, 4 à 6), parlant de la fondation par Servius Tullius du temple de Diane sur l’Aventin, affirme que le roi entendait imiter l’exemple des grands sanctuaires panhelléniques : Delphes, Panionion, Apollon Triopos. Depuis plusieurs décennies, la recherche contemporaine, à la suite de Pasquali et Alfoldi (pour une fois d’accord), a multiplié les indices qui donnent à cette affirmation couleur de forte vraisemblance historique : il a même paru possible d’ancrer cette influence directement au sanctuaire de la Diane de Nemi, dont l’hellénisation précoce a été ainsi bien mise en lumière395. Dans ces conditions, on peut se demander si un même ordre de phénomène n’aurait pas été possible au même moment pour un autre haut lieu latin situé à seulement quelques kilomètres du précédent : plus exactement, si on veut en rester aux interrogations, il faudrait se demander comment ce qui serait vérifié pour l’un aurait pu ne pas l’être pour l’autre. Il vaut la peine, alors, de rappeler ce qui, aux dires de Denys, faisait les mérites, aux yeux du sixième roi de Rome, des grands rassemblements grecs : base ethnique, présence de toute la population, périodicité fixe, concours de diverses sortes, dons, offrandes et sacrifices communs en l’honneur des dieux, règlement des litiges éventuels, possibilité de décisions communes. Frappé par l’analogie entre le nombre des peuples du fanum Voltumnae et ceux du Panionion, douze dans les deux ligues, Altheim396 avait conclu autrefois, selon un schéma alors en vogue, à une influence de la Grèce sur l’Etrurie, puis de cette dernière vers le Latium. Compte tenu des considérations qui précèdent, nous mettrions volontiers sur ce point l’Etrurie à l’école du Latium ; en fait, l’hypothèse d’un développement parallèle, imposant ici et là les mêmes évolutions à partir d’un influx hellénique commun, serait peut-être plus satisfaisante. À vrai dire, le préjugé panétrusque qui a longtemps grevé la recherche sur les primordia Latina étant aujourd’hui en grande partie levé397, il nous paraît possible d’esquisser, non pas des réponses, mais des questions plus précises que naguère. Nous avons vu que plusieurs sources attribuent la fondation, autrement dit la réorganisation des Féries Latines à la dynastie tarquinienne, les Fastes capitolins (cf. supra n. 241) fixant même l’événement en 588 : même si la chronologie tarquinienne est en elle-même artificielle, on peut remarquer que c’est au vie s. que se place la grande réforme qui réorganise, en 586/5, les jeux Pythiques de Delphes398 autour de douze peuples (un chiffre récurrent, et qu’on retrouve pour les tribus d’Israël). Les différences sont bien entendu très nombreuses entre les deux sanctuaires puisque, contrairement à celui du Parnasse, le Latiar ne semble, par exemple, pas avoir eu de caractéristique oraculaire, mais il n’empêche que la comparaison nous paraît d’autant plus licite que la tradition postule, entre les Tarquins et Delphes, des rapports directs qui ne sont peut-être pas tous du côté de la légende399. C’est pourquoi nous serions tenté de donner un poids particulier à deux possibles analogies entre Delphes et le Latiar : nous avons précédemment suggéré, sur la base d’une comparaison avec Rome, que le nom de la voie qui gravit le mons Albanus ait pu être uia Sacra ; si c’était le cas (mais de toute façon le nom existe dans l’Vrbs), on pourrait se demander s’il ne s’agirait pas d’une influence directe de Delphes et de sa Voie Sacrée, qui faisait la jonction entre Athènes et le sanctuaire amphictyonique (Hérodote, 6, 34). Il est vrai qu’on ne sait pas400 si cette appellation valait pour la route qui gravit les pentes mêmes du sanctuaire apollinien. Un autre élément mérite d’être relevé : on ne peut qu’être frappé, en comparant les descriptions, que font respectivement Strabon et Denys, de Delphes et des Féries Latines, par la récurrence, chez les deux auteurs, d’un thème commun et exprimé presque dans les mêmes termes, la centralité de chacun de ces deux sanctuaires nationaux par rapport aux peuples qui les fréquentaient401. Il peut s’agir bien sûr d’un topos rhétorique, ou de l’influence de l’un des deux auteurs sur l’autre puisqu’ils sont contemporains, ou bien encore, ce qui est très possible, d’une interpretatio graeca, par Denys, de réalités latines ; nous nous demandons cependant si cette convergence n’est pas le lointain écho d’un thème de la propagande tarquinienne, élaboré par la monarchie romaine au moment où elle voulut faire du Latiar la Delphes d’un Latium réorganisé et soumis à son autorité.
550D’ailleurs, de nombreuses découvertes archéologiques témoignent de la présence des « Tyrrhéniens » dans tous les grands sanctuaires panhellènes402. Les Tarquins eux-mêmes ne passent-ils pas pour avoir été d’origine grecque ? Le personnage du trafiquant Démarate, auquel une découverte archéologique donnera peut-être un jour l’historicité qu’une heureuse trouvaille faite à l’emporion de Gravisca a conférée au Sostratos403 dont parlait Hérodote (4, 152), oriente d’autre part l’analyse vers Corinthe. Là-bas, le grand temple404 que la cité archaïque édifie est dédié à Apollon, tandis que les fêtes du Latiar nous feraient penser aux grands jeux Isthmiques405, mis précisément en place en ce même vie siècle ; à Rome, le grandiose ensemble festif que fait apparaître, pour l’ère archaïque, l’analyse de F. Coarelli406 pourrait en être à notre avis une autre trace particulièrement visible, nous semble-t-il, dans le cas de l’Apollinare du Circus Flaminius. Ces pistes n’excluent d’ailleurs pas d’autres possibilités : le Panionion407, avec ses douze villes de même ethnos, célébrant depuis une haute antiquité au sommet d’une montagne le sacrifice d’un taureau en l’honneur d’un dieu aux aspects chtoniens, présente avec le Latiar des similitudes frappantes. Elles peuvent, bien sûr, être dues au hasard, mais s’agissant d’une cérémonie panhellénique probablement antérieure au viie siècle, il se peut aussi qu’elle ait servi de modèle à l’ordonnancement tarquinien de la fête latine : or le sanctuaire ionien fut d’abord sous le contrôle, non point de Priène, mais de la ville de Melia (ou Melite) qui aurait été détruite entre 663 et 657, propter ciuium adrogantiam (Vitruve, 4, 1, 4)408. Si l’on admet, comme nous l’avons supposé, que la légende d’une ville d’Albe est la conséquence mythographique de la célébration des Féries Latines sur le Monte Cavo, qui existe à notre avis dès l’ère archaïque, on ne peut qu’être frappé par l’analogie avec l’histoire du site ionien : on y retrouve le modèle du schéma de la destruction d’une ville liée à une montagne sacrée409. Evoquons d’un mot, également, les jeux Olympiques, nécessairement connus de tout émigrant grec, et qui, avec le principe de leur comput, commencé selon la tradition en 776410, ont pu avoir, dès l’ère archaïque, de vastes conséquences sur l’agencement chronologique de l’ensemble de la mythe-histoire des primordia.
551Il serait assurément périlleux de vouloir prouver dans le détail l’influence précise de telle ou telle panégyrie grecque sur le Latiar. Tout au plus nous permettra-t-on de dire que l’importance, de plus en plus soulignée par la recherche, d’une véritable koinè dans toute la Méditerranée occidentale, donne un cadre plausible à ces remarques. Tenons-nous-en donc à quelques observations générales : ce que la dynastie romaine a pu retenir de ces expériences, c’est l’idée que l’État organisateur de telles festivités en retirait un appréciable surplus de prestige ; également l’idée qu’il y avait là moyen d’orienter à son profit la vitalité de l’antique fédération latine. À cet égard, la Grèce fournissait un modèle, et aussi l’épure de son dépassement, avec la coexistence, ou la succession, de ligues ethniques et d’ensembles plus ouverts et polyethniques. De tout cela, les traces sont certes évanescentes sur les bords du Tibre, car de même qu’il n’a pas eu son Homère, le Latium archaïque n’a pas eu son Pindare, alors que l’importance des sanctuaires dans la tradition littéraire sur la Rome royale s’impose à l’attention411 : il demeure que les analogies, d’une culture à l’autre, ont pu être d’autant plus fortes qu’elles furent en partie voulues.
552D’un point de vue général, les réunions du nomen Latinum, que ce soit sur le mons Albanus ou à l’aqua Ferentina, pourraient susciter les mêmes questionnements que ceux auxquels donne lieu l’étude de tout phénomène fédératif412, de l’Antiquité à nos jours : s’agit-il de l’alliance entre cités indépendantes et le restant ou bien d’une entité unitaire ? Avons-nous affaire à une ligue toujours identique ou à plusieurs alliances différentes dans le temps, voire dans l’espace ? Quels sont les rapports de l’ethnique au politique, du politique au religieux ? Doit-on parler d’un Bundesstaat ou d’un Staatenbund ?413 Il est peu probable, du reste, que des réponses aussi générales que les questions posées ci-dessus aient quelque valeur, si durable et si variée fut l’histoire des relations romano-latines.
3) Pour une comparaison avec les Tables Eugubines
553Esquissons maintenant la comparaison avec un autre rituel, venu cette fois de l’Italie préromaine, autrement dit d’un contexte à la fois plus proche et sans doute plus ancien, dans ses premières formulations du moins, que l’époque des influences venues de Grèce, puisqu’il s’agit des cérémonies décrites par les Tables Eugubines. Là encore, le principe d’un tel rapprochement n’est pas nouveau414, mais il vaut la peine, nous semble-t-il, de le pousser un peu plus loin qu’on ne l’a fait jusqu’à présent. Avec toutes les incertitudes liées à la compréhension d’un document difficile et complexe, nous pouvons au moins souligner, sur la base des interprétations proposées notamment par G. Devoto et A. Prosdocimi415, les caractéristiques suivantes, qui apparentent le cérémonial de Gubbio à celui des Féries Latines : dans les deux cas, le lieu de rassemblement est une montagne, ocar (par ex. VIb 47)416 ou arx ; on relèvera également le rythme sans doute annuel des manifestations eugubines417, la conscience ethnique et fédérale dont elles semblent témoigner (VIb 57 et s.), leur présidence par un magistrat supérieur (Via)418, la présence des autres magistrats et notables de la communauté (Via 32)419, le rôle prééminent de Jupiter420. Bien entendu, on se gardera d’assimiler purement et simplement le rituel de Gubbio à celui du Latiar. Les différences restent importantes et beaucoup d’éléments attestés par les Tables ne se retrouvent pas sur le Monte Cavo, à en juger du moins par la documentation disponible : la liturgie de Gubbio se situe explicitement dans un contexte urbain, les trois portes de la cité y jouant même un rôle important421 ; les dieux y sont nombreux et groupés en triades ; on ne peut qu’être frappé par le nombre et la variété des animaux sacrifiés aux divers moments de la cérémonie : bœufs, porcs, truies pleines, veaux, agnelles, chevreaux, pouliches et même chien (lia 15-45) ; même diversité pour les offrandes parmi lesquelles on remarque la présence, sinon de grains, du moins de vin422. Même si tout cela est absent du Latiar, il reste entre les deux liturgies plusieurs similitudes qu’il convient de noter : l’une et l’autre consacrent la sainteté du haut lieu où elles se déroulent ; ici comme là, la parole, qu’elle soit prière, description ou prescription, est toute-puissante ; chacune des deux communautés se reconnaît, se célèbre et se définit dans un ethnique ; à cet égard, le parallélisme s’impose entre l’appel des Décuries à Gubbio et celui des populi participant au Latiar423 ; dans les deux sanctuaires, la communion des parts sacrificielles définit, symbolise et ressource l’appartenance des célébrants à la communauté424 ; fût-ce dans leur pluralité déroutante, et que nous n’entendons pas commenter, les triades divines425 et les groupements victimaires de Gubbio, la structure ternaire des sacrifices426 traduisent le prestige du nombre trois qui, sur le mont Albain, s’illustre dans le chiffre canonique des trente populi ; la confrérie des Atiedii qui préside aux cérémonies de Gubbio a été souvent427, mais peut-être indûment, comparée aux Cabenses sous la responsabilité desquels paraît avoir été placé le bon déroulement des Féries : reste que, à Gubbio, on a un nom gentilice, sur le mont Albain, un ethnique, quel que soit le lieu exact de *Cabum – sans doute Rocca di Papa. Ici et là, également, se devine le rôle central échu à celui qui préside la cérémonie, magistrat ou prêtre, ou les deux à la fois. Surtout, il s’agit, dans les deux rituels, d’une lustration428. Aussi bien constatera-t-on à Gubbio que le célébrant porte un insigne cérémoniel429, auquel pourrait correspondre, à Rome, la tenue que les Sénateurs disaient avoir héritée des rois d’Albe430, tandis que le sanctuaire ombrien est pourvu d’autels, de bois sacrés et d’une voie augurale431, tous éléments dont nous avons vu que l’équivalent existe sur le mont Albain. Explicitement, le rituel iguvien semble faire de la foudre un cas d’annulation432, à l’instar de ce qui existe en droit augural romain (et peut-être latin) où elle est, nous l’avons vu, un uitium, invalidant toute assemblée publique. Quoi qu’on pense de la valeur trifonctionnelle donnée par Benvéniste433, suivi par Dumézil, qui en fit aussitôt l’une des pièces maîtresses de son système, à la triade eugubine, d’ascendance indo-européenne, il semble acquis que le dieu souverain se caractérise dans les deux rituels par ce qu’on pourrait appeler un aspect fidéiste très marqué : à Gubbio comme sur le mont Albain, Jupiter apparaît comme le garant du pacte qui fonde la communauté434.
554Nous n’avons voulu évoquer, à propos des deux rituels, le latin et l’ombrien, que les différences et les similitudes apparaissant directement par l’analyse comparée des textes ; cependant, ces derniers sont loin d’être complets, et il est probable qu’avec une base de comparaison plus large on verrait croître plutôt les secondes que les premières. On se souviendra que d’autres autels et d’autres victimes étant attestés sur le mont Albain, il faut supposer qu’y étaient honorées d’autres divinités que Jupiter, même s’il est difficile d’en savoir plus. Si les Saliens albains que mentionne l’épigraphie eurent quelque réalité, ne seraient-ils pas à mettre alors en relation avec la danse tripodique attestée par les Tables Eugubines ?435 De même, si Vesta est présente sur l’arx Albana, comment ne pas penser à la prescription ombrienne436 selon laquelle le feu doit être allumé avant la cérémonie et ne pas venir à s’éteindre pendant son déroulement sur l’ocar de Gubbio ? Dans ces conditions, il conviendra peut-être de ne pas donner trop de poids à ce qui, à première vue, semble spécifique à l’un des deux sanctuaires, comme, par exemple, le vin et les gâteaux sacrés qui apparaissent dans le rituel ombrien. C’est qu’au total, en effet, les deux liturgies peuvent être considérées comme assez proches pour que, avec toute la prudence nécessaire bien entendu, l’on puisse, lorsque les matériaux font défaut, compléter les parties manquantes d’un profil commun. Il reste, bien entendu, quelques divergences notables : on a affaire, à Gubbio, à un rituel célébré par une communauté qui connaît déjà la forme urbaine, alors que la situation albaine semble se situer à un stade nettement préurbain, celui, précisément, des deux premières phases de la civilisation latiale, si florissante sur les monts Albains ; à Gubbio cependant, la localisation extra muros de la cérémonie, et sur la montagne, témoigne sans doute d’ascendances non urbaines437. On remarquera également que si le rituel de Gubbio, avec les libations de vin, les échanges de far et les prières pour les moissons qu’il prévoit438, se situe dans un contexte nettement agricole, la cérémonie albaine, où n’apparaissent que lait et fromages (T50), s’inscrit, elle, dans une civilisation encore pastorale. Autre possible différence : les Féries Latines furent d’abord l’émanation d’une fédération et ne passèrent qu’ensuite sous le total contrôle d’une cité qui les remodela à son avantage ; le rituel de Gubbio concerne une seule communauté. Mais, en Latium comme en Ombrie, il s’agit de demander aux dieux, avec le même formalisme précautionneux et chicanier, purification, protection et prospérité pour la communauté, tout entière rassemblée ocri, autrement dit, in arce. En ce sens, la présence, sur le sommet de Gubbio, d’un autel ou quadrilatère augural est particulièrement significative439.
555Comment interpréter de telles convergences que, cela va sans dire, les exégètes commencèrent à relever il y a longtemps ? L’hypothèse d’influences directes ne doit pas être écartée : l’on a ainsi mis en rapport l’existence de triades divines à Gubbio avec ce que l’on croit savoir, de ce point de vue, de la religion étrusque440 ; de même, le kvestur qui apparaît dans les Tables Eugubines (par ex., Vb 2) a été considéré comme une réplique du quaestor romain441. La date de rédaction des Tables est relativement tardive, et certains indices font présumer que l’emprise romaine sur l’Ombrie et le Picénum a précédé d’au moins quelques décennies l’époque de la colonisation officielle et défi-nitive442. Cependant, au jugement de l’ensemble de leurs commentateurs, les affinités entre les religions romaine et ombrienne sont trop étroites et trop nombreuses pour pouvoir être attribuées seulement à des influences latérales et tardives : tous ont donc supposé une ascendance commune, indo-européenne et, plutôt, italique. C’est sur ce plan, croyons-nous, que la comparaison avec les rituels attestés par les Tables Eugubines peut trouver sa véritable utilité, permettant de dépasser l’inventaire des ressemblances et des divergences de détail, afin d’identifier les structures et les évolutions d’ensemble à l’œuvre ici comme là. On sait que la linguistique historique443 met en évidence, au stade sinon indo-européen du moins italique, une bipolarité ocar, montagne, et touta, ensemble de la communauté. De ce point de vue, il est clair que ce n’est pas avec le sommet albain que Gubbio doit être comparée, mais bien avec le Capitole de Rome : à Gubbio et à Rome, l’ocar est déjà devenue la citadelle, arx, tandis que le terme touta ne désigne plus à Gubbio que la seule cité, pour laquelle les Romains emploient un autre mot, urbs, remplaçant par le mot nomen l’ancien touta pris dans son acception la plus large. Se dégage de la sorte un parallèle romano-gubbien, alors que l’arx Albana est encore une montagne sacrée, point de référence de tout un ensemble de communautés, les populi dits Albenses. Arx Albana-Iuppiter Latiaris-nomen Latinum : le contexte albain a ainsi sauvegardé un système de relations spatiales, institutionnelles et religieuses, venu du plus lointain passé italique, mais qui, ailleurs, notamment à Gubbio et à Rome, a été particularisé et modernisé pour être mis au service de l’évolution urbaine. La comparaison avec les Tables Eugubines s’avère donc éclairante dans la mesure même où elle est différentielle et diachronique : vu à la lumière de la linguistique historique, le système albain affiche son appartenance à un stade de civilisation non urbain, ethnique et fédéral. Si cette conclusion a quelque validité, cela nous autorise à faire remonter maintenant notre analyse des Féries Latines jusqu’à l’époque préromaine et, sinon préhistorique, du moins protohistorique, et c’est dans cette direction que nous allons orienter les analyses qui vont suivre.
LES FÉRIES LATIALES
1) La uia Latina
556De ce point de vue, la trace la plus importante en est peut-être la moins visible (jusqu’à une époque récente du moins), de par son évidence même : ne disposerait-on point de données archéologiques, la seule toponymie, en effet, suffirait à révéler le caractère préromain et préurbain des Féries Latines. Il faut, pour s’en convaincre, songer à l’originalité du nom de la voie qui, partie de Rome et de la porte Capène, se dirige vers le cœur du massif albain : uia Latina. Si les Romains n’ont pas donné, ou redonné, à cet itinéraire le nom d’un de leurs magistrats qui aurait pu le tracer ou le restaurer, c’est évidemment qu’il existait avant l’époque où s’établit la coutume de telles dénominations et que, d’autre part, l’appellation ancienne fut jugée assez importante pour ne pas pouvoir être remplacée comme le fut celle, inconnue444, de la route à laquelle le censeur Appius devait donner son nom, route que nous avons supposée s’être d’abord appelée nemorensis ou diania. Que ce nom de Latina ne soit pas non plus celui d’une ville n’est pas un fait négligeable : il est vrai qu’on l’explique ordinairement par l’implantation par Rome, le long des vallées du Sacco et du Liri, de colonies latines telles que Cales ou Frégelles445. Cette solution, qui n’est pas entièrement dénuée de pertinence dans la mesure où, effectivement, l’implantation du nom ancien a pu s’en trouver renforcée, impliquerait alors que l’itinéraire suivi par la u. Latina entre Rome et les Colli ait porté avant le ive siècle un nom différent, et resté inconnu, ce qui ne semble pas être le cas, comme le reconnaissait Ashby446 – pourtant partisan d’une datation tardive. Surtout, l’examen de ce parcours à la lumière des réalités du terrain révèle, pour la uia Latina « classique », un infléchissement net vers le nord-est un peu avant Grottaferrata, qui marque à cet égard un véritable carrefour d’où se séparent la Latina classique d’une part, et un autre tracé se dirigeant vers le Monte Cavo d’autre part447. À notre avis, c’est là que la voie tournait vers le lieu des Féries après être passée entre la Villa Cavaletti et la Vigna Giusti. À suivre la répartition des gisements archéologiques, il semble du reste que ce second itinéraire ait été très anciennement fréquenté, puisqu’il est bordé par les sites de Squarciarelli et du Prato della Corte. Enfin, il est indéniable qu’entre le nom des feriae Latinae et celui de la uia dite Latina, le rapprochement n’a rien de forcé. C’est bien pourquoi G. Radke soutint, dès 1973, que la uia Latina originaire, disons latiale, avait d’abord eu comme point d’aboutissement le Latiar, c’est-à-dire le lieu où les Latini célébraient les feriae Latinae : la voie, montant à l’assaut du mont Albain, est dite cliuosa par Juvénal (5, 55) et obliqua par Stace (Si-lu., 4, 60). Nous avions nous-même repris cette démonstration448 dans une étude parue en 1988, et, depuis, la théorie du savant allemand, combinée avec l’ancienne exégèse, paraît s’être imposée449.
557Reste que l’on n’est pas sûr que les processions parties de Rome pour le Latiar n’aient pas emprunté la uia Appia plutôt que la Latina : les textes sont en effet muets sur cet aspect. Nous pensons même que cet itinéraire est assez plausible, mais nous y verrions précisément une conséquence de l’aménagement du lucus Ferentinae, qui est, à notre avis, la déesse topique de l’emissarium du lac Albain. La tradition, on l’a vu minoritaire, plaçant la ville d’Albe de ce côté de l’Appia pourrait être née à ce moment-là. Pour les époques antérieures, cependant, la localisation de *Cabum à Rocca di Papa suggère plutôt que les Romains empruntaient la uia Latina pour monter au sanctuaire du Monte Cavo.
558Quoi qu’il en soit, on nous permettra de souligner que les indices qui révèlent une destination albaine pour la première uia Latina appartiennent à ces domaines indépendants de toute tradition littéraire que sont la topographie ou la toponymie. On ne peut pas ne pas relever à cet égard que l’appellation de Latina donnée à la voie qui, de Rome, se dirige droit vers le mont dit Albanus, vient contredire radicalement la tradition antique, attestée nous l’avons vu par la majorité des auteurs, plaçant une ville d’Albe sur le mont du même nom. On pourrait difficilement trouver meilleure confirmation du caractère fabriqué de la légende d’une ville d’Albe, qui, de ce point de vue, est une étiologie religieuse. Quant à vouloir qu’un centre situé vers Albano, sur les hauteurs de Tofetti et de Cappuccini, qu’on pourrait à la rigueur considérer comme des contreforts du mont, explique la liaison faite par la tradition entre ce dernier et un habitat, de telle manière qu’on pourrait donner à la voie ayant précédé l’Appia le nom d’Albana, il s’agirait d’une solution peu convaincante : d’abord parce qu’un tel nom n’est jamais mentionné par les Anciens alors que Tite-Live, qui place Albe au moins une fois, semble-t-il, sur l’Appia, n’aurait eu aucune difficulté à donner ce nom à une voie qu’il se contente de désigner par une périphrase ; ensuite parce que ce serait oublier que cette pré-Appia se dirige droit vers le sanctuaire de Nemi et qu’en l’appelant Albana, on lui donnerait le nom d’une – imaginaire – destination qu’on n’atteint qu’en quittant cette route principale ; enfin parce que l’importance réelle des nouvelles découvertes faites à Albano reste très difficile à évaluer à partir de vestiges qui se limitent à quelques tessons450. Revenons donc sur la Latina qui conduit au Latiar. Cette liaison, pourrait-on dire « organique », entre la voie et le grand sanctuaire latin a une conséquence que Radke visiblement a cherché à éviter, tant elle venait contredire la communis opinio : comme nous l’avons exposé naguère, la uia Latina, par l’étymologie de son nom, son parcours, l’importance et l’ancienneté, au moins protohistorique, de sa fonction sacrale, implique que le Latium ait d’abord été limité aux monts Albains ou, du moins, qu’il y ait eu son centre. Si l’on admet, comme nous croyons devoir le faire, la relation entre Latina et Latiar, on ne saurait en tout cas éviter cette conclusion que nous avons publiée dès 1988 (CRA1, p. 481 et s.). Malgré les apparences, ni l’étymologie couramment donnée au nom du Latium451, ni l’extension de la région désignée ainsi dès l’époque du premier traité conclu entre Rome et Carthage, ni l’existence d’un peuple de Latinienses situés peut-être loin du Monte Cavo, ne permettent une autre interprétation : l’étymologie de Latium reste obscure et les spécialistes sont aujourd’hui très réservés sur un rapport éventuel avec l’adjectif latus qui aurait désigné un plat pays que, de toute façon, on aperçoit dans toute son étendue du haut du Monte Cavo, comme le remarquait déjà Mommsen452 qui sauvait ainsi l’interprétation traditionnelle ; la région définie comme Λατίνη par le texte du traité avec Carthage453 tout comme la contrée qu’un passage d’Aristote nomme Λατινίον454 appartiennent à une période déjà bien éloignée des premières phases de la civilisation latiale, où se situe l’émergence de la triple connexion uia Latina-Latiar-Latium que nous commentons ici. Entre les deux stades, l’intervalle est d’au moins trois siècles. Enfin, de par son suffixe, l’ethnique Latinienses455, localisable dans la plaine romaine, apparaît plutôt comme un dérivé par rapport au simple Latini, et là encore, la différence des temps peut suffire à expliquer la différence des lieux. La théorie456 faisant du nom des Latini un simple doublet de celui des Latinienses de la plaine tibérine – opéré à l’initiative des voisins de ces derniers, les Etrusques – fait donc difficulté.
559Ainsi peut-on penser que le Latium fut d’abord le pays des Latini qui se réunissaient pour célébrer le Latiar, et que ce pays est très exactement le massif que domine le mons dit Albanus. Quoi qu’on doive penser de l’étendue exacte de ce premier Latium, cela ne remet pas en question la centralité ou la latinité du massif albain, les feriae Latinae n’ayant jamais eu d’autre lieu que le Monte Cavo. Nous serions enclin à trouver un indice en faveur de cette liaison première entre Latini et les monts Albains, dans la tradition, attestée notamment par Servius (S. auctus, ad Aen., 5, 598), selon laquelle les prisci Latini avaient habité les lieux, loca ubi Alba est condita : la très grande majorité des sources anciennes situant Albe sur le Monte Cavo, cela revient à dire que les Anciens Latins habitaient sur la montagne des Féries ; même si la définition que donne des prisci Latini le glossaire de Festus abrégé par Paul Diacre, où s’entend encore, mais doublement déformée, la voix de Verrius Flaccus, ne fait plus aucune référence à la topographie, nous estimons qu’on y retrouve l’écho de la même doctrine : prisci Latini proprie appellati sunt hi, qui, priusquam conderetur Roma, fuerunt (253L). La référence est ici au système chronographique mis en place par la vulgate et plaçant la fondation d’une ville d’Albe avant celle de Rome, et non plus aux lieux, mais il s’agit de la même tradition, éclairée dans un cas (Servius) du point de vue de l’espace en fonction du nom Latini, dans l’autre (Festus), de celui du temps en fonction de l’adjectif prisci ; Tite-Live (1, 3, 7), lorsqu’il fera des prisci Latini des colons albains envoyés par Latinus Silvius, se situera, quant à lui, sur le plan de la mythographie457. Ailleurs encore, Denys d’Halicarnasse (A.R., 2, 2, 2) établit une stricte équivalence entre Albanoi et Latinoi, rapportant le nom de ces derniers à celui du roi Latinus. On comprend dès lors que Varron (T2) n’ait nullement mentionné d’Albani à propos des Féries Latines, mais seulement des Latini, ce qui choquait un commentateur comme Ogilvie. Il est tentant de retrouver la trace du grand érudit antique derrière les différents textes que nous venons de citer ; en tout cas, ils viennent renforcer la conclusion à laquelle permettait déjà d’arriver l’analyse du nom et du parcours de la uia Latina.
560Reste, nous dira-t-on, que le mons auquel aboutit cette dernière s’appelle Albanus et non pas Latinus. N’est-ce point la preuve irréfutable que les Féries Latines furent d’abord contrôlées par une communauté d’Albe, de telle sorte que les premiers célébrants du Latiar furent des Albani et non point des Latini ? D’ailleurs, Tite-Live ne parle-t-il point d’un nomen Albanum qu’il semble distinguer du nomen Latinum, détail souligné par André Magdelain ?458 En ce cas, la liaison Latina-Latiar-Latini que nous avons mise en lumière ne serait-elle que le produit d’une combinaison artificielle, les Latini n’ayant été rattachés au Latiar que dans un second temps ? Nous ne le pensons pas. L’expédient auquel a recours la doctrine traditionnelle lorsqu’elle fait du Latiar et des Latini albains le produit d’une évolution secondaire et d’un transfert, en supposant que l’ethnique se serait d’abord appliqué aux peuples de la plaine tibérine, se dénonce par son absurdité459 ; le rapport entre la u. Latina et les feriae Latinae n’est pas d’ordre littéraire, mais il est dicté par la toponymie et la topographie ; or la Latina, et les Latinae, impliquent les Latini. Surtout, le nom d’Albanus ne saurait, à notre avis, être considéré, ce qu’il est presque toujours, comme une donnée première460 ; il est en partie, comme nous l’avons montré, l’expression d’une étiologie. Lorsqu’il est honoré sur un relief, Jupiter en tire d’ordinaire son nom : ainsi le trouve-t-on appelé, à Rome, Fagutalis, Viminus ou Caelius, et bien sûr Capitolinus ; en dehors de Rome, il est Vesuuius ou Ciminius, ou encore Appeninus ou Poeninus461. Or le dieu albain a l’épiclèse de Latiaris : signe, selon nous, que le mons, lui aussi, s’est d’abord appelé ainsi, et que ce n’est que dans une seconde étape qu’il a pris le nom d’Albanus. Pure spéculation ? Sans méconnaître le caractère nécessairement hypothétique de notre restitution, nous pensons qu’elle peut s’appuyer sinon sur une preuve, du moins sur un indice : nous avons précédemment montré le caractère d’abord topographique du mot Latiar et repris l’idée, acceptée par la plupart des savants, que le collis Latiaris de Rome porte ce nom par référence au dieu honoré au Monte Cavo. En d’autres termes, le principe d’imitation entre les deux sites étant admis, il s’ensuit que le nom porté par cette hauteur du Quirinal révèle celui de la hauteur qui était le principal centre religieux de la région : Latiaris462. Ainsi se trouverait confirmé le caractère secondaire du nom d’Albanus porté par le mont des Féries Latines en fonction de son habitat sommital. D’ailleurs, la limitation du toponyme mons Albanus au seul Monte Cavo n’est sans doute pas originelle, comme nous l’avons déjà vu463, puisque l’expression a servi aussi, et peut-être d’abord, à désigner la totalité du massif : c’est ainsi qu’on dira que in Albano monte lacus est464. Considérée sous cet angle, la tradition servienne, et sans doute varronienne, sur les prisci Latini est plus exacte qu’il ne pouvait sembler à première vue : peut-être appartenant au vocabulaire sacral et fixée par lui465, l’appellation correspond, sur le plan de l’érudition antiquaire, à cette dispersion des habitats de la civilisation latiale dont l’archéologie retrouve la présence sur toutes les pentes du massif. Habitant ainsi autour de leur sanctuaire majeur, ces Anciens Latins apparaissent alors bien comme une amphictyonie, selon le sens que l’étymologie donne au mot466. Le rapprochement avec le monde grec ne pourrait-il pas être alors poussé même plus loin ? On serait tenté de le penser, en constatant que le nom des Grecs, Γραικοί, fut d’abord, au témoignage d’Aristote467, celui des seules populations habitant autour du sanctuaire fédéral et « international » de Dodone et que ce n’est qu’ensuite, et en raison même de la célébrité et du rayonnement de ce lieu saint, qu’il vint à être appliqué à tous les peuples de l’Hellade.
2) Le rôle linguistique des Féries
561Parce que les Féries étaient latines, il faudrait pouvoir étudier maintenant la question de leur rôle linguistique. Mais l’absence de toute documentation rend ici la tâche impossible et on doit se borner à quelques considérations générales. Préoccupée en amont par le problème de l’origine indo-européenne du latin, en aval par celui de ses premières attestations épigraphiques, la linguistique historique ne s’est guère intéressée468, faute de point d’appui suffisant, à la protohistoire proprement dite du latin. La leçon de l’enquête archéologique est cependant claire : même si l’urne-cabane ne saurait être utilisée à elle seule comme un marqueur linguistique – ce qu’on avait tenté de faire au siècle dernier469 -, elle est l’un des éléments dont la combinaison permet d’identifier, à partir du xie s. av. J.-C., une culture latiale spécifique, qui apparaît dans des vestiges retrouvés en Latium, et aussi bien sur le site romain que dans le massif albain. Repérable dans toute la région et sur plusieurs siècles, cette spécificité archéologique implique nécessairement une continuité historique et ethnique, de sorte que cette culture latiale doit être définie comme la première expression matériellement identifiable de sociétés latines, autrement dit de communautés parlant le latin. Cette chronologie, qui, autrefois470, eût paru excessivement haute, peut être comparée à celle de l’apparition du grec : longtemps, les plus anciens témoins du grec ont été des inscriptions datant du viiie siècle, jusqu’à ce que le déchiffrement du linéaire B conduisît les savants à admettre l’existence d’un « protogrec » au xiiie siècle av. J.-C.471, soit un bond de cinq siècles en arrière. En prenant pour référence, à défaut de l’inutilisable (puisque suspecte) fibule de Préneste, l’une des plus anciennes inscriptions latines, celle de la tombe Bernardini, et en supposant e principio un écart comparable, on arriverait ici au xiie siècle. Cela peut nous aider à admettre qu’on puisse en tout cas parler de protolatin dès les xie ou xe siècles, c’est-à-dire dès le moment où une culture latiale devient visible aux yeux de l’archéologue. Dans ces conditions, on comprendra que nous ne reprenions pas le débat472, naguère vivace, sur la légitimité de notions comme l’italo-celtique ou l’italique, car, en tout état de cause, elles nous paraissent ne pouvoir désormais être posées que pour des périodes ayant précédé de beaucoup le premier millénaire. Pour ce qui est de la période archaïque, on s’est parfois étonné473 que le latin ait résisté à l’étrusque, alors même que Rome se trouvait, d’une manière ou d’une autre, soumise à des dynastes venus d’outre-Tibre. Sans doute cette résistance linguistique s’explique-t-elle, comme nous le suggère A. Ziolkowski, par le fait que les Etrusques ne purent ou ne voulurent pas, en Latium, procéder à cette centralisation forcée de l’habitat qui, dans l’Etrurie villanovienne, donna naissance à de grandes agglomérations qui furent autant de centres d’unification linguistique. Mais si le latin se maintint à Rome et en Latium, c’est aussi parce qu’il était la langue dans laquelle les peuples de l’antique fédération du Monte Cavo priaient et invoquaient leurs dieux : à cet égard, on peut penser que les Féries Latines aidèrent au maintien, voire à la naissance, d’un sentiment identitaire et unitaire à l’échelle régionale. C’est ainsi la communauté de langue et de religion, bref, de culture ou, pour le dire autrement, de civilisation, qui fonde l’ethnos du Latium, le nomen Latinum. L’exemple des panégyries grecques montre d’ailleurs que le processus n’est pas incompatible avec une forte diversité dialectale, dont quelques indices lexicographiques ont peut-être été conservés pour l’aire albaine474.
562Sans qu’on puisse en dire davantage, on doit néanmoins, à la lumière de ces quelques considérations, amender le romanocentrisme exclusif qui a longtemps prévalu dans l’enquête linguistique lorsque, par exemple, G. Devoto déclarait (en 1940) que, « al suo primo apparire alla luce della storia, il latino non è altro che il dialetto di Roma »475, ce qui était reprendre la formule fameuse476 de Kretschmer, selon laquelle « le latin est le dialecte primitif de Rome devenu la langue commune du territoire latial ». Regardée du haut du Monte Cavo, la perspective est tout autre, et ce qui apparaît, c’est donc moins la romanité de la langue du Latium, que la latinité de la langue de Rome.
3) De quelques divinités étrusques
563De ce rayonnement du nomen Latinum à l’aube de son histoire – ou plutôt de ce qui dans son histoire nous est désormais perceptible comme début -, on a pu croire récemment que la science contemporaine avait décelé certains vestiges du côté de l’étruscologie. Longtemps, cette discipline a, on le sait, dominé l’étude de l’Italie centrale protohistorique, annexant à son empire des domaines entiers comme, précisément, les origines de Rome et le Latium primitif. Mais depuis quelques décennies, le « panétrusquisme » qu’avait inauguré au début du xxe siècle l’œuvre de W. Schulze477 a laissé la place à des interprétations beaucoup plus nuancées. C’est ainsi que le linguiste Helmut Rix478 a ouvert en 1979 une voie de recherche, empruntée depuis par d’autres étruscologues. Mettant en lumière le fait que certaines divinités étrusques ont un nom qui a un équivalent en latin, mais pas en grec, il proposait d’inverser le schéma traditionnellement retenu et d’y voir le signe que ces divinités avaient été non pas créées, mais empruntées par les premiers Etrusques à leurs voisins. De la sorte, Uni, Menerva, Nethuns, et peut-être Selvans, auraient eu une origine italique et pourraient être considérés comme les produits d’emprunts réalisés aux débuts du premier millénaire avant notre ère. Alors que cette démonstration orientait l’analyse vers une origine plutôt ombrienne, d’autres savants, notamment M. Torelli479, ont préféré voir dans le Latium et la civilisation latiale à ses débuts la source de certaines de ces entités divines, en se fondant, précisément, sur l’intensité des échanges (matrimoniaux ?) entre les deux régions (Etrurie et Latium) que révèle l’archéologie. Aux dieux déjà cités, furent alors ajoutés d’autres noms : Maris, correspondant au latin Mars, Satre (Saturnus), Vetis alias Vediovis, Ana, où il faudrait peut-être reconnaître Anna Perenna. Dans le même temps, un autre savant, A. Maggiani480, suggérait de voir dans la ville de Véies le relais de ces influences venues du Latium en Etrurie : il soulignait en particulier la présence, sur ce site, de plusieurs urnes-cabanes, type d’objet auquel les spécialistes s’accordent en général à attribuer une typologie et une origine latiales481. Au même moment, l’ancienneté et la latinité de Vediovis et de Silvanus étaient affirmées par G. Colonna482.
564De fait, l’ensemble du dossier nous semble assez solide aujourd’hui pour rendre recevable l’hypothèse, sinon d’une origine, du moins d’une médiation latine pour plusieurs des plus importantes divinités du panthéon étrusque. Ce qui n’exclut pas des influences venues de l’aire ombro-sabellique, décelables notamment par les différences existant entre les noms latins de Neptunus, Mars (Martis), peut-être Siluanus, et leurs équivalents étrusques. Il faut imaginer en fait un jeu complexe d’interférences impliquant tout le centre de la péninsule. Si l’on ne peut, de ce point de vue, rien dire d’UniIuno ou de Menerva-Minerva, dont l’implantation en Latium semble plutôt romaine (ou lavinate ?), Nethuns-Neptunus ne fut sans doute pas étranger aux cultes célébrés sur le massif latial, tant il est vrai qu’avant de devenir bien plus tard, par assimilation avec Poséidon, le dieu des mers, il avait d’abord été celui des eaux dormantes et, par conséquent, des lacs483. Quant à Mars, sa présence dans la légende en tant que séducteur d’Ilia et père des jumeaux romains, garde peut-être la trace d’un culte albain ; Saturne, on va le voir, pourrait ne pas avoir été étranger non plus au contexte albain ; les attaches albaines de Vediovis sont prouvées, selon presque tous les commentateurs, par l’autel que la gens Iulia lui avait consacré à Bovillae484, et il est clair que le culte de Silvanus apparaît derrière la légende de la dynastie des rois d’Albe, dits Siluii485 ; enfin, les liens particuliers d’Anna Perenna avec Bovillae sont bien connus486. On peut donc raisonnablement penser, nous semble-t-il, que les réunions du nomen Latinum lors des feriae Latinae aient été l’un des foyers du rayonnement exercé trans Tiberim par la religion des Latins. En ce sens, l’hypothèse d’une médiation par Véies mérite considération : le caractère religieux d’objets comme les urnes-cabanes montre que ces influences ont dû s’exercer avant tout dans le domaine des cultes ; par ailleurs, on a souvent remarqué, sans pouvoir l’expliquer, la place qu’occupe Véies dans le légendaire albain, qu’il s’agisse du lien établi par l’annalistique entre la prise de la métropole étrusque et la construction de l’émissaire du lac Albain (Liv., 5), ou de l’interlocuteur qu’un mystérieux fragment de Naevius487 donne à Amulius ; rappelons encore que la trahison de l’Albain Mettius Fufe-tius intervient lors d’un conflit entre Rome et Véies, alliée à Fidènes (Liv., 1, 27). Ces traditions, pour littéraires et fictives qu’elles soient, ne pourraient-elles pas alors être considérées comme le vague souvenir des relations privilégiées qu’avait entretenues la confédération latine avec la cité de Véies ou les peuples qui s’y rassemblaient ? La question mérite, à notre sens, d’être posée, même si elle ne doit pas conduire à minorer les apports ombriens.
565Quoi qu’il en soit des suppositions sur les relais qu’elles ont pu emprunter, il nous paraît plausible d’admettre que les monts Albains et les Féries Latines aient pu jouer un rôle dans ces influences religieuses récemment identifiées en Etrurie, même si cela n’exclut pas le rôle exercé, en Latium, par d’autres sites comme ceux de Lavinium et de Rome. Le principe de ces influences étant admis, la détermination de leur chronologie ne saurait se prêter à des estimations très divergentes : c’est bien, comme on l’a proposé488, aux premières phases latiales qu’elle doit être placée, en correspondance avec l’identité de culture archéologique qui se manifeste alors de part et d’autre du Tibre. On est là avant l’apport grec, si important en Etrurie, avant même, sans doute, le décollage économique, social et culturel que permettra, selon la suggestive hypothèse qui prévaut aujourd’hui489, l’exploitation des gisements métallifères du massif de la Tolfa et de l’île d’Elbe. L’ensemble de ces considérations nous apporte donc un indice qu’on pourrait dire externe de la vitalité religieuse de l’ancien Latium, dont une des principales cérémonies fut les Féries Latines. On peut d’ailleurs se demander si ce nouveau schéma d’une dérivation, en partie latine, de plusieurs divinités étrusques ne pourrait pas être appliqué également à certains aspects considérés jusqu’à présent comme spécifiquement étrusques : nous pensons notamment à ce qui est dit d’ordinaire de la religiosité de la foudre (manubiae), ou encore aux Lasa ou Lases490 ; la première se trouve déjà à Rome et dans un contexte albain, et les seconds ne sont peut-être pas sans rapport, finalement, avec les Lares latins.
4a) Salii Albani
566Tout cela nous amène à la question des cultes pratiqués sur le mont Albain, des divinités qui y étaient honorées et des prêtres qui y accomplissaient les rites requis. Dans une religion polythéiste comme devait l’être celle des anciens Latins, il paraîtrait très peu probable que Jupiter eût été le seul dieu présent sur le mont Albain. Les sources littéraires suggèrent déjà cette diversité divine dans la mesure où elles mentionnent sur le sommet plusieurs autels (indirectement T15, et T84). L’épigraphie ouvre d’autres pistes. C’est ainsi que trois, et peut-être quatre inscriptions491, témoignent de l’existence, à époque impériale, de Saliens albains, salii Albani. Les deux premières, des urnes funéraires d’époque augustéenne, semblent antérieures à la réforme qui réserva les vieux sacerdoces du Latium aux chevaliers, dans la mesure où il semble que celui dont elles perpétuent la mémoire avait été un fils d’affranchi ; la seconde inscription, une honoraire datable entre 185 et 192 ap. J.-C., concerne un jeune homme, un certain P. Aelius Tiro distingué par l’empereur Commode dès sa quatorzième année comme salius arcis Albanae. Maria Grazia Granino Cecere, qui a excellemment commenté ces pierres492, se refuse à voir dans cette dernière précision une désignation du lieu des Féries Latines, le mons Albanus. À tort, selon nous : nous avons déjà montré que cette expression est à référer précisément au Monte Cavo et ne saurait être considérée seulement comme un « riferimento [...] ai sacra Albana, senza implicazione per il luogo in cui potevano essere celebrati »493. De quelque manière qu’on les comprenne, ces mots sont une indication topographique ; ils désignent le sommet du mons Albanus.
567La présence de Saliens sur la montagne latine se déduit peut-être aussi d’un témoignage littéraire : il s’agit d’un lemme du dictionnaire de Nonius Marcellus, où est expliqué un de ces mots archaïques et rares, chers au lexicographe :
568Tintinnire dicitur sonare [...] Nigidius lib. XVIII : itaque aere in Saliaribus Albanus tintinat, id est sonat. Dans ce texte (auquel nous donnons donc le n° T144), l’adjectif Albanus est une correction de Juste Lipse pour un incompréhensible adtanus ou aptanus lisible dans les manuscrits. Ignorée par les éditeurs successifs de Nonius, à l’exception de L. Mueller, la correction a été reprise par J. Blànsdorf dans son édition de la poésie latine fragmentaire494. Comme Lipse, et comme Maurenbrecher495, nous y voyons une allusion qui ne peut guère concerner que le mont du même nom, plutôt que le lac, le vent ou un individu. Or, si un texte aussi vénérable que le carmen saliare montre des Saliens exerçant leurs talents chorégraphiques sur le mons Albanus, tandis qu’une inscription définit un Salien albain comme arcis Albanae, l’identité entre l’un et l’autre lieux deviendrait au moins possible. D’autre part, il nous paraît, comme à Maurenbrecher, que l’occasion la plus vraisemblable d’une danse des Saliens sur le mont Albain devait être les Féries Latines. C’est bien durant le grand rassemblement annuel des peuples latins que la montagne sacrée a dû retentir du fracas rituel produit par la résonance des armes de bronze rythmiquement frappées496. Ce tableau, on peut se risquer à l’imaginer, dans la mesure où l’épigraphie atteste, de toute façon, la présence, sur le Monte Cavo, de Saliens albains ; mais il faut admettre que la lecture de Maurenbrecher reste trop hypothétique – sans parler du problème de la fiabilité de Nigidius – pour que l’on considère comme sûre la participation des Saliens de Rome aux Féries, celle des Saliens albains étant très probable.
569L’archéologie fournit peut-être des indices d’une présence de Saliens dans un contexte albain : les nombreux disques miniaturisés de bronze retrouvés à la nécropole de Villa Cavalletti ont ainsi été interprétés par G. Colonna comme des reproductions de pièces composant le bouclier des Saliens497. Dès lors, on ne pourrait plus faire de cette confrérie albaine, en arguant de l’absence d’inscriptions républicaines, une création augustéenne : si tant est que l’absence de documents antérieurs à l’Empire ait un sens, s’agissant d’un site aussi mal connu, elle signifierait simplement que le princeps avait remis sur pied une antique sodalité, peut-être alors disparue ou en déshérence. Sa sollicitude envers les Saliens de Rome n’est pas contestable : il fit inclure la curia Saliorum dans sa demeure, tandis qu’il obtenait que son nouveau nom d’Augustus figurât dans les chants du collège, accomplissant ainsi, sur le terrain comme dans la liturgie, une appropriation symbolique particulièrement forte498.
570Au total, ces deux conclusions possibles que sont, d’une part, la localisation de Saliens sur le sommet albain et, d’autre part, l’ancienneté de cette présence, permettent peut-être d’expliquer certaines particularités du légendaire romano-albain. Ce dernier fait, on le sait, du roi Tullus Hostilius le créateur, sur le Quirinal, des salii collini499, les salii palatini étant placés, eux, sous le patronage de Numa, comme c’était le cas de la plupart des vieux sacerdoces romains. Ce troisième roi de Rome étant surtout caractérisé comme le destructeur d’Albe, on peut penser – sans prétendre, bien sûr, dépasser le stade de l’hypothèse – qu’il s’agit d’une légende étiologique, destinée à expliquer, en fonction d’une existence de la sodalité sur l’arx Albana, leur présence simultanée à Rome. Du reste, la tradition précise bien que la ville d’Albe avait été détruite à l’exception de ses sanctuaires500. Dans le même sens, la légende d’une origine véienne des Saliens, par le biais du roi Morrius, aura pu servir à justifier501 la présence du sacerdoce dans la métropole étrusque, présence dont l’origine devrait être placée au stade de la koinè italique évoquée ci-dessus à propos de certains théonymes.
571En tout cas, puisqu’il y a eu, sur le mont Albain, des Saliens, cela veut dire très probablement qu’y furent honorés, outre Jupiter, des dieux qu’on aimerait pouvoir identifier : Mars est évidemment le candidat le mieux placé, sous l’épiclèse de Gradiuus, qui est la sienne à Rome dans le cadre des rites effectués par les Saliens, mais on peut penser aussi à Quirinus. Faut-il aller jusqu’à supposer déjà la présence, sur le mont, de la triade archaïque, sous la tutelle de laquelle le sacerdoce semble avoir été placé dans la première Rome ?502 On n’oubliera d’ailleurs pas que le carmen saliare invoque d’autres dieux – Ianus, Iuno, Minerva, Iuppiter Lucetius, Saturnus – qui, chacun, ont pu être présents sur le mont des Féries. À Tibur, il y eut aussi des Saliens503, et leurs rites étaient en rapport avec le culte d’Hercule. Il n’est pas possible de dire à quel dieu s’adressaient sur le mont Albain les rites exécutés par les Saliens qui y officiaient. Tout au plus le lieu auquel renvoie leur titulature (arcis Albanae) fait-il penser que le moment de la célébration se situait aux Féries Latines. Le site romain fournit peut-être un terme de comparaison, avec l’armilustrium de l’Aventin504, où il est probable qu’officiaient les Saliens ; selon Varron (LL, 5, 153), il s’agissait d’une lustration (ab ambitu lustri) -, une procession de jeunes guerriers armés de l’ancile505 et défilant tout autour du mont sacré : circumibant ludentes ancilibus armati (ib., 6, 22).
4b) Virgines Albanae
572Une prêtrise majeure féminine doit être placée sur le lieu de célébration des Féries Latines : il s’agit de Vestales. Pourtant, malgré la relative précision des sources, la recherche a préféré s’en tenir ici encore à une abstention qui, à notre avis, n’a pas de véritable justification506. À vrai dire, il devrait suffire de renvoyer aux textes, notamment à Lucain (cf. T62) qui montre que la fin des Féries Latines était marquée par l’allumage d’un grand feu nocturne qu’on pouvait voir de très loin : or le poète rapporte explicitement ce feu à Vesta et à un autel507, ce qui ne peut que renvoyer à une réalité cultuelle précise, confiée à ces Vestales ; si l’auteur de la Pharsale place sous le patronage de la déesse, le lieu d’Albe (T64), cela correspond tout à fait à l’habitude antique consistant à assimiler la montagne à une ville du même nom. Ces rapprochements confirment, une nouvelle fois, que la uirgo Vestalis maxima arcis Albanae, qui apparaît dans une inscription romaine tardive508, exerçait bien ses fonctions, à l’instar des Saliens de même titulature, sur le Monte Cavo. Or, on en a non seulement douté, mais on le nie généralement509 ; pourquoi cela ? La véritable raison, qui n’apparaît jamais explicitement, en est, à notre sens, la localisation courante d’une ville d’Albe à Castel Gandolfo510. Cette dernière semble même renforcée par l’apparition des uirgines Albanae au détour d’un passage du commentaire d’Asconius au pro Milone, pour un épisode qui se situe près de Bovillae511 et qui pourrait s’expliquer, à notre avis, si les Vestales albaines, comme leurs consœurs de Rome, avaient eu à s’occuper du culte de Bona Dea qui avait un sanctuaire dans les parages512. On doit sans doute, comme on le fait d’ordinaire, en déduire que la prêtise avait sa résidence dans cette ville, mais non point y situer pour autant l’arx Albana de l’épigraphie, qui ne saurait non plus, nous l’avons vu, être identifiée avec la villa impériale de Castel Gandolfo : presque tous les textes (notamment Juvénal) cités d’ordinaire en ce sens ont été ou surinterprétés ou mal compris. Des indications de Lucain et des inscriptions, on peut donc déduire que des Vestales accomplissaient des rites sur une arx Albana où il faut reconnaître le Monte Cavo, et du qualificatif de maxima que l’épigraphie donne à deux d’entre elles513, on peut donc supposer que le sacerdoce comprenait au moins trois prêtresses.
573Si limitées que puissent être de telles conclusions, elles ont, nous semble-t-il, leur importance : on sait, en effet, que dans le grand débat qui occupe la recherche sur la question dite des origines de Rome, certains savants accordent un poids prépondérant aux premières attestations de la présence d’un sanctuaire de Vesta au Forum romain. Développant de la sorte sous l’angle archéologique l’argument théologique présenté par les Anciens sur le caractère essentiel du foyer de Vesta pour la communauté civique514, ces chercheurs ont fait de l’apparition d’un premier édifice cultuel sur le lieu du temple de Vesta le signe le plus sûr de la naissance de Rome en tant que cité515. Or, ce premier sanctuaire ayant, par ses puits votifs, été daté de la seconde moitié du viie s., voire du vie s., cette chronologie est devenue du même coup celle de l’entrée de Rome tout entière dans l’ère urbaine. Contentons-nous ici de souligner quelques apories, sans insister sur le rehaussement de la chronologie auquel ont abouti le réexamen des puits votifs du Forum ainsi que les nouvelles fouilles d’A. Carandini516, et sans nous attarder non plus sur la possibilité qu’un sanctuaire de Vesta, ou d’une proto-Vesta, ait existé auparavant sur le Palatin517. Voudra-t-on voir dans l’existence de Vestales albaines la « preuve » qu’Albe était déjà une communauté unitaire et, sinon urbaine, du moins « pré-urbaine » ? Accordera-t-on, au contraire, qu’Albe n’exista jamais en tant qu’organisme unique ? Dans les deux cas, il est facile de voir que les faits romains perdent beaucoup de la valeur qu’on a voulu leur attribuer, que ce soit du point de vue chronologique dans la première hypothèse, ou typologique dans la seconde. Reste alors une solution : supposer que les faits albains, pour difficilement contestables qu’ils paraissent, n’aient été qu’une reconstitution érudite élaborée, précisément, sur le modèle romain. Quelques indices pourraient aller en ce sens : citons la résidence des Vestales à Bovillae, dont les habitants étaient dits Albani Longani Bouillenses, ainsi que la sujétion où le groupe albain paraît avoir été vis-à-vis du collège pontifical romain518. Mais de ce point de vue, le grand brasier dont la lueur illuminait la dernière nuit des Féries mérite assurément plus d’attention qu’on ne lui en a accordé. Il est peu vraisemblable qu’il s’agisse d’un rite introduit tardivement, dans la mesure même où il n’a pas de modèle romain. Si l’on veut bien se souvenir que notre analyse nous a orienté vers l’hypothèse que les Féries avaient, à l’ère latiale, été d’abord célébrées au printemps, comme elles le seront d’ailleurs sous l’Empire, on pourrait se demander si le grand feu des Féries519 n’avait pas appartenu au type bien connu des embrasements destinés à célébrer, à symboliser et à stimuler, en même temps, le grand renouveau dont la nature est, à chaque belle saison, le théâtre. Dans un ordre d’idées analogue, la Vesta romaine n’avait-elle pas sa fête le neuf juin, c’est-à-dire vers le moment du solstice d’été ? Une autre hypothèse consisterait à y voir l’équivalent de la cérémonie par laquelle, à Rome, au début de mars, chaque foyer était rallumé et régénéré520, au cas où ce mois aurait marqué également le début de la nouvelle année dans le territoire albain521. Compte tenu de la date habituelle (qui n’est il est vrai qu’une estimation) des Féries, nous pencherions plutôt pour l’hypothèse d’un feu pourvu des valeurs de fertilité et de purification, que Frazer522 avait reconnues à ce genre de manifestation.
574L’interprétation d’un tel embrasement rituel est certes sujette à caution, sa réalité nous paraît du moins assurée par Lucain, bien qu’il s’agisse d’un témoignage unique. Pour les autres actes cultuels que devaient avoir à accomplir ces Vestales albaines, la seule voie d’interprétation possible, mais périlleuse, serait la comparaison avec les faits romains. Compte tenu de la nature des sacrifices accomplis pour le Latiar, on supposera, par analogie avec Rome, que parmi les soins qui incombaient à chacune des Vestales, quae sacra Albana curabat523, il y avait la préparation de la mola salsa et de la muries524. Pour le reste, les questions qui se posent d’ordinaire à propos du sacerdoce romain se retrouveraient sans doute telles quelles dans le contexte albain : mêmes ambivalences, destinées à souligner la sacralité du culte, entre le caractère privé ou public, entre les aspects liés à la virginité des prêtresses525 et ceux garantissant la fécondité de la communauté, entre l’inclusion ou l’exclusion du rite par rapport à la sphère augurale526, entre le feu et l’eau527. Cette ambivalence va jusqu’à la contradiction lorsqu’il s’agit de l’origine du sacerdoce de l’Vrbs : à côté d’une tradition qui en attribuait la création à un roi romain, Numa ou Romulus528, on sait que d’autres auteurs lui reconnaissaient une origine albaine. Alba oriundum sacerdotium, dit Tite-Live529. Puisque nous avons établi d’une part que le lieu d’exercice des Vestales albaines était le Monte Cavo et, d’autre part, que les Anciens plaçaient là une ville d’Albe, le caractère étiologique de la généalogie livienne nous apparaît maintenant clairement. Il vaut la peine d’ajouter qu’aux yeux des Anciens, cette origine est présentée comme première et qu’aucun texte ne vient, par exemple, attribuer explicitement aux Vestales albaines une ascendance lavinate. Tout se passe donc là comme si la tradition albaine avait précédé le moment où se mettra en place le triptyque Lavinium-Albe-Rome. Comme on l’a souvent remarqué depuis Wissowa (RKR2, p. 157, n. 4), le culte de Vesta n’est pas attesté en dehors du Latium ; s’il ne l’avait été qu’à Lavinium et à Albe, on pourrait, on devrait même penser à une forgerie romaine ; mais il l’est aussi à Tibur (CIL, 14, 3677/9), ce qui semble indiquer plutôt un enracinement italique : on peut donc se demander si la thèse d’un primat albain, outre son caractère étiologique, n’a pas quelque chance de correspondre à un schéma à peu près vraisemblable, pour peu qu’on ne lui donne pas une interprétation strictement chronologique. On a très souvent souligné l’analogie formelle existant entre la structure et le plan du temple romain de Vesta et ceux des urnes-cabanes latiales, dont les monts Albains ont livré, nous l’avons vu, le plus grand nombre d’exemplaires530 : seul Georges Dumézil a récusé un tel rapprochement531. Quant à savoir si l’origine égéo-crétoise autrefois supposée par Muller-Karpe pour ce type d’objet ne pourrait pas permettre, compte tenu des découvertes de typologie mycénienne à Astura532, d’expliquer la parenté difficilement contestable entre le nom de Vesta et celui d’Hestia533, c’est une question destinée sans doute à rester sans réponse. Le rôle de ces Vestales albaines se limitait-il aux Féries Latines ? On ne peut rien affirmer, même si on a pu supposer qu’elles intervenaient dans le culte de Bona Dea, près Bovillae. Entre le Monte Cavo et le Capitole, les parallèles sont nombreux et sans doute voulus. Puisque l’épigraphie atteste la présence de pontifes sur le mons Albanus, on serait tenté d’y transférer le cortège qu’Horace dépeint gravissant le Capitole : dum Capitolium / scandet cum tacita uirgine pontifex534.
575Comme à Rome, également, il faut sans doute supposer que le culte de la Vesta albaine – s’il est permis de déduire la présence de la déesse à partir de celle de ses prêtresses – accompagnait celui d’autres divinités : l’étroite relation, par exemple, entre Vesta et Volcanus est ainsi un fait bien établi pour l’Vrbs535. Or, ce dieu était honoré, sous son nom grec, en un lieu qui n’était autre que la montagne albaine. À Palazzolo, en effet, une base inscrite536, aujourd’hui perdue, portait une dédicace : Ήφαίστωι. Les savants ont par ailleurs souvent commenté la relation étroite qui existe à Rome entre Ianus et Vesta, l’une étant mater comme l’autre est pater, tandis que leur férial les met en symétrie : le manque de sources ne permet pas d’aller plus loin que la simple supposition en ce qui concerne l’aire albaine ; tout au plus pouvons-nous remarquer la présence du dieu des commencements dans le carmen saliare537, dans la mesure où nous avons supposé qu’il fut chanté sur le mont Albain. On sait bien qu’il était recommandé de commencer toute prière par le nom de Ianus et de la clore par celui de Vesta538 : nous nous demandons si cet usage ne pourrait pas fournir une clef de lecture, non incompatible avec les hypothèses formulées plus haut, pour le rite de l’allumage du feu aux Féries Latines. Ne s’agit-il pas en effet, là-bas, d’un brasier qui, allumé par les Vestales, vient terminer la célébration du Latiar (dont il devient même la conclusion métonymique), de même que le nom de Vesta termine toute prière ? Cette hypothèse aurait, si elle était vérifiée, pour conséquence d’inscrire l’ensemble du cérémonial des Féries dans une structure théologique forte. Le commencement du primitif calendrier latino-albain en janvier539 irait d’ailleurs tout à fait dans ce sens.
576Enfin, la liaison entre le culte de Vesta et celui des Pénates, si forte à Rome comme à Lavinium, n’a, dans le contexte albain, qu’un écho seulement littéraire : implantés à Lavinium, les Pénates n’auraient été installés à Albe que secondairement, après l’échec d’une première tentative de transfert540. Faut-il voir dans cette tradition contournée l’un des effets de la diffusion de la légende troyenno-lavinate, ou, au contraire, la trace d’une diffusion latiale originaire ? Le caractère nettement urbain du culte public des Pénates à Rome oriente peut-être à tort vers la première solution.
5) Rites
a) La balançoire
577Quoi qu’il en soit, il n’y avait sans doute pas qu’un seul dieu qui fût honoré sur le mont Albain, même s’il est très difficile d’aller au-delà de cette petitio principii. Rien n’illustre mieux, à cet égard, la part d’ombre et d’incertitude dont reste enveloppée l’arx Albana que le rite, mentionné explicitement par quelques auteurs (T57, 120 et 126), mais qui est sans doute le plus mystérieux de tous ceux qui étaient célébrés lors des Féries : l’oscillatio541.
578Malgré les références indues souvent faites à son propos à des textes qui en réalité traitent d’autres sujets542, il n’apparaît que dans trois sources, selon lesquelles les participants au Latiar pratiquaient le jeu de la balançoire, un jeu dont les explications qu’elles donnent indiquent assez le caractère rituel. Le premier de ces textes est attribuable, d’après l’indication donnée par le dictionnaire de Festus, à un certain Cornificius, où il convient peut-être543 de reconnaître le nom d’un correspondant de Cicéron, poète, ami de Catulle et de Virgile, auteur d’un traité De etymis deorum, dont pourraient bien être extraites les lignes en question. La définition de l’oscillatio comme imago uitae humanae, la recherche d’une explication pour le nom lui-même du rite, et le rappel, s’il est aussi de lui, d’un mythe grec, celui d’Icare et d’Erigonè, iraient bien au versificateur élégant féru d’étymologie que fut Cornificius. Pour des raisons que nous avons exposées ailleurs544, c’est à Varron que nous serions tenté d’attribuer la tradition dont témoigne le troisième texte (T126), provenant d’une scholie à Cicéron : il est plus précis que le précédent quand il ajoute le nom d’Enée à celui de Latinus et quand il donne au rite une explication d’ordre religieux, moins quand il se tait sur l’identité des célébrants. En l’état, ces divergences devraient empêcher la réduction de ces deux sources à l’unité : mais on pourrait tout aussi bien imaginer que Cornificius ait traité à sa manière une tradition dont il trouvait les matériaux dans une œuvre de Varron. Quoi qu’il en soit, l’on ne peut, une nouvelle fois, que remarquer la concentration dans le temps et la rareté des sources sur un rite des Féries reconnu par l’ensemble des commentateurs comme l’un des plus anciens du Latiar. Les choses, malgré tout, seraient simples si, à côté de l’oscillatio, il n’y avait les oscilla, dont le nom même semble (mais ce peut être une fausse impression)545 indiquer la priorité par rapport au rite de l’escar-polette ! Or, par ce mot, il semblerait que les Anciens aient voulu désigner des espèces de simulacres, sans qu’on puisse savoir s’il s’agissait de masques ou de poupées. Deux mots, donc, pour deux réalités différentes : un rite dans un cas, un objet dans l’autre. Pourtant, la forte ressemblance lexicale entre les deux termes a incité les commentateurs, anciens autant que modernes, à ranger les deux référents qu’ils désignaient sous la même interprétation. De là un dossier très confus, dont l’enchevêtrement a commencé dès l’Antiquité.
579Récemment, l’archéologie a apporté sa contribution à un débat qui était resté jusque-là très philologique. Dans un premier temps, G. Colonna546, à propos du contenu d’un dépôt votif exploré par G. Boni sur le Comitium, a suggéré d’interpréter comme oscilla un grand nombre de pièces de pierre, dont une bonne moitié est munie d’un ou de plusieurs trous de suspension547 ; quinze ans plus tard, grâce à l’identification, dans les réserves du musée de la Villa Giulia, d’objets exhumés sur le Monte Cavo au début du siècle, C. Cecamore548 a retrouvé un objet semblable à ceux du Comitium, proposant donc d’y reconnaître un exemplaire d’oscillum. Ainsi serait apportée, pour la première fois, une trace archéologique du plus singulier des rites albains. Quant au sens qu’il convient de lui donner, les deux savants, par le biais d’une notice de Macrobe (Sat., 1, 7, 31) concernant la dédicace à Dis Pater d’oscilla ad humanam effigiem arte simulata en remplacement d’hominum capita, ou de l’interprétation donnée dès l’Antiquité au rite des Argées549, y voient un type d’offrande s’étant substitué à un sacrifice humain dont le souvenir n’aurait ainsi pas été totalement effacé, hypothèse reprise par A. Carandini. À première vue, cette théorie ne se trouve-t-elle pas confirmée aussi bien par l’archéologie que par la philologie ?
580En réalité, aussi bien d’un côté que de l’autre, les données se révèlent plus complexes qu’il n’y paraît. Du point de vue archéologique, en effet, ni l’objet albain ni ses pareils romains n’ont ce caractère anthropomorphique qu’à lire Macrobe – auquel on se fie pour ce qui est d’un supposé sacrifice humain primordial – ils devraient avoir. À bien y regarder même, ce qui frappe, c’est l’hétérogénéité des formes que présentent les trouvailles du Comitium550. Ajoutons que tout ce qui concerne les Argées, considérés comme substituts de sacrifices humains par nombre de Modernes à la suite d’Ovide et de Lactance, n’est pas d’interprétation obvie : selon A. Ziolkowski551, il s’agit d’un rituel de purification urbaine, sans aucun rapport avec un quelconque sacrifice humain. Ne pourrait-on pas, cependant, trouver dans les oscilla de Pompéi, qu’il s’agisse des exemplaires réels qui y ont été trouvés, portant le portrait de Dionysos552, ou des représentations figurées dont s’ornent des fresques murales553, la confirmation de l’interprétation comme oscilla des trouvailles faites au Comitium et au Monte Cavo ? Rien n’est moins sûr : il ne s’agit plus dans ces deux derniers endroits de disques mais d’objets de forme irrégulière, ne portant d’autre part aucun motif figuré.
581Surtout, il n’est, dans les sources, jamais question, pour les Féries Latines, d’oscilla, qu’il s’agisse de disques votifs ou de masques554, mais bien d’un rite, oscillatio, celui des balançoires sur lesquelles montent non point des figurines artificielles, mais des êtres vivants, les participants mêmes de la fête, liberi et serui (cf. T57). Aussi, plutôt que d’essayer de réduire cette diversité au prix de beaucoup d’hypothèses et d’assimilations hasardeuses, nous paraît-il de meilleure méthode de s’en tenir aux faits attestés sur le mont Albain : l’oscillatio n’apparaît que là-haut et elle est mise en rapport avec le roi éponyme du nomen Latinum, assimilé à son dieu national. On peut admettre assez facilement que le rattachement de ce rite au mythe d’Icare et d’Erigonè, qui, d’ailleurs, intéressa fort l’augustéen Hygin555 (si c’est bien lui), ne soit qu’une interpretatio graeca et secondaire. Reste une particularité qui nous semble devoir être soulignée : eu égard au rite ou jeu pratiqué par les fidèles des Féries, qui consistait à se balancer dans les airs le plus haut possible, nous penserions volontiers que la localisation du Latiar sur l’un des sommets les plus élevés du massif n’est pas indifférente. Avant même toute interprétation, il nous semble qu’entre l’oscillatio et le lieu où elle était pratiquée, il y avait une espèce de relation homologique. Ajoutons aussi que les sources donnent comme étiologie à l’oscillatio la recherche de Latinus (ou d’Enée) disparu : la formule quaerere in aere figure chez Servius (T120) comme dans les scholies de Bobbio (T126), indice sans doute d’une source commune qui est, à notre avis, Varron. Le rite se trouve ainsi pourvu d’une nette valence de purification funéraire. Le second élément qui nous paraît structurellement signifiant pour l’interprétation de l’oscillatio est son appartenance à une fête qui comprend par ailleurs l’allumage d’un grand brasier ; c’est précisément cette caractéristique qui amena Frazer à y voir un rite propitiatoire de fertilité : « Il est intéressant de noter qu’en Estonie, à la fête de la Saint-Jean ou du solstice d’été, les balançoires jouent, avec les feux de joie, le rôle principal »556. Cette solution, qui a reçu depuis l’aval de quelques savants557, est à notre avis la bonne : elle n’exclut pas, l’auteur du Rameau d’Or le notait lui-même, d’autres valences pour le rite. Comme souvent, il est probable que la notion de purification558 – purgatio per aerem – soit étroitement liée à celle de fertilité. La période, que nous avons restituée par hypothèse, à laquelle était anciennement célébré le rite, permet d’aller dans un sens également indiqué par Frazer559 : la comparaison du soleil avec une « escarpolette d’or du ciel » étant, paraît-il, bien attestée dans plusieurs anciennes religions, notamment celle de l’Inde, il est tentant de donner à l’oscillatio la valeur d’un rite solaire. De ce point de vue, et sans parler du patronage de la flamme des Féries par Vesta, où nombre d’Anciens comme de Modernes ont voulu voir la terre-mère560 selon une équivalence contestable, la généalogie solaire prêtée par certaines sources à Latinus561, que Cornificius semble ne pas avoir ignorée, mérite, à notre avis, de retenir l’attention. Dans cette optique, le rite du balancement aurait donc été destiné à assurer la purification des influences malignes, la prospérité des récoltes ou, du moins, de la végétation, le renouvellement du mariage mystique entre les forces de la terre et celles du ciel, l’élan du soleil dans sa course astrale. Comme l’écrit Jean Bayet (Rel. rom., p. 98) commentant le férial romain du mois de mai, « on est tenté d’évoquer la liaison fréquente entre le culte des morts et les idées de fécondité ».
582Est-ce à dire qu’il faille récuser toute pertinence à l’idée d’une symétrie entre les sanctuaires du Comitium et du mons Albanus ? Pas nécessairement : mais l’hypothèse de G. Colonna doit, à notre avis, être légèrement modifiée. S’il est, nous l’avons vu, difficile d’admettre qu’on doive reconnaître dans les pierres polymorphes et aniconiques trouvées dans le dépôt votif exploré par Boni les oscilla dont parlait Macrobe, il est beaucoup plus satisfaisant d’identifier comme tels les nombreux kouroi de bronze ou d’ivoire qui en faisaient aussi partie. Dans ces figurines, effectivement, on peut, avec F. Coarelli562, reconnaître des oscilla ad humanam effigiem arte simulata, qu’on rapportera alors au sanctuaire de Dis Pater563 situé, disent les sources, à proximité du Volcanal et du Lapis niger. Quant au rapprochement avec le mont Albain, il ne disparaît pas lui non plus : car comment ne pas reconnaître des kouroi, du genre de ceux trouvés à Rome, dans les « diversi idoli di metallo di finissimo lavoro della lunghezza di mezzo palmo » ou dans ces « rottami di statuette, fantocci sî di uomini che di donne »564 décrits ainsi par d’anciens documents d’archives concernant la mise au jour d’un dépôt votif à l’occasion de la construction, entre 1774 et 1779, du Couvent des Passionnistes sur le sommet du Monte Cavo ? Resterait à identifier les pesons de pierre : s’il ne s’agit pas d’oscilla, ou de poids de tissage, on pourra y voir, avec E. Gjerstad565, qui prenait en compte leur grande diversité formelle, des offrandes votives imitant des fruits (pommes, poires, figues, amandes), ce qui, du reste, rentrerait fort bien dans le cadre de l’interprétation de l’oscillatio proposée ici. On comprendrait mieux alors, à notre avis, l’usage, durant les Féries Latines, de lait, non seulement pour les libations mais aussi comme boisson, ce que Cornificius, ou sa source, décrit comme s’il s’agissait d’un élément inséparable du rite de la balançoire : car qu’est-ce qui pouvait mieux symboliser (et dans la mentalité primitive, provoquer) la fertilité et le renouvellement, que ce breuvage qui est, par excellence, d’immortalité et de régénération ?566
b) L’offrande de bronze
583Un autre rite pratiqué sur le mont Albain a, lui aussi, été récemment interprété comme la trace d’un sacrifice humain : il s’agit de l’aes piscatorium, dont le bréviaire de Festus est le seul à avoir conservé le souvenir (T58). Une première précision s’impose : il n’est pas question, dans ce lemme, des Féries Latines ; cependant l’indication du lieu, in Albano monte, et l’emploi du présent de l’indicatif (datur), sans doute directement repris à Verrius Flaccus, rendent vraisemblable l’hypothèse, adoptée par tous les commentateurs, que cette offrande ait été présentée à l’occasion du Latiar. Avant tout essai d’exégèse, il convient de rappeler que le bronze prémonétaire avait probablement, dans la Rome archaïque, une valeur, voire une fonction symbolique, presque magique, socialement très forte567, apportant prestige et pouvoir à ses détenteurs, ce qui ressort notamment d’une curieuse anecdote transmise par Pline (N.H., 34, 137) à propos de la famille, albaine précisément, des Servilii. Deux interprétations divergentes ont été faites pour l’aes piscatorium ; la plus récente, celle de C. Cecamore568, se fonde sur un rapprochement avec le Volcanal romain où le même Festus (276L) et Varron (LL, 6, 20) attestent l’offrande rituelle à Vulcain de poissons, pisciculi pro animis humanis. Sans entrer dans le détail des discussions complexes auxquelles a donné lieu cette expression, on admettra qu’elle puisse conserver le souvenir d’anciens sacrifices humains : la valeur substitutive des poissons dans ce domaine semble en effet prouvée569. Il ne s’agit donc plus que de transposer cette équivalence sur le mont Albain, pour aboutir à la conclusion que le bronze qui y était offert « à la place de poissons » gardait lui aussi la trace d’un sacrifice humain primitif. Se référant aux normes du droit archaïque concernant l’aes, et, d’autre part, à la gravité des épisodes liés, dans l’histoire de la plèbe, au problème des dettes, C. Cecamore suggère une datation au début du ve siècle av. J.-C., en interprétant le rite comme une offrande de substitution à la peine du démembrement qui menaçait, selon les XII Tables, tout débiteur insolvable570 : la légende de la mort de Romulus, dépecé par les Sénateurs, aurait conservé à Rome l’écho de tout cela sur le plan du mythe. Si séduisant soit-il, ce syllogisme, qui permet de passer ainsi, sans rupture apparente, des hommes au bronze, ne laisse pas de susciter quelques objections, dont certaines ont été aussitôt formulées par A. Pasqualini571. Reprenant la lecture autrefois proposée par J. Le Gall572 pour ce passage de Festus, cette spécialiste a en effet préféré, au sens substitutif donné à la préposition pro, un sens final très usuel, soulignant d’autre part les incertitudes de la science à propos du droit pénal archaïque, récusant enfin toute validité à un rapprochement Romulus-Mettius Fufetius.
584Nous ajouterons, pour notre part, que c’est précisément l’ancienneté très grande de cet aspect du mythe de Romulus573 qui en rendrait peu vraisemblable une application, dans le domaine sacrificiel, qui ne daterait que de l’ère républicaine ; s’il faut comparer une figure mythographique albaine à celle de Romulus, ce serait, de toute façon, beaucoup plus Latinus que Mettius Fufetius. Surtout, la théorie de l’aes piscatorium comme trace d’un sacrifice humain originel se fonde sur un rapprochement574, une identité même, entre les sanctuaires du mont Albain et du Comitium, à partir de l’analyse des oscilla : or nous venons de voir que l’oscillatio albaine n’a pas, quoi qu’on en ait dit, son équivalent à Rome. Au-delà de la phase romaine – des poissons à la place d’hommes – et de la phase albaine – du bronze à la place de poissons -, il faudrait supposer une relation fondamentale – du bronze à la place d’hommes – dont les petits kouroi de bronze trouvés au Comitium et sur le mont Albain garderaient témoignage. Cela voudrait dire aussi que la substitution aurait été, avec l’aes piscatorium, poussée plus loin, et donc plus tard, sur le mont Albain qu’à Rome, créant une dissymétrie entre les deux sites. Il est sans doute plus sage – bien que moins suggestif ! de revenir à la lecture de J. Le Gall, qui refusait le rapprochement avec les piscatorii ludi, soulignant de toute façon qu’ils n’avaient rien à voir avec le culte de Vulcain575 : l’aes piscatorium serait donc simplement l’offrande faite par les pêcheurs des lacs d’Albano et de Nemi « pour obtenir une pêche abondante » ; dans ces conditions, il n’est même pas sûr que le bronze soit venu remplacer les poissons, ni, à plus forte raison, des victimes humaines. Incontestablement, l’archéologie témoigne de l’importance de la pêche pour les premières communautés albaines, avant même l’émergence de la civilisation latiale, avec le village lacustre du Bronze moyen en cours d’étude au bord du lac de Castel Gandolfo576. On peut même se demander s’il ne serait pas possible de donner à la préposition pro un sens commémoratif577, de telle sorte que l’offrande de bronze vaudrait comme un remerciement déposé après de belles prises. Quoi qu’il en soit, il nous semble que l’on peut, à la lumière de cette analyse, déceler dans un texte célèbre de Juvénal une allusion à l’aes piscatorium : il s’agit de la quatrième Satire, où le poète montre un zélé pêcheur d’Ancône offrant à Domitien un turbot géant. Sachant que la villa impériale était, par imitation avec le mont Albain et en raison de sa configuration, appelée parfois arx Albana, et que l’empereur était (ceci étant sans doute la cause de cela) lui-même souvent assimilé à Jupiter578, ne peut-on pas voir dans cet épisode une simple caricature, une allusion à un sacrifice de substitution, où, par une inversion grotesque de l’ordre normal des choses, le souverain-dieu refuse précisément cette substitution579 du bronze au poisson acceptée au contraire par le dieu-souverain ? De toute façon, il convient de souligner que les interprétations différentes du rite se rejoignent, lorsqu’elles voient580 dans les très nombreux fragments de bronze retrouvés au fil des siècles au sommet du Monte Cavo, la trace directe du rite de l’aes piscatorium décrit par Festus : on les date aujourd’hui du ve s. av. J.-C. et, d’une manière générale, on interprète581 les morceaux d’aes rude, non plus comme des moyens d’échange prémonétaire ou des déchets de fusion, mais de nouveau comme des offrandes votives, selon une théorie proposée jadis par Pigorini. Si donc ni le rite de l’oscillatio ni celui de l’aes piscatorium, tous deux exclusivement albains, ne peuvent à notre avis, contrairement à ce qui en est souvent dit, être interprétés comme la trace d’anciens sacrifices humains, il est certain que plusieurs sources antiques font état par ailleurs de ce qui semble bien avoir été un homicide sacral, accompli lors des Féries Latines et en l’honneur de Iuppiter Latiaris.
c) Un sacrifice humain à Rome ?
585Selon une dizaine d’auteurs, en effet, dont la chronologie va du second au cinquième siècle de notre ère, de Justin à Prudence et à Paulin de Nole582, une statue du dieu latin était rituellement aspergée de sang humain à Rome par un des plus hauts personnages de l’État. Parce que ces textes sont, à une exception près, ceux d’apologistes chrétiens, leur témoignage, après avoir été jadis accepté sans discussion, est d’ordinaire rejeté par la critique583 qui y voit une invention polémique. Il est permis de mettre en doute584 un tel jugement, ne serait-ce qu’en raison de la facilité avec laquelle les partisans de l’ancienne religion eussent repoussé un tel argument au cas où il eût été évidemment faux : or, de ce côté-là, il n’y eut pas d’autre réponse que le silence le plus total. Nous avons rappelé, en les citant, que plusieurs de ces auteurs chrétiens vécurent ou séjournèrent à Rome, où ils furent même parfois liés à de hautes personnalités. L’information qu’ils donnent peut donc être considérée comme sûre, d’autant qu’elle est confirmée par le païen Porphyre (T113). On pourrait, il est vrai, en récuser, ou tout au moins en atténuer la portée, en faisant l’hypothèse (sur la base du témoignage de Prudence, T135) que la dédicace d’un sacrifice sanglant à Jupiter Latial n’ait été qu’une étiologie de la gladiature, élaborée par les milieux païens à un moment où, comme l’a montré Georges Ville585, les combats de l’arène suscitaient de plus en plus de réticence de la part de l’opinion éclairée ; à leur tour les chrétiens auraient pris au sérieux cette étiologie, afin de mieux condamner l’ancienne religion, où leurs adversaires avaient espéré trouver une justification à ces spectacles de mort qui plaisaient tant à la foule romaine. Nous ne croyons pas à un tel schéma, ne serait-ce qu’en raison de son caractère contourné ; surtout, il laisse deux faits inexpliqués : la chronologie relativement haute des premiers témoignages – qui est peut-être même, nous allons le voir, à remonter notablement -, ainsi que le choix précis du Jupiter Latial pour ce rite prétendument inventé a posteriori. Il faut donc admettre que le dieu latin réclamait chaque année, en plein centre de Rome (et non sur les monts Albains comme on l’a dit)586, une victime humaine. Cette conclusion, soit dit en passant, rend d’autant plus fragiles les hypothèses de lecture faites à propos de l’oscillatio et de l’aes piscatorium comme rites de substitution de sacrifices humains : pourquoi aurait-il fallu, sur le mont Albain, travestir ce qui restait visible au milieu de la Ville ? Là, le rite a sans doute été soumis à quelques adaptations : on supposera, avec G. Ville, qu’à un premier sacrifice accompli devant la statue du dieu ait succédé un munus, se déroulant sans doute au Colisée, avec comme victime sacrificielle le bestiarius dont parle Tertullien et dont le savant français587 a montré qu’il s’agissait d’un condamné aux bêtes. Cependant, et comme l’avaient très bien vu les apologistes, l’exécution capitale dissimulait mal le sacrifice humain.
586Où se faisait cette aspersion rituelle ? Media in urbe, écrit Tertullien (T94), ce qui laisse plusieurs possibilités. Aussi a-t-on pensé au Quirinal ou encore au Forum ou au Capitole, si proches du Colisée. Le seul indice solide est celui que fournit la toponymie : que le nom de Latiaris renvoie au rite lui-même, ou au lieu où il était célébré, ou au dieu qui y était honoré – voire à tout cela à la fois -, le choix doit s’orienter vers le Quirinal et son collis Latiaris588.
587Quel était le très haut personnage qui avait à asperger d’un sang humain tout juste recueilli la statue du dieu ? On a hésité, pour l’époque impériale, entre un des consuls ou l’empereur lui-même589. Auparavant, il devait s’agir, à notre avis, du magistrat supérieur qui célébrait le Latiar, autrement dit un consul ; après la fin de la libera res publica, il serait logique de penser que ce rôle ait pu incomber à l’empereur, quand il était détenteur du titre consulaire.
588La chronologie de ce rite surprenant demande également à être précisée : selon G. Ville, la célébration en aurait cessé dès le début du ive siècle de notre ère ; or, s’il est vrai qu’Athanase, dont l’activité se place du reste plus tard que ce qu’en croyait ce savant590, en parle au passé, Prudence (T135), lui, semble en parler au présent, et ce à la toute fin du ive siècle591. Aussi, plutôt qu’un schéma linéaire d’une suppression définitive, ces apparentes contradictions font-elles entrevoir une évolution en ligne brisée, avec l’adoption de mesures ensuite rapportées, selon le modèle fourni par l’affaire de l’Autel de la Victoire592. En réalité, comme pour les Féries du mont Albain, dont il n’était pas dissociable, on peut penser que le rite romain a perduré, non sans intermittences, jusqu’à l’époque de Symmaque. En amont, alors qu’on s’accordait à penser qu’il n’y avait pas de source antérieure au second siècle de notre ère (Justin), A. Pasqualini593 a proposé de référer à Rome la première attestation du terme Latiar, qui se trouve dans une lettre de Cicéron, datée de 56 av. J.-C. (T5). Avant même de connaître cette hypothèse, nous entendions dans les paroles de Cicéron (T11) après la mort de Clodius une allusion extraordinairement précise, qui a échappé à tous les exégètes du pro Milone594. Car, de la part de celui qui avait eu, en tant que consul, à célébrer les Féries Latines et qui devait donc bien savoir de quoi il parlait595, quel autre sens pouvait avoir cette image d’un dieu terrible décidant enfin le châtiment suprême de l’adversaire abhorré ? Quelques décennies auparavant, les conjurés de la Guerre Sociale avaient eu le projet d’assassiner sur le mont Albain les consuls romains au moment même de la célébration du Latiar (T84) : à notre avis, ce meurtre n’eût alors pas été autre chose qu’un sacrifice596 en l’honneur du dieu latin, libéré cette fois de son déguisement romain. Si ces lectures sont justes, elles permettront de remonter de trois siècles la chronologie admise pour ce rite, ce qui n’est pas sans importance puisque la datation tardive des premiers auteurs qui en ont parlé a souvent été utilisée comme un argument contre son authenticité. Il reste que les textes sur lesquels elles s’appuient ne sont pas explicites et que, lorsque les sources le deviennent, il s’agit d’écrits apologétiques et polémiques où, comme on l’a noté, une certaine gêne se fait encore sentir, ce que le rôle éventuel de l’empereur dans la cérémonie suffirait à expliquer597. De la part des auteurs classiques, et païens, l’étrangeté et la barbarie du rite sont sans doute à l’origine de leur silence : pour un Macrobe, soucieux de faire revivre, ou du moins d’exalter les antiques traditions, il valait mieux recourir à d’autres arguments, en insistant, par exemple, sur les bienfaits de la paix apportée par le Latiar (T128) albain ! Une autre raison du silence de l’annalistique pourrait être, tout simplement, qu’un rite célébré régulièrement chaque année n’entrait pas, selon les Anciens, dans le champ visuel de l’histoire598 (historia). L’existence d’un tel sacrifice révèle aussi toute la cruelle ironie que cachait le surnom de Jupiter Latial donné, par des opposants, à Caligula, par ailleurs soucieux, selon Suétone, de voir l’antique règle de succession au rôle de rex nemorensis reprendre toute sa rigueur599.
589Resterait à savoir à quel moment de l’année avait lieu ce meurtre rituel : G. Ville600, après A. Piganiol, y répond en supposant une célébration au mois de décembre. En réalité, aucun texte ne le dit, mais l’hypothèse semble a priori possible, vu que plusieurs Apologistes assimilent le Jupiter latin à Saturne et que décembre est précisément le mois des Saturnales. Mais cette datation se heurte à la précision donnée par Porphyre (T113) situant l’égorgement sacrificiel « lors de la fête de Zeus Latin ». Ainsi, à moins de supposer qu’il ne s’agisse là d’une fête de décembre dont par ailleurs on ne saurait rien, on conclura que le sacrifice était accompli pendant les Féries Latines. Était-ce le jour même des Latinae, la veille ou le lendemain ? Dans le premier cas, sa célébration eût incombé au praefectus urbi feriarum Latinarum, mais l’allusion de Justin (T87), qui est peut-être une des causes directes de son martyre601, semble bien viser plus haut. Tout se passe comme si l’aspersion rituelle de la statue du dieu latin avait été, de même que le partage des chairs du taureau albain, confiée à la plus haute autorité de l’État, consul d’abord puis empereur, ce qui impliquerait que le moment en ait ou précédé ou suivi celui du sacrifice sur le mont Albain. On ne peut sans doute pas choisir entre ces deux possibilités : la seconde pourrait contribuer à expliquer602 que les deux jours suivant la cérémonie albaine aient, à Rome, été religiosi (T5), mais le départ immédiat de bien des consuls républicains pour leur province, juste après (cf. par ex. T25 – eo die – et T44) leur pèlerinage albain, semble, comme le remarquait déjà Marquardt, s’y opposer ; la première, plaçant donc le sacrifice humain à Rome avant la liturgie du mons Albanus, pourrait paraître légèrement préférable, s’il l’on ne pouvait présumer que les sources littéraires, en situant le départ hors de Rome des consuls aussitôt après le sacrifice albain, n’aient, plus ou moins volontairement, fait le silence sur un rituel gênant : la partie romaine des festivités se placerait donc dans les deux jours religiosi suivant le sacrifice sur le mont Albain.
590Ce rite n’était pas le seul qui fût célébré dans l’ Vrbs au moment des Féries du mont Albain, puisque un texte de Pline l’Ancien (T70) fait état d’une course de chars qui avait lieu à ce moment-là et dont le vainqueur recevait une coupe d’absinthe. Que la notice de l’encyclopédiste constitue un hapax n’est évidemment pas une raison pour douter de sa véracité. Le texte, cette fois, fournit d’emblée les précisions de lieu et de date : in Capitolio et Latinarum feriis. Autrement dit, cette compétition (unique, au contraire de ce qu’on dit trop souvent) de quadriges se déroulait au même moment que l’aspersion sanglante de la statue de Jupiter Latial. Dans ces conditions, nous souscrivons volontiers à l’hypothèse de Mariano Malavolta603 qui a proposé récemment de considérer ces deux rituels dans une perspective unitaire et comme les deux séquences, disjointes à l’époque historique, d’une même liturgie. Il s’ensuivrait qu’entre la boisson absorbée par l’aurige victorieux et l’étrange libation faite par le haut magistrat pour la statue de Jupiter, il y aurait une relation de substitution. En d’autres termes, à une certaine époque, l’absinthe serait venue remplacer le sang dans la coupe offerte au cocher vainqueur. L’absinthe mentionnée par Pline était probablement, comme on le pense généralement, du vin à l’absinthe604, et quant aux rapports entre vin et sang, ils sont bien établis605. Cette relation homologique entre ces deux liquides est même ce qui explique l’interdiction faite aux matrones de la Rome archaïque de boire du vin606, ce qui risquait de corrompre, pourrait-on dire par mélange, la pureté du sang de leur gens. Pour un chef, le sang, de par sa nature de liquide vital, est par excellence boisson d’immortalité et de souveraineté. Ce rapport entre vin et sang se retrouve explicitement dans le breuvage appelé assaratum607 : si les Anciens Latins, prisci Latini, donnèrent au sang ce qui était le nom grec du vin, n’est-ce point parce que le second liquide était venu remplacer le premier pour les libations rituelles ? Il est vrai que le vin d’absinthe (absinthium) n’est pas le vin de nard (Γασαρον grec), et tout cela n’est peut-être que jeu étymologique de la part des lexicographes romains, mais il n’est pas dit non plus que l’assaratum ne puisse être composé à base d’absinthium ; peut-être faut-il imaginer ainsi une étape intermédiaire, avec le mélange des deux liquides, avant la substitution complète de l’un par l’autre ? Quant au texte de Novatien (T86) montrant que le sang était non seulement jeté sur la statue romaine, mais aussi bu par le célébrant (crudeliter propinatur), il rappelle, s’il est à prendre au sérieux, l’usage qui était fait du sang des gladiateurs mourants par certains spectateurs des jeux de l’amphithéâtre : mais ici le geste garde sa pleine valeur de rite religieux. Le lien entre vin et sang est de toute façon très fort, et l’hypothèse d’une identité originelle entre l’aurige vainqueur et le sacrificateur de la victime vouée à Jupiter Latial reste suggestive. Le vin d’absinthe aura été choisi ici pour ses vertus hallucinogènes608 ; quant à la raison d’une telle substitution, il est évident qu’avec le cours du temps, il devenait de plus en plus difficile d’exiger du premier des Romains le respect du culte primitif ! On pourrait aussi admettre que la dualité absinthe-sang soit une donnée originelle, ce qui ne compromettrait pas forcément l’unité de la séquence rituelle.
591Pour ce qui est de la course de quadriges, la valeur évidemment plus religieuse que sportive de ce genre de manifestation a été bien mise en lumière par de nombreuses études : d’après H. Versnel609, il s’agirait d’abord d’un rite de renouveau printanier, le déplacement des chars illustrant celui de l’astre solaire, selon un principe de mimétique magique déjà décelé, et raillé, par l’apologétique chrétienne610. À l’image de la nature et en même temps qu’elle, le chef de la communauté humaine ressource et revivifie chaque année le principe vital de son pouvoir, dans une cérémonie, et un véhicule, qui font de lui un véritable dieu vivant. Autant les fortes objections611 auxquelles a pu donner lieu cette théorie peuvent sembler fondées lorsqu’il s’agit du triomphe, c’est-à-dire d’une cérémonie dont la régularité originelle reste hypothétique, autant, nous semble-t-il, seraient-elles sans objet à propos d’une course dont le caractère périodique ressort de la seule notice par laquelle son existence est connue. Le lieu où Pline612 situe cette course fait cependant difficulté : même si les très importants travaux de nivellement attestés récemment sur le Capitole pour le vie s. ont atténué l’irrégularité originelle du relief telle qu’on la reconstitue maintenant613, il est totalement exclu qu’une course de chars ait pu être organisée sur la colline, et encore moins sur ses pentes... Le texte de Pline ne pouvant donc être gardé en l’état, la correction la plus économique nous paraît être sub Capitolio, expression qui pourrait, à notre avis, être référée aux prata flaminia, lieux du futur circus Flaminius, situés de fait au pied du Capitole, et sans doute relevant alors de l’autorité des flamines614. Sans faire cette correction, M. Malavolta propose de situer la compétition sur le Forum et de considérer le quadrige en bronze qui ornait le Comitium615 comme une allusion à cette course. Quoi qu’il en soit, nous pouvons affirmer maintenant que l’ensemble formé par le sacrifice humain et la course de quadriges s’inscrit dans un cadre qui est celui de ludi qu’on ne confondra ni avec les ludi Capitolini ni avec les ludi Romani616. Malgré ce qu’on en dit parfois, ces ludi, il est vrai anonymes chez Tite-Live (T18) et chez Denys d’Halicarnasse (T51) dont le témoignage (αγώνων) est négligé, ne restent pas sans nom pour nous : nous pensons que Dion Cassius (T101 b), aussi bien que Tertullien (T92 et 93) et sans doute Prudence (T135b), permettent de savoir qu’on les appelait « Latiaux »617, ce qui est tout à fait logique.
592Ainsi les Féries Latines étaient-elles constituées, dans l’intégralité de leur déroulement, par les cérémonies sur le mont Albain et, à Rome même, par des jeux comprenant un sacrifice humain et une course de quadriges618 : ce sont ces manifestations urbaines qui constituent ce que Pline appelle des Latinarum feriae, c’est-à-dire, très exactement, des festivités accompagnant le sacrifice Latin619. Ces jeux étaient-ils une création romaine ou la réplique, dans l’Vrbs, de ce qui se faisait au même moment sur le mons Albanus ? S’il est vrai que les hypothèses faisant de l’oscillatio ou de l’aes piscatorium des substituts d’anciens sacrifices humains nous ont paru injustifiées, d’autres éléments plaideraient pour la présence de tels sacrifices sur les monts Albains : il s’agit surtout des légendes liées au supplice de Mettius Fufetius ou à celui de Turnus Herdonius620 à laqua Ferentina (il est vrai que les réunions en ce lieu doivent être distinguées du Latiar). On peut aussi penser à la règle de succession du rex nemorensis d’Aricie, dont la valeur sacrificielle est indéniable : mais cela supposerait un transfert du Monte Cavo au lac de Nemi, ce qui ne peut être prouvé.
593Un élément, surtout, négligé par tous les commentateurs, doit être cité : vers 1890, dans le jardin du couvent du Monte Cavo, Hulsen621 aperçut un fragment des Fastes des Féries, aujourd’hui perdu, sur lequel figurait le mot ludi ; par son ornementation et la taille de ses caractères inscrits, la pierre semblait appartenir à la praescriptio ouvrant la liste : s’agissait-il simplement des jeux Latiares de Rome ou le mot renvoyait-il à des manifestations analogues célébrées en même temps sur le mons Albanus ? On ne peut qu’être frappé, en tout cas, par l’analogie avec la formule livienne, ludi Latinaeque (T18). Ce qui se faisait dans l’Vrbs pourrait donc avoir été à l’image de ce qui se faisait sur le Monte Cavo, Rome ayant fini, pour des motifs qui tiennent à l’évolution historique d’ensemble, par absorber et effacer l’antique modèle fédéral. Le nom même de feriae dites Latinae suggère du reste, comme on l’a souvent remarqué, un point de vue plus romain qu’albain. À Rome même, l’influence des Féries Latines ne se limita pas aux jeux Latiaux, s’il est vrai qu’on doive, avec G. De Sanctis et beaucoup d’autres savants, comprendre le nom des ludi Romani622 comme né par démarcation volontaire avec celui des feriae Latinae. On observera que le parallèle devient même plus satisfaisant si, aux ludi Romani, on oppose, moins les feriae Latinae, comme le voulait De Sanctis, que des ludi Latiares, eux aussi préexistants. Pour la création des ludi Romani623, l’opposition avec les Féries Latines avait même peut-être été frontale, car une bonne partie de la tradition antique met leur création en relation avec une guerre contre les Latins. Par ailleurs, les hésitations récurrentes des sources sur la chronologie de ces jeux Romains sont frappantes : non seulement Cicéron, mais aussi Tite-Live en situent les débuts tantôt sous la royauté, tantôt sous la République624. Plutôt que d’y voir, comme on l’eût fait jadis, un doublet artificiel, nous interpréterons cette oscillation comme la trace d’une refondation de ces jeux d’abord royaux par la libera res publica. Après tout, n’est-ce pas ce même schéma d’une fondation itérative que l’on retrouve par exemple pour le temple de Jupiter sur le Capitole et pour les Féries Latines elles-mêmes, fondées par un Tarquin (T50, 118 et 126) puis réorganisées complètement à l’occasion du foedus Cassianum (T51) ?
594Chaque année donc, au moment des Féries Latines, et au cœur de Rome, dans le lieu le plus sacré et le plus prestigieux de l’Vrbs, une vie humaine était sacrifiée en l’honneur de luppiter Latiaris. Ce fait si gênant fut oublié, plus ou moins volontairement, par les Anciens et, à leur suite, par bien des Modernes625. Les Romains ne manquèrent pas de chercher à atténuer la cruauté du rite dont nous avons essayé de restituer l’unité originelle : de la course des quadriges, de l’aspersion de la statue cultuelle du dieu et de la mise à mort d’un homme dans la Ville, ils firent trois moments différents ; dans la coupe de l’aurige vainqueur, du vin d’absinthe se substitua (ou s’ajouta) au sang, tandis qu’un condamné de droit commun, combattant comme gladiateur, jouait désormais le rôle de la victime sacrificielle. Au total, ces adaptations montrent moins le désir de tempérer la barbarie de l’antique sacrifice, comme on a pu le dire, que celui de le conserver à tout prix, dans un monde et un contexte social et spirituel radicalement différents de ceux où il avait pris naissance. Pour que le sacrifice fût, ainsi et malgré tout, maintenu, il fallait assurément que sa perpétuation parût absolument indispensable au salut de la res publica. Le nom romain du collis Latiaris implique, nous l’avons vu, que le mont Albain ait d’abord eu le nom de mons Latiaris : mons où était, par un sacrifice appelé Latiar, honoré un dieu dit Latiaris. Avant d’être « capté » par l’Vrbs, le sacrifice humain, et, dans nos sources, romain, du Latiar, avait donc, à notre avis, dû être célébré, lors de chaque grand renouvellement fédéral et annuel, sur le sommet de la montagne albaine.
6) Quel dieu pour les Féries Latines ?
595Au total, l’étrangeté, qui en révèle la très haute antiquité, de plusieurs de ces rites albains, leur complexité ainsi que le caractère visiblement imparfait de leur insertion dans le système religieux de Rome, ont conduit la recherche récente à poser parfois une question que nous voudrions examiner maintenant : Iuppiter Latiaris était-il vraiment le dédicataire originel de ces rites et, sur la montagne latine, ne fut-il pas précédé par une autre divinité, plus ancienne que lui, dont il s’agirait alors d’identifier le nom et la nature ? De fait, nous avons pu établir qu’à côté du Jupiter Latial, d’autres dieux étaient honorés, encore aux temps des Romains : pour autant, ce voisinage doit-il impliquer une antériorité ? Différentes hypothèses ont été avancées, que nous croyons devoir réfuter. Que le Jupiter du mons Albanus puisse être considéré comme une création artificielle du pouvoir romain, ce n’est pas là une hypothèse nouvelle : ainsi, Franz Altheim626 proposait, dès 1931, d’y voir la traduction cultuelle de la mainmise des Tarquins sur le Latium, dont pour sa part – cinq ans avant l’essai sur « la grande Rome des Tarquins » de Pasquali -, il ne doutait pas. Telle quelle, il est évident que la théorie du savant autrichien se heurte à de très fortes objections, ne serait-ce que parce qu’elle reposait sur l’hypothèse de l’antériorité originelle du culte de Ferentina ; chronologie relative pour laquelle Altheim ne faisait que reprendre des sentiers souvent battus, de Cap-martin de Chaupy à Pais. Mais si l’hypothèse d’une création romaine et ex nihilo des Féries Latines et du culte de luppiter Latiaris est démentie par la localisation comme par l’antiquité manifeste de plusieurs des sacra qui étaient célébrés sur le mont Albain, il suffit d’un changement de point de vue pour redonner toute sa pertinence à cette interrogation sur la véritable identité du dieu latin : en considérant le Jupiter Latial comme le successeur d’une figure divine antérieure, on pourrait peut-être en effet conserver l’idée d’une radicale innovation d’origine romaine et tenir compte des strates les plus manifestement préurbaines des sacra Albana. C’est sur cette voie qu’ont avancé récemment plusieurs chercheurs, en défendant à chaque fois la candidature de la divinité qu’ils ont estimée la mieux placée au rôle de prédécesseur de Jupiter sur le mont Albain. Ils ont jugé en effet que, par les aspects apparemment chtoniens qu’ils comportent, certains des rites albains, et notamment le sacrifice humain perpétré à Rome, ne pouvaient avoir eu Jupiter – qui est, selon son étymologie bien connue627, un dieu en rapport avec la lumière – comme destinataire divin. En conséquence, ont été récemment proposés dans cette perspective préjupitérienne les noms de Semo Sancus, Quirinus et Saturne. Avant de voir s’il convient ou non de retenir, finalement, le principe d’une telle substitution cultuelle, il nous semble que d’autres noms s’imposent tout autant et même davantage, et d’abord celui de Faunus628 : la scholie cicéronienne (T126), dont l’érudition pourrait être d’origine varronienne629, ne le mentionne-t-elle pas comme fondateur des Féries Latines ? Comme le remarqua, dès 1839, Ambrosch630, cette notice suppose, en dehors de toute autre considération, que les Féries sont antérieures aux Tarquins, dont l’intervention aurait pu, précisément, consister à remplacer Faunus par Jupiter. Autre indice allant dans le même sens : la grande voix prophétique du mont Albain (T16 et 56) qui, selon une suggestion d’A. Carandini631, pourrait être un autre signe de la présence originelle du dieu sur la montagne latine. Par ailleurs, dès 1918, J. Carcopino632 avait souligné l’importance du sanctuaire de l’Albunea, alias la Solfatare, à mi-chemin entre Lavinium et les monts Albains, qui témoigne bien des pouvoirs oraculaires attribués au dieu agrestis et de son importance dans l’antique religiosité latine ; les aspects liés à la fertilité que nous avons reconnus dans certains des rites albains les plus primitifs, notamment l’oscillatio, rentreraient tout à fait dans la sphère de compétence du dieu ainsi nommé, quod frugibus faueat633, et il n’est pas jusqu’aux liens entre Fauna et Bona Dea634 qui ne pourraient être considérés comme des indices supplémentaires dans ce dossier. De même, l’utilisation du lait pour le Latiar, c’est-à-dire l’exclusion du vin, conviendrait tout à fait à un dieu éminemment pastoral635.
596Mais Mars636, au culte duquel Faunus est du reste associé, pourrait lui aussi avoir été ce mystérieux grand dieu albain (c’est-à-dire latin) recherché par la critique : sa place dans la geste des fondateurs de l’Vrbs, d’origine albaine, est trop connue pour qu’il soit besoin d’y insister. Or, puisque sur l’arx Albana l’épigraphie atteste la présence de prêtres saliens, on pourrait y voir un indice en ce sens, même si d’autres possibilités (Hercule, comme à Tivoli) sont à considérer. Par analogie avec le rituel attesté dans les Tables Eugubines637, on peut aussi présumer que la place de Mars était importante dans les sacra Albana « originels ». Indirectement, elle pourrait être confirmée par le rôle joué, dans le légendaire romano-albain, par ces jeunes guerriers que sont les Curiaces et les Horaces638. Si l’on voit d’autre part la fondation de Rome comme une espèce de uer sacrum639, la prééminence de Mars dans la première religion albaine en serait alors une conséquence presque obligée. La « trêve de Dieu » dont les Féries étaient l’occasion (T128) serait ainsi, par un paradoxe qui n’est qu’apparent, la trace du patronage assuré par le dieu de la guerre sur le rassemblement de l’antique fédération latine. Quant au souci de protection et de purification de la végétation et des récoltes que manifestent certains aspects du rite albain, il pourrait très bien rentrer dans la sphère religieuse de Mars, sans qu’il soit nécessaire pour autant de souscrire à la vieille thèse du Mars agraire, efficacement combattue par G. Dumézil.
597Il y a, il est vrai, encore d’autres possibilités : Volcanus, dont un livre de G. Capdeville640 a montré la très grande ancienneté, ferait un candidat plausible. Il aurait pour lui d’être explicitement mentionné, à Rome, en relation avec Vesta, déesse présente, nous semble-t-il, sur le mont Albain. Non seulement le sacrifice humain de Rome mais aussi la coutume de l’aes piscatorium, si on en fait une offrande substitutive de meurtres rituels, via des pisciculi attestés au Comitium en relation avec Vulcain, trouveraient dans ce cas une explication séduisante. Ne pourrait-on pas alors constater une symétrie frappante entre le sanctuaire albain, où Héphaïstos-Vulcain est honoré au pied de la montagne sacrée641, et le site romain, où le Volcanal est au pied du Capitole ?
598Cependant, la liste des candidats n’est pas close et nous y ajouterions volontiers le nom de Maius, sur lequel A. Magdelain attira l’attention dans son dernier livre642 : Macrobe (Sat., 1, 12, 17) retrouvait ce théonyme comme épiclèse de Jupiter à Tusculum, autrement dit dans un lieu643 appartenant à la même civilisation latiale que le mons Albanus qui en est tout proche. Selon un mécanisme bien étudié par l’histoire des religions, cette association de deux théonymes traduit probablement l’absorption d’un dieu par un autre. Ce dieu, que son nom caractérise comme lié à l’idée de croissance, aurait bien eu sa place dans une fête destinée, nous a-t-il semblé, à célébrer le renouveau, et dont la date644 correspond du reste à la période de l’année à laquelle il a donné son nom.
599Mais, dans la même perspective, et compte tenu de ce que nous avons dit de l’oscillatio, ne pourrait-on pas penser aussi au dieu Sol, dont il est probable, selon plusieurs savants645, que le rôle premier, aux temps de la civilisation latiale, ait été plus important que ce qu’il fut dans la religion romaine classique ? N’est-il pas le seul dieu, avec Jupiter précisément, à pouvoir être qualifié d’lndiges ?
600Nous n’ignorons pas les objections, nombreuses, auxquelles pourraient se heurter des hypothèses que nous n’avons proposées que pour montrer combien leur pluralité les rend incertaines et fragiles. Ce sont d’ailleurs d’autres hypothèses qui ont cours dans les travaux récents : C. Cecamore646 a ainsi proposé le nom de Semo Sancus, en fonction notamment de la localisation du sanctuaire romain de ce dieu sur le Quirinal, où il était situé, toutefois, non sur le collis Latiaris, mais sur le relief dit Mucialis ; et si le dieu est attesté à Gabies et à Velitrae, il est souvent présenté comme sabin par les sources647. Il est vrai que son alter ego, Fisus Sancius648, semble très présent sur l’ocar d’Iguvium. La même spécialiste a proposé plus récemment649 le nom de Quirinus, honoré sur le Quirinal (mais encore plus loin du c. Latiaris), sans pour autant exclure le Comitium où se retrouverait la trace du dieu sous la forme du mythe de la mort de Romulus, située par une partie de la tradition en relation avec le Volcanal. Ce n’est point parce que cette théorie repose sur une assimilation, à l’ancienneté de laquelle nous croyons, de Romulus à Quirinus, que nous l’estimons fragile ; c’est plutôt parce qu’il nous paraît difficile de faire du démembrement de Romulus par les sénateurs l’équivalent exact de l’apothéose que connaît Latinus, devenu Iuppiter Latiaris ; sans oublier qu’au Comitium, le dieu honoré est Volcanus et non Quirinus. Le rapprochement avec le partage sacrificiel des chairs du taureau albain supposerait que l’animal puisse être assimilé au dieu. Cette proposition d’identification du premier dieu albain à Quirinus repose sur une lecture chtonienne du rite des oscilla tout comme de celui de l’aes piscatorium, qui nous a paru quelque peu forcée.
601Au même moment était présentée par A. Pasqualini650 une autre hypothèse : considérant sous une perspective unitaire les différentes manifestations cultuelles liées au nom d’oscilla, notamment celles de Lavinium en l’honneur de Liber Pater, reprenant l’interprétation comme oscilla des objets aniconiques trouvés au Comitium, relevant le caractère albain, affirmé par certaines sources, du Dis Pater honoré au Tarentum du champ de Mars, cette spécialiste propose, sur la base de la correspondance calendaire existant entre les Liberalia (célébrés chaque 17 mars) et les Saturnalia (17 décembre), d’identifier en Saturne, père de Dis Pater, le grand dieu albain qui aurait précédé Jupiter sur le Monte Cavo. Le caractère éminemment latin du dieu n’est-il pas affirmé par une partie notable de la tradition651 ? Par voie de conséquence, cette interprétation confirmerait la latinité du sanctuaire albain et de ses cultes, sans pour autant faire disparaître tout parallèle entre les sites albain et romain, puisque à Rome aussi Saturne avait son temple au pied du Capitole652, situation qui avait déjà été parfois653 interprétée comme la trace de la prééminence originelle d’une divinité d’abord souveraine, reléguée ensuite, liturgiquement comme topographiquement, à un rang inférieur. À ce dossier d’un éventuel Saturne albain, nous ajouterons la participation des esclaves aux Féries Latines (T57), qui n’est pas, bien sûr, sans rappeler le rôle qui leur était reconnu lors des Saturnales ; or cette fête aurait été instituée654 par Tullus Hostilius après une victoire sur les Albains. Faudrait-il supposer, alors, que l’apparente confusion des Apologistes entre Jupiter Latial et Saturne ou Chronos n’en soit en réalité pas une, et qu’elle traduise au contraire un retour à des sources que nous n’avons plus (Varron) ?
602Or, de tous ces points de vue, il ne nous semble pas que la théorie, assurément séduisante, de la préexistence d’un dieu albain, antérieur à luppiter Latiaris et différent de lui, puisse échapper à de fortes objections. Ces dernières apparaîtront d’autant mieux si l’on donne, le plus simplement et clairement possible, à cette théorie une formulation non plus négative (Jupiter Latial n’est pas très ancien), mais positive : luppiter Latiaris serait un dieu récent, disons de l’époque de la monarchie servio-tarquinienne. Une telle conclusion n’irait pas, en effet, sans de grandes difficultés : la première, au jugement unanime de tous les savants, est l’origine indo-européenne de Jupiter655, si bien qu’on a peine à admettre qu’il ait été introduit, à Rome comme sur le mont Albain, par des dynastes, étrusques sinon de nationalité, du moins de culture. Il est plus probable que Jupiter était implanté en Latium bien avant que les influences venues d’outre-Tibre ne se fissent sentir auprès des prisci Latini. Nous avons même vu que plusieurs indices tendent à démontrer que ces influences, notamment religieuses, s’exercèrent en sens inverse, du Latium (et du Latiar ?) vers l’Etrurie. D’autre part, si l’on considère l’ensemble de la région albaine, du point de vue de la géographie656 autant que de l’histoire, le Jupiter Latial du Monte Cavo semble bien constituer un couple avec une déesse honorée sur les bords de l’autre principal lac du massif : la Diane de Nemi. L’étymologie657 vient renforcer ce qui pourrait être une association primordiale de la religion latiale, les deux divinités étant du côté du monde céleste. L’hypothèse d’un dieu antérieur et opposé à Jupiter Latial briserait donc l’unité de ce qui apparaît comme la structure portante d’un véritable système aussi bien théologique que géographique.
603Surtout, supposer que les rois de Rome (les Tarquins ?) aient installé sur le Monte Cavo un Jupiter qu’ils auraient dit Latial, pour l’opposer à celui, poliade, qu’ils établissaient sur la plus haute colline de Rome, c’est, à notre avis, lire à l’envers la tradition et prendre la cause pour l’effet. Ce serait également briser, entre le nom des Latini, le sacrifice du Latiar, la voie qui y aboutissait, dite Latina, le héros éponyme du nomen, dit rex Latinus, et le dieu national, Iuppiter Latiaris, cette relation consubstantielle dont nous avons montré l’étendue et les implications. C’est pourquoi l’hypothèse inverse, qui ferait, selon un schéma fréquent en histoire des religions, de l’épiclèse Latiaris, le nom de la divinité « originaire », ensuite appliqué à Jupiter, est plus satisfaisante658 : on retrouve ailleurs (CIL, 11, 6310) Jupiter honoré sous le nom de Latius, employé aussi par Properce (3, 4, 6) et Ovide (Tr., 3, 12, 46). Il reste qu’il n’y a pas de nécessité à ôter ainsi à un peuple indo-européen comme les Latins le culte de Jupiter pour le réserver à la seule Rome.
604Si donc la société romaine a donné au Jupiter qu’elle installait, ou plutôt réinstallait, sur le Capitole, les noms d’Optimus et de Maximus, c’est sans doute par référence au surcroît de richesses et de puissance, par rapport aux autres Jupiters honorés ailleurs, qu’elle en attendait : le nouveau dieu, et par conséquent la communauté qu’il représentait, l’emporteraient sur les dieux et, par conséquent, les communautés de la région, qui se rassemblaient toutes au grand sanctuaire fédéral du Monte Cavo. À notre avis, les épiclèses du Jupiter Capitolin furent d’abord des superlatifs relatifs : à l’antique dieu de la Ligue, la Ville, qui appartenait à la même civilisation et qui en avait longtemps partagé l’histoire, opposait désormais, à l’intérieur du même cadre religieux, un dieu qu’elle ne partagerait plus avec d’autres. Il va sans dire que cette analyse de la titulature du Jupiter romain n’a aucune prétention à l’originalité puisqu’elle remonte à G. Wissowa (suivi par Jean Bayet). On a parfois rapproché les épiclèses du dieu capitolin d’une terminologie propre à la langue du droit, et proposé une autre interprétation, faisant du dieu romain l’incarnation même de l’État. Sur cette même base, A. Magdelain a rapporté les deux épithètes du dieu aux deux domaines de la paix et de la guerre, dont, à l’époque servienne (et sans doute avant), le pomerium sacralise spatialement la délimitation. Si juste que soit le rapprochement lexical sur lequel se fondent ces lectures659, reste qu’à nos yeux l’hypothèse d’une relation entre les deux Jupiters, celui de l’Vrbs et celui du nomen Latinum, est autre chose qu’une vue de philologue moderne : le mons Albanus barre la ligne d’horizon d’un observateur se plaçant sur le Capitole, à l’emplacement présumé de l’arx.
605C’est pourquoi, entre les deux dieux, celui de la Ville et celui de la Ligue, nous avons parlé un jour660, avec peut-être quelque excès, d’opposition fondamentale ; Mme A. Pasqualini, qui suppose que Jupiter Latial ait été précédé par Saturne, préférerait, quant à elle, parler de complémentarité, ce en quoi elle reste dans la logique de son hypothèse. Autant, en effet, une opposition entre les deux sanctuaires implique que l’un ait précédé l’autre et donc, en l’occurrence, que Jupiter Latial soit antérieur au Jupiter Capitolin, autant, pour supposer que le Jupiter du mons Albanus ne soit qu’une création « récente » et contemporaine de l’installation de la divinité romaine, convient-il d’exclure toute idée de rivalité entre eux, afin de pouvoir en faire deux créations concomitantes. Nous ne contestons pas qu’une fois mise en place, la dualité du sanctuaire urbain et du sanctuaire fédéral ait pu valoir comme un facteur de complémentarité entre la Ville et la Ligue (voir par ex. T71). Mais cet équilibre était fragile, comme la suite des événements l’allait montrer, dès la chute de la monarchie à Rome. L’espèce de binôme sacral entre Rome et les monts Albains établi par la monarchie servio-tarquinienne, tant pour Jupiter que pour Diane (avec le sanctuaire de l’Aventin), a permis que la rivalité opposant la cité des bords du Tibre et la vieille fédération latine fût transmuée, au moins pour un temps, en une véritable synergie. Cependant, on se gardera de parler d’harmonie préétablie : la prière des jeux Séculaires, quelle qu’ait été la date de leur première célébration, demandait que, utique semper Latinus obtemperassit661. Bien plus tard, Auguste, pourtant attentif au sanctuaire du mont Albain, se garda bien, en créant les regiones qui allaient constituer la nouvelle structure administrative de l’Italie, de faire du Latium une entité autonome. Il l’inclut dans la Campanie, reprenant l’exemple donné jadis par la fédération romano-capouane par laquelle la Rome du ive siècle avait répondu aux aspirations sécessionnistes de la ligue latine662. Tout cela fait qu’on ne peut, croyons-nous, interpréter le Jupiter du Capitole que comme une réplique et un rival du Jupiter Latin. Cette opposition implique à son tour, bien entendu, que le dieu du mons Albanus, anciennement mons Latiaris à notre avis, ait été antérieur au dieu romain dont la définition tarquinienne et capitoline remonte au moins au vie s. Au cas où le contraire eût été vrai – c’est-à-dire si le Jupiter Latial avait été établi en même temps que celui de Rome ou même après lui -, il est difficile de penser que la tradition n’en eût pas gardé souvenance. De fait, elle postule très clairement l’antécédence de l’un sur l’autre, affirmant d’une part que Iuppiter Latiaris antiquissimus est (T125), donnant des précisions, d’autre part, sur l’installation du nouveau temple sur le Capitole, qui ont été confirmées par les fouilles récentes663. Pour toutes ces raisons, l’hypothèse que Iuppiter Latiaris n’ait été que le substitut, installé à l’époque archaïque, d’un dieu albain plus ancien, nous semble peu convaincante : on ne peut même pas dire que cette substitution aurait eu pour but d’éliminer le souvenir d’antiques sacrifices humains, puisque à Rome même, nous venons de le voir, un rituel de ce genre subsistait, explicitement référé au Jupiter Latial. En réalité, ces hypothèses de substitution sont nées du besoin de résoudre une difficulté qu’elles avaient elles-mêmes en partie créée, dans la mesure où elles reposaient d’abord sur une interprétation chtonienne de l’oscillatio, interprétation qui ne nous a point paru recevable ; on a pensé également qu’un culte ouranien ne saurait comprendre d’éléments chtoniens, par exemple de sacrifice humain, bien que l’exemple du sacrifice romain à Jupiter Latial vienne précisément prouver le contraire.
606Pour autant, il n’est pas question d’oublier la complexité du panthéon albain « originaire », autrement dit de la première phase latiale. Nous avons même, de ce point de vue, montré qu’elle est plus grande que ce que l’on pense généralement ; on pourrait continuer sans doute dans cette direction, en citant des noms comme ceux de Rhea, autrement dit Tellus, vu le rôle de mère des jumeaux romains joué dans le légendaire albain par une Rhea Siluia664. Dans la liste que nous avons dressée, le principal dieu nous paraît cependant être Faunus, mentionné dans une source importante (T126) ; mais on ne croira pas que cette pluralité doit être interprétée en termes diachroniques, faisant du Jupiter honoré sur le Monte Cavo un deus nouus : à l’époque protohistorique, autrement dit depuis le moment où une culture latiale est archéologiquement attestée, un tel changement ne nous est guère perceptible, et, nous venons de le voir, peu plausible dans son principe même. D’où vient alors cette impression d’une déperdition, d’un effacement religieux sur le mont Albain par rapport à un passé mythographique et sacral qu’on devine (car on ne peut guère que deviner) plus riche que ce qu’en disent les sources ? Ce qui a dû se passer sur ce mont à l’époque de la monarchie servio-tarquinienne à Rome est, à notre avis, indiqué par ce que les textes665 décrivent à propos de l’installation du temple Capitolin : la colline romaine aurait été déjà occupée par beaucoup de dieux dont il avait fallu obtenir l’accord avant de les éloigner de leurs antiques sanctuaires destinés à être désacralisés. Nous supposons que sur le mons Albanus a été réalisé, au même moment, le même travail d’élagage sacral au profit de luppiter Latiaris. Mais ni sur le mont Albain ni sur le Capitole, pour lequel, on l’a souvent remarqué, les sources sont très explicites, Jupiter n’était un nouveau venu : à Rome il était déjà là en tant que l. Feretrius666. Faut-il alors penser que, si le dieu n’était pas nouveau, du moins son épiclèse l’était-elle ? Ainsi, aux dénominations Optimus Maximus répondrait, du côté albain, celle de Latiaris. Mais ce serait oublier la connexion entre ce luppiter Latiaris et le Latiar où il est honoré par des Latini, dont ce sanctuaire fédéral constitue le centre sacral en Latium ; ce serait oublier aussi la synchronie suggérée par la symétrie Palatuar-Latiar. Ainsi, l. Latiaris ne nous paraît pas une création romaine. Tout au plus peut-on supposer, mais sans pouvoir rien prouver, que la mainmise romaine sur les Féries aboutit à concentrer dans le temps du seul Latiar des actes liturgiques qui étaient auparavant répartis tout au long de l’année.
607Il est donc, à notre avis, possible et même nécessaire d’interpréter autrement que comme une substitution les rapports de ce Jupiter Latin avec les autres divinités qui ont pu être présentes sur le mont Albain. Car, dans les faits précédemment relevés, nous verrions, plutôt que la preuve d’une diachronie linéaire et un peu simpliste, les traces d’un système religieux complexe mais évanescent à la date où il nous est perceptible. C’est ainsi que l’idée d’une subordination originelle, et non point artificielle, de Saturne à Jupiter a déjà été défendue667, pour Rome, avec de bons arguments, par A. Brelich d’un point de vue calendaire, et par D. Briquel d’un point de vue cosmogonique. On serait tenté d’en retrouver ici l’écho mythographique chez Minucius Felix (T112), qui se fondait peut-être sur de bonnes sources ; la même analyse pourrait valoir pour Faunus, dont les mythes668 du Latium faisaient généralement l’oncle de Saturne. La présence669 des esclaves aux Féries (T59) s’expliquerait alors, ou par ces aspects saturniens qui, on le voit, n’excluraient plus la prééminence de Jupiter, ou par d’autres raisons : ne pourrait-il pas s’agir en particulier d’une participation liée au caractère international des Féries, ces « esclaves » n’étant à l’origine pas autre chose que des prisonniers appartenant, comme leurs maîtres, au nomen Latinum, et susceptibles, en tant que tels, d’être rachetés à l’occasion du grand rassemblement fédéral ?670 Analyse qui pourrait aboutir à donner aux Féries des valences plus joviennes que saturniennes. Mais n’est-il pas plus simple de penser que les esclaves en question étaient ceux qui accompagnaient leurs maîtres sur le mont Albain ? Non, car, dans ce cas, il nous semble que la source de Festus ne les aurait pas mentionnés. Quant à l’expression, assurément rituelle et ancienne, Latinas condere, attestée par l’épigraphie671, ne serait-il pas plus convaincant d’y voir, plutôt qu’un mundus dont semble manquer toute autre attestation, philologique ou archéologique (ce qui, il est vrai, n’est pas un argument définitif), une allusion au caractère lustratoire des Féries, prouvé par ailleurs (cf. T12 : lustrasti), sur le modèle de l’expression lustrum condere672 ?
608Nous voici donc amené à nous interroger sur la personnalité théologique de Iuppiter Latiaris. Il n’est pas facile de répondre à cette question : significativement, l’étude la plus complète, celle du dictionnaire mythologique de Roscher673, dérive très vite vers un exposé général, inspiré de Werner, sur les Féries. À partir des sources, on peut néanmoins brosser le portrait suivant : Jupiter Latial y apparaît comme un dieu ouranien, à l’image de sa résidence sur un sommet de montagne, dont la météorologie parfois tourmentée est interprétée comme une épiphanie (T16, 24 et 28). Le mythe de la disparition « aérienne » de Latinus, assimilé au dieu (T57 et 126), ne fait que confirmer ce caractère premier, qu’illustre, dans le rite, la couleur blanche du taureau qui lui est sacrifié. Du dieu, dit parfois Latius Tonans (supra n. 68), les aspects fulgurants sont fortement marqués (T61, 107 et 133), de même que ses liens avec le lac Albain (T18). Parallèlement, le dieu est pourvu d’une indiscutable compétence chtonienne – moins à cause des oscilla ou de l’aes piscatorium qui ne sont pas, à notre avis, à interpréter dans ce sens, qu’en fonction du sacrifice humain qui lui était consacré à Rome. Comme son nom fait plus que le suggérer, luppiter Latiaris est un dieu dont le caractère ethnique (T57) ne saurait être nié : cela ne l’empêche pas d’avoir également une forte compétence internationale (T50). Si les offrandes « pastorales » qui lui sont faites (T50 et 68) sont ordinairement rapportées par la science à d’autres divinités (celles dont nous avons vu la présence sur le mont, notamment Faunus), le sacrifice d’un taureau blanc puis, éventuellement, roux674 (T80 et 115) a pu servir de modèle pour le sacrifice semblable que les Romains offraient à leur Jupiter sur le Capitole. Au total, le dieu du Latium se révèle comme un dieu éminemment communautaire : le partage sacrificiel du Latiar fonde, symbolise et revivifie la solidarité du nomen Latinum. Même avec la suprématie de Rome, des incidents révélateurs montrent que cette solidarité continuait, au moins en théorie675. Proposé d’abord par W. Burckert676, puis souvent répété par la suite, le parallèle de ce rite albain avec le mythe du démembrement de Romulus est peut-être trompeur, car ce que peut vouloir dire le mythe romain, c’est que le pouvoir royal ne se partage pas, sinon criminellement... Tout au contraire, la répartition des parts sacrificielles entre les différents participants de la cérémonie albaine semble impliquer chez eux un partage régulier et accepté du pouvoir. Il nous a semblé que, dans une phase prétarquinienne, cette uisceratio se faisait sur un principe de stricte égalité. Si l’on accepte le parallèle avec le mythe du démembrement de Romulus évoqué ci-dessus, le taureau blanc apparaît comme la représentation du dieu souverain lui-même677. Quoi qu’il en soit, Jupiter Latial est clairement un dieu de souveraineté, qui n’est étranger ni à la royauté (T79, 99 et 126) ni à la res publica libera, avec l’imperium iustum qu’il apporte (T23 et 100) : c’est aussi un dieu de victoire (T108), ce qui expliquera une institution comme le triomphe dit albain678. Dieu fédéral et dieu de souveraineté, le Jupiter Latin était pour Rome une proie tentante qu’elle n’a eu de cesse de réduire à sa main : elle a « évoqué » le sacrifice humain, source de souveraineté, célébré sur le *mons Latiaris, et elle est aussi allée sur place prendre le contrôle de la cérémonie fédérale et la soumettre à ses objectifs. Mais, du temps des prisci Latini jusqu’à celui du préfet Symmaque, c’est, à notre avis, le même dieu qui sera honoré sur le Monte Cavo, selon des rites qualifiés par les sources tantôt d’ancestraux, tantôt d’albains, c’est-à-dire, une fois encore, de latins679.
609S’il y eut continuité dans le culte rendu à Jupiter Latial, elle n’alla pas cependant sans tension (ce double aspect s’illustre dans T15) et la fondation des Féries par la dynastie tarquinienne peut apparaître comme le premier exemple d’une politique consistant à faire du nouveau avec de l’ancien, selon un schéma qui deviendra l’une des constantes de la civilisation romaine. Sur le mont Albain, Jupiter ne fut jamais seul, et l’analyse des sacra Albana, si incertaine que reste la protohistoire religieuse de l’arx Albana, a fait apparaître les deux tendances qui caractérisent tout polythéisme : on y constate en effet aussi bien des assimilations qui font, peu à peu, d’un dieu l’équivalent d’un autre, qu’un processus contraire de scissiparité aboutissant, à partir d’une même figure divine, à la formation de nouvelles entités. C’est ainsi qu’on a pu présumer, entre Fauna et Bona Dea par exemple, ou entre Vesta et Tellus, des relations d’homologie680, qui ont dû mêler quelque peu les attributions respectives de chaque divinité. Inversement, il se pourrait, au jugement de plusieurs savants, qu’un dieu apparemment albain comme l’est Vediouis, puisque présent à Bovillae, ne fût que le résultat d’une espèce de spécialisation d’origine romaine qui aurait conduit à isoler, dans la riche personnalité du dieu suprême, les aspects chtoniens, pour les attribuer à un nouveau dieu dont le nom révèle la parenté étroite qui l’unissait à Jupiter. L’obscurité qui continue à entourer ce membre du panthéon albain traduirait l’inachèvement d’une élaboration quelque peu artificielle, à moins que l’on n’y voie, au contraire, le signe d’une très grande antiquité681. Au total, il apparaît très probable que le sanctuaire albain de Jupiter Latial ait été, comme le souligna Wissowa (RKR2, p. 40), l’objet d’une interpretatio Romana, méthodique et complète : l’exemple de la dédicace d’un temple à Iuno Moneta sur le Monte Cavo montre ainsi le rôle de modèle joué par le Capitole. Même s’il reste avant tout le dieu du mont Albain, on ne peut néanmoins pas considérer Jupiter Latial comme une divinité seulement topique. La relation intrinsèque qui existe entre son épiclèse (Latiaris) et un nom (Latium) qui s’appliqua d’abord, à notre avis, au seul massif albain n’empêchait pas qu’il pût être présent dans chacune des communautés appartenant à la ligue qui se réclamait de lui. C’est pourquoi on le retrouve à Rome dans un rite appelé Latiar. Il est attesté également, comme le soulignait déjà C. Jullian682, à Pisaurum, par une inscription dédicatoire, il est vrai d’époque impériale. Sans exagérer l’importance de cette diffusion qui reste très limitée, on relèvera simplement que ce document reflète alors l’histoire du ius Latii683 : passant de la géographie et de la religion au droit, les noms du grand dieu latin et du territoire de l’antique Ligue accompagnent désormais le développement de l’accès à la citoyenneté romaine dans l’Empire, de même qu’ils avaient, bien des siècles auparavant, illustré l’ascension d’une Rome puisant dans la fédération à laquelle elle appartenait l’essentiel de ses forces.
7) La liste des populi dits Albenses
610Fondamentale est la définition des Latini donnée par Varron (T2) : sont Latins ceux qui participent aux Féries célébrées sur le mont Albain. Or c’est le cas d’une trentaine de populi dont Pline l’Ancien fournit les noms dans le livre qui, dans son encyclopédie, est consacré à l’Italie. Il convient donc d’évaluer maintenant le plus exactement possible l’apport de cette fameuse liste, qui continue de faire l’objet des évaluations les plus contradictoires. L’appartenance de cette énumération à cette œuvre éminemment composite qu’est l’Histoire Naturelle de Pline constitue assurément une première difficulté ; citons Louis Robert684, qui a fort bien décrit le dilemme où tombe toute analyse du travail de l’encyclopédiste antique : « La critique des livres géographiques de Pline est délicate. Car, d’une part, il n’est pas d’erreur si grossière qu’on ne puisse attribuer à ce compilateur hâtif ; à quoi s’ajoute que les noms géographiques sont exposés à être singulièrement déformés par les copistes. D’autre part, Pline a usé en de nombreux endroits de sources excellentes, listes officielles des cités, dont les noms nous sont parfois parvenus intacts ou peuvent être rétablis par une légère correction ». Ces obstacles sont réels et peuvent autoriser à la fois le principe de quelque émondation du texte transmis, là où il semble fautif, et l’hypothèse générale de la validité substantielle de toute liste de ce genre. Une formule – soit les deux mots : cum iis – unit cette liste à une autre liste, qui la précède immédiatement, et où figurent les noms d’anciennes villes du Latium. On rapporte d’ordinaire685 ces deux mots à l’expression carnem accipere, ce qui impliquerait que les vingt oppida mentionnés auparavant auraient, eux aussi, participé au sacrifice albain. Avec C. Jullian, nous pensons au contraire qu’il ne s’agit que d’une cheville, destinée à relier ces deux listes – différentes par le statut et sans doute par la datation – par la caractéristique qu’elles ont en commun : le fait de dénommer des communautés – villes dans un cas, peuplades dans l’autre – ayant disparu. Même si le calcul final n’est, étrangement, pas juste, c’est bien ce qui ressort de la phrase qui sert de conclusion à tout ce passage et qui vient juste après la liste albaine : Ita ex antiquo Latio LIII populi interiere sine uestigiis. C’est pourquoi – quels que soient les rapports qu’ont avec ce texte un autre décompte et une autre liste que donne Denys, en 4, 46, où il fixe à 47 le nombre des participants au sacrifice albain, et en 5, 61, où réapparaissent sept noms déjà présents chez Pline -, il est nécessaire d’analyser cette liste plinienne comme un ensemble in se per se.
611Depuis que la recherche explore toujours plus en avant, c’est-à-dire en arrière, dans le temps, les origines de l’Vrbs, il est aisé de suivre l’intérêt croissant suscité par la liste albaine de Pline : cet intérêt remonte non pas à Niebuhr, mais à Volpi686, qui eut, le premier, le mérite d’attirer, même fugacement, l’attention sur ce texte. Dans l’ensemble, la critique récente687, qu’il s’agisse de G. Colonna, de M. Pallottino, de T. J. Cornell ou d’A. Carandini, reconnaît, à une exception près, une très grande valeur à ce texte. C’était déjà le cas hier, puisqu’il fut, à la fin du xixe siècle, l’objet d’une polémique mémorable entre Mommsen et Seeck, mais on voit très bien que le questionnement n’est plus le même aujourd’hui ; jadis, on s’interrogeait surtout sur la source de Pline : annaliste, texte officiel ou Varron ? Désormais, plutôt que de continuer indéfiniment cette Quellenforschung qui, si utile qu’elle soit, n’est souvent qu’un jeu de cache-cache sans fin, l’on préfère chercher à situer sur le terrain688, en fonction des résultats acquis par l’archéologie et la topographie, ces mystérieux populi mentionnés par Pline. Encore faut-il que le principe même d’une telle enquête ne soit pas remis en cause par une condamnation globale et préjudicielle de la notice plinienne. C’est pourquoi il nous faut tout d’abord dire un mot des considérations qui ont récemment conduit, après d’autres, C. Ampolo à formuler une telle condamnation. L’argument majeur, formulé déjà689 par Klausen et Schwegler, porte sur le premier ethnique mentionné par Pline : Albenses ; ce mot concentre l’essentiel du débat. On y voit très généralement, à la suite de Niebuhr, une désignation générale, valable pour les trente noms qui le suivent : par là se trouverait implicitement prouvée la suprématie de la métropole latine sur l’ensemble des peuples latins mentionnés par Pline, qui, tous, auraient été qualifiés d’Albenses, avec un ethnique dont la finale marque en général690 la dépendance. Pour d’autres, au contraire, il s’agirait d’un nom de même rang que les autres, et qui ne figurerait en tête de la liste qu’en raison de l’ordre alphabétique, un peu désordonné parfois, que lui a donné un antiquaire inconnu : dans ce cas, la suprématie albaine deviendrait beaucoup moins évidente, les Albenses et les Albani ne devant leur première place qu’aux hasards de l’alphabet. En somme, il s’agit de savoir si la liste commence après le mot populi ou après l’ethnique Albenses. Or, selon Klausen et ses successeurs, la présence du mot Albenses serait simplement due à une erreur de Pline, ou de sa source, puisqu’on sait par ailleurs que l’adjectif s’appliquait aux habitants d’Alba Fucens, ville qu’un auteur comme Strabon (5, 3, 13, 240C), ou sa source qui a pu aussi être celle de Pline, situe par erreur en Latium. Ainsi les populi Albenses n’existeraient pas, et ne seraient qu’un « mythe de l’historiographie moderne ». Quant aux autres noms, ils n’auraient, pris en bloc, pas d’autre valeur que celle d’une collation, non exhaustive, puisque beaucoup de peuples participant sûrement au Latiar n’y figurent pas – rassemblée par un savant quelque peu empêtré dans ses fiches et ne distinguant, de toute façon, pas rigoureusement le Latium et la Campanie, qui avaient tous deux été regroupés par Auguste (dont le Naturaliste affirme691 s’être inspiré pour sa description) dans la même regio.
612Cependant, en supposant même que cette démonstration fût entièrement fondée, il nous semble que la condamnation sans appel par laquelle elle se termine est une conséquence qui excède de beaucoup ses prémisses. Nous sommes, quant à nous, tout à fait prêt à admettre qu’Albenses soit un intrus qu’il convient de déloger du texte plinien. Son élimination laisserait néanmoins une liste de trente noms de populi : c’est dire que même si l’on s’éloigne un peu plus du total curieux692 de cinquante-trois noms donné in fine par le texte de la N.H., on est, avec cette liste trentenaire, et comme le souligne H. Zehnacker693, très exactement dans le cadre numérique de l’antique ligue latine, bien attesté par ailleurs. Bref, si Albenses est le produit d’une erreur, nous y verrions non une preuve à charge, mais tout au contraire un argument supplémentaire en faveur de l’authenticité de la liste plinienne ! L’anathème prononcé contre ce texte nous paraît donc injustifié, même si l’on peut comprendre qu’une théorie selon laquelle Rome ne serait née comme ville qu’à partir de la fin du viie siècle soit tentée de rejeter dans les ténèbres une source qui peut éventuellement conduire à reconnaître à une confédération préurbaine un degré relativement élevé d’organisation politique, sociale et religieuse. En réalité, l’expulsion du nom des Albenses hors de ce chapitre de l’Histoire Naturelle pourrait avoir des conséquences qui seraient loin de contrevenir aux conclusions que nous avons cru pouvoir présenter quant au mythe d’une ville-métropole d’Albe : il est clair que si un ethnique à valeur générique où se reconnaît le nom d’Alba ne chapeaute plus l’ensemble de la liste, les trente participants au Latiar se retrouveraient tous sur un pied d’égalité, sans que l’on doive désormais supposer la sujétion de tous les peuples mentionnés à une communauté unique et spécifique. De la sorte disparaîtrait également la difficulté qui naissait de la dénomination d’Albenses appliquée à des populi auxquels leur participation au Latiar aurait normalement dû valoir le nom de Latini.
613Le principe d’une valeur possible de la liste plinienne une fois rétabli, le mieux est d’examiner un à un chacun des noms qui la constituent, aux fins éventuelles de correction paléographique d’une part – puisqu’on doit admettre, avec C. Jullian694, que « la liste de Pline doit à coup sûr fourmiller de noms mal lus » -, d’identification sur le terrain d’autre part. Tels qu’ils ont été transmis – et déformés – par la tradition manuscrite, beaucoup sont incompréhensibles ; mais, grâce à l’effort de générations de philologues, plusieurs peuvent être corrigés avec une probabilité satisfaisante. Il importe donc de tenir le plus grand compte des tentatives d’explication avancées depuis bientôt deux cents ans, car rien plus que l’exégèse de ce type de texte n’illustre mieux les effets cumulatifs de l’érudition. Il n’y a qu’à voir le nombre de noms de populi que les savants se déclarent incapables d’identifier : on est passé ainsi de vingt-quatre pour Mommsen à quinze pour Seeck en 1882, quatorze pour Nissen en 1902, et sept pour Werner en 1963. Il est évident que de la précision et de la plausibilité des hypothèses retenues dépend la part d’authenticité que l’on peut être amené à reconnaître à ce catalogue. Il faut dire aussi que, trop souvent, cette liste a été étudiée hors de son contexte, qui est explicitement celui des Féries Latines : elle n’est pas une météorite isolée, tombée de temps obscurs et inconnus, elle est, à un degré qu’il nous revient de préciser, le produit direct de cette civilisation latiale et de ce grand rassemblement fédéral albain dont nous avons étudié les principales caractéristiques.
614Une analyse menée nom après nom nous permettra de dégager ensuite quelques conclusions par rapport aux questions traditionnellement posées à ce document : quelles sont sa source et sa date ? S’agit-il d’une liste authentique ou non, unitaire ou composite ? Quel territoire couvre-t-elle exactement ? A-t-elle, comme on le dit, été ignorée des historiens antiques ? Quel est son rapport avec la ligue latine des époques ultérieures ?
615Nous examinerons maintenant successivement chacun des ethniques fournis par Pline, dans l’ordre où les présente le texte de l’Histoire Naturelle : les différentes interprétations qui en ont été faites figurent à la rubrique concernée, avec, à chaque fois, le nom des savants695 qui les ont proposées ou appuyées. Les contributions originales qui ont marqué les plus grands progrès dans la recherche sur ce texte sont, à notre avis, celles de Niebuhr, Nibby, Seeck et Ribezzo : dans les domaines respectifs du statut accordé à ce texte, de la recherche de localisations sur le terrain, de l’émondation paléographique des leçons des manuscrits, de leur validation linguistique, chacun d’eux fut le premier et le meilleur. Les pages publiées en 1962 par R. Werner sont à la fois une compilation utile, bien qu’incomplète, et une étude importante.
Albenses
616Les implications générales du débat auquel a donné lieu ce nom ont été indiquées plus haut. La plupart des savants ont donné raison à Niebuhr en y voyant une désignation collective : ainsi Zoeller (mais pour qui c’était une création artificielle), Nissen, Beloch, Ribezzo, Paribeni, De Francisci, Pallottino, Bernardi, Alfoldi, Catalano, Heurgon, Quilici, Colonna, Tais, Zehnacker, Carandini ; implicitement, Homo, Ashby, J.-C. Richard, Carafa696. Pour Mommsen (et peut-être Seeck), le nom renvoie également à Albe, mais avec une acception plus restreinte, limitée à une seule ville. À l’opposé, pour Klausen, Desjardins, Schwegler, Rosenberg, Bernardi, Ampolo, il s’agit d’une confusion697 avec le nom des habitants d’Alba Fucens, par ailleurs membre probable du Latiar : interpolé, le nom devrait donc être expulsé. Selon Seeck et De Sanctis, c’est le nom d’un peuple unique mais inconnu, ce qui en ferait le premier de la liste. Nous réservons à l’examen du nom suivant, qui est souvent traité en même temps, notre propre analyse.
Albani
617Ce nom pose deux problèmes, qui ne sont pas sans rapport l’un avec l’autre : son identification d’abord, puis sa relation avec les Albenses qui le précèdent. Longtemps, le premier trouva une solution aussi limpide qu’était forte la croyance dans l’existence d’Albe en tant que ville, et les Albani ne pouvaient être que les habitants de la métropole de Rome, pour presque tous les savants, notamment Mommsen, Seeck, De Sanctis, Bernardi, Alfoldi, Zehnacker ; fort de cette conviction, Rosenberg (suivi aujourd’hui par Carandini) mettait même en relation avec ce nom celui des Longani qui apparaissent plus loin, attribuant ainsi à Pline un doublet, et même un triplet, puisqu’il décelait dans les Bolani une mélecture de ces Albani ! Quant à Beloch, en conformité avec son interprétation de cette liste comme un texte artificiel et tardif, il voyait, se fondant sur l’attestation épigraphique698 des Albani Longani Bouillenses, dans ces Albani une désignation des habitants de Bovillae. Ne mentionnons que pour mémoire l’étrange solution proposée par Carcopino (VEOO2, p. 472), oubliant apparemment l’existence d’Alba Fucens, et s’autorisant de Varron et de Virgile pour supposer que ces Albani étaient « le peuple d’une seconde Alba dont l’ager s’étendait non loin du Tibre, près de cette tenuta de Castel Porziano où l’épigraphie nous a transmis, avec le gentilice Albius, deux fois répété, le souvenir de l’ancien toponyme » ! Seuls se distinguèrent Zoeller, concluant au caractère « spéculatif » de l’ethnique, et Nissen, y reconnaissant une intervention directe d’Auguste. La vieille conception urbaine et unitaire n’a pas disparu pour autant, et c’est ainsi qu’à la suite des travaux de P. Chiarucci, P. Carafa et A. Carandini situent quant à eux ces Albani à Albano699, où, par un surprenant retour aux conceptions antiquaires700 des temps qui vont du xve au xviiie siècle, ils localisent une « ville » d’Albe.
618Il est certes légitime de vouloir référer ces Albani à un lieu précis, mais dans ce cas, il convient, à notre avis, de les situer sur le sommet même du mons Albanus, lieu, comme nous l’avons vu, des sacra Albana. L’absence des Cabenses, comme celle de toute autre communauté identifiable sur le massif albain, peut orienter toutefois aussi vers un sens plus large, qu’on retrouve dans le syntagme topographique ager Albanus, qui servait, on le sait, à désigner l’ensemble du territoire s’étendant entre Bovillae et Aricia, à peu près entre les 13e et 15e milles de la via Appia. Auraient donc été Albani les habitants de tous les villages dont l’archéologie latiale retrouve les traces701 autour du principal lac du massif.
619Que faire, cependant, d’Albenses, si on ne leur donne pas un sens encore plus étendu ? Doit-on se résoudre à n’y voir, comme Klausen et Schwegler le proposaient déjà702, qu’une confusion de Pline ou de sa source avec les habitants d’Alba Fucens, qu’on sait avoir été ainsi nommés ? Nous n’en sommes pas sûr. En effet, un texte qui n’a, à notre connaissance, jamais été utilisé dans ce débat semble bien révéler, malgré ce qu’en pouvaient dire des grammairiens703 épris de normes, une réelle équipollence sémantique entre les deux termes : se référant à cette distinction entre Albani et Albenses qu’il attribue à César, le traité anonyme De dubio sermone précise que Plinius Secundus negat et ait sic : indifferenter haec inueniuntur704. Ainsi l’auteur de l’Histoire Naturelle mettait-il les deux termes sur le même plan ! On peut, évidemment, récuser toute validité à ce témoignage, qu’on a jusqu’à présent ignoré. Mais si l’on ne choisit pas cette solution expéditive, on peut s’orienter dans une autre voie, plus conforme et à cette précision exceptionnelle sur les conceptions (peut-être erronées, du reste) de Pline en la matière, et à la leçon unanime des manuscrits de l’Histoire Naturelle. Nous proposons, en conséquence, d’interpréter la succession Albenses Albani comme le résultat d’un texte original qui aurait été : Albenses aut Albani, avec, ensuite, chute de la conjonction, favorisée par sa ressemblance avec la première syllabe des deux noms qui l’entouraient705. De fait, la fréquence du terme Albanensis, dans l’Antiquité tardive, s’expliquerait peut-être mieux si, dans la réalité linguistique, les deux termes Albanus et Albensis (qu’on retrouve comme combinés dans ce qualificatif attesté par le Lib. Pontificalis) s’employaient indifféremment706. Car il n’est pas sûr que le terme Albenses doive être considéré comme pourvu d’un sens nécessairement plus large que le mot Albani. La liste plinienne, comme l’a rappelé P. Castrén707, comprend elle-même dix autres attestations de ces ethniques en -enses qui ne paraissent pas a priori se distinguer des quatorze autres noms se terminant par le suffixe -ani. Tout au plus peut-on rapporter cette dualité à un problème d’origine (suivant qu’elle est ou non indo-européenne), mais dans les deux cas, il s’agit de deux formations anciennes, sans évidente différence de signification.
620Ce qui pourrait, cependant, conduire à donner à Albenses un sens plus général qu’Albani, et à en faire un nom collectif, c’est, nous le verrons, la diversité des peuples et la vastitude du territoire décrits par cette liste plinienne : la lecture de Niebuhr serait alors conservée. Seraient Albenses tous les peuples sacrifiant sur le mont dit Alba, désignation géographique parallèle à la désignation ethnico-religieuse de Latini définis par leur participation au Latiar.
621En tout cas, l’hypothèse d’une erreur de Pline nous paraît finalement la moins probable, et aucune des deux solutions possibles -qu’Albenses soit, comme on le soutient généralement, un nom collectif, ou, comme nous le penserions plutôt, un synonyme, ancien et authentique, d’Albani – ne nous conduit à récuser ou à minorer la valeur de cette liste plinienne. Quant à la première place708 donnée à ces Albenses-Albani dans cette liste, au détriment des Abolani, Accienses et Aefulani qui eussent dû les précéder selon un ordre alphabétique strict, on peut admettre qu’elle reflète l’importance donnée à la mythique Alba Longa par une tradition dont l’élaboration doit remonter assez loin709.
Aesolani
622La solution très généralement retenue et qui nous paraît la bonne fut trouvée par Nibby : en corrigeant d’une simple lettre la leçon des manuscrits, il identifia ce nom avec celui de l’arx Aefulana attestée par Tite-Live (26, 9, 9) et par une inscription (CIL, 14, 3530), et située à quatre km au sud de Tibur (Tivoli), au Monte S. Angelo in Arcese : ce peuple aurait habité sur le flanc du mont, sur le site présumé de la future Aesulae, au Colle Faustiniano. En la déformant parfois un peu – par une localisation sur le mont lui-même dit aussi M. Aefliano -, cette proposition fut suivie par : Desjardins, Mommsen, Seeck, Nissen, De Sanctis, Pais, Werner, Pallottino, Alfoldi, Colonna710, Quilici et Carafa ; Rosenberg en tira une conclusion curieuse quant à la chronologie de la liste : se fondant sur une analyse d’Ashby qui avait montré que Tibur avait protégé son indépendance par tout un système de bourgs fortifiés situés aux limites de son territoire, le savant allemand en concluait qu’Aefula n’avait pu être indépendante qu’après la soumission de Tibur à Rome, c’est-à-dire après le ive siècle. Cette même proximité avec Tibur conduisit un peu plus tard, non sans hésitations, Beloch à proposer la leçon Afilani, peuple d’une Afilae à laquelle Diodore (14, 102) aurait fait également allusion. En partant de considérants analogues, Ribezzo (puis Bernardi), au prix de corrections apportées au texte de Tite-Live et à un passage de Varron, avança la candidature d’une Aesula, non autrement connue et qui aurait été un autre nom du mont Albain lui-même...
623Si leurs conclusions sont erronées, les prémisses énoncées par Rosenberg, Beloch et Ribezzo n’en sont pas moins justes. Il suffit d’inverser la démonstration pour voir (avec R. Werner) que si Tibur n’est pas mentionnée alors qu’un de ses faubourgs apparaît, ce n’est point parce qu’elle n’existait plus au moment où fut établie la liste de ces populi, mais bien plutôt parce qu’elle n’existait pas encore. En d’autres termes, la conjonction de la présence de ces Aefulani et de l’absence de Tibur constitue un indice très fort pour dater la liste, transmise par Pline, à des temps antérieurs à la formation de villes en Latium.
Accienses
624Ce lemme est d’identification très incertaine. Plusieurs auteurs, notamment Nissen, De Sanctis et Pallottino, ont préféré ne pas se prononcer. Parmi ceux qui l’ont fait, mettons de côté la lecture originale, et justement tombée dans l’oubli, de Pais : Aequenses. La lecture A(ri) cienses, aboutissant à reconnaître dans ce peuple les habitants d’Aricia, proposée par Sergi en 1938 n’a en général pas été reprise, à l’exception de Winkler-Konig et de Carafa. Il est vrai que, comme le faisait remarquer Ribezzo, suivi par Bernardi, la désignation des habitants d’Aricie à l’époque classique est Aricini, Aricienses n’étant jamais attesté. En ce qui nous concerne, nous ajouterons que, tel que nous l’avons interprété, l’ethnique Albani pourrait suffire à désigner les habitants des sites en relation avec l’Aricie historique. C’est pourquoi il nous semblerait plus convaincant de mettre, suivant une suggestion faite par Palmer, cet ethnique en relation avec la curia Acculeia711 attestée à Rome et localisée au pied du Palatin, sans négliger non plus un rapport éventuel avec les noms bien attestés d’Acca et de la gens Accia. On serait donc en présence d’un ethnique – Acc(ule)ienses – désignant une peuplade, vraisemblablement un village occupant la pente nord-occidentale du (futur ?) Palatin.
625Cependant, une inscription de l’ager Albanus (CIL, 14, 2263) nous conduit à proposer (art. à paraître : « Un nouveau vicus sur la v. Appia ? ») une nouvelle identification, qui n’est pas nécessairement incompatible avec la précédente. La pierre mentionne en effet le magister d’un uici Accens(is) qu’il n’est pas obligatoire de localiser a priori ailleurs que là où elle a été trouvée. Nous proposons donc de reconnaître dans ces Accenses la postérité de nos Accienses, le passage d’une forme à l’autre ne posant pas plus de difficulté que celui des Cabenses de l’épigraphie devenus Cabienses chez le même Pline (3, 64). Or l’inscription a été découverte « in vocabolo l’Ercolano », c’est-à-dire au pied de Castel Gandolfo. C’est dire qu’elle donne, à notre avis, et pour la première fois, le nom de la petite communauté à laquelle appartenaient les morts dont les cendres étaient contenues dans les fameuses urnes-cabanes de 1816, venues au jour précisément près de cet endroit : nouvelle confirmation, s’il en était besoin, qu’Albe n’était pas à Castel Gandolfo...
Abolani
626Seeck et Pais ont considéré ce nom comme un simple doublet du Bolani qui suit ; Mommsen, Nissen, De Sanctis, Pallottino et Zehnacker l’ont considéré comme inconnu ; Carcopino y a reconnu, par le biais d’une correction Arolani, ces Arulenses ostiens dont il avait fait un peuple disparu, par confusion d’un toponyme avec un ethnique712 ; sans vouloir l’identifier précisément, Ribezzo y a vu un toponyme de formation sicule, pouvant être rapproché du nom premier du Tibre, Albula ; Pais l’a rapproché des Albietoi que mentionne Denys d’Halicarnasse (5, 61) ; Bormann proposait la lecture Albiolani, tandis qu’un siècle plus tard, R. Werner, suivi par Winkler-Konig et Carafa, a suggéré la restitution Apiolani, à rapporter à Apiolae que Pais, suivi, une fois n’est pas coutume, par De Sanctis, identifiait avec Suessa Pometia713. La proposition d’identification récente de Satricum avec Pometia714 fragilise cependant cette théorie (que refusait déjà Gjerstad715), sauf à donner quatre noms successifs à la même cité. Il reste que ces Apiolani doivent716 de toute façon avoir été situés dans la plaine pontine, ce que semble confirmer la présence dans la liste d’autres communautés localisables dans cette zone. Ne pourrait-il pas s’agir alors d’un site correspondant à la nécropole de Caracupa, dont le caractère latial est bien attesté ? L’habitat fortifié du Monte Carbolino aurait été la citadelle de ces Apiolani717.
Bubetani
627Voici un nom pour lequel tous les auteurs, sans exception, ont rendu leur tablier, se contentant tout au plus de remarquer (Nissen, Pais, Zehnacker) son apparition chez Denys d’Halicarnasse (5, 61). Ce nom n’est pas sans évoquer, à notre avis, celui de Jeux mentionnés par Pline dans le tableau idyllico-pastoral qu’il trace de la Rome primitive au livre dix-huit (chap. 12), consacré à l’agriculture, de son Encyclopédie : Ludos boum causa celebrantes Bubetios uocabant. Malgré Wissowa, il ne paraît pas déraisonnable d’évoquer718 à ce propos la déesse Bubona, qui figure chez S. Augustin (CD, 4, 24). Quoi qu’il en soit, leur nom suggère que les Bubentani devaient être une peuplade pratiquant la transhumance, dont nous avons déjà rappelé (supra p. 402 et s.) l’importance dans le Latium albain des toutes premières périodes latiales. Il est impossible de le localiser précisément, mais, vu cette caractéristique, nous le situerions volontiers dans la plaine sud-orientale de Rome, là où sont attestés, précisément, des toponymes tels que Mugilla ou Bovillae. Curieusement, les habitants de cette dernière cité sont absents de la liste plinienne, alors que Cicéron719 atteste leur participation au Latiar et alors que l’archéologie a révélé sur le site, nous l’avons vu, d’importants vestiges de la civilisation latiale. Les Bubentani ne pourraient-ils pas être, dans ces conditions, les habitants du site connu plus tard sous le nom de Bovillae ? Ce n’est possible que si les Βοϊλλανῶν que Denys (o.c.) nomme avant ces Βουβεντανων sont les habitants de Bola.
Bolani
628Il est vrai que Beloch (suivi par Bernardi et Tais) a voulu, sur la base d’un écho arménien de Diodore (7, 5, 9), reconnaître dans cet ethnique le nom des habitants de Bovillae720, ce que refusait Ribezzo. Mais la plupart des auteurs y ont, plus simplement et à notre sens plus justement, reconnu le nom de Bola, qu’ils ont placée en général, hormis Desjardins qui pencha pour Zagarolo, à Lugnano, près de Valmontone. À la suite de Nibby, cette solution fut celle de Nissen, Zoeller, De Sanctis, Werner, Alfoldi, Palmer, Pallottino, Cornell, Winkler-Konig et Carafa. La localisation proposée par Desjardins nous semble préférable : on serait non loin de Colonna qui est peut-être Labicum.
Cusuetani
629Ce nom est l’un de ceux qui firent le plus tôt l’objet d’un grand effort d’exégèse ; tel quel, il est en effet incompréhensible. Une solution souvent attribuée à Mommsen, mais qui en réalité est due à Nibby, aboutit à les identifier avec l’arx Caruentana dont parle Tite-Live à deux reprises (4, 53, 3 et 55, 8) dans le contexte des guerres contre les Èques, et avec les Καρυεντανῶν mentionnés aussi par Denys d’Halicarnasse (5, 61, 3) : il suffit en effet de changer la voyelle initiale et de supposer ensuite un phénomène de rhotacisme avec ajout de la nasale dentale pour obtenir Caruentani ; La Blanchère721, Nissen, De Sanctis, Pais, Alfoldi, R. Werner, Zehnacker ont adopté cette restitution ; Seeck (qui préférait s’arrêter à Casuetani), Beloch et Pallottino l’ont refusée ; de même Ribezzo (suivi par Bernardi), qui retint la leçon de certains manuscrits, Cosuetani, en mettant en rapport le nom ainsi obtenu avec celui du Κόσας ποταμός que mentionne Strabon (5, 237) dans sa description du Latium. La première solution aboutirait à placer ce peuple du côté de la frontière èque (à Castel Lariano selon Winkler-Konig et Carafa) ; la seconde, adoptée par Nibby722 et Bernardi, plus au sud, le long de la vallée du Sacco (dont le Cosas est un affluent). Compte tenu du texte de Denys d’Halicarnasse, qui reprend plusieurs des ethniques de cette liste plinienne, et de Tite-Live, la localisation en pays èque nous semble nettement préférable, d’autant plus que cette lecture restitue l’ordre alphabétique par rapport au nom suivant.
Coriolani
630À part une suggestion faite par Desjardins pour rapprocher cet ethnique du nom de Cora, tous les commentateurs y ont reconnu celui de Corioli, qu’ils localisent au sud du massif albain, et, avec Nibby, au Monte Giove près de Lanuvium : ainsi Gell, Westphal (R. Kampagne, p. 37), Bormann ; De Sanctis et Beloch préfèrent parler, plus vaguement, d’une zone située entre Ardée et Aricie, Werner évoquant aussi une possibilité de localisation près d’Antium. On peut se demander, avec Seeck, si la mystérieuse Corilla, d’où Denys (4, 45, 4) fait venir Turnus Herdonius, l’adversaire malheureux de Tarquin à l’aqua Ferentina, ne doit pas être identifiée avec Corioli723. Quoi qu’il en soit, ce nom de la liste plinienne ne semble pas avoir été altéré par la transmission manuscrite.
Fidenates
631Même chose pour celui d’un peuple qui est à situer sur le site (futur) de Fidènes, c’est-à-dire le long du Tibre et de la Salaria et au nord de Rome, non pas à Castel Giubileo comme l’avaient cru nombre de savants, mais à Villa Spada724. Il est frappant de constater que les diverses sources littéraires insistent avec constance sur l’origine albaine de Fidènes : Solin (2, 16) en fait une fondation d’Ascagne, et Servius, commentant Virgile (Aen., 6, 773 et s.), la définit comme ciuitas priscorum Latinorum, Denys d’Halicarnasse (2, 53, 4) et Stéphane de Byzance (s.v. φιδήνη) la qualifiant respectivement d’’Αλβανῶν ἀπόκτισις et de πόλις ‘ ‘Αλβανῶν. L’argument de R. Werner selon lequel l’appartenance de Fidènes à la quatrième région, attestée ailleurs (3, 107) par Pline lui-même, prouverait qu’il s’agit ici d’une interpolation, ne nous paraît pas recevable.
Foreti
632Ce nom a donné lieu à des interprétations très différentes : après Scaliger (cité par O. Muller dans son éd. de Festus, 1839, p. 390), Bormann, Zoeller, Pallottino et Palmer l’ont mis en rapport avec la curia Foriensis attestée à Rome. La Blanchère725 y reconnut pour sa part les φορτινείων mentionnés par Denys d’Halicarnasse (5, 61, 3) : l’ont suivi Mommsen, Pais, De Sanctis. À cette solution, refusée par Seeck et par Werner (Nissen et Beloch restant dans le doute), Rosenberg, citant (p. 127) une remarque d’Hulsen, opposa une autre théorie, fondée sur un autre rapprochement textuel : un lemme de Festus laisse voir en effet que les XII Tables726 mentionnaient, comme duas gentis finitimas (428, l. 9, L) et comme priscos Latinos (426, 32 et 474, 27), deux peuples dits forctos (ou forctes : 474, 17) et sanatos (428, 13), auxquels Rome reconnaissait les mêmes droits que les siens. Le second de ces peuples apparaît, nous allons le voir, également dans la liste plinienne, et semble (cf. Fest., 426, 23 et s.) avoir été établi à l’emplacement de Tibur : dans ces conditions, il a semblé que le territoire, effectivement voisin, de Gabies, pouvait avoir été occupé par ces Foreti pliniens et albains. La participation de Gabies au Latiar n’est-elle pas attestée, et le même Pline727 ne vient-il pas de mentionner des Forentani (que Seeck et Ribezzo proposaient d’identifier avec ces Foreti) juste avant les Gabini ? Cette lecture est effectivement séduisante et elle a été adoptée par Werner, Bernardi (lequel toutefois refuse la localisation à Gabies qui, il est vrai, marque une gradation supplémentaire dans l’hypothèse), Gjerstad et aujourd’hui Carafa. Du point de vue des sources antiques, on peut résumer le débat qu’ouvrent ces différentes interprétations en se demandant s’il est possible d’assimiler les φορτινείς de Denys avec les Forcti des XII T. et avec les Foreti de Pline, voire avec les Forentani. Soulignant pour sa part la fréquence de la substitution f/h, et rappelant le sens de forctus/horctus en latin archaïque (= bonus, cf. Fest., 74, 201 et 224L), M. Lejeune728 suppose que « les Forcti de Tibur » (il y a ici une confusion avec les Sanates) « devaient s’appeler aussi, dialectiquement, Horcti, double forme d’un mot qui signifiait proprement bon, fort, sain », notant aussi que « cette désignation d’une population par une qualité, physique ou morale, est fréquente dans le domaine qui va des Celtes aux Illyriens ». De fait, le passage de Forcti à Foreti ne pose aucun problème paléographique. Du point de vue topographique, trois solutions apparaissent donc possibles : Rome, Gabies ou les environs de Tibur, Montefortino, aujourd’hui appelé Artena par erreur, au débouché des monts Lepini et au-dessus de la vallée du Sacco ; la première peut être écartée, à notre avis, la curia Foriensis regroupant des Forienses plutôt que des Foreti ; le choix, et l’incertitude, se joue entre les deux autres. Dans la mesure où le rapprochement avec le texte des XII Tables proposé par Hulsen paraît solidement fondé, et qu’en conséquence une situation de ces Forcti-Foreti si loin des Sanates serait peu conforme à ce que Valerius Messala, cité par Festus (428, 9), disait de leur proximité, nous pencherions plutôt pour une localisation du côté de Tibur ; le même lemme festien renforce, nous semble-t-il, la possibilité d’une localisation des Sanates (et partant des Forcti ?), puisqu’il les situe <infe>-riorisque loci (426, 26) et <in->fra Romam (426, 33), ce qui, compte tenu de l’orientation au sud des cartes antiques, aboutit à les situer vers le nord. La région tiburtine est donc pour nous la meilleure candidate à l’accueil de ces Foreti. Du reste, et sans vouloir donner à cet argument un poids excessif, on peut observer que jusqu’à ce jour, le site de Montefortino n’a livré aucun vestige latial729 alors que, tout à l’opposé, les sites de Tibur et de Gabies sont à cet égard de toute première importance. Dans ces conditions, on peut se demander si les tombes de ces Foreti pliniens ne sont pas à identifier dans les nécropoles mises au jour ces dernières décennies à Castiglione ou à l’Osteria dell’Osa730.
Hortenses
633« N’est-ce pas un texte primitif ‘Forcti (uel) Horcti’ qui a provoqué, dans la liste de Pline, après Forcti, l’intrusion des Hortenses d’Ombrie ? » se demandait M. Lejeune731 en 1951. C’était dans le principe souscrire à l’avis de Rosenberg, suivi par Werner et Alfoldi, selon lequel il s’agirait ici d’une confusion de Pline, ou de sa source, avec l’Hortona de la quatrième région (cf. N.H., 3, 106) située sur la côte adriatique. Il ne saurait en fait s’agir, comme Carcopino et Ribezzo l’ont cru, de l’Horta ombrienne (aujourd’hui Orte), trop éloignée732, ni sans doute non plus d’Artena, selon une correction suggérée par Nibby (suivi par Westphal) et La Blanchère qui la situaient, l’un à Montefortino, l’autre dans une zone méridionale non autrement précisée. Il s’agit bien plutôt, comme Desjardins et Nissen – suivis par Beloch, De Sanctis, Bernardi, Winkler-Konig, Carafa, Zehnacker – l’avaient vu, de cette Ortonam, Latinam urbem, mentionnée à deux reprises par Tite-Live (2, 43, 2 et 3, 30, 8) dans son récit des guerres èques. Le texte est donc à corriger, avec Beloch, en Hort(on)enses, l’aspirée initiale étant due à l’influence, ou du mot Horctus, ou du nom de l’Horta ombrienne. Tite-Live et Denys d’Halicarnasse (8, 91, 1 ; 10, 26, 2) affirment explicitement la latinité de cette cité, que les Modernes qualifient d’èque. Au vu des sources, le peuple des Ortonenses doit être localisé du côté de l’Algide, près de Corbio, autrement dit au débouché de la uia Latina historique, sur la marge extérieure orientale du massif albain733.
Latinienses
634Une fois écartée comme il se doit la correction hardie proposée par Gell pour résoudre ce qui reste une aporie de cette liste, l’absence de Lauinium, ce que la leçon Lauinienses aurait permis de retrouver, le recoupement des sources antiques effectué notamment par Nissen, Rosenberg et Beloch, permet de situer précisément ces Latinienses qui apparaissent chez Cicéron, non pas, comme on le dit parfois, parce qu’ils auraient encore existé, mais en raison du conservatisme de la langue augurale, enracinée dans la protohistoire de l’Vrbs et utilisée dans une cause à implications religieuses734. Aussi les commentateurs ont-ils, sauf F. Coarelli qui les situe sur le M. Cavo, localisé ce peuple albain au nord et près de Rome (à l’emplacement actuel du quartier des Parioli, selon Pallottino), sur la rive gauche du Tibre et en face de l’ager Vaticanus (cf. N.H., 3, 53). Le site de Fidènes (inexactement mentionné par Beloch et Werner) étant déjà occupé, nous l’avons vu, par les Fidenates, il est tentant de supposer, avec G. Colonna735, que l’aire occupée par les Latinienses était celle du futur site d’Antemna, dans la position stratégique marquée par la confluence de l’Anio et du Tibre.
635Le débat porte sur le sens et la date du nom lui-même : à la thèse, défendue par Beloch et Catalano, d’une dérivation récente à partir de Latini, que prouverait la terminaison -enses, il suffira d’opposer la dizaine d’autres noms de même désinence, et évidemment anciens, que contient cette liste plinienne. Pour autant, on doit admettre que par rapport à Latini, Latinienses ait été second et pourvu d’un sens quelque peu différent. En effet, au témoignage même de Varron (T2), le mot Latini désigne l’ensemble de tous les peuples qui participent au Latiar du mont Albain ; appliqué à un seul d’entre eux, le mot Latinienses ne saurait donc être confondu avec lui. Or, de par leur situation topographique, ces Latinienses sont, nous venons de le voir, placés le long du Tibre, autrement dit à l’avant-garde des peuples latins face aux Étrusques qui occupent l’autre rive du fleuve. On a proposé736 d’y voir en conséquence une dénomination hexogène, donnée par ces derniers aux peuples qui étaient leurs voisins et antagonistes immédiats ; mais cela expliquerait mal que les peuples au sud du Tibre, dans leur totalité, aient été ensuite désignés comme Latini ; car si le modèle grec qu’on invoque à ce propos (avec le nom des Hellènes) était valable, ils auraient dû porter tous le nom de Latinienses ; il faut donc, à notre avis, inverser la perspective et restituer aux Latini du massif albain leur centralité et leur primauté. Par rapport à eux, seront dits Latinienses ceux qui, descendus dans la plaine, se sont établis aux marges extrêmes de la région, en bordure du grand fleuve qui sépare l’ensemble des peuples latins de peuples parlant une langue différente et honorant d’autres dieux, ces Villanoviens de l’archéologie qui ne sont autres que les Étrusques de la tradition. Quant au lien topographique entre ce populus et le collis Latiaris du site romain que voudrait établir A. Carandini737, il est suggestif mais peut-être forcé, d’autres populi, à commencer par les Velienses, étant beaucoup plus proches de ce relief.
Longani
636Du temps où la croyance en une ville d’Alba Longa régnait sans partage, il paraissait évident d’y reconnaître les habitants de la métropole latine : ce fut l’avis, à la suite de Seeck, de Carcopino, Rosenberg, Lejeune, jusqu’à Bernardi738 en 1964. Quant à la séparation de ce nom d’avec celui des Albani figurant au début de la liste, il convenait d’y voir une erreur de transcription, que Seeck préférait739 imputer, plutôt qu’à Varron, à l’un des esclaves du polygraphe, tandis que Rosenberg n’hésitait pas à y dénoncer le produit de l’inattention de Pline.
637La bonne solution avait pourtant été suggérée dès 1837 par Nibby, et développée en 1878 par Zoeller : il suffit de lire Long(ul)ani pour reconnaître le nom de Longula, qui apparaît souvent dans le récit des guerres pontines. Nibby la localisait sur le site dit de Buon Riposo, dont la forme oblongue aurait expliqué le nom antique, les autres auteurs préférant en général parler seulement de la frontière volsque. Nissen, De Sanctis, Beloch, Pallottino, Alfoldi, Colonna, Winkler-Konig et Carafa ont adopté cette lecture, qui s’impose. L. et S. Quilici740 ont fait le point sur les différentes localisations proposées jusqu’ici. Il reste que l’influence du nom et du mythe d’Alba Longa a pu jouer pour faire prévaloir dans la tradition manuscrite la forme Longani, au détriment de la forme Longulani.
Manates
638Longtemps ce nom est resté inexpliqué, jusqu’à ce que Rosenberg, reprenant une idée d’Hulsen, en présente une interprétation valable aussi pour les Foreti. Au prix d’une légère correction initiale, on peut en effet y reconnaître les Sanates des XII Tables, que les lemmes de Festus (426 et 474L) semblent situer près de Tibur741. Cette solution, acceptée par R. Werner, Bernardi et Gjerstad, fut refusée par Ribezzo qui préféra ne pas modifier la leçon des manuscrits et mettre ce nom en rapport avec le mot manus qui, en latin archaïque, avait le sens de bonus (cf. Fest. 127L) ; après Pallottino, Palmer rejeta lui aussi une correction qui entrait en contradiction avec l’ordre alphabétique de la liste.
639Pourtant, ce passage d’une lettre à l’autre trouve une explication qui vaut en même temps confirmation. M. Lejeune742 rappela en effet, en 1951, que, dans l’épigraphie archaïque, la sifflante est notée par le signe M. Cette observation palmaire a des conséquences fondamentales : elle prouve d’abord que la liste de Pline a comme source première un document épigraphique, « sans doute une inscription du ve siècle apposée au lieu des réunions de la Ligue Latine » ; elle révèle que l’inscription fut copiée bien après avoir été gravée, puisque sa notation n’en était alors plus comprise ; mais cette erreur même garantit la valeur de cette transcription ; enfin, le maintien tel quel de ce nom, inconnu par ailleurs, dans le texte plinien, montre la qualité, aussi bien du travail du Naturaliste, que de la transmission manuscrite de son œuvre. Selon Lejeune, cet ethnique, qui se retrouve attesté en tant qu’épiclèse divine en Vénétie, et qui se cache peut-être dans le nom de la ville de Sienne, serait d’origine illyrienne et dalmate.
Macnales
640Les manuscrits743 portent Macnales, corrigé en Macnates par Detlefsen, une copie médiévale proposant Maenales. Ce nom est unanimement considéré comme inconnu. Dans la lignée de l’explication qu’il donne du Manates-Sanates précédent, et en fonction d’une diphtongue initiale attestée dans les formes parallèles du vénète, M. Lejeune explique ce nom comme une interpolation : « Par une erreur paléographique inverse de celle qui a conduit de Forcti à Foreti, Maen- est devenu Macn- dans deux leçons sur trois, tandis que, dans deux sur trois aussi, -ales a été substitué à -ates (non sans, peut-être, que le souvenir du mont Ménale y soit pour quelque chose). Mais il faut noter surtout que l’inscription présumée, source indirecte de Pline, connaissait un doublet Sainates de Sanates parallèle au doublet vénète Sainatis du dalmate Zanatis ». Le savant français, proposant ainsi une restitution Manates (uel) Maenates, concluait : « Il convient dès lors d’expulser de la liste des populi les pseudo-Macnates »744. Après réflexion, il nous a semblé qu’une telle éviction, trop tributaire de l’interventionnisme d’un Rosenberg (que Lejeune suit très fidèlement dans son analyse de la liste plinienne), n’était peut-être pas justifiée. Ce n’est pas qu’il faille donner raison à Ribezzo, qui rapprochait une forme éventuelle Macrates du cognomen Macer, ou une forme Maeniates d’une gens Maenia. Mais en reprenant le principe d’une substitution de M à S, il nous paraît que l’on peut aboutir à une forme plausible, en l’occurrence Sacranes, ce qui, il est vrai, exigerait un changement de la consonne dans la syllabe finale mais conserverait le -c- de la syllabe précédente. De toute façon, de légères corrections de ce genre sont, nous l’avons vu, rendues nécessaires par la nature même du texte plinien. Or ces Sacranes ainsi obtenus seraient très proches des Sacrani, dont un lemme de Festus (424 et 425L)745 fait des Sabins ayant occupé, à la suite d’un printemps sacré, l’aire du Septimontium romain ; il y aurait entre les deux formes de ce nom le même rapport qu’entre les formes Sanates-Sanati et Forctes-Forcti, toutes attestées, elles, par Festus (426, 428 et 474L) : on pourrait alors situer ce peuple sabino-albain des Sacranes sur le territoire de la future Rome, en accord avec la localisation possible de plusieurs autres populi de la même liste.
<Mutucumenses>
641Il s’agit là d’une addition de Barbaro (1492), reprise notamment par Klausen et qui avait pour fonction de rétablir un trentième nom pour une liste qu’on amputait par ailleurs de ses Albenses initiaux, les Albani se voyant confier le rôle de nom collectif introducteur. Nibby, suivi par Bormann, localisait ce peuple, qui risque bien d’être complètement imaginaire, à Munitoli, près de Tibur (Tivoli).
Munienses
642Ne citons que pour mémoire la substitution opérée par Bormann, hésitant entre Mugillenses et Mutucumenses, adoptée aussi par Sergi. L’interprétation la plus courante consiste à identifier ce peuple avec les habitants d’un site voisin de celui de Marino, où ont été retrouvées plusieurs inscriptions attestant l’existence d’un municipe, sans doute créé au ier s. av. J.-C., du nom de Castrimoenium. Ouverte, une fois encore, par Nibby, cette voie a été empruntée par Seeck, Nissen, Rosenberg, Pais, Beloch, Alfoldi, Werner, De Sanctis, Winkler-Konig, Carafa, Carandini, Zehnacker. Le nom des Moeniensium apparaît sur une inscription honoraire746 du iie ou iiie s. ap. J.-C. – une base de statue -, nom auquel on restitue d’ordinaire le préfixe Castri-. Le site est tourné, non vers les lacs albains, mais vers les marges du massif, si bien qu’on peut comprendre que les Munienses aient été ainsi distingués des Albani. La difficulté topographique est ailleurs : l’inscription a été trouvée, non pas, comme on l’a cru jadis, près de Marino, mais près de Tibur, dans le village de Montecelio, où elle fut remployée dans un mur de l’église. Comment est-elle arrivée là ? Si on veut y lire le nom des Castrimoenienses de Marino, il faut supposer, outre une lacune épigraphique dont il y a d’autres exemples, un transfert de la pierre. La provenance locale de celle-ci étant présumable de par son remploi ancien (1853), on imagine747 donc qu’il s’agirait de la copie antique de la dédicace originale, faite à l’instigation de son heureux bénéficiaire, qui aurait voulu en orner une propriété qu’il aurait eue à Montecelio ou tout près. Il est vrai que l’absence de toute autre inscription publique dans ce village n’incite pas à y placer un pagus dont par ailleurs on ne sait rien. Il faut être conscient, toutefois, que la localisation classique – qui a pour elle de bons arguments – des Munienses près de Marino n’est maintenable qu’au prix de ce petit roman historique. C’est pourquoi nous proposerions de situer plutôt ce peuple albain, comme le faisait Ribezzo, à Montecelio, et un peu à l’écart du village moderne, sur une hauteur (400 m) appelée Poggio Cesi ou del Patulo, où subsistent des vestiges de murs de type cyclopéen. Cette solution aurait l’avantage de maintenir tel quel le texte et des manuscrits et de l’inscription, puisque l’équivalence u/oe est totale. Bernardi, partisan de cette localisation748, soulignait la proximité (5 km) de l’importante nécropole de Palombara Sabina, dont les vestiges présentent de nets aspects latiaux.
643Cependant, une autre identification reste possible et d’autant plus plausible qu’elle n’exige qu’une légère correction paléographique : en pensant au collis Mucialis du Quirinal et aux prata Mucia attestés à Rome, Pallottino et Palmer ont proposé la lecture Mucienses, aboutissant à une localisation de ce peuple sur le site romain.
Numinienses
644Ce nom fut longtemps considéré comme inexplicable. Seul Nibby, que suivit, au xxe s., Ribezzo, cherchait derrière cet ethnique un habitat nommé *Numinium, qui n’est pas autrement attesté : hypothèse reprise sous la forme *Numinia, par C. De Simone749.
645Sieglin, coéditeur du texte de Pline avec Detlefsen, proposa une restitution Numintenses qui, sur la base d’une seule substitution de lettre, aboutissait à reconnaître dans ce peuple les habitants de Nomentum ; développée par Rosenberg, cette lecture a été adoptée par plusieurs chercheurs, soucieux d’identifier, parmi ces peuples albains, le maximum de villes connues par ailleurs : Bernardi, Pallottino (avec des réserves), Alfoldi, Zehnacker l’ont ainsi reprise, rappelant à l’occasion que Nomentum était définie par la tradition ancienne comme colonie albaine. Mais comme le soulignèrent Beloch et Ribezzo, les habitants de Nomentum étaient, au témoignage de Tite-Live, appelés Nomentani, si bien qu’on hésitera à identifier avec eux le peuple albain ici mentionné.
646Une lecture, due à Sergi, a fourni une solution plus satisfaisante : en changeant une seule lettre du texte des manuscrits, on obtient Numicienses, dans lequel on reconnaîtra la désignation de ceux qui habitaient les bords du Numicius, rivière qui coule, comme on sait, entre Lavinium et Ardée. Appuyée par De Sanctis, Werner, Gjerstad, Winkler-Konig, Carandini, cette hypothèse présente en outre l’avantage, souligné par Werner, de remédier à l’absence, autrement troublante, d’Ardée et de Lavinium dans cette liste plinienne ; on n’en conclura pas pour autant, comme le fait ce savant, que ces deux villes, dont la participation au Latiar est explicitement attestée à l’époque historique, continuaient à être alors désignées durant la cérémonie par ce nom collectif : aussi bien les textes (cf. T29 et 32) que l’inscription (CIL, 14, 2231) laissée par les Ardéates sur le mons Albanus et non mentionnée par Werner, s’opposent à cette conclusion. Numicienses reste cependant la meilleure hypothèse, ne serait-ce que parce que la liste présente d’autres exemples d’ethniques en relation avec des noms de cours d’eau : on est donc ici au sud-ouest de la plaine latiale, dans la plaine laurentine, le Numicius étant à identifier avec le Rio Torto750. Bien entendu, si les riverains du Numicius sont présents dans la liste plinienne, ils ne peuvent avoir figuré, au titre de Laurentes, dans ce que beaucoup de savants depuis Carcopino ont imaginé comme une ligue rivale de celle des Albains751.
Olliculani
647Depuis plus d’un siècle et demi, l’accord est total chez tous les exégètes pour considérer ce nom comme définitivement inconnu et incompréhensible. Pourtant la solution existe, à notre avis, et elle a été fournie dès le début du xixe siècle par W. Gell, qui n’a pas été pris en considération vu le caractère plus touristique (mais à une époque où tous les « touristes » avaient une excellente formation classique) que philologique de son ouvrage. Il suffit en effet de changer deux lettres, selon une substitution qui ne présente aucune difficulté paléographique, pour obtenir la leçon Ocriculani et reconnaître dans ce peuple albain les habitants du site d’Ocriculum752, bien connu par ailleurs. La correction est palmaire, même si elle fut refusée par Bormann, apparemment le seul à la connaître. Ocriculum peut sembler, il est vrai, trop loin du mons Albanus : en réalité, elle n’est pas plus éloignée des Latinienses, par exemple, que ceux-ci ne le sont des Longulani. Le site est d’une grande importance stratégique : non loin du confluent du Nar et du Tibre, il permet de contrôler, suffisamment en amont, trafics et invasions. En face, de l’autre côté du fleuve, un peu en aval, se trouve Falerii Veteres : c’est dire que cette identification pourrait apporter un éclairage nouveau à la question classique753 des affinités entre le falisque et le latin. Qu’ils défendent la thèse d’une communauté d’origine ou celle d’un simple échange d’influences, les linguistes sont d’accord, en effet, pour postuler un voisinage ancien entre les deux parlers. Cette localisation pourrait apporter une première confirmation à cette hypothèse nécessaire. Ainsi la liste plinienne témoignerait-elle ici d’un temps où le fleuve jouait déjà un rôle de frontière linguistique ou ethnique, ce qui, d’une manière générale, ne semble pas s’être produit avant la fin de l’âge du Bronze.
Octulani
648On doit sans doute se résigner, comme on l’a toujours fait, à ignorer définitivement l’identité et l’emplacement de ce peuple. On ne peut même y reconnaître le bourg d’Ortona puisqu’il est déjà présent, semble-t-il, dans les Hortenses précédents, même si la transformation d’un Ortonali en Octolani devenu ensuite Octulani pouvait paraître possible.
649À défaut d’une identification précise, on se demandera s’il ne convient pas de reconnaître, dans la finale du nom, l’écho du mot qui, en étrusque et en ombrien, signifie « la limite », tular ; mais peut-être faudrait-il plutôt mettre la première syllabe de l’ethnique en rapport avec le terme, attesté aussi bien en ombrien qu’en latin, et qui désigne un bourg, une citadelle : ocar/ocris. Après tout, outre Ocriculum, les textes mentionnent un Interocrium754 situé en Sabine, le long de la Salaria. C’est là toutefois une situation qui paraît trop éloignée du territoire latin et c’est pourquoi nous proposerons plutôt, avec toute la marge d’incertitude requise, et cum grano salis, une conjecture qui verrait dans ces Octulani la trace déformée de (C)or(ni)culani, avec transformation ultérieure des deux consonnes ; ainsi serait présent parmi les noms albains celui de la patrie de la mère de Servius Tullius : on resterait alors non loin de Tivoli755, au bourg de Montecelio près duquel, nous l’avons vu, on a proposé de localiser les Munienses de la liste. Il n’est pas besoin de souligner le caractère hautement hypothétique de cette solution.
Pedani
650Voici un nom dont l’identification ne fait pas de difficulté : il s’agit des habitants du site de Pedum, fréquemment mentionné par les sources anciennes et que l’on localise très généralement756, depuis Cluver, entre Tibur et Préneste (Desjardins, Nissen, Bernardi), à Gallicano (Nibby, De Sanctis, Winkler-Konig, Carafa, Zehnacker ; selon Desjardins ce nom conserverait le souvenir du siège de Pedum par les Gaulois...) ; des localisations légèrement différentes, mais dans la même région, ont été parfois proposées : près de Gabies (Werner), ou même à Corcolle (L. Quilici). On reste, de toute façon, au nord du massif albain.
Poletaurini
651La lecture proposée par Seeck, faisant de ce peuple les habitants du site de la Politorium (pour Politaurium) dont le récit annalistique attribue la conquête au roi Ancus Marcius, recueillit l’assentiment de Mommsen et, à sa suite, de plusieurs interprètes757, notamment Nissen, Werner, Bernardi, Alfoldi, Carandini, Zehnacker.
652Cependant, dès 1812, Niebuhr avait proposé une restitution, probablement inspirée par une correction de Barbaro : Polluscini. De Sanctis, après Zoeller, Ribezzo, qui y reconnaissait un suffixe ligure, Pallottino (avec quelque hésitation) et Colonna, suivis par Carafa, l’ont adoptée. Il semble en effet logique, à partir du moment où l’on a reconnu, dans les Longani qui précèdent, les habitants de Longula, d’identifier ici les habitants du site de Pollusca, dans la mesure où il n’est point d’exemple où ces deux oppida ne soient pas mentionnés ensemble758. Par ailleurs, le nom même de Politorium paraît devoir être imputé, de par son étymologie, à des influences autant grecques qu’albaines. On localisera donc ces Polluscini quelque part dans la plaine pontine, le site, proposé jadis par Nibby, de Casal della Mandria, à l’Osteria di Civita, étant refusé par L. et S. Quilici759.
Querquetulani
653Deux théories s’affrontent au sujet de ce nom, se fondant en grande partie sur les mêmes éléments. La plus ancienne, professée déjà par Nibby, part du nom d’une des portes du Caelius, porta Querquetulana760, pour considérer que cette dernière conduisait nécessairement à un *Querquetulum, non autrement attesté, mais qu’aurait habité ce peuple albain. Compte tenu de la topographie de la colline romaine, ce lieu serait à situer vers Tibur, où Nibby avait mis en lumière la présence d’un toponyme, Corcolle, qu’il interprétait comme une survivance du nom antique. Desjardins, Nissen, De Sanctis, Werner, Alfoldi, Winkler-Konig, Carafa, Zehnacker ont souscrit à cette interprétation à laquelle Beloch fut longtemps le seul à s’opposer.
654À la suite de Paribeni et de De Francisci, Pallottino a défendu une autre identification, qui, ces dernières décennies, a réuni les suffrages les plus nombreux, notamment ceux de Bernardi, Catalano, Heurgon761, Palmer, J.-C. Richard, Tais, Cornell et Carandini. L’information livrée par Tacite (Ann., 4, 65), selon lequel le Caelius se serait d’abord appelé mons Querquetulanus, est ici valorisée, de manière à faire considérer le peuple mentionné par Pline comme l’occupant « primitif » du relief romain. De ces deux lectures, chacune a de bons arguments à faire valoir, pour elle et contre l’autre. La localisation romaine se heurtait à deux apories : on pensait d’abord que la porta Querquetulana, comme toute porte urbaine, ne pouvait tirer son nom que d’un lieu extérieur à la cité, en l’occurrence le territoire présumé du peuple plinien. Mais dans une étude consacrée à la porta Romanula762 et à l’ensemble des portes de l’enceinte servienne, nous avons montré naguère l’inanité de cette prétendue loi. De la sorte, on peut désormais admettre que le nom ancien du Caelius et celui de sa porte principale ont une seule et même origine et renvoient à un seul lieu, qui n’est autre que la colline elle-même : solution beaucoup plus satisfaisante logiquement, puisqu’elle permet de se passer d’un imaginaire Querquetulum qui, de toute façon, s’il expliquait le nom de la porte, laissait en plan celui de la colline. Il demeure néanmoins que Denys d’Halicarnasse (5, 61, 3) mentionne des Κoρκoτoυλανῶν, qui semblent bien extérieurs au site romain et en qui il est difficile de ne pas reconnaître les Querquetulani de Pline : mis en lumière par Hulsen, cet argument763, repris de nos jours par Colonna, l’a conduit à localiser hors de Rome ce populus albain. Quant à le situer à Corcolle, on remarquera cependant avec Nibby et Desjardins qu’« il n’y a d’autres preuves que l’analogie du nom »764. On observera également que la liste de Denys est, aux yeux de beaucoup de commentateurs765, d’un caractère tardif et composite, et qu’elle n’a sans doute pas la même valeur probante que le catalogue plinien et les toponymes romains transmis par la tradition ancienne ; on pourrait aussi admettre une coïncidence onomastique ou la coexistence de deux lieux et de deux peuplades du même nom. C’est pourquoi nous préférons finalement voir dans ces Querquetulani un peuple occupant le futur site du Caelius, à un moment où ce lieu ne portait pas encore ce nom766, ce qui indiquerait que l’état de civilisation dont la liste transmise par Pline est le témoignage, précéda l’arrivée des Étrusques à Rome et en Latium.
Sicani
655C’est l’un des noms sur lequel la recherche a abouti aux hypothèses les plus diverses. À l’ignorance professée, peut-être sagement, par le xixe siècle (jusqu’à Nissen), les savants du siècle suivant ont préféré l’exploration de différentes voies d’exégèse, aussi incertaines767 que nombreuses. Quelques-unes peuvent néanmoins, croyons-nous, être abandonnées sans trop d’hésitation : ainsi pour la référence, proposée par De Sanctis et reprise par Schulten (R.E., A, 2, 1921, c. 2459), à une cité de Sica, ou encore celle à Signia proposée par Ribezzo et, avec prudence, par Pallottino, sans parler de la restitution S(atr)icani avancée par Niebuhr et Sergi, et reprise récemment telle quelle par P. Carafa et A. Carandini. Les objections que suscitent ces lectures sont évidentes : la première postule l’existence d’une ville par ailleurs totalement inconnue ; la seconde est contredite explicitement par l’usage livien (7, 8, 6) qui appelle Signini et non Sicani les habitants de Signia ; la troisième exige une intervention trop forte sur un texte qui présente un nom bien attesté par ailleurs. Des Sicani apparaissent en effet chez trois auteurs avec, à chaque fois, une définition semble-t-il différente : ils sont présents dans l’Énéide, où ils sont mentionnés par le roi des Laurentes, Latinus, qui les situe au couchant de son royaume ; ils sont cités également par le commentaire de Servius (ad Aen., 7, 795), qui les voit, lui, à Rome : ubi nunc Roma est, ibi fuerunt Sicani. Enfin, une notice de Solin (2, 8, 33M), d’inspiration peut-être catonienne768 en fait les occupants primitifs, ueteres comme chez Virgile, du site de Tibur, et nous serions tenté d’identifier l’oppidum Siciliae avec la hauteur dite Castrovetere qui sera l’acropole de la ville historique. À ces trois traditions anciennes correspondent différentes théories chez les Modernes : Carcopino769 localisait les Sicani pliniens du côté de Ficana, alors que Palmer et Pallottino les placent sur le territoire de Tibur, le site romain n’ayant pas encore trouvé preneur.
656Mais on ne saurait s’en tenir là : car, comme le révèle le cas de Tibur, pour laquelle Denys (1, 16, 5) précisait qu’une partie de la cité était encore appelée de son temps « le quartier sikèle », ces traditions sur les Sicani offrent un grand nombre de points communs avec celles concernant un peuple beaucoup plus connu dans la mythographie ancienne, les Siculi ; c’est là d’ailleurs ce qui avait conduit Bormann et Zoeller à considérer l’ethnique plinien comme une pure et simple interpolation, et Alfoldi à parler d’« erreur géographique ». Jugements assurément trop rapides, si l’on considère la richesse et l’ancienneté de cet ethnique légendaire. Une analyse complète en a été faite par D. Briquel770, à propos d’un passage de Jean le Lydien (De mag., proem., 1 = De mens, 1, 37) où les premiers Étrusques sont définis, exceptionnellement, comme un peuple sicane : ἔθνός δὲ ἦν Σικανόν. Ce savant souligne (p. 504) l’originalité du choix de Virgile, qui parle de Sicanes là où les autres Anciens nomment des Sicules : il semblerait que le poète ait voulu, par ce choix, distinguer ses propres Sicanes des Sicules que la légende considérait comme autochtones en Latium, dans la mesure où, chez lui, les premiers venaient de l’extérieur : etgentes uenere Sicanae (Aen., 8, 329) -d’Espagne selon Servius (ad loc.). Hormis cette différence d’origine, les ressemblances sont frappantes entre Sicanes et Sicules, avec notamment une même dualité entre une acception large et une définition restreinte du nom : comme les Sicanes, les Sicules sont localisés tantôt, d’une manière très générale, en Latium, selon une théorie représentée771 par Fabius Pictor, Cassius Hemina, Denys d’Halicarnasse, Virgile, Varron sans doute, et Pline lui-même (3, 53), tantôt, plus précisément, dans une zone près du Tibre, selon ce que propose Servius (ad Aen., 1, 533) qui place le royaume du rex Siculorum aux loca quae sunt iuxta Tiberim, tantôt encore à Tibur dans le passage déjà cité de Denys, tantôt, enfin, à Rome même, ce que fait Varron, citant les antiques Annales (LL, 5, 101). De ces parallélismes, conclura-t-on à une simple fantaisie de la part de Virgile lorsqu’il met en scène des Sicani et non des Siculi ? La présence même de l’ethnique dans la liste de Pline n’oriente pas la réponse en ce sens. Dès lors, il est légitime de chercher à identifier le territoire précis auquel pouvait renvoyer l’ethnique plinien : parmi les hypothèses évoquées plus haut, écartons tout de suite celle concernant Rome, dans la mesure où elle ne repose probablement que sur une confusion de Servius, comme l’a montré D. Briquel772. Restent Tibur, et Ficana, qui est l’hypothèse de Carcopino analysant le texte de Virgile ; entre ces deux localisations, à l’opposé l’une de l’autre, il n’est évidemment pas facile de choisir, dans la mesure où chacune comporte sa part d’approximation toponymique : selon Carcopino (o.c., p. 410), une équivalence Sicani-Ficani résulterait d’un rapprochement entre les termes grecs Σύκανoι, – traduction de Ficani sur la base d’un etymon Ficana/ficus (σῦκoν) – et Σικανόί, transcription de Sicani ; pour Tibur, il faut admettre que le quartier « sikèle » mentionné par Denys soit l’équivalent d’un quartier sicane. Le texte de l’Énéide offre, à dire vrai, plusieurs possibilités d’identification773, et il est plus prudent sans doute de s’en tenir à une zone tibéro-lavinate, sans chercher à préciser davantage. Aussi bien, notre choix topographique sera d’abord un choix philologique, et puisque Virgile est, à tout prendre, une meilleure source que Solin, nous localiserons ces Sicani sur la côte lavinate, la zone de Ficana restant à notre avis une bonne hypothèse. D’ailleurs, les liens que la légende (Servius et Solin) établit entre ce peuple et l’Espagne ou la Sicile ne s’expliqueraient-ils pas mieux à partir d’une implantation de ces Sicani sur la côte plutôt qu’à l’intérieur du Latium ? De la sorte, la remarque de Beloch quant à l’absence de tout peuple albain entre Rome et la mer se trouverait invalidée. Faut-il, du reste, exclure définitivement tout ce qui concerne Tibur ? Dans ces conditions, nous penserions volontiers que, dans la pluralité des lieux attribués aux Sicanes par les sources anciennes, pourraient être déchiffrées les différentes et successives étapes d’une très classique descente à la mer faite par des peuplades d’origine montagnarde : après Rieti, Tibur et Rome, et avant l’outre-mer – Sicile ou Espagne -, Ficana (ou un autre lieu sur la côte) aurait ainsi été l’ultime point d’attache des Sicani aux temps où ils participaient au Latiar du mont Albain.
Sisolenses
657C’est encore vers les peuples légendaires du Latium primitif qu’orienterait, selon certains savants, l’analyse de ce nom, que Zoeller proposait de corriger en Sicilienses, dont il faisait l’équivalent des Sicani qui précèdent et une preuve de plus du caractère artificiel de la liste plinienne ; sur ses traces (mais sans le citer), Pais proposait la correction Siculenses, tandis que Ribezzo pensait à une forme *Sicolenses. Il fallait sans doute à ces savants, comme à ceux qui choisirent de professer l’incertitude (Nissen, De Sanctis, Beloch), conjuguée à l’influence du lemme précédent, une grande méfiance quant à la valeur éventuelle du catalogue transcrit par le texte de l’Histoire Naturelle, pour refuser avec constance une restitution dont les bases avaient été pourtant établies dès 1837 par Nibby, même si le topographe italien ne se référait pas au texte plinien : au prix seulement d’une légère, et tout à fait admissible, correction, suggérée par Rosenberg, il est possible en effet de reconnaître dans le peuple plinien les habitants d’une Sassula urbs que mentionne Tite-Live (7, 19, 1) à propos du siège de Tibur par Rome en 355/351 av. J.-C. Adoptée par R. Werner, Bernardi, Alfoldi, Pallottino (avec scepticisme), Carandini, Zehnacker, cette lecture aboutit à localiser dans les environs immédiats de Tibur, sur l’un des éperons rocheux (le toponyme est un dérivé du mot saxum) qui furent ensuite intégrés dans le système défensif de la cité, ce peuple dont le nom a dû être Sassulenses. La proximité avec Tibur étant assurée, sa localisation précise -S. Gregorio le long de la vallée de l’Arci (hypothèse de Nibby, suivie par Abeken et refusée par Philipp in R.E., A, 2, 1921, c. 57) ou Siciliano près de Subiaco (P. Carafa) – ne pourrait être précisée que par des fouilles sur le terrain.
Tolerienses
658On reconnaît unanimement dans ce peuple les Τoλερῖνoι mentionnés à deux reprises par Denys d’Halicarnasse (5, 61 et 8, 17), notamment lorsqu’il décrit la prise de Tolerium (en 488 av. J.-C.), cité latine et prospère, par un Coriolan passé du côté des Volsques. Sur la base d’une correction à un passage de Strabon (5, 3, 9, 237C), où un affluent du Liris reçoit le nom de Τρῆρός, que Nibby proposait de lire Τoλῆρoς, tous les commentateurs identifient dans l’ethnique plinien les habitants de cette cité – est-ce la Trebium de Liv., 2, 39 ? – qu’ils placent (Nibby, Nissen, Rosenberg, Werner, Bernardi, Ribezzo, Zehnacker) dans la haute vallée du Sacco, appelé aussi Tolero, et plus précisément sur le promontoire, au nom parlant, de Valmonte ou Valmontone, au sud de Préneste : avancée par Nibby, adoptée par De Sanctis et, de nos jours, par Carafa et Carandini, cette localisation suscitait le scepticisme d’H. Philipp774. On a remarqué qu’on serait là le long d’une rivière issue du massif albain (Bernardi) et au seuil du pays hernique (Colonna).
659La question qui se pose est celle de la nature de l’implantation de ce peuple : faut-il imaginer, selon l’enseignement du texte de Denys, un site unique de (future) cité, ou ne s’agissait-il pas plutôt d’un habitat dispersé tout au long d’une vallée fluviale ?
Tutienses
660C’est encore à Nibby que remonte, à propos de ce nom, une hypothèse qui a longtemps régné sans partage dans l’érudition : par un passage de Tite-Live (26, 11) et une allusion de Silvius Italicus (13, 5), on sait qu’Hannibal, dans sa marche sur Rome en 212, s’arrêta à une rivière appelée Tutia, que l’auteur de l’Ab Vrbe condita place à six milles de Rome et qui, compte tenu de l’itinéraire du Carthaginois, devait se trouver au nord-est de l’Vrbs. Adoptée par les topographes du xixe siècle (Desjardins, Bormann, Abeken) et par Nissen, la théorie a été reprise par De Sanctis et Rosenberg, et transmise par eux aux historiens archéologues et philologues postérieurs : Pais, Bernardi, Werner, Gjerstad, Colonna, Quilici, Winkler-Konig, Carafa, Zehnacker. Mais on doit à De Francisci775 une autre localisation, immédiatement reprise par Pallottino et présente dans les travaux de Catalano, Palmer et (sur le mode interrogatif) J.-C. Richard. En modifiant la seule voyelle initiale du nom, ces savants proposent de reconnaître dans l’ethnique plinien les Titienses qui, par ailleurs, jouent un si grand rôle dans la légende des origines de Rome, où est attestée également une curia Titia. Même si la localisation de cette peuplade sur le Quirinal constituerait un degré supplémentaire, et non nécessaire, dans l’hypothèse, il est certain que, en tout cas, l’idée d’une situation romaine de ces Titienses n’aurait en soi rien d’invraisemblable. Si cependant nous optons finalement pour la localisation traditionnelle près de la rivière Tutia, c’est en vertu du principe de la correction minimale et même, en l’occurrence, de la possibilité d’une non-correction du texte transmis. Quant à savoir si ces Tutienses seraient à placer ici plutôt que là, à l’Acqua Traversa (Nibby), au Rio Malpasso (Desjardins), au Rio di Cappanaccie (Bormann), au Fosso di Marco Simone (Fraccaro et Bernardi), au Fosso della Bufalotta (Nissen) ou au Fosso di S. Basilio (Carafa-Carandini), c’est une question que seule l’archéologie pourrait trancher. Il s’agit de toute façon d’une zone776 située entre les futures villes de Crustumerium et Fidènes, près de l’Anio, dont la Tutia était probablement un affluent.
Vimitellari
661Ce nom reste l’un des plus obscurs de la liste, et presque tous les interprètes ont préféré ne pas l’expliquer. Seul Pallottino s’y est risqué, en proposant un rapprochement audacieux avec le nom de la colline romaine du Viminal : J. Heurgon et J. C. Richard ont adopté cette hypothèse qui conduirait à la lecture Vimi(ni)tellarii, refusée en revanche par Palmer, Carandini et Zehnacker. Pour notre part, nous ne voyons pas d’inconvénient à ce que le site romain, ou plutôt l’un des lieux du futur site romain, soit une nouvelle fois impliqué par un nom de cette liste plinienne.
Velienses
662À la cacophonie qui régnait au xixe siècle dans l’interprétation de ce nom, a succédé un accord presque parfait entre tous les savants, qui y reconnaissent aujourd’hui l’appellation d’une communauté installée, elle aussi, sur le site de Rome, à l’emplacement de la colline de la Velia. Pourtant, Niebuhr avait préféré y déchiffrer, au prix d’une correction, le nom du peuple de Velletri, Veli(tr)enses, et il avait été suivi par De Sanctis ; ne mentionnons que pour mémoire la théorie de Desjardins (o.c., p. 53) donnant au mons Sacer le nom de Velia et localisant par conséquent cette communauté sur la rive droite de l’Anio, du côté de la uia Nomentana. Se fondant sur un autre passage de Pline, oppidum Elea, quae nunc Velia (3, 71), d’autres interprètes y virent, avec Rosenberg, suivi par R. Werner, le résultat d’une confusion de Pline, point de vue adopté par Alfoldi et Winkler-Konig. Mais, dès 1852, Bormann avait fait valoir le rapprochement avec le nom de la curia Veliensis pour défendre une localisation romaine, reprise ensuite par Nissen et développée par Homo en 1925. En 1948, Ribezzo, réfutant l’hypothèse de Niebuhr, formait la supposition que Velia eût été la « forma primaria del nome della città », et un peu plus tard, Paribeni et De Francisci (o.c., p. 429) adoptaient sans hésitation cette thèse romaine. C’est dire qu’en s’y rangeant à son tour, en 1960, Pallottino ne prenait pas un parti particulièrement original, et l’on ne peut, dans ces conditions, qu’être surpris de le voir en 1993 (ce qu’il n’avait pas fait en 1960) revendiquer777 le mérite de la découverte de cette identification défendue, depuis 1960, par Catalano, Heurgon, Palmer, J. C. Richard, Colonna, Cornell, Carafa, Zehnacker.
663En souscrivant à notre tour à cette lecture, qui n’exige aucun amendement au texte transmis par les manuscrits et qui pourrait rentrer dans une série romaine formée par d’autres ethniques de la même liste, nous soulignerons seulement les perspectives mais aussi les difficultés qu’elle offre à la recherche : si l’on pense à son importance dans les origines de l’Vrbs, on est évidemment un peu étonné de ne pas trouver mention, sous une forme ou une autre, du Palatin, qui est une colline beaucoup plus grande que la Velia. À cette difficulté, Pallottino, et aujourd’hui G. Colonna, répondent que la présence du seul nom des Velienses prouve qu’il s’agit d’une communauté en extension, ayant déjà dépassé les seules limites de la colline palatine qui n’est pas alors encore romuléenne ; G. Colonna778, en soulignant la suprématie de cette communauté préromaine des Velienses sur celle occupant la colline du futur Capitole, rappelle que le Tigillum Sororium peut être considéré comme la porte de cette pré-cité vers les monts Albains. Il est vrai que la prédominance qui sera à l’ère romuléenne celle du Palatin n’est, à notre avis, pas une donnée nécessairement première et qu’elle résulte d’un processus de concentration et de délimitation sacrale opéré en partie au détriment des habitats avoisinants779. Ainsi l’appellation Velienses répondrait à une situation où, après le Palatin, la vallée du Forum et la Velia auraient été occupées par des villages ou groupes de cabanes : l’archéologie semble, en effet, prouver un déplacement des nécropoles, d’ouest vers l’est, ce qui pourrait fournir également un indice chronologique précieux780. D’anciennes et récentes découvertes781 montrent en effet que le Palatin est habité dès le xe siècle et la première moitié du ixe siècle. Compte tenu de la datation de la nécropole du temple d’Antonin et de Faustine, dont les occupants avaient peut-être habité de leur vivant les pentes de la Velia, on peut proposer pour ces Velienses albains une datation à la seconde moitié du ixe siècle au plus tard. On ne saurait toutefois exclure que ce nom ne renvoie à un populus et à un lieu inconnus et situés ailleurs que sur le site romain782.
Venetulani
664Aucune localisation n’a jamais pu être trouvée pour ce nom qui reste sans équivalent en Latium783. Il doit évidemment être mis en relation avec les affinités constatées depuis longtemps par les linguistes784 entre le latin et le vénète, quelles que soient par ailleurs les diverses théories imaginées pour en rendre compte : origine commune, infiltrations isolées de populations venues du nord, véritables invasions ou, au contraire, trace résiduelle d’un substrat primitif ? Quoi qu’il en soit, il est certain que l’on est ici en présence de l’écho écrit d’un très lointain passé. Une des suggestions assurément les plus fascinantes que nous puissions évoquer à ce propos est celle – proposée par Devoto, mais rejetée aujourd’hui – qui lierait l’extension des toponymes vénètes dans la péninsule avec la progression de la culture archéologique dite des champs d’urnes (Urnenfelder)785. Auquel cas on aurait eu ici l’équivalent linguistique de ce que sont, sur le terrain, les urnes-cabanes latiales, dont les monts Albains, nous l’avons vu, ont livré le plus grand nombre d’exemplaires ; on se souvient que la liste contient sans doute un autre ethnique (Sanates) de même origine. Or on a naguère souligné, à propos de la découverte faite, au Campo del Fico, d’une des tombes à incinération les plus anciennes de toute l’Italie centrale, des ressemblances typologiques existant entre ce matériel et ceux connus par des sites vénètes786. Par ailleurs, il est frappant de constater que tous les peuples connus sous le nom de Veneti se trouvent en bord de mer : ne pourrait-on pas, dans ces conditions, situer ces Venetulani sur la côte latiale et près d’Ardée ?
Vitellenses
665La liste se clôt avec un nom dont l’identification ne pose pas de difficulté. La solution proposée par W. Gell dès 1834, et aussitôt reprise par Nibby, continue en effet à faire l’unanimité, malgré l’opposition de Beloch : ces Vitellenses désignent très probablement les habitants du site de Vitellia, et le texte est à corriger en Vitellienses. Seules divergences, celles portant sur l’identification du site, de la part des quelques savants qui ont essayé de le placer sur la carte : Gell, qui avait choisi Valmontone, avait été suivi par Desjardins et Bormann ; Nibby opta pour le lieu-dit Civitella di Subiaco, localisation reprise aujourd’hui par Winkler-Konig et Carafa, tandis que M. A. Tomei787 le place près de Tibur. Les autres savants se contentèrent de souligner qu’on est là en pays èque, ou à la frontière du pays èque (Nissen) : l’existence, avérée par Suétone (Vitell., 1, 3), d’une uia Vitellia ab laniculo ad mare usque, ne saurait être utilisée contre cette localisation, le même auteur indiquant dans le même passage l’origine sabine de la gens Vitellia ainsi que l’existence d’une colonie romaine du même nom en pays èque, à identifier avec l’habitat de ce populus plinien. Tout au plus ce texte apporte-t-il un nouveau témoignage du mouvement irrésistible qui conduisait les peuples de la péninsule à descendre des montagnes du centre vers la plaine latiale, le site de Rome et la mer ; ce mouvement est aussi, nous l’avons vu, celui de la transhumance, et il n’est pas sans intérêt à ce propos de relever la probable étymologie de ce toponyme Vitellia et de l’ethnique correspondant, qui sont à mettre en relation avec le mot uitulus788 : les indices que nous avions précédemment réunis789 pour montrer l’importance et la réalité des pratiques pastorales dans la civilisation latiale des premières phases trouvent de la sorte une confirmation dans la localisation de ce peuple albain tout comme dans l’étymologie même de son nom. En relation avec ce mode de vie, on peut même connaître, une fois n’est pas coutume, grâce à Suétone (ib., 1, 2), celle qui devait être la divinité principale de ce lieu albain : Vitellia790, dont l’historien romain nous apprend qu’en Latium, multis locis pro numine coleretur : l’ethnique plinien est donc en relation, que ce soit d’an-técédence ou de succession, avec un toponyme qui se révèle être un théonyme.
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666Au terme de cette analyse, et compte tenu des corrections que nous adoptons ou proposons, nous aboutissons donc au texte suivant pour la liste transmise par Pline :
ALBENSES VEL ALBANI, AEFULANI, ACCIENSES, APIOLANI, BUBETANI, BOLANI, CARUENTANI, CORIOLANI, FIDENATES, FORCTI, ORTONENSES, LATINIENSES, LONGULANI, SANATES, SACRANES, MUNIENSES, NUMICIENSES, OCRICULANI, CORNICULANI, PEDANI, POLLUSCINI, QUERQUETULANI, SICANI, SASSULENSES, TOLERIENSES, TUTIENSES, VIMINITELLARII, VELIENSES, VENETULANI, VITELLIENSES.
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667Nous pouvons maintenant aborder les questions posées par la recherche à ce texte depuis presque deux siècles : la première concerne l’authenticité ou l’artificialité de cette liste. Pour nous, la balance penche du premier côté et la seule alternative sérieuse serait la théorie du « faux authentique », défendue aujourd’hui par C. Ampolo, autrement dit d’un faux fabriqué à partir d’éléments et de noms authentiques. Le nombre d’hapax que contient cette liste exclut en effet qu’il puisse s’agir d’une fabrication toute due à l’ingéniosité d’un faussaire, hypothèse d’autant moins vraisemblable que la plupart des autres ethniques qui sont identifiables sont rares et qu’un faussaire, comme on l’a souvent remarqué, eût plutôt été chercher des peuples en relation directe et onomastiquement transparente avec le nom de cités connues. Certes, l’hypothèse du faux partiel ne saurait, en bonne méthode, être rejetée de prime abord. Au vu de la forme ethnique de cette liste et de la présence du mot populi, la thèse791 d’une origine relativement récente du sens global donné à ce mot fait difficulté : à moins de supposer, avec Seeck, que Varron avait transformé en ethniques une liste qui comprenait originellement des noms de villes ! Hypothèse absurde qui ne traduit que le point de vue urbanocentrique qu’adoptait jadis, presque malgré elle, l’érudition pour analyser ce texte.
668Autre question, celle de la source de Pline : on a répondu le plus souvent792 par le nom de Varron, parfois par celui de Caton, avec, à chaque fois, de bons arguments. L’hypothèse la meilleure nous semble être celle de D. Briquel793, selon lequel Pline a copié Varron qui avait lui-même pris son bien chez Caton, qu’on sait (cf. le fg. 58P) avoir été amateur d’inscriptions. Reste la question de la source de la source, mais avant d’y répondre, il vaut mieux tirer les enseignements généraux que notre analyse terme à terme nous permet de recueillir.
669Bien entendu, nous n’oublions pas – est-il besoin de le dire ? – que l’interprétation de cette liste demeure soumise à très un fort coefficient d’incertitude, qui affecte particulièrement dix noms, soit le tiers du total : Accienses, Abolani, Bubetani, Foreti, Macrales, Octulani, Querquetulani, Sicani, Vimitellari, Venetulani. Toute tentative d’interprétation globale d’une telle liste ne peut avoir que le caractère d’une hypothèse au carré. C’est pourquoi nous ne prétendons pas faire ici autre chose que d’ouvrir des pistes de réflexion sur un texte qui est encore loin d’avoir livré tous ses secrets.
670À l’examen, plusieurs séries peuvent être distinguées entre ces trente ethniques que l’ordre alphabétique met sur le même plan : le nom des Numicienses, Tolerienses, Tutienses peut, nous l’avons vu, être mis en relation avec celui de cours d’eau ; les Latinienses, dont le territoire longeait sans doute le Tibre, peuvent aussi être rangés dans cette catégorie. Assurément, on est là en présence d’une très ancienne forme de peuplement, dont l’origine remonte au moins à la première phase de la culture latiale, et sans doute avant. Il est notable qu’aucun de ces noms n’ait un correspondant dans le nom d’une ville ou d’un centre connu postérieurement : il s’agit donc très clairement de communautés vivant dans un habitat dispersé.
671C’est l’impression inverse qui prévaut au vu des Aefulani, Apiolani, Bolani, Caruentani, Coriolani, Fidenates, Ortonenses, Longulani, Munienses, Ocriculani, Corniculani, Pedani, Polluscini, Querquetulani, Sassulenses, Viminitellarii, Velienses, Vitellienses. Ainsi, les deux tiers des noms de la liste plinienne – soit dix-huit au total – présentent une caractéristique commune : aux époques historiques, beaucoup de ces noms seront en effet connus comme étant ceux d’une arx. Il suffit de lire les notices consacrées à chacun de ces emplacements par les anciens topographes – à une époque où l’urbanisation et la mécanisation de l’agriculture n’avaient pas encore bouleversé les paysages – pour se rendre compte qu’il s’agit à chaque fois de sites particulièrement escarpés, présentant d’évidents avantages défensifs reflétés souvent dans le nom même qui est le leur794 : c’est le cas de Bola, Carventum, Longula, Ocriculum, Pedum, Sassula. Habitat concentré, donc, et fortifié par la nature même des lieux, s’il ne l’était pas avec des murailles ou des fossés installés par les occupants. C’est dire qu’on trouve, dès la protohistoire latiale, traces de cet incastellamento mis en lumière par P. Toubert pour l’époque médiévale. Voilà peut-être une observation qui pourrait servir aux archéologues pour essayer de dater plus précisément qu’on ne le fait d’ordinaire la situation décrite dans cette liste plinienne795.
672Autre constatation, sans doute surprenante quand on songe au qualificatif généralement donné à ces populi qu’on dit Albenses, appellation qui reste, de toute façon, une possibilité sérieuse : les communautés occupant le massif albain lui-même sont relativement peu nombreuses, quatre ou cinq au maximum ; il s’agit des Albenses/Albani et Coriolani ainsi que, peut-être, des Bubetani, des Latinienses (selon une autre localisation), des Accienses et des Munienses. Ainsi cette ligue du Monte Cavo n’est-elle pas à prédominance albaine, et est-elle bien plus qu’une association d’intérêt local, puisque ses participants habitent en majorité loin de la montagne fédérale où ils viennent sacrifier une fois l’an.
673Inversement, l’importance d’un autre site ressort nettement : les collines et les plaines du lieu qui n’a pas encore le nom de Rome ne regroupent en effet pas moins de cinq, voire sept communautés, si l’on inclut dans cette catégorie les (Acculeienses), Fidenates, Latinienses, Sacranes, Querquetulani, (Viminitellarii), Velienses, et au moins deux796 si l’on se limite aux Fidenates et Latinienses dont la localisation est assurée. Du reste, entre les différentes hypothèses faites à propos de populi dont les noms se retrouvent dans ceux de curies de l’Vrbs, il n’est pas sûr que l’alternative soit celle du tout ou rien, car les structures romaines peuvent précisément avoir été destinées à accueillir des populations d’origine latine. Ainsi s’expliquerait qu’une double localisation – latiale et romaine – ait pu être proposée par la recherche pour les Accienses, les Foreti, les Latinienses, les Munienses, les Querquetulani, les Sicani et les Tutienses. Ce serait la confirmation, sur le plan de la philologie, de ce qu’a révélé, tout au long du xxe siècle, l’archéologie : l’existence d’une culture latiale, spécifique et homogène, et son extension à toute la région. Dans cette liste plinienne, se remarque l’importance du futur site de Rome. Par contre, la coexistence de plusieurs ethniques sur un territoire qui n’est pas encore unifié rend, à notre avis, très peu vraisemblable la thèse d’un premier nom pour une Rome proto-urbaine, qu’il s’agisse de Velia (Ribezzo, Pallottino), de Roma (Colonna) ou d’Albula (Carandini) : on pensera plutôt qu’il n’y avait pas encore de nom unique pour désigner une réalité qui n’était pas encore non plus unique, mais partagée entre plusieurs peuples participant tous au Latiar ; pour que Rome soit désignée par un seul nom, il faudra d’abord qu’elle existe en tant que communauté unitaire, ce qui ne se fera pas avant l’ère romuléenne, voire plus tard selon beaucoup de savants.
674Un autre site, ou plutôt futur site urbain, paraît avoir eu une très grande importance, jusqu’à présent sous-évaluée, dans ce Latium albain : celui de Tibur, en relation avec lequel peuvent être mis les Aefulani, Sanates, Munienses, Corniculani, Pedani, Sassulenses, soit six peuples, et peut-être huit si on devait y inclure les Querquetulani et les Sicani (ce qui n’est pas notre hypothèse), voire les Vitellienses. On est donc en présence d’une zone géographique qui pèse aussi lourd, si on peut dire, dans la liste que le futur site romain. Quant au fait que Tibur elle-même n’apparaisse pas, il a la même signification que l’absence de Rome : cela veut dire que si les points stratégiques du site sont déjà occupés, la ville elle-même n’existe pas encore en tant que telle, et cette absence est un nouvel indice pour dater la liste de l’ère pré/proto-urbaine. Dès cette époque, les sites stratégiques qui marquent le débouché des hautes vallées de l’Apennin dans la plaine côtière, notamment celle de l’Anio avec les Aefulani797, sont occupés et contrôlés par la ligue du Latiar.
675Ces considérations permettent d’aborder peut-être autrement qu’on ne l’a fait jusqu’ici le problème, classique dans l’étude de cette liste, des absences que l’on n’a jamais manqué d’y relever : outre Tibur et Rome, Ardée, Bovillae, Gabies, Labicum, Lanuvium, Lavinium, qu’on sait par ailleurs avoir toutes participé au Latiar à l’époque historique, n’auraient-elles point dû en effet figurer à ce titre dans la liste de Pline ? L’explication avancée au xixe siècle, et jusqu’au siècle suivant par Rosenberg et Palmer, était que, ces villes existant encore de son temps, Pline ne les avait pas fait figurer dans une liste explicitement limitée aux oppida disparus. Du même coup, on avait là, pensait-on, le témoignage flagrant de l’intervention du Naturaliste dans ce catalogue et la preuve définitive du caractère artificiel de ce texte. Cependant, ce point de vue ne saurait plus valoir à partir du moment où l’on a reconnu, après examen de détail, que plusieurs, et non des moindres, de ces prétendues villes absentes y sont sans y être : c’est le cas, nous venons de le voir, de Rome et de Tibur ; c’est aussi sans doute celui de Gabies, avec les Forcti, et, peut-être, de Bovillae avec les Bubetani ; quant aux villes albaines proprement dites, nous avons vu que Labicum, Lanuvium (et Tusculum) sont situées dans l’aire occupée par les Albani ; il est possible enfin que le peuple des Numicienses ait, comme on l’a souvent proposé, vécu sur le territoire correspondant aux villes d’Ardée et de Lavinium. D’ailleurs, la présence des Fidenates, c’est-à-dire d’un populus dont le nom se retrouvait dans celui d’une ville historiquement connue, suffisait à montrer que l’absence, dans la liste albaine, de plusieurs des principales villes du Latium n’était pas due au fait qu’elles existaient encore au temps de Pline ou de sa source (à moins, ce qui fut fait, de l’expliquer par une erreur). Dans ces conditions, cette absence, qui est en réalité dans bien des cas une présence cachée, ne peut avoir qu’une seule cause, pressentie par quelques érudits isolés au xixe siècle, notamment Bormann et Zoeller, et dégagée par l’école italienne depuis, avec M. Pallottino, M. Torelli798, G. Colonna et A. Carandini : elle signifie que lorsque la liste des populi du Latiar fut dressée, le Latium, s’il connaissait déjà des habitats regroupés, ne connaissait pas encore la forme urbaine, au sens non seulement, bien sûr, monumental du terme, mais aussi augural et sacral. C’est pourquoi on ne saurait, comme a pourtant essayé de le faire toute l’érudition du xixe siècle et d’une bonne partie du suivant, mettre la liste plinienne sur le même plan que les listes de cités, transmises par Caton ou par Denys d’Halicarnasse. Les efforts de tant de savants pour transformer ces ethniques en toponymes urbains sont d’autant plus frappants qu’ils ont tous abouti à un échec qui, en l’occurrence, était inévitable. Cela n’aurait pas été grave si, à partir de là, on n’en avait pas tiré d’importantes conséquences, philologiques et historiques.
676L’argument, encore utilisé de nos jours (par ex. par Catalano799), selon lequel l’absence, dans cette liste plinienne, des cités historiquement impliquées dans le Latiar prouverait que cette première ligue albaine n’a pas de rapport avec la ligue latine connue à l’ère archaïque, est donc contestable. Or c’est lui qui a conduit, sans qu’ils en soient toujours pleinement conscients (car ils ont pu en même temps professer que la liste était authentique), certains savants, notamment A. Magdelain800, à distinguer une ligue albaine, nomen Albanum, de la ligue latine, nomen Latinum, autrement connue.
677De la même façon, il importe de tenir compte de la diachronie dans l’examen du facteur ethnique, dont l’érudition du xixe siècle avait cru pouvoir faire également un critère de datation tardive, aboutissant une fois encore à un jugement d’inauthenticité. C’est le sens que des savants, notamment Zoeller, mais aussi Bernardi, donnèrent à l’appartenance présumée de plusieurs populi de la liste à la nation èque : les Aefulani, Bolani, Caruentani, Ortonenses et Vitellienses, tandis que l’élément volsque paraissait caractériser les Coriolani, Longulani et Polluscini, les Tolerienses étant plutôt du côté hernique. De cette prétendue diversité ethnique, la science d’alors concluait ou à la fausseté de la liste plinienne, ou à sa datation tardive, la participation des populi incriminés au Latiar ne pouvant se placer d’après elle qu’une fois réalisée leur conquête par Rome, aux ve et ive siècles. En réalité, il convient bien sûr d’inverser le raisonnement, pour situer cette participation avant l’avancée des Èques et des Volsques en Latium, c’est-à-dire avant les débuts du ve siècle, ce qui explique d’ailleurs sans doute que plusieurs des oppida correspondants aient été, alors même qu’ils avaient ensuite été occupés par un envahisseur étranger, encore qualifiés de latins par une annalistique (c’est le cas notamment de l’arx Aefulana, de l’arx Caruentana et de Vitellia) qui, d’une manière ou d’une autre, gardait la mémoire de ce très ancien passé commun.
678Comme, par ailleurs, aucun des prétendus doublets relevés par l’ancienne érudition dans la liste plinienne ne peut être sûrement considéré comme tel, il appert en fin de compte que les arguments avancés jadis contre l’authenticité de cette liste plinienne doivent être évalués avec la plus grande prudence : ni du côté de la philologie, ni de celui de l’« ethnologie », ni de celui de l’archéologie, le catalogue plinien ne peut a priori être estimé comme un faux : aucun de ses noms ne fait double emploi, tous ses populi sont bien latins, et l’absence de villes historiquement connues s’explique, tout simplement, par leur inexistence à la date du document. C’est en effet bien d’un document dont nous nous sentons maintenant autorisé à parler, et d’un document très ancien.
679Nous retrouvons dès lors le problème de la source de Pline, ou plus exactement de la source de sa source, que cette dernière soit à identifier avec Varron reprenant Caton, voire avec Auguste lui-même comme le proposait Ribezzo, hypothèse qui, de toute façon, rendrait presque nécessaire un passage par Varron. L’ordre alphabétique adopté par le texte de l’Histoire Naturelle n’est pas nécessairement dû, contrairement à ce qu’on en a dit parfois, à Pline lui-même, car, comme les recherches de L. W. Daily801 l’ont montré, cet ordre était en usage à Rome dès le second siècle av. n. è. À quelle époque pouvait donc appartenir le document que l’antiquaire utilisé par Pline aura recopié en classant alphabétiquement802 les noms de peuples qu’il y lisait ? Nous avons vu que le passage du S au M qu’atteste le nom des Manates/Sanates pourrait fort bien, selon M. Lejeune, caractériser une inscription remontant au ve siècle. Or c’est précisément, on s’en souvient, l’époque où l’on commença à graver les Fastes des Féries Latines et il est donc vraisemblable que les mêmes effets épigraphiques s’expliquent ici et là par la même cause, à savoir la mainmise du pouvoir romain sur le sanctuaire fédéral et son souhait de pérenniser et de solenniser une antique liturgie exécutée désormais à son profit.
680Cependant, si durables qu’aient été à Rome et en Latium certains archaïsmes – tels que la présence des Forcti et des Sanates dans le texte des XII Tables -, on ne saurait penser que la situation décrite par la liste plinienne corresponde à celle du ve siècle ni même à aucun des deux qui l’ont précédé, puisqu’elle est à placer, nous l’avons vu, à l’ère préurbaine. C’est pourquoi il nous faut distinguer deux questions qui sont la plupart du temps confondues : la date du document original d’une part, l’époque dont il est le témoignage d’autre part. En ce qui concerne donc la première question, si le ve siècle est une hypothèse plausible, on ne saurait exclure, à notre avis, une datation plus ancienne. La tradition antique (T50, 118 et 126) sur la fondation des Féries par les Tarquins est, nous a-t-il semblé, à prendre au sérieux : cette fondation, qui aura été beaucoup plus probablement la réorganisation aux fins romaines d’un culte préexistant, ne peut avoir été que l’expression religieuse de la suprématie – ou, nuance importante, de la volonté de suprématie – de Rome sur le Latium archaïque. Dans ces conditions, on peut supposer que, parallèlement à l’aménagement du sanctuaire, le pouvoir romain veilla à ce que fût gravé dans la pierre le nom de chacun des populi qui avaient constitué anciennement la première ligue latine dont il prenait maintenant la direction.
681Même datée au vie siècle, l’inscription, que nous pensons après bien d’autres savants avoir été à l’origine du texte de Pline ou plutôt de sa source, demeure toutefois postérieure d’au moins un siècle, et sans doute nettement plus, à la réalité dont elle était l’écho. Comment combler, du point de vue de la transmission de l’information, ce laps de temps considérable ? Il est très probable que la réponse soit à chercher du côté du souci de conservation de la tradition qu’impliquait le ritualisme antique. Nous avons naguère803 proposé de voir dans cette inscription la trace du rituel de réclamation des parts sacrificielles attesté par l’expression carnem petere (T2). Mais il faut bien avouer qu’à en juger par les deux textes (T29 et 32) qui en parlent, cette distribution semble s’être faite dans un certain désordre804, qui explique directement les oublis relatés par Tite-Live. Plusieurs autres solutions sont donc possibles pour cette inscription : lex arae ou templi, extrait de commentarius du Latiar, ou dédicace d’un monument quelconque. Quoi qu’il en soit, telle une inscription funéraire – cf. le interiere de Pline -, la liste des populi faisait revivre, l’instant de sa lecture, la ligue du Latiar dans son état premier, en montrant que la ligue désormais formée de cités continuait la tradition ancestrale. Ainsi, de l’ère latiale à l’époque archaïque, puis de cette dernière aux temps classiques, se trouverait établie la chaîne de mémoire qui, via Pline, a permis la conservation et la transmission, jusqu’à nos jours, d’un document exceptionnel.
682Ce document, que les Modernes connaissent grâce à l’Histoire Naturelle et qu’ils scrutent depuis deux siècles, les Anciens, avant Pline, l’ont-ils connu ? On soutient généralement que non, à l’exception de Warde-Fowler et de Carcopino, selon qui Virgile aurait, dans le catalogue des forces qu’il prête à Clausus, fait précisément allusion à la liste transmise par Pline : on y voit en effet défiler et Hortinae classes populique Latini (Aen., 7, 716) ; or, comme le remarquait le savant français, « après Casperia, Foruli, Nursia, après Horta, l’expression populique Latini doit désigner, non une agglomération de groupements, mais une communauté unique »805, et c’est pourquoi il proposait le rapprochement de ce passage virgilien avec la liste plinienne où, de fait, se succèdent sans intermédiaire Hortenses et Latinienses. En appelant ces derniers des Latini, le poète ne faisait pas autre chose que le Naturaliste dans un autre passage de son œuvre (3, 63), où ils sont désignés par la périphrase et qui ex agro Latino. Juste dans son principe, la démonstration le sera plus encore avec le nom du peuple d’Ortona : N. Horsfall806 a refusé cette lecture, qu’avait acceptée B. Rehm807, en arguant de l’incompatibilité entre la latinité d’Ortona et son appartenance, dans l’Énéide, au parti du Sabin Clausus. L’objection ne nous paraît pas fondée ; au moins met-elle involontairement en lumière l’habileté du poète : ne voit-on pas grâce à Tite-Live qu’Ortona fut au ve siècle prise par les Èques, c’est-à-dire par un peuple dont le caractère sabin était constamment reconnu par la tradition et souligné par Virgile lui-même, qui fait de la gens Aequicula (7, 747) l’alliée de Clausus ? Le poète rappelle également (ib., 706-709) que l’allié de Turnus est à l’origine de la tribu Claudia sur le territoire de laquelle se trouve précisément Ortona. Il est donc permis de penser, avec Carcopino, que Virgile a connu et utilisé la liste des peuples albains, ce que semble indiquer aussi l’emploi par lui du terme populi, présent chez Pline, – et déjà chez Varron (T2). On peut même, croyons-nous, ajouter à la démonstration de l’auteur de Virgile et les origines d’Ostie un indice supplémentaire : un peu plus loin dans le même passage, décrivant les troupes de Turnus, Virgile mentionne les ueteresque Sicani et Sacranae acies (7, 795-796). Nous avons proposé d’appliquer la remarque de Lejeune aussi aux Macrales suivant ces Manates où il avait reconnu des Sanates, ce qui nous a permis d’y identifier les Sacrani de la tradition : est-ce un hasard si, de nouveau, deux noms de la liste plinienne, Sicani et Sacranes, se retrouvent dans le texte de l’Énéide ? Nous ne le pensons pas. Ainsi, la liste albaine est présente dans l’Énéide, mais de façon allusive et voilée, dans la mesure même où Virgile entendait laisser dans l’ombre du futur une ligue albaine qu’il ne pouvait faire exister avant la fondation d’Ascagne. De la sorte, l’antériorité et l’intégrité, par rapport à Pline, de la liste transmise par l’Histoire Naturelle se trouvent sans doute confirmées par la présence de ces mêmes éléments chez Virgile. Faut-il également supposer, selon une suggestion faite par A. Magdelain808, que cette liste et cette ligue furent connues d’un autre auteur, Tite-Live, chez qui l’on trouve, une seule fois, mention d’un nomen Albanum (1, 23, 4) ? Si c’était le cas, cela s’expliquerait peut-être par la première place qu’occupent, dans la liste recopiée par Pline, les Albenses-Albani, ces derniers étant probablement entendus par Tite-Live comme les habitants d’une ville d’Albe à l’existence de laquelle il croyait.
683Nous avons jusqu’à présent laissé de côté la composition trentenaire de la liste plinienne, car nous ne pensons pas que, considérée en elle-même, elle pût prouver quoi que ce soit : on l’a d’ailleurs interprétée809, au choix, aussi bien comme un signe d’authenticité que comme une marque de falsification. Puisque la question ne saurait être étudiée de face, il vaut mieux l’aborder par le biais d’une autre démarche, et s’intéresser à l’absence présumée d’ethniques qui auraient pu et dû figurer dans un inventaire complet et véridique. Le manque des villes historiquement connues a été expliqué plus haut. Reste à comprendre les raisons de l’absence, finalement beaucoup plus étrange à notre avis, d’autres populi sûrement anciens et incontestablement établis en Latium : les Cabenses, les Laurentes et les Rutuli. On peut sans doute mieux comprendre que les Cabenses ne figurent pas dans le texte plinien, qui les mentionne de toute façon dans un autre passage (3, 64), à partir du moment où l’on donne, comme nous croyons devoir le faire, à l’ethnique Albani une définition large, incluant l’ensemble des populations vivant sur les pentes du massif albain et, partant, les habitants de Cabum, qui est sans doute à identifier avec Rocca di Papa810. De même peut-on arguer de l’origine non latine des Rutuli811, qui ont souvent été rattachés, sur la foi du texte de l’Énéide, aux Étrusques, pour justifier leur absence d’une liste albaine et latine. Mais comment expliquer que les Laurentes – c’est-à-dire le peuple qui joue, avec celui d’Albe, le plus grand rôle dans la légende des origines de l’Vrbs, et dont la participation au Latiar est prouvée – n’aient aucune place dans la liste des populi dits Albenses ? C’est là, à notre avis, l’une des questions les plus difficiles que pose l’étude de ce document, et nous ne prétendons pas, bien sûr, y apporter une réponse définitive. Deux solutions ont été distinguées par la recherche.
684La première, due à Seeck et suivie notamment par Jullian, Carcopino, Homo, Catalano, Pallottino et Cornell, consiste à expliquer cette absence par l’existence d’une ligue, rivale et symétrique, de Laurentes ; cette interprétation est d’ailleurs l’une des bases de la lecture qui donne à Albenses un sens collectif et fédéral. Cependant, il pourrait bien se faire que nous n’eussions là, en fait de preuve, qu’une hypothèse forgée à partir d’une autre hypothèse : car rien ne prouve décisivement que l’ethnique Laurentes ait désigné une réalité fédérale et autre chose que le populus de l’ager Laurens avant d’être celui de la ville de Lavinium. Surtout, cette vision de deux ligues latines, primitives, rivales et égales, se fonde en grande partie sur l’idée d’une Albe unitaire et regroupée, autrement dit sur la théorie d’une « ville » d’Albe qui nous a paru en réalité n’être qu’une légende. D’ailleurs, on serait bien en peine de trouver le moindre allié sûr à ce populus prétendument fédéral des Laurentes, et ce n’est pas le sanctuaire dit des treize autels, qui commence au vie siècle, mais nullement à l’ère préurbaine, qui prouvera le contraire. Si rivalité entre Albains et Laurentes il y aura eu, ç’au-ra été une rivalité décalée et, en bonne partie, fabriquée. On ne saurait à cet égard trop souligner la différence fondamentale, et bien connue, entre les deux pèlerinages que font, à dix jours d’intervalle, les Romains, sur le mont Albain puis à Lavinium : là-haut, ils sont au milieu de toutes les populations latines, rassemblées autour de leurs dirigeants ; là-bas, leurs magistrats vont seuls, dans une ville qui est, en grande partie, une fiction812 urbaine et institutionnelle. Saisissant contraste, qui illustre aussi bien l’ancienneté de la ligue fédérale que l’artificialité de la construction, religieuse et mythographique, destinée à en capter les effluves au seul bénéfice de Rome.
685C’est pourquoi la seconde voie explorée par la science nous paraît finalement plus praticable : elle consiste, nous l’avons vu, à reconnaître dans les Numicienses les riverains du Numicius, c’est-à-dire aussi bien les habitants du futur site d’Ardée que de celui de Lavinium. Il y aurait alors d’autant moins à s’étonner de l’absence des Laurentes dans le catalogue plinien, que l’ethnique Numicienses aurait suffi à désigner tous les habitants de la zone géographique à laquelle ils appartenaient.
686Peut-on encore, néanmoins, penser que la liste plinienne est, non seulement, composée d’éléments authentiques – ce que notre analyse terme à terme nous a permis, nous l’espérons, de démontrer -, mais complète, si bien que le nombre des trente populi qui y figurent aurait quelque signification ? Pour répondre, finalement, à cette question majeure, il convient d’essayer maintenant de prendre une vue d’ensemble de cette ligue plinienne : aux yeux de la plupart des savants, notamment Mommsen, Ashby, Beloch et Catalano, elle a paru se caractériser par des dimensions restreintes, voire exiguës ; d’autres, au contraire, dont Nissen, Beloch (en 1926) et aujourd’hui P. Carafa et A. Carandini, ont insisté sur sa vastitude. Avec raison selon nous : il suffit de considérer les localisations que nous avons rappelées ou proposées pour s’apercevoir que le territoire qu’elles dessinent déborde très nettement les limites du seul massif albain, atteignant même souvent celles que la géographie a fixées à la région tout entière : le Tibre, l’Anio, le front des contreforts de l’Apennin sur la plaine latiale, la mer ; il n’y a guère qu’au sud que la démarcation semble se confondre avec les derniers reliefs du massif albain lui-même. Mais il y a plus : fixée, en un essai sans doute imprudent mais nécessaire, sur la carte du Latium813, la dispersion de ces ethniques laisse apparaître une tendance qui n’a, à notre connaissance, jamais été relevée ; tout se passe comme si les hasards de la transmission manuscrite ou ceux du choix de Pline avaient dessiné une répartition topographique de ces peuples plaçant nombre d’entre eux en postes avancés aux marges extrêmes de la région ; beaucoup de ces différents noms tracent comme une ligne invisible et, disons le mot, comme une frontière, plus ou moins régulière mais dans l’ensemble assez nette. Réservons tout de suite les populi qui occupent le massif albain lui-même et comme le centre du système : Albani, Accienses, Coriolani, Ortonenses. Si maintenant on part de Rome pour suivre une circonférence dans le sens qui est celui de toute lustration, on aura la succession : Latinienses, Sacranes, Viminitellarii, Querquetulani, Velienses Bubetani, Sicani, Numicienses, Venetulani, Longulani et Polluscini, puis, à l’est, en remontant du sud vers le nord, les Apiolani, Tolerienses, Vitellienses, Sassulenses, Munienses, Tutienses, peut-être les Corniculani, les Fidenates. Vers le nord, d’autres populi forment comme une seconde ligne : ce sont les Bolani, Pedani, Aefulani, Sanates, Forcti, les Ocriculani contrôlant le débouché de la haute vallée du Tibre vers la plaine latiale. Ainsi les reliefs (monts Albains et Tiburtins) et les cours d’eau (Tibre, Anio, Numicius, Tolero) sont-ils les espaces d’agrégation de ces populi pliniens. Si l’on veut bien se souvenir que le site romain vaut d’abord, comme on l’a toujours dit, comme tête de pont et sentinelle du Latium, que celui de Tibur constitue un véritable verrou contrôlant les débouchés de toute la haute vallée de l’Anio, et que, parmi les autres sites identifiés avec de bonnes probabilités, beaucoup, nous l’avons vu, sont des forteresses naturelles égrenées tout au bord des massifs montagneux qui dominent la plaine latiale814, comme s’ils avaient eu à en surveiller les accès, le rôle véritable de nombre de ces populi albains apparaîtra désormais clairement : ils matérialisent la frontière d’un territoire commun dont ils assurent l’intégrité.
687Peut-être même pourrions-nous trouver un indice de la fonction de gardes-frontières remplie par ces populi dans le nom que portent trois d’entre eux : Ribezzo (p. 44) avait déjà proposé de reconnaître, à la base du nom des Tolerienses, la racine qui a donné le mot tular en étrusque, où il sert, comme on sait, à désigner la notion de frontière et de limite. De même, nous reconnaîtrions volontiers quant à nous, dans les Tutienses, les riverains d’une rivière marquant et protégeant le territoire de la communauté fédérale, de la Touta, dont l’importance dans le vocabulaire italique n’a pas à être soulignée ; quant au nom des Numinienses, ne pourrait-il pas être entendu, s’il devait être maintenu tel quel, comme celui du fleuve-limite du nomen ? Ne comprend-on pas mieux alors que le Tibre ait eu d’abord le nom d’Albula815, lui qui marquait de façon très nette, comme il apparaît au vu de la répartition de ces populi, toute la frontière nord-occidentale de cette ligue albaine ? Et n’est-ce pas dans un tel contexte que l’on pourrait aussi inscrire le sens militaire qu’avait à l’origine le mot même, qui n’est pas étrusque816, de populus ?
688Si elles ont quelque justesse, les observations et les hypothèses qui précèdent ne vont pas sans conséquences : elles nous permettent de répondre à la question posée plus haut, autrement que par une alternative un peu simpliste : la liste transmise par Pline n’est pas complète : l’absence des Laurentes, des Cabenses sinon des Rutuli est indiscutable ; elle n’est pas incomplète pour autant ! Plus exactement, elle est complète mais non exhaustive, dans la mesure même où elle n’est pas descriptive comme on l’a toujours cru, mais périégétique. Elle fait ainsi le tour d’une région étendue. On comprend alors pourquoi, dans le Latium qu’elle illustre, n’apparaît aucun des pagi, par exemple le pagus Lemonius, mentionnés par la tradition. Parce qu’elle dessine les contours d’un territoire, elle le représente totalement par métonymie : dès lors, il n’est plus besoin d’imaginer pour les besoins de la cause une autre ligue, contemporaine et rivale, qui n’avait d’autre rôle que de pallier les manques apparents de celle de Pline. Dès lors aussi, le total de trente qui est celui de ces populi (puisque le cas des Albenses doit être, d’une manière ou d’une autre, traité à part) reprend toute sa signification : il a bien la valeur magique qu’on lui a depuis toujours reconnue817 chez les Latins, et il exprime, lui aussi par métonymie, la totalité des peuples composant le nomen Latinum. Peu importe donc si, dans le détail, tel ou tel populus de l’intérieur – les Cabenses par exemple – n’y figure pas.
689La liste livrée par le texte de l’Histoire Naturelle est donc, à notre avis, un document authentique, ancien et complet, où la seule intervention extérieure a consisté à mettre ses noms dans un ordre alphabétique qui a paru à celui qui l’adoptait, en copiant l’inscription-source, plus clair qu’un ordre géographique – ou sacral ? – qu’il ne comprenait plus. Métonymie spatiale pour la ligue latine tout entière, la liste conservée par Pline sera passée également au rang de métonymie temporelle dans la suite des siècles, ce qui fait qu’elle pouvait encore, à l’ère archaïque, représenter et symboliser la Ligue, alors même que cette dernière avait évolué, que certains de ses populi avaient déjà disparu ou décliné et qu’elle incluait désormais des cités, inconnues au nomen de la protohistoire. Peut-être doit-on admettre, de ce point de vue, une suggestion faite par Ribezzo (p. 36) à propos des formes Cosuetani et Poletaurini que nous avons, après d’autres, corrigées en Caruentani et Polluscini, mais qui de fait apparaissent dans la tradition manuscrite : plutôt que de simples erreurs, il pourrait s’agir de la trace de tentatives de substitution opérées au cours même de l’histoire de la Ligue, au fur et à mesure que certains participants disparaissaient tandis que d’autres entraient en scène. Quant aux nouveaux populi qui n’avaient pu s’insérer de la sorte dans la liste canonique, on peut supposer, avec A. Magdelain818, qu’ils vinrent s’y ajouter comme surnuméraires. C’est donc dans la perdurance de sa fonction représentative et symbolique que nous verrons la cause première qui a sauvegardé jusqu’à Pline la liste trentenaire des populi Albenses ; c’est la participation de ces trente populi au Latiar du mont Albain qui fait bien d’eux des Latini, sans qu’on doive ici prendre encore en compte une diversité ethnique postérieure à la situation reflétée par cette liste. Cette première ligue latine et albaine est donc fondée sur une unité aussi bien ethnique que territoriale et, subsumant le tout, religieuse. Le caractère périégétique du document plinien laisse aussi transparaître une fonction défensive assez nette, surtout du côté de la frontière septentrionale. C’est dire que nous ne saurions souscrire à l’opinion communément reçue (Pallottino, Heurgon, Cornell) selon laquelle cette ligue albaine n’aurait eu que des pouvoirs religieux à l’exclusion de toute compétence politique ou diplomatique. À elle seule, l’inextricable imbrication du politique et du religieux qui caractérise toute société archaïque aurait de toute façon suffi à prouver le contraire819. Ajoutons que la trêve de Dieu dont les Féries Latines étaient l’occasion (T128) impliquait également la possibilité d’actions menées en commun par la confédération. Sur le terrain, la distribution même des établissements des prisci Latini sur les limites de la région ne peut guère s’expliquer que par une volonté collective de défendre ensemble un territoire « national ». Ce n’est que plus tard, avec la formation des cités en Latium et l’émergence d’alliances autour de telle ou telle d’entre elles (par ex. Lavinium, Ardée, Aricie), que l’antique ligue albaine perdra tout rôle politique.
690Pour la ligue latiale, on se gardera de faire de cette frontière une ligne bien définie et continue, à l’image de celles que le traité d’Amsterdam a abolies en Europe ; on imaginera plutôt une espèce de marche, aux contours fluctuants ; zone frontière, donc, beaucoup plus que ligne frontalière, selon la fondamentale distinction mise en place au siècle dernier par le géographe Friedrich Ratzel, dont l’œuvre a été remise en lumière par Pierre Toubert820.
691Dispersés aux quatre coins d’un vaste territoire, les peuples latins se retrouvent chaque année pour le sacrifice du Latiar sur une montagne qui est, pour toute la Ligue, le lieu commun où se forge et se ressource son identité, le lieu saint de la religion ancestrale, et le haut lieu821 autour duquel s’ordonne la vie des peuplades de toute la région. On retrouve la définition donnée par Varron (T2) qui, abstraction faite de son habillage étiologique, exprime de la manière la plus exacte cette unité première à la fois territoriale, ethnique et sacrale. En termes de géographie historique et phénoménologique, on peut donc dire que le Monte Cavo fut le producteur de l’identité nationale (au sens antique) latine. Ne serait-ce pas d’ailleurs cette prédominance d’un culte fédéral qui pourrait expliquer ce qui a été si souvent remarqué par les archéologues mais jamais expliqué, à savoir la stabilité des habitats du Latium entre l’âge du Bronze et celui du Fer ? Stabilité et continuité qui contrastent si fortement avec ce qui s’observe dans l’Étrurie protovilla-novienne, où l’on voit la vie urbaine éclore brusquement sur des sites jusque-là déserts ou peu fréquentés. En Latium, tout au contraire, Rome, et Tibur, surgiront et se développeront sur les lieux mêmes où vivaient depuis longtemps des communautés sacrifiant au Latiar du Monte Cavo. Le fait mérite d’être souligné, sans, bien sûr, être surévalué, tant il est vrai que Rome et Tibur connurent chacune une évolution très différente.
692Replacée dans cet éclairage latial, la fonction augurale du mons Albanus, alias arx Albana, prend désormais toute sa signification : pour chacun des populi disséminés dans toute la région et qui, tous, l’ont sans cesse à leur horizon, la montagne fédérale est le centre mystique, et, à notre sens, le foyer augural d’où procède alors tout acte public et, partant, religieux. Par rapport à cette réalité albaine, qui est une réalité confédérale, l’émergence du fait urbain en Latium se traduira, à notre avis, par l’autonomie croissante prise par certaines des arces locales qui se substitueront, mais sans l’éliminer totalement, à l’arx commune du nomen, ainsi que, parallèlement, par une délimitation augurale devenant spécifique à ces arces et se traduisant, à chaque fois, par la formation d’un ager désormais distinct. C’est de la sorte que la Ville naît de la Ligue, en l’imitant et en s’opposant à elle. Voilà pourquoi, selon nous, coexistent chez Varron et le souvenir d’un ager Latius unitaire et la définition d’agri urbains plus restreints822.
693Ces correspondances entre Ligue et Ville peuvent donc être ajoutées à celles que la recherche a, depuis longtemps, mises en lumière sans toutefois s’accorder sur la chronologie et la signification qu’il convient de leur donner : la plus évidente, mais aussi la plus obscure, tient à la structure même de ces deux formes d’association, les trente curiae de l’Vrbs répondant aux trente populi du nomen Latinum823. Trois noms de populi évoquent directement ceux de curies romaines : les Acc-(ule)ienses, les Foreti, les Titienses ; pour plusieurs autres, que nous avons situés en Latium, une localisation romaine reste une possibilité sérieuse : il s’agit des Mucienses, Querquetulani, Sacranes et Sicani, tandis que les Sanates semblent dotés d’une certaine mobilité. La récurrence de ces ubiquités fait supposer qu’il puisse ne pas s’agir d’un simple hasard ; on y verra plutôt la trace de l’hospitalité – certes intéressée ! – offerte par les curiae du site romain aux populi du nomen Latinum. Mais cette relation spéculaire et consubstantielle824 révèle aussi des différences profondes : car d’un côté, celui du Latiar, associant des populi, divers mais tous latins, dans le culte commun du Jupiter de la montagne albaine, l’unité « originelle » (du moins qui peut être considérée comme telle si on ne remonte pas avant la première phase latiale) s’accompagne d’une grande dispersion topographique aux quatre coins du Latium ; de l’autre, celui de l’Vrbs fondée au bord du Tibre, la diversité ethnique d’une communauté qui, dès ses débuts, accueille largement, selon les affirmations d’une tradition particulièrement insistante, les arrivants de toute provenance, se réalise dans la stricte unicité d’un lieu urbain, et restreint, auquel le droit augural confère une immutabilité sacrée. Ainsi s’opère, entre Ligue et Ville, une espèce d’équation différentielle où chacune apparaît à la fois comme le modèle et l’inverse de l’autre.
694Comment d’ailleurs est-on passé de l’une à l’autre ? À notre avis, il se peut que, dès la protohistoire latiale, le déroulement même de la liturgie des Féries Latines ait contribué autant à l’émergence des particularismes qu’au renforcement des solidarités communes, autant à l’éclatement de l’antique confédération qu’à son annuel renouvellement. Pour au moins une journée, en effet, chaque populus se mettait en marche, derrière ses dirigeants et ses prêtres, vers le sanctuaire commun : la localisation de *Cabum à Rocca di Papa suggère que c’est la uia Latina que les Velienses, Querquetulani, Acc(ule)ienses, Viminitellarii, Sacranes, ainsi que les Latinienses et les Fidenates, empruntaient alors, pour ce pèlerinage annuel et collectif ; et c’est, nous a-t-il semblé, la mise en service de l’aqua Ferentina qui entraînerait un jour, mais bien plus tard, le recours à un autre itinéraire passant par la future uia Appia, alors sans doute appelée, selon nous, uia Nemorensis825. Toujours est-il que si, une fois tous arrivés là-haut sur la montagne, le grand rassemblement du Latiar permettait de dépasser les querelles de clans et de revivifier un patriotisme fédéral, cet aller et retour, des bords du Tibre au sommet albain, a pu aussi éveiller chez chacun des pèlerins826 un autre sentiment, plus neuf et moins unanimiste, celui qui naît de la conscience d’appartenir à une communauté spécifique et plus proche. Ce processus pouvant jouer, par définition, pour chacun des populi du Latiar, on peut en conséquence dire que le fait fédéral contenait en lui-même les éléments de sa transformation. C’est ainsi que, de la protohistoire à l’archaïsme, l’histoire du nomen Latinum peut être définie comme le passage d’une confédération primitive – où chacun des populi qui la composent a part égale au sacrifice commun et poids égal dans les décisions collectives – vers une fédération dont l’un des membres, en l’occurrence Rome, acquiert – pour des causes du reste étrangères à la panégyrie du mont Albain – la suprématie sur les autres. Ainsi le Latiar apparaît-il comme un sanctuaire qui fut successivement confédéral, puis, par rapport à l’Vrbs, extra-urbain, et enfin péri-urbain.
695Pouvons-nous maintenant dater, plus exactement qu’on ne l’a fait jusqu’à présent827, la situation illustrée par le document plinien ? Le principe d’une chronologie haute – soit entre le xe et le viiie s., voire pas après le ixe siècle – prévaut désormais. Il serait peut-être imprudent de vouloir préciser davantage828 : contentons-nous de souligner qu’on doit être là à une période antérieure à l’unité et à la fondation de Rome, mais qu’on est aussi à un moment où s’est déjà bien affirmé, nous l’avons vu, un véritable phénomène d’incastellamento en Latium ou, du moins, d’arrocamento. Ajoutons que cette liste des populi nous semble, au vu notamment du cas des Sicani, de celui des Sacranes ou des Sanates, refléter des formes de peuplement sans doute moins stables que celles qui prévaudront à partir de l’époque archaïque. Donc, par certains aspects, cette liste tient du passé le plus lointain, celui d’un peuplement dispersé et encore presque nomade ; par certains autres, elle annonce déjà l’avenir, celui d’habitats fixes, proto-urbains puis urbains. En ce qui concerne la consistance numérique de ces populi et l’étendue de territoire contrôlée par chacun d’entre eux, diverses estimations ont été proposées, qui vont du simple au décuple829 ; notre propre interprétation nous interdit évidemment d’en proposer même une approximation, puisque nous admettons que les populi participant réellement au Latiar aient pu ne pas y figurer au complet. Il reste qu’il nous paraîtrait inexact, et excessif par défaut, de définir, ainsi qu’on l’a fait830, chacun d’eux comme un « groupuscule », correspondant à un « village minuscule ». L’exemple d’Osteria dell’Osa et celui du site romain donnent plutôt l’image de communautés regroupant quelques centaines d’individus et pouvant comprendre plusieurs villages dispersés dans une même zone.
696Par ailleurs, on a souvent comparé ces populi Albenses à la ligue du Septimontium. Si utile et si suggestif que soit le parallèle831, il ne doit pas être poursuivi trop loin : comme l’indique son nom, le Septimontium marque une forme d’association où l’établissement en un lieu (montes), l’attachement à un territoire défini semblent déjà l’emporter sur la définition strictement démographique de la communauté ; en termes assurément anachroniques et inexacts, on pourrait dire qu’ici le droit du sol commence à s’affirmer, alors que là règne le droit du sang. Bref, le stade des populi dits Albenses nous semble antérieur à celui du Septimontium, quels que soient les rapports indéniables qu’entretiennent ces deux types de regroupement, le Palatuar de l’un répondant au Latiar de l’autre. Il revient aux archéologues832 de transformer cette chronologie relative en chronologie absolue.
697Au total, il nous est apparu que la liste transmise par Pline nous livre la première attestation connue du nomen Latinum : une ligue, latine donc, préurbaine, préromaine et préétrusque. On peut dire, avec Seeck, qu’elle constitue le plus ancien document de l’histoire de la péninsule, mais en en rehaussant la date, par rapport à celle que proposait il y a plus de 125 ans le savant allemand, d’au moins deux siècles833.
698Pourrait-on continuer, comme nous avons tenté de le faire depuis le début de cette étude des Féries Latines, à remonter plus avant le cours du temps, ce qui voudrait dire passer de la protohistoire à la préhistoire ? Cela ne nous paraît guère possible en l’état actuel de notre documentation. Tout au plus se demandera-t-on si, avant les débuts de la civilisation latiale et avant même l’arrivée ou la formation d’un ethnos latin, le mont qui n’était pas encore Albain ne jouait pas déjà, auprès des populations environnantes, le rôle de montagne sacrée, sur le modèle que fournit maintenant l’étude du mont Bego, quelles que soient les interprétations qui doivent en être retenues834. Dans ce cas, l’emploi par certains textes835 du seul mot mons pour désigner le lieu des Féries, comme si, désignant la montagne par excellence, il n’avait pas besoin de précision supplémentaire, pourrait être l’écho lointain d’une phase primitive du culte, au cas où il ne s’agirait pas d’une simple abréviation usuelle. On pourrait peut-être penser alors à l’Albsi patre836 qui apparaît à Alba Fucens, s’il n’est pas une création tardive, et spécifique à cette colonie. Le sacrifice même d’un taureau à Jupiter, visiblement un peu hétérodoxe du point de vue de la religion romaine classique, pourrait aussi être la trace de ce que nous appellerons, faute de mieux, une religion méditerranéenne. L’analyse comparative peut aussi faire supposer que, dans le taureau mis à mort sur le mont Albain, c’était le grand dieu lui-même (peut-être non encore désigné sous le nom de Jupiter) qui était sacrifié, en préparation de sa régénérescence future au printemps suivant. Quant à la couleur blanche requise pour l’animal, on peut estimer qu’elle illustre bien cette religion de la fertilité : bien entendu, par la suite, selon un de ces jeux de mots chers à toute liturgie, cette prescription rituelle aura paru renforcée par le lien entre le nom du lieu où le sacrifice était célébré, Alba, et l’adjectif qui désigne la couleur blanche, albus. En tout cas, la localisation sur le Monte Cavo de ce qui deviendra les Féries Latines, n’a pu se faire que dans une situation préromaine, et où les populations septentrionales jouaient un grand rôle dans la fédération, ce que reflète l’importance du site de la future Tibur dans la liste plinienne. Le mons Albanus latin est donc bien une montagne magique, divine et cosmique, et son intégration dans la religion de l’État romain n’a pas totalement effacé ces caractères fondamentaux.
CONCLUSION
699Cependant, plus que vers un avant qui reste presque insaisissable, c’est vers un après qui devrait l’être un peu moins que s’ouvrent à la recherche quelques perspectives. La question de la validité de la notice de Denys d’Halicarnasse (T50) sur la composition de la ligue latine à l’époque royale, reste ouverte : si ce texte, notamment en ce qui concerne la participation hernique, se trouvait un jour confirmé, cela voudrait dire que la monarchie romaine aurait introduit dans l’antique confédération un principe de diversification ethnique, sans doute venu de l’exemple de l’Vrbs elle-même. Par ailleurs, nous ne nous cachons pas qu’une des principales objections que l’on peut faire à notre interprétation « périégétique » du texte plinien est qu’elle reste sans parallèle connu ; par contre, l’étendue de la région où il convient de chercher ces populi paraît un fait qui n’est guère contestable, et qui pourrait expliquer837, en fin de compte, l’affichage de cette inscription par un pouvoir romain contrôlant le Latiar et aspirant à en prendre la direction. On touche ici à la question classique d’une éventuelle hégémonie de la Rome archaïque sur le Latium : sans doute le débat, tant du côté des partisans d’une « grande Rome des Tarquins » que de celui de ses adversaires, est-il mené avec trop de factualisme. On ne peut pas, en dernière instance, prouver – il faut l’admettre – que la Rome de la dernière période royale ait dominé le Latium et, en particulier, les monts Albains ; on peut seulement le supposer, comme nous avons essayé de le faire, à partir d’indices – notamment l’aqua Ferentina – que d’autres savants interprètent avec une chronologie plus basse. Mais si la réalité de cette hégémonie reste un sujet de discussion, l’existence d’une volonté en ce sens de la part de Rome ne nous paraît pas contestable, et de cette volonté, l’aménagement grandiose du Capitole, maintenant prouvé par l’archéologie838, offre un signe manifeste. Les derniers rois de Rome n’ont peut-être pas réussi à soumettre la fédération latine ; au moins, parce qu’ils ont inscrit cette ambition dans l’urbanisme et la religion de l’Vrbs, pouvons-nous avoir la certitude qu’ils l’ont tenté. Ce qu’on voit bien dans les analogies existant entre le mont des Féries Latines et le Capitole, analogies que Wissowa avait mises en lumière dès 1912, mais auxquelles K. Latte voulut retirer toute signification839. Car on trouve ici et là : un lieu de culte qui est une hauteur, un dieu principal, Jupiter, et au moins une autre divinité, Iuno Moneta ; le même sacrifice d’un taureau blanc, une même cérémonie, le triomphe, que son bénéficiaire célèbre avec un char tiré par des chevaux blancs. Entre les deux lieux saints, celui de Rome et celui du mont Albain, la ressemblance – rivalité d’abord, devenue ensuite complémentarité – ne peut pas être niée ou minorée, et elle a une signification historique.
700Ce n’est pas, bien sûr, qu’il faille imaginer une espèce de ligue albaine, traversant intacte les siècles : la confédération des populi de l’ère latiale, dont le rôle n’avait pu être seulement religieux, ne saurait être mise sur le même plan que le rite, fédéral dans sa lettre mais romain dans son esprit, célébré sous la présidence de l’Vrbs. Quelle que soit la date de cette prise de contrôle – vie, ve ou ive s. -, elle a changé profondément la nature des réunions du nomen Latinum, par ailleurs soumis aux forces centrifuges nées de la métamorphose de plusieurs des anciens populi en cités indépendantes. Érigeant en paradigme le rapport d’identité-altérité qu’elle avait avec les Latins, Rome a internationalisé le vieux sanctuaire et dépassé, peut-être dès l’époque royale, le stade ethnique de la confédération préhistorique. Compte tenu de l’ampleur des conséquences qu’allait avoir, pour l’expansion de l’Vrbs, la plasticité, souvent soulignée, de l’accès à la citoyenneté ménagé par le droit latin, ius Latii, nous pouvons considérer cette histoire des Féries Latines, panégyrie du nomen Latinum, comme porteuse de sens quant au devenir même de l’imperium Romanum : lors des Féries Latines du mont Albain, Rome, chaque année, mettait désormais en scène, grâce à un rite venu de ses plus lointaines origines, son ouverture au monde et sa vocation à le dominer.
Notes de bas de page
1 Comme l’ont vu, par ex., M. A. Galosi, in Arch. Laz, 2, 1979, p. 63 et A. Pasqualini, « I miti Albani e l’origine delle Feriae Latinae », in Alba Longa 1996, p. 218, n. 8. La longévité des Féries avait été soulignée par W. Warde-Fowler, The Roman Festivals of the Period of the Republic, Londres, 1899, p. 96.
2 Supra p. 267 et s.
3 Ed.-trad. J. Collart, Paris, 1954, p. 35.
4 Ed.-trad. P. Flobert, 1985, p. 15 : Collection des Universités de France, comme pour les traductions qui suivent ; sinon la ville d’édition est indiquée ; l’absence de réf. signifie que la trad. est nôtre.
5 Ib., p. 17.
6 Ed.-trad. L. A. Constans, 19504, 1, p. 73 (= l. 8).
7 Ed. Constans, 19503, 2, p. 145 ( = l. 104) ; les mots en italiques indiquent une modification de la traduction.
8 Ib., p. 146 (= l. 105).
9 Ed.-trad. L. A. Constans et J. Bayet, 19622, 4, p. 159.
10 Ed.-trad. P. Grimal, 1976, p. 72. La phrase, dirigée contre l’adversaire de Plancius, Laterensis, originaire de Tusculum, a une coloration ironique.
11 La République, éd.-trad. E. Bréguet, 1980, p. 203 et 207.
12 Ed.-trad. A. Boulanger, 1949, p. 127.
13 Ed.-trad. J. Soubiran, Cicéron, Aratea, fragments poétiques, 1972, p. 240-241. En se fondant sur cette mention d’une éclipse de lune par Cicéron, P. Brind’Amour a pu fixer la date de célébration de ces féries au 26 ou, mieux, 27 avril 63 : cf. Le Calendrier romain, Ottawa, 1983, p. 56-62.
14 Ed. A. S. Pease, 1955, (Darmstadt, 1968) : le dialogue a été écrit en 45 (p. 21) et est censé avoir eu lieu entre 77 et 75 (p. 25).
15 Ed.-trad. P. Fabre, 2, 1947, p. 7 et p. 106 pour le tableau chronologique.
16 Ed.-trad. Ailloud, 19572, 2, p. 114.
17 Ed.-trad. F. Villeneuve, Paris, 1934, p. 71. Voir aussi T141.
18 Ed.-trad. J. Bayet et G. Baillet, 1940, p. 49.
19 Ed.-trad. id., p. 51. Cf. aussi T56.
20 Ed.-trad. G. Baillet, 1954, 3, p. 29.
21 Ib., p. 32.
22 Ib., p. 84.
23 L. 7, Ed. J. Bayet, trad. R. Bloch, 1968, p. 48-49. À la date traditionnelle (rappelée ici), P. Brind’Amour (Le Calendrier..., o.c., p. 190), se fondant sur ce qui est peut-être une allusion à une éclipse de soleil, oppose une datation au 14 juillet 337.
24 Ed.-trad. R. Bloch, C. Guittard, 1987, p. 29.
25 Ed.-trad. P. Jal, 1988, p. 79-80. La forme Latiali est donnée par plusieurs manuscrits. Sur les accusations d’impiété à l’égard de Flaminius, cf. M. Caltabiano, « Motivi polemici nella tradizione storiografica relativa a C. Flamino », Contr. Ist. St. Ant. Sacr. Cuore, 4, 1976, p. 102-117.
26 Trad. Nisard, 1, Paris, 1864, p. 531. Le sacrifice albain apparaît donc comme indispensable au pouvoir consulaire.
27 Ed.-trad. F. Nicolet-Croizat, 1992, p. 14.
28 Ib., p. 24.
29 Ed.-trad. P. Jal, 1991, p. 42.
30 Id., 1998, p. 22 (amendée pour arbor). Voir aussi 27, 11 : cruentam etiam fluxisse aquam Albanam quidam auctores erant.
31 Id., 1995, p. 24.
32 Ed.-trad. B. Mineo (amendée), 2003, p. 3.
33 Ed.-trad. G. Achard, 2001, p. 33.
34 Ib., p. 33-34. Voir aussi Inscr. It., 13, 1, p. 78, fg. 23.
35 Ed.-trad. J. M. Engel, 1983, p. 6.
36 Ed.-trad. R. Adam, 1982, p. 72.
37 Ed.-trad. C. Gouillard, 1986, p. 72. Au § 2, l’éd. Weissenborn-Muller porte « nix » au lieu de « nox ». Sur la chronologie, cf. P. S. Derow, « The Roman Calendar, 190- 168 B.C. » in Phoenix, 27, 1973, p. 345-356. Pour que la remarque sur la durée de l’hiver ait un sens, on doit être à peu près en avril.
38 Livres 41-42, éd.-trad. P. Jal, 1971, p. 21-22. Le magistratus Lanuuinus est sans doute le dictator attesté pour cette ville.
39 Ib., p. 40-41. Texte lacunaire ; < et aedem pro >, que propose W. Richter in RhM, 104, 1961, p. 261, est une restitution sur laquelle P. Jal (p. 165) se montre dubitatif, traduisant cependant aedem par « temple », alors que, si l’on accepte le rapprochement avec Dion Cassius (T107), il faut comprendre « maison » : nous proposons ici une nouvelle restitution, défendue infra p. 611.
40 Ib., p. 58.
41 Ib., p. 71.
42 Ib., p. 90.
43 Livres 43-44, éd.-trad. P. Jal, 1976, p. 20.
44 Ib., p. 56.
45 Ib., p. 58. La contradiction entre cette date ( = 12 avril) et celle de T44 ( = 31 mars) tient peut-être, plus qu’à une erreur de Tite-Live, à une accélération du départ des consuls pour la Macédoine.
46 Ib., p. 60-61.
47 Ib., p. 63 (parenthèse ajoutée par nous). On lira l’importante note ad loc. consacrée par P. Jal (p. 164-167) aux grandes difficultés de chronologie que pose ce passage : la cause en est sans doute dans les désordres probables du calendrier romain lui-même (on ne sait s’il y eut ou non intercalation en 168), dans les différences entre calendriers grec et romain, et dans le mélange non maîtrisé de computs de diverse origine qu’on peut soupçonner chez Tite-Live comme chez d’autres historiens antiques (par ex. Plutarque). En conséquence, on peut hésiter, pour la date des Féries en cette année 168, entre février julien et fin mai (hypothèse la plus convaincante selon nous, compte tenu de la date, fixée sûrement, de l’éclipse de lune du 21/22 juin, et des considérations sur la brièveté de son séjour en Grèce avant Pydna mises par Polybe et Tite-Live dans la bouche même de Paul-Émile).
48 Livre 45. Fragments, éd.-trad. P. Jal, 1979, p. 5 et n. p. 78 : la date équivaut au 27- 29 août julien : cf. S. I. Oost, « The roman calendar in the year of Pydna (168 B.C.) », in C.Ph., 48, 1953, p. 217. Certains éditeurs (Madvig, Wesenberg, Hertz) suppriment Latinae et rapportent elindictae à supplicationes. Le retard de deux mois et demi qu’il y a entre la victoire d’Anicius et les supplications la célébrant constitue un problème, peut-être dû (éd. Jal, p. XLV) aux anomalies du calendrier officiel ; le lien entre ces supplications et l’itération des Féries n’est qu’une hypothèse (ib., p. 79).
49 Ib., p. 23 ; cf. 42, 7, 1 (173 av. J.-C.) à propos de sa victoire en Corse : Vouerat in ea pugna praetor aedem Iunoni Monetae.
50 Ib., p. 59.
51 Ed.-trad. (modifiée) J. H. Sautel, 1999, p. 53-54.
52 Ib., p. 59.
53 Pour cet extrait des A.R. et les suivants, le texte est celui de l’éd. C. Jacoby, 18851905, 4 vol. ; la traduction est nôtre.
54 Ed.-trad. F. Lasserre, 3, 1967, p. 77-78. Dans son éd. commentée (1856), A. Forbiger situait Albe à Rocca di Papa (p. 157).
55 Ib., p. 82.
56 Ed. J. Bellemore, Bristol, 1984 ; traduit par nous ; pour le commentaire, cf. l’éd. B. Scardigli, Florence, 1983, p. 82-83 : les deux consuls sont probablement Q. Fufius Calenus et P. Vatinius, nommés début octobre 47 par César à son retour d’Orient (sept. 47) pour la fin de l’année. Il apparaît que N.D. a confondu le titre de praefectus urbi fer. Lat. avec celui de pontifex, d’où son recours au mot ίερείς ; la raison pourrait en être, à notre avis, une mélecture à partir d’un document épigraphique (ou juridique, mais abrégé), le biographe d’Auguste ayant interprété l’abréviation P pour praefectus comme désignant, vu le caractère sacral des Féries dont la mention suivait, un pontifex.
57 Les restitutions proposées ici sont celles de l’éd. de Muller, 1839, p. 177, la traduction est celle de Savagner, 1846, amendée (ici p. 308). Les références sont données à l’éd. Lindsay 1913 (L), et id., Glossaria Latina, 4, Paris, 1930 (L2), qui donne l’estimation du nombre de lettres manquantes.
58 Nous proposons la restitution : a Cornificio.
59 Nous proposons [di]-scit ou [po]-scit, avec Cornificius comme sujet ; la restitution de Muller, [solitos iis diebus], est arbitraire : nous suggérerions plutôt un accusatif de durée [eos dies], à titre, bien sûr, de simple hypothèse.
60 Trad. A. Savagner (p. 339), fortement amendée. Rappelons le lemme précédant celui-ci (212L) : Oscillum Santra dici ait quod oscellant id est inclinent praecipitesque afferantur, « Santra dit qu’on appelle ainsi les balançoires, parce qu’elles oscillent, et sont poussées de haut en bas ».
61 Ib., p. 357, amendée pour les mots aes et pro qu’il traduit par « argent » et « pour ».
62 Ed.-trad. R. Combès, 1995, p. 259. Cf. T69.
63 Ed.-trad. Bourgery, 1926, p. 10. Pour ces citations T60 à T65, l’éd. de Lucain par Shackleton Bailey, Stuttgart, 1988, donne le même texte.
64 Ib., p. 25. Sur ces vers et le doublet qu’ils semblent former avec les vv. 400-402 du l. 5, cf. M. Rambaud, « Une prétendue erreur de Lucain », in REL, 37, 1959, p. 108-110 = id., Autour de César, 1987, p. 399-401, selon qui les Féries auraient bien été célébrées deux fois en 49 : la première (cf. T99) par le Sénat en lutte contre César ; la seconde par César vainqueur, s’appuyant sur sa qualité de Grand Pontife ; la source de ces deux passages de Lucain serait Tite-Live (l. 90 ?). Relevons néanmoins l’affirmation explicite de Plutarque ( = T76) selon laquelle les consuls de 49 auraient quitté Rome sans célébrer les Féries : si l’on veut donc que Lucain ait eu raison de parler de deux célébrations en 49, il faut nécessairement donner tort au biographe grec (qui aura peut-être pris pour argent comptant un thème de la propagande césarienne sur la non-valeur de la première célébration ?). Il reste qu’un fulmen était, au moins à Rome, du point de vue augural, un uitium, invalidant toute la cérémonie qui suivait (cf. infra n. 432), ce que le Grand Pontife ne pouvait ignorer et qu’il a peut-être exploité à son avantage. Voilà qui pourrait expliquer les apparentes contradictions des sources anciennes sur cet épisode. Selon S. Weinstock, Diuus Julius, Oxford, 1971, p. 322, César a recélébré les Féries en décembre 49, pour marquer les succès qu’il venait de remporter, contre Pompée ou en Gaule.
65 Ed. Bourgery, ib. S’agit-il de l’autel romain ? C’en serait la seule attestation.
66 O.c., p. 67. Cf. aussi Adnotationes..., I. Endt éd., o.c., ad v. 87 : quia consules ad Albanum montem sacrificiorum gratia ire consuerunt.
67 Ib., p. 151 (trad. ici amendée).
68 Ib., 2, p. 62. En 8, 219, Jupiter albain est Latius Tonans (cf. Mart., 9, 65, 1).
69 Ed.-trad. H. Zehnacker, 2004, p. 39. Les manuscrits portent un -g-, corrigé en -c dès 1492 par Barbaro et en 1861 par Mommsen (Bull. Inst., p. 206), sur la base d’un rapprochement avec l’épigraphie (CIL, 14, 2228).
70 Nous reproduisons ici le texte des éd. Mayhoff (1, p. 259) et Zehnacker (p. 41-42), en nous réservant de donner d’autres restitutions, au cours de l’analyse spécifique que nous consacrons plus loin à ce texte : cf. infra p. 676 et s.
71 Ed.-trad. J. André, 1958, p. 53.
72 Id., 1960, p. 60 ; voir la note p. 121, qui rappelle que Pap. Maso fut consul en 231 av. J.-C. et qu’il battit les Corses (ou les Sardes ? cf. Fest., 131L) en un endroit appelé campi Murtei (Zon., 8, 18). Cf. aussi T59.
73 Ed.-trad. (amendée) Ernout, 1959, p. 36, qui note (p. 85) que le mot est un emprunt au grec άψίνθιον. Cet usage romain n’étant mentionné qu’ici, l’information de Pline aura sans doute été d’origine antiquaire et romaine ; selon Ernout, il s’agissait « probablement » d’absinthites (cf. Hist. N., 14, 109 et Col. 12, 35, 1). Enfin, l’expression Latinarum feriis ne nous semble pas signifier, comme la traduit Ernout, « aux Féries Latines », mais désigne plutôt, à notre avis, les manifestations accompagnant, ailleurs que sur le mont Albain, celles-ci, d’où l’emploi du génitif ; il nous paraît également inexact de traduire quadrigae certant par un pluriel (« courses »).
74 Ed.-trad. (amendée) Le Bonniec, 1953, p. 152-153 ; la victoire de Carvilius, en -293, donna aussi lieu à la construction d’un temple de Fors Fortuna (Liv., 10, 46, 14).
75 Ed.-trad. Flacelière-Chambry-Juneaux, 1, 1957, p. 90.
76 Id., 2, 1961, p. 157.
77 Ib., p. 204 ; s’agit-il d’une confusion avec les ludi Maximi ? Liv. (6, 42) ne parle pas des Féries.
78 Ed. Flacelière et Chambry, 4, 1966, p. 219-220. Sur ce triomphe, cf. T26 et Val. Max. 2, 8.
79 Ed.-trad. Flacelière et Chambry, 9, 1975, p. 183. Cf. supra n. 63.
80 Ib., p. 210.
81 Ed. P. Wuilleumier, 1975, p. 35 ; trad. P. Grimal, Paris, 1990, p. 545.
82 Ib., respectivement p. 95 et p. 584-585 ; cf. aussi Liv., 1, 20 et 59 et D.H., 4, 12.
83 Ed.-trad. Labriolle et Villeneuve, 1921, p. 108. Tout ce passage fait allusion au rituel des Féries Latines. Voir E. Courtney, A Commentary on the Satires of Juvenal, Londres, 1980, p. 407-408, qui relève les nombreux archaïsmes du texte (par ex. robum, cf. Fest., 325L), la pertinence de l’adj. peruigiles par rapport à la partie nocturne du Latiar, et la construction instaurare popinas évoquant, sur le mode comique, la formule consacrée instaurare Latinas. Il semble bien que la porte iduméenne soit la porte Capène, c’est-à-dire celle par où passait, à l’aller et au retour, la procession pour le Latiar. En ce cas le nom de roi adressé au consul n’est peut-être pas sans signification.
84 Ed.-trad. Ailloud, 1, 1931, p. 53 (qui souligne, p. 153, que ce type de bandelette était un insigne royal).
85 Id., 2, 1932, p. 77. I. Gradel, « Iuppiter Latiaris a. Human Blood. Fact or Fiction ? », C&M, 53, 2002, p. 235-254, souligne le caractère forcé du parallèle établi d’ordinaire avec T109 sur la base d’un texte modifié : il ne s’agit donc plus d’un nom pris par Caligula lui-même, mais d’un surnom ironique donné par des opposants pour stigmatiser la cruauté de l’empereur par une allusion, non vue jusqu’ici, au rite sanglant du Latiar.
86 Ib., p. 157.
87 Ed.-trad. P. Jal, 1967, p. 17. Voir aussi T118bis.
88 Ed. Mommsen, 1, 1870, p. 7. Ce texte offre des analogies avec le passage de Tacite cité T79, où apparaissent des expressions analogues : quotiens, profectis (correspondant à proficiscuntur), ius reddere pour ius dicere et relative au subj. ; dein pour postea et ob + acc. à la place de gén. + causa ; et surtout la même succession : règle générale puis cas particulier des Féries Lat. La chronologie interdisant de conclure à une influence directe d’un des auteurs sur l’autre, on pensera plutôt à une source commune : serait-ce le discours – assurément érudit – que Claude, d’après Syme, aurait pu prononcer devant le Sénat, à l’occasion de la nomination de L. Volusius Saturninus ? Cf. le commentaire ad loc. de Koestermann, 2, Heidelberg, 1965, p. 266, et R. Syme, Tacitus, 2, Oxford, 1958, p. 709.
89 Ed. Hartel in CSEL 3, 3, 1871, p. 7 ; trad. A. Boulanger, 1933 ; sur la tradition du texte de Novatien, cf. P. Petitmengin, in REAug, 21, 1975, p. 260. L’attribution à Cyprien de ce traité est aujourd’hui abandonnée : cf. Nouvelle hist. litt. lat., 4, R. Herzog éd., Turn-hout, 2000, p. 585.
90 Ed.-trad. C. Munier, Fribourg, 1995, p. 140-141 ; voir aussi l’intr. de J. D. Dubois aux Oeuvres Complètes, 1, Paris, 1994, et p. 388 (A. G. Hamman). Il s’agit de la « Seconde Apologie », distinguée par beaucoup d’érudits de l’Apologie proprement dite ; J. C. Fredouille (Mél. R. Braun, 2, 1990, p. 19) propose de traduire le titre par « Requête » (au Sénat). Si pour C. Munier, « il est certain que la petite Apologie a été composée avant la grande » (o.c., p. 3), c’est-à-dire vers 153-154 (p. 6), J.-D. Dubois la place plutôt entre 160 et 165.
91 Tatiani oratio ad Graecos, suivi de Theophili Antiocheni ad Autolycum, ed. M. Marcovich, Paris, 1995, p. 55.
92 Trad. A. Puech : Recherches sur le discours aux grecs, de Tatien, Paris, 1903, selon qui (p. 10) l’œuvre fut publiée entre 169 et 172 ; selon Marcovich (o.c., p. 3), entre 165 et 172.
93 Marcovich, o.c., p. 28.
94 Trad. J. Sender, Paris, 1948, p. 68.
95 Ed. Marcovich, p. 108.
96 Trad. J. Sender, p. 139.
97 Ed.-trad. Marache, 3, 1989, p. 143-144 (avec commentaire p. 215).
98 Ed.-trad. J. P. Waltzing, 1929, p. 21 ; dans son commentaire ad loc., 1931, p. 72, ce savant voyait chez Min. Fel. la source de ce passage ; l’hypothèse contraire prévaut aujourd’hui.
99 Ed.-trad. M. Turcan, 1986, p. 138-141. Dans le même traité (5, 1), Tert. évoque des recherches personnelles, et en 5, 3, il cite Varron.
100 Ed. G. Azzali Bernardelli, Florence, 1990, p. 107 et 248-249.
101 Les références pour cet auteur renvoient à l’édition de Boissevain, Berlin, 1895- 1906, 3 vol. , pour le texte, et à la traduction (souvent amendée ici) d’E. Gros, continuée par V. Boissée, Paris, 1855-1870, 10 vol. , hormis les cas où une éd.-trad. plus récente est disponible.
102 Boiss., 1, Berlin, 1895, p. 475; trad. E. Gros, 4, 1855, p. 41.
103 Ib., p. 477; trad. ib..
104 Ib. Texte commenté supra p. 48.
105 Ib., p. 482 et p. 61.
106 Ed.-trad. M. L. Freyburger, F. Hinard, P. Cordier, 2002, p. 12.
107 Boiss., 2, 1898, p. 102 ; trad. V. Boissée, 5, 1861, p. 217. Pour le commentaire de cet épisode, cf. G. Vitucci, Ricerche sulla praefectura Vrbi in età imperiale, 1956, p. 20. T103 montre que, malgré ce que dit D.C., l’usage subsista par la suite.
108 Ib., p. 108 ; Boissée, ib., p. 237.
109 Ib., p. 111 et 247.
110 Ib., p. 193 ; Boissée, 6, 1863, p. 79. Il s’agit d’Hirtius et de Pansa.
111 Ib., p. 239 et 241. Cf. T134.
112 Ib., p. 240 et 243. Werner 1888, p. 37, rapporte l’indication sur la période inhabituelle aux Féries elles-mêmes. A. Pasqualini (« Note sull’ubicazione del Latiar », in MEFRA, 111, 1999, p. 781) la rapporte plus justement aux cérémonies de Rome.
113 Ed.-trad. M. L. Freyburger, J. M. Roddaz, Paris, 1994, p. 126, qui soulignent (p. 170) l’emploi par Dion du terme πολίαρχος à la place du επαρχος employé par d’autres auteurs pour désigner le praefectus urbi f.L. Selon Werner 1888, p. 37, le rapprochement avec App. , b.c. 98-99, montre que l’on est en automne.
114 Ib., p. 150. Werner 1888, p. 38, place ces féries entre avril et juin.
115 Boiss., 2, 1898, p. 330 ; trad. M.-L. Freyburger, J.-M. Roddaz, Paris, 1991, p. 9.
116 Ib., p. 439 ; Boissée, 7, 1865, p. 423.
117 Ib., p. 441 et 427.
118 Ib., p. 448 et 452-453.
119 Ib., p. 457 et 487.
120 Ib., p. 470 et 531.
121 Ib., p. 481 et 563. Cf. Ov., Tr., 3, 12, 46, Latio reddita uota Iovi, pour 11 ?
122 Boiss., ib., p. 654, adoptant, en l’amendant, une correction de Casaubon, à la place du Διάλιόν τε des manuscrits, correction refusée par I. Gradel (« Iuppiter Latiaris... », o.c., p. 235 et s.), ce qui change l’interprétation usuelle de Suétone, T82 (cf. n. ad l.).
123 Ib., p. 668 ; Boissée, 8, 1866, p. 487. L’épigraphie fait apparaître en réalité que Pompeius, le plus âgé des gendres, fut préfet des Féries en 42, et Silanus en 41, avant même d’avoir obtenu le vingitivirat : cf. Werner 1888, p. 48.
124 Boiss., 3, 1901, p. 91 ; Boissée, 9, 1867, p. 187.
125 Ed.-trad. J. Beaujeu, 1964, p. 35 ; on date maintenant Minucius après Tertullien : cf. Nouvelle hist. litt. lat., 4, K. Sallmann éd., 2000, p. 573.
126 Ib., p. 52.
127 Ed.-trad. Bouffartigue-Patillon, 2, 1979, p. 119. C’est bien à tort qu’E. Gradel (o.c., p. 241) a considéré la localisation romaine du rite comme une erreur de Porphyre (qui fut à Rome vers 262-263) et la preuve d’une information de seconde main.
128 Voir F. H. Heinicken, Commentarii in E., 3, Leipzig, 1870, p. 604, qui place les Latiaria en décembre, sous la forme d’un combat de gladiateurs, le préteur urbain arrosant la statue de Jupiter avec le sang du vaincu.
129 Ed. C. Marchesi, Turin, 1953, p. 145.
130 Ed.-trad. P. Monat, 1986, p. 208-209. Dans ce même passage, évoquant un autre sacrifice humain, Lact. prend bien soin de préciser qu’il a été aboli par Hadrien ; pour les deux autres qu’il cite, il les situe dans le passé ; on peut donc présumer que la précision induite par l’adverbe etiamnunc est à prendre au sérieux.
131 Ed.-trad. M. Perrin, 1987, p. 91. Cet éditeur propose une datation du traité dans les années 320-325 et répond favorablement à la question de l’authenticité. Rappelons que les datations généralement acceptées pour les Inst. vont de 315 à 321. Entre les deux textes, le passage du présent (colitur) au parfait (propitiatus est) est à remarquer. En tout cas, le maintien de la mention de ce sacrifice dans l’Epitome illustre l’importance de l’argument qu’il fournissait à l’Apologétique.
132 L’auteur s’adresse au diable ; éd.-trad. R. Turcan, 1982, p. 139, qui y voit (p. 331) un mythe élaboré à partir de l’existence du bestiarius.
133 Ed. Pichlmayr-Gruendel, 1966, p. 32.
134 Ed.-trad. Chastagnol, 1994, p. 125.
135 Ed. Thilo-Hagen, 3, 1, p. 309, avec notre traduction, comme pour tous ces textes serviens (T120 à T126).
136 Ib., p. 372.
137 Ib., p. 254.
138 Cf. éd. Rand et alii, 1946, 2, p. 117. Latinis est un ablatif : cf. T8, 9, 29.
139 M. Kajava, « Visceratio », Arctos, 32, 1998, p. 109-131, démontre le caractère non religieux et impropre du terme employé par Servius, qui a fait croire à une distribution générale à tous les spectateurs du sacrifice. Contra, cf. J. Scheid, o.c. infra n. 301.
140 Th.-Hag., 2, 1884, p. 590-591.
141 Ed. Hildebrandt, 1907, p. 128-129 (modifiée) ; cf. ib., p. XXIII-IV de la préf., qui date ce passage de la fin du iiie s. ou plutôt du début du ive. Le texte est évidemment fautif, au moins en deux endroits : à la place du et proposé traditionnellement entre Latini regis et Aeneae, nous proposons <aut> compte tenu de l’équivalence de ces deux figures légendaires (cf. infra p. 756) ; dans la phrase Feriarum [...] superstitionem, il y a une lacune entre ut et hostia, mot qui reste inexplicable : nous suggérons de lire ex hostia, par transposition du ex Albano monte suivant, qui est peu attesté, et qui serait plutôt à lire, à notre avis, in Albano monte.
142 Ed.3 Willis, Leipzig, 1994, p. 74.
143 Trad. C. Guittard, Paris, 1997, p. 89.
144 Ib., p. 76 (éd.) et p. 91 (trad.). Rappelons que le dialogue des Saturnales est censé se passer en 383 ou 384 et que le locuteur est ici Praetextatus, qui fut préfet de la ville puis consul désigné (en 384), ayant donc la charge de célébrer les Féries ; Macrobe confie donc sa définition du Latiar à un expert. On hésite (cf. trad. Guittard, p. X-XI) sur la date réelle de composition du traité : 384-395 (hypothèse traditionnelle) ou 430-440 (Mazzarino, Cameron) ? L’imparfait decebat pourrait s’expliquer par une chronologie basse (seconde hypothèse), puisqu’il semble que les Féries furent encore célébrées en 393 (voir infra n. 181).
145 Ed. L. Leone, Naples, 1965, p. 47.
146 Trad. P. Camelot, 1947, p. 159. Voir aussi A. Martin, Athanase d’Alexandrie et l’Église d’Egypte au ive siècle (328-373), Rome, 1996, qui date le traité entre 357 et 362 (p. 826). Rappelons qu’Athanase séjourna à Rome dix-huit mois, entre 339 et 341 (o.c., p. 410 et s.).
147 Anth. lat., 1, 1, éd. Shackleton Bailey, 1982, p. 23. Sur l’ensemble du poème, généralement daté des années 384-394, cf. L. Cracco Ruggini, Il paganesimo romano tra religione e politica : per una reinterpretazione del ‘Carmen contra paganos’, Milan, 1979, partic. p. 112- 113 où Latio est considéré, à juste titre selon nous, comme un adjectif. L’auteur et le destinataire ont été identifiés par F. Dolbeau, « Damase, le Carmen c. pag. et Hériger de Lobbes », REAug, 27, 1981, p. 38-43, qui a prouvé que le titre, découvert par lui, d’une œuvre perdue du catalogue du monastère de Lobbes, « Damasi episcopi uersus de Praetexto praefecto urbis », s’applique au Carmen, en raison des nets échos qui s’en retrouvent dans un poème du prieur de ce monastère. Bibl. in E. Dekkers, A. Gaar, Clauis Patrum Latinorum, 1995, p. 470.
148 Ed. Lindsay, 1903, 1, p. 176. Varron (LL, 5, 111) appelle hila une petite saucisse faite à partir des exta.
149 Ed. Rossbach, 1910, respectivement p. 153, 163 et 180 pour les trois citations ; trad. (amendée) Verger, Paris, 1842, p. 79, 107 et 147. Cf. T101a.
150 Ed.-trad. (amendée) Lavarenne, 1948, p. 149. Latiari ne renvoie pas au Latium, mais bien au Latiar.
151 Ed.-trad. J. P. Callu, 2002, p. 84-85.
152 Ed. A. Ruggiero, 2, Naples, 1996, p. 386. Ce poème, dont la datation oscille entre 334 et 436, est parfois attribué à un anonyme (assimilé aussi à l’auteur du Carmen contra pag. = T130). La traduction des textes 138 à 142 est nôtre.
153 Ed. Meineke, 1, 1849, p. 69 = éd. Dindorf, 3, 1825, p. 188, où l’on voit que Berkeley, dans son commentaire, suivait Holstein et localisait Albe à l’est du lac et au-dessus d’Albano ; τόπος a été corrigé en (όρος par Cluver.
154 Perse, Sat., éd. Jahn, 1843, p. 347. Quelle que soit la part exacte des commentaires de Cornutus, Probus, Acro, qui puisse se trouver dans les scholies qui nous sont parvenues (vraisemblablement d’époque carolingienne), on observera que Varron y est cité à deux reprises (1, 72 et 2, 69). Selon S. Weinstock, Diuus Julius, p. 323, cette légende étiologique de Bovillae fut utilisée pour le récit du prodige césarien de Brindes (Dio, 41, 39, 2), contamination qui prouverait une célébration effective des Féries par César en déc. 49 ; cf. aussi J. Champeaux, Fortuna, 2, Rome, 1987, p. 280-282.
155 Ed. Dindorf, 1869, 2, p. 95. On a soutenu depuis longtemps que la précision έν ‘Λλβανφ est une mélecture, ou une substitution, de l’indication donnée par Plut., Rom., 24, qui situe ce même sacrifice à la source de Ferentina (voir l’apparat critique ad loc.). Cependant, l’expression mons Albanus, traduite ici par εν ‘Λλβανφ, ayant aussi parfois un sens général renvoyant à l’ensemble du massif albain (et non au seul Monte Cavo), et la source de Ferentina étant située sub Albano monte (Tite-Live, Fest.), dans ce même massif, on peut se demander s’il ne s’agit pas ici, plutôt que d’une erreur, d’une substitution faite, en toute connaissance de cause, par Zonaras sur la base de cette équivalence : d’où notre traduction.
156 Publié par C. Cecamore, « Il santuario di Iuppiter Latiaris sul Monte Cavo : spunti e materiali dai vecchi scavi », in BCACR, 95, 1993, p. 39-40 et ead., « Nuovi spunti sul santuario di Iuppiter Latiaris attraverso la documentazione d’archivio », in Alba Longa 1996, p. 65-66 (abrégés respectivement Cecamore 1993 et Cecamore 1996) : y apparaissent les noms de trois consuls (L. Antistius, C. Pomponius, T. Tan[... ) non identifiables.
157 Publiée par A. Ferrua in Epigraphica, 24, 1962, p. 115 et s. ; cf. AE1964, 115 (p. 46). Le nom de Néron paraît avoir été éliminé ensuite. La pierre double plus qu’elle ne complète un fragment trouvé au xixe s. dans la catacombe S. Alexandra de la via Nomentana, et publié par Dessau, CIL, 14, 4012-4 (4013 : condentibus consulibus). Nous reprenons ici les restitutions d’I. Di Stefano Manzella, « Accensi uelati consulibus apparentes ad sacra : proposta per la soluzione di un problema dibattuto », in ZPE, 101, 1994, p. 261-279 ; il montre, contre Mommsen, que les accensi uelati assistent les magistrats supérieurs pour l’accomplissement des rites aux Féries Latines et au lustrum censorial.
158 Cf. T17 et 18.
159 C’est plutôt cette seconde solution que nous choisirions, dans la mesure où les travaux de Mrozek, utilisés par R. Macmullen, Le Paganisme dans l’Empire Romain, Paris, 1987, p. 184 et s., ont montré que la production épigraphique va croissant jusqu’au règne de Septime Sévère (ce que montre bien d’ailleurs l’ex. des commentarii des arvales) ; un arrêt total dès le début du second siècle n’est donc pas très vraisemblable.
160 Pour tout ceci, on se reportera à l’éd. Degrassi, Inscr. It., 13, 1, p. 143.
161 J. Scheid écrit (Romulus et ses frères, 1990, p. 54) que dans « le sanctuaire de Iuppiter Latiaris [...], les fastes consulaires [étaient] gravés sur le soubassement du temple », mais l’existence même d’un temple n’est qu’une hypothèse.
162 In ERL, l’ensemble du chap. 1. Dans ce sens, cf. maintenant A. Carandini, Nascita..., passim, et id., Remo e Romolo, 2006, p. 281 et s.
163 Principalement par Mommsen, Droit Public Romain, 6, 2, 1889, trad. Girard, p. 226- 268, « la ligue nationale latine » (abrégé désormais Mommsen, DPR).
164 Signalons les quelques pages, inspirées, de J. Marquardt, Le Culte chez les Romains, trad. fr. 1889 (1885 pour l’éd. all.), 1, p. 354-357, qui déclarait (ib., p. XXXI) : « Il y a aussi à déterminer, si faire se peut [...] soit les éléments des religions italiques considérées en elles-mêmes, soit leur apport à la religion romaine. Mais il faudrait pour cela que la civilisation de l’Italie en dehors de Rome et avant les Romains, nous fût mieux connue ». À partir de 1888, tous les travaux s’inspirent étroitement de la dissertation de Werner citée supra ; cf. l’art. Feriae Latinae, in DAGR, 2, 1896, p. 1066-1073 (C. Jullian) et in Diz. Ep. de Ruggiero, 3, 1922, p. 53-56 (D. Vaglieri) ; art. Iuppiter Latiaris, in W. H. Roscher, Ausf. Lex. gr. rom. Mythologie, 4, 1890, c. 686-697 (Aust) ; en dépend également la description d’Alfoldi, ERL, p. 19 et s.
165 Cf., par ex., J. Heurgon, Rome et la Méditerranée..., p. 222 ; entre les questions que pose Volpi dans son Vetus Latium, 7, 1736, p. 52, et celles que formulait en 1981 Momigliano au seuil de sa contribution à la CAH2 (p. 85 = Roma arcaica, 1989, p. 25), la continuité est frappante.
166 Par ex. Altheim, Rom. Religionsgeschichte (1931), 19512, p. 152 ; A. Pasqualini, « Miti Albani... », o.c., p. 218.
167 Car la localisation habituelle d’Albe à Castel Gandolfo fait, de ce point de vue, difficulté : mais le nom du mont, et sa liaison avec les théories antiques du site d’Albe, sont d’ordinaire laissés de côté.
168 Cf. CIL, 6, 2021 = 14, 2228, et M. G. Granino Cecere, « Sacerdotes Cabenses e sacerdotes Albani : la documentazione epigrafica », in Alba Longa 1996, p. 275-316.
169 Comme le supposait K. Latte, Rom. Religionsgeschichte, 1960, p. 405 ; Alfoldi, ERL, p. 15, n. 8 : comme le relèvent ces savants, les Féries sont la seule occasion qui ait pu justifier la survivance du nom de cette peuplade disparue.
170 Pour une étymologie d’après le relief (il s’agit des Campi d’Annibale), cf. Volpi, Vetus Latium, 7, 1736, p. 6 : Monti nunc nomen apud accolas Monte Cauo, ex cauo sinu quem latissime in descensu, Romam uersus, praesefert... ; traduit littéralement par Nibby, Analisi, 1, p. 106, qui y ajouta l’hypothèse des carrières, reprise (et accentuée) par Lugli, « La via trionfale a M. Cave... », in MPAA, 1, 1923, p. 264 (avec renvoi à Tomassetti et Ashby). Ce que l’on peut concéder toutefois aux tenants de cette thèse, c’est qu’il est très possible que le toponyme mons Cauae, qui apparaît au xiiie s., soit le produit d’une étymologie à la fois artificielle et populaire, par analogie avec d’autres hauteurs de ce nom dans le Latium et avec la présence effective de carrières, mais le tout se faisant à partir du toponyme Gabus.
171 In Bull. Inst., 1861, p. 205-207, note qui avait d’abord comme but de corriger Pline (ici T67) lu jusqu’alors Fabienses, et ce à partir d’une inscription retenue comme un faux de Ligorio par Bormann (il s’agit de CIL, 6, 2174 = 14, 2228). G. B. De Rossi rappelait le latin cauum et rapportait le toponyme à la forme concave du cratère albain : Bull. Inst., 1871, p. 40.
172 Ed. Duchesne, 1, 19552, p. 183 :... omnem agrum a porta Sessoriana usque ad uia Penestrina a uia itineris Latinae usque ad montem Gabum. Duchesne, renvoyant à De Rossi (Bull. Arch. cr., 1873, p. 111-112), refusait (cf. p. 199, n. 91) l’identification avec le Monte Cavo.
173 De Romae ueteris muris atque portis, Leipzig, 1842, p. 122.
174 Il s’agit des manuscrits de la classe E, sur la valeur de laquelle on verra Duchesne, o.c., p. CCXV.
175 « L’Urbs e il suburbio », in Società romana e impero tardoantico, A. Giardina éd., 2, Bari, 1986, p. 1-58, partic. p. 35-40 (p. 37, et bibl. p. 404).
176 Pensons de même au praetor de Setia, L. Annius, que Tite-Live montre s’opposant au consul T. Manlius et « faisant entendre des paroles de mépris pour la divinité du Jupiter Romain », uocem Annii, spernantis numina Iouis Romani (8, 6).
177 O.c., p. 11 ; cf. aussi, avec la prise en compte du facteur géographique, C. Jullian, o.c., p. 1067.
178 Cf. infra p. 572.
179 Cf. supra, T115-118, 127, 128, 135, 136, 137.
180 Cf. supra, T130 et n. 146.
181 Mommsen proposait Nicomaque Flavien ; Heinzberger, Pompeianus, préfet de la Ville en 408 ; Mazzarino, Symmaque père (Antico, tardoantico ed erà costantiniana, 1974, 1, p. 374) ; Mme Cracco-Ruggini, Prétextat, mort en déc. 384, ce qui est l’hypothèse la plus probable. Cf. supra n. 146, et voir M. Kahlos, Vettius Agorius Praetextatus, Rome, 2002, p. 163-168.
182 Sur ces édits, cf. A. H. M. Jones, The Later Roman Empire, Oxford, 1964, 1, p. 167-168.
183 Sur le « pagan revival » qu’il favorisa, cf. J. Matthews, Western Aristocraties and Imperial Court A.D. 364-425, Oxford, 1975, p. 241-243 (qui en fait la cible du Carmen c. pag.) ; Nicomaque séjourna trois mois à Rome, d’où il partit fin mai-début juin (p. 245) ; s’il a célébré dans la Ville les ludi Megalenses et les Floralia (p. 242), il aura célébré les Féries Latines (non citées par Matthews) entre le 4 mai et début juin : le mois de mai est donc la période la plus probable, d’autant qu’elle correspond à la date traditionnelle de célébration.
184 Cf. T22 et 23. Le même raisonnement est tenu par Mazzarino (Antico, tardoantico ed erà costantiniana, 1, Bari, 1979, p. 455-457) à propos de son candidat pour l’identification du mari de la destinataire du Carmen contra paganos, Symmaque père, pour une date qu’il fixe en 377 (ib., p. 427) : quoi qu’il en soit de cette hypothèse, il est certain que l’argumentation vaut encore davantage pour un consul qui, tel Flaminius jadis, s’apprêtait à partir pour une bataille décisive.
185 Cf. P. Maraval, Le Christianisme, de Constantin à la conquête arabe, Paris, 1997, p. 22.
186 Cf. n. 176 : en ce sens, cf. De Rossi, in Eph. ep., 2, p. 101 ; Werner 1888, p. 63.
187 Puisque la bataille de la Rivière Froide date de septembre.
188 En voici, pour mémoire, les successifs épisodes : en 357, l’empereur Constance, en visite à Rome, fait retirer de la Curie l’autel de la Victoire ; il est remis en place peu après ; puis retiré, en 382, par Gratien dont le successeur, Valentinien II, écoute la relatio de Symmaque, en 384, mais sans donner suite. En 389 puis 392, deux nouvelles tentatives de restauration échouent ; l’autel est replacé en 393, puis retiré, puis, peut-être, remis en place pour peu de temps sous le règne d’Honorius : cf. Prudence, éd. Lavarenne, 3, 1948, p. 85- 90, et Maraval, o.c, p. 20-22 (avec bibl.).
189 Cf. A. Fraschetti, « La sepoltura delle Vestali e la Città », in Du châtiment dans la cité, Rome, 1984, p. 97-129 : en refusant de juger la Vestale Primigenia à cause de la souillure qu’elle apporterait à la cité, le correspondant de S. emploie un argument sans doute spécieux ici. Sur l’épisode, cf. aussi M. G. Granino Cecere, « La documentazione ep. », o.c., p. 314-316.
190 Cf. A. Fraschetti, La conversione : da Roma pagana a R. cristiana, 1999, p. 9-75.
191 CIL, 11, 5265.
192 Cf. Symm., Rel., 11, 13 et 15, qui souligne lui-même toutefois la modicité de l’indemnité en question, ce qui n’est peut-être qu’une sous-évaluation volontaire ; d’autre part, les confiscations ne paraissent viser (cf. 13) que les nouvelles donations.
193 Cf. notamment L. Cracco Ruggini, « Arcaismo e conservatorismo, innovazione e rinnovamento (i-iv secolo) », in Le trasformazioni della cultura nella tarda Antichità, C. Giuffrida et M. Mazza éd., 1985, p. 133-156.
194 Cf. T129. Le terme apparaît certes chez Cicéron (T5), mais dans un texte privé qui n’était pas censé être publié.
195 Le Carmen contra paganos, le ps. Nolin 32, s’ils ne sont pas du même auteur, sont contemporains ; Prudence, Macrobe, Servius se suivent de très près.
196 Le présent de l’indicatif qu’emploient parfois ces deux auteurs peut être, lui aussi, comme le remarque P. Chuvin, Chronique des derniers païens, Paris, 1990, p. 174, la marque d’une telle nostalgie.
197 Cf. supra, T3, 4, 5, 6, 8, 9, 122, 14, 17, 18, 21, 22, 25, 29, 32, 33, 34, 355, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 62, 64, 81, 83, 84, 912, 123, 127, 1282, 134. L’épigraphie apporte par ailleurs, après restitutions, une cinquantaine d’occurrences (53) de la formule Latinae fuerunt : cf. T143 et Inscr. It., 13, 1, p. 43 et s.
198 Cf. T2, 7, 9, 13, 22, 23, 29, 35, 36( ?), 37, 78, 79, 85, 118, 119, 1262.
199 O.c., p. 5 et 6.
200 Cf. T4, 16, 19, 20, 26, 29, 30, 31, 36, 38, 46, 47, 58, 66, 67, 69 ; 133 et 134 sans in.
201 Cf. T2, 14, 17, 24, 27, 59, 84, 115, 124, 126, 133, 134, 140, 143i).
202 T35, 132 et Inscr. It., 13, 1, p. 87 pour l’année 44 av. J.-C. : C. Iulius... Caesar dict (ator) ouans ex monte A.
203 Cf. T53, 55, 60, 63, 77 et sans doute 28, 54, 64, 125 et 136.
204 T13, 22, 23, 25, 34, 44.
205 « Urkundenstudien zur àlt. r. Gesch. », in RhM, 1882, p. 14. Si les Féries sont sans doute antérieures à la fixation du calendrier romain, il serait inexact de dire, avec Brelich (Introduzione allo studio dei calendari festivi, 2, Rome, 1955, p. 33), que cela suffit à expliquer leur non-insertion dans le férial de l’Vrbs.
206 Censor., die nat., 20, 1 : nam ut alium Ferentini alium Lauinii itemque Albani uel Romani habuerunt annum, ita et aliae gentes (éd. N. Sallmann, Leipzig, 1983, p. 47) : « En efet, les Férentins, les Laviniens, les Albains, les Romains eurent des années différentes et les autres peuples également » (trad. G. Rocca-Serra, Paris, 1980, p. 30). Voir aussi 20, 2 ; 22, 6 et 10, et 22, 12 ; Ov., Fast., 3, 91-2 ; A. Degrassi, Inscr. It., 13, 2, p. 121 et 318.
207 ERL, p. 244 ; Rom. Fruhgesch., p. 133 : la connaissance de ce calendrier à l’époque classique (par les sources de Censorin) était même considérée par ce savant comme une preuve de la survivance d’Albe bien après le viie siècle av. J.-C.
208 Voir les textes cités par Degrassi, o.c., p. 318.
209 O.c., 22, 12 : Quintilem, quod loco iam apud Latinos fuerit quinto.
210 Cf. J. Rupke, Kalender u. Offentlichkeit. Die Gesch. der Repràsentation u. religiosen Qualifikation von Zeit in Rom, Berlin-New York, 1995, p. 192 et s., recensé par J. C. Richard in REL, 74, 1996, p. 33 et s.
211 I.e. sans doute de Varron, cité à ce propos en 20, 2 et 22, 6, où il est dit que « chez les Albains, mars a 36 jours, mai 22, Sextilis 18, septembre 16 » (trad. Rocca-Serra, p. 34), apud Albanos Martius est sex et triginta, Maius viginti duum, Sextilis duodeviginti, September sedecim (o.c., p. 54).
212 Le Calendrier..., o.c., p. 61. Ces jours perdent alors leur qualification comitiale : cf. T3 et 6.
213 Sur ce type de document, voir J. Scheid, « Rituel et écriture à Rome », in Essais sur le rituel, 2, A. M. Blondeau et K. Schipper éd., Louvain/Paris, 1990, p. 1-15 (p. 4).
214 Degrassi, 13, 1, p. 147.
215 Cf. Fasti triumph. Capit., in Inscr. It., 13, 1, p. 87, à rapprocher de T77 et 81.
216 Cf. Werner 1888, p. 36-38. Bien entendu, la question de la fiabilité de ces données doit rester ouverte.
217 P. 61 pour le tableau des dates ; p. 84 pour la citation.
218 Nous ne suivrons donc pas D. Sabbatucci, La religione di Roma antica, 1988, p. 305- 308, qui fait des Féries Latines une fête parallèle et simultanée aux ludi Romani de septembre.
219 Cf. supra n. 63.
220 Cf., entre autres : A. Giovannini, Consulare imperium, 1983, p. 17. Mommsen définit la cérémonie comme un « acte confirmatoire » : DPR, 2, p. 286 et p. 290 pour Flaminius.
221 Comme l’a montré, dès 1888, Werner, o.c., p. 30, à propos de T45 (l’un des consuls est en Macédoine pendant les Féries) et des quatre fois où Auguste, consul, ne fut pas sur le mont (voir les Fastes). Il reste que la règle normale est la présence des deux consuls : cf., entre autres, T25, 42, 55, 84, 107.
222 Ib., p. 31.
223 Cf. ib., Degrassi (p. 156) et, plus net, C. Jullian, o.c., p. 1069 (citant Seeck).
224 Trouvée en 1869 sur le mont, l’inscription CIL, 14, 2231 ( = 6, 2020), (rest)itue(runt) Ardeates, ne peut être mise en rapport avec cet événement puisqu’elle date, selon Hulsen, du ive s. av. J.-C. : on préférera l’éd. CIL, 6, 42, 32322 et la note de ce savant in Rom. Mitt., 1895, p. 65, qui permet de restituer en première place le datif Diuei ( = Ioui). H. la considérait comme la plus ancienne des inscriptions suburbaines (il s’agit d’une base votive).
225 De fait, c’est précisément pour ce début du iie s. av. J.-C. que Tite-Live mentionne des mesures provoquées par les plaintes des villes latines au Sénat devant l’émigration de leur population à Rome : cf. M. Humbert, Municipium et ciuitas sine suffragio, Rome, 1978, p. 112 et s.
226 Contra: P. Cohee, « Instauratio sacrorum », in Hermes, 122, 1994, p. 451-468.
227 Cf. Werner 1888, p. 40, après Mommsen, « Die neuen Fragmente der Jahrtafel des Latinischen Festes », in Hermes, 5, 1871 = Rom. Forsch., 2, 1879, p. 97-112 (p. 106-107), pour qui l’instauratio de 23 av. J.-C. serait liée à la prise de puissance tribunitienne d’Auguste. En 11 p. C., une victoire de Tibère en causa p.ê. une autre : cf. supra n. 121.
228 IG, 14, 1118 et 1119.
229 Voir les ex. réunis par J. Champeaux, in REL, 74, 1996, p. 73, n. 22.
230 Mais il faudrait d’abord s’appuyer sur des relevés complets : ceux de Mac Bain (Prodigy a. Expiation : a Study in Religion a. Politics in Rep. Rome, 1982) ne le sont pas (le nou. sacr. de 207 n’y apparaît pas p. 91). D’autres cas in R.E., 17, 1936, c. 1180 (Marbach).
231 Cf. P. Brind’Amour, Le Calendrier..., o.c., p. 225 et s.
232 Ce qui se dit Latinas indicere (T22, 37) ou edicere (T35, 45) ; Latinas concipere de T17 et constituere diem de T42 sont sans doute plus littéraires.
233 Dies : T2, 37 et 42 ; festus dies : T84.
234 Cf. Werner 1888, p. 21-22.
235 Cf. T37 et 41, et partic. T42, 43, 44, 55, 84, 100, 107 et T143i avec la formule condentibus consulibus.
236 Il est possible cependant que cette tradition soit contredite par le texte T85.
237 Cf. G. Vitucci, Ricerche sulla praefectura Urbi in età imperiale, 1956, qui souligne les profondes évolutions de l’institution et l’incertitude qui pèse, malgré Tacite (T79), sur ses débuts ; en tout état de cause, la préfecture urbaine ne se réduit pas à celle des Féries.
238 S’il est vrai qu’y figure, pour l’an 41, le nom d’un consul, séditieux en 42, ce qui prouve une gravure de la pierre dès 41 (Degrassi, o.c., p. 144). Ajoutons que la mesure rapportée par Dion Cassius (T110) date précisément de 41.
239 En 199 av. J.-C. (T29), les protestations des délégués d’Ardée, – non pas, il est vrai, spectateurs, mais acteurs du rite -, conduisent à l’invalidation de la cérémonie.
240 O.c., p. 23.
241 Degrassi, Inscr. It., 13, 1, p. 65. Un fort soupçon de falsification littéraire pèse sur la chronologie tarquinienne, même si un élément comme la récente confirmation archéologique de la fondation de Marseille (vers 600) lui donne maintenant, via Justin, un appui partiel.
242 Cf. O. de Cazanove, « La chronologie des Bacchiades et celle des rois étrusques de Rome », in MEFRA, 100, 1988, p. 615 et s.
243 Cf. T45. L’ajout d’un 3e jour (T51) pourrait aussi, s’il ne s’agit pas d’une invention de l’annalistique, n’avoir été qu’une modification momentanée.
244 Die Plebs, Leipzig, 1909, p. 375-417 ; résumant et jugeant la thèse de cet auteur, J. C. Richard, Origines..., p. 52 et s., écrit : « Il est bien certain, en effet, qu’à défaut de se confondre en tout temps, comme il l’affirmait, la cause des Latins et celle de la plèbe furent étroitement solidaires » (p. 56). Voir aussi (ib., p. 59) le résumé des positions de G. Bloch.
245 Cf. F. Bernstein, Ludi publici, Stuttgart, 1998, p. 64, n. 240.
246 Cf. supra p. 267 et s.
247 « Car la bête qui, victime promise, grandit dans les herbages albains, teindra la hache des pontifes de son cou sanglant », trad. Villeneuve, p. 134 (Odes, 3, 23, 3, vv. 9 à 13).
248 CIL, 6, 2147 et 14, 4120 ; cf. Ashby, « Sul vero sito del Lago Regillo », in RAL, 7, 1898, p. 103-126 (p. 118), qui remarque qu’il pourrait s’agir aussi d’une propriété privée de la Vestale Calpurnia.
249 Voir M. Beard, « Documenting Roman Religion », in La Mémoire perdue. Rech. s. l’administration romaine, Rome, 1998, p. 75-101 (p. 87).
250 Sacrum : in Alb. monte, T17 ; in m. Alb., T19 ; sollemne s. in monte facere, T22 ; s. in monte perpetrare, T25 et T44 ; s. Latinarum, T83. Sacrificium : s. perficere, in monte (T23) ou rite (T42) ; in monte s. rite perpetrare, T44 ; feriarum Lat. s., T126 ; s. Latinarum, T81. Sollemne : s. perficere, T39 ; T43 et T128 : s. Latinarum.
251 « I ludi delle feriae Latinae a Roma », in Alba Longa 1996, p. 255-273.
252 « Note sull’ubicazione del Latiar », in MEFRA, 110, 1998, p. 779-786.
253 Cf. supra n. 232 et T17 pour l’emploi de concipere.
254 Ce que corroborent les textes qui montrent Jupiter/Zeus Latiaris honoré dans l’Vrbs : T88, 94, 112, 113.
255 Par ex., ni Werner 1888, p. 33, ni C. Jullian, o.c., p. 1072, n. 1, ne tiennent compte du texte de Juvénal (T80).
256 Cf. Fest., 325L : Robum rubro colore et quasi rufo significari, ut bouem quoque rustici appellant, manifestum est.
257 Macr., Sat.., 3, 10, 3= A.C. fg. 16 Strzelecki. Voir aussi Serv., ad Aen., 9, 624 et 12, 120; Brev. exp. in G., 1, 45; Is., Or., 12, 1, 28.
258 In REL, 39, 1961, p. 242-250 (p. 249).
259 Par ex. K. Krause, in R.E., A, 5, 1931, c. 260, s.v. hostia.
260 « ’Taurus’ et ‘bos mas’« , in Mél. Heurgon, 1976, 1, p. 115-123.
261 Le Vocabulaire des institutions indo-européennes, Paris, 1969, 1, p. 21-25.
262 O.c., p. 121.
263 Cf. M. Chassignet, L’Annalistique romaine, 1, 1996, fg. 5, p. 18 (υν εγκυον τφ χρώματι λευκήν) ; cf. aussi Cass. Dio ap. Tzetz, ad Lyc. Alex. 1232.
264 La section « Les sacrifices dans le monde romain » du Thesaurus cultus et rituum ant., Los Angeles, 1, 2004, p. 183 et s. servira de guide pour une telle comparaison.
265 Voir H. R. Goette, « Kuh u. Stier als Opfertier. Zur probatio uictimae », BCAR, 11, 1986, p. 61-68 : ces sculptures – dont l’une est conservée à l’abbaye de Grottaferrata – représentent un homme coiffé d’un bonnet et assis au flanc d’un bovin : d’une main il tire sur sa longe, de l’autre il lui tâte l’entrejambe.
266 Rappelons qu’en droit sacré romain, un animal qui s’était échappé ne pouvait plus être sacrifié.
267 Cf. supra p. 273 (traces de balneum et de citernes).
268 Romulus et ses frères. Le collège des frères Arvales, modèle du culte public dans la Rome des Empereurs, 1990, p. 7 et 76 (abrégé désormais : Romulus).
269 O.c., p. 326.
270 Citons, entre autres : Alfoldi, ERL, p. 20 ; A. Pasqualini, « Miti Albani... », o.c., p. 221, n. 17.
271 Cf. supra p. 402 et s.
272 Caton, Orig., 1, fg. 12 Chassignet.
273 T143i) et supra p. 572.
274 CIL, 6, 2172 = ILS 5011 : u(irgini) V(estali) maximae ar[cis] Albanae, ainsi que T62. Pour l’identification de l’arx A. avec le sommet du Monte Cavo, cf. infra n. 493.
275 On doit supposer également l’application d’abord symbolique du couteau sacrificiel (cf. J. Scheid, Romulus..., p. 334).
276 J. Scheid, ib., p. 333.
277 Cf. R.E., 7, 1912, s.v. haruspices (Thulin), c. 2431-2468; ib., 13, 1926, s.v. litatio (Wissowa), c. 740-742.
278 « La documentazione ep. », o.c., p. 301. Selon M. L. Haack, Les Haruspices dans le monde romain, Bordeaux, 2003, « cette charge religieuse semble avoir joué le rôle d’étape préliminaire à un poste d’haruspice impérial » (p. 163) ; la présence d’haruspices aux Féries lui semble par ailleurs être l’indice d’un déclin de la religion romaine, faisant appel, pour se revivifier, aux traditions étrusques.
279 « À propos des ‘exta’ : l’extispicine étrusque, et la ‘litatio’ romaine », in Hommages A. Grenier, 1962, p. 1371-8 = id., Rites, cultes, dieux de Rome, Paris, 1979, p. 183-190.
280 Cf. supra p. 274 et s.
281 Voir les textes réunis par J. Scheid, Romulus..., p. 574.
282 Sur le vocabulaire de la partition sacrificielle à Rome, cf. C. Santini, « Il lessico della spartizione nel sacrificio romano », in Sacrificio e sociètà nel mondo antico (Grottanelli, Parise éd.), Bari, 1988, p. 293-302.
283 Il s’agit notamment des accensi uelati (à distinguer des accensi magistratuum) que la découverte de nouveaux fragments complétant AE 1964, 115 permet de définir comme une centurie placée sous le contrôle du collège pontifical : I. Di Stefano Manzella, o.c. supra n. 157, retient comme probable l’existence d’une corporation de ce genre dès la royauté ; pour les apparitores en général, cf. N. Purcell, « The apparitores : a Study in Social Mobility », in PBSR, 51, 1983, p. 125-173, qui montre, à partir de l’étude d’un demi-millier d’inscriptions, comment cette catégorie constituait une possibilité de promotion sociale ; son rôle dans le « revival » des grands sanctuaires fédéraux de l’Italie centrale est souligné (p. 168).
284 CIL, 14, 2245.
285 Pour des ex. de listes de collèges sacerdotaux dans des sanctuaires romains, cf. M. Beard, o.c., in La Mémoire perdue..., p. 78-86.
286 Od., 3, 23, 9-13. Cf. supra n. 247.
287 Sur la signification sacrale de ce mot, cf. J. Scheid, Romulus..., p. 559.
288 Pour d’autres ex. d’usage sacral du verbe petere, voir J. Scheid, ib., p. 336 et s. et p. 601-604.
289 Comme le souligne J. Scheid, « Sacrifice et banquet à Rome. Quelques problèmes », in MEFRA, 97, 1985, p. 193-206 (Wissowa pro, Latte contra).
290 Werner 1888, p. 33; Jullian, p. 1072; Aust, c. 691.
291 Il arriva à Rome en 30 av. J.-C. et y resta au moins vingt-deux ans : cf. R.E., 5, 1905, c. 934 (Schwartz).
292 In MEFRA, o.c., p. 202 et s.
293 Cf. J. Scheid, « La spartizione sacrificale a Roma », in Sacrificio e società..., o.c., p. 267-292 (p. 273) = id., Quand faire, c’est croire, 2005, p. 255 et s.
294 Cf. DAGR, 4, 2, 1911, p. 979, s.v. sacrificium (J. Toutain).
295 Cf. Lavinium II. Le tredici Are (F. Castagnoli éd.), Rome, 1975 ; C. F. Giuliani, in Enea nel Lazio, 1981, p. 169-177 : si le site est fréquenté dès le ixe s., le sanctuaire « nacque intorno alla metà del vi secolo a.C. ».
296 Quelle que soit l’étymologie exacte du nom de la fête, on s’accorde en effet à y reconnaître la trace des montes du site romain.
297 Signalée par F. Coarelli, Il Campo Marzio, Rome, 1997, p. 377, n. 8. Cf. aussi A. Pasqualini in MEFRA, o.c., p. 783.
298 Cf. L.T.U.R., 3, 1996, p. 177 (F. Coarelli) pour une localisation derrière les Marchés de Trajan.
299 Cf. F. Zevi, « Gli altari di Lavinio : un’ipotesi », in Eius Virtutis Studiosi. Class. a. postel. st. in mem. of F. E. Brown, R. T. et A. R. Scott éd., Hanovre-Londres, 1993, p. 45-50.
300 Comme le souligne J. Scheid, Romulus..., 1989, p. 657-658. Le cas des Féries permet de rehausser considérablement la chronologie de ces banquets.
301 In MEFRA, o.c., p. 204 à propos de Fest., 478-9L, ex carne diuentita populo taurorum immolatorum. M. Kajava, « Visceratio », Arctos, 32, 1998, p. 109-131, pense au contraire que cette distribution était limitée aux « officiels ». Contra, cf. J. Scheid, Quand faire, c’est croire, Paris, 2005, p. 264 et s.
302 LL, 5, 16 : ubi cenabant cenaculum, ut etiam nunc Lanuui apud aedem Iunonis et in cetero Latio ac Faleri(i)s et Cordubae dicuntur (texte signalé par J. Scheid, in C. Santini, o.c., 1988, p. 287, n. 17). T131 est l’étiologie de la cuisine du sacrifice du M. Cavo.
303 Cf. Enea nel Lazio, 1981, p. 171.
304 Cf. Dessau in CIL, 14, p. 213, n 4 ; Mommsen, « Die neuen Fragmente... », 1871, in Rom. Forsch., 2, 1879, p. 97-112 (p. 101 et s.) ; voir aussi Momigliano (1969), in Roma arcaica (1989), p. 166.
305 ERL, p. 245, qui soulignait la quasi-coïncidence entre cette date et celles de la conquête romaine d’Ardée (en 442) et d’Aricie.
306 Early Rome, 5, 1973, p. 375-376 (sur la base du travail de R. Stiehl), où il insistait sur la valeur documentaire des Fastes, illustrée par la précision L. non f. pour l’année 450.
307 Voir, du côté de la théorie d’Alfoldi : W. Kuhoff, La ‘Grande Roma dei Tarquini’ : die fruheste Expansion des romischen Staates im Widerstreit zwischen literarischer Uberlieferung u. hist. Wahrscheinlichkeit, 1995 ; du côté de la théorie K. Hanell-Gjerstad-R. Bloch: F. Coarelli, Il Campo Marzio, p. 148.
308 The Temple of Castor and Pollux, 1, éd. I. Nielsen et B. Poulsen, 1992, p. 61-79.
309 On ne peut donc pas supposer, comme le fait A. Pasqualini, « Miti Albani... », p. 245, un état de guerre entre Rome et les Latins de 493 à 451 ; il nous paraît excessif aussi de donner à la présence de deux gentilices albains parmi les décemvirs une signification dans ce contexte.
310 C’est plus ou moins la réponse de Mommsen, o.c., p. 102, qui rappelle que les décemvirs furent aussi ceux auxquels la tradition attribuait la publication du calendrier. En ce sens aussi : J. Rupke, Kalender u. Offentlichkeit..., o.c., p. 238. Cette solution a notre préférence.
311 Cf. Fab. Pict., fg. 4 P= 5a Ch.
312 Cf. Degrassi, o.c., p. 143 ; deux étapes de rédaction peuvent être distinguées, qui sont d’ailleurs les mêmes que pour les Fastes consulaires (ib., p. 19) : signe, sans doute, que ces deux types de documents furent affichés, et sans doute élaborés, en même temps.
313 O.c., p. 151 : Imp. Caesar ualetudine inpeditus fuit pour les années 27 et 24 ; Imp. C. in Hispania fuit pour 26 et 25 ; Imp. Caesar in monte fuit, en 23.
314 Cf. Formae Vrbis Antiquae. Le mappe marmoree di Roma tra la Repubblica e Settimio Severo, Rome, 2002, p. 11 et fig. 4 p. 12 ( = infra pl. 20). Voir aussi F. Coarelli, « L’orientamento e il significato ideologico della pianta marmorea severiana in Roma », Théorie et pratique de l’architecture romaine, études offertes à P. Gros, X. Lafon, G. Sauron éd., Aix, 2005, p. 61-68.
315 Comme le souligne F. Coarelli in L.T.U.R., 3, 1996, p. 325.
316 Cf. Porphyrion ad v. 27 : cur in Albano monte ? (éd. G. Meyer, 1874, p. 313). Autre curieux indice de l’intérêt d’Auguste pour les Féries : le petit jardin de la villa de Livie à Prima Porta a en perspective le Monte Cavo (P. Liljenstolpe in O. Rom., 22-23, 1997-1998, p. 135).
317 Voir les Fastes in Inscr. It., 13, 1, p. 87. Le choix du mois Iulius est-il fortuit ?
318 E.g. Alfoldi, ERL, p. 29 ; A. Pasqualini, « Miti Albani... », p. 217. J. Poucet, Origines, p. 95, est plus précis et rapporte aux Féries Latines T65, où il est question de Numa. Par contre, déduire des Fastes qu’une tradition antique attribuait la création des Féries aux Décemvirs est peut-être exagéré.
319 Qu’il convient à notre avis de mettre en relation avec Plut., Rom., 24, 2.
320 T. l’Ancien : T51 et 126 ; le Superbe : T50 et 118. Si l’on met en parallèle ce que disent les sources sur les trois autres grandes réalisations tarquiniennes que sont Ferentina ( = 1), la CloacaMaxima ( = 2) et le Capitolium ( = 3), certaines constantes apparaissent nettement : caractère antiquaire des notices attribuant ces travaux à T. l’Ancien [cf. Pline 36, 24 pour (1) ; 35, 45 pour (3)] ; attribution systématique à T. le Superbe par Tite-Live [1, 50 pour (1) ; 1, 38 et 56 pour (2) ; 1, 55 pour (3)]. Considérer l’attribution des Féries à T. l’Ancien par T126 comme une erreur (Irrtum), selon ce que proposait Schachermeyr, in R.E., A, 4, c. 2375, n’est donc pas fondé.
321 J. Poucet, o.c., p. 302 ; Cornell, Beginnings ofRome, p. 158 ; Ampolo, in St. di R., A. Momigliano et A. Schiavone éd., 1, 1988, p. 218 ; Pallottino, Origini 1993, p. 196.
322 Cf. supra p. 85 et s., et notre étude « Ferentina », p. 273 et s.
323 Ap. Plut., Rom., 2, 4. Voir, pour les différentes datations proposées, le commentaire ad loc. de C. Ampolo, Milan, 1988.
324 Diuus Julius, Oxford, 1971, p. 324. Selon une remarque suggestive d’A. Carandini, la déformation du nom de Tarquin qu’illustre le nom Tarchetios pourrait relever d’une damnatio memoriae pesant sur le nom des rois de Rome, ce qui renforce l’hypothèse d’une datation à la fin du vie s. : cf. Remo e Romolo, 2006, p. 56.
325 Pour ce toponyme, et ceux évoqués ci-après, on trouvera la bibl. in R. Werner, Der Beginn der r. Rep., 1963, p. 392 et s. (Schulze, et déjà Niebuhr, pro ; Beloch, contra).
326 C’est pourquoi sans doute aucun des ouvrages cités supra n. 313, ne commente ces données toponymiques ; rien non plus dans la CAH2, 7, 2 ni dans le colloque Gli Etruschi e Roma (1979), 1981.
327 Cf. Alfoldi, ERL, p. 190-191, qui considère le nom de Turnus comme une variante de Tyrrhenus et analyse les toponymes Tusculum, Velitrae, Privernum et Tarracina, comme le fait R. Werner, Der Beginn..., p. 292 et s.
328 Cf. T. Camous, Le Roi et le fleuve. Ancus Marcius Rex aux origines de la puissance romaine, Paris, 2004, p. 269.
329 On pourrait multiplier les références sur ce problème : bibl. ancienne in R. Werner, Der Beginn..., p. 370-371, n. 2 ; cf. aussi J. Heurgon, Rome et la Méditerranée..., p. 87 ; CAH2, 1989, p. 268.
330 The King Servius Tullius: a Historical Synthesis, Copenhague, 1980, p. 212. En ce sens aussi, mais seulement sur le mode de la suggestion : M. Pallottino, Origini 1993, p. 293. Pour la première moitié du siècle, cf. par ex. E. Pais, St. cr. di Roma, 1, 1, 1913, p. 371, et G. Lugli, « La via trionfale... », p. 272.
331 Bibl. in J. C. Richard, Origines..., p. 439, n. 18; cf. aussi CAH2 (Cornell), p. 273.
332 À notre avis, l’emissarium Albanum est antérieur à celui de Nemi ; contra, cf. F. Coarelli, qui, en 1981, trouvait celui de Nemi « un po più antico » (Dintorni di R., p. 80) et, en 1987, « notevolmente più antico » (« Roma, i Volsci e il Lazio ant. », in Crises et transformations des sociétés archaïques, Rome, 1990, p. 146).
333 Cf. supra p. 90 et s.
334 Cf. 1, 50 à 52.
335 Rom., 24, 2 dont dérive, à notre avis, Zonaras, T142 (cf. supra n. 155).
336 Voir notre « Ferentina », p. 273 et s., ainsi que F. Zevi, « I santuari ‘federali’ del Lazio : qualche appunto », in Eutopia, 4, 1995 (1997), p. 123-142 (p. 124).
337 Cf. Pline, N.H., 16, 91, 242 et supra p. 103.
338 Pline, ib. ; Strab., 5, 3, 5, 242 C. F. Zevi a mis en lumière un certain nombre d’éléments qui semblent indiquer qu’Ardée a joué un rôle fédéral important, à un moment qui pourrait se situer au ve s. av. J.-C. : « Il mito di Enea nella documentazione arch. », L’epos greco in Occidente, Naples, 1989, p. 247-290 ; G. Colonna place l’Aphrodisium mentionné par Strabon (5, 3, 5) au Colle della Banditella, près d’Ardée : « Gli scavi del 1852 ad Ardea e l’identificazione dell’’Aphrodisium », in Arch. Class., 47, 1995, p. 1-67.
339 Pour Alfoldi, cf. ERL, passim ; Cornell in CAH2 7, 2, 1989, p. 264-269.
340 Sur ce thème, cf. Alfoldi, ib., p. 141-145 et V. Bellini, « Sulla genesi e la struttura delle leghe nell’Italia arcaica », in RIDA, 8, 1961, p. 167-227 (p. 184), pour l’étude exacte de la terminologie employée par les sources.
341 « In fact the evidence seems to point to a variety of different forms of association among the Latins rather than a single ‘league’ (for which there is no precise equivalent in Latin) » (p. 268).
342 Ainsi Alfoldi (ERL, p. 29) parle-t-il de « false pretention ».
343 Sur l’orientation au sud ou à l’est dans les sanctuaires de la Rome archaïque, cf. F. Castagnoli, in St Rom, 27, 1979, p. 150 = Topografia Antica, 1, 1993, p. 423. Les considérations qui suivent ont leur origine dans une remarque de J. Carcopino, V.E.O.O., p. 486 ; voir aussi F. Zevi, « I santuari ‘federali’ del Lazio... », o.c., p. 123 et 138.
344 Cf. C. F. Giuliani et P. Sommella, in PP, 32, 1977, p. 356 et fig. p. 357.
345 Cf. en ce sens Enea nel Lazio, p. 172.
346 Voir l’épisode narré dans ses Souvenirs romains, 1968, p. 144.
347 Cf. Enea..., fig. p. 169 et Carandini, Nascita..., fig. 29 p. 540.
348 Cf. supra p. 207.
349 In Arch. Laz., 4, 1981, p. 294.
350 Fest., 276L et Liv., 1, 3, 3.
351 Bonstetten cité par Carcopino, o.c., p. 301 ; pour la valeur fédérale du sanctuaire de Faunus, cf. M. Torelli, Lavinio e Roma, 1984, p. 111.
352 Cf. supra n. 331.
353 Cf. Enea..., respectivement p. 169 et p. 171.
354 Cf. supra p. 270.
355 Cf. par ex. encore CAH2 7, 2, p. 267 (Cornell) ; A. Carandini, Nascita..., p. 545 ; M. Pallottino fait de cette opposition éventuelle celle de deux fédérations préurbaines (Laurentes contre Albenses) et non de deux centres : Origini 1993, p. 118. Voir aussi notre étude « Latinus ».
356 Et plus tard même hors du Latium, cf. CIL, 112, 6310 (Pisaurum).
357 Voir la très suggestive photographie in Carandini, Nascita..., p. 540.
358 Cf. L.T.U.R., 3, 1996, s.v. Latiaris collis, p. 177 (F. Coarelli), qui met cependant l’auguraculum qu’il y suppose en relation avec les comices du champ de Mars.
359 Cf. L.T.U.R., 1, 1993, s.v. arx, p. 127-129 (G. Giannelli) ; A. Carandini, Remo eRomolo, p. 148 et s.
360 Il Foro Romano, 1. Periodo arcaico, Rome, 1983, p. 101, à partir d’AJA, 82, 1978, p. 241.
361 « Le roi et l’augure », 1986.
362 À propos de l’arx, cf. F. Castagnoli in Topografia Ant., 1, 1993, p. 402 ; M. G. Granino Cecere, in « La documentazione ep. », o.c., p. 307, a contesté que l’arx Albanapuisse être identifiable : nous pensons au contraire qu’il s’agit du sommet du mons Albanus ; voir notre « Arx Albana... », o.c.
363 L’épigraphie ne suggère que le caractère sacral d’une telle dénomination, non l’identification elle-même, acquise par d’autres voies : cf. notre article indiqué n. précédente et supra p. 462 et s.
364 Cf. supra p. 597.
365 Fest., 474, 7 et 470, 35L ( = L2 438 et 436). Voir Linderski, « The Augural Law », in ANRW, 2, 16, 3, p. 2258 pour le commentaire de ces expressions.
366 Consulare imperium, Bâle, 1983, p. 17. C’est ainsi encore qu’à propos des devoirs incombant au consul Flaminius tels que les décrit Tite-Live (T22 et 23), une étude récente s’étonne de « la mention déroutante du sacrifice sur le Mont Albain à Jupiter Latiaris » (S. Benoist, La Fête à Rome au premier siècle de l’Empire, Bruxelles, 1999, p. 159).
367 Selon J. Linderski, « The aedileship of Favonius, Curio the Younger and Cicero’s election to the augurate », Roman Questions, Stuttgart, 1995, p. 231-250, Cicéron aurait été élu augure en mars 52, soit un mois avant le procès.
368 Cité en tant que tel in Th.L.L., s.v., 61, p. 790 (Bauer), à côté d’autres textes, dont Varr., LL, 6, 53. De même, il emplore le mot augural, regiones : cf. supra p. 502.
369 Cf. surtout P. Catalano, « Aspetti spaziali del sistema giuridico-religioso romano. Mundus, templum, urbs, ager, Latium, Italia », in ANRW, 2, 16, 1, p. 508-509 où l’on trouvera les réf. à Varron, Tite-Live, Pline et Dion Cassius. Sur fines, cf. J. Linderski, in ANRW, o.c., p. 2275.
370 Cecamore 1996, p. 64 et supra p. 502.
371 Cf. Fest., 58L : Cubans auspicatur, qui in lecto quaerit augurium. Sur le tabernaculum et l’expression tab. capere, cf. Linderski, in ANRW, o.c., p. 2164, 2188 et 2264.
372 Cf. supra p. 279 ; de même, on a parfois suggéré de voir dans la casa Romuli du Palatin un tabernaculum : cf. F. Coarelli, Roma Sepolta, 1984, p. 142.
373 Cf. supra n. 39.
374 Le mot uias est en facteur commun au début du passage, avec la symétrie in urbe puis extra urbem, à laquelle répondrait in fine, et en chiasme, l’intervention sur le mont Albain d’une part et au Capitole d’autre part. Madvig (éd., 4, 1, 1864, p. 34) évaluait à quatorze le nombre de lettres manquantes, Richter (o.c.) à onze ; ici nous en restituons treize. De fait, la pente des routes menant respectivement au sommet des deux reliefs est la même (cf. supra p. 277), sans doute en raison d’une habitude constante dans l’ingénierie routière romaine.
375 U. triumphalis : Nibby, Viaggio antiquario..., 2, p. 126 ; u. Albana : outre Holstein, Lugli, « La via trionfale... », p. 264 (avec bibl.), P. Chiarucci, « Viabilità arcaica... », in Alba Longa 1996, p. 318. Nibby lui donnait également le nom de sacra (o.c.). Cela dit, le nom de uia Albana nous paraît possible.
376 LL, 6, 86 : nunc primum ponam <e> Censoriis Tabulis : ubi noctu in templum censor auspicauerit atque de caelo nuntium erit, praeconi sic imperato ut uiros uocet, éd.-trad. P. Flobert, 1985, p. 40 ; pour le commentaire, cf. Linderski, in ANRW, o.c., p. 2189, n. 157.
377 Cf. T143i). On pourrait certes penser à une forgerie archaïsante, due au dédicant ou mise à la mode en ce temps (par Claude lui-même ?) : il demeure que les feriae sont bien une lustratio, comme en témoigne Cicéron.
378 Sur laquelle on verra Ogilvie, « Lustrum condere », in JRS, 51, 1961, p. 31-39 (p. 32), sans oublier le Dictionnaire étym. l. lat. d’Ernout-Meillet, 4e éd., p. 179.
379 Mommsen, DPR, passim ; ce thème est omniprésent dans toute l’œuvre d’A. Magdelain ; cf. A. Giovannini, o.c., p. 57, précisément à propos du Capitole.
380 Voir supra p. 445 et s.
381 Cf. K. Latte, Rom. Religionsgeschichte, 1960, p. 145 ; Alfoldi, ERL, p. 26 ; Volpi, Vetus Latium, 7, 1736, p. 53, comparait les réunions à l’aqua Ferentina et celles au sanctuaire de Voltumna.
382 Cf. Dizionario della civiltà etrusca, sous la dir. de M. Cristofani, Florence, 1985, p. 208, s.v. Orvieto.
383 À la bibl. citée par Alfoldi, ERL, ajouter R.E., A, 9, 1961, s.v. Voltumna, c. 850-851 (W. Eisenhut) ; voir maintenant La Lega etrusca, dalla dodecapoli ai quindecim populi, (colloque 1999), Pise/Rome, 2001.
384 « Etrusco mechl rasnal = lat. Res publica », in St. Maetzke, 1984, p. 451-468 ; A. Maggiani, « Magistrature cittadine, magistrature federali », in La Lega etrusca..., p. 37- 49, rétablit cependant la possibilité d’une charge fédérale.
385 Sur lequel reste fondamentale l’étude de J. Heurgon, « Sur la répartition du toponyme Rasenna dans l’Étrurie du n.e. » (1975), maintenant in Scripta Varia, Bruxelles, 1986, p. 477 et s.
386 Cf. M. Cristofani, o.c., p. 334, s.v. Voltumna. Selon A. Prosdocimi, Vertumnus existait à Rome avant son assimilation avec Voltumna : cf. « Le religioni degli Italici », in Italia omnium terrarum parens, G. Pugliese Carratelli éd., 1989, p. 542, n. 21.
387 Cf. F. Coarelli, Foro Romano, 1, p. 228.
388 La terminologie employée par ces auteurs pour parler d’une fédération étrusque a été étudiée par G. Perl, « Nomen Etruscum », in Die Welt der Etrusker (colloque 1988, H. Heres et M. Kunze éd.), Berlin, 1990, p. 101-109. Ce savant a par ailleurs montré comment Tacite utilisait le modèle de la ligue latine pour décrire la Germanie : cf. Wiss. Z. Rostock G37, 1988, p. 25 et s. Cf. aussi D. Briquel in La Lega etr., o.c., p. 9-18.
389 On se reportera à la lecture qu’en a donnée F. Coarelli, in DdA, 1983, p. 43-64 = id., Reuixit ars, Rome, 1996, p. 138 et s., et republiée aussi dans le vol. collectif Ricerche di pittura ellenistica, 1985, p. 43-69 avec discussion p. 280 et s. Une exposition organisée en 1987 au Vatican a permis de nouvelles observations : voir le catalogue éd. par F. Buranelli, ainsi que D. Briquel, Le Regard des autres. Les origines de Rome vues par ses ennemis, Besançon, 1997, p. 57 et s.
390 Sans parler des aspects plus généraux que nous mentionnons ci-après et qui valent pour toute ligue, on continue à s’interroger sur la tradition du passage d’un rex à un sacerdos, sur l’identification des différents peuples composant la ligue, sur la nature exacte de la charge de praetor Etruriae et sur ses possibles antécédents, sur la question d’une éventuelle rotation du pouvoir fédéral, etc. L’article de J. Heurgon, « L’État étrusque », in Historia, 6, 1957, p. 63-97 (partic. p. 86-93) reste indispensable.
391 Le défenseur le plus vigoureux de cette thèse étant naturellement Alfoldi, ERL, p. 26 et 27 ; dans le même sens, G. Perl, o.c., p. 106 (« vielleicht »).
392 Voir supra p. 590, ainsi que les considérations qui suivent.
393 Suggérée autrefois par J. Heurgon, o.c., p. 85.
394 O.c. supra n. 381, ib.
395 Cf. supra p. 73; Cornell, Beginnings, p. 295.
396 Et non J. Heurgon (qui le cite in Historia, 6, p. 87) comme l’écrit par erreur Alfoldi, ERL, p. 26, n. 3.
397 On lira sur cette question les considérations de T. J. Cornell, Beginnings, chap. 6 : « The myth of ‘Etruscan Rome’« , p. 151-172, à tempérer toutefois par D. Briquel, ap. F. Hinard, Hist. Romaine, 1, Paris, 2000, p. 90.
398 Voir in DNP, 3, 1997, s.v. Delphoi, c. 411-2, et P. Sânchez, L’Amphictionie des Pyles et de Delphes, Stuttgart, 2001, p. 77-78. Selon Strab., 5, 2, 3 (220), Caeré avait un trésor dans le sanctuaire grec.
399 Cf. surtout F. Coarelli, « I Tarquini e Delfi », in Les Grands Sanctuaires grecs et l’Occident, A. Mastrocinque éd., 1993, p. 31 et s.
400 Cf. Bommelaer, Guide de Delphes, Athènes, 1991, p. 97.
401 Comparer D.H., 4, 49, 2 : τόπον μὲν ἀπέδειξεν(ό Ταρκύνιος) ἔθα ποιήσονται τὴν σύνοδον ἐν μέσῳ μάλιστα τῶν ἐθνφν κείμενον ὄρος ὑψηλòν, avec Strab., 9, 3, 6 : Τῆς γὰρ ‘Ελλάδος ἐν μέσῳ πώς ἐστι (τò ίερóν) τῆς συμπάσυς, τῆς τε έντòς Ισθμοῦ καὶ τῆς έκτòς, et toute la fin du § 5, généralement considérée comme interpolée (mais qui n’est peut-être que déplacée, cf. l’éd.-trad. R. Baladié, 6, 1996, p. 123). Bien sûr, la comparaison vaut plus sur le plan religieux que politique.
402 Voir le bilan dressé par Gras 1985, p. 681 et s., et F. W. von Hase, « Présences étrusques et italiques dans les sanctuaires grecs », in Les Étrusques, les plus religieux des hommes, F. Gaultier, D. Briquel éd., Paris, 1997, p. 293-324.
403 Cf. M. Torelli, in PP, 1977, p. 398 et s. ; sur Démarate, cf. D. Musti, Storia Greca, 19902, p. 168 et 209.
404 Cf. E. Will, Korinthiaka, 1955, p. 411 : « début de la seconde moitié du vie s. » ; mais existence d’un temple antérieur attestée maintenant dès le premier quart du viie s. : cf. C. K. Williams in EAA, Sec. Suppl., 2, 1994, s.v. Corinto, p. 301.
405 Cf. R.E., 9, 1916, s.v. Isthmia, c. 2249 pour l’hypothèse d’une réorganisation vers 581-580 (K. Schneider).
406 Campo Marzio, p. 1-80. J. Heurgon avait déjà mis en lumière des affinités entre Rome et Corinthe : Entretiens Fondation Hardt, 13, 1973, p. 115. Cf. aussi F. Zevi, « Demarato e i re ‘corinzi’ di Roma », in L’incidenza dell’Antico, A. Storchi Marino éd., 1, 1995, p. 291 et s.
407 Cf. R.E., 18, 3, 1949, s.v., c. 601-605 (L. Ziehen) et DNP, 9, 2000, c. 247 : on sait que selon le Marbre de Paros, la ligue aurait existé dès 1086/1085, date que Wilamowitz rabaissait à la fin du viiie s., en fonction, finalement, d’une interprétation urbaine de l’histoire de la ligue ; la chronologie haute a été revalorisée depuis par de nombreuses études : en ce sens, D. Musti, o.c., p. 129 (avec bibl.).
408 Haec Melite propter ciuium adrogantiam ab his ciuitatibus bello indicto communi consilio est sublata : voir l’éd.-trad. de P. Gros, 1992, avec la n. p. 58-59.
409 Mont Mycale d’un côté, mont Albain de l’autre. La différence est qu’en Latium, il s’agit du centre de la fédération.
410 Plutôt à partir du début du viie s., première époque du stade d’après les fouilles : cf. D. Musti, o.c., p. 210, et DNP, 8, 2000, s.v. Olympia, c. 1176 et 1183.
411 Voir le parallélisme, sur ce point, des remarques d’A. Snodgrass sur Corinthe (La Grèce archaïque, 1986, p. 97) et de T. J. Cornell sur Rome : Beginnings, p. 112.
412 Très utile, la riche bibl. qui conclut l’ouvrage d’H. Beck, Polis u. Koinon, Stuttgart, 1997.
413 Pour une comparaison entre phénomènes grecs et romains, cf. E. A. Freeman, History of Federal Government in Greece and Italy, J. B. Bury éd., Londres-New York, 1893, et P. Funke, in Unity a. Units in Antiquity, colloque éd. par K. Buraselis, Athènes, 1994, p. 125-136 (non uidi).
414 Ainsi Alfoldi, in ERL, qui récusait vigoureusement toute comparaison avec les panégyries grecques (p. 2) et taxait Denys d’anachronisme (p. 5), ne refusait pas ce rapprochement : p. 23.
415 De G. Devoto, on verra, outre son éd. majeure de 1938, Tabulae Iguvinae, avec trad. latine, son éd. avec trad. en italien, Le Tavole di Gubbio, datée de 1948, 19773 ; éd.- trad. lat. par E. Vetter, Handb. ital. Dialekte, 1, Heidelberg, 1953, n. 239 p. 170-274 ; éd.- trad. en italien également par A. Morandi, Epigrafia italica, 1982, p. 75 et s. ; A. Prosdocimi a procuré en 1984 une édition diplomatique, Le Tavole Iguvine, 3 vol. parus, qu’ont précédée de nombreuses études, notamment celle parue dans la série P.C.I.A., vol. 6, 1978, sous le titre « L’umbro », p. 587-790, qui comprend une traduction en italien ; voir aussi sa synthèse, « Le religioni degli Italici », in Italia omnium..., o.c., p. 475-545 (indiquées infra sous les abréviations Prosdocimi 1984, P. 1978 et P. 1989). Ces auteurs ont, à l’occasion, eu recours au Latiar pour éclairer certains aspects du rite ombrien. Notre démarche étant inverse, le caractère très détaillé des Tables lui fournit une base plus large.
416 Les références sont faites selon le système habituellement utilisé depuis Lepsius (1833). À chaque fois, nous ne donnons qu’un exemple ou deux ; pour d’autres ex., on pourra se référer aux indices figurant dans la rééd. de Devoto, Tab. Ig., Rome, 1940, ou dans J. W. Poultney, The Bronze Tables of Iguvium, Baltimore, 1959 ( = Poultney 1959).
417 Au moins pour les cérémonies IIb et III-IV, pour lesquelles l’absence d’auspices indique, selon Prosdocimi 1989, p. 481, qu’il s’agit de jours déjà calendairement fixés ; ne sont précédées d’une auspicatio que celles dont la date n’est pas fixe. C’est le cas, à Rome, des lustrations ou de feriae conceptiuae comme les f. Latinae.
418 Il s’agit de l’arfertur que Devoto traduisait par flamen (ou pontifex), mais où Prosdodmi verrait un simple officiant, peut-être momentané : cf. Prosdocimi 1989, p. 483. Selon le lexicon donné par Poultney 1959, il s’agit du « chief priest in the cult of the Atiedan Brothers ».
419 Les termes nerf. arsmo. traduits « i maggiorenti e i sacerdoti » par Devoto (1977, p. 41) sont rendus par « i seniori e i (sacri) istituti » par Prosdocimi 1978, p. 651 ; « elders, chief citizens » selon Poultney 1959. Cf. aussi les prinvatur de VIb 65 où Devoto voit « i delegati », mais que Prosdocimi préfère laisser non traduits (ib., p. 691) ; Poultney : « name of certain officials ».
420 Cf. Prosdocimi 1989, p. 494 et p. 496 pour le rapprochement avec J. Latiaris.
421 Ib., p. 494 ; sur le rôle sacral des portes de ville, voir notre étude du cas romain : « Lieu d’où l’on vient ? Lieu où l’on va ? De la porta Romanula en particulier et des portes de Rome en général », in Mélanges A. Magdelain, M. Humbert et Y. Thomas éd., Paris, 1998, p. 175 et s.
422 En Ib 7, adipes : arvis, que Devoto traduisait par « grani tostati » (o.c., p. 43) et Vetter (o.c., p. 179) par « arvinis ( ?), extis ( ?) », signifie selon Prosdocimi 1978, p. 679, « con le formule di rito », et selon Poultney, qui les dissocie : arepes = « noun ‘flat’« et arvia = « grain » ; le vin, vinu, est en tout cas bien présent (ici l. 6).
423 En ce sens, cf., à propos de IIb, Prosdocimi 1978, p. 719 et 766 ; id., 1989, p. 480.
424 Cf. déjà Alfoldi, ERL, p. 23 ; Prosdocimi 1989, p. 492 à propos de Vb 8-18 ; contrairement à ce savant, nous verrions dans l’échange de céréales (far) attesté à Gubbio une différence plutôt qu’une ressemblance avec le Latiar.
425 Voir les schémas récapitulatifs in Prosdocimi 1978, p. 622-623.
426 Sur laquelle on verra Devoto, 1977, p. 19 ; Prosdocimi 1989, p. 481.
427 Cf. Prosdocimi 1978, p. 626-627, qui récuse l’hypothèse (Devoto) d’un transfert géographique et y voit plutôt, à juste titre nous semble-t-il, la trace du passage du préurbain à l’urbain. Sur cette comparaison, cf. maintenant A. Carandini, Remo e Romolo, 2006, p. 460-461.
428 Cf. par ex. Via pour l’aveis. aseriater, « l’observation des oiseaux » et ib., 19 pour « la lustration du populus et la purification de l’ocar » ; Ib 10 ( = VIb 48) montre bien la liaison entre ces deux opérations. L’analogie de ce point de vue avec le rituel du census romain a été déjà soulignée (Prosdocimi 1978, p. 610, et pour ces traductions).
429 C’est la perca. arsmatia portée par l’arfertur en Via 19, comprise par Devoto (1977, p. 31) comme une « toga sacerdotale », par Vetter (o.c., p. 236) comme une « virgam sacerdotalem », mais où Prosdocimi, qui ne traduit pas le mot, verrait plutôt un genre d’apex (dans son étude de 1978, p. 783).
430 Voir infra p. 862.
431 Autel principal : lia 19 (ase), 39 (asama), 40 (asaku) ; autel dans un bois : III 22 ; bois sacré (vuke) : III 3 ; bois sacrés spécifiques à une divinité : VIb 43 et 45 ( = Ib 1 et 4). Voie augurale (via. aviecla) : VIb 52 ( = Ib 14) ; pour le parallèle avec la uia Sacra, cf. Prosdocimi 1978, p. 773 ; cf. aussi la v. mersuva en III 11 (« voie rituelle » ?) : Vetter (o.c., p. 207) : « via ordinaria ».
432 VIa 26 et 36 ; une autre interprétation y verrait plutôt une allusion au feu de l’autel, ce qui n’éliminerait pas nécessairement tout rapport avec la foudre : cf. Prosdocimi 1978, p. 750. Voilà précisément un cas où nous pensons que la référence au rituel romain peut constituer un important élément d’appréciation.
433 Cf. Benvéniste in RHR, 129, 1945, p. 7 et s. ; Dumézil, RRA2, p. 161 et s.
434 À propos de Iupater Sancio de IIb et de l’okri fisio, et pour cette comparaison, cf. Prosdocimi 1989, p. 492 et 526.
435 En lia 25 (ahtrepuratu).
436 En VIa 19-20, que Devoto (19772, p. 78) interprétait comme destinée à symboliser l’éternité du feu ; selon Prosdocimi (1978, p. 615), ces lignes décrivent peut-être non le transport du feu, mais l’allumage des foyers qui, de toute façon, se situerait avant le premier sacrifice.
437 À propos de l’ocar de Gubbio, Prosdocimi, en 1978, relevait ainsi que « la sua indipendenza dalla struttura urbana è segnalata dal nome (‘Giovia’ e non ‘Iguvina’) » (p. 625).
438 Vin : Ib 6 ; far : Vb 10 et 15 ; moissons : Viia 17.
439 C’est le verfale de Gubbio, en Via 8-15 : voir le schéma in Prosdocimi 1978, p. 747 ; sur l’arx Albana, l’auguraculum n’est pas attesté mais il est, selon nous, déductible.
440 Selon A. Maggiani (in Prosdocimi 1984, 1, p. 236), l’écriture des Tables renvoie à un alphabet venu d’Étrurie septentrionale vers la seconde moitié du ive s.
441 En ce sens, cf. E. Campanile et C. Letta, Studi sulle magistrature indigene e municipali in area italica, 1979, p. 60, et A. Morandi, o.c., p. 85.
442 Cf. F. Coarelli, Il Campo Marzio, p. 201 à propos de Pisaurum et de son territoire.
443 Voir A. Prosdocimi, « Il lessico istituzionale italico. Tra linguistica e storia », in La cultura italica, Pise, 1978, p. 29-74 (partic. n. 13 p. 38 et n. 18 p. 54), et S. Sisani, Tuta Ikuvina : sviluppo e ideologia della forma urbana a Gubbio, Rome, 2001.
444 Cf. Liv., 7, 39, 16 : ad lapidem octauum uiae quae nunc Appia est, et notre étude in Mél. Moussy, 1998, p. 201 et s.
445 Cf. L. Quilici, La via Latina da Roma a Castel Savelli, 1978, p. 15, et id., Le Strade. Vabilità tra Roma e Lazio, 1990, p. 53 ; F. Coarelli, Dintorni di R., p. 128.
446 « Class. Top. of the Rom. Campagna », PBSR, 4, 1907, p. 4.
447 Description in Nibby, Analisi, 3, p. 597. On pourra se référer à la fig. 7 in 1AL 2, p. 32 ; sur ce parcours originel, cf. G. Radke, in R.E., S 13, 1973, s.v. Viae publicae Romanae, c. 1488 et 1493. Tomassetti, C.R., 4, p. 2, soulignait déjà, mais d’une manière vague, la très grande ancienneté de la voie et son rapport avec les Féries Latines. En ce sens aussi, J. R. Patterson, L.T.U.R., 5, 1999, s.v. uia Latina, p. 141 et R. Rea, ib, Suburbium, 3, 2005, s.v. id, p. 134.
448 « Latinus », p. 481-497, partic. p. 488 et s.
449 Ainsi maintenant F. Coarelli, L.T.U.R., 3, 1996, p. 325, s.v. porta Capena, rapproche le nom de cette porte de celui de *Cabum, qu’il place sur le sommet du M. Cavo.
450 Nous avons vu supra p. 476 pourquoi cette hypothèse, qui consiste finalement à remettre Albe à Albano, suivant un schéma qui avait été celui de la littérature préscientifique, ne nous paraît pas recevable.
451 On se reportera à l’abondante bibl. donnée par H. Solin, « Sul concetto di Lazio nell’antichità », in Studi storico-epigrafici sul Lazio antico, M. Kajava éd., 1996, p. 1 et s. Voir aussi B. Adamik, « Die Etymologische Herleitung des Namens Latium », Papers on Grammar, 9, 1, G. Calboli éd., Rome, 2005, p. 189-198, qui fait de Latium « le pays des marais » (Sumpfland).
452 Hist. Rom., 1, p. 43, trad. De Guerle.
453 Polybe, 3, 22, 13, έν τη Λατίνη ; cf. B. Scardigli, 1 trattati romano-cartaginesi, 1991, p. 53 et s.
454 Ap. D.H., A.R., 1, 72.
455 Cf. infra p. 691, pour une localisation sur le M. Cavo.
456 Cf. C. Ampolo, « Roma arcaica tra Latini ed Etruschi », Etruria e Lazio arcaico, M. Cristofani éd., 1987, p. 75 et s. (p. 79).
457 Ab eo (i.e. Latinus Silvius) coloniae aliquot deductae, Prisci Latini appellati : avec une imprécision due peut-être au souci de concilier la tradition des P. Latini avec celle des coloniae Albanae.
458 Liv., 1, 23, 4 ; A. Magdelain, De la royauté et du droit, de Romulus à Sabinus, Paris, 1995, p. 40-41 (suivi par A. Carandini, Nascita..., p. 234). Voir infrap. 717, la discussion de cette opinion. Ce nomen Albanum est un hapax.
459 Cf. par ex. Gelzer, à propos du nom Latium : « er muss fruh ausgedehnt worden sein uber das Albanergebirg, auf dessen Hohe Iuppiter Latiaris seinen Kult hatte », in R.E., 12, 1924, c. 940.
460 Par ex. par A. Pasqualini, « Miti Albani... », p. 229.
461 Cf. Wissowa, RKR2, p. 116, n. 5, et Latte, RRG, p. 80.
462 C’est ainsi le nom que, sans même le justifier, J. Bayet donne au relief albain : cf. sa Religion romaine..., p. 20.
463 Cf. supra p. 568.
464 Ps. Acr. sch. in Hor., ad c. 4, 1, 19 (éd. Keller, 1, p. 326).
465 B. Liou-Gille remarque ainsi que Denys (1, 45, 2) « a renoncé à la traduire en grec et s’est contenté de la traduire telle quelle » : « La Ligue Latine ou les Ligues Latines ? Fédérations au temps des rois romains », in Hommages à C. Deroux, 3, Bruxelles, 2003, p. 282- 293 (p. 283).
466 Cf. P. Chantraine, Dict. étym. langue gr., 2, 1970, s.v. κτίζω, p. 592.
467 Met., 1, 14, 352a-b ; le nom est maintenant attesté sur une tablette de Pylos : cf. G. Maddoli, in I Greci, 2, 1, 1996 (S. Settis éd.), p. 996. La similitude vaut pour l’ethnique, non pour le toponyme, puisque, géographiquement parlant, c’est le terme plus récent d’Hellas qui l’emporte.
468 Comme le souligne G. Maddoli, « Contatti antichi del mondo latino col mondo greco », in Alle origini del latino, E. Vinéis éd., Pise, 1982, p. 43.
469 Par ex. G. Devoto, Gli Antichi 1talici, 1931, 19673, p. 83.
470 C’est ainsi qu’A. Meillet, dans son Esquisse d’une histoire de la langue latine, Paris, 1928, p. 34, plaçait ce qu’il appelait le groupe italo-celtique vers la fin du second millénaire av. J.-C., tandis qu’Ernout écrivait encore en 1951 que « les tombes archaïques trouvées récemment [ ?] sur le Forum romain ne nous renseignent pas sur la langue que parlaient les hommes qui y furent inhumés » (in Philologica, 2, 1957, p. 61).
471 Et non au xve s., comme on l’a longtemps cru. Résumé des découvertes, in 1 Greci, 2, 1 (S. Settis éd.), par A. Uchitel, p. 103 et s. (p. 105).
472 Les protagonistes en furent Meillet (o.c. supra n. 470) et Devoto, dont on lira par ex. : « Il latino di Roma », in P.C.I.A., 6, 1978, p. 469 et s. (p. 478).
473 A. Meillet, o.c., p. 74.
474 Cas du mot manus pour bonus à Aricie (Fest., 128L) et Lanuvium (Macr., Sat., 1, 3, 13) ; autre ex. in Fest., 157L. Pour Tusculum, cf. A. Ernout, Les Éléments dialectaux du vocabulaire latin, Paris, 1909, p. 33 et p. 149-150 (mots du vocabulaire religieux).
475 Storia della lingua di Roma, 1940, 19693, p. 55.
476 Citée par S. Boscherini, « La costruzione del latino », in St. di R., 4, A. Momigliano et A. Schiavone éd., Turin, 1989, p. 661-678 (p. 664). Voir maintenant le bilan et les réflexions de P. Poccetti, « Metodi, percorsi e miraggi per una dialettologia del latino », Linguistica storica e dialettologia, S. C. Trovato éd., Rome, 2004, p. 147-236 (partic. p. 173 et s., 179, 194 et s.).
477 Zur Gesch. lat. Eigennamen, Berlin, 1904.
478 « Rapporti onomastici fra il pantheon etrusco e quello romano », in Gli Etruschi e Roma (1979), 1981, p. 104-126, et « Teonimi etruschi e teonimi italici », in Ann. Fond. Museo C. Faina, 5, 1998, p. 207-230.
479 Voir, in Rasenna, G. Pugliese Carratelli éd., Milan, 1986, « La religione », p. 157 et s., partic. p. 168-171.
480 « Réflexions sur la religion étrusque ‘primitive’ : de l’époque villanovienne à l’époque archaïque », in Les Étrusques, les plus religieux des hommes, D. Briquel et F. Gaultier éd., Paris, 1997, p. 431-448 (partic. p. 433 et 434).
481 Cf. G. Bartoloni et alii, Le urne a capanna..., p. 177-180 (F. Buranelli) : dix exemplaires identifiés à Véies et datables du ixe s. ; ib., p. 13 (G.B.) pour la chronologie relative.
482 « Divinités peu connues du panthéon étrusque », o.c. n. 480, p. 167-184 (partic. p. 180 et 183, n. 68).
483 Cf. M. Torelli, in Gli Etruschi maestri di idraulica, 1986, p. 20.
484 CIL, 14, 2387.
485 Voir infra p. 735.
486 Sur cette figure, voir la bibliographie rassemblée par A. Pasqualini, « Miti Albani... », p. 239, n. 93.
487 Cf. TRF, p. 322 R3 : Rex Veiens regem salutat Vibe Albanum Amulium. Sur ce fg., voir V. Tandoi, « Sul frammento neviano di Vibe in rapporto con Fabio Pittore », in Gli storiografi latini tramandati in frammenti, St. Urb., 49, 1975, p. 61 et s.
488 H. Rix, o.c., p. 125-126 (débuts premier millénaire) ; A. Maggiani, o.c., p. 434 (ixe s., qui est l’époque des urnes de Véies) ; M. Torelli, « La religione », o.c., p. 171, opte pour une fourchette plus large, xie-ixe s., ce qui nous paraît la solution la meilleure.
489 Cf. la note de synthèse de G. Camporeale, in Les Étrusques et l’Europe, catalogue d’exposition (Paris, 1992), p. 34-43.
490 Cf. M. Torelli, o.c., respectivement p. 213 (à propos précisément de Vetis-Vediovis) et p. 222. Par contre, et comme nous l’avons déjà vu, l’hypothèse de J. Gagé (MEFRA, 66, 1954, p. 39 et s.) selon laquelle l’Alpanu étrusque serait la déesse du lac Albain n’est pas à retenir.
491 CIL, 6, 2170 et 2171, qui appartiennent à un même tombeau ; CIL, 14, 2947, trouvée près de Préneste ; peut-être AE, 1955, 28, trouvée à Albano près de la villa de Domitien.
492 « La documentazione ep. », o.c, p. 302-307 ; ib., pl. 13 pour la reproduction du tombeau de L. Antistius Sarculo (CIL, 6, 2170), conservé au British Museum.
493 Ib., p. 307. Contra : notre étude « Arx Albana... », o.c., et supra p. 464.
494 Fragmenta Poetarum Latinorum, 1995, p. 7 et 8, fg. 14 du carmen saliare = Non. 58L (qui donne adtanus, comme Onious, 1895, p. 50) = Mueller, 1887, p. 55 ; Alde Manuce corrigeait en altanus (sc. uentus) et Swoboda en attanus.
495 Lipse in Antiq. Lat., 5, 14; Maurenbrecher, « Carminum saliarium reliquiae », in N. Jahr. Cl. Ph., S. 21, 1894, p. 313-352 (p. 346). L’incertitude de la tradition ne doit pas étonner, s’agissant d’une citation doublement (Nonius citant Nigidius citant le carmen s.) et sans doute triplement (Nigidius se fondait probablement sur le commentaire d’Aelius Stilo) indirecte.
496 Cf. R.E., A, 1, 1914, s.v. Salii (Geiger), c. 1891.
497 Cf. supra p. 222 et G. Colonna, « Gli scudi bilobati dell’Italia centrale e l’ancile dei Salii », in Arch. Class., 43, 1991, p. 55-122 (p. 68).
498 Cf. RG, 10, 1 ; sur tout cela, voir notre « Contribution à la topographie du Palatin », in REL, 70, 1992, p. 31 et s.
499 Cf. D.H., 2, 70 et 3, 32 ; Liv., 1, 27, 7 ; Cass. Dio, 2, fg. 7, 5.
500 Cf. T15, 48, 49 et 54.
501 G. Colonna (« Gli scudi bilobati... », o.c., p. 97) rapproche Morrius du Mamurius Veturius romain.
502 Cf. Serv., ad Aen., 8, 663, et le commentaire de G. Dumézil, RRA2, 1974, p. 158- 159.
503 Cf. Geiger, o.c., c. 1893.
504 Voir L.T.U.R., 1, 1993, s.v. Armilustrium (M. Andreussi), qui nous paraît trop critique à l’égard du rapport avec les Saliens, il est vrai non nommés, mais clairement identifiables par leur ancile : en ce sens, Wissowa in R.E., 2, 1, 1895, col. 1189.
505 On sait que diverses hypothèses ont cours sur l’origine de ce type d’arme : mycénienne selon Helbig, égéo-crétoise selon Muller-Karpe et Colonna, géométrique d’après R. Bloch, passée par une médiation chypriote selon E. Borgna, « Ancile e arma ancilia. Osservazioni sullo scudo dei Salii », in Ostraka, 2, 1993, p. 9-42, où l’on trouvera la bibl.
506 Voir la remarque d’Hulsen à propos des Vestales albaines mentionnées par Asconius : « wo die [...] virgines Albanae fungierten ist ungewiss », in R.E., 1, 1894, s.v. Alba Longa, c. 1301-2 ; déjà, Dessau soulignait que les sacerdoces dits albains n’avaient pas à être rapportés à Bovillae : cf. CIL, 14, p. 231.
507 Cf. 1, 549 : Vestali ab ara : s’agit-il de l’autel romain de l’Vrbs, ou de celui utilisé pour le sacrifice du taureau, et qualifié ainsi en raison du rite alors accompli par les uirgines Albanae, ou bien encore d’un autel qui leur aurait été réservé ?
508 CIL, 6, 2172 = ILS 5011, inscription honoraire trouvée sur l’Aventin à S. Saba, dont la titulaire semble avoir été de noble famille.
509 Cf. M. G. Granino Cecere, « La documentazione ep. », o.c., p. 313, qui relève que l’expression arcis Albanae n’apparaît pas dans les inscriptions antérieures et y voit la trace d’un archaïsme érudit : hypothèse vraisemblable, qui n’empêche nullement cependant que la formule n’ait eu un sens topographique précis.
510 De fait, la spécialiste citée supra situe, à la suite de F. Castagnoli, l’arx Albana à Castel Gandolfo. Rappelons toutefois que si cette expression a pu s’appliquer à l’Albanum Domitiani, c’est, à notre avis, en fonction d’une assimilation du princeps avec Jupiter, tandis que la convocation des pontifes dans la villa impériale pouvait s’expliquer par une imitatio Augusti, avec référence implicite au sanctuaire de Vesta installé sur le Palatin par le premier empereur : sur tout cela, cf. supra p. 465.
511 Cf. éd. B. A. Marshall, 1985, p. 188 et s. Cf. Cic., Pr. Mil. 31, 86: ante ipsam Bonam deam.
512 Cf. H. J. Brouwers, Bona Dea. The sources a. a Description of the Cult, Leiden, 1989.
513 CIL, 14, 2410 (Manlia Severina, datée de 158 ap.J.-C.), inscription de Bovillae prévoyant la mise en place de son portrait sur un bouclier placé ante templum nouum ; CIL, 6, 2172 (citée supra p. 457).
514 Cf. Cic., Leg. 2, 8, 20 : ignem foci publici sempiternum.
515 Cf. notamment C. Ampolo, dans de nombreux articles : par ex. in MEFRA, 92, 1980, p. 569 et s., repris in St. di R., A. Momigliano éd., 1, 1988, p. 157 et s.
516 Cf. La Grande R. dei Tarquini, 1990, p. 62 (L. Venditelli). Publication préliminaire sous le titre « Il progetto della prima Roma », in WAC, 1, 2004 et 2, 2005.
517 C’est en ce sens que G. Colonna interprète la finale -ai lisible sur un tesson (datation : du ve au iiie s.) trouvé avec d’autres près du temple de la Magna Mater (un autre portait les lettres -ues) : cf. Lapis Satricanus, 1979, p. 61 (p. 60, c et e). Par ailleurs, le sacrifice des uirgines Vestae à un sanctuaire d’une déesse Caca, situé au même endroit, a fait depuis longtemps supposer en celle-ci une première forme palatine de Vesta : cf. Koch, o.c., c. 1771, à propos de Serv., ad Aen., 8, 190.
518 Pour l’appellation, cf. CIL, 6, 1851 et 14, 2405/6/9/11 ; pour le contrôle par le pontife romain, cf. Juv., Sat., 4, 61 et Symmaque (lui-même pontife), Ep., 9, 147 et 148.
519 On nous accordera que l’explication avancée par les scholiastes, qui ne donnaient à la flamme qu’une valeur de signal indicateur de la fin du Latiar, n’est qu’une rationalisation sans valeur : cf. Scholia ad Lucanum, éd. Endt, 1909, p. 178-179 ( = T64 bis), et Suppl. adnotat. super Lucanum : libri I-IV, éd. G. A. Cavajoni, Milan, 1979, p. 74 et 320.
520 Cf. Ov., Fast., 3, 141 et s., Solin, 1, 34 et Macr., Sat., 1, 12. Voir Frazer, The Fasti of Ovid, Londres, 1929, 3, p. 39, pour la relation entre ce renouvellement et celui du premier mai.
521 Il y a cependant contradiction entre Ov., Fast., 3, 89 et Censorin, d. nat, 20, 2.
522 Voir, dans le cycle Le Rameau d’Or, republié par N. Belmont et M. Izard, Paris, 1981-1984, les vol. 1, p. 297 et s. sur le premier mai ; 2, p. 176 sur les feux du printemps ; 3, p. 344 et s. sur le feu de joie ; 4, p. 66 et s. sur « Les fêtes du feu en Europe ».
523 Symm., Ep., 9, 148.
524 Cf. Koch, o.c., c. 1730 et c. 1755 ; à Rome, l’opération intervenait à plusieurs reprises, notamment en avril (DAGR 5, 1919, Hild, s.v. Vestalis, p. 757) et en mai (Koch, o.c., c. 1738). Les Vestales romaines fournissaient-elles leurs subordonnées albaines ?
525 Cf. M. Beard, in JRS, 70, 1980, p. 12-27, « The sexual status of Vestal Virgins ».
526 Exclusion : l’aedes V. n’est pas un templum (Gell. 14, 7, 7 ; Serv., ad Aen., 7, 153 et 9, 4) ; inclusion : Hyginus : est parra Vestae, picus Martis (Non., 518M = 835L).
527 On sait que les Vestales de Lavinium ne pouvaient utiliser que l’eau du Numicus (Serv., ad Aen., 7, 150) et celles de Rome seulement celle de la source Égérie (réf. in Koch, c. 1754) ; la question se pose donc d’identifier la provenance de l’eau dont se servaient les prêtresses albaines : on pense évidemment au lacus Albanus, mais sans pouvoir le prouver ; ou faut-il citer les citernes dont les vestiges ont été retrouvés sur le mont ? Cf. supra p. 273.
528 Numa : Liv., o.c. ; Romulus : Plut., Rom., 22 et D.H., 2, 65.
529 1, 20, 3. Comme le souligne Heurgon (éd. livre 1, ad loc.), c’est aussi une manière de s’opposer à la version sabine (mise en avant par Varron, LL, 5, 74) ; Ogilvie, Commentary... (p. 98), dévalue la version albaine, n’y voyant qu’un dérivé de la propagande gentilice des Iulii.
530 Voir supra p. 374.
531 In RRA2, p. 328.
532 Cf. M. Angle et alii, « Prime testimonianze micence nel Latium Vetus », PP, 1993, 48, p. 190-217 ; de nouvelles analyses semblent montrer que la provenance en serait la région de Sibaris et de Tarente : cf. M. Angle et alii, « La tarda età del Bronzo nel Latium uetus. Nuovi dati », Lazio e Sabina, G. Ghini éd., Rome, 2004, p. 203-214.
533 De ce point de vue, l’inscription figurant sur un tesson (seconde moitié du vie s.) découvert par Boni sur le lieu du sanctuaire romain de Vesta pourrait, selon G. Colonna qui la lit uis(ta), constituer un argument en faveur de cette parenté originelle : cf. Lapis Satricanus, o.c., p. 56.
534 Od., 3, 30, v. 7 et 8. Il s’agit sans doute du Grand Pontife et de la Grande Vestale. La description, par sa valeur générale, semble indiquer que cette présence des Vestales se produisait à plus d’une occasion.
535 Cf. Koch, o.c., c. 1775.
536 IG, 14, 1119 ; cf. A. Pasqualini, « Miti Albani... » (in Alba Longa 1996, p. 241 n. 107), qui fait la relation avec Promathion, et G. Chiarucci (« Viabilità arcaica... », ib., p. 331) qui indique que cette pierre avait appartenu à Carnevali.
537 Cf. FPL, éd. Blànsdorf, 1985, p. 4, fg. 3. La mise en lumière de la relation entre les Ianualia du 9 janvier et les Vestalia du 9 juin est due à Brelich, Vesta, Zurich, 1949, p. 29.
538 Cf. Koch, o.c., c. 1772.
539 Cf. Ov., Fast., 3, 89, revalorisé par P. Brind’Amour, Le Calendrier..., o.c., p. 225.
540 Réf. in Wissowa, RKR2, p. 164, n. 7.
541 Toute étude doit partir de l’art. oscilla, in R.E., 18, 2, 1942, c. 1567 et s., par W. Ehlers.
542 Supra, T121 et 122.
543 D’après E. Rawson, « The identity problems of Q. Cornificius », in CQ, 28, 1978, p. 188-201; sur le poète, cf. Enciclopedia Virgiliana, 1, 1984, p. 896-897 (V. Tandoi). L’identité entre le poète et l’érudit n’est qu’une hypothèse. Pour les fragments subsistant, cf. Funaioli, GRF, 1907, p. 473-480, fg. 14 p. 478.
544 « Le roi et l’augure », p. 127, en développant l’hypothèse de Stangl, Ciceronis orationum scholiastae, 1912, p. 154.
545 Alors que le Dict. étym. d’Ernout-Meillet, 4e éd.2, p. 470, fait dériver oscillatio d’oscillum, celui de Walde-Hofmann, 3e éd., p. 226, préfère considérer l’étymologie comme « unsicher » ; dans l’éd. précédente, Walde pensait à *obsclinare ; cf. aussi Enc. Virgiliana, 3, 1987, s.v. oscillum (V. Cremona).
546 « Sulla tomba di Lanuvio », in PP, 36, 1981, p. 75.
547 Voir Gjerstad, Early Rome, 3, fig. 153 et 154 p. 246/7.
548 Cecamore 1996, p. 59, « un ciottolo di forma approssimativamente ovoide attraversato da un foro per la sospensione » ; de la photographie donnée fig. 3, on peut déduire que l’objet fait environ 8 cm de hauteur ; le matériau n’est pas indiqué, mais la comparaison avec les trouvailles du Comitium implique qu’il s’agit de pierre.
549 Par Ov., Fast., 5, 625-32, Lact., Inst. div, 1, 21, 7 et sans doute Arn., Nat., 2, 68 : sur ces textes, cf. D. Briquel, Pélasges, p. 367-397, selon qui les premiers responsables du « glissement » de l’étiologie des Saturnales aux Argées seraient Sinnius Capito et, avant lui, Manilius (qu’il faut reconnaître, à notre avis, dans le Mallius cité par Macr., 1, 10, 4, à propos, justement, des Saturnales). Cf. aussi A. Carandini, Nascita..., p. 198 et s.
550 Cf. supra n. 547.
551 « Ritual Cleaningup of the city: from the Lupercalia to the Argei », in Anc. Soc., 29, 1998-9, p. 191-218.
552 Voir l’art. de J. M. Pailler, « Les oscilla retrouvés », in MEFRA, 94, 1982, p. 743-822 (cf. fig. 1, 1 et 2 p. 821), selon qui, cependant (p. 744, n. 5), « le mot oscillum n’est jamais employé explicitement dans les textes antiques pour désigner le type d’objet qui nous intéresse ». On se souvient que nous avons interprété comme destinés à des oscilla les trous visibles dans la corniche du toit de l’urne-cabane de la tombe 8 de Villa Cavalletti : voir supra p. 381.
553 Ce qui jadis avait inspiré à Botticher (1856) sa théorie d’un Baumkultus : contra, cf. O. de Cazanove, « Suspensions d’ex-voto dans les bois sacrés », in Bois Sacrés, p. 111-126, qui montre que « les offrandes sont volontiers suspendues à l’élément architectural, plutôt qu’à l’arbre lui-même » (p. 116).
554 Malgré Preller, Rom. Mythologie, 1, 1881, p. 118.
555 Cf. Astron., 2, 4, éd. A. Le Bœuffle, 1983, p. 23-27, et Fab., 130.
556 Le Rameau d’Or (Le Dieu qui meurt), éd. cit., 2, p. 189.
557 J. L. Voisin, « Pendus, crucifiés, oscilla dans la Rome païenne », in Latomus, 38, 1979, p. 422 et s. (p. 447), qui ne parle toutefois que des Aiora ; D. Briquel, Pélasges, p. 363, n. 24 ; ajoutons l’article de R. Mazzacane, « Il carattere ludico sacrale dell’oscillatio », in Sandalion, 3, 1980, p. 143-150.
558 Frazer, o.c., p. 192, avec une analyse qui permettrait peut-être de concilier oscilla et oscillatio : « Dans les deux cas, il s’agit de purifier l’air d’influences malignes, qu’il s’agisse des âmes des morts privés de sépultures ou des puissances spirituelles hostiles à la croissance des plantes. » Sans vouloir faire de comparaison raison, nous voudrions citer ici ce que H. O. Rotermund dit de certaines pratiques prébouddhiques du Japon ancien, dans « L’offrande de fleurs en mémoire du Bouddha, ou l’art de disséquer les insectes », in Essais sur le rituel, 3, A. M. Blondeau et K. Schipper éd., Louvain/Paris, 1995, p. 139-152 ; après avoir évoqué le « concept du dieu résidant au sommet d’une montagne » (p. 147), ce savant ajoute : « La rencontre avec les morts au sommet d’une montagne est en effet très présente dans certaines pratiques religieuses, tel le pèlerinage au sommet, où l’on crie le nom des morts ou les convoque par des appels (« oï, oï ») pour un repas pris en commun, avant de rentrer à la maison ; le tout s’appelle d’ailleurs ‘aller à la rencontre des morts’« .
559 O.c., p. 190 et 193 où, en conclusion d’un développement recourant à des exemples pris dans les quatre continents, l’auteur observe : « Il semble que les fêtes du balancement aient particulièrement lieu au printemps » ; cf. aussi ib., 4, p. 66.
560 Voir les réserves de Koch, o.c., c. 1768 et s.
561 Voir notre Latinus 1988, p. 485 et infra p. 754. Or Cornificius n’ignorait pas la valeur solaire qui pouvait être donnée à Jupiter : cf. GRF, fg. 6 (p. 476 = Macr., 1, 23, 1) : eundem esse Iouem ac solem claris docetur indiciis [...] Iouis appellatione solem intellegi Cornificius scribit ; le fg. 9 (ib., p. 477 = Macr., 1, 17, 61) montre ainsi une grande attention au cursus solaire : sol in Capricorno incipit ab imis in alta remeare. Comment ne pas penser alors au mouvement même de l’oscillatio, tel que le décrit ce même Cornificius (Fest., 212L) : altissima < ad infima > [...] infima ad summum ?
562 Foro Romano, 1, p. 178. Sur les kouroi, voir dans Gr. Roma dei Tarquini, 1990, pl. II. Des objets analogues ont été trouvés ailleurs, par ex. à Lavinium : cf. ENL, p. 207. Est-ce ce qu’on appelait des ipsilles (Fest. 93 et 398L) ? Cf. Thes CRA, 1, p. 359.
563 Cf. D. Briquel, Pélasges, p. 363.
564 Dans la mesure où cette phrase se termine par les mots « tutti con qualche attributo di Giove per lo più fulminante », on hésitera cependant à voir dans la seconde catégorie ici définie des oscilla (car il s’agit plus probablement d’effigies divines) ; par contre, la définition convient à la première catégorie. Sur ces documents, cf. Cecamore 1996, p. 50-51.
565 P. 255 de l’o.c. supra n. 547 et ib., 4, 2, p. 379. Ce savant, citant Frazer, rappelle le pouvoir fertilisant accordé à la pierre par nombre d’anciennes cultures.
566 Cf. K. Wyss, Die Milch im Kultus der Griechen u. Romer, Giessen, 1914 ; J. Chevalier, A. Gheerbrant, Dict. des symboles, 19822, p. 556 et s.
567 Cf. H. Zehnacker, « Le ‘triens’ des Servilii et le bronze patrimonial », in StudiL. Breglia, 1987, p. 9-17, et id., « Rome : une société archaïque au contact de la monnaie », in Crises et transformations des sociétés archaïques de l’Italie ant. au ve s. a.C., colloque EFR, 1990, p. 307-326.
568 Cecamore 1996, p. 60-62.
569 Ne serait-ce que par le dialogue entre Numa et Jupiter qu’imagine Ovide, Fast., 3, 331 et s. ; cf. aussi F. Coarelli, Foro Romano, 1, p. 178.
570 Sur le nexum et la première Sécession, cf. J. C. Richard, Origines..., p. 493 et s. ; sur la loi partes secanto, cf. A. Magdelain, De la royauté..., p. 123.
571 « Miti Albani... », p. 220, n. 15.
572 Recherches sur le culte du Tibre, 1953, p. 48. Le sens de pro est : « pour obtenir ».
573 Démontrée autrefois par A. Brelich, Tre variazioni romane sul tema delle origini, 19762, p. 134, et maintenant par A. Carandini, Remo e Romolo, 2006, p. 299 et s.
574 Ce que souligne C. Cecamore elle-même (cf. Cecamore 1996, p. 60).
575 O.c., p. 49 et 50.
576 Cf. supra p. 316 et M. Carra et alii, « Sussistenza e paleoambiente a Villaggio delle Macine », in Atti XL Riunione sc. I.I.P.P., vol. 2, 2007, p. 775-786.
577 Cf. Oxf. Lat. Dict., 2, 1976, p. 1463, n. 18.
578 Cf. supra p. 466.
579 Cf. v. 46-47: Quis enim proponere talem / aut emere auderet? Il y a dans l’offrande décrite par Juvénal un rappel, sans doute volontaire, de l’offrande d’un turbot à Tibère par un pêcheur de Capri, que l’empereur fit exécuter : cf. Suet., Tib., 60, et E. Courtney, A Commentary on the Satires of Juvenal, o.c., p. 198.
580 Cecamore 1996, p. 60 et Pasqualini, « Miti Albani... », p. 220.
581 Voir E. Pellegrini, R. Macellari, I lingotti con il segno del ramo secco, Pise/Rome, 2002, p. 171-179.
582 Il s’agit des références : T 86 à 88, 90, 92, 94, 111, 112, 113, 114, 116, 116 bis, 117, 129, 135, 138. Nous n’avons pas inclus dans ces témoignages le texte de Cyrille d’Alexandrie parfois cité avec eux (Contra Iul., in Patr. Gr., 76, p. 698), mais où le nom de Jupiter Latial n’apparaît pas.
583 Cf. M. Malavolta, « I ludi... », o.c, p. 255-273 ; on trouvera p. 270, n. 46, les réf. bibl. aux auteurs qui ont exprimé un jugement sur la validité de ces textes ; pour : Hartung, Klausen, Marquardt, Werner ; contre : Aust, Wissowa, Schwenn, Latte ; on ajoutera, aux premiers, Jullian, Pais (St. cr. di Roma, 1913, p. 711), aux seconds, Eisenhut in Kl. P. W., s.v. feriae latinae ; H. Scullard, Festivals and Ceremonies of the Roman Republic, 1981, p. 114 ; D.N.P., 4, 1998, p. 478.
584 Avec J. M. Vermander, « Les Apologistes latins contre les dieux », in Rech. Aug., 17, 1982, p. 3-128 (partic. p. 48, 53, 124 et s.), et M. Malavolta, « I ludi... », o.c.
585 In MEFRA, 72, 1960, p. 273 et s. (p. 281-287) ; la liste des textes donnée p. 282, n. 2, est toutefois incomplète ; G. Ville développe l’hypothèse que nous évoquons, en la récusant lui aussi, tout comme M. Malavolta, « I ludi... », o.c., p. 271.
586 Comme le supposait par erreur Piganiol, Recherches sur les jeux Romains, 1923, p. 11, et « Le sens religieux des jeux antiques », in Scripta Varia, 2, 1973(1930), p. 162 (« sans doute à Tusculum »), en surinterprétant un texte de Cyrille (cf. supra n. 582) qui repose lui-même sur une confusion entre le dieu latin et Consus, sur laquelle on verra G. Ville, o.c., p. 287, n. 2.
587 O.c., p. 283 ; sur ce type de combattant, bibl. par Malavolta, « I ludi... », o.c., p. 262, n. 21 ; noter en particulier l’attestation épigraphique (CIL, 8, 19994), en Numidie, d’un bestiarius dit latiarius. Contrairement à ce qu’écrit le savant italien, qui ignore son article de 1960, G. Ville n’a pas hésité sur l’identification du bestiarius dont parle Tertullien avec un damnatus ad bestias, et c’est même à lui qu’elle est due : la page citée de La Gladiature en Occident, des origines à la mort de Domitien, 1981, est en réalité un rajout dû à l’éditeur de cet ouvrage posthume ; voir du reste ib.,p. 13, n. 12.
588 En ce sens, M. Malavolta, « I ludi... », o.c, p. 258, et A. Pasqualini, in MEFRA, 110, 1998, o.c., p. 783.
589 Cf. G. Ville, o.c., p. 284.
590 O.c., p. 286 : « un peu avant 318 » ; or on date maintenant ce texte entre 357 et 362 : cf. supra n. 146.
591 Evoquant l’ensemble des cultes païens, Prudence (1, v. 4) parle de renouata luis. Certains ont pensé toutefois que sa description vise plus les munera de gladiateurs en général que le rite de Jupiter Latial.
592 Voir supra p. 570. G. Ville faisait lui-même remarquer (o.c., p. 297) que l’interdiction des munera par Constantin avait été « immédiatement rapportée ».
593 In MEFRA, o.c., p. 780.
594 Sauf, peut-être, à Quintilien, qui ne fait pas moins de six citations de la célèbre apostrophe au paysage albain, où l’Orateur, dit-il, a fait descendre de l’Olympe deos ipsos in congressum prope suum sermonemque (Inst. or., 12, 10, 62), dans des uerba sanguinis plena (ib., 11, 1, 34).
595 Il montre lui-même, par l’extrait de son poème De consulatu suo qu’il cite dans le de div. (T12), qu’il avait pris cette célébration très au sérieux. Resterait à s’interroger sur les caractéristiques de la statue : sans doute bouche bée et yeux ouverts, vu la nature du rite et l’allusion de Cicéron.
596 Le vocabulaire employé par Florus renvoie très clairement à un contexte sacrificiel : consules inter sacra et aras immolarentur.
597 G. Ville, o.c., p. 284.
598 Encore que, selon une intéressante suggestion de M. Malavolta (« I ludi... », o.c., p. 269), le fameux minime Romano sacro de Tite-Live (22, 57, 6) à propos des sacrifices humains devrait s’entendre comme une allusion concessive au sacrifice à Jupiter Latial.
599 Cf. I. Gradel, « Iuppiter Latiaris... », o.c., p. 247 ; sur le rex nemorensis, cf. Cal. 35, 3.
600 O.c., p. 283 (« à partir du second siècle ») ; Piganiol, Recherches sur les jeux Romains, p. 133 ; datation exacte, par contre, bien que non motivée, in Diz. Ep., 3, 1922, s.v. Feriae Latinae, p. 53-56 (p. 54), D. Vaglieri.
601 Cf. M. Malavolta, « I ludi... », o.c., p. 263. Comme A. Pasqualini l’a remarqué (in MEFRA, o.c., p. 782), Dion Cassius (T101b) présente comme anormale la célébration des Latiaria de Rome par le praefectus Vrbi (πολίαρχος).
602 En ce sens, A. Pasqualini, ib., p. 780. Il est vrai qu’un texte de Dion Cassius (T101b) semble à première vue postuler une nette dissociation entre les Féries du mont Albain et les cérémonies urbaines ; en réalité, le caractère anormal de ces dernières en cette année 42 av. J.-C. résidait dans leur simultanéité avec le sacrifice confédéral et leur direction par le préfet de la ville, alors que la règle exigeait qu’elles fussent confiées aux consuls, et distinguées (juste avant ou après) du Latiar albain.
603 « I ludi... », o.c.
604 Cf. ib., p. 272.
605 Ils ont été par ex. abondamment développés par K. Kircher, Die sakrale Bedeutung des Weines im Altertum, Giessen, 1910, p. 74-90 (qui est orienté beaucoup plus vers la Grèce que vers Rome) ; sur l’assaratum, cf. p. 83.
606 À travers le ius osculi : cf. supra p. 424.
607 Fest., 15L : assaratum apud antiquos dicebatur genus quoddam potionis ex uino et sanguine temperatum, quod Latini prisci sanguinem assyr uocarent. On pense aussi à l’étrange boisson bue par les mercenaires grecs avant la bataille de Péluse (525 av. J.-C.) : cf. Hér., 3, 11.
608 Cf. Malavolta, « I ludi... », o.c., p. 272.
609 Triumphus, Leiden, 1970, p. 267-269 et p. 279 et s.
610 Tertull., Spect. 9, 5 et Cassiodore, Var. 3, 51, commentés par Piganiol, Recherches sur les jeux Romains, p. 143.
611 Pour une critique de cet aspect de la théorie de Versnel, voir les remarques concordantes, dans leurs recensions de son livre, par J. Gagé, REA, 31, 1972, p. 585-588, P. Grimal, REL, 49, 1971, p. 460-462, J. Heurgon, REA, 74, 1972, p. 392-398, D. Musti, JRS, 62, 1972, p. 163-166.
612 La référence à ce passage de Pline ne figure dans aucune des notices consacrées au Capitole dans le L.T.U.R., 1, 1993 : aedes thensarum, area Capitolina, Capitolium, cliuus Capitolinus.
613 Sur la morphologie originaire de la colline, cf. A. Ammerman, N. Terrenato, « Nuove osservazioni sul Colle Capitolino », BCAR, 96-97, 1997, p. 35-46 ; sur les grands travaux à partir de la fin du viie s. : A. M. Sommella, « ’La grande Roma dei Tarquini’ : alterne vicende di una felice intuizione », BCAR, 101, 2000, p. 7-26, et ead., « Le recenti scoperte sul Campidoglio e la fondazione del tempio di Giove Capitolino », RPAA, 70, 1997- 1998, p. 57-79.
614 Cf. L.T.U.R., ib, s.v. circus F.
615 « I ludi... », o.c., p. 260 à propos de D.H., 2, 54, 3 et Plut., Rom., 24, 5.
616 Sur lesquels cf. F. Bernstein, Ludi publici, o.c., qui ne parle toutefois pas des l. Latiares.
617 Dion Cassius : τὰ Λατιιάρια ; Tertullien : Latiares (s.e. ludi) et ludis (suis appliqué à Jupiter) ; Prudence : Latiari in munere.
618 Si W. K. Quinn-Schofield, « Ludi Romani magnique uarie appellati », in Latomus, 26, 1967, p. 96-103, a placé ces jeux Latiares dans le Circus Maximus (p. 97), sur la base d’une mélecture de Tertullien, c’est pour avoir ignoré et la notice de Pline ici commentée et l’identité du dieu dédicataire du sacrifice du bestiarius, qu’il croit être Jupiter Capitolin...
619 Sur le contresens commis à l’égard de cette expression, cf. supra n. 73. On se souviendra que, la plupart du temps, l’emploi de Latinae en substantif renvoie uniquement aux cérémonies du mont Albain.
620 Sur Mettius F., voir la bibl. rassemblée par A. Pasqualini, « Miti Albani... », p. 248.
621 Cf. Degrassi, Inscr. It., 13, 1, p. 144 (fg. I d) : lecture réduite à un simple -i par Mommsen, Rom. Forsch., 2, p. 100.
622 Réf. citées par M. Malavolta, « I ludi... », o.c., p. 256. Quinn-Schofield, o.c., p. 101, réfute toute idée d’opposition entre le Jupiter romain et luppiter Latiaris, et fait pour cela une comparaison avec les différentes épiclèses de la Vierge Marie : mais le principe même d’une telle analyse est erroné, puisqu’il s’agit dans un cas d’un monothéisme et dans l’autre d’un polythéisme.
623 La nature (annui ou uotiui), le nom (Romani ou magni ou maximi), la chronologie (royale ou républicaine) de ces ludi font difficulté. La solution généralement retenue de deux types de jeux d’abord différents puis assimilés permet sans doute de résoudre les contradictions apparentes des sources anciennes : cf. W. K. Quinn-Schofield, o.c. (confus) et Versnel, o.c., p. 114. La question reste de savoir à quel moment l’appellation de Romani s’est imposée : avec les Tarquins (Versnel, ib.) ou après la bataille du lac Régille ? Voir note suivante.
624 Tarquin l’Ancien : Cic., Rep., 2, 36 et Liv., 1, 35, 9 (dans un contexte de guerre contre les Latins) ; au ve siècle : Cic., div., 1, 26, 55 (bello Latino) et Liv., 2, 36, avec mention du nom, révélateur, du héros de l’aition : Latinius, dont on notera aussi la qualité de plébéien ; D.H., 7, 71 (guerre contre les Latins). La séquence royale manque chez ce dernier auteur qui, cependant, réfère la construction du Grand Cirque (lieu des Jeux) à Tarquin l’Ancien (3, 68).
625 Par ex., il ne figure pas dans la RRA2, p. 214, de G. Dumézil, dans son développement sur Iup. Latiaris.
626 Rom. Religionsgeschichte (1931), 19512, 1, p. 152 (ib., p. 151 sur Ferentina).
627 Qu’il nous suffise de renvoyer ici à G. Radke, Die Gotter Altitaliens, 1965, p. 155 et s.
628 Sur ce dieu et les rites qui se cachent derrière le mythe du roi du Latium : cf. R.E., 6, 1909 (Otto), s.v. faunus, c. 2054 et s. et A. Brelich, Tre variazioni romane sul tema delle origini, 19752, p. 57 et s.
629 Par le biais de S. Augustin (cf. le mot dissentire), comme nous l’avons supposé in « Le roi et l’augure » (1986), p. 145, n. 35.
630 Studien und Andeutungen im Gebiet des altromischen Bodens und Cultus, Breslau, 1839, p. 145.
631 Nascita..., p. 199 ; par contre, la définition, par le même auteur, de Picus comme « fondatore di Alba » ne nous paraît pas convaincante.
632 V.E.O.O.2, p. 300 et s. ; cf. aussi M. G. Granino Cecere, « Epigrafia dei santuari rurali del Latium Vetus », in MEFRA, 104, 1992, p. 127, qui souligne que le sanctuaire était en activité dès le ve s. av. J.-C.
633 Serv., Georg., 1, 10 ; autres citations in R.E., o.c., c. 2057 et 2070 : en partic. Ov., Fast., 3, 315, di sumus agrestes et qui dominemur in altis montibus.
634 Cf. Otto, in R.E., o.c., c. 2073. Bona Dea avait par ailleurs un temple près de Bovillae, dont s’occupaient apparemment les Vestales arcis Albanae (cf. Asc., In Mil., 35, 13-16). Avait-elle eu d’abord (et encore ?) un sanctuaire (anciennement consacré à Fauna ?) sur la montagne latine ?
635 Sur cet aspect, cf. Brelich, o.c., p. 76. Le lait apparaît aussi dans les Lupercales, dont les rapports avec Faunus, même s’ils ne sont peut-être pas « originels », sont cependant bien établis.
636 Cf. Dumézil, RRA2, p. 215-256 ; p. 252 sur la présence d’un flamen Martialis à Aricie et p. 253 sur le culte du dieu en Latium (lance de Mars à Lanuvium et à Préneste).
637 Cf. supra p. 620 et s.
638 Sur cet épisode, voir la bibl. in : A. Pasqualini, « Miti Albani... », p. 230, n. 58.
639 Cf. supra p. 494 et, déjà, Dumézil, RRA2, p. 218.
640 Volcanus, recherches comparatistes sur les origines du culte de Vulcain, Rome, 1992.
641 Cf. lG, 14, 1119 et supra p. 498.
642 De la royauté..., p. 19 et s., selon qui ce dieu aurait été remplacé par Vediovis.
643 Cf. supra p. 206.
644 Au moins la date que nous avons estimé correspondre aux caractéristiques premières de la fête, et que le Principat rétablira. On pourrait aussi penser à Maia, sur la base de Varron (GRFfg. 408 Fun. = Cens. 22, 9) : Maium uero [...] aMaia nomen accepisse, quod eo mense tam Romae quam antea in Latio res diuina Maiae fit et Mercurio. Cf. aussi Fest., 120L : Maius mensis in compluribus ciuitatibus Latinis ante Vrbem conditam fuisse uidetur.
645 Voir notamment M. Torelli, Lavinio e Roma, 1984.
646 Cecamore 1993, p. 19 et s.
647 Réf. in Radke, o.c., p. 279-282.
648 Cf. D. Briquel, « Sur les aspects militaires du dieu ombrien Fisus Sancius », in MEFRA, 90, 1978, p. 133 et s. ; cf., sur Quirinus, ses remarques in R.B.Ph.H., 74, 1996, p. 99 et s.
649 Cecamore 1996, p. 58 et s. En faveur toutefois d’un rapprochement Latinus-Romulus, voir maintenant A. Carandini, Remo e Romolo, p. 328 et s.
650 Cf. « Miti Albani... », p. 225 et s.
651 Cf. R.E., A, 2, 1921, c. 218-223 (220), Thulin ; D. Briquel, « Jupiter, Saturne et le Capitole », in RHR, 198, 1981, p. 131 et s. (p. 152-153).
652 Voir in L.T.U.R., 4, 1999, s.v. Saturnus, aedes, F. Coarelli, p. 234 et s.
653 C. Guittard, « Rech. s. la nature de Saturne, des origines à la réforme de 217 av. J.- C. », in R. Bloch, Rech. sur les religions de l’Italie ant., 1976, p. 43-71 (p. 63) ; contra, D. Briquel, o.c., p. 141.
654 Du moins, selon Macr., 1, 8, 1, mais d’autres traditions la situaient en 497 : cf. R.E., A, 2, 1921, s.v. Saturnalia, c. 202 (Nilsson).
655 Cf. supra n. 651 et G. Dumézil, RRA2, p. 187.
656 Cf. C. Ceretti, « Assetto territoriale e religione nel Lazio protostorico », in Riv. Geogr. lt., 94, 1987, p. 1-29; A. Zifferero, « The Geography of the ritual landscape in complex sodeties », in New Developments in Ital. Landscape Arch., P. Attema éd., 2002, p. 246-265 (p. 252 et s.).
657 Cf. G. Radke, o.c., p. 105; G. Dumézil, o.c., p. 409.
658 En ce sens, cf. C. Santi, « Su alcuni aspetti dei pellegrinaggi e dei culti », SMSR, 24, 2000, p. 217-226.
659 Cf. G. Radke, « Iuppiter Optimus Maximus : dieu libre de toute servitude », in RHDF, 64, 1986, p. 1-17 ; cf. Wissowa, RKR2, p. 126. Il s’agit de rapprocher les épiclèses du dieu souverain des qualificatifs qui, dans la langue juridique, désignent un terrain libre de servitudes. Autres opinions recensées par R. Schilling, « À propos de l’expression I.O.M. », in Soc. Acad. Dacoromana, Acta Philol., 3, 1964, p. 345-348 ; Dumézil (RRA2, p. 200) refuse la thèse « comparatiste » de Wissowa (suivi par Warde-Fowler et Piganiol) et cite Cic., domo (144) : Optimus propter beneficia et Maximus propter uim. L’ensemble du dossier doit être complété par les réflexions d’A. Magdelain, De la royauté..., p. 55-59, selon qui, « de même que Jupiter est civilement Optimus et dans la guerre Maximus, le magistrat supérieur reproduit cette double compétence » (p. 58).
660 « Le roi et l’augure », o.c., p. 130 ; contra, A. Pasqualini, « Miti Albani... », p. 243. Pour ce qui est de la spectio de l’arx capitoline, A. Carandini vient de calculer que, si la structure dans le jardin de l’Aracoeli est bien l’auguraculum antique (ce que l’orientation de la F.U.R. semble confirmer), l’axe visuel qu’elle détermine vers le s.e. aboutit exactement à 1179 m au sud du M. Cavo, ce qui est très peu : cf. Remo e Romolo, n. 681 p. 255.
661 Texte in B. Schnegg-Kohler, Die augusteischen Sàkularspiele, ARG, 4, 2002, p. 36 et 40.
662 Sur la réforme augustéenne, cf. R. Thomsen, The Italic Regions, 1947, chap. 1 et p. 151 ; C. Nicolet, « L’origine des regiones Italiae augustéennes », in CCG, 2, 1991, p. 73 et s. ; sur Rome et Capoue au ive s., cf. M. Frederiksen, Campania, 1984, p. 180-206.
663 Sources in Schwegler, Rom. Gesch., 1, p. 674, n. 6 pour Tarquin l’Ancien, p. 771, n. 2 pour T. le Superbe.
664 Sur cette figure, cf. infra, p. 778.
665 Liste in Schwegler, o.c., p. 771, n. 2. Seuls, on le sait, les dieux Terminus, luuentas et Mars (qu’on oublie souvent) auraient résisté à ce déplacement. Il peut, il est vrai, s’agir d’une étiologie destinée à expliquer la présence de plusieurs dieux dans le même sanctuaire ; c’est ce dernier fait qui seul nous importe ici.
666 Cf. Wissowa, RKR2, p. 117 ; Dumézil, RRA2, p. 184 ; A. Carandini, Nascita..., p. 376.
667 Voir, respectivement, Tre variazioni...2, p. 89, et « Jupiter, Saturne... », o.c.
668 Réf. in R.E., 6, c. 2071, l. 32 et s.
669 Rien in Dumézil, RRA, ni non plus dans l’ouvrage de F. Borner, Untersuchungen uber die Religion der Sklaven in Griechenland und Rom, 1, 1957, 19812 (où l’on relèvera néanmoins, p. 154 et s., la place prise par les esclaves dans le culte de Bona Dea, présente dans l’ager Albanus) et 2, 1990.
670 Le droit romain établissait d’ailleurs des liens entre l’affranchissement et le ius Latii : cf. C. Lécrivain in DAGR, 3, 2, 1904, s.v. Libertus, p. 1208 et s.
671 Cf. supra T143i. Pour un mundus en liaison avec les oscilla, cf. A. Pasqualini, o.c., p. 226.
672 Sur cette dernière expression, cf. Ogilvie, « Lustrum condere », in JRS, 51, 1961, p. 31-39, et J.-P. Brachet, « Les fondements indo-européens de urbem condere », in Latomus, 63, 2004, p. 825 et s. (p. 831).
673 Aust, in Lex. gr. rom. Mythologie, 2, 1890, s.v. Iuppiter Latiaris, c. 686 et s.
674 Sur cette « substitution de victimes dans les sacrifices d’animaux à Rome », voir G. Capdeville, MEFRA, 83, 1971, p. 283-323 (p. 299). Le s.c. dont parle Arnobe correspond, à notre avis, à celui rapporté par Aulu-Gelle (4, 6, 2 : cf. Capdeville, p. 308), et doit donc être daté de 99 av. J.-C.
675 Car si l’instauratio des Féries en 176 av. J.-C. (T35) est provoquée par l’oubli de la prière pour Rome de la part du représentant de Lanuvium, l’oubli inverse, de la part du magistrat romain, de la distribution d’une part sacrificielle à tel ou tel peuple (T29 pour Ardée, T32 pour les Laurentes) a exactement la même conséquence.
676 « Caesar u. Romulus-Quirinus », in Historia, 11, 1962, p. 368 ; voir aussi A. Carandini, Remo e Romolo, p. 328 et s.
677 Ce que souligne W. Burckert, o.c., p. 368.
678 Voir infra p. 735. Ainsi s’expliquent les cas d’instauratio commémorative.
679 Chez Tite-Live, patrio ritu : T16 et 5, 52, 9 (où Albe n’est toutefois pas citée) ; Albano ritu : 1, 7, 3 à propos de Romulus : Sacra dis aliis Alb. r., Graeco Herculi, ut ab Euandro instituta erant, facit. L’opposition avec le rite dit grec montre bien que ce rite albain est un rite latin. En symétrie inverse, les c.r. des jeux Séculaires parlent, non pas de rite grec mais d’Achiuo ritu : CIL, 6, 42, p. 3241, l. 91.
680 Cf. supra p. 671, et A. Carandini, Nascita..., p. 400.
681 On partira de la notice « Veiovis » dans le Roscher Lex., 6, 1937 (Wissowa), c. 174-176 ; Gjerstad, « Veiovis. A Pre-Indoeuropean God in Rome ? » O. Rom., 9, 1973, p. 35-42, soulignant la jeunesse du dieu, le fait que l’animal à lui consacré est la chèvre, et que les sacrifices qu’on lui rend ont un caractère funéraire, y voit la trace d’une divinité méditerranéenne et pré-indo-européenne de la végétation, à l’instar du Zeus crétois ; G. Piccaluga, « L’anti-Juppiter », SMSR, 34, 1963, p. 229-236, y voit un double inversé de Iup. Opt. Max. ; dans le même sens, A. Magdelain, arguant de ce que l’agonium de mai lui est dédié dans le calendrier archaïque, pense que « Vediovis est un substitut de Maius » et que « sur le nominatif Diovis on a formé Vediovis, quand on estima que Maius avait fait son temps face à Jupiter Capitolin » (De la royauté..., p. 18-21 et 29-30). La datation archaïque du matériel mis au jour par Colini à l’emplacement présumé du temple capitolin du dieu (cf. L.T.U.R., 1, p. 231, G. Tagliamonte) est-elle un argument en faveur de cette hypothèse d’un dieu fabriqué à l’époque royale comme contre-épreuve du Iuppiter O. M. ? Reste à expliquer ses aspects albains : sont-ils originaires ou artificiels ?
682 In Dict. Ant., s.v. Feriae Lat., p. 1070, à propos de CIL, 112, 6310, qui est une liste de cultores Iouis Latii comprenant originellement une cinquantaine de noms. Une autre inscription transcrite par Ligorio aurait été trouvée dans l’amphithéâtre d’Albano, dédiée Ioui latiari optimo maximo conseruatori au temps de Caracalla (CIL, 14, 126*) : C. Jullian était prêt à la considérer comme authentique.
683 Les implications exactes qu’il convient de donner, sous l’Empire, à cette notion ont suscité un important débat : qu’il nous suffise de renvoyer à D. Kremer, Ius Latinum. Le concept de droit latin sous la République et l’Empire, Paris, 2006. On relèvera en tout cas avec C. Jullian (o.c., p. 1070) le lien entre la dévotion à Jup. Latial manifestée par César et peut-être par Caligula, et le fait que « ces deux princes sont parmi ceux qui ont le plus favorisé les provinciaux et l’extension du droit latin ou de la cité romaine ». On pourrait le dire aussi de Claude.
684 Villes d’Asie Mineure, 1935, p. 83.
685 Voir par ex. la trad. d’H. Zehnacker, éd. l. 3, p. 41.
686 Cf. Vetus Latium, 1736, vol. 7, l. 12, chap. 4, p. 47 : « Singulos quoque Latinos populos qui illis [ = feriis latinis] interesse olim consueuerant, operae pretium est, ex Plinio nunc recensere. » Ce qui appartient en propre à Niebuhr, c’est l’hypothèse faisant de populi Albenses un collectif.
687 Réf. infra n. 695.
688 Encore qu’il s’agisse là d’une démarche qui était déjà celle de Nibby (réf. infra n. 695) ; on ne saurait donc dire que « non è mai stata considerata la possibilità di accostare le notizie ricavabili dalle nostre fonti al quadro topografico » (P. Carafa in A. Carandini, Nascita..., p. 610) : c’est oublier non seulement Nibby, mais aussi Pallottino et bien d’autres savants.
689 Klausen, Aeneas u. die Penaten, 1840, 2, p. 794 ; Schwegler, Rom. Gesch., 12, p. 349, et réf. citées infra n. 697 ; voir maintenant C. Ampolo, « L’organizzazione politica dei Latini ed il problema degli Albenses », in Alba Longa 1996, p. 135-160. En 1988 encore, ce savant écrivait que « la lista conservata da Plinio il Vecchio è un documento genuino » (St. di R., 1, p. 167), souscrivant à la théorie que nous appelons du « faux-authentique ».
690 Cf. P. Catalano, « Aspetti spaziali... », in ANRW, 2, 16, 1, o.c., p. 508.
691 3, 68.
692 « Aucune réponse assurée n’est actuellement possible », H. Zehnacker, o.c., p. 184. Nous pensons que ce chiffre de LIII résulte en fait de la correction inopportune d’un copiste qui aura cru devoir tenir compte de tous les noms propres apparaissant au nominatif dans ce passage, soit : 31 populi albains + 20 oppida latins + 2 (Roma et Ianiculum au § 68) = 53.
693 O.c., p. 169.
694 Art. « Feriae latinae » in DAGR, 4, p. 1068 n. 12.
695 Nous utilisons, dans l’analyse qui suit, les travaux suivants, auxquels nous renvoyons par la seule mention du nom de leurs auteurs : Niebuhr (B.G.) : Hist. rom., trad. Golbéry, 1, 1830, p. 283 et 3, 1834, p. 345 ; Gell (W.) : The Topography of Rome and its Vicinity, 1834, 2, p. 57 et s. ; Nibby (A.) : Analisi storico-topografico-antiquaria della carta de’ dintorni di Roma, 1837, 3 vol. ; Bormann (E.) : Altlatinische Chorographie und Stàdtegeschichte, 1852, p. 87-89 ; Desjardins (E.) : Essai sur la topographie du Latium, 1854, p. 7 et s. ; Zoeller (M.) : Latium und Rom, 1878, p. 224 et s. ; Seeck (O.) : « Urkundenstudien zur àlteren romischen Geschichte », in Rh.M., 37, 1882, p. 1-25 et 598-609 ; Mommsen (Th.) : « Die Untergegangenen Ortschaften im eigentlichen Latium », in Hermes, 17, 1882, p. 42 et s. = Ges. Schr, 5, p. 69-84 ; Nissen (H.) : It. Land., 2, 2, 1902, p. 555-558 ; De Sanctis (G.) : St. dei Rom., 1, 1907, p. 379-381 ; Rosenberg (A.) : « Zur Gesch. des Latinerbundes », in Hermes, 54, 1919, p. 125-142 ; Pais (E.) : Ricerche sulla storia e sul diritto pubblico di Roma, serie quarta, 1921, p. 77 et s., et p. 121 et s. ; Beloch (J.) : Der italische Bund unter Roms Hegemonie, 1880, p. 178-179 et Rom. Gesch., 1926, p. 149 et s. ; Sergi (G.) : Da Alba Longa a Roma, 1934, p. 142 et s. ; Ribezzo (R.) : « Fatti, fonti e metodi di studio per la toponomastica di Roma e Lazio delle origini », in Onomastica, 2, 1948, p. 29-48 ; Pallottino (M.) : « Le origini di Roma », articles de 1960 et 1972, maintenant in Saggi di Antichità, 1, 1979, respectivement p. 214 et s. (p. 239 et s.) et p. 278 et s. (p. 289 et p. 297 et s.), ainsi que son livre de 1993, Origini di R., p. 120-132 et 365-366 ; Werner (R.) : Der Beginn der rom. Republik, 1962, p. 424-443 ; Alfoldi (A.) : ERL, 1963, p. 13-14 ; Bernardi (A.) : « Dai populi albenses ai Prisci Latini nel Lazio arcaico », in Athenaeum, 42, 1964, p. 223-260 ; Palmer (R.E.A.) : The Archaic Community of the Romans, 1970, p. 176-179 ; Tais (E.) : « Un’ipotesi sul Lazio arcaico. Pline Nat. Hist. III, 69. Dion. Hal. V, 6, 1, 3 », in RCCM, 26, 1984, p. 3-22; Winkler (G.) et Konig (R.), C. Plinius Sec., Bûcher III/IV, Munich, 1988; Carafa (P.): in Carandini, Nascita..., p. 610-617; Zehnacker (H.), Pline. L. III, 2004, p. 179 et s. D’autres contributions, limitées à tel ou tel nom, seront mentionnées dans le cours de la démonstration, dont une version abrégée a paru sous le titre « La liste plinienne des populi dits Albenses : anciennes et nouvelles hypothèses », in REL, 77, 1999, p. 30-49 (bibl. n. 2, p. 31).
696 Voir n. préc. les réf. aux travaux des savants ici mentionnés ; pour les autres, il s’agit de : L. Pareti, St. di Roma, 1952, p. 230 et s. ; R. Paribeni, Le origini e il periodo regio, 1954, p. 30 ; P. Catalano, Linee del sistema sovrannazionale rom., 1965, p. 147 et s. ; J.-C. Richard, Origines..., p. 136 et s. ; D. Briquel, L’Origine lydienne des Etrusques, 1991, p. 500 et 507.
697 Pour cette thèse, cf. supra p. 678 et infra, rubrique « Albani ».
698 CIL, 6, 1851 et 14, 2405, 2406, 2409, 2411.
699 Localisation défendue dès 1978 par P. Chiarucci in Colli Albani, 1978, passim ; voir maintenant Carandini, Nascita..., p. 533 et 613 et id, Remo e Romolo..., p. 44.
700 Elles-mêmes inspirées par les fausses évidences de la toponymie et par l’erreur d’Eutrope : sur tout ceci, cf. supra p. 474 et s.
701 Voir supra p. 181 et s.
702 Cf. Klausen et Schwegler, o.c. supra n. 689 ; thèse défendue ensuite par Rosenberg et aujourd’hui par C. Ampolo, « L’organizzazione politica... », o.c., p. 148.
703 Varr., LL, 8, 35 : Cum duae sint Albae, ab una dicuntur Albani, ab altera Albenses ; cf. aussi Char., 135, 5B et Serv., comm. in Don., 4, 429, 19K.
704 De dub. serm., A. Della Casa éd., 1969, fg. 95, p. 158 ( = 94M ; 39, 17 B). Sur ce fg. et son auteur, cf. supra p. 459.
705 Sur un cas d’omission d’aut, cf. Havet, Manuel de critique verbale, 1911, p. 127, n. 423. On peut aussi penser à une liaison par uel ou seu, ou bien à la chute d’une proposition intermédiaire du genre : qui cognominantur.
706 Par ex., Schol. ad Iuu. S., 4, 60, lacus Albanenses ; le Lib. Pont. connaît le terme, dont la 2e éd. L. Duchesne, t. 3 (C. Vogel), indique (p. 238) une vingtaine de réf., mais le lac de Castel Gandolfo y garde toutefois son nom antique de lacus Albanus (t. 1, p. 200).
707 « Von populi Albenses bis cives Campanienses : Anmerkungen zur Fruhgeschichte des Lateinischen Suffixes -ensis », in Arctos, 15, 1981, p. 5-12.
708 À première vue, la priorité d’Albenses par rapport à Albani semblerait appuyer le caractère collectif du premier nom, mais on pourrait aussi l’interpréter, en sens contraire, comme le signe d’un ajout.
709 Quant à l’assimilation, proposée par Bernardi, de ces Albenses avec les Aborigines, elle a été justement réfutée par D. Briquel, Pélasges, p. 503, n. 45.
710 Colonna 1974, p. 297, qui y signale la présence d’une urne-cabane (xe s.), et p. 322 ; sur cette urne, cf. Bartoloni, Le urne a capanna..., 1987, p. 118 et p. 179 pour une datation au ixe s. ; ib., p. 221 pour la présence d’urnes-cabanes ailleurs en Sabine (Fiano Romano). Sur Aefula, cf. aussi L. Cozza, in RAL, 13, 1958, p. 248-250, et C. F. Giuliani, Tibur. Pars Altera, p. 171-192.
711 Cf. L.T.U.R., 1, 1993 (J. Aronen), p. 330. Contra : Zehnacker.
712 O.c., p. 473, n. 7 ; le fantôme de ces imaginaires Arulenses a été dissipé par R. Meiggs, Roman Ostia, 19732, p. 340, n. 6.
713 Pais, St. di R., 1, 1898, p. 347, n. 2 ; De Sanctis, St. dei Rom., 1 (1907), 19802, p. 380.
714 Proposée par C. M. Stibbe, « Satricum e Pometia : due nomi per la stessa città », in MNIR, n.s. 12 (47), 1988, p. 7-16, et acceptée par F. Coarelli, « Roma, i Volsci e il Lazio ant. », in Crises et transformations des sociétés archaïques (colloque EFR), 1990, p. 149, et T. J. Cornell, Beginnings..., p. 212.
715 ER, 5, 1973, p. 41.
716 Comme le déduisait Hulsen de la mention d’Apiolae par Strab. (5, 231) avec Pometia : R.E., 1, 2, 1894, c. 2803.
717 Sur Caracupa, cf. G. Bartoloni, in CLP, p. 354-363 et N. Cassieri, in Roma, città del Lazio, 2002, p. 76-82 ; cf. aussi L. et S. Quilici, « L’abitato di Monte Carbolino », in Arch. Laz., 8, 1987, p. 259-277. Compte tenu de l’équivalence supposée Pometia = Apiolae, notre hypothèse n’est qu’une variante de l’identification de ce site avec Pometia avancée par R. M. Ogilvie, Commentary..., p. 164 ; elle répond ainsi aux objections faites par L. et S. Quilici (o.c., p. 277) à la proposition de C. M. Stibbe.
718 Avec H. Le Bonniec dans son éd.-trad. de ce livre, Paris, 1972, p. 187. Wissowa, in R.E., 3, 1899, c. 933, refusait tout rapport entre Bubona et ces jeux.
719 Cic., Planc., 9, 23 (confusion avec Bola, selon Zehnacker) ; sur le site archéologique, cf. supra p. 231 et s.
720 Même lecture de la part de Klausen, o.c. supra n. 689, restituant : Bo(uil)lani.
721 « Un chapitre d’histoire pontine... », o.c., p. 59 ; lieu : près de l’Algide.
722 Roccamassima à l’e. de Velletri.
723 Nous ne le pensions pas en 1996 (voir notre « Ferentina », p. 277, n. 26), mais cela nous semble possible aujourd’hui.
724 Cf. L. et S. Quilici, Fidenae, 1986 : le premier chap. de cette monographie est consacré aux sources antiques, qui y sont toutes citées ; voir p. 361 pour des témoignages archéologiques datés des deux premières périodes latiales. Comme le remarque justement A. Carandini, Nascita..., p. 236 (n. 30), la présence de ce populus dans la liste plinienne interdit d’exclure, comme le font certains archéologues, l’aire de Fidènes de la zone d’influence albaine. Le nom des Fidenates serait, par son suffixe, d’origine étrusque, selon H. Rix, « Il latino e l’etrusco », Eutopia, 4, 1995, p. 73-88 (p. 85).
725 « Villes disparues », MEFR, 1, 1881, p. 178 ; en 1893, o.c. (supra n. 721), p. 59.
726 Fest., 428L = Roman Statutes (M. H. Crawford éd.), 2, 1996, p. 591, qui refuse tout rapport avec la liste plinienne.
727 N.H., 3, 64 : par confusion avec un autre peuple, nommé aussi en 3, 105.
728 « La pseudo-’Sanatrix’ d’Este (et du Cadore) et les pseudo-Macnates du Latium », in R.Ph., 25, 1951, p. 218-224 (p. 222) et REL, 29, 1951, p. 43-44.
729 Cf. L. Quilici, La civita di Artena, 1982, p. 170, qui propose d’y reconnaître la ville volsque d’Ecetra, hypothèse (envisagée par La Blanchère en 1893, o.c., p. 71) rejetée par F. Coarelli (le nom d’Artena, pris par la commune en 1873, étant de toute façon erroné, comme l’avait souligné déjà La Blanchère) qui l’identifie avec l’habitat des φόρτινείς de D.H. (Lazio, 1982, p. 172) : mais est-il possible de dissocier ceux-ci des Foreti de Pline ? Voir le débat in Comunità indigene e problemi della romanizzazione nell’Italia centro-meridionale (IV-III sec. av. C.), J. Mertens et R. Lambrechts éd., Bruxelles-Rome, 1991 : R. Lambrechts (p. 67), M. Torelli (p. 242), F. Coarelli (p. 245-247), pro ; L. Quilici (p. 244), contra.
730 Cf. supra p. 379 et s.
731 O.c. supra n. 728.
732 Difficulté soulignée par Pallottino, Origini 1993, p. 124.
733 Et non près de Frascati, comme le propose, après Nissen, Bernardi suivi par P. Carafa et H. Zehnacker.
734 Har. resp., 28, 62.
735 Colonna 1974, p. 328. Pour le M. Cavo, cf. T95b et c, et supra p. 48.
736 C. Ampolo, « Roma arcaica fra Latini ed Etruschi », in Etruria e Lazio arcaico, o.c., p. 79 ; Colonna 1988, p. 426 ; A. Pasqualini, « Miti Albani... », p. 238. Contra, cf. notre « Latinus », p. 488 et s., et A. Carandini, Nascita..., p. 240 et s. ; essentiel : P. Catalano, « Aspetti spaziali... », in ANRW, 2, 16, 1, o.c., p. 507 et s.
737 Nascita..., p. 239 et s. ; selon cet auteur, les Latinienses seraient des « semi-latins », d’origine aborigène.
738 Cette solution est encore suggérée par H. Zehnacker pour Bovillae et par A. Carandini, o.c., p. 537, expliquant la dualité Albani-Longani par une dualité entre l’habitat d’Alba (Tofetti, Cappuccini) et celui de Cabum, qu’il place sur le Monte Cavo lui-même.
739 Parlant, non sans envie, des « Gelehrten des Alterthums, welche so viele Hànde u. Kopfe zu ihrer Verfugung hatten » (o.c., p. 11)... Sur ce savant et ses rapports difficiles avec son maître Mommsen, cf. S. Rebenick, « O. Seeck, T. Mommsen u. die ‘Rom. Gesch.’« , Imperium Romanum, Festschr. K. Christ, P. Kneissl éd., 1998, p. 582 et s. (p. 594).
740 « Longula e Polusca », in Arch. Laz., 6, 1984, p. 107-132 : des restes de fortifications retrouvés sur le terrain et des considérations de topographie conservent toute sa probabilité à l’hypothèse de Nibby.
741 La précision, qui supra infraque Romam habitauerunt, suggère ou une implantation (postérieure ?) en arc de cercle, à l’e. de Rome donc, ou un déplacement du sud au nord.
742 « La pseudo-’Sanatrix’ d’Este... », o.c., p. 223, repris par Carafa et Zehnacker.
743 Mais les éditeurs donnent la forme Macrales.
744 O.c., p. 224. La réfutation de cet article, faite par A. Prosdocimi, La lingua Venetica, 2, 1967, p. 165, ne concerne que le caractère plus ou moins exclusif de l’alternance ai/a, non le principe de la correction initiale M/S.
745 Sacrani appellati sunt Reate orti, qui ex Septimontio Ligures Siculosque exegerunt ; nam uere sacro nati erant.
746 CIL, 14, 2473 = ib., 3921.
747 Cf. S. Frascati, La collezione epigrafica di G. B. De Rossi presso il Pontificio Istituto di Archeologia cristiana, Vatican, 1997, p. 35, 40, 181-183 et pl. 37. Lecture proposée : ordo dec[urionorum populusque / Castri] moeniensium.
748 Voir Z. Mari et M. Sperandio, « L’abitato protostorico-arcaico di Montecelio : topografia e nuovi materiali », in Arch. Laz., 6, 1984, p. 35-46. Du matériel latial a été identifié sur un relief qui porte, curieusement, le nom de Monte Albano. Sur la zone de P. Sabina, voir aussi la contribution de Z. Mari au colloque Identità e Civiltà dei Sabini (1993), G. Maetzke éd., 1996, p. 297 et s.
749 « *Numasie / *Numasio : le formazioni etrusche e latino-italiche in -sie/-sio », in SE, 56, 1990, p. 191-215 (p. 196).
750 Cf. F. Castagnoli, Lavinium, 1, 1972, p. 92, qui refuse du reste la lecture Numicienses.
751 C’est bien pourquoi Alfoldi et Pallottino, les représentants les plus autorisés de cette thèse, reconnaissaient dans les N. les habitants de Nomentum.
752 Cf. C. Pietrangeli, Ocriculum, 1943, Narni, 19782, et G. Filippi, « Ocriculana » in Scritti di Archeologia e st. dell’arte in on. di C. Pietrangeli (V. Casale et alii éd.), 1996, p. 73-93 (p. 74-75). Le site se trouve à 44 km de Rome par la v. Flaminia.
753 Cf. G. Giacomelli, Problemi di linguistica del latino dialettale. I, Ricerche falische, Florence, 1978.
754 Cf. R.E., 9, 1916, c. 1708 (H. Philipp).
755 Cf. R.E., 4, 1901, c. 1604 (Hulsen) ; la localisation de Corniculum à Monticelli ou Montecelio, proposée par Nibby, est aujourd’hui défendue par S. Quilici (CLP, 1976, p. 152) et par Z. Mari, « Note topografiche su alcuni centri protostorico-arcaici fra Lazio e Sabina », SE, 58, 1992, p. 17-52.
756 Cf. A. M. Kahane, « The sites of Scaptia and Pedum », in PBSR, 41, 1973, p. 40-42.
757 Avec, souvent, une localisation à Castel Di Decima, aujourd’hui invalidée par F. Coarelli, Il Campo Marzio, p. 145.
758 Comme le disait La Blanchère en 1893 (o.c., p. 57) : « petites places de très peu d’importance, elles succombent toujours ensemble ».
759 « Longula e Polusca », o.c., p. 129 et 131.
760 Cf. L.T.U.R., 3, 1996, s.v. (F. Coarelli), p. 330, qui la localise (mais sans reprendre cette théorie) près de l’église Saint-Clément.
761 Rome et la Méditerranée..., p. 85 ; De Francisci, Primordia Civitatis, p. 131.
762 « Lieu d’où l’on vient ? Lieu où l’on va ?... », in Mél. A. Magdelain, o.c., p. 175-195. C. Buzzetti, s.v. Querquetulanus mons, in L.T.U.R., 4, 1999, p. 179, en rattache le nom au populus plinien.
763 Cf. Jordan-Hulsen, Topographie der StadtRom im Alt., 1, 3, Berlin, 1907, p. 221, n. 6 ; Colonna 1974, p. 328.
764 O.c., p. 203.
765 Cf. déjà Carcopino, V.E.O.O.2, p. 201 et s.
766 La tradition qui le relie au nom de Caelius Vibenna n’a, à notre avis, rien d’invraisemblable, contrairement à ce qu’on en dit souvent : cf. W.A.V. Reitzenstein, « Die Hugel Alt-Roms : Gesch. u. Namen », Intern. Kongr. f. Namenforschung, Vienne, 1969, p. 437- 446.
767 Ne mentionnons que pour mémoire le rapprochement hasardeux tenté par De Sanctis avec le sacerdoce des Suciniani (CIL, 6, 2178-80).
768 Fg. 56P : non inclus par M. Chassignet dans son éd.-trad. des Origines(1986, fg. 26). Cf. W. Lapini, « Solino e la fondazione di Tivoli », in BStud. Lat., 28, 1998, p. 467 et s.
769 O.c., p. 404-413.
770 L’Origine lydienne des Étrusques, o.c., p. 497 et s.
771 Réf. in Briquel, ib., p. 496, n. 21. Cf. aussi F. Zevi, « Siculi e Troiani : Roma e la propaganda greca nel V sec. a.C. », in La Colonisation grecque en Méditerranée occ., Rome, 1999, p. 315-343. Ce thème de Siculi en Latium a pu s’appuyer sur des traditions préexistantes sur les Sicani.
772 L’Origine lydienne des Étrusques, o.c., p. 500, n. 36.
773 Cf. l’Enciclopedia Virgiliana, 4, 1988, s.v., p. 832 (M. Malavolta). Si l’hypothèse toponymique de Carcopino nous paraît forcée, son analyse géographique des vers Aen., 11, 316-7 reste convaincante, et l’on peut admettre que Virgile se fondait sur des traditions anciennes. La réfutation de T. Fischer-Hansen, Scavi di Ficana. I, Topografia generale, Rome, 1990, p. 35 et 124, n’est pas suffisante.
774 R.E., A, 6, 1936, c. 1672, s.v. Tolerienses. Cf. aussi Colonna 1988, p. 447. Voir, pour le site voisin de Colleferro : N. Cassieri, A. Lutazzi, « Nuovi dati per la conoscenza del territorio toleriense », Arch. Laz., 9, 1988, p. 270-281.
775 Primordia..., p. 479 ; cf. aussi Catalano, Linee..., p. 153 ; J. C. Richard, o.c., p. 138.
776 Cf. L. et S. Quilici, Crustumerium, 1986, p. 274-275 et id., Fidenae, 1986, p. 362- 363, qui l’identifient au Fosso di Settebagni ( = della Bufalotta).
777 Origini 1993, p. 126, où il se félicite du « consenso con cui sono state generalmente accolte le idee a suo tempo espresse dall’ autore di questo libro circa la identificazione del populus dei Velienses ». Mais cf. déjà par ex. L. Homo, L’Italie primitive..., p. 89.
778 Colonna 1988, p. 448 ; cf. aussi A. Carandini, Nascita..., p. 287.
779 Sur tout ceci, cf. notre Fondation de Rome, chap. 10, passim.
780 Cf. A. Carandini, o.c., p. 298 et A. M. Bietti Sestieri, « I dati archeol. di fronte alla teoria », in DdA, 4, 1986, p. 249 et s.
781 Cf. Scavi del Palatino I, P. Pensabene, S. Falzone éd., Rome, 2001, p. 73.
782 En ce sens, G. Radke, R.E., A, 8, 1955, c. 2406.
783 Ib., c. 786.
784 Notamment G. Devoto, Gli antichi Italici (1931), 19673, p. 50, et Origini indoeuropee, 1962, p. 384.
785 Cf. la bibl. fournie par G. B. Pellegrini, A. Prosdocimi, La lingua venetica, 2, 1967, p. 251, et p. 257 et s.
786 Cf. F. Delpino, « Etruria e Lazio prima dei Tarquini », in Etruria e Lazio arcaico, o.c., p. 9 et s. (p. 13-14), qui cite : M. A. Fugazzola Delpino, Testimonianze di cultura appenninica nel Lazio, Florence, 1976, p. 276.
787 « Nota di topografia storica sul territorio degli Equi. Tentativo di identificazione dell’ antica Vitellia », in AST, 54, 1981, p. 41-51.
788 Sur l’importance de ce terme et son rapport imaginé par l’érudition ancienne avec le nom de l’Italia, cf. D. Briquel, Le Regard des autres, Besançon, 1997, p. 175 et s.
789 Cf. supra p. 407.
790 La notice que lui réserve G. Radke, Die Gotter Altitaliens, 1965, p. 341, nous semble exagérément sceptique. Au cas où la leçon Vicellenses, donnée par certains manuscrits, serait à préférer (ce que nous ne pensons pas), le nom devrait sans doute être mis en rapport avec uicus.
791 Défendue par A. Prosdocimi, « Populus Quiritium Quirites. I », in Eutopia, 4, 1, 1995, p. 69 (serait récent l’usage du mot pour désigner l’ensemble d’une communauté).
792 Partisans de Caton : Pais et Cornell ; de Varron : Seeck, Mommsen, Nissen, Heurgon et L. W. Daly, « A Common Source in Early Roman History », in A.J.Ph., 84, 1963, p. 68-71 ; contre les deux hypothèses : Ribezzo. Un bilan (incomplet) est fait par K. G. Sallmann, Die Geographie des àlteren Plinius in ihrem Verhàltnis zu Varro, 1971, p. 107- 112.
793 L’Origine lydienne des Étrusques, o.c., p. 500, n. 37.
794 Bola peut être rapproché de βωλος, « motte » ; les noms de Longula et Pedum font allusion directement à la forme qu’affectent ces sites de plateaux surélevés entourés de cours d’eau ; Ocriculum est le nom d’un site d’ocar (arx) et Sassula celui d’un « rocher » (saxum) ; quant au nom des Munienses, il pourrait évoquer les moenia qui protégeaient l’habitat. La plupart de ces remarques ont été faites par Nibby (1837).
795 Cf. infra n. 827 pour les différentes datations proposées jusqu’ici.
796 Le système ternaire construit par Carandini (qui, pour inclure les Querquetulani, doit exclure les Fidenates : Nascita.., p. 241 et s. et P. Carafa p. 614) à partir de ce qui n’est, de toute façon, qu’un minimum, ne nous paraît pas recevable.
797 Cf. L. Quilici, Roma primitiva..., 1978, p. 134. Sur le site de Tibur protohistorique et archaïque, cf. ENL, p. 38-42.
798 « Tre studi di storia etrusca », in DdA, 8, 1974-1975, p. 3-78, partic. p. 43 ; voir aussi, dès 1965, Alfoldi, ERL, p. 14.
799 O.c., p. 153.
800 De la royauté..., p. 41.
801 Contributions to a History of Alphabetization in Antiquity and the Middle Ages, Bruxelles, 1967, p. 56 sur la liste plinienne et p. 50 et s. sur Plaute, As., 864-866.
802 Voici ce que donnerait un ordre alphabétique strict avec nos restitutions : Accienses, Aefulani, Albani, Albenses, Apiolani, Bolani, Bubetani, Caruentani, Coriolani, Corniculani, Fidenates, Forcti, Ortonenses, Latinienses, Longulani, Munienses, Numicienses, Ocriculani, Pedani, Polluscini, Querquetulani, Sacranes, Sanates, Sassulenses, Sicani, Tolerienses, Tutienses, Velienses, Venetulani, Viminitellarii, Vitellienses.
803 « La liste plinienne des populi dits Albenses », o.c., p. 48.
804 Contrairement à ce qu’écrit P. Carafa ap. Carandini, Nascita..., p. 611, Cicéron (T8) ne prouve nullement l’appel des populi par un héraut.
805 O.c., p. 472, suivi par Catalano, o.c., p. 146.
806 In Enc. Virg., 3, 1987, p. 896, qui penche pour Horta (Orte), dont la situation sur la rive étrusque du Tibre lui paraît toutefois, et à raison, faire difficulté.
807 Das geographische Bild des Alten Italien in Vergils Aeneis, 1932, p. 22.
808 O.c., p. 40.
809 Pro : Alfoldi, ERL, p. 18 (et déjà Mommsen, DPR) ; contra, Palmer, o.c.
810 Et non avec le Monte Cavo lui-même comme le voudraient, entre autres, Alfoldi et Carandini (o.c., p. 535). Cf. notre « Arx Albana », et supra p. 464.
811 Cf. S. Bourdin, « Ardée et les Rutules », in MEFRA, 117, 2005, p. 585-631.
812 Sur cet aspect, cf. Y. Thomas, « Origine » et « Commune patrie ». Etude de droit public romain, 1996, chap. 6 : « L’origo rituelle de Rome », p. 133 et s.
813 Comparer aux cartes établies par M. Pallottino, Origini 1993, p. 122 et 129, et par Carandini-Carafa, Nascita..., p. 234, et p. 614 et s., notre carte, pl. 21.
814 Voir les descriptions de Nibby, o.c., ad loc.
815 C. De Simone, « Il nome del Tevere. Contributo per la storia delle più antiche relazioni tra genti latino-italiche ed etrusche », in SE, 43, 1975, p. 119 et s., juge (p. 152) ce nom authentique et antérieur au viie s.
816 H. Rix, « Il latino e l’etrusco », o.c., le traduit (p. 82) par « troupe qui brandit ses armes ».
817 Cf. Alfoldi, ERL, p. 18 ; les considérations numérologiques développées par A. Carandini, o.c., p. 430 et s., nous paraissent forcées : trente populi, cela fait trois fois dix, et il nous semble donc difficile de considérer le chiffre trois comme caractéristique du proto-urbain et le dix comme romuléen.
818 De la royauté..., p. 41.
819 En ce sens, on ne peut que souscrire aux remarques de Carandini, Nascita..., p. 232.
820 P. Toubert, « L’historien, sur la frontière », in L’Histoire grande ouverte. Hommages à E. Le Roy Ladurie, A. Burguière (et alii) éd., Paris, 1997, p. 221 et s. (partic. p. 224 et s.).
821 Sur cette problématique, on se référera à B. Debarbieux, « Du haut lieu en général et du Mont Blanc en particulier », in L’Espace géographique, 22, 1993, p. 5-14. Voir aussi le dossier « Variations sur les cultes des/sur les hauteurs : théologie naturelle ou ritualisation de l’espace ? », in ARG, 6, 2003, p. 3-82.
822 LL, 5, 32 : Qua regnum fuit Latini, uniuersus ager dictus Latius, particulatim oppidis cognominatus, ut a Praeneste Praenestinus, ab Aricia Aricinus ; cf. aussi Cecamore 1996, p. 64.
823 C’est à M. Torelli qu’on doit d’avoir attiré le plus nettement l’attention sur ce parallèle : cf. DdA, 8, 1974-1975, p. 31, et p. 42 et s. ; cf. aussi A. Magdelain, De la royauté..., p. 41 ; repris par Carandini, Nascita..., p. 432. Le problème est de savoir si cette équipollence vaut dès la Rome romuléenne ou seulement à partir du viie siècle.
824 Que nous avons commentée dans « Des rois de Rome », in Les Monarchies, J.-M. Bercé éd., 1997, p. 28 et 40.
825 Cf. supra p. 308.
826 On trouvera les éléments pour d’intéressantes comparaisons dans l’ouvrage dirigé par J. Cl. Chelini et H. Branthomme, Hist. des pèlerinages non chrétiens, 1986, dont les p. 143-144, consacrées au Latiar, sont toutefois grevées de beaucoup d’erreurs.
827 Voici les datations proposées par certains des savants ayant travaillé sur la liste plinienne : ive s. (Zoeller, Rosenberg) ; viie s. (Seeck, Homo, Pallottino 1960) ; archaïque (Nissen, Jullian) ; avant vie s. (De Sanctis) ; ve s. (Beloch, Bernardi) ; viiie-viie s. (Ribezzo) ; préétrusque (Werner) ; xe-viiie s. (L. Quilici) ; pas après le viiie s. (Torelli, 1985, pour une liste dont il situe l’origine entre le xie et le ixe s.) ; entre le xe et le ixe s. (Colonna) ; « tra il X e il principio dell’viii secolo » (Pallottino, Origini 1993, p. 124). On voit donc que, depuis une trentaine d’années, la moyenne de ces différentes hypothèses tourne autour du ixe s.
828 A. Carandini, Nascita..., p. 278, propose une chronologie en II A, correspondant, compte tenu des ajustements apportés récemment à la classification d’H. Müller-Karpe, à la seconde moitié du xe s. (et non plus à la première moitié du ixe).
829 De Sanctis, repris par Homo, l’évaluait à 50 km2, Colonna (1974 et 1988) à 4 ou 5km2.
830 Pallottino, en 1972 ( = Saggi..., 1, p. 298). Le mot de « minuscule » se trouvait déjà chez La Blanchère (1893).
831 Cf. supra p. 496.
832 En faveur d’une chronologie différentielle populi Albenses-Septimontium, cf. A. Carandini, Remo e Romolo, p. 204-205.
833 Pour ce qui est de la situation à laquelle elle renvoie : quant à l’inscription qu’elle reproduit, elle devait faire partie des premiers documents publics.
834 Voir les Actes du colloque international, Le Mont Bego. Une montagne sacrée de l’Age du Bronze. Sa place dans le contexte des religions protohistoriques du Bassin Méditerranéen, Tende, 1991, 2 vol. , avec notamment la contribution d’H. de Lumley : « C’est dans la montagne sacrée du Bego que les hommes de l’Age du Bronze venaient implorer le dieu tauromorphe, dispensateur de la pluie, afin qu’il répande ses eaux fertilisantes sur les champs des humains brûlés par le soleil » (2, p. 645). Rappelons que les gravures du Mont sont datées entre 1800 et 1500 av. J.-C.
835 Cf. T14, 22, 23, 25, 34 et 44. Sur cette religion de la montagne, voir A. Bernardi, « Il divino e il sacro nella montagna dell’ Italia antica », Pietas loci, 1991, p. 23 et s., partic. p. 25, qui parle toutefois erronément de volcanisme du mont Albain « in piena età storica ».
836 CIL, 9, 4177 = 6, 3672 = ILS, 4032 ; Albsi vaut pour Alb(en)si ; l’inscription avait d’abord été attribuée par erreur à Amiternum par son inventeur (R. Garucci) : voir les précisions données par G. Capdeville, « Modio Fabidio. Una versione sabina della leggenda del primo re », in Identità e civiltà dei Sabini (Colloque 1993), 1996, p. 60, n. 46.
837 En ce sens, P. Carafa ap. Carandini, Nascita..., p. 617.
838 Cf. supra n. 613.
839 Comparer Wissowa, RKR2, p. 40, et Latte, Rom. Religionsgeschichte, 1960, p. 153, ainsi que Alfoldi, ERL, p. 329. Ce parallèle entre les deux Jupiters fut proposé dès 1836 par Hartung, Die Religion der Romer, p. 12, puis repris par Preller et Aust.
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