Chapitre VII. La défense du territoire capitolin, ou comment les égouts de la capitale sont restés municipaux
p. 237-269
Texte intégral
1Il a été montré dans le chapitre précédent comment les services techniques du gouvernement italien, dans un moment de fort positionnement clérical de la municipalité romaine, parvenaient à subtiliser à cette dernière une part importante de ses prérogatives urbaines, autour de la décision de construire les collecteurs des égouts dans le lit du Tibre. L’objet du présent chapitre est maintenant d’examiner le même conflit, à la fois spatial, politique, institutionnel et professionnel, sur un nouveau terrain, celui des égouts, domaine traditionnel de compétence municipale depuis l’ancien régime. Il s’agit ainsi de suivre la manière avec laquelle les instances capitolines parviennent à circonscrire le champ d’action de la technique gouvernementale au lit du fleuve, et à préserver leur emprise sur le territoire urbain et sa gestion technique. Par ce type d’approche, le but est également de suivre les enjeux attachés à ce processus, tant économiques qu’institutionnels et territoriaux.
La dimension souterraine de l’histoire urbaine : un bref bilan historiographique
2Les travaux scientifiques consacrés aux égouts ont, dans le secteur des sciences humaines, pris ces dernières années une importance croissante, et apporté un éclairage nouveau aux études urbaines. Les modes d’approche sont cependant très divers entre eux.
3Franck Scherrrer s’est ainsi attaché à lire l’évolution du réseau lyonnais d’égouts dans une perspective d’histoire des réseaux enrichie d’une sensibilité empruntée aux sciences sociales1. Il décrit l’égout comme le « représentant d’une famille d’objets proches de la vie quotidienne, bien que parfois invisibles », et rattache son étude à celle des « réseaux matériels de la distribution et de la circulation des biens, des personnes, des services et des informations »2. Un des apports de la thèse de F. Scherrer est de plus de mêler lecture technique et vision territoriale, et de considérer l’évolution de l’objet considéré dans la longue durée : « Comme réseau territorial, chaque réseau technique devient le signe visible de lois ou de formes d’organisation spatiale des activités humaines »3. L’auteur tente aussi une analyse sociale des acteurs de l’évolution du réseau, des concepteurs aux usagers, prônant de la sorte une lecture sociale du dispositif technique. Mais le plus intéressant consiste peut-être en l’introduction de la notion de patrimoine urbain, jusque-là réservée à des objets plus nobles, dans la lecture de l’évolution des sous-sols de la ville. Scherrer a introduit dans ce champ de la recherche l’attention au patrimoine hérité et transmis dans l’organisation spatiale du réseau.
4Pour le cas romain, on retiendra de ce type d’analyse l’attention à la dimension territoriale du réseau, ainsi que l’inertie patrimoniale. Il s’agit en effet d’étudier ici la manière avec laquelle la municipalité romaine considère le réseau d’égouts, élément essentiel de sa compétence technique, comme un moyen d’avoir prise sur le territoire, et la façon avec laquelle elle parvient à repousser les tentatives des services de l’État de prendre pied dans l’espace urbain « banal » de la capitale, c’est-à-dire hors des zones où ils sont peu à peu parvenus à imposer une pratique dérogatoire à la règle de la souveraineté technique municipale sur l’espace de la ville (Tibre, monuments nationaux, zone archéologique).
5Dans le domaine des études sur les sous-sols de la ville, d’autres perspectives ont également marqué le paysage scientifique, avec des modes d’approche différents. Avec Paris Sewers and Sewermen, Donald Reid proposait ainsi, dès le début des années 1990, une analyse à la fois sociale, politique et technique de l’histoire de la ville à travers ses égouts4. Il s’attachait à montrer comment le système d’égouts était un reflet de l’ordre social. Il s’est aussi intéressé au milieu social des travailleurs des souterrains de Paris, à leurs conditions de vie, à l’évolution du métier, à l’insertion de ces personnels dans l’appareil technique ainsi que dans les luttes syndicales. Une autre étude fondamentale concerne Paris : Gérard Jacquemet a ainsi montré comment l’idée d’un système de tout-à-l’égout s’est peu à peu imposée en France face à d’autres options5. Il a analysé notamment l’évolution du débat scientifique, administratif et politique autour de la question d’un système unique de collecte des eaux usées, entre 1880 et la Première Guerre mondiale. Là, l’histoire des techniques est directement mise au service d’une histoire de l’institution. Pour le cas romain, il y a beaucoup à apprendre d’une telle perspective, notamment autour de l’attention aux enjeux politiques, institutionnels et administratifs des choix techniques6. Toujours à partir de l’exemple parisien, on trouve chez Fabrice Laroulandie une étude à la fois des tournants techniques dans l’histoire des égouts, et des évolutions de la perception par les contemporains de cette dimension de la ville7. Sabine Barles s’est de même intéressée à la question8 et a apporté à ce champ de recherche d’importantes notations quant à l’histoire sociale du réseau et à l’inscription territoriale des dispositifs techniques. C’est l’exemple londonien qui a par ailleurs fourni l’occasion à Carlo Antonelli de tenter une lecture institutionnelle de la création d’un réseau d’égouts9. L’histoire des techniques a également fourni d’importantes contributions à la connaissance du domaine, autour notamment de Gabriel Dupuy10.
6En Italie, c’est le cas de Venise qui a été le plus étudié11. Le cas extrêmement particulier que constitue la ville lagunaire, et le défi technique que représentait la nécessité de doter la ville d’un réseau d’assainissement fiable, ont en effet stimulé les recherches, et suscité plusieurs contributions importantes à la lecture des processus de modernisation urbaine. Pour Rome, Renato Sanza a certes étudié les mesures prises en vue de la propreté des rues au xviie siècle12, mais, pour des considérations sur les égouts, les contributions sont rares, et souvent limitées à des aspects techniques. Si les études sur les égouts restent relativement peu nombreuses, tant en France qu’en Italie, le développement de l’hygiénisme et la conquête des institutions municipales par les tenants des nouvelles idées ont suscité une riche veine historiographique13. Lion Murard et Patrick Zylberman ont étudié14, à partir de l’exemple français, la diffusion des idées hygiénistes, et leur progressive insertion dans le cadre institutionnel de la République naissante. Par une attention aux réactions des responsables politiques face aux nouvelles idées, les auteurs parviennent à faire une histoire de la décision qui soit liée à l’histoire du progrès technique15. Cette démarche est utile dans le cadre d’une appréhension des rapports entre progrès technique, évolution des structures du gouvernement urbain, et luttes de pouvoirs dans la ville. Pour le cas parisien, Yankel Fijalkow tente par ailleurs de suivre l’évolution de la pensée hygiéniste dans la bureaucratie municipale dans la seconde moitié du xixe siècle16. En France, ce filon historiographique est donc richement illustré d’études à la fois singulières et convergentes.
7Pour l’Italie, l’histoire de la diffusion des idées hygiénistes est liée, plus encore que pour la France, à l’étude des épidémies de choléra et à leur influence sur l’évolution de la législation.
8La péninsule a été durement et longuement frappée par l’épidémie des années 1830. Comme l’a montré Eugenia Tognatti, les villes italiennes ont été plus touchées, et à plusieurs reprises, que les autres villes du continent européen17. Le choléra reste par ailleurs une menace importante en Italie jusqu’à la Première Guerre mondiale18. La ville de Rome elle-même est longtemps restée sous la menace. Chaque épidémie affectant la péninsule a frappé la ville aux xviiie et xixe siècles. À partir de la période napoléonienne, puis de la Restauration, comme le montre Anna Lia Bonella, a lieu une lutte constante contre le fléau19. Reprenant les mesures principales contenues dans le code de police sanitaire de 1806, les décisions de Consalvi, entre 1816 et 1818, tendent à renforcer la protection de l’État pontifical contre la contagion. Au début des années 1830, à mesure qu’avance le morbo en Europe, les institutions sanitaires sont de nouveau rénovées, et centralisées, avec la création, en 1834, de la Congregazione di Sanità. Mais les conditions d’hygiène dans la ville ne la mettent en aucun cas à l’abri, et l’année 1837 est marquée par une grave épidémie.
9Après l’Unité, le développement des règlements municipaux d’hygiène dans la péninsule se fait en parallèle avec les progrès médicaux dans la lutte contre le choléra20. À Milan, c’est en 1865 qu’est adoptée la principale mesure normative d’hygiène municipale21, et dans les années 1870 les ingénieurs municipaux, ainsi que les médecins, prennent une place croissante dans l’appareil bureaucratique urbain22. Guido Zucconi a publié à la fin des années 1980 la principale étude sur le sujet23. Il y montre comment les hygiénistes ont peu à peu pris place dans la fonction publique municipale, et la manière avec laquelle les ingénieurs des services techniques ont intégré les exigences de l’hygiène, adaptant leurs modes d’appréhension de l’espace urbain aux nouvelles exigences. À partir des exemples de Turin et de Naples essentiellement, (la capitale de l’hygiène et la capitale du choléra), il parvient, au-delà de la narration des différents épisodes de cette évolution, à mettre au jour les mécanismes de pouvoir, de corps et de transcription institutionnelle des exigences de santé qui sont à l’œuvre dans le processus de modernisation de la ville. Turin est ainsi décrite comme le laboratoire de la mise en place du dispositif municipal hygiéniste, et Naples comme l’exemple d’une action de l’État central par le biais de diverses lois spéciales dérogatoires à la loi générale sur les municipalités, qui avait confirmé avec l’Unité l’appartenance de ce secteur au domaine municipal de compétence urbaine.
10Pour la fin du xixe siècle, ce sont en Italie les études de Giovanna Vicarelli qui ont par ailleurs apporté les informations les plus précieuses sur la définition d’une politique sanitaire nationale, surtout du côté des instances étatiques24. On entrevoit de la sorte les premiers pas vers une prise de contrôle par l’État des structures sanitaires, à partir des années 1880 avec Crispi, aux dépens surtout des municipalités25. Quant à l’étude de la relation entre la ville et ses déchets, elle a été entreprise dans la péninsule par Ercole Sori26.
11L’objet du présent chapitre n’est aucunement de tenter de parcourir de nouveau ces terrains, désormais balisés. Il s’agit surtout de poursuivre la lecture de l’évolution de l’espace urbain romain, et des territoires des différentes institutions qui se le disputent, à la lumière d’un indicateur capillaire de la prise de chaque instance sur la ville : le réseau d’égout.
12Les égouts constituent en effet un domaine qui permet d’étudier l’action municipale dans le champ de la technique urbaine, et d’appréhender l’étendue du territoire pris en considération, et son articulation avec les aires passées sous le contrôle de la technique gouvernementale. Ils peuvent être considérés comme les marqueurs de la compétence technique d’une institution dans l’espace de la ville. Réseau capillaire, donc, qui concerne l’ensemble de l’espace urbain et le draine avec plus ou moins de cohérence, le réseau d’égouts, par son étendue et sa densité, affirme la présence d’une institution, d’une organisation sur l’ensemble de l’espace de la ville. L’étude du réseau permet aussi de comprendre le déploiement d’un service dans l’espace, ainsi que les rapports avec les enjeux fonciers, les égouts venant souvent compléter une opération de lotissement lancée par des opérateurs privés. Plus qu’une histoire des techniques, il s’agit ici de proposer une lecture institutionnelle et spatiale de l’histoire de Rome au travers de l’étude de secteurs jusqu’ici peu étudiés. Quatre dimensions seront privilégiées :
- L’étude du rapport entre modernisation du réseau d’égouts et appareil bureaucratique municipal, avec à la clé le contrôle par la mairie de l’espace urbain face aux tentatives étatiques de remonter vers la ville depuis le Tibre.
- L’action municipale et l’extension privée de la ville, les égouts permettant de mieux comprendre le rapport de la mairie aux lotisseurs.
- L’étude de nouveaux épisodes des conflits entre mairie et État autour du Tibre, au sujet du raccordement du réseau municipal d’égouts au fleuve ministériel et à ses collecteurs.
- Les enjeux de l’archéologie, les égouts antiques étant considérés comme pièces ministérielles, alors que ceux en fonction (souvent antiques), sont municipaux.
13Il sera de la sorte possible d’avancer dans la description des rivalités politiques, institutionnelles, foncières et de corps pour le contrôle de l’espace de la capitale. À chaque fois, la dimension technique sera abordée en tant qu’indicateur d’autres enjeux. Placer la technique de manière ainsi subordonnée ne peut certes expliquer toujours comment fonctionnent la ville et la société urbaine, mais seuls ont été choisis pour la présente démonstration les cas où les données du débat technique sont mises au service d’autres desseins, ou de desseins parallèles et complémentaires.
14On le verra, entre la fin des années 1870 et le début du xxe siècle, l’enjeu pour la mairie autour des égouts est de confiner le génie civil de l’État au bord du Tibre et préserver l’influence municipale dans l’espace de la ville. Pour le reste de l’espace urbain, le but est aussi de préserver un mode de fonctionnement qui satisfait au mieux les propriétaires et lotisseurs (qui dominent le système municipal). On verra aussi que le secteur des égouts permet aux bureaux techniques municipaux de continuer d’alimenter ses rapports avec le milieu des petits entrepreneurs de travaux publics27.
La dimension ordinaire de l’urbanisme souterrain capitolin : égouts et appareil bureaucratique municipal
15Un des angles possibles pour l’analyse de l’évolution du réseau romain d’assainissement à la fin du xixe siècle concerne l’action municipale en rapport avec le processus d’extension privée de la ville dans les quartiers nouveaux. La lecture des conditions de mise en place du réseau d’égouts dans ces quartiers permet de mieux comprendre le rapport de la mairie aux lotisseurs. Ce n’est pas l’angle prioritaire d’analyse qui a été choisi ici, car en rapport direct avec ce que l’on sait déjà de Rome depuis les études tant d’Alberto Caracciolo28 que d’Italo Insolera29. Une attention aux contrats passés entre la mairie et les entrepreneurs de travaux publics, et au rapport entre ces contrats et les modalités de lotissement des terrains appartenant à la grande noblesse capitoline ne fait que confirmer par un autre indicateur ce que l’on sait déjà : entre 1870 et 1890, sur l’Esquilin, la mairie, contrôlée par les grands propriétaires, fournit sans contrepartie de poids réel les services publics d’assainissement et d’adduction d’eau aux lotisseurs. La municipalité subventionne de la sorte le lotissement des ville nobles du plateau de l’Esquilin, en apportant une plus-value importante aux propriétaires. Ce processus est connu, et l’étude des égouts, que j’ai menée, n’apporte rien de particulièrement nouveau dans le cadre de nos connaissances à ce sujet.
16C’est par le système des conventions que tout se passe : hors du cadre législatif du plan régulateur, trop rigide et rejeté par la municipalité, hors parenthèses progressistes, le développement de la ville est planifié par l’intermédiaire de conventions entre la mairie et les lotisseurs. Les propriétaires fournissent les plans du quartier à construire et conduisent les travaux, et la municipalité paie la construction de la voirie et des réseaux. Les rues sont données en propriété à la mairie, contre devoir d’entretien. Ce sont les entrepreneurs choisis par les lotisseurs qui font généralement les travaux, qui deviennent, aux frais de la mairie, des annexes de la construction des immeubles. On constate à ce sujet une parfaite imbrication entre les entrepreneurs travaillant traditionnellement pour le Capitole et ses services techniques, et ceux dépendant des contrats octroyés par les sociétés de lotissement30. D’une manière générale, la zone comprise entre les thermes de Dioclétien, la gare des Thermes (Termini) et la basilique Sainte-Marie Majeure est l’objet d’une intense spéculation, et connaît ce type de procédé de construction. Le présent travail n’entendant nullement se placer dans le simple sillage de ce qui a été fait il y a cinquante ans, il semble plus pertinent de considérer désormais d’autres enjeux relatifs aux égouts, d’autres angles de lecture, et de commencer de proposer d’autres d’interprétations du processus de modernisation de la ville, tout en ayant à l’esprit que les services techniques de la mairie travaillent pendant deux décennies à dessiner des canalisations que construisent les promoteurs sur les hauteurs de la ville.
17La perception du réseau romain d’égouts en tant que tel par l’administration municipale n’est pas un phénomène immédiat. On ne trouve pas d’emblée de vision d’ensemble, ni de volonté de considérer ce domaine de la compétence technique municipale comme un tout. Ce n’est que petit à petit, et face à la nécessité de rendre plus rationnel le fonctionnement du système, afin certes de le rendre plus efficace, mais aussi de le soustraire à la prédation envisagée par le Génie civil, que les bureaux de Vescovali travaillent à améliorer leur connaissance des égouts, qui jusque-là était largement empirique.
18La situation du réseau en 1870 est confuse : personne n’en a une connaissance précise. Les services techniques municipaux fonctionnent à ce sujet de la manière la plus empirique qui soit : lorsqu’un problème se pose, on explore l’égout en cause pour comprendre d’où il vient et où il mène. Pour cela, on utilise des colorants, destinés à marquer les eaux, et on court jusqu’aux regards voisins pour vérifier la direction de la conduite. Aucun plan du réseau, si on peut donner ce nom à l’ensemble des conduites, n’existe. Il faut dire que les égouts de Rome sont constitués d’une accumulation de strates successives : les égouts antiques dominent31. Ils sont les plus solides et les mieux conçus. Ils drainent l’essentiel de la vieille ville, et même au-delà. Mais même pour les plus gros, on ne connaît pas précisément leur parcours. Au moment de l’intégration de Rome dans le royaume d’Italie, on a donc, pour les égouts antiques : des tronçons connus en fonction, des tronçons en fonction mais inconnus, qui drainent la ville sans qu’on le sache, et des tronçons antiques à sec. S’ajoutent à ces reliefs d’un temps ancien de la technique urbaine des égouts médiévaux et modernes, qui parfois se jettent dans les structures antiques et parfois les ignorent. Les ingénieurs et ouvriers du Capitole gèrent au mieux la situation, mais sont incapables dans les premières années de Rome capitale de considérer la ville dans son ensemble de ce point de vue. Par ailleurs, une part considérable des déchets organiques urbains continue d’être déversée dans des fosses d’aisance, ces pozzi neri qui minent le sol de la ville basse. Pour les quartiers hauts, en cours de constructions la situation est différente : la construction est planifiée, et malgré l’importance d’un modèle administratif et économique quelque peu déviant, elle se fait dans des conditions techniques satisfaisantes. Avec cependant l’avancement de la réflexion sur la canalisation du Tibre, puis sur les collecteurs, la mairie est contrainte d’apporter des réponses précises aux questions du Génie civil, et de hausser son niveau d’analyse de la situation pour être en mesure de contrecarrer les ambitions des ingénieurs du corps de l’État de prendre le contrôle de ce secteur. Car l’État a plusieurs arguments pour, à partir du Tibre, commencer de prétendre examiner la situation du réseau d’égouts : l’impératif sanitaire, avec la progressive mise en place d’une législation nationale, la cohérence d’un réseau dont il construit la partie avale, et l’archéologie, les égouts antiques pouvant être considérés comme restes antiques, et donc placés sous la tutelle du ministère de l’Instruction publique.
19Au début des années 1870, rien n’est donc entrepris à la mairie pour moderniser le réseau d’égouts. En 1872, une entreprise privée propose de d’améliorer le système des pozzi neri, et c’est autour de ce problème que se concentre la réflexion des services municipaux.
20Il faut attendre le milieu des années 1870, et l’avancement du processus de décision relatif au Tibre, pour que l’ingénieur municipal Angelo Vescovali propose un ensemble de travaux destinés à améliorer tant le système d’adduction d’eau que les égouts municipaux32.
21Pour l’adduction d’eau, Vescovali prévoit un plan en cinq ans d’amélioration de la fourniture d’eau par les services de la mairie. Partant du constat que la ville de 1875 ne reçoit que « moins du tiers de ce qu’apportaient les dix aqueducs de la Rome impériale », il souligne la nécessité à la fois d’augmenter les débits et d’améliorer la pression, pour fournir aux habitants de la ville un service de qualité.
22Pour ce qui concerne les égouts, prenant exemple sur ce qui se fait à Paris et à Londres, sur les réalisations d’ingénieurs comme Belgrand, Freycinet, Bazalgette ou Pareto, il suggère de consacrer à l’œuvre les moyens qu’elle requiert. Londres semble à Vescovali le modèle le plus utile pour le cas romain, à cause du choix du tout-à-l’égout. L’ingénieur romain n’a pas de doute à ce sujet : pour Rome, le tout-à-l’égout est la seule solution envisageable. La modernité n’a dans cette ville pas de détour sur ce point. Pour Vescovali, qui déclare travailler de concert avec son supérieur Viviani, chef des services municipaux, le bureau d’hydraulique doit s’organiser autour de la nécessité de fournir un service de qualité. Puisque les égouts, en 1875, sont « complètement défectueux sous tous les rapports33 », il convient de lancer de grands travaux d’amélioration, et surtout de poser les bases d’un plan de mise à niveau. Proposant des normes pour la pente, les sections, l’imperméabilité et la profondeur sous la voirie, l’ingénieur municipal souligne que ses services sont déjà en contact avec les plus grandes entreprises européennes du secteur pour la fourniture des matériaux. Les conduites viennent de la fonderie Fourchambault en France, ainsi que de Belgique et d’Angleterre. Il semble que l’entrepreneur belge Cassian Bon bénéficie d’une grande sympathie à la mairie pour la réalisation des travaux, avec des sous-traitants locaux appartenant à la sphère des petites entreprises traditionnelles de la clientèle municipale et catholique34. Si en 1875 Vescovali ne désespère pas encore de pouvoir construire les collecteurs des égouts, il semble qu’au moins la mairie prenne à partir de ce moment toute la mesure de l’importance de la question des égouts, et se donne les moyens techniques et bureaucratiques de se montrer à la hauteur de la tâche, dans la mesure toutefois d’un certain nombre de présupposés et choix politiques ou fonciers.
23La lecture des archives relatives à la maturation municipale d’un projet de modernisation pour les égouts montre que le moteur principal en est l’espoir d’agir encore sur le processus de décision relatif aux collecteurs. C’est pour défendre la prérogative municipale sur l’ensemble du secteur de l’évacuation des eaux usées que les services du Capitole sont amenés à s’intéresser à un domaine que jusque-là ils géraient d’une manière des plus prosaïques. Le dessin des dessous de la ville est décidément subordonné à un dessein institutionnel. On n’avait pas songé au Capitole avant cette date à faire une carte des égouts, ni même à explorer un réseau que l’on gérait de manière passive, au jour le jour. Face aux défis techniques des ingénieurs des services concurrents, et aux prétentions presque territoriales qui y sont mêlées, se met en place une nouvelle organisation de la technique municipale dans ce domaine.
24C’est ainsi logiquement à la fin des années 1870, au moment de la décision sur les collecteurs, que la mairie prend en main le secteur des égouts. En 1879, l’ingénieur municipal Angelo Vescovali présente ainsi un rapport à Viviani, directeur des services techniques municipaux sur l’état des égouts de la ville35. À la demande de la Giunta, le chef des services techniques le lui avait commandé quelques mois plus tôt36. Le constat est éloquent, comme en atteste ce passage, relatif à la partie basse de la ville :
Les conditions de l’actuel réseau d’égouts de Rome sont des plus malheureuses, non seulement à cause de l’état de quasi-abandon dans lequel il se trouve, mais aussi à cause du désordre d’ensemble qu’il présente et de l’insuffisance superlative de capacité que proposent pour l’écoulement les gros égouts maîtres qui fonctionnent en position de collecteurs par rapport au reste des conduites. Parmi ces égouts maîtres, le plus considérable, et en piteux état, est celui dit de la Giuditta : dans cet égout se jette, sous la place du Panthéon, l’égout de la Rotonda, ou des Pastini, qui vient de la via della Croce et a une longueur de 1101 m. Ces égouts maîtres, qui traversent Rome dans toute sa partie basse, communiquent entre eux par l’intermédiaire d’un antique raccord de 84 m.
25Vescovali souligne les variations de diamètre et de pente des conduites, les raccords bricolés au fil des siècles entre portions d’égouts antiques et tuyaux modernes, et, en général, l’inadéquation entre le service attendu et l’état du réseau. Dans le cas de la confluence du Panthéon, l’ingénieur municipal décrit ainsi les changements de diamètre des conduites : la partie antique a une section de 3 m, les parties modernes 63 et 70 cm. La ville médiévale et « baroque » avait certes une population nettement inférieure à celle de la ville antique, mais avec la croissance démographique constatée depuis 1870, la situation, assurément déjà déplorable auparavant, n’a pu qu’empirer, d’autant que les égouts neufs de la ville lotie sur le plateau des hauteurs de Rome, se déversent dans les structures de la ville basse. Dans l’ensemble aussi, le réseau est, d’après les alarmistes descriptions de Vescovali, très encombré de déchets en tout genre (débris antiques et ordures médiévales), et sujet à l’envasement. La moitié de la section est, en de nombreux points, encombrée.
26La question se pose de savoir pourquoi il faut attendre l’extrême fin des années 1870 pour trouver dans les archives des services techniques municipaux le début d’une étude d’ensemble sur les égouts. Jusque-là, les services de Vescovali avaient travaillé selon deux directions : l’entretien au jour le jour du réseau souterrain de la ville ancienne, et la construction des égouts nouveaux, en coordination avec les lotisseurs, dans les quartiers neufs. Deux facteurs peuvent expliquer le besoin d’un changement d’ensemble. D’une part la saturation d’un réseau bricolé, qui ne peut plus être adapté aux besoins d’une ville qui a connu une forte croissance démographique et spatiale, mais aussi le besoin, au moment où la question des collecteurs est reprise par les services techniques de l’État, d’affirmer, par la promotion d’une vision d’ensemble, la compétence des services de la mairie dans ce domaine. Plusieurs indices montrent la pertinence, et assurément la prééminence, de la seconde raison : Vescovali souligne à plusieurs reprise dans son rapport de 1879 le lien entre question du Tibre et nécessité d’améliorer le réseau d’égouts. Sans jamais cependant présenter les deux aspects en tant qu’éléments à coordonner. Il faut que la mairie apparaisse compétente, et non point qu’elle livre au Génie le secteur au nom de la coordination avec les travaux du Tibre.
27L’ingénieur municipal recommande à son supérieur de mettre en place une campagne de dégagement général des égouts encombrés par le biais de lâchés d’eau successifs. Il se refuse à promouvoir toute autre solution. L’attentisme, en somme, demeure de règle. En 1879, les services de la mairie se contentent d’affirmer leur présence sur le terrain des égouts, mais refusent de promouvoir une réflexion globale de laquelle ils auraient tout à perdre. On est d’ailleurs encore loin d’une vision d’ensemble pour l’amélioration d’un réseau qui n’en est d’ailleurs pas vraiment un, tellement on ne le connaît à cette époque que très partiellement.
28Quelques mois après le rapport alarmant de Vescovali, la question des égouts parvient jusqu’au niveau de la Giunta municipale. La question est autant d’améliorer le service que d’éviter que d’autres institutions tirent profit de la carence municipale pour étendre leur aire de compétence. En janvier 1880, la Giunta demande donc au conseil municipal de lui accorder des crédits de 10.000 L. pour rédiger un piano regolatore della fognatura e l’ordinamento delle acque vaganti di Roma37. Le terme est révélateur : il ne s’agit en rien d’une demande de crédits pour lancer les travaux les plus urgents, mais au contraire de promouvoir le dessin d’une carte municipale des égouts municipaux. Au moment où les services de l’État avancent dans la mise en place du projet des collecteurs, les services municipaux ressentent le besoin de souligner l’étendue de leur aire de compétence. De la même manière que le Piano regolatore urbain est le document qui donne à lire la tutelle municipale sur l’espace de la ville et sa transformation, le plan régulateur des égouts est conçu, dans une stratégie défensive, comme une manifestation de l’aire de compétence des services techniques de la mairie. La demande de la Giunta suscite d’ailleurs de vifs débats au conseil municipal. Certains conseillers de l’opposition auraient manifestement préféré un plan des travaux, articulé aux projets gouvernementaux. C’est Guido Baccelli qui prend la parole de la manière la plus ferme, rappelant qu’il ne sert à rien dépenser de l’argent dans le vide, dans le seul but de ne pas laisser le terrain libre au Génie civil.
On connaît bien les cours d’eau disciplinés, moins les courants souterrains qui forment un vrai labyrinthe. Cette ville ancienne, qui depuis des siècles repose sur un marais stagnant (palude latente) devrait plutôt faire en sorte de mettre un point final à son système d’égouts (sistema di fognatura). On a le Tibre. Mais tous les débouchés actuels se font à des hauteurs différentes, et comme à l’élévation du niveau du sol de la ville n’a pas correspondu l’élévation de celui du fleuve, il se trouve que durant les basses eaux, les débouchés sont sous l’eau, et que, durant les crues, ils facilitent les inondations. Tant donc que l’on n’aura pas deux grands collecteurs sur les rives du fleuve, toutes les études sur les égouts ne seront que des exercices académiques. Et même si elles pourront aider à connaître le détail des problèmes, elle ne réussiront jamais à apporter une coordination générale au système38.
29Ayant voulu préserver le domaine des égouts de l’influence gouvernementale à partir du Tibre, la Giunta, pour n’avoir en fait proposé qu’une mesure de façade, se heurte aux représentants, minoritaires mais prestigieux, de la tendance gouvernementale au Conseil municipal en matière technique. Après Baccelli, Baccarini renchérit en effet :
Il est de mon opinion que les collecteurs longitudinaux sont la partie fondamentale de l’aménagement hydraulique de Rome. Ceux-ci en effet seront beaucoup plus utiles que les travaux de défense contre les inondations, puisque alors que les uns empêcheront une inondation tous les dix ou vingt ans, les collecteurs défendront la ville des infiltrations quotidiennes des cours d’eaux souterrains. Des 60 millions prévus par la loi sur les travaux du Tibre, dix seulement ont été jusqu’ici inscrits au budget de l’État, et ils sont déjà épuisés. Il n’est pas impossible cependant qu’au cours de l’année soient débloqués les fonds pour une seconde série de travaux, dans laquelle sont justement compris les collecteurs39.
30Les conseillers de l’opposition sont donc parvenus à replacer, face notamment à Vitelleschi, le projet d’un plan régulateur des égouts dans le contexte de la construction des collecteurs par le Génie civil. Tous s’entendent ensuite pour voter la proposition de la Giunta et les crédits correspondants. Mais les interprétations divergent : la droite catholique signe pour affirmer la compétence capitoline sur l’objet, la gauche pour déplacer le débat des collecteurs aux égouts.
31Les bureaux de la mairie sont alors censés se mettre à la rédaction du fameux plan régulateur. Les archives des services techniques ne se font pas l’écho d’un empressement particulier. L’important était dans l’intention, et au vu de la résistance rencontrée au Conseil, les chefs de service ne reçoivent pas d’instructions spécifiques. Il ne faudrait surtout pas que l’idée d’une planification municipale des égouts se retourne contre la mairie et soit mise ensuite au service des ingénieurs de l’État qui opèrent avec de plus en plus d’ardeur depuis le Tibre.
32Un mois après la délibération du conseil municipal, lors d’une nouvelle séance, est nommée une Commission pour la rédaction du plan régulateur des égouts40. Les conditions de nomination des membres de cette commission sont cependant très particulières : encore une fois, la mise en place d’une commission permet à la fois de gagner du temps, et de donner à voir la souveraineté technique d’une administration sur un domaine sans que besoin soit de lancer réellement des travaux. La délibération du 16 janvier stipulait que « les bureaux techniques municipaux devront, selon des normes données par une commission spéciale, et avec l’assistance de celle-ci pour tout ce qui concerne la partie ayant trait à l’hygiène, rédiger un plan régulateur du réseau d’égouts pour la ville de Rome »41. Il avait été entendu, après une intervention des conseillers Trocchi et Finali, que le maire nommerait les membres de la commission.
33C’est ce qui est fait, mais lors d’une séance secrète42. Il est très difficile, à partir des archives disponibles, de comprendre qui est appelé à faire partie de la commission. Les réunions semblent elle aussi très discrètes, si elles ont bien eu lieu. L’important ici est de voir que face aux débats publics suscités par l’évocation de la question au conseil municipal, et à la manière dont l’opposition et les milieux proches du gouvernement ont repris le thème, l’administration municipale s’empresse de décider en secret. La correspondance des adjoints au maire au cours des premiers mois de 1880 donne quelques indices. Les noms de Pareto, Canevari et Balestra apparaissent43. Ils auraient été nommés par le maire. Mais les archives ne révèlent aucune trace d’éventuelles réunions de la commission.
34On dispose de nouveaux indices pour le début de l’année 1881, notamment du brouillon d’une lettre de convocation du maire à Pareto, Canevari et Balestra44. La réunion aurait eu lieu dans le bureau même du maire. On ne connaît pas la donnée essentielle : quelle était la position de ces personnages dans la commission, quel était le degré de connivence entre administration capitoline et techniciens issus de la droite historique, combien de fonctionnaires municipaux siégeaient à leurs côtés45 ? Lors d’une séance du conseil municipal au mois de mai suivant, le conseiller Bastianelli se plaint que la décision de créer une commission n’ait jamais été suivie d’effet46. Il n’est manifestement pas au courant de ce qui se trame entre le maire et la commission restreinte. Il fait aussi état d’une commission de médecins étrangers qui inspecterait les égouts, notamment aux abords des hôtels, suite à des cas de typhoïde : « elle en viendrait presque à se substituer à la mairie ! ».
35On le voit, au début des années 1880, la plus grande confusion règne à la mairie quant à la réflexion sur le devenir des égouts. Entre culture du secret, de crainte d’éveiller les appétits gouvernementaux, et manœuvres dilatoires, on ne peut avoir qu’une certitude : les égouts sont considérés à ce moment par le maire comme un dossier prioritaire. Il faut sans doute aussi prendre en compte une autre dimension : la rivalité au sein même de l’appareil municipal entre services de santé et d’hygiène d’un côté, et services techniques de l’autre. On a d’ailleurs plusieurs indices de l’âpreté de ce conflit interne à la mairie, entre médecins et ingénieurs. Vitelleschi, adjoint au maire chargé de la santé, toujours lors de la séance du 23 mai 1881 du Conseil municipal, recommande la nomination de membres supplémentaires dans la commission. C’est le conseiller Canevari qui lui répond que la commission, dont il fait partie, n’a été convoquée qu’une fois, au mois d’août 1880, alors qu’un seul des trois commissaires était à Rome. Pareto a fait savoir que la commission avait besoin des études faites par les services techniques municipaux. Bastianelli dépose alors une motion, qu’il est cependant impossible de voter, car elle n’a pas été inscrite à l’ordre du jour. Il propose de confirmer les compétences de la commission, et d’en élargir la composition. Bracci, adjoint au maire chargé des services techniques, intervient alors pour assurer que les études menées par ses services sont bien avancées, mais on s’en tient là pour cette séance de clarification. Quelques jours plus tard, une lettre de l’Assessore Vitelleschi au maire Augusto Armellini nous en apprend plus47. L’adjoint s’y déclare satisfait que le maire ait bien accueilli la motion Bastianelli présentée au Conseil, qui demandait confirmation de la commission et extension de sa composition. Il en profite donc pour demander à ce que soient nommés Tommasi et Mazzani, aux côtés de Balestra, Pareto et Canevari. Il demande aussi que puissent se joindre aux travaux, avec vote consultatif, Toscani, le chef du service municipal d’hygiène (Ufficio VIII) et « un des chefs des ingénieurs municipaux ». Pendant ce temps, malgré les attaques dont ils sont l’objet, les services techniques semblent s’être mis au travail. En atteste la demande d’une prime pour l’ingénieur Narducci de la part du directeur du bureau technique48.
36Il est difficile de faire la part des choses pour ce qui se passe entre 1880 et 1881 au sujet des égouts à la mairie. Il est clair que l’avancement du processus de décision au sujet des collecteurs oblige le Capitole à protéger le secteur des égouts, qu’il entend garder d’exclusive compétence municipale. Mais il est tout aussi clair que le contexte politique municipal troublé de ces deux années a une importance considérable. Il apparaît ainsi que la création de la commission secrète est une manœuvre du conservateur Ruspoli pour écarter tant l’opposition que les services de l’État, mais qu’ensuite, avec l’arrivée d’Armellini, puis de Pianciani (nommé par le gouvernement contre l’avis du conseil municipal) de nouvelles données entrent en jeu. La rivalité entre services d’hygiène et services techniques recouvre assurément, au-delà des animosités de corps et de personnes, une césure politique au sein d’un appareil municipal qui ne suit pas dans la composition de son personnel les tournants politiques rencontrés en ce qui concerne l’exécutif. Les services techniques municipaux semblent souhaiter rédiger un plan régulateur. Mais ils semblent être l’objet aussi d’une attaque venant du sein même du conseil municipal. Et cela est une grande nouveauté. À l’approche du moment de l’alternance municipale, qui voit en octobre 1881 Pianciani revenir au poste de maire dix ans après sa première expérience, les progressistes se font très pressants.
37On peut émettre l’hypothèse d’une alliance entre progressistes à la mairie et camp gouvernemental contre l’action des services techniques municipaux, dans le but de déstabiliser le camp conservateur. Dans ce contexte, la césure entre médecins et ingénieurs, entre services de santé et services techniques, se double bien d’une césure politique. L’hydraulique municipale reste aux conservateurs, l’hygiène passe brièvement dans les mains des progressistes. Le thème des égouts sert alors à la déstabilisation de l’administration précédente.
Le travail de la commission d’amélioration du sous-sol de Rome
38La sourde controverse sur l’assainissement reprend en 1882. Le contexte politique a changé. Depuis le mois d’octobre 1881, Pianciani est de nouveau maire. Au mois de mars 1882, l’Assessore Bastianelli, responsable de l’hygiène et de l’assistance sanitaire, rend un rapport au maire49. Le document émane de la commission d’hygiène. Bastianelli est sévère tant avec le travail des bureaux techniques municipaux qu’avec celui de la commission municipale nommée plus ou moins secrètement en février 1880. Les services techniques sont accusés d’avoir peu fait en deux ans pour améliorer la connaissance du réseau d’égouts, et la commission « qui aurait dû assister les bureaux techniques dans la rédaction du plan régulateur », de passivité. Bastianelli souligne le fait que la commission n’a jamais vraiment été réunie, malgré les demandes répétées de la commission municipale d’hygiène. On a là un indice de l’obstruction rencontrée par l’administration Pianciani de la part des services municipaux.
39En mars 1882, c’est l’état déplorable des égouts via del Babuino qui relance les débats. On se rend compte que même dans les quartiers neufs, comme à l’Esquilin, les égouts ont été mal conçus, et que leur raccordement aux structures de la ville basse, en direction du fleuve et, éventuellement des collecteurs gouvernementaux, est des plus déficients. Bastianelli demande dans son rapport à Pianciani à ce que la construction des égouts ne réponde plus uniquement à « l’arbitraire de ceux qui ont la charge de les construire, mais soit conforme aux justes exigences de l’hygiène, ainsi qu’aux normes qu’on jugera utile d’établir ». Du bureau d’hygiène municipal, durant la parenthèse progressiste Pianciani, part donc une attaque en règle contre les services techniques municipaux, accusés d’avoir suivi avec passivité le rythme de la spéculation foncière50. Bastianelli conclut son rapport en demandant une nouvelle convocation de la commission de 1880, et, enfin, la collaboration de l’Ufficio tecnico.
40La copie de ce rapport conservée parmi les papiers des services techniques est couverte des annotations rageuses de Vescovali à l’intention de son supérieur Viviani. On comprend mieux, avec cet épisode, l’inertie de la bureaucratie municipale à laquelle se sont heurtés, parfois avec peu de tact, les élus progressistes lors des parenthèses de 1873 et 1881-1882. Parmi les notes de Vescovali sur le document : « La commission serait peut-être utile, encore faudrait-il que les hommes de la mairie en fasse partie ». On a là une explication partielle, donc, à l’affaire de la commission sur les égouts : celle-ci est née contre l’avis des services techniques municipaux pour en contourner les compétences. Elle s’est ensuite heurtée, au moment de l’alternance municipale à l’opposition de l’appareil bureaucratique. « Si l’égout du Babuino est défectueux, ajoute Vescovali, c’est qu’on ne nous l’a jamais laissé finir ». Quant aux quartiers nouveaux, Vescovali répond que les problèmes viennent du manque d’eau dans les égouts, à cause du retard dans la décision de construire un réservoir. Il semble que le conflit en soit resté là pour l’année 1882. Il faut dire que dès le mois de mai l’administration Pianciani chute. Leopoldo Torlonia rétablit l’ordre conservateur des choses. Désormais débarrassés des risques de contestation interne, les services techniques municipaux reprennent alors leur habituel cheminement, ainsi que leur plus simplement dichotomique rivalité avec le Génie civil gouvernemental. De nouveau, l’axe de la décision au sein de l’appareil municipal se déplace vers l’Ufficio Quinto. Les ingénieurs municipaux ont écarté les médecins.
41En 1884, Vescovali présente à la Commission pour l’assainissement du sous-sol de la ville de Rome, qui succède à la fois au grand jour et dans une routine paisible à la commission secrète, un mémoire sur les égouts de la ville51. Cette commission, municipale, s’avère être un doublon plus docile à celle de 1880, jamais formellement dissoute. La commission est créée lors d’une séance du conseil municipal à l’automne 188452. Giulio Bastianelli, Assessore chargé de l’Hygiène la préside. Sont membres : Guido Baccelli, en qualité de conseiller municipal, le marquis Francesco Nobili Vitelleschi, le professeur Stanislao Cannizzaro, Sénateur, Directeur de l’École de chimie de Rome, le géologue Felice Giordano, l’ingénieur Ildebrando Mazzani, professeur d’hydraulique, le professeur Davide Toscani, directeur du bureau municipal d’hygiène, Alessandro Viviani, directeur des bureaux techniques municipaux, Angelo Vescovali et Pietro Narducci, ingénieurs municipaux. L’ingénieur Cerasoli, du bureau municipal d’hygiène est nommé secrétaire53.
42La reprise de l’activité municipale dans le domaine de la rhétorique de l’assainissement n’est pas due au hasard : quelques semaines avant la création de la commission, le choléra avait fait son retour dans la capitale, et la mairie craint de voir l’État imposer une loi spéciale qui la priverait de la prérogative de l’assainissement. Il était donc urgent de former une commission54. Cette urgence, et le besoin de ne pas susciter de trop fortes protestations, explique l’invitation faite à des personnages qui avaient eu un rôle hostile aux techniciens conservateurs quelques années plus tôt à y siéger.
43Le rapport de Vescovali est daté d’octobre 1884. Mais il ne semble pas avoir grand écho au sein de l’administration municipale. Après les soubresauts de la période 1880-1882, on semble revenu à l’attentisme, seulement troublé par l’alerte cholérique. Dans ce mémoire, l’ingénieur municipal exprime sa préoccupation face aux difficultés dans la coordination des travaux de construction et de ceux d’équipement. Il se borne à faire une liste de problèmes ponctuels, liés à des chantiers de construction privée, notamment autour du lotissement Spithover. Vescovali s’inquiète aussi des risques d’engorgement des égouts de la ville basse avec la percée de la via Nazionale (devenue ensuite Corso Vittorio dans ce tronçon). Aucune vision de l’espace urbain, ou du réseau dans son ensemble, ne se dégage de ce document, qu’aucune représentation graphique d’ensemble ne vient illustrer. Le milieu des années 1880 est ainsi marqué par un retour à la routine au jour le jour dans le travail des services de la mairie pour les égouts. Seuls les points de contact avec les chantiers gouvernementaux, le long du Tibre et le long de la zone archéologique, demeurent objets d’inflexions rhétoriques et d’inflation archivistique.
Conflits sur le raccordement des égouts municipaux aux collecteurs étatiques
441884, avancement des travaux sur les territoires respectifs oblige, est en effet l’année des premiers heurts sérieux entre ingénieurs de l’État et ceux de la mairie au sujet du raccordement des égouts municipaux aux collecteurs gouvernementaux. Dans un rapport à Viviani, au mois d’avril, Vescovali souligne les risques de conflit : il y a encore divergence sur la hauteur du collecteur. On a donc construit à Rome un dispositif de la complexité et du coût de celui des collecteurs des égouts sans se mettre d’accord, ni se parler, entre mairie et État.
La mairie de Rome, principal intéressé de ce chantier, et à double titre de payeur d’une partie des frais et d’utilisateur ensuite, en coordination avec toutes les autres conduites du réseau citadin, [...] demande à ce que le fonctionnement des collecteurs soit efficace. D’un point de vue administratif, je ne pense pas qu’on puisse nous le refuser. La mairie, qui a déjà préparé toutes les études nécessaires pour la réforme des vieux égouts et pour la canalisation des eaux souterraines, afin d’améliorer les conditions d’hygiène dans la ville, déclare que le fond du collecteur peut très bien être placé 1,5 m plus bas que ce que le Génie civil pensait, à juste titre puisqu’il n’avait pas eu connaissance des modifications projetées pour les égouts principaux de la ville55.
45On voit que les deux bureaux refusent encore de s’entendre sur des points aussi essentiels que l’altitude du collecteur, et que les informations ne passent pas. Le raccord ne pourra être que problématique et conflictuel !
46En 1886, Angelo Celli rend à la commission municipale une analyse bactériologique commandée à la suite du choléra de 188456. Il recommande l’interdiction de la consommation de l’eau des puits, et l’amélioration du réseau d’égouts. On se rend compte que le choléra, jamais vraiment désigné comme tel dans les archives57 (sauf par Celli), n’a pas été le moteur d’une forte reprise de la réflexion sur les égouts. Le calendrier des travaux du Tibre semble l’être beaucoup plus. Certes l’ensemble de ces chantiers est-il destiné à améliorer les conditions d’hygiène dans la ville capitale. Mais il ne paraît pas y avoir eu de réel choc au sujet du choléra. Il faut attendre 1888 pour voir la situation évoluer de nouveau. Entre temps, les travaux continuent de chaque côté, la mairie construisant de nouveaux égouts, le gouvernement les collecteurs.
47Entre 1884 et 1888, la Commission pour l’assainissement du sous-sol se réunit à de nombreuses reprises. Lors de la première réunion, le 21 novembre 1884, un programme des travaux avait été établi, partant de l’étude de la nappe phréatique et arrivant au type de conduites à employer pour les égouts. Les bureaux techniques de Vescovali semblent avoir mis à disposition l’ensemble des (rares) relevés dont ils disposaient, et une sous-commission technique s’est même réunie à quatre reprises, sous la présidence de Giordano. Vescovali y a présenté un projet de drainage des eaux souterraines par une galerie de dérivation dès avant leur entrée en ville. Mais l’essentiel des remarques a eu trait aux travaux du Tibre : on craint à la mairie à cette époque que les murs des quais n’obstruent l’écoulement des eaux souterraines vers le fleuve et impliquent une remontée de la nappe en ville.
La commission est d’avis que, puisque l’Administration communale a effectué des études et des relevés visant à l’assainissement du sous-sol, il serait utile et opportun qu’elle ait rapidement une discussion avec l’Administration gouvernementale pour fixer les mesures que ce cas requiert. À cette fin la Commission propose que la mairie obtienne du Ministère des travaux publics qu’un ingénieur soit rapidement nommé en vue de proposer les meilleures solutions à ces problèmes58.
48Les propositions et les craintes de la sous-commission sont alors transmises au ministère, « afin qu’il daigne nommer un délégué ». On voit que les rapports entre services de l’État et de la mairie sont encore à cette époque des plus tendus, et qu’aucun dialogue véritable et banalisé ne s’est encore établi autour du chantier du Tibre, dont l’avancement oblige pourtant les deux parties à commencer à se rencontrer.
49Plusieurs mois plus tard, après entremise du préfet, qui a enjoint les deux parties à communiquer par son entremise, c’est Giacomo Zucchelli, alors directeur de l’ufficio speciale del Genio civile per la sistemazione del Tevere, qui est envoyé par le ministère. Il intervient dans deux réunions de la commission, en mars 1885. Vescovali lui propose de laisser des passages pour les eaux souterraines sous les murs là où ceux-ci reposent sur des terrains imperméables. Zucchelli commence par objecter que les collecteurs suffiront à cet usage. Mais lors de sa seconde intervention, quelques jours plus tard, il revient avec un projet directement inspiré de la proposition Vescovali. Les ingénieurs municipaux, satisfaits d’avoir soulevé un problème qui n’avait pas été assez étudié par le ministère, satisfaits aussi d’avoir été finalement consultés, sont tout aussi satisfaits de voir leur solution retenue par l’ingénieur du gouvernement. Le seul problème est que cette résolution rapide de la question ne leur a nullement permis de relancer une durable et profitable controverse avec le Génie civil. On sent d’ailleurs de la déception lors des séances suivantes, où l’on se plaint à demi-mots du persistant mépris dans lequel le ministère tient l’administration municipale. Mais la commission n’a pas en main de carte maîtresse pour susciter une véritable entrée en conflit sur ce terrain. Zucchelli, en la matière, a été très habile. Il a répondu à la demande, et a évité toute inflation dans l’expression de la rancœur des services municipaux. La Commission de 1884, au cours des années 1885-1887 décide par ailleurs de confirmer l’option du tout-à-l’égout pour l’ensemble des conduites d’assainissement de la ville. Un plan des égouts au 1/2 000e est commandé à l’Ufficio tecnico. Il aurait été présenté à la commission lors de la séance du 30 mars 188659.
50Pour les quartiers suburbains, dont les égouts ne peuvent être raccordés au réseau interne de la ville, un grand collecteur hors les murs est envisagé. L’interdiction de consommation des eaux des puits est confirmée. Quant au projet de galerie de détournement des eaux souterraines promu par Vescovali, il est poliment écarté. Entre 1884 et 1888, donc, la commission municipale ne prend pas de réelle décision. Elle ne fait que confirmer les options précédentes. Une sorte de statu quo s’y établit entre bureau d’hygiène et bureaux techniques.
51Au cours de l’été 1888, un long débat sur les égouts anime les travaux de la Giunta municipale60. Il fait suite à la demande de l’assessore Befelli, qui a la tutelle sur les bureaux techniques municipaux, de mettre de l’ordre dans les diverses commissions ayant compétence sur les égouts et l’assainissement. L’adjoint au maire Torlonia souhaite surtout renforcer la position de la mairie. Un enjeu interne au fonctionnement des services municipaux affleure aussi, autour de la volonté de rééquilibrer les pouvoirs respectifs des bureaux de l’hygiène, de la construction, de la planification et des services techniques.
Après avoir pris connaissance de la lettre de l’Assessore responsable des Bureaux techniques municipaux, consacrée à l’opportunité de nommer une commission unique à la place des multiples commissions consultatives, pour obtenir uniformité dans les directions données et unité d’action, nécessaire à la bonne marche des travaux souterrains à Rome, commission dont pourraient faire partie, sous la présidence du maire, les assesseurs des bureaux de la construction, de l’hygiène et du plan régulateur, ainsi que tous les membres des commissions d’hygiène, d’assainissement du sous-sol, et d’amélioration des conditions d’hygiène dans les quartiers suburbains, ainsi que les chefs de service des bureaux concernés par ces travaux, c’est-à-dire construction et hygiène.
Après avoir pris connaissance de la lettre de la Préfecture royale du 12 juillet dernier, par laquelle était exprimé le vœu de la mise en place d’une commission sanitaire unique et réellement compétente, qui pourrait se diviser le travail entre plusieurs sous-commissions et rompre avec le dualisme entre bureaux techniques municipaux et gouvernementaux en choisissant ses membres parmi les meilleurs des diverses commissions actuelles, au besoin en en ajoutant d’autres,
La Giunta décide de confier au maire la charge de trouver un accord avec le Préfet pour déterminer le nombre et la qualité des personnes qui devraient faire partie de la commission mixte (promiscua) communale et gouvernementale, et obtenir que les chefs de service en fassent partie, dussent-ils n’avoir qu’un rôle consultatif.
52Plusieurs points importants sont en jeu ici : il semble que les services de l’État veuillent profiter du contexte d’urgence dans le secteur de l’hygiène et de l’assainissement pour contester l’hégémonie municipale dans ce domaine pour la capitale. Encore une fois, la nomination d’une commission fait partie de la stratégie ministérielle. Pour la mairie, il s’agit de ne pas se faire piéger. La promiscuité avec les ingénieurs du Génie civil dans les commissions tourne rarement à l’avantage de la mairie. Les égouts sont à ce moment un secteur de la compétence technique à risque pour les services municipaux : depuis 1870 rien n’a vraiment été fait pour créer un véritable réseau efficace à partir des bribes antiques et des conduites modernes, et la persistance de graves problèmes d’hygiène donne aux services de l’État de bons arguments pour s’emparer du dossier, à partir du bastion des collecteurs qu’ils se sont constitué. Au mois de novembre 1888, le nouveau maire, Alessandro Guiccioli, signe un décret sur les égouts61. Il s’agit de tenter unifier, sous l’égide de la municipalité, les différentes commissions ayant compétence dans le secteur de l’assainissement urbain à Rome. C’est la réponse de la mairie à la suggestion préfectorale, tentative aussi d’éviter de perdre tout à fait la main dans un domaine aussi crucial pour la compétence technique de l’instance municipale. La lettre du préfet est interprétée, dans la rhétorique municipale, comme une utile suggestion, et comme un rappel fait à l’autorité municipale de ses responsabilités. Guiccioli nomme une commission pour « l’étude et la direction de tout ce qui regarde l’état hygiénique de la ville, y compris le sous-sol et éventuelles autres questions ». La formulation est des plus vagues, mais l’essentiel est de préserver la compétence municipale. La commission sera présidée par le maire, et composée ainsi :
53Prof. Guido Bacceli, député ; Prof. Stanislao Cannizzaro, sénateur ; Prof. Corrado Tommasi-Crudeli ; Prof. Francesco Durante, directeur de faculté à l’Université de Rome ; Marquis Francesco Nobili Vitelleschi, sénateur ; Prof. Ildebrando Mazzani, Professeur d’Hydraulique à l’École royale d’Ingénieurs de Rome, membre du Conseil supérieur de la santé ; Prof. Angelo Celli, Professeur d’Hygiène à l’Université de Rome, membre du Conseil provincial de Santé ; Prof. Romolo Meli, Professeur de Géologie à l’Université de Rome ; Ing. Cesare Ceradini, Professeur de Mécanique appliquée à l’École royale des ingénieurs de Rome ; Ing. Pietro Narducci, auteur d’un plan des canalisations présentes dans le sous-sol de la ville de Rome ; Prof. Ettore Marchiafava, membre du Conseil supérieur de la Santé ; Prof. Ing. Giulio Melisburgo ; Dott. Pietro Balestra ; Ing. Capo Direttore des Services techniques municipaux ; Adjoint au maire chargé de l’Hygiène ; Adjoint au maire chargé de la construction ; Adjoint au maire chargé du plan régulateur. En feront partie à titre consultatif : le médecin directeur du Bureau municipal d’hygiène et d’assistance publique ; l’ingénieur Directeur des Bureaux techniques municipaux ; l’ingénieur Directeur adjoint des Bureaux techniques municipaux ; l’ingénieur en chef de la division hydraulique municipale ; le Directeur du bureau municipal de statistique.
54La mairie semble avoir trouvé, par la composition de cette commission, le moyen de repousser la tentative gouvernementale de prendre pied dans le secteur de l’assainissement. On retrouve dans la commission l’essentiel de la commission municipale pour le sous-sol de 1884. Le Génie civil n’est pas représenté, et la commission est dominée par des universitaires. La lecture de la composition de la commission laisse entendre que les ingénieurs municipaux pourront proposer leurs projets librement, et les faire approuver par les autres membres, dont le sérieux leur servira de caution. Il y a peu de risque que quelqu’un d’autre arrive avec un projet tout fait parmi les membres non-municipaux.
55Mais ce premier décret municipal ne passe pas. Le ministère des Travaux publics fait savoir à la Préfecture qu’il exige une retouche. Du coup le Préfet transmet l’exigence à la mairie, demandant que soit nommé à faire partie de la commission l’ingénieur Giacomo Zucchelli, Inspecteur du Génie civil, et directeur des travaux du Tibre62. La commission, lors de sa première réunion, prévoyant l’importance des questions de compétence des diverses institutions en compétition, demande à ce que soit nommé également le chef des services juridiques de la mairie. Par un décret du 6 décembre 1888, le maire Guiccioli nomme donc ces deux personnages. La présence du chef des services juridiques municipaux est conçue comme une défense face à la volonté du Génie civil d’augmenter son influence dans un domaine jusqu’ici d’exclusive compétence municipale. Le décret municipal du 6 décembre contient une autre clause destinée à renforcer la position d’une mairie qui se sent menacée par l’arrivée d’un personnage du calibre de Zucchelli : les membres des services techniques municipaux, qui ne devaient siéger qu’avec vote consultatif sont admis à plein titre. À la première commission, dans laquelle l’hégémonie de la mairie devait être assurée par une présence minoritaire mais active, face à d’autres membres plutôt bienveillants, succède une commission de combat, dans laquelle on s’attend à ce que chaque voix compte. On s’attend aussi, du côté de la mairie, à une nouvelle course au projet soumis aux votes en premie. Les archives des services techniques reflètent cette disposition d’esprit, avec un fourmillement de notes de service qui dégringolent les échelons hiérarchiques avec une certaine frénésie, pour mettre en mouvement chaque bureau.
56C’est pourtant du bureau d’hygiène que vient la première réponse articulée à la demande de 1888. Cerasoli, Ingegnere Ispettore du Bureau Municipal d’Hygiène (Ufficio Ottavo) depuis 1885, présente en effet au début de l’année 1889 un plan d’amélioration des égouts de la ville63. Cerasoli a été secrétaire de la commission pour le sous-sol, et est secrétaire de la commission de 1888. Il est un des ingénieurs les plus actifs au sein du bureau municipal d’hygiène. C’est à la suite d’une demande du professeur Melisburgo lors de la séance de la commission du 1er février 1889, qu’il déclare avoir rédigé son mémoire.
57Dans ce document, l’ingénieur se consacre d’abord aux égouts publics des quartiers nouveaux de la ville. Il reconnaît que ces équipements « ont été réalisés, sous la direction des bureaux techniques municipaux, selon des principes rationnels, en adoptant les meilleurs systèmes connus ». Les égouts de type ovoïdal, profonds et pentus, mis en place selon les plans des services de Vescovali semblent satisfaisants, « si bien que l’on devrait pouvoir penser qu’ils remplissent leur fonction d’une manière satisfaisante. [...] Mais l’expérience des années passées nous apprend que, malgré leur construction soignée et rationnelle, ces égouts ne sont pas exempts de défauts, et que, dans certains cas, ils peuvent même compromettre l’hygiène de ces quartiers ». L’attaque contre les collègues de l’Ufficio Quinto est sévère. Pour Cerasoli, les inconvénients sont dus au manque d’eau le long des conduites, problème que Vescovali avait décrit depuis de longues années d’ailleurs. Il préconise la généralisation du système de la chasse d’eau dans les maisons. Le problème semble le plus grave dans le quartier des Prati, qui commence à s’urbaniser, où la pente manque, contrairement à l’Esquilin. Pour la vieille ville, città vecchia, le constat est aussi sévère :
Les égouts publics de la vieille ville, préexistants à l’actuelle transformation urbaine, présentent une série de réalisations qui remontent à des époques très diverses, et sont donc construits sans unité de conception, et selon des types et des qualités de construction de tous genres.
58L’ingénieur souligne aussi la mauvaise connaissance qu’ont eue pendant longtemps les services de la mairie du réseau. « L’actuelle administration communale a comblé cette lacune, avec un relevé général de tous les égouts existant » dit Cerasoli. En fait, à cette époque, le travail de l’ingénieur Pietro Narducci en est encore dans ses premières phases.
59Paradoxalement, le réseau ancien, voire antique, fonctionne mieux, grâce à la grande quantité d’eau qui y circule. Mais il reste souvent impossible de raccorder les maisons aux égouts, tant nombreuses sont les rues qui demeurent dépourvues de conduite. Cerasoli évoque un rapport de Narducci (que je n’ai pas trouvé) dans lequel on aurait une carte des rues à équiper en priorité. « À l’examen de cette carte, la Commission pourra aisément déduire quels sont les quartiers (contrade) qui doivent être améliorés de ce point de vue ». Le rapport de Cerasoli met également en évidence certaines lacunes dans la coordination entre autorités municipales et propriétaires pour le raccordement des immeubles au réseau d’égouts.
Lors de la construction des canalisations sous les rues, l’Ufficio tecnico comunale mit en place de petites canalisations perpendiculaires à l’axe de la rue, tous les 20 m. [...] Aux propriétaires des édifices fut imposée l’obligation de relier leurs canalisations domestiques à la plus proche de ces petites canalisations.
60Mais à l’évidence peu de propriétaires ont procédé de cette manière. L’ingénieur hygiéniste le déplore, et souligne que le fait que les propriétaires aient raccordé, quand ils l’ont fait, leurs immeubles aux égouts en bricolant un raccord au droit de leur édifice a contribué à limiter l’efficacité du système. Pour Cerasoli, il est clair que ce facteur est à l’origine d’une pollution (inquinamento) supplémentaire du sous-sol, à cause du percement sauvage des conduites.
61La municipalité, par le règlement sur la construction (regolamento edilizio) de 1887 avait tenté d’améliorer la situation64. Mais il semble que cette mesure ait été peu efficace : le nouveau règlement prévoit l’emploi de tubes de grès de provenance étrangère ou toscane (Impruneta), et tant les artisans que les architectes, propriétaires et constructeurs n’ont pas intégré cette mutation. Cerasoli feint de ne pas comprendre pourquoi. Peut-être la résistance des fournisseurs historiques romains sur ce marché lucratif est-elle une explication. On peut même imaginer que ces fournisseurs ont bénéficié de la mansuétude des services techniques municipaux. L’inadaptation des tuyaux vendus par les marchands romains aux normes nouvelles pour les tuyaux de descente pose aussi un problème du même ordre. « On a d’ailleurs du mal à comprendre comment dans des immeubles (fabbricati) construits par pure spéculation, où on lésine au centime près sur les travaux de première nécessité, on se laisse aller à gaspiller tant de matériaux tout en nuisant à l’hygiène de la maison »65. Encore une fois, la rationalisation du raccord des édifices privés au réseau public semble s’être faite, sous l’égide des services d’hygiène, face à la réticence des services techniques et des fournisseurs locaux. Preuve que c’est bien le bureau d’hygiène qui a la main dans la nouvelle commission de 1888, c’est encore Cerasoli qui présente, en 1889, les résultats des travaux de la précédente commission de 188466. L’opposition entre services d’hygiène et services techniques semble demeurer forte, et même si on ne peut plus guère y voir de césure politique, comme cela fut un temps le cas au moment de la seconde parenthèse Pianciani, de solides inimitiés personnelles paraissent avoir perduré.
62La commission de 1888 paraît avoir vivement critiqué le rapport présenté par Vescovali en 1884 devant la commission précédente. En 1889, c’est Viviani lui-même qui vient prendre la défense de son subordonné, par la présentation d’une « mise au point sur le rapport Vescovali »67. Le chef des services techniques souligne que le rapport, qui a depuis été utilisé contre son auteur et contre les services techniques en général, a déjà près de cinq ans, et ne concernait que le quartier de la spéculation Spithover.
63Viviani présente donc une mise à jour à la commission, « ce qui m’amènera à démontrer que les conséquences désastreuses alors craintes par l’auteur du rapport ne se sont pas vérifiées, et que les inconvénient dus aux travaux furent tolérables et passagers ». Viviani souligne que, depuis 1884, les services de la ville ont travaillé à plein régime pour rattraper le retard pris dans la mise à niveau du réseau d’égouts. Pour Viviani, le but du rapport Vescovali était d’attirer l’attention sur des problèmes à traiter (et non de discréditer ses propres services). Ces problèmes ont été traités, dit le directeur. On voit que les relations sont encore difficiles entre services d’hygiène et services techniques, comme en atteste aussi la phrase de conclusion de l’ingegnere direttore : « Puisque le rapport Vescovali fut distribué aux membres de la commission, nous prions la présidence de faire de même avec la présente mise au point ».
64D’une manière générale, Viviani a raison de souligner qu’entre 1884 et 1889 le travail de ses services pour les égouts a bien avancé. On ne dispose pas de chiffres annuels pour cette période, mais il semble bien, au vu des contrats avec les entrepreneurs, que le rythme ait été augmenté68. Il est cependant difficile de se faire une idée précise, tant le métrage d’égouts construits dépend de la construction des nouveaux quartiers, et ne reflète pas forcément l’amélioration objective du système dans son ensemble. Entre le milieu des années 1870 et le milieu des années 1880, de nombreux kilomètres d’égouts ont ainsi été construits dans le cadre des conventions avec les lotisseurs, mais cela n’a pas, au contraire, amené une rationalisation du réseau bas dans son ensemble. Voici les chiffres dont on dispose. Ils proviennent d’un bilan réalisé par les services techniques municipaux en 190369.
Égouts existant dans la vieille ville en 1870 : 42,2 km
Égouts principaux construits entre 1870 et 1902 : 113,3 km
Dont, De 1870 à 1886 : 64,8 km
De 1886 à 1896 : 59,1 km
De 1896 à 1902 : 9,2k
65À la fin des années 1880, avec les travaux de la commission, la municipalité romaine parvient à préserver sa tutelle sur le secteur des égouts. Les travaux de la commission ne remettent pas en question la compétence municipale, au delà des conflits que l’on a évoqués, et le Capitole parvient à écarter les risques de prise de contrôle du secteur par le Génie civil. La présentation en 1888 d’une carte des égouts vient en effet donner aux services de la mairie un solide argument, et on ne discute plus à ce moment des questions institutionnelles. Les ingénieurs de l’État ne participent d’ailleurs pas à la suite des travaux de la commission.
66Le conflit, qui n’a plus forcément à ce moment les connotations religieuses des années précédentes, entre cléricaux et anticléricaux, se poursuit cependant quelques années encore, autour des difficultés de raccordement des égouts municipaux aux collecteurs. À cette occasion, les litiges sont nombreux, et à plusieurs reprises, les ingénieurs et ouvriers en viennent presque aux mains. Il faut dire que, pour brancher leurs égouts sur les collecteurs, les ingénieurs de la mairie refusent de demander une autorisation au Génie civil, et évitent d’utiliser les raccords prévus, préférant casser au droit du débouché de leur conduite. On assiste de la sorte à plusieurs épisodes de litiges, où les services municipaux doivent ensuite subir l’humiliation de défaire ce qu’ils avaient à peine fait, réparer le collecteur, et se brancher là où le Génie l’avait prévu70.
67D’une manière plus générale, ce que montre cette étude sur les égouts de Rome, c’est combien la technique est à la fin du xixe siècle l’enjeu d’une véritable lutte dans la constitution des aires de compétences des différentes institutions. On voit aussi comment les rivalités de corps en viennent à se fondre dans le moule laissé par les conflits idéologiques et politiques des décennies précédentes. C’est un peu un pas vers la normalité : d’exception, la ville devient plus banale, avec la classique rivalité dans une capitale entre État et pouvoir local. Mais il reste qu’à Rome ces conflits revêtent souvent des formes extrêmes, comme l’illustrent aussi les épisodes relatifs à la périphérie immédiate de la ville. Il reste aussi que la ville conserve une forte particularité : la grande concentration de la propriété, qui marque la vie municipale et donne une grande inertie au passage vers la démocratie municipale.
Notes de bas de page
1 F. Scherrer, L’égout, patrimoine urbain. L’évolution dans la longue durée du réseau d’assainissement de Lyon, Thèse de doctorat d’urbanisme, Université de Paris-Val de Marne, 1992. Sur les réseaux, voir les réflexions de G. Dupuy, Les réseaux techniques sont-ils des réseaux territoriaux ?, dans L’Espace géographique, XVI, n° 3, 1987.
2 Idem, p. 9.
3 Idem, p. 87.
4 D. Reid, Paris Sewers and Sewermen. Realities and Representations, Cambridge (Mass.), 1991.
5 G. Jacquemet, Urbanisme parisien : la bataille du tout-à-l’égout à la fin du xixe siècle, dans RHMC, XXVI, octobre-décembre 1979, p. 505-548. Sur ce même sujet, voir aussi : R. H. Guerrand, Mœurs citadines, Paris, 1992.
6 Sur les égouts, voir aussi, à partir du cas américain : S. Schultz et C. Mc Shane, To engineer the metropolis : sewers, sanitation and city planning in the late 19th century America, dans Journal of American History, 65, 1978, p. 389-411.
7 F. Laroulandie, Les égouts de Paris au xixe siècle. L’enfer vaincu et l’utopie dépassée, dans Cahiers de Fontenay, n° 69-70, mars 1993, p. 107-140.
8 Voir S. Barles, Umwelt und Städtebautechniken. Der Pariser Boden im 19. Jahrhundert, dans C. Bernhardt (dir.), Environmental problems in European cities in the 19th and 20th century (Umweltprobleme in europäischen Städten des 19. Und 20. Jahrhunderts), Münster, 2001, p. 53-65.
9 C. Antonelli, Acque sporche. Londra e il Metropolitan Board of Works (1855-1865), dans Storia urbana, 61, 1992, p. 61-81.
10 G. Dupuy et G. Knaebel, Assainir la ville hier et aujourd’hui, Paris, 1982.
11 Voir : G. Zucchetta, Una fognatura per Venezia. Due secoli di progetti, 1986 et G. Zucconi, Venezia di fronte agli imperativi dell’igienismo, dans F. Cosmai et S. Sorteni (dir.), op. cit., p. 95-108. Pour un panorama historiographique sur la question à l’échelle péninsulaire, voir : A. Giuntini, La modernizzazione delle infrastrutture e dei servizi urbani in Italia. Temi, risultati, obiettivi di ricerca, dans C. Lacaita (dir.), Scienza tecnica e modernizzazione... op. cit., p. 127-145.
12 R. Sansa, loc. cit.
13 Sur le cas de Turin, voir : S. Nonnis Vigilante, Igiene pubblica e sanità municipale, dans U. Levra (dir.), Storia di Torino, op. cit. VII, p. 365-399. Voir aussi V. Winiwarter, Where did all the waters go ? The introduction of sewage systems in urban settlements, dans C. Bernhardt (dir.), op. cit., p. 106-119.
14 L. Murard et P. Zylberman, L’hygiène dans la République. La santé publique en France, ou l’utopie contrariée, Paris, 1996. Voir aussi M. Panarari, L’utopie contrariée : la storia dell’igienismo francese interpretata da Lion Murard e Patrick Zylberman, ed altre letture, dans Contemporanea, 2000, 3, p. 557-564.
15 Sur un thème proche, voir aussi : M. H. Jugie, Poubelle-Paris. La collecte des ordures ménagères à la fin du xixe siècle, Paris, 1993.
16 Y. Fijalkow, La construction des îlots insalubres. Paris 1850-1945, Paris, 1998.
17 E. Tognotti, Il colera del 1835-1837. La vulnerabilità delle città italiane, dans Storia urbana, 86, 1999, p. 5-21.
18 Sur le choléra à Naples, voir : M. Jeuland-Meynaud, La ville de Naples après l’annexion (1860-1915). Essai d’interprétation historique et littéraire, Aix-en Provence, 1973, p. 54 et s. Sur les structures sanitaires d’Ancien régime contre le choléra, voir : C. Cipolla, Contre un ennemi invisible. Épidémies et structures sanitaires en Italie de la Renaissance au xviie siècle, Paris, 1992. Sur la persistance du danger, malgré les dénégations officielles, voir l’étude de Snowden, réalisée à partir des registres sanitaires d’Ellis Island, avec le postulat que si un Italien arrive malade du choléra à New-York, il doit y avoir présence de la maladie dans la péninsule (et donc la limite méthodologique de ne pouvoir réellement quantifier le phénomène tant le degré de contagion sur le bateau ne peut être estimé). F. Snowden, Naples in the time of cholera. 1884-1911, Cambridge (Mass.), 1995.
19 A. L. Bonella, In attesa del cholera. Istituzioni pontificie e politica sanitaria nell’età della Restaurazione, dans A. L. Bonella et al., op. cit., p. 221-248.
20 Voir : G. De Luca, La metafora sanitaria nella costruzione della città moderna in Italia, dans Storia urbana, 57, 1991, p. 43-62.
21 À ce sujet, voir : E. Boriani, Città ottocentesca e regolamenti : igiene e decoro della Milano post-unitaria nel dibattito ufficiale, dans R. Rozzi (dir.), op. cit., vol. ii, p. 181-187. Pour un panorama général sur la question de l’hygiène, voir : G. Piccinato, Igiene e urbanistica in Italia nella seconda metà del xix secolo, dans Storia urbana, 47, 1989, p. 47-66.
22 Voir par exemple : V. Fontana, Il nuovo paesaggio dell’Italia giolittiana, Rome-Bari, 1981.
23 G. Zucconi, La città contesa. Dagli ingegneri sanitari agli urbanisti (18551942), Milan, 1989.
24 G. Vicarelli, Alle radici della politica sanitaria in Italia. Società e salute da Crispi al fascismo, Bologne, 1997.
25 Voir à ce sujet le moment de la formulation du code sanitaire national, en 1888. Op. cit., p.85 ets.
26 E. Sori, La città e i rifiuti. Ecologia urbana dal Medioevo al primo Novecento, Bologne, 2001. Voir aussi, pour la France : S. Barles, L’invention des déchets urbains, Seyssel, 2005.
27 Sur le cas Vénitien, voir : F. Cosmai, Storie di imprenditori di acque e strade a Venezia nell’Ottocento, dans F. Cosmai et S. Sorteni (dir.), op. cit., p. 171-191.
28 A. Caracciolo, Roma capitale, op. cit.
29 I. Insolera, op. cit.
30 ASC, Contratti.
31 Voir : S. Paolicelli, Fognature e collettori, dans S. De Paolis et A. Ravaglioni (dir.), La terza Roma. Lo sviluppo urbanistico, edilizio e tecnico di Roma capitale. 1870-1970, Rome, 1971, p. 99-112.
32 A. Vescovali, Opere di miglioramento alle condotture d’acque e alle fogne della città di Roma. Nota dell’ingegnere Vescovali, Capo della Divisione Idraulica del Municipio di Roma, Rome, 1875. ASC. Biblioteca 7323. Le projet, distribué aux conseillers municipaux, est également publié dans le Giornale del Genio Civile.
33 Idem, p. 8.
34 ASC, contratti.
35 ASC, Ufficio V, Direzione, Titolo XV, Fasc. 12 (documents non-classés, sujets à changement de numérotation) : Fogne cittadine, Relazione dell’ingegnere Capo della 2da divisione all’ingegnere Viviani, Direttore dell’Ufficio V.
36 ASC, Ufficio V, Direzione, Titolo XV, Fasc. 12, 1878.
37 ASC, Atti Consiglio, 16/01/1880.
38 ASC, Atti Consiglio, 16/01/1880.
39 Idem.
40 ASC, Atti Consiglio, 20/02/1880.
41 ASC, Atti Consiglio, 16/01/1880.
42 Consiglio Comunale di Roma, Seduta segreta del 20 Febbraio 1880, évoquée dans ASC, Ufficio V, Direzione, Titolo XV, Fasc. 48, 1880.
43 ASC, Ufficio V, Direzione, Titolo XV, Fasc. 48, Lettre de l’Assessore Fraschetti (Ufficio I) à l’Assessore dell’Ufficio V, 10 mai 1880.
44 ASC, Ufficio V, Direzione, Titolo XV, Fasc. 48, 22/01/1881.
45 Pour une étude sur les techniciens municipaux, voir C. Sorba, Tecnici municipali nell’Italia liberale : percorsi di reclutamento e identità professionali, dans M. Soresina (dir.), Colletti bianchi. Ricerche su impiegati funzionari e tecnici in Italia tra ’800 e ’900, Milan, 1998, p. 134-147.
46 ASC, Atti Consiglio, 23/05/1881, Interpellanza sullo stato della fognatura.
47 ASC, Ufficio V, Direzione, Titolo XV, Fasc. 48, Lettre du 18 juin 1881.
48 Idem, Lettre du 8 mars 1881.
49 ASC, Ufficio V, Direzione, Titolo XV, fasc. 48, Rapport du 29 mars 1882.
50 Pour une comparaison avec le travail du bureau municipal d’hygiène de Turin, voir : S. Nonnis Vigilante, Un funzionario modello della civica amministrazione : Candido Ramello, il direttore dell’Ufficio d’igiene di Torino (1866-1903), dans Soresina Marco (dir.), op. cit., p. 207-245.
51 A. Vescovali, Fognatura della Città di Roma. Relazione alla Commissione per la bonifica del sottosuolo di Roma, imprimé sous forme d’opuscule pour usage interne en 1889. ASC. Biblioteca 26 308 (7).
52 ASC, Atti Consiglio, 25/10/1884.
53 On trouve un compte-rendu des activités de cette commission dans V. Cerasoli, Relazione sommaria dell’operato della Commissione pel Risanamento del sottosuolo di Roma e conclusioni da essa adottate, Rome, 1889. ASC. Biblioteca 26 614 (26).
54 En 1880, la mairie avait tenté de mettre en œuvre une autre ligne de défense face à l’État : la malaria aurait été apportée à Rome par les travaux du Tibre. P. Balestra, Sulla infezione di malaria prodotta dai lavori per la sistemazione del Tevere e sui provvedimenti igienici a prevenirla, Rome, 1880. ASC. Biblioteca 13 512 (14).
55 ASC, Ufficio V, Direzione, Titolo XV, Fasc. 48, Relazione 24/04/1884 dell’ingegnere Capo della 2a divisione Idraulica Vescovali all’Ingegnere Direttore dell’Ufficio V A. Viviani.
56 A. Celli, Relazione sulla analisi bacteriologica delle acque del sottosuolo di Roma eseguita per incarico del Municipio, 1886, 27 p. ASC. Biblioteca 11 599 (2).
57 Ce qui rend de la pertinence aux analyses de Snowden, op. cit.
58 V. Cerasoli, Relazione sommaria..., p. 8.
59 Mais les archives n’en gardent pas trace. Peut-être n’est-ce que le projet de dessiner un plan qui a été présenté. Il faut attendre 1888 pour trouver un plan.
60 ASC, Atti Giunta, 18-7-1888.
61 ASC, Ufficio XV, Titolo XV, Fascicolo XV, 1888, 9 Novembre et ASC, Atti, 1888.
62 Lettre du Préfet au Maire de Rome, 3 décembre 1888, n° 47043, ASC, Gabinetto del Sindaco, 1889.
63 V. Cerasoli, Appunti sulle fognature pubbliche e private e sulla sistemazione igienica delle abitazioni della città di Roma, 1889, 15 p. ASC. Biblioteca 26 614 (25).
64 ASC, Atti Consiglio, Février 1887, Nuovo Regolamento Edilizio, Art. 39 et s.
65 V. Cerasoli, loc. cit.
66 V. Cerasoli, Relazione sommaria dell’operato della Commissione pel Risanamento del sottosuolo di Roma, e conclusioni da essa adottate, 1889, 24 p. ASC. Biblioteca 26 614 (26).
67 A. Viviani, Notizie e schiarimenti sulla relazione del signor ingegnere Vescovali per la fognatura della città di Roma, portante la data Ottobre 1884, 01/08/1889, 7 p. ASC. Biblioteca 26 614 (25).
68 ASC, Contratti, Rubrica.
69 ASC, Ufficio V, Direzione, Titolo XV, Fasc. 48, Fogne, Riassunto generale 18/02/1903.
70 ASC, Ufficio Quinto, Direzione, Titolo XV.
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