Chapitre X. Le livre diététique : manuscrits et imprimés
p. 441-524
Texte intégral
1Le travail non exhaustif de recension des manuscrits de diététique auquel je me suis livrée a permis de comptabiliser quatre cent vingt-six manuscrits où figure au moins un texte diététique occidental en latin1, auxquels s’ajoutent quatre-vingt dix témoins d’ouvrages rédigés en italien et en français2. Leur nombre a empêché une consultation complète, ce qui contraint à renoncer à une étude codicologique quantitative, comme la prônent Ezio Ornato et Carla Bozzolo3. Si ce type de méthode autorise une histoire du livre manuscrit4, elle est aussi complémentaire d’une démarche qualitative. Il ne s’agit pas pour autant de prôner une histoire des curiosités, des choses rares et des beaux objets, mais tout simplement une histoire des livres diététiques qui ne sera sans doute pas globale, mais discontinue ; passant de l’examen d’un exemplaire à celui d’un groupe de codices, elle ne sera sans doute qu’une histoire de livres. Seuls ces jeux d’échelles permettront d’éviter les critiques émises à l’égard d’une telle démarche, qui ne permet que de « juxtaposer des observations ponctuelles, sans pouvoir en généraliser la portée ni en faire émerger la logique sous-jacente5 ». L’étude d’une telle masse documentaire, s’appuyant sur l’éventail le plus large possible, permet, non de proposer des chiffres définitifs, mais d’appréhender ce que pourrait être le ou les livres diététiques, entre les xiiie et xve siècles.
2Surtout, il me paraît nécessaire de garder à l’esprit la ou les spécificités des manuscrits scientifiques. Car hors de toute démarche quantitative qui nous renseigne sur le livre et sa production (en termes de lieux de copie, de support, de mise en page ou encore de techniques de scribes), le fait de copier un texte médical (et quelle que soit d’ailleurs sa nature) est également tributaire des façons et des lieux dans lesquels il est transcrit. La plus ou moins grande valeur intellectuelle que lui accordent les lecteurs, le statut social des commanditaires, la langue dans laquelle il est écrit sont, pour l’ouvrage diététique à la fois texte scientifique et traité de vulgarisation, autant de facteurs à prendre en compte, qu’une analyse quantitative n’autorise pas toujours. Ce type d’approche qualitative permet de tenter d’écrire une histoire du livre diététique qui soit aussi une histoire des textes et, plus largement, de la production culturelle.
3Pour définir ce qu’est manuscrit diététique, il est nécessaire de tenir compte de tous les éléments d’information que peut fournir l’examen minutieux des codices, en termes de provenance, de lieux de copies (ateliers, copistes isolés...), ou encore de données matérielles – support, format, illustration et décoration, mise en page, écriture... Mais avant de chercher des noms de copistes, des signes de lectures ou des ex-libris, il faut considérer le codex dans son ensemble, c’est-à-dire lire le régime dans son rapport à l’environnement textuel dans lequel il s’insère.
L’ENVIRONNEMENT TEXTUEL DES MANUSCRITS
4La plupart du temps, un manuscrit regroupe des textes qui ont été reliés ensemble ; l’histoire de leur rencontre est tout aussi signifiante que l’étude conjuguée de l’ensemble des opuscules qui le composent. Certains codices peuvent avoir été constitués au moment de leur copie ou, au contraire, assemblés plus tard, au gré du hasard ou par une volonté délibérée. Parfois aussi le texte diététique forme, à lui seul, le manuscrit.
5La grande majorité des manuscrits qui comportent un traité diététique sont de ceux qu’on pourrait qualifier de composites, où ont été copiés divers types de textes de vocations et de natures diverses6.
6Toutefois sont à distinguer les recueils où des cahiers ont été assemblés à l’époque moderne, voire plus tard, et qui constituent de fait des recueils factices. Parce qu’ils révèleraient des enjeux et des modes de lecture qui n’appartiennent plus à la période considérée, ou parce que tout simplement leur constitution ne s’explique que par les besoins de conservation en bibliothèque, ils ont été écartés de cette étude.
7Dans le rapport qu’entretient le texte diététique avec son environnement, ce qui relève d’un contexte « proche » ou d’un contexte « lointain » n’a pas le même sens. En effet, il n’est pas indifférent que le régime soit copié sur des cahiers où figurent d’autres textes ou qu’il constitue à lui seul une unité codicologique7. Il n’est pas rare que le régime soit entouré d’ouvrages à teneur religieuse, morale, littéraire, voire d’opuscules empruntés aux arts mécaniques, à la magie ou à l’astrologie, mais la « coloration8 » des manuscrits conservés reste dans sa majorité plutôt médicale. Les codices Palatins latins de la Bibliothèque Vaticane en sont un bon exemple, eux qui furent souvent donnés à la bibliothèque universitaire d’Heidelberg par d’anciens étudiants en médecine9. Le versant pratique de l’ars medica domine largement. Peu nombreux, en effet, sont les cas où le texte diététique côtoie des œuvres de l’enseignement universitaire, des ouvrages des autorités, des commentaires ou des gloses, sans doute pour deux raisons principales : outre le caractère a priori didactique, profondément vulgarisateur et faiblement scientifique de la plupart des régimes de santé – à l’exception des traités d’hygiène qui s’adressent à des professionnels10 –, souvent la longueur des ouvrages destinés à l’enseignement médical ne laissait guère de place pour un autre texte dans les copies. Quelques exceptions se dégagent toutefois de ce tableau général, notamment le manuscrit de la Wellcome Library, ms 167 qui associe des ouvrages d’horizons divers, relevant aussi bien des glossaires médicaux que des traités de la pratique (sans oublier un passage du Canon d’Avicenne relatif aux fièvres)11 ; sa composition est la suivante :
ff. 1-99v : Synonyma de Simon de Gênes
ff. 99v-103v : Synonyma de Mésué
ff. 104-163v : Consilia de Baverius de Baveriis
ff. 164-188 : Dietarium d’Étienne Arlandi
ff. 197v-201v : De humido radicali et De conservatione sanitatis d’Arnaud de Villeneuve
ff. 204-248 : Fen sexta quarti libri Canonis d’Avicenne.
8Si les régimes et les consilia permettent d’envisager conservation et thérapie, si les synonyma aident le lecteur à appréhender le vocabulaire médical d’origine arabe, le passage tiré du livre IV du Canon d’Avicenne n’est toutefois pas étonnant dans un contexte de traités pratiques puisqu’il est consacré aux fièvres et à leurs soins. Le codex est d’autant plus intéressant qu’il est l’œuvre d’Hermann Bulach, qui fut magister artium et medicine : la quasi-totalité du manuscrit fut composée vers 1472-1474 à Strasbourg ; seul l’extrait du Canon d’Avicenne date du séjour que ce médecin alsacien effectua à Padoue pour y suivre des cours de médecine en 1464-146712. Sans doute faut-il distinguer ici ce que l’étudiant copia pour l’aider dans son apprentissage de ce qu’il a jugé nécessaire de transcrire pour son usage de praticien. Car si le livre IV du Canon d’Avicenne et les recueils de consilia sont utiles aussi bien à celui qui se forme à l’ars medica qu’au professionnel émérite, le régime d’Arnaud de Villeneuve ou le Dietarium d’Étienne Arlandi, absents des programmes d’enseignement, servaient d’abord à la pratique de la médecine et peut-être moins à l’acquisition d’un savoir.
Les catégories de livres médicaux
9Affirmer que les traités diététiques sont généralement entourés de textes médicaux pratiques demeure une caractéristique trop vague pour être véritablement signifiante au regard de la pluralité des sujets abordés par la littérature médicale médiévale. Proposer par ailleurs un classement par catégories, types ou genres n’est pas sans soulever des questions de méthode et d’organisation. Doit-on retenir, comme l’a proposé R. H. Robbins dans son étude des manuscrits médicaux en moyen anglais13, une distinction des contenus en fonction des finalités recherchées, c’est-à-dire en différenciant les traités relatifs au pronostic, au diagnostic et au traitement, ou choisir de privilégier la spécificité de chaque genre médical ? D’un côté, il y a fort à croire que vont se trouver pêle-mêle des traités d’astrologie médicale, des réceptaires, des listes de plantes, des régimes, des traités de chirurgie ou encore des consilia qui, s’ils relèvent de la thérapie, appartiennent cependant à des branches bien distinctes du savoir médical pratique ; de l’autre, on prend le risque d’un émiettement en genres multiples avec, comme difficulté supplémentaire, l’impossibilité parfois de caractériser un manuscrit de façon univoque.
Diversité médicale
10L’examen attentif de l’ensemble du corpus montre un certain éclectisme de la représentation médicale dans les manuscrits diététiques. Domine souvent l’impression d’une collection de textes qui permet de prendre connaissance de l’ensemble de l’ars medica, ou d’un assemblage des traités d’un même auteur, ce qui n’a d’ailleurs rien de spécifique au domaine diététique. Les œuvres de Bernard de Gordon figurent par exemple très souvent copiées au sein d’un même codex, et lorsque les quatres traités du De conservatione vite humane sont incomplets (à l’image du manuscrit d’Erfurt, Amplon. F 236, où ne figure pas le régime de santé14), il n’est pas rare que la partie diététique soit représentée par un autre ouvrage. Le Canon. misc. 411 de la Bodleian Library d’Oxford offre ainsi un exemple à la fois de cet éclectisme des manuscrits de médecine (lui qui réunit différents aspects de la pratique médicale, du diagnostic à la thérapie, en passant par le régime) et de la compilation de traités d’un même auteur. Il s’agit en l’occurrence des œuvres de Bernard de Gordon qui offrent l’avantage de couvrir presque l’ensemble du champ médical, mais ici n’apparaissent que trois des parties du De conservatione vite humane15. Manquait-il la partie diététique dans le manuscrit de base qui servit à la copie, était-elle corrompue, ou tout simplement a-t-il paru nécessaire au scribe de compléter son entreprise par un texte prophylactique ? Plus exactement ce n’est pas le copiste, mais sans doute le commanditaire qui a pris la décision d’adjoindre à cet ensemble médical le Sermo de conservatione sanitatis de Filippo d’Arezzo (transcrit sur un cahier séparé par une main plus cursive, contemporaine), car le rubricateur est le même pour l’ensemble du codex. Il en est de même dans le manuscrit Digby 197 daté du xiiie siècle, œuvre d’un même copiste, qui a rassemblé les Flores dietarum du pseudo-Jean de Saint-Paul, le Circa instans de Mattheus Platearius, un commentaire à l’Antidotaire de Nicolas de Salerne et deux traités, un De febribus et le Liber anathomia de Constantin l’Africain. Dans ce dernier cas, derrière l’éclectisme du manuscrit se révèle toutefois un dénominateur commun, la production salernitaine16.
11C’est encore l’impression d’éclectisme qui se dégage du Sloane 420 dont le possesseur, Roger Marshall, donne la table des matières ; sont représentés les divers pans de la médecine pratique conservatoire (avec deux régimes) et thérapeutique17. L’absence de texte consacré à la chirurgie18, caractéristique de l’environnement dans lequel s’insère le traité diététique, confirme la séparation assez nette qui s’est opérée dans le cadre de l’enseignement médical médiéval, entre les soins pharmacologiques et les opérations ; malgré les efforts d’un Guillaume de Salicet ou d’un Lanfranc de Milan pour faire de la chirurgie une discipline rationnelle fondée sur la connaissance médicale (et notamment anatomique)19, cette dernière, dans la pratique, a généralement été abandonnée aux barbiers, plus ou moins bien formés. Dans le Sloane 420, la thérapie est représentée, soit sous la forme des moyens à disposition du médecin pour les soins, soit sous celle d’une étude des maladies et de leur cure20. Ce manuscrit, copié par différentes mains, a vraisemblablement été assemblé par celui qui fut professeur à Peterhouse College à Cambridge, avant d’être jeune procureur de l’université en 1442-1443 puis médecin du roi d’Angleterre, Édouard IV en 146821. Roger Marshall possédait une riche bibliothèque qu’il céda au collège de Peterhouse quelques années avant sa mort, survenue en 1477 ; la composition du Sloane 420, comme celle des autres ouvrages de sa bibliothèque, restitue l’image des livres nécessaires au praticien dans l’exercice de son métier.
12On pourrait multiplier les exemples en citant le manuscrit 549 de la Wellcome Library de Londres, dont les deux cent quatre-vingt un feuillets sont dus au travail d’un même scribe. En termes d’occupation d’espace dans le codex, la teneur diététique représente 53 % de l’ensemble22. Si l’on considère la nature des textes, d’autres aspects de la pratique médicale sont aussi nettement représentés, notamment l’uroscopie et, plus largement, ce qui relève de l’établissement du diagnostic et de la technique conservatoire ou thérapeutique de la saignée. Le scribe a en effet jugé bon de transcrire à la suite (ff. 173r-179r) trois textes sur la phlébotomie, tous anonymes, puis en a ajouté un autre plus loin, et il a copié des remarques sur l’urine ainsi que le Compendium urinarum de Gautier Agilon, un médecin du xiiie siècle23. Parmi les textes destinés à la préservation de la santé, le scribe demeuré inconnu de ce manuscrit a transcrit, en 1471, le Regimen hominis de Sigismond Albicus (1347-1427) qui, malgré son titre, n’est pas un véritable regimen sanitatis, mais un ensemble de recettes liées à la préservation24 et un régime intitulé Practica ou De disputatione regendorum sanorum, seul exemplaire conservé de ce texte, à ma connaissance. À bien des égards, ce dernier traité s’apparente aux sommes destinées à véhiculer les grands principes de la science conservatoire, puisqu’il se compose de quelque trente-sept chapitres qui traitent aussi bien des « choses non naturelles » que de l’habitude, des complexions déséquilibrées, du régime selon les âges, de la complexion de certaines parties du corps, voire d’affections ou de caractéristiques physiologiques comme la pierre, les menstrues, sans oublier quelques conseils pour se préserver de la peste.
13S’il fallait dégager des constantes dans les principes d’association des textes diététiques dans les manuscrits, sans doute les réceptaires plus ou moins organisés, les ouvrages de pharmacopée et les antidotaires fourniraient-ils le contexte le plus fréquemment rencontré25, preuve, s’il était besoin, du caractère éminemment pratique du régime, mais aussi d’une étroite complémentarité entre le versant thérapeutique de la médecine et ses aspects préventifs et conservatoires. Plus rares sont en revanche les regroupements de régimes et de consilia car, au xve siècle notamment, ces derniers sont copiés en recueils, souvent organisés par maladies ou par auteur26, et la longueur de ces collections ne permet guère d’y ajouter d’autres éléments27. Quelques exceptions toutefois s’expliquent facilement ; il s’agit en effet dans les deux cas de codices où se trouvent transcrits les traités diététiques de Barnabas Riatinis. L’un de ces manuscrits est conservé à Édimbourg, à la bibliothèque de l’Université sous la cote 175, l’autre à Parme, dans la bibliothèque Palatine (ms 3284). Ce dernier notamment contient le Compendium de naturis et proprietatibus alimentorum et le Libellus de conservanda sanitate, ainsi qu’un Consilium magistri Barnabe ad arenulam, suivi d’un Consilium magistri Thome ad arenulam et d’un dernier conseil d’un certain maître N sur le même sujet. Le codex, œuvre d’un même copiste de la première moitié du xve siècle, a donc rassemblé en un ensemble la presque totalité des ouvrages connus de Barnabas Riatinis – y manque en effet son traité d’ophtalmologie – et l’a enrichi d’une série de conseils sur un même sujet, la maladie de la pierre28. Le manuscrit d’Édimbourg ne rassemble que le Libellus et le Consilium du même praticien de Reggio d’Émilie ; en revanche, la liste des conseils y est plus longue29. Il ne s’agit toutefois pas d’un recueil, mais d’une collection de textes qui traitent d’un même sujet.
14L’environnement astrologique est assez rarement représenté dans les manuscrits de régimes, ce qui corrobore le constat effectué par Danielle Jacquart pour l’ensemble de la production médicale occidentale, à savoir celui d’une place restreinte laissée à l’astrologie dans l’enseignement de la médecine au Moyen Âge et d’une séparation assez nette des deux métiers30. Dans le cadre d’une pensée macrocosmique, on sait pourtant le rôle joué par les astres sur la santé, et certains médecins ont entendu la connaissance astrologique comme partie prenante de la philosophie naturelle, notamment dans le cadre de la réception du nouvel Aristote au xiie siècle31. Le mouvement des planètes le jour de la naissance ou leur association à des parties du corps humain plaident pour une influence de l’astrologie sur la médecine. En outre, l’attribution à chaque planète et à chaque signe du zodiaque de qualités premières permettait d’adapter à l’astrologie la théorie des humeurs et des complexions. Mais on connaît toutefois les réserves émises par Avicenne dans le Canon et dans la Réfutation des astrologues32, où il considérait que la connaissance du monde céleste échappait à l’entendement humain33, des critiques qui pesèrent lourd dans la pensée médicale occidentale, même si certains médecins – et Pietro d’Abano est sans doute un cas limite – n’en tinrent aucunement compte34.
15Pourtant, il est une astrologie à caractère pratique qui eut une influence certaine sur la pratique médicale médiévale, et dont les principes reposent largement sur l’Astronomia Ypocratis35, un traité d’astrologie médicale où sont étudiées les positions de la lune dans les cas de maladie, et sur le De diebus criticis de Galien36. Dans ce traité, le médecin de Pergame préconise l’observation des mouvements du soleil pour l’étude des affections chroniques et de la lune pour les aiguës, ainsi que l’établissement d’un « mois médical » qui, grâce à des calculs astronomiques, permettrait de proposer un calendrier des jours critiques. L’astrologie pouvait donc servir au médecin lors de l’établissement de pronostics, mais aussi pour définir l’heure de la saignée d’élection ; elle a également été utilisée pour la détermination des causes de la peste à partir de l’épidémie de 134837, quoiqu’à cette occasion, de violentes controverses aient vu le jour au sujet de l’importance à lui accorder38.
16De fait, lorsqu’un texte diététique côtoie un traité astrologique, ce dernier relève généralement de ce qu’on pourrait qualifier d’astrologie pratique, de faible niveau scientifique, composée essentiellement de calendriers lunaires, de computs, ou encore de tables des planètes qui pouvaient servir au médecin dans l’exercice de son métier, en lui permettant notamment d’établir des pronostics39, ou au barbier pour choisir le moment de la saignée. Ainsi dans le manuscrit lat. 11229 de la B.n.F., à très forte coloration pratique, ont été copiés par les soins d’un même scribe, un régime en français, un traité sur la couleur des urines, des recettes médicales, un calendrier des maladies, mais aussi un traité d’astrologie médicale et une table des signes pour déterminer la saignée d’élection, sans oublier un traité de numérologie40. Ces outils astrologiques, toutefois, pouvaient se révéler insuffisants et nécessiter l’emploi d’autres instruments, comme l’astrolabe, pour calculer la position des astres à un moment donné. Dans deux manuscrits de la Bibliothèque nationale de France (lat. 7198 et lat. 7416)41, figurent par exemple des traités sur l’astrolabe en regard d’un texte diététique. Il s’agit dans les deux cas du début d’un même ouvrage de Māshā’allāh (le Messahala latin42) traduit par Jean de Séville, le scribe, dans les deux cas, n’ayant pris la peine de copier que la nomenclature des parties qui forment l’instrument. Ces témoins ont une très forte coloration astrologique, puisqu’on y trouve aussi bien le Centiloquium du pseudo-Ptolémée43, le Liber introductorius d’Alchabitius (actif vers 950)44 ou les Flores de iudiciis astrorum d’Abū Ma῾shar (787-886)45, pour ce qui concerne les sources arabes, que l’Astrologie d’Arnoul de La Palu46, qui associe étroitement astrologie et médecine : les première et deuxième parties du livre traitent respectivement de la nature des planètes et des pronostics relatifs aux éléments macrocosmiques, tandis que la troisième se consacre à l’art divinatoire qui concerne l’homme, sa santé, son comportement et son avenir47. Ces traités astrologiques contiennent aussi, notamment dans le Liber introductorius, des horoscopes, véritable mise en application des principes astrologiques48.
17Tous les types d’associations entre astrologie et diététique sont possibles, certaines à vocation manifestement pratiques et médicales, d’autres peut-être moins. Ainsi le Reg. lat. 1334 de la Bibliothèque Vaticane, où le Livre de Physique d’Aldebrandin de Sienne est suivi des tables du mouvement de la lune, d’un calendrier astrologique mais aussi d’une sorte de traité d’astrologie « quotidienne », destiné à enseigner ce qu’il faut faire chaque jour, sans oublier de secrets49 et de recettes magiques, porte sans doute plus la marque de l’amateur éclairé que celle du professionnel de la santé ; magie, chiromancie, ésotérisme, astrologie et régime semblent ici associés pour le plaisir d’un esprit curieux, désireux de pénétrer les secrets occultes des cieux et ceux de la nature50. Une telle diversité n’est pas sans rappeler – à quelques réserves près – l’un des ouvrages les plus célèbres de la littérature des secrets (dont il reste plus de trois cent cinquante manuscrits dans sa version longue), le Secret des secrets, qui, dans ses dimensions encyclopédiques, assemblait des considérations aussi bien politiques et morales que médicales, astrologiques, alchimiques et magiques sous la forme d’un « miroir des Princes »51. En revanche, l’ensemble qui clôt le Pal. lat 1321 s’inscrit manifestement dans un projet d’utilisation de l’astrologie médicale à des fins thérapeutiques ou conservatoires. Cette unité codicologique de dix-sept éléments, copiée en Allemagne au xive siècle par deux scribes52, est formée de neuf textes ayant trait à l’astrologie pratique – tables des éclipses, Songe de Daniel53, tables des mouvements des planètes, le reste étant illustré par des ouvrages médicaux, parmi lesquels le régime de santé de Jean de Tolède, le Thesaurus Pauperum de Petrus Hispanus, le régime de temps de peste de la faculté de Paris, des recettes, un calendrier diététique par mois, un antidotaire et un De complexionibus54. L’ouvrage de Daniel de Morley est avant tout un traité d’astrologie qui souligne la primauté de cette science sur toutes les autres, y compris sur la philosophie naturelle et sur la médecine ; en subordonnant le monde sublunaire au monde supérieur, et en établissant des correspondances entre les éléments et des caractéristiques physiques et psychiques, il favorise la dépendance de l’ars medica à l’égard de l’astrologie. Les liens entre ces deux disciplines dans ce manuscrit palatin sont également bien illustrés par le Compendium des maîtres parisiens qui, dans leur présentation des causes de l’épidémie de 1348, ont largement mis l’accent sur la conjonction de trois planètes importantes, Saturne, Mars et Jupiter dans le Verseau le 20 mars 134555. C’est d’ailleurs à l’occasion de la peste et de ses récurrences successives que les influences des astres sur les corps sublunaires furent soulignées par nombre de médecins (qui y ont sans doute vu un moyen d’enrayer le fléau), à telle enseigne qu’on a pu parler de « mode astrologique56 ». Maino de Maineri, auteur d’une Theorica corporum celestium composée en 1358 fut ainsi l’un des premiers à rédiger un régime pour se prémunir de la peste qui faisait la part belle à l’astrologie57. Le Pal. lat. 1174, s’il ne peut être qualifié de codex astrologique, puisqu’un seul élément (des pronostics établis à partir de données astrologiques) l’est véritablement, est cependant révélateur des intentions d’utilisation et de lecture d’un manuscrit médical, ici tourné vers l’établissement des pronostics et diagnostics : outre le De prognosticis de Bernard de Gordon, le scribe a également copié le De urinis et le De phlebotomia du même auteur, et les Signa leprosorum de Jourdain de Turre ; l’élément diététique, en l’occurrence le régime de Bernard de Gordon, n’y est peut-être associé que parce qu’il faisait partie du De conservatione vite humane du Montpelliérain, dont deux ensembles figuraient déjà dans le codex58.
18L’astrologie médicale voire les experimenta et les secreta coexistent donc avec des textes diététiques, plus particulièrement dans des manuscrits des xive et xve siècles. Ce type d’association caractérise des codices de médecine pratique, où la connaissance de la nature et des corps célestes, maîtrisée grâce à d’autres disciplines plus ou moins intégrées au cursus universitaire59, est perçue comme utile voire nécessaire à la via experimentalis de l’ars medica. C’est donc du côté d’une scientia experimentalis, telle que la prônait déjà au xiiie siècle Roger Bacon, ouverte sur l’expérience, la connaissance des effets des corps célestes sur les corps terrestres et sur l’utilisation des secrets de la nature, que prend place le texte diététique. Il apparaît comme le prolongement pratique de cette maîtrise de la nature, l’appréhension des secreta et plus encore la perception de l’influence des astres rendant possible une pensée et surtout une action préventive, telle que l’incarne la diaeta des régimes de santé de la fin du Moyen Âge.
19L’étude de l’environnement du texte diététique montre également que, pour certains médecins, le choix des traités périphériques est dicté par le désir de rassembler toute la production d’un même auteur ; bien évidemment, il ne peut s’agir alors que de praticiens de grande renommée, et ayant beaucoup écrit. Dans ce domaine se distinguent les deux grandes figures de la médecine montpelliéraine de la fin du xiiie siècle60, Bernard de Gordon, dont on a déjà évoqué une collection d’œuvres presque complète, et Arnaud de Villeneuve. À un degré moindre, Barnabas Riatinis dont les ouvrages sont fréquemment associés dans un même codex, qu’il s’agisse de ses traités diététiques ou de son livre d’ophtalmologie, qui suit le Libellus de conservanda sanitate dans le manuscrit lat. 1430 de la Bibliothèque nationale de France61, par exemple, ou encore Filippo d’Arezzo. Ce genre de collection de textes rapproche le manuscrit de la notion beaucoup plus actuelle de livre, le nom de l’auteur assurant l’unité du codex.
20Si, dans les chapitres précédents, les opuscules didactiques au langage simple ont été distingués des traités de plus grande ampleur, destinés à prolonger l’enseignement médical, il est clair que la majeure partie de la littérature vouée à l’hygiène conservatoire appartient à la première classe de textes. Or, rassembler dans un même codex des régimes prophylactiques, des prescriptions médicales, des livres de simples, ou encore des traités qui permettent d’établir le diagnostic, c’est inscrire le regimen sanitatis dans un projet de pratique médicale ; c’est le désigner comme un instrument, donc à l’usage du praticien dans son travail quotidien. Est-ce lui ôter de son caractère didactique et volontiers vulgarisateur ? Les distinctions qu’il convient d’opérer entre les différents régimes demeurent pertinentes et tous les ouvrages diététiques ne se coulent pas, nous l’avons vu, dans un moule unique. Connaître l’utilisation que des professionnels de la santé peuvent faire de ces traités ne doit pas non plus oblitérer les multiples différences qui distinguent le simple étudiant du magister medicine, en passant par les charlatans, ceux qui se contentèrent de peu d’années sur les bancs des universités, ou ceux encore qui n’exercèrent jamais. Seule une étude des destinataires et possesseurs de textes diététiques pourra permettre d’affiner cette vision bien schématique.
Un environnement moral, religieux ou littéraire
21Dans le corpus étudié, plus rares sont les collections qui proposent, dans des codices de nature religieuse ou littéraire, un texte à vocation diététique. Certaines de ces exceptions s’expliquent aisément, notamment lorsque le texte diététique apparaît en fin de volume ou de cahier, l’un des possesseurs du manuscrit ayant jugé utile de griffonner quelques conseils ou notes sur l’hygiène à suivre. C’est le cas dans deux manuscrits conservés à la Bodleian Library : Add. C. 93 et Bodl. 624. Si le premier, constitué de six feuillets seulement formant un unique cahier (qui devait à l’origine faire partie d’un volume plus important62), rassemble textes scientifiques et religieux63, le second est formé de deux « miroirs des princes » copiés dans le dernier quart du xive siècle, l’un intitulé Speculum, adressé au roi d’Angleterre Édouard III par Simon Yslip, archevêque de Cantorbéry64, l’autre constitué par les vingt-quatre conseils que Saint Louis proposa à son fils. Dans le manuscrit Add. C. 93, une main du xve siècle (proche de celle qui a écrit les poèmes religieux) a copié quelques réflexions diététiques au folio 6r65. Dans le codex Bodl. 624, prenant la suite sur le même cahier des conseils de Saint Louis, un scribe du xve siècle a transcrit un régime ad personam qui fut à l’origine adressé à un vir optimus anonyme66. D’autres manuscrits offrent des cas très particuliers, comme Reg. lat. 1451 de la Bibliothèque Vaticane où le texte d’Aldebrandin, très fragmentaire, n’est en fait qu’un ajout : il figure en effet copié, au xive siècle, dans les marges inférieures d’un ouvrage juridique, le Conseil à un ami de Pierre de Fontaines, bailli de Vermandois67, unique texte de ce manuscrit du xiiie siècle. Dans ce codex enluminé de belle facture, le scribe principal a pris soin de laisser de grandes marges qui ont permis, peut-être à un possesseur du livre, d’ajouter dans le bas des folios 2v et 3r le début du Livre de Physique, dans sa version A, avec l’adresse à la reine Blanche68. Il précise que les Conseils et le traité qu’il va transcrire sont deux textes de nature différente69. Cette association assez surprenante d’un texte de droit et d’un traité diététique peut-elle s’expliquer par le fait qu’Aldebrandin de Sienne fréquentait aussi, comme on le pensait alors, la cour de Saint Louis ? C’est du moins ce que suggère un possesseur plus tardif de ce manuscrit (xve siècle) qui rédige au feuillet iv une notice biographique du juriste70 et y ajoute la présentation du « livre de la reine Blanche du nom de la mere dudit Saint Lois qui eut peut estre ce livre en tres grande recommandation ».
22À l’exception de ces cas particuliers où les remarques diététiques ne sont qu’un ajout postérieur, d’autres exemples montrent que le traité sur l’hygiène peut fort bien s’accommoder d’un environnement textuel qui lui est totalement étranger. Ainsi, dans le Vat. lat. 3842, le régime qu’Antonio Benivieni adressa à Laurent de Médicis côtoie un calendrier des fêtes romaines antiques, un florilège de lettres de Symmaque et le De legatione Germanica d’Agostino Patrizi adressé à Francesco Tedeschini Piccolomini71. L’ensemble forme un codex parfaitement homogène, copié par une même main, celle d’Agostino Patrizi72, ancien familier du pape Pie II passé au service du cardinal Francesco Tedeschini, neveu du défunt souverain pontife. Cet amateur d’épigraphie et d’histoire antique est l’auteur de la chronique rapportant le voyage d’une délégation pontificale conduite par le cardinal Tedeschini auprès de l’empereur (afin de décider de la politique à mener contre l’envahisseur turc) ; il copia ce manuscrit peu de temps après le retour de la délégation à laquelle il avait pris part en 147173. Le texte du Vat. lat. 3842 est une version corrigée du De legatione Germanica initial. Il est suivi par le régime d’Antonio Benivieni, copié en fin de codex sur des cahiers séparés mais qui sont de même provenance que les précédents ; l’identification du filigrane, un huchet, avec le modèle proposé par Briquet en usage à Rome en 147074, et le foliotage continu du manuscrit le confirment. Est-ce la réputation du destinataire du traité diététique ou celle de son auteur (qu’Agostino Patrizi, maître de cérémonie à la cour pontificale, aurait pu rencontrer) qui l’a incité à copier ce texte, dont il faut rappeler ici que l’organisation, axée sur les âges de la vie, le rendait accessible à tout homme quelle que soit sa complexion et son état de santé ? Il est possible qu’Agostino Patrizi ait fait usage de ce manuel diététique ; au folio 98r, où Antonio Benivieni énumère de façon désordonnée les vertus de certaines nourritures, le copiste a pensé utile d’inscrire en marge les noms et types d’aliments qui étaient cités.
23Quelques manuscrits actuellement conservés à la Biblioteca Ambrosiana de Milan offrent aussi cette particularité de mêler un régime à des textes historiques ou religieux. Le ms S 67 SUP. rassemble ainsi deux narrations historiques : l’une copiée à Rome en 1461, a trait à la geste des empereurs romains (ff. 1ra-175va), l’autre, transcrite en 1411, à la guerre de Troie. Ce dernier ensemble fut manifestement adressé à un officier des « bollettes » de Milan75, ce qui expliquerait aussi (si, du moins, il avait accès aux archives de la chancellerie ducale) l’insertion d’une lettre adressée par les Prieurs de Florence le 2 mai 1390 à Giovanni Galeazzo Visconti. Cette missive, qui vient interrompre le texte consacré à la guerre de Troie (et dont le copiste ignore d’ailleurs s’il est complet76), est précédée par l’Epistola sanitatis conservande de Taddeo Alderotti pour Corso Donati, ici sans mention de titre ni d’auteur77. Chargés, en temps de peste notamment, de surveiller les entrées dans la ville et de délivrer des autorisations de circulation à tous ceux qui n’étaient pas suspects d’être contaminés par l’épidémie, ces officiers étaient certes sensibilisés par leurs fonctions mêmes aux questions de santé publique et individuelle78. Mais cette fonction ne saurait expliquer à elle seule la transcription, au sein d’un ensemble essentiellement historique à coloration humaniste, d’un régime de santé, qui, en outre, ne proposait aucun remède contre la peste. Le ms N 95 SUP. offre, quant à lui, un exemple plus intéressant : les textes à vocation médicale et plus strictement diététique y sont nombreux – qui prennent la forme de recettes en latin et en italien, de prières destinées par l’invocation de saints à conserver la santé, d’un calendrier ou encore de la lettre de Taddeo Alderotti –, mais ils apparaissent associés à d’autres registres, qui mêlent récits, prières, poèmes, romans en prose et en vers, sans oublier les dates du calendrier chrétien. Le tout est l’œuvre d’un Milanais, Johannes de Cigniardis, qui a prit soin de faire figurer au début du codex une table des matières foliotée de l’ensemble des textes qu’il avait transcrit : « Questa sie la rubrica de le infrascripte legende, eximpli (sic), proverbii, etiam de medixina. Et molte cosse como se contene qui de soto79 ». Le volume est parcouru d’ex-libris et de dates qui permettent de suivre la progression de la confection du volume, dont les différents morceaux furent copiés entre 1429 et 143580. Ce manuscrit représente un parfait exemple de livre de maison, servant aussi bien à la dévotion privée, à l’édification morale, au divertissement qu’aux soins du corps.
24Plus que d’autres, trois textes diététiques ont été transcrits dans des codices non médicaux : le Livre de Physique d’Aldebrandin de Sienne, le Libellus de conservatione sanitatis de Jean de Tolède (deux traités du milieu du xiiie siècle qui bénéficièrent d’un succès non démenti jusqu’à la fin du Moyen Âge), et le Libellus de conservatione sanitatis de Benedetto Reguardati, rédigé dans la première moitié du xve siècle.
25Sur les soixante et onze manuscrits répertoriés par Françoise Féry-Hue dans ses études de la tradition manuscrite du Livre de Physique d’Aldebrandin de Sienne, plus du tiers a été copié dans des codices qui ne sont pas de nature médicale ; il peut s’agir de recueils à tonalité religieuse ou morale81, d’ouvrages littéraires, de chroniques et poèmes82, voire de traités encyclopédiques comme le Bestiaire d’amour de Richard de Fournival ou le Livre dou Tresor de Brunetto Latini83. Dans ces contextes plutôt éloignés de la vocation médicale du texte d’Aldebrandin et qui s’expliquent par sa rédaction en vernaculaire, le Livre de Physique fait alors figure de vade mecum à usage personnel, destiné à guider le lecteur dans le maintien quotidien de sa santé, comme les traités à vocation morale ou religieuse peuvent l’aider à diriger sa vie intérieure. De tels recueils, pour l’essentiel composés d’ouvrages en langue vulgaire, ressemblent à des encyclopédies domestiques à usages multiples, destinées à un public qui, bien que lettré sans doute, ne maîtrise aucune des disciplines que le volume rassemble84. Le rapprochement qui s’est opéré dans un grand nombre de copies entre le Livre de Physique et des textes par nature très éloignés du champ médical a sans doute facilité des interprétations nouvelles de son contenu, que soulignent certains remaniements de la fin du Moyen Âge. Ainsi, dans un groupe de trois manuscrits individualisés par Françoise Féry-Hue85, l’ouvrage d’Aldebrandin a perdu son nom ; il y apparaît sous un nouveau titre, Lyen du corps a l’ame et de l’ame au corps, où s’exprime l’intérêt que porte le responsable du remaniement à la partie physiognomique du traité. L’auteur est devenu « chevalier et champion du Saint Sepulcre de Jherusalem ». Le texte débute par un prologue où les intentions morales et édifiantes de l’ouvrage sont annoncées :
Cy commence ce present livre intitulé et appellé lien du corps a l’ame et de l’ame au corps. Et premierement se commenche la (sic) prologue de l’acteur (sic) : en contendant pour plus parfettement employer mon temps et apliquier au biens parfaits tant comme pour la sancté du corps et de l’ame, sy ne fut commandé par la tres noble et excellence dame et contesse de Prouvence et d’Angleterre, dont moy, maistre Albrandi (sic) de Syenne, chevalier et champion du Saint Sepulcre de Jherusalem...86.
26La dédicace à la reine Blanche ajoutée très tôt après sa rédaction, et son caractère encyclopédique expliquent sans doute ce genre de remaniements, dont le Livre de Physique fit fréquemment les frais.
27La présence du Libellus de conservatione sanitatis de Jean de Tolède dans un environnement non-médical est plus rare, mais assez significative. Ainsi, dans deux manuscrits parisiens notamment, l’ouvrage du cardinal de Porto est entouré de traités religieux, de livres de droit ou encore de grammaire. Le n.a.lat. 543 est certes composé de cahiers copiés par diverses mains, où figurent les méditations de Saint Bernard ou des règles de droit canon, sans oublier un traité de diction, mais le foliotage ancien et une table des matières du xive siècle indiquent une collection médiévale de ces divers textes87. Quant au n.a.lat. 3144, un manuscrit composite, il rassemble des ouvrages d’horizons divers, dont certains renvoient indubitablement au milieu pontifical, notamment le Viridarium consolationis de Jacques de Bénévent88 et la chronique de Martin de Troppau89. En revanche, dans le manuscrit Vat. lat. 939, le régime de Jean de Tolède, anonyme et abrégé, est entouré de textes religieux (pseudo Augustin et pseudo Saint Bernard), de chroniques et d’extraits d’encyclopédies. Si les unités codicologiques qui composent le codex sont d’origines diverses90, elles datent presque toutes du xve siècle91. Le traité diététique est copié sur un cahier distinct (auquel manque une page) ; il est suivi de préceptes médicaux dus au même scribe. Malgré son caractère hétéroclite, la constitution du recueil est l’œuvre d’un même entrepreneur dont la main (fin xve siècle, à l’encre marron) apparaît au terme de tous les traités pour annoncer l’ouvrage suivant. Un tel assemblage à la fois édifiant et ludique, où le Libellus de conservatione sanitatis est l’unique texte médical, servait sans doute de manuel à usage personnel.
28Peut-être faut-il imaginer un usage similaire du manuscrit de la Wellcome Library, ms 504, où sont rassemblés traités théologiques, sermons, vies de saints, exempla, documents ecclésiastiques datés des années 1354 à 1363, pour certains en allemand, ainsi que des traités astrologiques (almanach, signes du zodiaque...) et trois ouvrages diététiques : le Libellus de conservatione sanitatis de Jean de Tolède, le Secret des secrets et un calendrier diététique. Si plusieurs scribes (pour l’essentiel de la fin du xive siècle) ont collaboré à la confection du codex, c’est toutefois la même main qui a copié le traité du cardinal de Porto, une série de sermons et un De absolutione dans trois cahiers successifs. Une grande partie du manuscrit a même été rassemblée assez tôt, si l’on en juge par deux ex-libris au nom de Johannes Gera, dont l’un daté de 143592, et une table des matières pratiquement complète qui clôt le manuscrit. Dans ces deux cas, s’il est probable que le texte diététique servait de manuel de conservation de la santé à l’usage d’un néophyte en la matière, le choix s’est peut-être porté de préférence sur l’œuvre de Jean de Tolède en raison de son accessibilité, de sa faible technicité – du moins pour les parties proprement diététiques –, mais peut-être aussi, dans un environnement textuel religieux, en raison de la carrière ecclésiastique du cardinal de Porto.
29Le Libellus de conservatione sanitatis de Benedetto Reguardati fut, lui aussi, plus facilement que d’autres régimes, copié dans des codices aux colorations littéraires ou religieuses. Deux manuscrits de la B.A.V. se distinguent ainsi par un environnement tout à fait étranger à la teneur de l’ouvrage rédigé par le praticien de Norcia : le Reg. lat. 602 et le Chigi lat. E. IV. 129. Dans ce dernier, une même main à l’écriture humanistique a transcrit à la suite du texte diététique (ff. 1r-41v)93, trois lettres pseudo-patristiques, l’une de Saint Eusèbe, la deuxième de Saint Augustin (ff. 70r-76r) et la troisième de Saint Cyrille (ff. 76r-95r), traitant toutes des miracles de Saint Jérôme94. Sur deux pages sans doute restées blanches du dernier cahier, un autre copiste, toujours au xve siècle, a ajouté une physiognomonie (ff. 95r-96v). Quant au Reg. lat. 602, il offre un écrin plutôt littéraire au texte de Benedetto Reguardati qui s’y trouve notamment entouré des Catilinaires de Salluste, transcrites par un même scribe. Ce dernier a apposé, à la fin du texte de Salluste, un colophon, qui permet de dater la copie de 145395. L’identification du filigrane représentant des ciseaux de tondeurs (qui figure sur tous les cahiers) autorise à proposer une provenance italienne96.
30Dans ces exemples, le régime représente toujours l’unique œuvre médicale du manuscrit, preuve sans doute que le commanditaire ou le premier possesseur du codex ne manifestait pas d’intérêt spécifique pour la médecine, mais plutôt une curiosité liée au désir de se maintenir dans un état qui ne nécessitât pas de recourir à un médecin. Au sein d’œuvres morales ou religieuses, de chroniques ou d’autres lectures édifiantes ou ludiques, le texte diététique assure le versant médical d’une sorte d’encyclopédie domestique. Au-delà des cas particuliers qui viennent d’être examinés et en dépit de leur moindre fréquence, il apparaît que l’ouvrage d’hygiène peut s’accommoder d’un environnement qui lui est a priori étranger. Or, deux des trois textes étudiés, le Livre de Physique d’Aldebrandin de Sienne et le Libellus de conservatione sanitatis de Benedetto Reguardati ont par certains côtés l’apparence d’encyclopédies ou de dictionnaires et un contenu d’ample vulgarisation. Ces partis pris de composition les rendaient-ils plus aptes que d’autres à figurer dans des codices non-médicaux, au titre de manuel de santé à usage individuel ou familial ? Est-ce la renommée de leurs auteurs qui favorisa une telle postérité ou celle de leurs lecteurs ? Les prologues postiches adressant le Livre de Physique à Béatrice de Savoie ou à Frédéric II ou la dédicace du Libellus de conservatione sanitatis à l’évêque d’Ancône et de Numana, Astorgius Agnese, sans oublier les fonctions de Benedetto au service du duc de Milan, furent certainement des facteurs favorables à une diffusion plus grande de ces ouvrages97. De fait, ces deux traités furent fréquemment choisis pour illustrer le versant domestique de la santé, celui qui permettait une sorte d’autorégulation par un régime approprié que toute personne pouvait se prescrire. L’environnement religieux, moral ou littéraire qui entoure le texte diététique donne l’image d’un livre de maison, capable d’enseigner à son lecteur le plaisir de la lecture, l’édification morale et les règles d’une bonne hygiène de vie, tant pour le corps que pour l’âme. Les deux médecines, celle que recommande le prêtre et celle du praticien, s’y trouvent ainsi rassemblées.
De véritables manuscrits diététiques
31Aux côtés de ces ensembles plus ou moins disparates, un certain nombre de manuscrits propose un assemblage de traités diététiques, voire se limite à n’en présenter qu’un seul, se rapprochant ainsi de la notion moderne de livre.
Plusieurs traités diététiques dans un même manuscrit
32Quelques manuscrits offrent la particularité de regrouper plusieurs ouvrages sur l’hygiène, transcrits à la suite, ou rassemblés après coup sous forme de collections diététiques. Ces regroupements témoignent d’intentions de lecture et d’usages, mais seul un examen plus précis des modalités qui ont prévalu à l’assemblage de ces textes permet de les interpréter. Trois exemples particulièrement significatifs seront successivement étudiés. Ils révèlent, soit une volonté originale de regrouper des traités sur ce même sujet, préalable à la copie du manuscrit, soit un rassemblement ultérieur.
33Le codex de la Bibliothèque Vaticane Vat. lat. 6266 propose plusieurs textes dont la teneur est essentiellement médicale et astrologique (mais il s’agit plutôt ici d’astrologie médicale). Ces traités se répartissent en deux ensembles, copiés par deux mains contemporaines. La première, une humanistique italienne, est responsable des folios 1 à 128r98. Y sont réunis le Libellus de conservatione sanitatis de Benedetto Reguardati (ff. 1r-75r), un ouvrage diététique anonyme99 (ff. 75r-95r) – il s’agit en fait du Libellus de conservatione sanitatis de Barnabas Riatinis –, le De vinis d’Arnaud de Villeneuve (ff. 95v-107v), des compositions médicales (ff. 108r-109r), un De qualitate signorum (ff. 109v-110v) ainsi qu’une brève version anonyme du Tacuinum d’Ibn Buṭlān. À la fin du dernier cahier, les feuillets 128v-130v n’ont pas été remplis par le copiste. Le second groupe de textes associe une table des signes du zodiaque (f. 131r), une définition du catarrhe (f. 132r), une table des jours de Pâques de 1484 à 1530 (f. 132v) et un Oratio contra pestem (f. 133r). L’unité du premier ensemble est renforcée par l’ornementation de la première lettre (dorée sur fond alterné rouge, vert et bleu) des deux ouvrages diététiques et du De vinis et par des réclames à la fin de chaque cahier. Ce codex qui, pour sa première partie du moins, témoigne du travail particulièrement soigné d’un professionnel, rassemble donc trois traités à vocation diététique et préventive. Les deux ouvrages d’hygiène sont plus complémentaires que rivaux, dans la mesure où si celui de Barnabas Riatinis fait figure de régime classique, le Libellus de conservatione sanitatis de Benedetto Reguardati appartient plutôt à la catégorie des dictionnaires alimentaires, vantant ou critiquant les vertus et nocivités de toutes les composantes de la table médiévale.
34Cet accent mis sur la conservation de la santé n’est pas innocent et pose la question de l’utilité d’une telle accumulation de textes ayant une même finalité. L’ouvrage, commandé par un certain Antonio Montagna, fut adressé par ce dernier au pape Nicolas V (1447-1455), d’après les informations fournies par une feuille collée sur le contre-plat intérieur de la couverture. L’inscription, qui explicite la dédicace, est surmontée d’un blason orné d’une mitre épiscopale représentant un aigle et trois coquilles100. Dans le texte de Benedetto Reguardati, la traditionnelle dédicace à Astorgius Agnese, évêque d’Ancône et de Numana (qui fut le vrai destinataire du régime) a fait place à une mention de Nicolas V : Ad S[ummum] in Christo patrem et d[ominum] n[ostrum] d[ominum] divina providentia S[ummum] Pon[tificem]101.
35Le Pal. lat. 1251 de la B.A.V. est un long manuscrit de trois cent soixante-quatre folios, tout entier voué à la médecine et plus encore à la pratique, qui rassemble trente et un traités différents. C’est dans le premier groupe de textes qui s’étend des folios 1 à 328 que figurent plusieurs textes diététiques : le Sermo de conservatione sanitatis de Filippo d’Arezzo (ff. 34r-65v), le Liber de conservatione iuventutis attribué à Roger Bacon (ff. 66r-68v), le Liber conservationis sanitatis senis de Guy de Vigevano (ff. 72r-84v), un Regimen sanitatis qui débute par Ut testatur philosophus... (ff. 88r-91v), l’Epistola de Petrus Hispanus (ff. 92r-98r), ici sous la paternité de Bartolomeo da Varignana, et un Regimen pro corpore subtili et debili, qui s’apparente à une sorte de consilium préventif (f. 100r). Pratiquement, un cinquième du codex est donc consacré à la conservation102. Mais c’est surtout dans l’économie d’ensemble de cette première partie que le rapport est signifiant car le copiste a regroupé, dans les trois cent vingt-huit premiers feuillets, tous les aspects de la médecine pratique : réceptaire organisé comme une practica, consilia, médecines simples et composées, éléments d’anatomie, de chirurgie, de gynécologie, traités consacrés aux urines, aux fièvres, tout ce qui constitue la practica medica est représenté, de la prévention à la thérapie103. Un tel assemblage ne s’explique que si le traité s’adresse à un professionnel de la santé. Ce premier ensemble du codex a été copié à Padoue dans les années 1463-1464 ; une mention de date 1463 die maii XV, en en-tête d’un Consilium m[agistri] Mathei Veronensi phisici Padue ordinatum excellentissimi pro quodam epilentico l’atteste. Si l’auteur de la copie demeure inconnu (quoiqu’il soit aussi responsable du Pal. lat. 1295104, un autre manuscrit médical), sans doute devait-il être rattaché au studium padouan. La piètre qualité de la copie, l’importance accordée aux praticiens de la ville (Mattheus de Vérone105, Antonio Cermisone, Bartolomeo Montagnana) pourrait suggérer le travail d’un étudiant local ; les quelques questions d’ordre diététique106 qui figurent aux folios 90-91 seraient peut-être un écho de l’enseignement médical dans la cité. L’ouvrage ne pouvait intéresser en tous cas qu’un étudiant ou un professionnel. Le manuscrit fut d’ailleurs la propriété de Conrad Schelling, vice-recteur de la faculté des arts de Padoue, avant d’y étudier la médecine107. L’inscription des textes diététiques dans un codex médical à vocation pratique, leur voisinage avec des ouvrages clairement destinés à la thérapie, le fait que ce manuscrit a appartenu à un médecin transforment l’image d’un régime qui ne serait à l’origine qu’un outil de vulgarisation destiné à un public de non-spécialistes. Certes, ce n’est pas sur un seul exemple qu’une telle inflexion peut être prouvée, d’autant que le recueil qui nous retient ici présente des traités particuliers : deux ouvrages destinés aux vieillards, un texte d’hygiène plus proche de l’enseignement que de la pratique, des questions scolastiques et un conseil préventif ne sont pas totalement représentatifs de l’ensemble de la production diététique occidentale, mais font montre d’une certaine complémentarité dans la finalité recherchée. Au-delà de la spécificité de ces textes, il semble certain que l’ars diaetae s’inscrivait aussi en bonne part dans la pratique des médecins de la fin du Moyen Âge.
36À la différence des deux témoins précédents, le n.a.fr. 6935 de la B.n.F., originaire du centre de la France (selon Paul Meyer qui en publia des extraits108), présente un assemblage de deux textes diététiques, postérieur à leur copie, ce que souligne une volonté tardive de réunir dans un même codex des ouvrages d’origines diverses tirés d’autres manuscrits. Composite, le n.a.fr. 6935 est constitué de trois ensembles distincts : aux folios 1 à 89 a été copié le Livre de Physique d’Aldebrandin de Sienne, sans doute dans la première moitié du xive siècle. Suit (ff. 90-98) un recueil de recettes, transcrit par une main contemporaine de la précédente mais plus fine ; diverses pièces de la première moitié du xive siècle également, parmi lesquelles un poème en vers, forment la troisième partie du manuscrit. Ce poème, à ma connaissance transmis par cet unique témoin, est un remaniement du Secret des secrets109. En plus de huit cents vers, Thomas le Bourguignon, originaire de Thonon110, réunit sous une forme plaisante et aisément mémorisable quelques conseils de prévention où sont citées de nombreuses autorités classiques parmi lesquelles Avicenne, Isaac Israëli, Galien ou encore Rhazès et Hippocrate. D’après le prologue où l’auteur déclare avoir entrepris ce travail en l’honneur et pour l’usage des clercs et des frères lais de Pontoise où il a été accueilli (il précise plus loin le nom de l’abbaye, Saint-Martin de Maubuisson111), le traité daterait de 1286. Malgré les mentions de possesseurs, pour certaines antérieures au milieu du xive siècle, il n’est pas possible d’établir de façon certaine le moment où ces trois ensembles disparates ont été assemblés. L’ex-libris de « Pierre de Tongres, bourgeois de Paris » n’apparaît qu’au folio 89 qui clôt le texte d’Aldebrandin ; il est suivi par celui de « Phelippot de Tongres, bourgeois de Paris », sans doute son fils ou un membre de sa famille (l’écriture paraît plus récente) et enfin par la signature d’un dénommé « Martin ». À l’époque où il appartint à la famille Minutoli Tegrimi, le manuscrit avait déjà ses trois parties, les ex-libris au nom de la Casa Minutoli Tegrimi apparaissant dans tout le volume. Ce témoin forme une sorte de compilation médicale facile à comprendre pour un non-spécialiste.
37Les ouvrages issus de ces regroupements thématiques112 sont de véritables livres dans l’une de ses acceptions, où ce n’est plus la « fonction-auteur » qui est le principe d’unification de l’écriture mais le thème choisi comme fil directeur. Au-delà de l’utilité réelle de ce genre de collections, qui peuvent parfois paraître redondantes aux yeux d’un lecteur contemporain, et des tendances cumulatives qu’elles manifestent, le regroupement par thèmes inscrit fortement la diététique au sein de l’ensemble de la littérature médicale médiévale et son fonctionnement comme genre reconnu. Mieux, il autorise une reconnaissance de l’ars diaetae comme discipline de l’ars medica. Enfin la présence environnante d’autres traités de la pratique les rend proches des sortes de miscellanea medica, recueils plus ou moins hétérogènes qui avaient pour but d’assembler les actes de la pratique.
Un seul texte diététique
38Les codices composés d’un seul texte, qui plus est diététique, forment un groupe particulier ; le traité y est restitué dans son originalité première, le sens n’est construit qu’à partir de lui-même et non dans un rapport de proximité avec d’autres textes au sein d’un même ensemble. Si ce type n’est pas majoritaire au regard des témoins recensés, il n’en est pas moins représentatif d’un courant qui identifie le livre manuscrit à un texte unique selon les approches modernes : un auteur, une œuvre. Mais les ouvrages qui ont fait l’objet de ces copies sont rares : parmi eux le Livre de Physique d’Aldebrandin de Sienne, le Libellus de conservatione sanitatis de Benedetto Reguardati, le Libreto de tutte le cosse che se magnano de Michel Savonarole et les deux traités diététiques de Bernardo Torni. Et encore, dans ce dernier cas, l’unique transcription conservée incite-t-elle à la prudence, en l’absence d’autre élément de comparaison113.
39Si neuf des soixante-huit manuscrits conservés du Livre de Physique transmettent le texte isolément (dans des versions complètes, abrégées ou remaniées114), soit 13 % du total, cinq des sept témoins du Libreto de tutte le cosse che se magnano ne comportent que le texte de Michel Savonarole. Dans ces deux cas, ainsi que pour les codices du Libellus de conservatione sanitatis de Benedetto Reguardati, il s’agit de manuscrits de belle facture, copies d’atelier, rubriquées voire enluminées par des professionnels de la miniature. Ainsi le manuscrit londonien Add. 8863 provient d’un atelier flamand qui a produit six autres exemplaires du Livre de Physique, tous actuellement conservés en Angleterre ; le motif sur le filigrane représente un blason surmonté d’une croix, très répandu en Flandres, Brabant et Artois entre 1479 et 1493115. De même, le manuscrit MA. 420 de la Biblioteca Civica Angelo Mai de Bergame appartient à cette catégorie des codices de luxe ; la copie du Libellus de conservatione sanitatis qu’il transmet est représentative de la décoration humaniste en vogue dans les ateliers italiens du milieu du xve siècle : au f. 3r, la page est décorée d’un frontispice encadré de trois bandes latérales, ornées de filigranes blancs en entrelacs116. Quant aux manuscrits du Libreto de tutte le cosse che se magnano, ils sont tous caractéristiques de ces copies d’ateliers, faites sur commande.
40Le statut du texte ou l’autorité de son auteur, la personnalité du destinataire peuvent-elles rendre compte de la promotion du traité diététique au statut de livre à part entière ? La réponse n’est sans doute pas unique. Le premier critère retenu, celui du statut textuel comme principe d’autonomisation du livre, ne semble guère opératoire. Si le Livre de Physique offre une certaine ampleur qui peut justifier de constituer à lui seul un codex, ni le Libellus de conservatione sanitatis ni le Libreto de tutte le cosse che se magnano ne présentent de tels atouts. En revanche, l’usage du vernaculaire dans deux de ces trois œuvres n’est pas à négliger car les logiques de la transmission des traités en langue vulgaire répondent à des critères différents des ouvrages latins. Quant au renom de l’auteur, il est à peu près nul pour Aldebrandin de Sienne – inconnu de ses contemporains malgré les allégations nombreuses des copistes –, mais considérable pour Michel Savonarole ou Benedetto Reguardati, grandes figures de la médecine de la fin du Moyen Âge. Plus encore, par leurs nombreuses activités, professorales et politiques, ils furent connus au-delà du cercle des initiés de l’ars medica, le premier comme courtisan de la cour ferraraise, le second comme ambassadeur et homme politique de la principauté milanaise117. En outre, la transmission de leur œuvre fut presque immédiate, le succès auprès du public étant attesté par le nombre de copies faites de leur vivant, ou peu de temps après leur mort. Leur souvenir est sans doute resté très présent et dans leur cas, il est probable que la « fonction-auteur » comme critère de classification et d’authentification d’un texte a joué un rôle important. L’identification de l’auteur et de l’œuvre était du reste d’autant plus aisée dans le cas de Michel Savonarole qu’il fut un auteur prolifique, non seulement dans le domaine médical mais également moral, littéraire et religieux, ce qui faisait de lui un écrivain prolifique118.
41La qualité des destinataires revendiqués de l’œuvre n’est pas à négliger. Rappelons cependant que le Livre de Physique offre des arguments contradictoires, puisque les versions accompagnées du prologue postiche – que le texte y soit adressé à la reine Blanche ou à l’empereur « Feldris » (Frédéric II) – sont moins courantes que celles qui débutent in medias res. Quant à la fonction de recommandation de la dédicace, on voit bien avec le Libellus de conservatione sanitatis de Benedetto Reguardati qu’elle est considérée par les copistes comme interchangeable, puisque dans certains témoins le nom de l’évêque d’Ancône et de Numana disparaît au profit d’autres destinataires. Elle est en revanche parfaitement respectée dans les manuscrits du Libreto de tutte le cosse che se magnano, peut-être parce que certaines de ces copies furent effectuées du vivant de Borso d’Este.
42L’environnement textuel dans lequel se trouve généralement copié le régime montre que scribes et lecteurs le perçoivent comme un genre de la littérature médicale pratique ; il s’accommode fort bien d’un écrin plus hétérogène de traités, dans lequel il apparaît comme l’unique texte médical et forme alors, avec l’ensemble des œuvres qui l’entourent, une sorte de livre de maison ou d’encyclopédie domestique, à l’usage d’une hygiène familiale.
MISE EN PAGE, MISE EN LIVRE
43Pour tenter de cerner au plus près le livre diététique, il est nécessaire de dépasser l’approche proprement textuelle et contextuelle pour aborder plus précisément les aspects matériels, c’est-à-dire la configuration même du livre, dans deux de ses caractéristiques principales : ce qui relève de la mise en page du traité, les écritures utilisées, la disposition du texte sur la page, les signes de repérage qui facilitent la lecture, la présence ou non d’illustrations (miniatures, lettres ornées...), mais aussi ce qui dépend de ce qu’on pourrait qualifier de « mise en livre » de l’œuvre (format, support, nombre de cahiers, de feuillets, index ou tables des matières pour l’ensemble du codex), autant d’éléments qui déterminent les pratiques socioculturelles de la lecture.
44L’étude menée dans les pages suivantes ne comportera pas d’analyse globale du fonds diététique recensé, car le corpus constitué ne fournit pas les mêmes informations et toute démarche de type quantitatif en serait faussée dès le départ. Je me contenterai donc d’une approche moins générale et plus analytique, repérant des formes de continuité mais aussi, lorsqu’elles ont concerné le manuscrit médical, les innovations que l’histoire du livre a connues au moment de l’expansion rapide du marché, au xve siècle.
Support, dimensions et écritures
45Le livre médical, qui représente l’environnement textuel majoritaire de l’ouvrage diététique, n’est pas resté étranger aux grandes modifications qui ont affecté la production manuscrite médiévale : apparition du papier et utilisation grandissante de ce support de préférence au parchemin plus coûteux, diminution progressive des formats, évolution des écritures vers des formes plus abrégées, cursives, aux modules plus petits qui rendent la page plus dense et nécessitent l’ajout d’aides à la lecture que sont les pieds-de-mouche, les titres, les capitales ou encore les lettrines, ces derniers éléments concernant surtout le livre universitaire.
46Du point de vue des supports et des formats, une grande hétérogénéité règne dans le livre diététique119. Parchemin et papier coexistent très tardivement, puisqu’à la fin du xve siècle, on copie encore certains exemplaires sur de belles peaux claires dont il est bien difficile de distinguer le côté chair du côté poil. Bien sûr, il s’agit de manuscrits soignés, de grand format, qui proviennent d’ateliers professionnels, où la qualité de l’écriture rivalise avec la richesse des décorations120. Ces codices de luxe ne représentent qu’une faible part de la production médiévale du livre diététique, marginale au regard de l’ensemble, celle pour laquelle le plaisir des yeux est aussi important que l’intérêt du texte. Pourtant, l’utilisation du parchemin en plein xve siècle ne se cantonne pas aux seuls manuscrits de prix, mais se retrouve aussi dans des codices sans décoration ni réglure, parcourus d’une écriture bâtarde qui signale des livres copiés pour un usage personnel par le possesseur du livre. L’utilisation tardive de la peau affecte essentiellement la production anglaise où le recours au papier s’est répandu plus lentement que sur le continent121. Ailleurs, et parfois depuis le xive siècle, le papier commence à régner presque sans partage, notamment dans les productions allemandes ou italiennes de moindre prix.
47Les formats (définis par la somme de la largeur et de la hauteur du manuscrit) sont eux aussi hétéroclites puisqu’on peut tout autant trouver de grands in-folio que de petits ouvrages, les premiers nécessitant pour la consultation qu’on les pose sur des pupitres – une utilisation qu’on trouve représentée notamment dans certaines enluminures du Livre de Physique d’Aldebrandin de Sienne122 –, les seconds permettant au contraire des lectures de voyage grâce à un format portatif. Ces modèles réduits sont cependant moins fréquents que les livres moyens ou grands. Certains, tel le Sloane 3566 de la British Library, pouvaient sans doute être utilisés par le praticien dans ses tournées ; le codex de cent quarante-trois folios, composé de sénions et d’octavos, est consacré à la pratique de l’ars medica et renferme également quelques traités d’astrologie médicale123. Le plus petit manuscrit répertorié est le Douce 2 de la Bodleian Library, un manuscrit français du xive siècle sur parchemin, qui mesure 7,4 cm de hauteur sur 5,2 cm de largeur mais contient tout de même deux cent soixante-sept folios ; y figure entre autres le régime d’Arnaud de Villeneuve124.
48Le choix du format peut être conditionné par la nature du texte, un texte long nécessitant le recours à des in-folio, notamment lorsqu’il s’agit d’un support parchemin, si on ne veut pas multiplier les cahiers dans un manuscrit. De tous les manuscrits répertoriés, le lat. 6982 de la B.n.F. représente le codex diététique dont la hauteur, quarante centimètres, est la plus grande. Avec un format de soixante-huit centimètres, il appartient véritablement à la catégorie des grands manuscrits. Sa taille fut sans doute dictée par les textes qui le composent, parmi lesquels l’un des livres des Sermones de conservatione sanitatis de Niccolò Falcucci125. Dans ces grands formats, figurent de belles copies de luxe sur parchemin des xiiie ou xive siècles, œuvres d’ateliers qui présentent généralement des décorations, comme le Vat. lat. 4462 qui contient le Sermo de conservatione sanitatis de Filippo d’Arezzo ; ce manuscrit fut fabriqué dans un atelier bolonais à la demande de Taddeo Pepoli vers le milieu du xive siècle126.
49Les écritures répertoriées dans l’ensemble des manuscrits consultés témoignent, quant à elles, d’une grande diversité, les belles écritures bolonaises, rondes et régulières, côtoyant les gothiques libraria, des bâtardes et des cursives très fréquentes, notamment dans les manuscrits allemands du xve siècle, mais également, à cette époque, les humanistiques rondes ou cursives, au tracé bien lisible. Cette hétérogénéité, jointe à la mise en page du texte, à la plus ou moins grande fréquence des abréviations, à la largeur des marges, témoigne de la diversité du livre diététique et de son adaptation aux conditions du marché ; il prend en compte tous les publics, du lettré qui passera commande du texte dans un atelier, au possesseur ou au copiste qui ne se soucie pas de faire beau, mais économise son papier en rognant sur les marges et en multipliant les abréviations, en réduisant les frais grâce à des matériaux peu coûteux, en limitant les artifices de la décoration et en accélérant par une écriture cursive et peu soignée la vitesse de transcription127.
Pour une meilleure lisibilité
50L’évolution de la mise en page influence les conditions même de lisibilité des textes qui sont proposés aux lecteurs128. L’écriture humanistique dont l’invention repose sur un certain respect du texte et sur la volonté de le rendre plus accessible129, est utilisée dans les manuscrits diététiques pour ces mêmes raisons. Ainsi les manuscrits italiens du xve siècle qui suivent ces modèles d’écriture se distinguent généralement par leur clarté, non seulement dans le cadre de l’écriture, généralement peu abrégée et régulière, mais aussi dans la mise en page qui comporte rubriques et capitulations, initiales de paragraphe souvent d’un module plus gros qui les distingue aisément du reste du texte. En revanche, les copies en provenance d’Allemagne ou produites en Italie par des étudiants germaniques installés le plus souvent à Padoue, offrent une moindre lisibilité. Elles se caractérisent par leur manque de soin, résultat d’une écriture le plus souvent bâtarde, ou encore par la rareté voire l’absence de signes facilitant la lecture ; on n’y trouve pas de rubriques, peu de titres courants, soulignés parfois en rouge, le plus souvent de la même encre que le texte, des longues lignes qui laissent peu de marges et une absence de pieds de mouche130.
51Pourtant, depuis le xive siècle, certaines aides à la lecture, expérimentées dans d’autres champs du savoir, sont utilisées dans la mise en page ou dans la mise en livre du texte diététique, comme la table des matières ou les index131. Deux catégories sont ici à distinguer : les tables propres à une œuvre et celles qui assemblent tout un manuscrit. Les premières peuvent avoir été constituées par l’auteur132 qui, par souci d’organisation de son œuvre, a prévu au moment de la rédaction l’énumération des chapitres de son ouvrage. Ainsi le Livre de Physique d’Aldebrandin de Sienne intègre à la fin de l’introduction une table des matières ; c’est par une seconde table que s’ouvre le troisième livre de traité, consacré aux aliments. Est-ce l’énumération de plus en plus fournie des données alimentaires, parfois organisée sous forme de dictionnaire, ou le fait que certains manuscrits des Diètes d’Isaac Israëli en comportent133, qui ont rendu nécessaire l’introduction d’index ou de liste des notices ? Pour chaque nouvelle lettre du Compendium de naturis et proprietatibus alimentorum de Barnabas Riatinis134 et dans presque tous les manuscrits du Libellus de conservatione sanitatis de Benedetto Reguardati135, figure un index des diverses entrées alimentaires citées dans le texte. De même, à la fin du prologue de son Dietarium, Gilbert Kymer, médecin du duc de Gloucester, prend la peine d’énumérer les rubriques de son traité diététique, composé de vingt-six chapitres136. Ces partis pris de présentation sont plutôt le fait d’œuvres longues. Souvent cependant, la présence ou l’absence d’index pour un même texte ne suit aucune règle précise137. Les index sans foliotage ne sont pas de véritables aides à la lecture, puisque le lecteur ne fait qu’y apprendre le contenu de l’ouvrage sans toujours avoir les moyens de s’y repérer.
52La table des matières (ou plutôt la table des livres) qui énumère le contenu de tout un codex se généralise entre le xiiie et le xve siècle, même si tous les manuscrits n’en ont pas. Quarante-huit des codices recensés en comportent, chiffre qui ne doit pas être rapporté au total, puisque dans un certain nombre de cas, je n’ai pas bénéficié de description précise du volume. Située le plus souvent sur des pages liminaires dont le système de foliotage est indépendant et ajoutées au codex, ou inscrite au dos de la couverture, la table des ouvrages est l’œuvre de l’un des possesseurs138 ; Roger Marshall avait ainsi l’habitude de faire figurer au début de ses manuscrits une liste des textes qui les constituaient : aussi les manuscrits Sloane 420 de la British Library ou ms 178 de Gonville and Caius College de Cambridge, qui lui ont appartenu, sont-ils reconnaissables par une table signée de son nom139. Ces tables sont plus ou moins longues et détaillées ; elles comportent parfois, outre le titre et le nom de l’auteur, la numérotation du folio incipitaire, voire les premiers mots du texte140. Ses fonctions vont du simple mémento qui ne sert qu’à énumérer les ouvrages du codex, à l’instrument qui permet une véritable lecture sélective. De même les ajouts d’intertitres, de titres de chapitres, voire de « titres-résumés » dans le cadre d’œuvres d’une certaine ampleur, peuvent-ils constituer non seulement des aides à la lecture, mais aussi signaler, comme l’a montré Françoise Féry-Hue à propos d’un manuscrit du Livre de physique d’Aldebrandin de Sienne, la tentative d’un copiste pour redonner à un traité manifestement lacunaire une cohérence d’ensemble141. Enfin, certaines tables qui sont livrées au sein même du texte peuvent être actualisées par un lecteur / possesseur comme dans le cas du B.n.F., lat. 16190, où l’énumération des chapitres du De conservatione sanitatis de Bernard de Gordon a été enrichie dans les marges par l’indication de leur foliotation dans le manuscrit142.
53D’autres éléments peuvent également fournir des aides à la lecture ou plus largement faciliter l’utilisation du manuscrit. C’est le cas des illustrations. Cependant, la décoration du livre diététique, quand elle existe, se limite le plus souvent à des lettres filigranées, voire rubriquées, qui scandent les différents passages d’un texte. L’ornementation plus élaborée (lettre historiée, colonne illustrée le long d’un texte, frontispice ou décoration de pleine page) est plus rare143. Outre ses vertus plaisantes, la simple lettre ornée sert également la mise en page, car elle signale immédiatement au lecteur l’un des éléments capitaux du texte : début d’un chapitre ou plus souvent d’un livre. Elle est alors suivie par toute une hiérarchie de signes, lettres filigranées ou d’un module supérieur au reste du texte, qui rendent compte des subdivisions internes d’un livre. La lettre historiée peut aussi parfois servir d’illustration du texte, comme dans le cas de l’un des manuscrits du Livre de Physique, le Sloane 2435, copié entre la fin du xiiie et le début du xive siècle, dans lequel chaque chapitre débute par une initiale décorée dont l’image évoque le texte qui suit. Outre sa fonction ornementale, la décoration peut également servir de memento.
L’ornementation
54Le manuscrit richement orné est donc chose rare parmi les codices qui comportent des traités diététiques. Certains toutefois, œuvres d’ateliers, se distinguent par la richesse et la qualité de leur décoration qui en font des œuvres d’art. Le contenu du traité en est même parfois réduit à n’être qu’un prétexte. L’emplacement de l’enluminure sur la page ou l’espace qu’elle occupe indique son importance et sa fonction. Elle peut en effet se situer dans les marges, le long d’une colonne du texte, ou au contraire se glisser entre divers paragraphes, faisant le lien entre différents passages144, comme dans un manuscrit tardif du régime de Salerne. Ce codex sur parchemin de la seconde moitié du xvie siècle propose au lecteur une version en langue napolitaine illustrée, mêlée à du latin et à du toscan, du célèbre poème diététique en vers léonins qu’auraient composé des médecins salernitains145. La copie de deux sizains est généralement séparée par des dessins à la plume en rapport avec le texte. Ainsi, pour commenter la préparation culinaire de la grue à base de vin et d’épices, le dessinateur a figuré trois séquences sous le texte ; la première montre l’oiseau mort, la deuxième le présente dans un pot où il cuit, la dernière sur un tranchoir, prêt à être découpé et arrosé de vin par le cuisinier. Ce type d’illustration n’est sans doute pas ultérieur à la réalisation de la copie ; la séquence des vers en sizains a peut-être été décidée par le copiste afin d’y insérer facilement les dessins. Quoiqu’il en soit, cette décoration intégrée aux colonnes du traité présente l’avantage d’une juxtaposition immédiate du texte et de l’image, facilitant lecture et compréhension.
55L’illustration peut aussi servir de frontispice, comme dans la série de manuscrits du Livre de Physique d’Aldebrandin de Sienne, originaires de Flandre, qui représentent un médecin entouré de ses patients et occupé à lire un ouvrage ; elle est la métaphore du traité qui va suivre, dont elle figure l’utilité. Dans l’économie de la page manuscrite, la décoration peut également occuper une place équivalente, voire plus importante que le texte lui-même. Le Tacuinum sanitatis146, traduction latine147 d’un ouvrage composé en arabe par le médecin chrétien originaire de Bagdad, Ibn Buṭlān († 1068), a fourni plus que tout autre texte diététique des motifs d’illustrations. Tacuinum est une transcription littérale de l’arabe « taqwīm » qui signifie table, disposition, organisation. Le traité diététique se présente en effet comme une série de tables synoptiques des « choses non naturelles »148 ; de rapides colonnes évoquent le nom de l’aliment, ses qualités premières et les degrés, la meilleure variété qu’il convient de choisir, ses vertus et aspects nocifs, les amendements possibles, les humeurs qu’il engendre, ceux à qui il faut le destiner (complexion, âge), le moment de l’année favorable à sa consommation et les régions où on le trouve. En complément de ces tables, Ibn Buṭlān fournit pour chaque produit un commentaire.
56Parmi les très nombreux manuscrits du Tacuinum sanitatis, il existe deux familles de codices très richement enluminés, où la présentation sous forme de table est supprimée. Au nombre de cinq149, ceux de la première famille sont originaires de Lombardie150.
57Chaque rubrique y est illustrée par une miniature qui représente divers moments de la vie quotidienne ou, plus exactement, chaque enluminure est illustrée par un texte, tant la place occupée par l’ornementation fait penser à un livre d’images. D’ailleurs, l’intention de faire du texte un prétexte à illustration est très clairement annonçée au début du manuscrit de la Casanatense ; le copiste a en effet avoué avoir abrégé le texte original qui théoriquement comportait deux cent quatre-vingt paragraphes afin d’en faciliter la compréhension151.
58Dans la seconde moitié du xve siècle a circulé une seconde famille de manuscrits du Tacuinum illustré, dérivés de la première, mais qui en diffère par la mise en page et par le contenu. La page, divisée en quatre sections équivalentes (deux pour le texte, deux pour l’image), permet en effet, à l’exception des parties consacrées aux arbres fruitiers, d’y faire figurer deux illustrations accompagnées de quelques lignes du texte d’Ibn Buṭlān. Grâce à cette mise en page, le nombre d’enluminures est pratiquement doublé par rapport à la famille de manuscrits lombards. Quant au texte, écrit en italien, il est en réalité remanié par l’ajout de passages provenant d’un herbier ; l’initiative en revient sans doute à Giovanni Cademosto da Lodi152. Ce groupe de codices, dont le plus ancien, antérieur à 1471, fut commandé par Borso d’Este153, compte actuellement six témoins154, tous originaires d’Italie septentrionale (et plus particulièrement des régions subalpines).
59Il est cependant difficile de trouver une autre fonction que celle d’ornementation à ces enluminures. Le texte diététique ne se prête guère à l’utilisation didactique de l’image. À la différence peut-être des herbiers, des livres de chirurgie ou d’anatomie155, où le dessin peut faciliter la compréhension du texte ou permettre la visualisation de certaines opérations, au contraire des mathématiques ou de l’astronomie, où l’illustration est même indispensable156, il n’a pas besoin d’elle pour être compris. Dans les Tacuini, l’image sert essentiellement au plaisir des yeux et valorise les aspects esthétiques de la copie. Les motifs sont empruntés à la vie quotidienne des cités et campagnes médiévales dont ils fournissent des croquis pris sur le vif.
LA PRODUCTION DES LIVRES
60À partir du milieu du xve siècle se côtoient pour un temps deux modes de fabrication du livre : le premier, ancestral, est celui de la copie individuelle, issue de l’atelier157 ou du travail de l’amateur ; le second est nouveau et permet une production plus importante puisque mécanique. L’invention de l’imprimerie a progressivement favorisé l’essor de la culture écrite et sa diffusion dans des milieux jusqu’alors encore peu touchés par le livre manuscrit. Le lectorat se limitait pour l’essentiel au milieu universitaire et aux « lisants-écrivants » fortunés de la société médiévale. Mais ce nouveau mode d’expression de la culture écrite a également transformé les conditions de sa fabrication. En nombre d’abord, puisque l’invention typographique a permis la reproduction rapide et nombreuse des textes, créant une situation nouvelle dans le commerce de la culture : d’une pénurie de livres, on est passé dans la seconde moitié du xve siècle à une situation d’abondance. À la relation personnelle et individuelle entre le commanditaire et l’artisan d’un ouvrage unique, a succédé une relation anonyme, où la production ne dépend plus seulement du choix d’un seul lecteur. La publication d’un livre naît de la sélection et de la responsabilité d’un entrepreneur-bailleur de fonds, propriétaire lui-même d’une presse ou travaillant avec des typographes. Le lecteur n’intervient plus qu’indirectement, à la faveur de l’évaluation du marché que fait le libraire, préalablement à toute édition. À une fabrication ponctuelle de livres, s’est donc substituée une véritable entreprise ; mais la progressive spécialisation du copiste, que l’on perçoit dans la seconde moitié du xve siècle, est en quelque sorte prolongée au-delà de la production manuscrite par la spécialisation accrue des officines typographiques, notamment à partir de la fin du xve et surtout du xvie siècle.
Géographie et chronologie de la production manuscrite du livre diététique
61L’inventaire des manuscrits diététiques livré en annexe ne prétend à aucune exhaustivité : fruit d’une lecture des catalogues imprimés et parfois manuscrits existants auxquels j’ai eu accès, il propose un premier état de la recherche qui devra être enrichi. Le nombre des manuscrits répertoriés qui conservent au moins un texte diététique occidental en latin s’élève à quatre cent vingt-six, un chiffre auquel doivent s’ajouter des codices perdus, quoiqu’il soit pour le moins difficile d’évaluer le taux de disparition de ces ouvrages ; le plus souvent conservés, on l’a vu, dans des ensembles médicaux, ils n’ont certainement pas subi les pertes qu’ont connues les traités culinaires, généralement transmis dans des manuscrits très composites, disparitions que Bruno Laurioux évalue à un minimum de 50 %158. Ce total exclut les compositions en français et en italien (qui représentent quatre-vingt manuscrits), les traductions latines d’originaux arabes (comme les quatre-vingt-deux manuscrits des Diètes universelles et particulières et de leurs commentaires...)159, voire celles en vernaculaire de traités originellement rédigés en latin.
62En raison du caractère parfois approximatif des descriptions des catalogues ou des renseignements fournis par les manuscrits eux-mêmes, les datations ne sont précises que pour une minorité de codices ; ainsi pour les xiiie et xive siècles, la chronologie est établie le plus souvent à l’échelle du siècle, alors que pour le xve siècle, l’étude des filigranes ou des écritures a permis des datations plus serrées, au demi voire au quart de siècle près. Les manuscrits répertoriés entre deux siècles ont été systématiquement regroupés sous la date la plus ancienne. L’origine du livre et sa datation sont également malaisées à déterminer en l’absence d’indice sûr. Bien souvent, les manuscrits de diététique n’indiquent ni le nom de scribe, ni le lieu ou la date de copie. Il faut alors s’en remettre aux informations parfois sommaires ou erronées des catalogues et, dans le meilleur des cas, à l’examen du codex lui-même qui, par ses indices paléographiques, décoratifs (lorsqu’ils existent), par les fourchettes que permettent l’identification des filigranes, rend possible une éventuelle localisation. En l’absence de renseignements homogènes pour l’ensemble du corpus, l’étude quantitative à laquelle je me livre doit être essentiellement entendue comme le résultat d’un moment de la recherche, plus propre à fournir des éléments de réflexion, qu’à proposer des résultats définitifs.
Une augmentation globale
63En retirant des quatre cent-vingt six documents répertoriés les dix manuscrits non datés, les quatre cent dix-huit restant suggèrent une augmentation globale de la production diététique entre le xiie et le xve siècle (graphique 6). Conservé seulement en trois exemplaires au début de la période, le régime connaît un léger accroissement de sa diffusion au xiiie siècle, passant à vingt-trois unités : si neuf d’entre elles ne fournissent aucun élément permettant de les dater plus précisément, dix furent copiées vers la fin du siècle et trois dans la seconde moitié. Cette répartition révèle la lente émergence de la littérature diététique originellement composée en Occident. Mais c’est essentiellement au xive et plus encore au xve siècle que l’augmentation de la production manuscrite se fait la plus forte, avec respectivement cent trente et deux cent quarante-huit articles répertoriés, un moment qui coïncide bien sûr avec l’essor véritable d’une littérature occidentale sur le sujet. En effet, au xiiie siècle surtout, l’absence ou la rareté d’une véritable production latine originale sont compensées par des traités traduits de l’arabe. Les Diètes universelles et particulières d’Isaac Israëli notamment, parce qu’elles furent aussi très tôt incorporées au cursus de l’enseignement médical médiéval, eurent un succès important dont témoignent aussi bien les exemplaires conservés que les commentaires de ce texte et la forme abrégée des Diètes que constituent les Flores dietarum du pseudo-Jean de Saint-Paul.
64Toutefois le déclin inexorable des Diètes est très nettement perceptible sur la période, avec une diminution de presque la moitié des exemplaires conservés pour le xive par rapport à l’acmée que représente le xiiie siècle (trente-huit codices), et un effondrement au xve avec seulement douze manuscrits. Ce déclin s’explique par la place désormais occupée dans l’enseignement universitaire par le Canon d’Avicenne qui supplante bon nombre d’autorités qui firent les beaux jours des écoles et des premières facultés de médecine160. Mais il est loin de refléter un désintérêt pour l’ars diæta comme en témoigne le nombre croissant de nouveaux textes et de manuscrits conservés pour les xive et xve siècles. On peut même parler d’explosion du nombre de copies pour cette période.
65Il existe donc bien, dès le xiiie siècle, un « public » pour le texte diététique. Mais, pour l’essentiel, il est constitué d’étudiants en médecine. D’ailleurs, nombre de copies des Diètes furent diffusées dans des codices regroupant l’Articella, traités fondamentaux de l’apprentissage médical, notamment dans les premiers temps de l’université161. Les manuscrits de la Bibliothèque nationale de France, lat. 14390 et lat. 6868 illustrent d’ailleurs l’utilisation toute universitaire qui a pu être faite de ces ouvrages : le premier, copié en Italie du Nord-Est, fut conservé à la bibliothèque de Saint-Victor, qui autorisait le prêt de livres et disposait de quelques titres de médecine, comme le montre le catalogue établi au xvie siècle par Claude de Grandrue ; le second fut la propriété de Jean Cailleau, médecin de Charles d’Orléans, du temps où il était étudiant à Paris, avant de passer dans les mains du prince162.
66Malgré l’impossibilité d’une recension complète des manuscrits d’ouvrages diététiques d’origine arabe ou grecque qui furent traduits en Occident au Moyen Âge, il ne faudrait pourtant pas négliger d’autres traités partiellement consacrés à l’hygiène et qui, eux aussi, vinrent aux xiie et xiiie siècles pallier la pauvreté de textes occidentaux dans le domaine : le Pantegni d’Haly Abbas, traduit par Constantin l’Africain dès le xie siècle, des passages du Liber ad Almansorem de Rhazès, certains traités du corpus hippocratique, le Tegni et le De sanitate tuenda de Galien, mais aussi la fen III du premier livre du Canon d’Avicenne à partir du xiiie siècle, furent des textes obligés pour qui s’intéressait à l’ars diaetae. En revanche, les traductions ultérieures, plus ponctuelles, n’eurent pas un tel retentissement sur le domaine diététique, à l’exception bien sûr des versions du Secret des secrets, du Tacuinum d’Ibn Buṭlān, et à un moindre degré du Colliget d’Averroès dont une partie est consacrée à l’hygiène. Le régime de Maïmonide163 ou le De facultatibus alimentorum de Galien, par deux fois traduit dans le milieu pontifical, ne vinrent guère contrecarrer l’essor des copies de textes occidentaux.
67À l’échelle du demi-siècle, ou du quart de siècle, les chiffres soulignent encore plus nettement la progression de la production diététique occidentale, en dépit de la relative minceur de l’échantillon (soixante-dix manuscrits de texte latins et vingt-quatre italiens et français datés au demi ou au quart de siècle pour le xive et respectivement cent quarante-et-un et quarante-six pour le xve). Malgré ses limites, cet ensemble montre une augmentation du nombre de copies d’ouvrages d’hygiène entre le xive et le xve siècle, accentuée à partir du xve siècle (graphique 7).
68Le diagramme des résultats par quart de siècle permet de préciser la courbe : il souligne une baisse notable du nombre de manuscrits copiés entre le deuxième et le troisième tiers du xive siècle (un effondrement qui s’explique principalement par la peste et par ses conséquences), avant l’amorce d’une reprise à la fin du siècle, confirmée dans les décennies suivantes. Les régimes conservatoires sont alors remplacés par une littérature de traités contre l’épidémie164. Le léger recul du dernier quart du xve siècle est peut-être à mettre sur le compte de la production imprimée qui commence, à partir des années 1480, à s’intéresser aux livres de médecine. À un degré moindre, la littérature en vernaculaire connaît un phénomène semblable, quelque peu décalé dans le temps, puisque le véritable essor des manuscrits date plutôt de la seconde moitié du xve siècle. Toutefois, le caractère très réduit des exemples, empruntés aux seules langues italienne et française, ne confère aux résultats qu’une valeur indicative qu’on ne saurait généraliser à l’ensemble des écritures diététiques en vulgaire.
69L’essor des copies est donc quasiment contemporain de l’apparition des premiers ouvrages diététiques occidentaux. Toutefois, le « décollage » constaté au xve siècle n’est manifestement pas spécifique au texte d’hygiène et profite d’un contexte favorable au livre en général quel que soit son contenu, mais plus encore au livre pratique, figure emblématique d’une laïcisation progressive de la culture propre à la fin du Moyen Âge. Il s’inscrit aussi dans le cadre d’un marché du livre médical non saturé puisque la littérature diététique est encore jeune. L’apparition de nouveaux textes ne concurrence pas les traités plus anciens qui continuent à être copiés, parfois en grand nombre lorsqu’il s’agit d’ouvrages vernaculaires dont le succès est quasi assuré. Le Livre de Physique d’Aldebrandin de Sienne est l’un des titres les mieux diffusés et ce jusqu’à la fin du Moyen Âge, bénéficiant d’une situation privilégiée sur le marché français, du fait de l’absence d’autre titre majeur dans cette langue. Le traité contemporain de Jean de Tolède, à un degré moindre celui de Petrus Hispanus, sans oublier les Flores dietarum du pseudo-Jean de Saint-Paul, sont toujours des valeurs sûres de la littérature diététique, titres auxquels s’ajoutent des ouvrages aux ambitions plus vastes comme la Summa conservationis et curationis de Guillaume de Salicet (graphique 8) et, pour les xive-xve siècles, le De conservatione vite humane de Bernard de Gordon ou encore la Practica de Niccolò Bertruccio. Du côté des régimes au sens strict, ceux d’Arnaud de Villeneuve et de Konrad de Eichstätt pour l’Allemagne, connaissent un très grand succès.
Géographie diététique
70La géographie des copies suggère une ample diffusion du discours consacré à l’hygiène, aussi bien les régions occidentales (à l’exception de l’Espagne, qui resta peu touchée), que l’Europe centrale, mais à des moments différents. Si, dès le xiiie siècle, la France, l’Italie et, à un degré moindre, l’Angleterre sont déjà des centres importants, ce n’est qu’au xive siècle que l’Allemagne, et très timidement la Hongrie et la Pologne produisent des ouvrages consacrés à l’hygiène165. À cette époque la France conserve son avance, tandis que l’Italie et l’Angleterre connaissent aussi une forte progression dans ce domaine. Au siècle suivant, c’est la péninsule italienne qui occupe la première place devant l’Allemagne, alors que la France, sans doute à cause des vicissitudes de la guerre de Cent Ans, connaît un important recul, tandis que les îles britanniques se maintiennent à un niveau moyen. Quant aux nouvelles régions touchées par le savoir diététique, elles ne se contentent plus à la fin du Moyen Âge de copier des traités plus anciens d’origine allogène (comme les Diètes d’Isaac Israëli qui eurent très tôt un grand succès en Angleterre puis en Allemagne, où elles continuèrent à figurer parmi les titres de référence de l’enseignement universitaire tard dans le xve siècle) ; on voit aussi apparaître des œuvres d’auteurs locaux, comme Arnold de Bamberg et, plus encore, Konrad de Eichstätt pour l’Allemagne et Sigismond Albicus pour l’Est de l’Europe166.
71En France, en Italie, dans le duché de Bourgogne167, les lieux de copie sont dispersés sur tout le territoire : l’importance du réseau urbain, le nombre des universités168 et des ateliers de copistes en rendent compte aisément169. Paris, Montpellier et, plus largement, le sud de la France, autour d’Avignon et de Toulouse, la Champagne et l’Est, le Nord entre Picardie, Artois et Flandres, pour le royaume de France et le duché de Bourgogne, Bologne, Padoue, l’Émilie et la Vénétie, la région de Milan, Rome, Florence et la Toscane, et à un degré moindre Naples pour la péninsule, constituent autant de lieux importants, non seulement pour la production de titres diététiques mais également de livres.
72Si la dispersion est de mise pour la « vieille Europe intellectuelle », la transcription est plus concentrée dans les régions de l’Empire et vers l’Est, où il existe un lien obligé entre le lieu de copie et la présence d’une université, voire plus précisément d’une faculté de médecine. À Heidelberg, Erfurt, Cracovie ou Prague, universités récentes170, il n’est pas rare que le premier possesseur du livre ait été l’auteur de la copie. Ainsi le régime de Thomas de Tilbury (ca. 1370-ca. 1433/1434) conservé dans le ms 818 de la bibliothèque universitaire de Cracovie, fut copié par Johannes de Saccis, praticien originaire de Pavie qui, comme nombre de médecins italiens cherchant fortune dans les nouveaux centres du savoir, s’installa dans la cité polonaise au début du xve siècle171. Quant au scribe Johannes de Costrzin, connu pour avoir copié trois manuscrits au début des années 1460, il travaillait sans doute en étroite relation avec la faculté de médecine172. Le lien entre enseignement et pratique médicale passe par la médiation du livre qui, dans le cas des manuscrits conservés à la Bibliothèque Jagellone de Cracovie (presque tous originaires de la ville), fut le plus souvent la propriété de médecins de l’université, voire de professeurs d’autres facultés173, qui suivirent peut-être pendant quelques temps un cursus médical174. Le contenu textuel de ces manuscrits inscrit d’ailleurs le traité diététique dans le cadre des livres destinés à l’usage, puisqu’il y est généralement entouré d’ouvrages consacrés à l’urologie ou au pouls, de livres de simples, de régimes de temps de peste, de conseils pratiques sur diverses maladies ou de pronostics. L’éventail des manuscrits copiés à Cracovie montre également l’ouverture de la faculté aux nouvelles productions occidentales, puisqu’à côté d’un exemplaire des Diètes d’Isaac Israëli, de la Summa conservationis et curationis de Guillaume de Salicet et du régime d’Arnaud de Villeneuve, on trouve non seulement des ouvrages endogènes comme le Regimen hominis de Sigismond Albicus et le Regimen sanitatis de Thomas de Tilbury175, mais aussi le De triplici vita de Marsile Ficin, dont le scribe Matthias de Krajna, dit Lis ou doctor, travaillait dans un atelier de la ville176. Certaines copies témoignent aussi d’une circulation de modèles, comme ce codex constitué pour l’essentiel de textes astrologiques, copié à Prague à partir d’un exemplaire venu de Cologne177, peut-être apporté par un étudiant allemand de la faculté hongroise178.
73La production du livre diététique en Allemagne s’explique en partie par des dispositions semblables, puisque des centres comme Erfurt (1379) et Heidelberg (création en 1385) furent des lieux importants de l’enseignement médical. En outre, l’influence de l’Italie joua un rôle non négligeable dans la diffusion des nouveaux genres médicaux, les consilia dans le domaine thérapeutique, les régimes pour la conservation. Ces textes furent pour l’essentiel rapportés par les étudiants allemands, habitués de la peregrinatio academica (et ce malgré la « régionalisation des universités »), rentrés de leurs séjours bolonais ou padouans179. Qu’il suffise de rappeler ici les manuscrits rapportés par Hermann Schedel par exemple180.
Copistes professionnels et copistes amateurs
74La copie des manuscrits diététiques est le fait aussi bien d’initiatives individuelles181 que d’ateliers professionnels182. Supplantés à la fin du Moyen Âge par des ateliers laïcs, les studia religieux s’effacent comme pour l’ensemble de la production du livre. Mais le codex diététique, comme l’ouvrage médical, bénéficia peu du système de la pecia, pourtant en usage pour les textes universitaires183.
Les copies d’atelier
75Parmi les copies provenant d’ateliers professionnels, tous les cas de figure sont représentés, du codex de luxe, enluminé, richement décoré, au produit moins raffiné (même s’il demeure soigné), régulièrement réglé mais plus modestement orné. Il s’agit toujours de travaux effectués sur commande auprès d’un libraire qui charge un ou plusieurs scribes de la transcription. Parfois figure sur certaines pages du manuscrit (généralement sur la première), le blason du commanditaire. Ainsi le Sermo de conservatione sanitatis de Filippo d’Arezzo (B.A.V., Vat. lat. 4462) porte aux folios 1r, 33r et 65r, dans les marges inférieures de l’encadrement orné, le blason de Taddeo Pepoli, qui fut gouverneur de la cité de Bologne entre 1337 et 1347184. Cette copie de luxe anonyme, bolonaise par l’écriture (une textualis rotunda), la décoration des lettrines et le nom de son commanditaire, ne peut venir que d’un atelier local.
76Mais le commanditaire est le plus souvent inconnu, tandis que les scribes, quand ils signent leur travail, ne sont que des noms. Tout au plus, peut-on situer les lieux de transcription : le copiste du manuscrit It. III.14 de la Biblioteca nazionale Marciana de Venise, un dénommé Giovanni di Ghirigoro, fils d’Antonio Ghinghi, se déclare citoyen florentin185 ; de même, le responsable d’un autre manuscrit du même Livre de Physique d’Aldebrandin de Sienne, Ser Verdiano di Christo, vivait à Montepulciano186. Jean Textoris, responsable du lat. 6972 de la B.n.F. (à la demande du médecin Jean Costa)187, eut une longue carrière de scribe (à moins qu’il ne se soit plutôt agi d’un membre de sa famille ou d’un homonyme) : s’il copia ce premier codex en 1404 (il était alors clerc à Comminges et étudiant à la faculté des arts de Toulouse), il fut aussi en 1454 le responsable d’un codex conservé à Bamberg188. S’agit-il du Jean Textoris que cite Pierre Pansier à propos des métiers du livre à Avignon, un clerc du diocèse de Quimper, engagé en septembre 1451 par Jean Griffoni, écrivain du diocèse de Mayence pour copier des lectures189 ?
77D’autres exemples suggèrent une production en série de certains textes. Les cinq exemplaires originaires de Flandre du Livre de Physique d’Aldebrandin de Sienne montrent une stricte répartition des tâches entre scribe, rubricateur, enlumineur, correcteur et relieur. Ces copies (Royal 20 B IX, Royal 16 F VIII, Royal 19 B X, Add. 8863 et le ms 68 de St John’s College à Oxford), composées dans les dernières décennies du xve siècle, sont d’autant plus intéressantes qu’elles forment un groupe proposant une version remaniée du texte190. L’écriture s’apparente à la cursiva formata. Les miniatures qui introduisent le texte des manuscrits Royal 20 B IX, Royal 16 F VIII et Royal 19 B IX, représentent la même scène : un médecin, un livre ouvert devant lui, reçoit des patients venus le consulter. Cette enluminure est une sorte de métaphore du livre tout entier, censé porter la parole du médecin in absentia. Ces témoins proviennent d’un même atelier de copistes et ont été décorés dans une même officine d’enlumineurs. L’encadrement de la page est orné de rinceaux, de fleurs et d’oiseaux, proche du style de peintures en vigueur en Flandre dans le dernier quart du xve siècle191. Deux de ces ouvrages de commande portent le blason de leurs clients : Charles Somerset, comte de Worcester, pour le Royal 16 F. VIII, Lord Morley, pour le Royal 19 B X. Le commanditaire a également signé de son nom la copie au folio 157v, sans doute au moment où la reliure a été effectuée192.
78Un autre exemplaire du livre d’Aldebrandin de Sienne fut copié en Flandre à la fin du xve siècle (B.A.V., Pal. lat. 1990). Ce manuscrit de grand luxe, qui propose une version très largement remaniée du texte médical (différente toutefois de celle des manuscrits précédents), présente lui aussi une très riche illustration. Sur un parchemin coloré, des miniatures liminaires pleine page, peu ordinaires dans le livre diététique, ont ce relief caractéristique de l’école gantobrugeoise du dernier quart du xve siècle193. Au folio 7r qui ouvre le premier livre, en guise de frontispice, le Christ est accompagné d’un archange et du pape sous un dais ; au début du livre II (f. 74r), un homme prie devant une fenêtre ouverte sur un paysage de ville de bord de mer. Au folio 85v, un troisième tableau figure Jésus bénissant les animaux, sur fond de château, près d’une rivière et d’un champ de blé. Œuvre de J. Markant194, ce manuscrit n’a peut-être jamais été donné à son commanditaire, puisque sur toutes les pages décorées d’une peinture, l’espace destiné aux armes du possesseur dans la marge inférieure est resté blanc. La présence d’enluminures de très belle facture n’est pas seulement signe d’un manuscrit de prix, mais préfigure le contenu du codex195 : la représentation d’éléments religieux indique sa transformation en œuvre édifiante, qui vise une instruction autant morale que diététique.
79À côté de ces productions onéreuses, issues de grands ateliers commerciaux, il existe aussi des manuscrits plus modestes que la réglure, les rubrications, les réclames signalent comme confectionnés dans des ateliers sans doute moins importants. Il est parfois difficile de connaître les conditions de travail de certains copistes, dont on ne saurait dire s’ils sont en collaboration avec des centres professionnels, ou font œuvre individuelle, éventuellement en marge de leur activité principale. Ainsi l’un des multiples témoins du Livre de Physique fut transcrit par un certain Jean Quatredens, « escolier » à Paris. La facture de son manuscrit sur parchemin, réglé, orné et rubriqué d’initiales rouges et bleues, dément un travail rapide et amateur, mais souligne au contraire un talent de scribe que pouvaient partager certains lettrés pour lesquels ce type de travail procurait quelque revenu. Terminée en mars 1390196, la copie fut envoyée dans un atelier de miniaturistes pour y être ornée d’une enluminure au premier folio, figurant un topos du livre médical : le médecin consultant son livre pour répondre aux interrogations des patients ou des étudiants qui l’entourent. Sans doute Jean Quatredens était-il connu comme scribe sur la place de Paris, assez du moins pour qu’un dénommé Hugues de Salve lui passât commande de ce texte197. Le travail de copiste servait sûrement à payer ses études et l’on pourrait supposer que c’est dans ce but, qu’un an avant de s’inscrire à la faculté de médecine de Louvain, Arnoul de la Palu, connu par la suite comme astrologue des rois de France Charles VII et Louis XI, transcrivit le Collectorium medicine de Niccolò Bertruccio198. Toutefois, les notes marginales de sa main qui parsèment tout le codex semblent plutôt signaler une copie à usage personnel. D’autres copistes sont en revanche des spécialistes de l’écriture, comme ce notaire de Bergame qui copia en 1521 un exemplaire du traité de Benedetto Reguardati199, ou comme Jean Chabault, notaire de Valence en Dauphiné, engagé par Louis XI pour la rédaction d’un livre de médecine200.
Les entreprises individuelles
80Nombre de traités diététiques nous sont parvenus par des voies plus individuelles : copie à usage personnel, travail occasionnel de l’étudiant en médecine ou de la faculté des arts, ou copiste professionnel qui loue ses services. L’un des manuscrits du régime d’Arnaud de Villeneuve fut ainsi transcrit par un professeur de la faculté des arts de Verceil, Franciscus de Agaciis. Responsable d’une grande partie des ouvrages qui composent ce témoin (Milan, Bibliothèque Braidense, ms AE XIV 8)201, il entreprit son travail au plus fort de la Peste noire dont il commente à plusieurs reprises, en fin de texte ou en marge, les effets qu’elle eût sur sa classe et dans la ville. Il déclare ainsi à l’issue du régime :
Moi Franciscus de Agaciis, j’ai terminé ce travail et ce même jour, j’ai commencé les cours, et je n’ai reçu qu’environ quarante élèves lorsque j’ai l’habitude d’en avoir pour de tels jours deux cents environ. La pernicieuse [maladie] mortelle qui ravageait la cité de Verceil en fut la cause. Car, en cette année de la fête de Pâques, à ce jour périrent plus de trois mille chrétiens à Verceil et même au siège épiscopal et ce très grand fléau dura pendant trois ans et se répandit partout dans le monde202.
81Franciscus de Agaciis a dû travailler à sa copie entre 1349 et 1350. A-t-il entrepris ce travail pour quelque commanditaire dont le nom n’apparaît pas, ou à titre personnel, peut-être pour se rassurer par des conseils diététiques en ces temps de fléau que les médecins semblaient incapables d’enrayer ? Dans ce cas, il peut sembler étonnant qu’il n’ait pas songé plutôt à copier un de ces régimes de temps de peste qui commençaient à fleurir sous toutes les plumes médicales, mais peut-être n’en a-t-il point trouvé car le genre n’en était alors qu’à ses prémices. En revanche, la transcription de tables de la lune et de mouvements des planètes est plus conforme au contexte épidémique. Malgré le danger qui l’entoure, le scribe n’oublie pas sa formation première et dans un quatrain qui suit le colophon du dernier traité qu’il copie, il évoque la complémentarité de la grammaire et de la diététique203.
82Le B.A.V., Vat. lat. 3714 offre l’exemple d’un manuscrit provenant d’un bureau épiscopal. À la fin du Compendium de naturis et proprietatibus alimentorum de Barnabas Riatinis, une main, différente de celle qui a copié le texte mais semblable à celle qui a transcrit le suivant (le De vinis d’Arnaud de Villeneuve) a rapporté les conditions de la transcription204. La copie, effectuée par ce Grégoire, scribe attaché au bureau de l’évêque de Veroli, Angelo Mancini de Cavis, date d’octobre 1463, lorsque ce dernier fut transféré à Sorano205. Mais pourquoi ce scribe n’a-t-il pas écrit lui-même ce colophon ? A-t-il été interrompu dans sa tâche, n’a-il pas pu suivre l’évêque dans son nouveau siège épiscopal, est-il mort avant de conclure ? Autant de questions qui resteront sans réponse. Le copiste anonyme du texte suivant, qui remplaça peut-être Grégoire Antoine auprès de l’évêque, a jugé nécessaire d’ajouter ce colophon. C’est à la demande d’un certain Francesco da Siena, qui dit ne pas avoir pu le copier lui-même, qu’il transcrivit le De vinis d’Arnaud de Villeneuve206. Ce deuxième texte, copié à la suite du traité de Barnabas Riatinis, fut donc offert par François de Sienne à ce beatissimus pater qu’il faut sans doute identifier avec le destinataire du précédent, Angelo Mancini de Cavis, l’évêque de Veroli.
83Le fonds Palatin de la Vaticane, formé en grande partie de manuscrits ayant appartenu à des professeurs de l’université de Heidelberg, contient plusieurs transcriptions de textes diététiques effectuées par des médecins ou par des copistes plus ou moins professionnels à leur service. La médiocrité de la mise en page, l’écriture cursive, peu soignée, la rareté sinon l’absence de réclames et de rubriques fait plutôt penser à des étudiants ou à de copistes plus ou moins amateurs. Plusieurs livres furent ainsi partiellement ou complètement copiés par Erhard Knab207, plusieurs fois recteur de l’université de Heidelberg, puis enrichis et annotés par l’un de ses successeurs, Martinus Rentz de Wiesensteig (1480-1530) ; d’autres furent élaborés par Johannes Frantz de Lypphein, un ancien étudiant de l’université.
84Erhard Knab avait entrepris de se constituer une bibliothèque d’ouvrages de médecine qu’il prit soin de copier ou de commander à des scribes208. C’est avec l’aide de Johannes Borner qu’il transcrivit une grande partie de l’œuvre de Bernard de Gordon, copiant lui-même, à la suite de ce qui constitue peut-être l’une de ses productions, la Questio medicinalis (ff. 211ra-216ra), le De flebotomia et le début du De urinis du praticien montpelliérain ; il confia le reste du travail à Johannes Borner qui compléta sur le même cahier le traité d’urologie, et y ajouta le De pulsibus, le De conservatione sanitatis, mais aussi le Liber graduum, le De regimine acutarum, le De decem ingeniis curandorum morborum, le De prognosticis, l’Arbor egritudinum (un ouvrage faussement attribué à Bernard de Gordon), ainsi que le De sterilitate mulierum209.
85Johannes Frantz, bénéficiant des revenus de chanoine de Saint-Pierre zu Wimpfen, travailla à de nombreuses reprises pour Martinus Rentz210 et servait d’ordinarius au recteur de l’Université211. Parmi les manuscrits qu’il copia, figure le Pal. lat. 1303, où il transcrit en partie la Practica abbreviata d’Antonio de Gradi, en mars 1476212 (pour les feuillets 69r à 113r), tandis que Martinus Rentz copiait le reste, à l’exception des feuillets 199 à 207. On peut donc supposer que ce dernier a transcrit et a fait transcrire pour son usage personnel, outre la practica, des recettes, le Compendium de urinis de Gautier Agilon, un autre texte sur les urines de Bartolomeo Montagnana ou de Zacharie de Feltris, ainsi que le De honesta voluptate de Platine, qu’il a lui-même entrepris de copier. S’est-il intéressé à ce texte pour ses aspects médicaux ou culinaires, à titre personnel ou professionnel ? Rentz, qui possédait aussi un exemplaire du régime de Maïmonide (Pal. lat. 1147) qu’il avait commandé au même copiste, s’intéressait à la diététique. C’est encore avec la collaboration de Johannes Frantz qu’il entreprit la rédaction du Pal. lat. 1195, qui rassemble des traités consacrés à des maladies spécifiques (fièvres et venins notamment), un conseil, une partie des Sermones medicinales de Niccolò Falcucci, ainsi qu’un Regimen iter agentium copié par ses propres soins213.
86On doit à un autre médecin allemand la collection de divers textes médicaux parmi lesquels le régime que Maino de Maineri adressa à l’évêque d’Arras et dont il ne reste, à ma connaissance, que trois exemplaires, parmi lesquels le Pal. lat. 1098214. Ce long codex de 427 folios assemble de nombreux ouvrages galéniques ou pseudo-galéniques, des traités hippocratiques et pseudo-hippocratiques, des traductions d’ouvrages arabes, notamment le régime d’Avenzoar, l’Isagoge de Ḥunain ibn Isḥāq et le De definitionibus d’Isaac Israëli, mais également des compositions médiévales, celles de Bernard de Gordon, d’Antonio Guaineri et de Pierre de Tossignano. Johannes Schureißen, étudiant de l’université de Padoue en 1464, est sans doute responsable de la constitution du manuscrit, même s’il n’en a copié qu’une partie (les folios 234ra à la fin). On trouve en effet l’usage d’un même papier pour les folios 1 à 98, transcrits par une même personne, et pour une partie des cahiers remplis par Johannes Schureißen ; le filigrane représentant la lettre P, sans ornement ni fleuron, s’apparente au groupe individualisé par Briquet sous les numéros 8527 à 8541, par le jambage de la lettre en forme de pince de homard. Cet ensemble, de fabrication allemande (Rhin moyen et inférieur) est en usage dans les années 1460. Le filigrane des cahiers où figure le régime de Maino de Maineri représente une tête de bœuf agrémentée de deux yeux et d’un nez, et surmontée d’une croix ; très répandu, il est toutefois bien représenté dans la région de Cologne, Strasbourg et Francfort, dans les années 1458-1484215. Enfin, le papier utilisé par Johannes Schureißen, attesté vers 1450-1470, provient de battoirs rhénans216.
87Les praticiens allemands ne sont pas les seuls à s’associer comme commanditaires, et copistes à leurs heures, à des scribes travaillant à leur compte. En Angleterre, au moins une entente de ce type est restée connue grâce aux manuscrits qui ont été conservés. Elle lie le praticien Gilbert Kymer et un copiste installé à Oxford, puis à Salisbury, Herman Zurke de Greifswald qui, à l’image de Johannes Frantz, s’était manifestement spécialisé dans la copie de livres médicaux217. On lui doit six manuscrits qui furent transcrits entre 1449 et 1460218, dont quatre commandités par Gilbert Kymer, par deux fois chancelier d’Oxford219, doyen de Salisbury entre 1449 et 1463, date de sa mort. Celui qui fut aussi le médecin du duc Humphrey de Gloucester (1391-1447) et l’auteur d’un Dietarium de sanitatis custodia220 commanda donc à Hermann Zurke, qu’il rencontra à Oxford, quatre ouvrages médicaux qui sont actuellement conservés à Oxford, trois à la Bodleian Library et un à Merton College. Ce travail a dû prendre plusieurs années, le copiste ayant pris soin, à la fin de chaque traité, d’apposer un colophon portant la date et le lieu de la copie. Ainsi le Bodl. 362 fut transcrit à Oxford, puis à Salisbury entre 1448 et 1455, le Bodl. 361 entre 1453 et 1459 à Salisbury et, c’est dans cette cité du sud de l’Angleterre qu’Hermann Zurke copia entre 1458 et 1459 le ms 268 de Merton College et termina le Laud. misc. 558 en 1459-1460, dernière œuvre qu’on lui connaisse. Or, parmi ces transcriptions, figure un manuscrit partiellement diététique, le Bodl. 361, puisqu’y sont copiés le Dietarium d’Étienne Arlandi, qu’Hermann Zurke acheva en 1459221, ainsi que le De dietis infirmorum secundum magistrum Petrum de Musanda, autrement dit le premier traité consacré à l’alimentation des malades composé en Occident222. Hermann Zurke fait partie de ces professionnels qui louaient leur service ; ayant commencé à travailler pour Gilbert Kymer lorsque celui-ci était chancelier d’Oxford, il le suivit à Salisbury223. À la différence des copies effectuées par Erhard Knab, Martinus Rentz ou Johannes Frantz, le travail du scribe de Greifswald est de belle qualité ; transcrit sur parchemin, ce qui est encore assez fréquent dans l’Angleterre du xve siècle, le livre est orné d’initiales alternées rouges et bleues, mais surtout de lettres rubriquées et enluminées.
88Ces deux modes de production, l’un professionnel lié à la présence d’un atelier et à ses commanditaires, l’autre occasionnel et individuel, effectué par un copiste dont on ignore souvent les conditions de travail – parfois attaché à la figure d’un intellectuel, ou lui-même possesseur du manuscrit qu’il transcrit pour ses propres besoins –, sont les deux principales voies de transmission du régime de santé. Les exemples développés dans les pages précédentes témoignent d’une diffusion assez large de la culture diététique, principalement à la fin du Moyen Âge. Elle trouve pour l’essentiel son public parmi ceux qui peuvent s’acheter des livres mais ne sont pas des spécialistes de la médecine et chez les professionnels qui recourent à la diététique soit à des fins personnelles, soit dans l’exercice de leur métier. Leur inscription au nombre des possesseurs de manuscrits diététiques change quelque peu la vision des régimes telle qu’elle s’était dessinée dans l’étude de leurs modes de composition ; s’il est vrai que les regimina sanitatis furent d’abord une littérature de vulgarisation (limitée cependant à un cercle de lettrés capables non seulement de commander des livres ou de s’en procurer, mais aussi d’avoir recours à un médecin), ils pénètrent également, surtout à partir du xve siècle, le monde des spécialistes de l’ars medica, ce que confirme également l’examen de leurs bibliothèques224.
Du livre manuscrit au livre imprimé
89L’impression par lettres mobiles a également touché le livre scientifique225, et même de manière précoce, puisqu’il existe de nombreux incunables médicaux226. Dans un premier temps, l’imprimé a affecté la production manuscrite sans la faire disparaître, puisqu’elle résiste comme dans tous les domaines de l’écrit, jusque tard dans le xvie siècle227. Dans certains cas on trouve une double diffusion manuscrite et imprimée228 ; dans d’autres, le livre n’existe que sous cette dernière forme, comme pour la Florida corona medicine du médecin padouan Antonio Gazio (1469-1530) dont il n’existe à ma connaissance aucun manuscrit et qui fut publiée dès 1491 à Venise229.
90La liste des titres diététiques parus avant 1501 se fonde sur les bibliographies qui, pour les incunables du moins, proposent un inventaire minutieux mais incomplet : le catalogue de Ludwig Friedrich Hain230, complété par ceux de Walter Arthur Copinger231 puis de Dietrich Reichling232, le Gesamtkatalog der Wiegendrucke qui s’interrompt à la lettre G, ainsi que les grands catalogues nationaux233, mais aussi la recension d’Arnold Carl Klebs qui, en 1938, proposa une liste des incunables scientifiques et médicaux sur la base de ces bibliographies234. La consultation de ces divers catalogues a permis de dénombrer vingt-deux titres diététiques. Pour prendre la mesure de cette production, il faudrait y ajouter aussi les éditions ultérieures, notamment celles des années 1501-1530, qui marquent la fin de la phase pionnière de l’industrie typographique.
91Cette énumération ne représente qu’une faible partie de l’ensemble de la production médicale occidentale et laisse de côté des ouvrages importants de l’ars diaetae médiévale. Ces oublis et ces choix sont-ils le résultat de politiques éditoriales ? Seule une étude de chaque officine permettrait de le montrer, ce qui n’est guère envisageable dans les limites de cette étude, d’autant que l’histoire de l’imprimé résulte non seulement des choix des libraires, qui sont guidés par leurs goûts propres, les moyens financiers à leur disposition, les espérances qu’offre le marché, mais aussi par les disponibilités en manuscrits ou encore par des rivalités entre ateliers. Les paradoxes entre la copie et l’édition au xve siècle sont ainsi clairement illustrés par la personnalité d’Arnaud de Bruxelles qui menait de pair, dans le troisième tiers du xve siècle, deux activités : le copiste, amateur de science, transcrivait des traités d’astrologie, d’alchimie et d’astronomie (sans oublier la traduction latine du Tacuinum sanitatis d’Ibn Buṭlān235), tandis que l’imprimeur, installé à Naples entre 1472 et 1477, se préoccupait essentiellement de littérature classique et contemporaine et de philologie236. D’un côté les goûts personnels d’un humaniste, de l’autre les contraintes du marché pour le professionnel ? Il est sans doute difficile de trouver une raison unique à ce clivage, mais il nous faut retenir de ce cas l’idée que l’absence de passage à l’imprimé n’était pas systématiquement le signe d’un désintérêt, voire d’un abandon pour certaines catégories de livres. Des études mettant en relations productions éditioriales et copies manuscrites sont nécessaires pour éclairer, peut-être parfois au cas par cas, ce moment de transition. Je me contenterai ici de dresser une liste aussi précise que possible des titres diététiques publiés et des origines géographiques des parutions dans le but d’éclaircir les circonstances qui ont prévalu à certaines décisions.
Le passage à l’imprimé
92Vingt-deux titres sont totalement ou partiellement consacrés à l’art de la diététique. Certains s’apparentent à une somme médicale et n’accordent que quelques passages à la prévention, comme la Summa conservationis et curationis de Guillaume de Salicet, dont seul le premier chapitre est diététique, et le premier volume des Sermones medicinales de Niccolò Falcucci intitulé De conservatione sanitatis237. À l’exception du régime que Maïmonide adressa au fils du sultan Saladin, tous sont l’œuvre d’auteurs occidentaux, qui écrivent pour la plupart en latin. La faible représentation des langues vernaculaires (avec une prééminence pour l’allemand) confirme que le latin est encore la langue par excellence du discours scientifique et correspond aux caractéristiques de la production du livre au xve siècle, largement dominée par les éditions en langue savante (graphique 9)238.
93Sans laisser la typographie indifférente, la diététique n’en est pas pour autant devenue son champ principal d’activité. Les libraires ne commencent à s’intéresser à ce domaine que dans les années 1470, alors que l’imprimerie a plus de vingt ans d’existence ; à cela rien d’étonnant puisque cette décennie correspond à la période du véritable essor de l’industrie typographique et à son essaimage dans toute l’Europe. Le livre diététique ne se développe qu’à partir des années 1480, où l’on passe de dix-sept éditions parues dans la décennie précédente à vingt-neuf (et trente-deux pour les années 1490-1500). Cet accroissement tient compte aussi bien des rééditions que des parutions nouvelles ; le nombre d’editiones principes, lui, est stable d’une décennie à l’autre (neuf de 1471 à 1480, neuf de 1481 à 1490), puis baisse à la fin du siècle avec quatre titres nouveaux (graphique 10). Ce léger déclin est-il le signe d’un essoufflement du marché, d’une trop grande quantité de titres parus pour ce qu’il peut absorber239 ? Seule peut-être une étude menée à partir des exemplaires conservés pourrait permettre de le savoir, car elle fournirait une idée, à défaut d’une certitude, du nombre d’exemplaires tirés. Mais les fortes lacunes du Gesamtkatalog et des répertoires antérieurs rendent la tâche difficile240.
94Si, sur l’ensemble de la période, le phénomène éditorial est véritablement européen241 – à l’exception toutefois notable de la péninsule ibérique (qui même au xvie siècle produit peu de livres)242 et de l’Angleterre243 –, il n’en montre pas moins des prédominances et des limites (graphique 11) : une large représentation des aires géographiques germaniques et italiennes, qui reflète le développement de l’industrie typographique dans ces pays dans la seconde moitié du xve siècle244. À un degré moindre, la Flandre, avec notamment le pôle de Louvain – en particulier l’activité de Jean de Westphalie qui y est installé depuis 1473 –, les Pays-Bas et la France (Paris245 et Lyon surtout) fournissent eux aussi leur contingent de publications médicales. Avec plus de dix publications à caractère diététique, Venise246 et Augsbourg dominent cependant largement le marché, suivies par les presses de Rome, Louvain et Leipzig. Des cités comme Paris, Lyon, Bâle ou encore Strasbourg en sont encore aux prémices de leur développement247.
95Mais c’est peut-être à une échelle temporelle plus réduite que les mutations se font sentir de façon plus aiguë, soulignant les nouveaux arrivés, l’essor de certains centres et le léger déclin que d’autres subissent. Le graphique 12 ne tient compte que des éditions datées, ce qui explique le moindre nombre de publications retenues et pénalise certains lieux, comme Leipzig ou Louvain. Selon ce découpage par décennies, on s’aperçoit de la précocité allemande, plus particulièrement d’Augsbourg, grâce à l’activité de Johannes Baemler, à un degré moindre celle de Rome248 où, entre 1470 et 1480, paraissent respectivement huit et trois éditions sur le sujet. Dans les années 1480-1490, le nombre de centres passe de quatre à sept, avec la nette domination de Venise et Louvain, une stagnation pour Rome et un léger déclin pour Augsbourg qui se confirme dans la dernière décennie du siècle, certaines cités n’étant en revanche (du moins dans le domaine diététique) que des centres épisodiques de parutions, comme Pavie, Parme, Ulm ou Besançon. Dans les années 1491-1500, la dissémination est de rigueur. De nouveaux centres apparaissent, notamment Bâle, Leipzig, Paris, Lyon et Strasbourg, promis à un brillant avenir.
96Alors que la production est relativement disséminée en Italie et en Allemagne, où elle est souvent liée à la présence d’une université, elle est concentrée en France autour de deux pôles essentiels, Paris et Lyon, qui représentent le plus gros marché de production de livres de la seconde moitié du xve siècle, fournissant à elles deux 80 % des publications249. La ville rhodanienne n’est peut-être pas encore le grand centre de production du livre médical qu’elle deviendra au xvie siècle, bien qu’y aient déjà été édités les Canones universales de Jean Mésué, les Pandecte medicine de Mattheus Silvaticus, le Pantegni d’Haly Abbas dans la traduction d’Étienne d’Antioche250, et surtout le Canon d’Avicenne accompagné du commentaire du médecin de Tournai, Jacques Despars, qui fait encore autorité. Ces trois in-folio furent entrepris par le typographe allemand Johannes Trechsel, l’un des grands représentants de l’imprimerie humaniste lyonnaise251 (sans doute à la demande de Jacques Ponceau, médecin de Charles VIII) et achevés après la mort de Trechsel par Johannes Klein252. À Lyon furent également publiés des traités médicaux en langue vernaculaire, parmi lesquels des traités de chirurgie253, des œuvres de médecins montpelliérains comme Bernard de Gordon254, et bien sûr le Livre de Physique d’Aldebrandin de Sienne. Dans le strict domaine diététique, il faut ajouter à cette édition et à celle des œuvres d’Arnaud de Villeneuve, parues seulement en 1504, les premières publications des régimes de Maïmonide255 et de Maino de Maineri, et du Collectorium totius fere medicine de Niccolò Bertruccio256, les éditions françaises du regimen d’Arnaud de Villeneuve257, le volume consacré aux Diètes universelles et particulières d’Isaac Israëli avec le commentaire de Petrus Hispanus258 et, plus tard dans le siècle, celle du De facultatibus alimentorum de Galien259. Cette spécificité qui fit de Lyon la capitale du livre médical dans le royaume de France s’explique en grande partie par la présence d’un important milieu de praticiens qui s’intéressèrent très tôt à l’imprimerie et qui, pour certains, y participèrent en tant que traducteurs ou correcteurs. À ce facteur, il faut ajouter l’importance des foires comme lieu de commercialisation de la production.
97Sans qu’il soit toujours possible de déterminer les choix d’éditions qui ont prévalu dans certaines officines, la personnalité et la carrière d’un auteur dans telle ou telle ville ont parfois pu constituer un critère de sélection. Il n’est sans doute pas étonnant que le régime de Maino de Maineri, qui fut maître-régent de l’Université de Paris dans les années 1326-1331, ait été à deux reprises édité à Paris260.
98L’une de ces publications a d’ailleurs été effectuée par l’un des premiers libraires de la Sorbonne, Ulrich Gering, originaire de Constance261. De même, la Summa conservationis et curationis de Guillaume de Salicet fut imprimée en 1476 à Plaisance, cité d’origine du médecin. Au-delà de cette survivance de la mémoire et de ce qui peut s’apparenter à une réactivation du souvenir laissé par un médecin prestigieux, parce qu’il ravive l’éclat d’une cité ou d’une institution, les lieux d’édition ne s’expliquent pas seulement par la figure de l’auteur, mais aussi par les lecteurs potentiels du livre, qu’il s’agisse de lettrés, de professeurs ou d’étudiants, qui peuvent infléchir les choix éditoriaux des libraires, en influençant les données du marché.
99Dans la liste d’ouvrages diététiques proposée en annexe262, certains titres furent des réussites éditoriales réédités jusqu’à six fois. C’est la fortune que connurent le régime de Maino de Maineri ou le Libellus de conservatione sanitatis de Benedetto Reguardati, alors que d’autres ouvrages ne furent publiés qu’une fois en un demi-siècle. Ces reprises sont-elles le signe du succès d’une œuvre ? Lorsqu’elles proviennent d’un même atelier, elles ne sauraient s’expliquer par un tirage limité de l’editio princeps, car le typographe avait tout intérêt à produire un nombre suffisant d’exemplaires pour amortir au mieux son investissement. Mais un tirage trop fort pour l’état du marché risquait aussi d’occasionner des invendus et donc de nouvelles dépenses de stockage. On sait cependant que le nombre d’exemplaires était, pour les premiers temps de l’imprimerie, assez réduit ; ainsi Jean-Philippe de Lignamine, le responsable de l’editio princeps du Libellus de conservatione sanitatis de Benedetto Reguardati, tirait autour de cent cinquante exemplaires, alors que certains de ses concurrents sur la place romaine, sortaient jusqu’à trois cents volumes de Donat, par exemple263. Il est certain aussi que le coût de revient d’une réédition du Régime de Maino de Maineri, par exemple, qui représente un gros volume, n’avait rien à voir avec celle du traité de Benedetto Reguardati, petit livre qui se vendait certainement moins cher264.
Les « oubliés » de l’édition ou le maintien d’une production manuscrite
100Les ouvrages rédigés entre les xiiie et xve siècles n’ont pas tous bénéficié d’une édition. La liste proposée en annexe ne prend toutefois en compte que les incunables ; or, au début du xvie siècle, furent publiés un grand nombre de régimes, dont celui d’Arnaud de Villeneuve (à Lyon en 1504), le Collectorium totius medicine de Niccolò Bertruccio et le Libretto de tutte le cosse che se magnano de Michel Savonarole265. Toutefois, on peut se demander pourquoi ces ouvrages furent imprimés tardivement, alors même qu’ils bénéficiaient encore au xve siècle des faveurs de la copie manuscrite. Dans le cas du De conservatione vite humane de Bernard de Gordon, il faut même attendre 1570 pour que soit proposée aux lecteurs une édition complète266 ; jusqu’à cette date, ceux-ci avaient dû se contenter de publications partielles, limitées au De urinis267. Peut-être, les libraires n’eurent-ils pas à leur disposition de manuscrit complet du De conservatione vite humane ou ces ouvrages, notamment ceux de Bernard de Gordon et de Niccolò Bertruccio, nécessitaient des investissements trop importants au regard des retombées financières escomptées. Le régime d’Arnaud de Villeneuve était sans doute trop bref pour être publié seul – il le fut cependant en français, mais accompagné d’autres ouvrages – ce qui expliquerait le choix du libraire F. Fradin de proposer plutôt l’œuvre complète du médecin catalan268. La publication par Jean de Westphalie du Tractatus de sa-lute corporis de Pierre de Tossignano, un bref régime, va de pair avec celle du Tractatus de salute anime de Jean de Turrecremata, un ouvrage d’une toute autre nature. Ces choix d’éditions s’expliquent-ils seulement par la volonté de fabriquer des livres d’un certain format et d’un certain poids ou par le désir de proposer au lecteur une double « diététique », celle du corps et celle de l’âme ? L’association peut aussi renvoyer à un modèle manuscrit, aujourd’hui disparu, où les deux textes étaient copiés ensemble.
101En marge de ces éditions plus tardives, de nombreux textes ne furent pas imprimés à la Renaissance, malgré le succès qu’ils avaient trouvé dans les manuscrits au xve siècle. Ainsi le Libellus de conservatione sanitatis de Jean de Tolède et les deux traités diététiques de Barnabas Riatinis, le Regimen sanitatis d’Arnold de Bamberg ou les ouvrages de son compatriote Konrad de Eichstätt, pour n’en citer que quelques-uns. Faut-il y voir, là aussi, des choix d’édition ou le signe d’une renommée moins assurée de leurs auteurs ? La liste des titres diététiques édités parmi les incunables montre une focalisation sur des auteurs contemporains, sur les grandes figures de l’enseignement universitaire de la médecine si elles sont plus éloignées dans le temps (quoique manque l’œuvre de Bernard de Gordon), sur des ouvrages susceptibles d’intéresser un grand nombre de lecteurs, comme le Livre de Physique et, plus globalement, sur des auteurs déjà « à la mode » dans la production manuscrite du xve siècle. Peut-être certains textes ont-ils été « perdus » avant même la fin du Moyen Âge comme pourrait le faire penser la très faible tradition du Regimen iter agentium vel peregrinantium d’Adam de Crémone, de l’Epistola de Théodore ou du Tractatus de conservatione sanitatis de Zambonino da Gazzo, transmis en un seul exemplaire. La question de l’accessibilité aux œuvres s’est en effet posée dès cette époque.
102Reste enfin le cas de textes comme ceux d’Antonio Benivieni ou de Bernardo Torni qui, bien que composées dans la seconde moitié du xve siècle, ne furent jamais édités. Il subsiste deux manuscrits du régime d’Antonio Benivieni, dont le Cod. lat. VII.29 (3093) de la Biblioteca nazionale Marciana de Venise269. Ce beau codex orné de lettrines historiées et dont le premier folio porte dans la marge inférieure le blason des Médicis, serait peut-être l’exemplaire que l’auteur remit à Laurent de Médicis, à moins que ce dernier ne l’ait commandé pour son propre usage. Le De regimine sanitatis ne fut toutefois publié qu’en 1951270. Une série d’observations cliniques d’Antonio Benivieni fut cependant éditée sous le titre De abditis nonnulli ac mirandis morborum et sanationum causis271 ; l’initiative en revient à Girolamo Benivieni, frère du praticien, et au médecin Giovanni Rosati, qui en conseilla la publication posthume. Peut-être Girolamo ne trouva-t-il, dans les affaires de son frère défunt, aucun exemplaire du De regimine sanitatis, à moins que Giovanni Rosati n’ait pas jugé pas utile de publier ce traité, le considérant moins novateur que les observations cliniques. Notons qu’un autre ouvrage d’Antonio Benivieni, de nature diététique lui aussi mais consacré aux périodes pestilentielles, le De peste, ne bénéficia pas non plus d’édition à la Renaissance272.
103Les deux ouvrages diététiques que Bernardo Torni composa pour le cardinal Jean de Médicis (1475-1521), un De quadragesimalibus cibis et un De sanitate tuenda, ne nous sont parvenus eux aussi que sous forme de manuscrit unique273. Le codex relatif à l’alimentation de carême, rédigé sur parchemin par un copiste professionnel, mais décoré de façon assez rudimentaire par de simples initiales rouges, porte au premier feuillet le blason de la famille des Médicis surmonté du chapeau cardinalice. Sans doute s’agit-il de la copie de dédicace. Il est cependant étrange que bénéficiant de telles recommandations, ni le traité d’Antonio Benivieni, ni ceux de Bernardo Torni n’aient suscité l’intérêt de quelque libraire. Faut-il l’expliquer par le peu d’enthousiasme des typographes et/ou des lecteurs pour ce type de littérature, par une saturation précoce du marché dans le domaine, qui disposait déjà des éditions en latin et en vulgaire d’un Benedetto Reguardati par exemple274 ? Les auteurs sont-ils en cause en ne jugeant pas utile de diffuser de leur vivant ces œuvres de moindre valeur scientifique ? Par leur recherche de patronages, ils montrent au contraire qu’ils ont bien le souci de leur publicité et de leur diffusion, comme en témoigne l’exemple réussi de la Summa lacticiniorum de Pantaleone da Confienza, divulguée aussi bien sous forme imprimée que manuscrite. L’auteur chercha à capter la bienveillance de Sixte IV en lui adressant une superbe copie de son ouvrage commandée à un professionnel275. Composée dans un atelier du Nord de l’Italie, elle porte au bas du premier folio les armes de Francesco Della Rovere, tenues par deux chérubins. Ce manuscrit, le Vat. lat. 4479, est bien une codex de recommandation car le traité ne fut pas rédigé pour le pape.
104Dans l’ensemble de la production manuscrite composée à la fin du Moyen Âge, perdurent deux types de manuscrits diététiques ; ceux qui, comme les précédents, sont des copies de luxe, œuvres d’ateliers, richement illustrées, faites à la demande d’importants personnages qui souhaitaient posséder de beaux livres dans leur bibliothèque. La série des Livre de Physique d’Aldebrandin de Sienne provenant de Flandre répond à cette logique. La copie sur parchemin, rubriquée, ornée d’enluminures et de lettres historiées, demeure un objet prisé auquel le livre imprimé commence seulement à faire concurrence. Le deuxième groupe est celui des livres d’usage, copiés sur papier, le plus souvent par le propriétaire du manuscrit lui-même, désireux d’avoir un exemplaire personnel. Codex peu soigné, sans enluminure ni rubrique, il coûte encore moins cher que l’achat d’un livre imprimé, surtout lorsqu’on effectue soi-même la transcription.
Deux exemples de politiques éditoriales
105Puisqu’il n’est guère possible dans les limites de cette étude de cerner plus précisément les politiques éditoriales des diverses officines qui publièrent des traités diététiques, j’ai choisi d’envisager deux cas spécifiques d’ateliers installés en Italie. Le premier, à Turin, permet de mettre en lumière les associations entre médecins et typographes ; le second, à Rome, où parut l’editio princeps du Libellus de conservatione sanitatis (dont il reste manifestement un exemplaire du modèle qui servit à l’édition), d’envisager les rapports entre la cour de Sixte IV et l’industrie typographique romaine.
106L’officine turinoise est celle de Jean Favre, typographe originaire de Langres, qui vint s’installer en Piémont en 1474276. Dans les incipit des ouvrages qui sortirent de son atelier, figure par deux fois le nom de Pantaleone da Confienza. Celui qui fut le médecin des ducs de Savoie est généralement présenté comme l’un des hommes qui contribuèrent le plus activement à l’essor de l’industrie typographique en Piémont. Le Breviarium Romanum édité en 1474 par Favre et Jean de Pierre (un autre Français277) témoigne de cette association entre des étrangers maîtrisant ces nouvelles techniques et un homme de science, certainement convaincu par ces nouveaux modes de diffusion de la culture écrite, et entrepreneur à ses heures. Il finança l’entreprise et apporta peut-être lui-même le manuscrit278. Après avoir publié les Vite sanctorum patrum de Saint Jérôme279, Jean Favre édite la Summa lacticiniorum de Pantaleone qui, dans l’édition, ne comporte aucune mention de dédicace280. Le texte est identique à celui du manuscrit, à l’orthographe près. La seconde œuvre connue du praticien piémontais, si elle eut également les honneurs de l’édition, ne parut pourtant pas chez Jean Favre ; le Pillularium omnibus medicis quam necessarium, un traité pharmacologique, fut en effet édité en 1484 par Antonio Carcano à Pavie281.
107C’est dans un atelier romain que fut imprimée l’editio princeps du Libellus de conservatione sanitatis de Benedetto Reguardati dans sa version latine originelle. Noble chevalier d’origine sicilienne, Jean-Philippe de Lignamine s’est installé à Rome282 comme libraire vers 1469283 et il y bénéficiait de la protection pontificale, obtenant pour lui-même et pour son fils Antonio, plusieurs distinctions de la part du pape Sixte IV284. S’il ne fut sans doute pas lui-même typographe, mais simple entrepreneur abritant chez lui un atelier ou supervisant le travail d’imprimeurs restés anonymes285, Jean-Philippe de Lignamine est connu pour ses activités de libraire depuis 1470. L’inventaire de ses publications – quarante-cinq en un peu plus de dix ans286, tirées en moyenne entre cent vingt-cinq et cent cinquante exemplaires – révèle un éclectisme certain, des ouvrages religieux (parmi lesquels des compositions pontificales) côtoyant des productions littéraires et poétiques, des traités de grammaire et de langue ; il n’a fait paraître que deux livres médicaux parmi lesquels, au début de l’année 1475, le régime de Benedetto Reguardati287, dont il aurait pu prendre connaissance par l’intermédiaire d’une copie conservée à la bibliothèque Vaticane. Cela expliquerait à la fois le choix d’éditer son premier texte médical et son désir de le dédier à Sixte IV. La récurrence du titre générique de Liber de medicina dans les inventaires de la bibliothèque Vaticane pour désigner tout manuscrit médical au xve siècle empêche de pousser plus avant l’hypothèse288. Mais on sait que Jean-Philippe de Lignamine fit copier – à moins qu’il ne s’agisse d’une transcription personnelle – le texte diététique, agrémenté d’une préface qui est semblable à celle de l’édition de 1475. Il ne reste à ma connaissance qu’un manuscrit de cette version, conservé à la Bibliothèque Royale de Belgique à Bruxelles. Dans la préface, l’éditeur s’adresse à son destinataire, Sixte IV, vantant les mérites de son ouvrage et justifiant son entreprise, ce qui est peu fréquent. S’il fait la publicité d’un livre médical, c’est néanmoins en des termes assez convenus, qui font de la santé le préalable nécessaire de l’existence, l’auteur multipliant les comparaisons entre le régime et toutes les formes de gouvernement : domestique et familial, politique et militaire289. Cette image n’est que le prolongement de la polysémie du mot regimen, qui peut être à la fois régime médical et régime politique ou personnel. Mais Jean-Philippe de Lignamine montre une pensée originale dans la critique acerbe à l’encontre des médecins contemporains, connus pour leur incurie et le danger qu’ils représentent pour la santé de tout homme. Leur méconnaissance des autorités est également fustigée290. Ce faisant, le libraire encourage la lecture de sa propre publication comme substitut du médecin et souligne qu’à l’inverse du recours au praticien, elle est sans danger, car toujours maîtrisée par celui qui s’y livre291.
108Cette publicité autour du livre ne s’explique pas seulement par la nouveauté que constitue ce type d’ouvrage dans la carrière éditoriale de Jean-Philippe de Lignamine, car il a pris l’habitude de doter ses publications de longues préfaces introductives. Toutefois, celle du De conservatione sanitatis a ceci d’intéressant qu’elle est particulièrement polémique. L’éditeur fait en effet état d’un certain nombre de critiques, qu’il dut essuyer292, peut-être de la part de concurrents jaloux de ses succès, de lecteurs mécontents de son travail peu soigné293, d’autres courtisans qui l’accusèrent d’utiliser son activité de libraire pour favoriser l’avancement de sa carrière auprès du pape, voire d’ennemis de sa laudatio de la figure pontificale. C’est la dernière interprétation que propose Paolo Farenga dans son étude des préfaces de Jean-Philippe de Lignamine294. Il montre que le texte incipitaire n’a pas seulement pour fonction d’expliciter les choix éditoriaux du libraire, mais qu’il sert aussi à promouvoir l’action du souverain pontife, attitude qui n’est plus celle de l’imprimeur, mais de l’homme de cour. La figure de Sixte IV est en effet généralement au centre des préfaces des ouvrages édités par Jean-Philippe de Lignamine295, et celle du De conservatione sanitatis ne manque pas d’y faire référence. Pourtant, d’après Paolo Farenga, la sanctitas pontificale telle qu’elle est formulée par le discours apologétique du libraire a quelque chose de conventionnel et de compassé qui trahit le courtisan. En tout état de cause, les difficultés passagères rencontrées par Jean-Philippe de Lignamine expliquent sans doute le besoin de s’en remettre à la benevolentia pontificale en adressant au pape un traité296, qui plus est utile. Dans ses choix professionnels, la publication d’un régime inédit est une nouveauté. Est-elle liée à des problèmes de concurrence qui conduisent l’entrepreneur à aborder un nouveau domaine encore peu exploité par ses adversaires297 ? Dans ce cas, l’expérience sera de courte durée car, à l’exception du traité sur les venins de Pietro d’Abano originellement dédié au pape Boniface VIII, le libraire sicilien n’a fait paraître aucun autre ouvrage à teneur médicale. En éditant Benedetto Reguardati, il fait le choix, sans doute moins risqué financièrement, d’un ouvrage récent298, dont l’auteur bénéficie d’une grande renommée à travers toute l’Italie et notamment à la cour pontificale, où il séjourna comme ambassadeur du duc de Milan, Francesco Sforza299. En s’adressant à Sixte IV, son protecteur, Jean-Philippe de Lignamine choisit aussi un homme de lettres, épris de manuscrits et de livres, fondateur de la bibliothèque pontificale. Au-delà de la personnalité du souverain pontife émerge tout un milieu de cour300 qui, déjà dans le passé, s’était montré particulièrement réceptif à la littérature diététique et aux moyens de préserver la santé corporelle. L’éditeur y entretenait des relations301, peut-être aussi avec Bartolomeo Platina, premier curateur de la Vaticane et surtout auteur du De honesta voluptate ac valetudine, pendant hédoniste et culinaire des régimes de santé. La parution du Libellus de conservatione sanitatis ne serait-elle pas la réponse médicale d’un libraire, protégé du pape, à la publication entre 1473 et 1475 (ou plus tôt)302 du De honesta voluptate ac valetudine chez un éditeur romain sans doute concurrent, Ulrich Han303 ? Ce choix fut en tous cas judicieux, à en juger par les dix éditions dont il fit l’objet, dont huit pour la seule ville de Rome, chez différents libraires typographes304, car à cette époque le concept de propriété éditoriale n’existait pas véritablement.
CONCLUSION DE LA QUATRIÈME PARTIE
109À la fin du Moyen Âge, le régime de santé a manifestement sa place dans le concert des œuvres médicales destinées à un usage pratique. Le plus souvent diffusé parmi d’autres textes scientifiques, il est manifestement perçu par ceux qui en commandent les copies comme un traité à caractère médical, a fortiori quand il est en latin. Il fait l’objet d’un intérêt jamais démenti, où le non-renouvellement du genre à certaines périodes est compensé par la diffusion de textes anciens toujours recopiés. Mieux, la production manuscrite des traités est en augmentation constante entre le xiiie et le xve siècle ; elle connaît même une accélération notable au xve siècle, étant entendu qu’elle n’a pas l’exclusive de cette évolution. L’ample diffusion géographique dont bénéficiaient les textes, par le canal des nouvelles universités créées dans l’Est de l’Europe ou par le biais d’étudiants anglais, allemands ou polonais formés à Bologne, Padoue ou Paris, a suscité l’intérêt d’un public plus large et explique en grande partie la croissance constatée pour le dernier siècle du Moyen Âge. La diffusion par l’imprimé fut plus chaotique et tardive, le texte diététique n’ayant pas constitué un sujet des plus prisés au moment de la naissance du livre moderne.
110Reconnu comme domaine à part entière de la pratique médicale, l’enseignement diététique tourné vers la conservation de la santé bénéficie donc de son propre canal d’expression qui résulte à la fois de la diffusion d’un savoir théorique venu des sphères universitaires et de la demande de conseils préventifs exprimés par un public toujours plus large.
Notes de bas de page
1 Voir l’inventaire 1 qui exclut les traductions latines d’ouvrages diététiques arabes et grecs. L’inventaire 4 fournit une liste des codices des Diètes universelles et particulières d’Isaac et de leurs commentaires qui a pu être élaborée sur la base d’un dépouillement de catalogues.
2 L’inventaire 2, volontairement limité aux idiomes italiens et français, ne décompte pas les versions italiennes du Livre de physique d’Aldebrandin de Sienne qui, en revanche, figurent dans l’inventaire 3.
3 Voir notamment d’E. Ornato, La face cachée du livre médiéval. L’histoire du livre, Rome, 1997 (I libri di Viella, 10), qui rassemble une série d’articles publiés par E. Ornato et ses proches collaborateurs, parmi lesquels C. Bozzolo, D. Muzerelle et D. Coq ; l’étude pionnière d’E. Ornato et C. Bozzolo, Pour une histoire du livre manuscrit au Moyen Âge. Trois essais de codicologie quantitative, Paris, 1983. Plus récemment, le recueil d’articles de P. Busonero, M.A. Casagrande Mazzoli, L. Devoti et E. Ornato, La fabbrica del codice. Materiali per la storia del libro nel tardo medioevo, Rome, 1999 (I libri di Viella, 14).
4 Je ne reviens pas ici sur l’expression « livre manuscrit » en grande partie empruntée aux travaux d’E. Ornato et C. Bozzolo précédemment cités.
5 E. Ornato, « La codicologie quantitative, outil privilégié de l’histoire du livre médiéval », dans La face cachée du livre... cit., p. 41-66.
6 Sur le problème des manuscrits composites qui rassemblent des ouvrages scientifiques, voir L. Thorndike, « The Problem of the Composite Manuscripts », dans Miscellanea Giovanni Mercati, t. VI, Cité du Vatican, 1946, p. 93-104 (Studi e Testi, 126).
7 Entendons par ce terme un cahier ou un ensemble de cahiers qui forment un livret, copiés par une même main, ou dont l’unité est scandée par un même rubricateur ou par une mise en page semblable.
8 On retiendra pour critère de cette « coloration » le nombre de textes rassemblés pour chaque catégorie et le taux d’occupation des feuillets. Il est cependant parfois difficile de définir précisément la teneur d’ensemble d’un codex.
9 Cf. L. Schuba, Die medizinische Fakultät im 15. Jahrhundert. Sechshundert Jahre Ruprecht-Karl-Univ.-Heidelberg 1380-1980, vol. 1, sous la dir. de W. Doerr, Heidelberg, 1985, p. 162-187 et id., Die medizinischen Handschriften der Codices Palatini Latini in der Vatikanischen Bibliothek, Wiesbaden, 1981.
10 Voir par exemple ce qui a été dit de l’un des régimes de Maino de Maineri, du Collectorium totius medicine de Niccolò Bertruccio voire de la Summa de conservatione sanitatis de Filippo d’Arezzo, supra chap. VI, p. 232-236, 242-257.
11 Cf. S. A. J. Moorat, Catalogue of Western Manuscripts, Londres, 1962, p. 110-112 et inventaire 1 no 201.
12 Plusieurs documents relatifs à l’Université attestent sa présence. Cf. « Acta Graduum Academicorum Gymnasii Patavini ab Anno 1461 ad Annum 1470 », sous la dir. de G. Pengo, Padoue, 1992, no 344, p. 130 (19 juin 1464), no 423, p. 165 (5 mai 1465), no 425, p. 166 (9 mai 1465), no 595 p. 240-241 (14 mars 1467).
13 R. H. Robbins, « Medical Manuscripts in Middle English », Speculum, 45 (1970), p. 393-415.
14 Amplonius Ratinck (1363-1435), professeur de médecine à la faculté de Cologne, justifie cette absence par le fait qu’il dispose ailleurs d’une copie du texte du régime : Nota preter istos libros adhuc quosdam alios composuit, videlicet Lilium et librum de conservatione sanitatis, quos alibi habeo (Erfurt, Wissenschaftliche Bibliothek der Stadt, ms Amplon. F 237, f. 115v).
15 À côté du Lilium medicine (ff. 1-120v) ont été copiés d’autres œuvres de Bernard de Gordon, la Tabula ingeniorum curationis morborum (ff. 121r-123r), les commentaires aux De regimine acutarum (ff. 123v-125v), le De pronosticis (ff. 126r-144v) ainsi que trois parties du De conservatione vite humane, le De phlebotomia (ff. 145r-158r), le De urinis (ff. 158v-180r) et le De pulsu (ff. 180v-186v). Une même main italienne, de la fin du xive siècle, est responsable de l’ensemble. Cf. inventaire 1 no 290.
16 Cf. inventaire 1 no 296. Il en est de même par exemple pour le Pal. lat. 1304 où les Flores dietarum du pseudo-Jean de Saint-Paul sont entourées par le traité gynécologique attribué à Trotula, par le De quatuor humoribus d’Alfanus de Salerne, par le De urinis de Bartholomeus de Salerne, ou encore par celui de Johannes Platearius (cf. inventaire 1 no 74).
17 Cf. inventaire 1 no 185.
18 Rappelons en effet que dans les conceptions médiévales, la médecine pratique se partage en trois branches : diaeta, potio et chirurgia.
19 À la différence de leurs prédécesseurs qui mettaient l’accent sur le caractère artisanal de la chirurgie, Guillaume de Salicet insiste sur l’appartenance de la chirurgie à l’ars medica et sur sa complémentarité avec les autres disciplines. Pour un panorama de la chirurgie de l’Antiquité et du Moyen Âge, voir M. R. McVaugh « Stratégies thérapeutiques : la chirurgie », dans Histoire de la pensée médicale en Occident, vol. 1 : Antiquité et Moyen Âge, sous la dir. de M. D. Grmek, Paris, 1993, p. 228-255 et du même auteur le récent volume sur The Rational Surgery of the Middle Ages, Florence, 2006 (Micrologus’ Library, 15).
20 Voici la table des matières de ce manuscrit : Modus medendi m. Ricardi / Modus medendi m[agistri] Gerardi / Summula super Antidotarium Nicolai / Summa Platearii de urinis / Secretum Yporatis cum aliis / De ornatu faciei / De conferentibus et nocentibus per magistrum Ricardum / Egidius De urinis / Tractatus de eductione sanguinis per flebotomiam / Tractatus de regimine sanitatis / Synonyma medicinalia tripliciter / Tractatus de venenis / Practica Platearii / Macer De viribus herbarum / Epistola ad Alexandrum / Platearius De simplicibus medicine cum tabula / Afforismi magistri Arnaldi de Villa Nova / Afforismi Johannis Damasceni / Cure febrium per magistrum Johannem Stephani / Flores dietarum / Speculum medicine / De flebotomia et de ventosiis per magistrum Maurum (Londres, B.L., Sloane 420, f. 1r).
21 Les éléments biographiques relatifs à Roger Marshall sont extraits de A. B. Emden, A Biographical Register of the University of Cambridge to 1500, Cambridge, 1963, p. 392-393 et 679 et de C. H. Talbot et E. A. Hammond, The Medical Practitioners in Medieval England. A Biographical Register, Londres, 1965, p. 314-315.
22 Cf. inventaire 1 no 209.
23 De cet auteur mal connu, même si certains manuscrits le désignent comme montpelliérain, on a conservé de très nombreux manuscrits, non seulement de son traité sur les urines, mais également de ses autres traités médicaux à consonance essentiellement pratique : un De pulsibus, des Glossule super versus Egidii (commentaire aux Carmina de urinis de Gilles de Corbeil), une Summa medicinalis et une Dosis medicinarum. Pour une liste des manuscrits et une notice biographique, voir Wickersheimer, Dictionnaire, vol. 1, p. 170-172 et Jacquart, Supplément, p. 80-81. Le traité sur les urines a été édité par J. Pfeffer, Das « Compendium urinarum » des Gualterus Agulinus, Berlin, 1891.
24 Son œuvre a manifestement bénéficié d’une importante diffusion en Europe centrale et en Allemagne : L. Thorndike et P. Kibre recensent trois manuscrits (Th.-K., 1131) auxquels s’ajoutent les codices de la Wellcome Library (ms 16 et 549), de Nuremberg (Germanische Nationalmuseums, ms 24347) et de Stuttgart (Württembergische Landsbibliothek, HB XI 16).
25 Ainsi pour ce qui concerne le corpus de quatre-vingt dix-huit manuscrits, peut-on citer par exemple les manuscrits 544, 550, 536 et 547 de la Wellcome Library et le Reg. lat. 1159 de la B.A.V.
26 Voir sur le sujet, J. Agrimi et C. Crisciani, Les « consilia » médicaux, Turnhout, 1994 (Typologie des Sources du Moyen Âge occidental, fasc. 69).
27 Il existe à la Staatsbibliothek de Munich des manuscrits de ce type ; ainsi les 201 feuillets du Clm 207 regroupent les consilia d’Antonio Cermisone, le Clm 77 ceux de Mondino de’ Liuzzi et de Gentile da Foligno, tandis que le Clm 441 contient ceux de Gerardus Bolderius de Vérone, de Hieronymus de Vallibus, d’Alessandro Sermoneta. Dans ce dernier codex, ont également été copiés le traité De peste d’Hermann Schedel adressé à l’évêque d’Eichstätt, le Regimen preservativum a pestilentia composé en allemand par Johannes Lochner et un Regimen pro iter agentibus in mari.
28 Cf. inventaire 1 no 345.
29 À une liste similaire à celle du manuscrit de Parme, s’ajoutent en effet un conseil de maître Thomas sur les venins, un autre d’un magister Jacopus sur la goutte et la pierre, un traité sur la podagre, deux sur les passions de l’âme (dont l’un d’Albert de Bologne) et des recettes. Ce manuscrit est d’origine italienne, copié par différentes mains du xve siècle. Cf. C. R. Borland, Catalogue of the Western Medieval Manuscripts in Edinburgh University Library, Édimbourg, 1916, p. 259-261 et inventaire 1 no 107.
30 D. Jacquart, « L’influence des astres sur le corps humain chez Pietro d’Abano », dans Le corps et ses énigmes au Moyen Âge, actes du colloque d’Orléans, 15-16 mai 1992, sous la dir. de B. Ribémont, Caen, 1993, p. 73-86.
31 Sur l’astrologie médicale, voir R. French, « Astrology in Medical Practice », dans Practical Medecine from Salerno to the Black Death, éd. L. García Ballester, R. French, J. Arrizabalaga et A. Cunningham, Cambridge, 1994, p. 30-59. Voir aussi O. Pedersen, « Astrology », dans Science in the Middle Ages, éd. D. C. Lindberg, Chicago, 1978, p. 303-337 et surtout N. Weill-Parot, Les « images astrologiques » au Moyen Âge et à la Renaissance. Spéculations intellectuelles et pratiques magiques (xiie-xve siècle), Paris, 2002 (Sciences, techniques et civilisations, du Moyen Âge à l’aube des lumières, 6), en part. chap. 8 et 9. Sur l’utilisation faite par les médecins du nouvel Aristote, voir A. Birkenmajer, Le rôle joué par les médecins et les naturalistes dans la réception d’Aristote au xiie et xiiie siècle, Varsovie, 1930.
32 Ce texte ne fut pas traduit en latin.
33 Voir sur la position d’Avicenne, D. Jacquart, « Médecine et astrologie à Paris dans la première moitié du xive siècle », dans Filosofia, scienza e astrologia nel Trecento europeo, éd. G. Federici Vescovini et F. Barocelli, Padoue, 1992, p. 121-134.
34 Voir Pietro d’Abano, Conciliator, differentia 7, Mantoue, 1472. Au contraire, le praticien de Padoue († 1316) fait de l’astrologie la première science et la plus sûre. Sur les positions défendues dans le Conciliator et le Lucidator, deux traités de Pietro d’Abano, voir D. Jacquart, « L’influence des astres... », art. cit. et G. Federici Vescovini, « Peter of Abano and Astrology », dans Astrology, Science and Society, Woodbridge, 1987, p. 31-39. Sur Pietro d’Abano lui-même, voir E. Paschetto, Pietro d’Abano medico e filosofo, Florence, 1984. Avant lui, Roger Bacon regrettait le manque d’intérêt des médecins pour l’astrologie : 4us defectus est quod celestia [medici] non considerant, a quibus tota alteratio corporum inferiorum dependet ; et medicine laxative et flebotomie et alie evacuationes et constrictiones et totum regimen artis medicine stant in consideratione alterationis aeris per virtutes celorum et stellarum. Unde medicus, qui nescit considerare loca planetarum et aspectus eorum, nichil potest facere in operibus medicine, nisi a casu et fortuna (Roger Bacon, « De erroribus medicorum », dans « Opera hactenus inedita », éd. A. G. Little et E. Withington, vol. 9, Oxford, 1928, p. 154). Cité et traduit par D. Jacquart, « La scolastique médicale », dans Histoire de la pensée médicale... cit., p. 205. On pourrait également évoquer les positions d’Arnaud de Villeneuve qui reconnaît l’astrologie comme partie prenante de la pratique médicale.
35 Le traité de médecine astrologique attribué à Hippocrate fut notamment traduit par Pietro d’Abano. Cf. L. Thorndike, « The Three Latin Translations of the Pseudo-Hippocratic Tract on Astrological Medicine », Janus, 49 (1960), p. 104-129.
36 Édité dans les « Claudii Galeni Opera Omnia », éd. C. G. Kühn, t. IX, Leipzig, 1825. Cf. le livre III.
37 Sur la saignée, voir l’article de P. Gil Sotres, « Derivation and Revulsion : the Theory and Practice of medieval Phlebotomy », dans Practical Medicine from Salerno... cit., p. 110-155 ; sur les causes et le traitement de la peste, voir notamment J. Arrizabalaga, « Facing the Black Death : Perceptions and Reactions of University Medical Practitioners », ibid., p. 237-288.
38 Voir notamment les critiques émises par Nicolas Oresme à l’encontre de l’astrologie : S. Caroti, « Nicole Oresme, Quaestio contra divinatores horoscopios », Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge, 43 (1976), p. 201-310, et les positions de Jacques Despars sur le sujet : D. Jacquart, « Theory, Everyday Practice, and Three Fifteenth-Century Physicians », Osiris, 6 (1990), p. 140-160. Cf. aussi N. Weill-Parot, Les « images astrologiques » au Moyen Âge et à la Renaissance... cit., p. 555-570.
39 Voir par exemple les codices Sloane 390 (xve s.) ou Sloane 3566 de la British Library, qui contiennent des tables des mouvements des planètes et des tables du zodiaque, ou le Barb. lat. 311 de la B.A.V., qui rassemble plusieurs traités diététiques en langues latine et vernaculaires (catalan et provençal), ainsi que des tables astronomiques. Cf. inventaire 1 no 182, 54.
40 Ce codex dont les traités sont agrémentés de dessins (notamment de localisations des affections sur le corps de l’homme et de la femme) est daté du xve siècle.
41 Les deux passages ont été identifiés par E. Poulle, « L’astrolabe médiéval d’après les manuscrits de la Bibliothèque nationale », B.E.C., 112 (1954), p. 81-103, plus particulièrement p. 101. Les traités diététiques en question sont respectivement le Libellus de conservatione sanitatis de Jean de Tolède et le Secret des secrets qu’un des possesseurs du manuscrit, Aimar de Ranconet au xvie siècle – et à sa suite l’auteur du catalogue de 1744 – a identifié à la Summa de conservanda sanitate de Petrus Hispanus.
42 Voir E. S. Kennedy et D. Pingree, The Astrological History of Māshā’allāh, Cambridge Mass., 1971.
43 Attribuée à Ptolémée, cette œuvre serait, d’après Richard Lemay, celle d’un savant égyptien du xe siècle, Ahmad ibn Yūsuf. Elle aurait eu un fort succès en Occident, notamment à partir du xive siècle, époque où elle aurait été étudiée à l’université dans le cadre du quadrivium. Cf. R. Lemay, « Origin and Success of the Kitāb Thamara of Abū Ja’far Ahmad ibn Yūsuf ibn Ibrahim from the Tenth to the Seventeenth Century in the World of Islam and Latin West », dans Proceedings of the first International Symposium of Arabic Science (April 5-12, 1976), vol. 2, Alep, 1978, p. 91-107.
44 Le Liber introductorius écrit vers 948-949 est une introduction à la science de l’horoscope des naissances. Il a été traduit par Jean de Séville en 1144 et plusieurs fois commenté. Cf. D. Pingree, « Al-Qabīṣī, Abū al-Ṣaqr ῾abd al-῾Asīz ibn ῾Uthmān ibn ῾Alī », dans D.S.B., vol. 11-12, p. 226.
45 F. Sezgin, Geschichte des arabischen Schrifttums, vol. 7, Leyde, 1979, p. 139-151. Sur l’influence d’Albumasar en Occident, voir R. Lemay, Abū Ma῾shar and Latin Aristotelianism in the Twelfth Century, Beyrouth, 1962.
46 Sur ce médecin formé à Louvain, astrologue de Marie d’Anjou, de Charles VII puis de Louis XI, mort à Paris en 1466 lors d’une épidémie de peste, voir Wickersheimer, Dictionnaire, vol. 1, p. 52. Voir aussi M. Préaud, Les astrologues à la fin du Moyen Âge, Paris, 1984, p. 34 et la notice que lui consacre Simon de Phares dans Le Recueil des plus célèbres astrologues, éd. J.-P. Boudet, t. I, Paris, 1997, p. 57.
47 Cf. L. Thorndike, A History of Magic... cit., vol. 4, p. 436-437.
48 Sur les horoscopes dans le monde arabe et occidental, J. North, Horoscope and History, Londres, 1986 (Warburg Institute. Surveys and Texts 13). Voir également pour quelques cas spécifiques, l’article d’E. Poulle, « Les horoscopes princiers des xive-xve siècles », Bulletin de la Société nationale des antiquaires de France, 1969, séance du 12 février, p. 63-77.
49 Terme qui désigne un genre de littérature ésotérique en vogue au Moyen Âge et qui peut rassembler aussi bien des recettes médicales et culinaires, des formules magiques, des experimenta, que les propriétés des plantes et des secrets alchimiques. Sur cette littérature, on peut consulter l’ouvrage de W. Eamon, Science and the Secrets of Nature. Books of Secrets in Medieval and Early Modern Literature, Princeton, 1994, dont les deux premiers chapitres sont consacrés à la tradition de la littérature hermétique de l’Antiquité et du monde arabe au Moyen Âge.
50 On trouve aussi dans le Pal. lat. 1205 de la Bibliothèque Apostolique Vaticane, copié dans la seconde moitié du xve siècle, en étroite association médecine pratique (tournée vers la thérapie et la prévention, puisqu’y figure le régime d’Arnold de Bamberg) et secrets.
51 S. Williams, « Secret of Secrets ». The Scholarly Career of a Pseudo-Aristotelian Text in the Latin Middle Ages, Ann Arbor, 2003.
52 Deux mains se distinguent nettement : une cursive gothique et une textualis. Les autres parties du codex sont du xve siècle (Italie), pour les ff. 1ra-32vb, et de 1427 (Allemagne) pour les ff. 33r-116vb. Pour une nomenclature des écritures médiévales, J. Kirchner, « Scriptura gothica libraria. A saeculo xii usque ad finem Medii Aevii. LXXXVII imaginibus illustrata », Munich et Vienne, 1966.
53 Le texte de Daniel de Morley a été édité par K. Sudhoff, « Daniels von Morley Liber de Naturis Inferiorum et Superiorum », Archiv für Geschichte der Naturwissenschaften und der Technik, 8 (1918), p. 1-40. Voir également L. Thorndike, A History of Magic and Experimental Science, vol. 2, New York, 1923, p. 171-181 ; R. W. Hunt, « English Learning in the Late Twelfth Century », dans R. W. Southern, Essays in Medieval History, Londres et New York, 1968, p. 106-128 et B. Stock, Myth and Science in the Twelfth Century. A study of Bernard Sylvester, Princeton, 1972.
54 Cf. inventaire 1 no 76.
55 Le texte a été édité par E. H. Rebouis dans Études historiques et critiques sur la Peste, Paris, 1888, p. 70-145.
56 D. Jacquart, « La scolastique médicale », art. cit., p. 205.
57 Voir sur le sujet, F. Simoni, Maino de Maineri ed il suo « Libellus de preservatione ab epydemia », Modène, 1923. Le texte fut écrit en 1360 à l’occasion d’une résurgence épidémique.
58 Cf. inventaire 1 no 62.
59 Des rudiments d’astrologie étaient enseignés aux futurs médecins à la faculté des arts.
60 Ainsi par exemple les manuscrits suivants : B.A.V., Pal. lat. 1083, Pal. lat. 1174, Pal. lat. 1180, Reg. lat. 1159 ; Londres, B.L., Sloane 334, Sloane 512 ; Wellcome Library, ms 167 ; Oxford, Bodleian Library, Canon, misc. 411, Digby 43. Cf. inventaire 1 no 59, 62, 64, 79, 180, 187, 201, 290, 293. Le lat. 14732 de la B.n.F. de Paris associe deux ouvrages d’Arnaud de Villeneuve, le Speculum medicine d’une part (ff. 1ra-69va) et le Regimen sanitatis, de l’autre (ff. 71ra-86vb), copiés sur des cahiers séparés à des époques différentes ; le traité diététique date du second quart du xive siècle alors qu’à la fin du Speculum, le copiste a ajouté un colophon : explicit Speculum... completum 29 ianuarii 1412 (f. 69r). Ces deux ensembles protégés par leur reliure originale en peau blanche sur ais de bois (avec la trace de fermoirs aujourd’hui disparus) ont été reliés au xve siècle sans doute par les soins des prieurs de Saint-Victor qui ont apposé leurs armes et leur nom au premier folio. Peut-être, pour des raisons aussi bien de conservation et que de logique, a-t-on choisi le Regimen, texte bref, pour le relier avec le long Speculum. Cf. inventaire 1 no 330.
61 Cf. inventaire 1 no 341.
62 Sur le feuillet 1ra-b est copiée la fin d’une Practica quadrantis.
63 La majeure partie du manuscrit est occupée par un Algorismus completus sub compendio a magistro Johanne de Sacro Bosco (ff. 1va-4va) ; y figure aussi un Sermo de sancta Katerina que composa le frère mineur Thomas de Stanshawe d’Oxford (ff. 5va-6r). D’une autre main ont été copiés au xve siècle deux poèmes religieux très courts (f. 6v). Cf. inventaire 1 no 283.
64 Simon Yslip fut archevêque de Cantorbéry d’août 1349 à sa mort en avril 1366. Il est l’auteur de conseils au prince. Cf. J. Moisant, « De speculo regis Edwardi III seu Tractatus quem de mala administratione conscrisit Simon Islip », Paris, 1891 (thèse de la faculté des lettres de Paris). Cf. inventaire 1 no 287.
65 L’incipit du texte : Circa regimine cadunt septem considerationes...
66 Le régime est donc copié aux folios 44r-47r. Il est entièrement écrit à la deuxième personne.
67 L’ouvrage fut composé entre 1254 et 1258. Cf. Le Conseil de Pierre de Fontaines, éd. A. Marnier, Paris, 1846. Sur l’auteur de ce Conseil, voir Q. Griffiths, « Les origines et la carrière de Pierre de Fontaines », Revue historique de droit français et étranger, 1970, p. 544-567. P. Petot, « Pierre de Fontaines et le droit romain », dans Études d’histoire du droit. Mélanges Gabriel Le Bras, t. II, Paris, 1965, p. 955-964.
68 « Au commencement de ce livre si dirons... » (Cité du Vatican, B.A.V., Reg. lat. 1451, f. 2v). Seul a été copié le début du texte d’Aldebrandin, dans sa version A (c’est-à-dire accompagnée du prologue postiche), aux folios 2v et 3r. De même, le n.a.fr. 1104 de la B.n.F. où figure un fragment du traité (ff. 84-85) ; il n’en reste qu’un feuillet double, d’une main du xiiie siècle, inséré dans un cahier qui rapporte un commentaire latin sur le livre de Job, cahier lui-même ajouté à la fin d’un volume du xiiie siècle qui contient les Lais de Marie de France et des lais anonymes.
69 Le texte d’Aldebrandin de Sienne est en effet précédé de cette remarque : « l’escripture qui est ici escripte par desouz est i. libre de fisique. Et l’autre escripte par desuz est i. livre de droit » (ibid.).
70 « L’auteur de ce livre se nomme en ung aultre viel exemplaire Pierre de Fontaines, lequel comme je croi vivoit du temps du roy Loys IXe et est celuy duquel le Sire de Lomulle escript ainsy en la vie dudit roy, chap. dernier : aucune fois il commandoit a Monsieur Pierre de Fontaines et a Monsieur Geoffroy de Vilette d’ouir les parties et de leur faire droict. Il parle aussi des croisez et des sarrazins » (B.A.V., Reg. lat. 1451, f. iiv).
71 Cf. inventaire 1 no 85. Éditions partielles : A. Patrizi, « De legatione Germanica », dans M. Freher et B. G. Struve, « Germanicarum Rerum scriptores varii », vol. 2, Strasbourg, 1637, p. 288-292. Voir aussi H. Kramer, « Agostino Patrizis Beschreibung der Riese des Cardinallegaten Francesco Piccolomini zum Christentag in Regensburg 1471 », dans Festschrift zur Feier des zweihunderjährigen Bestandes des Haus-, Hof, und Staatsarchives, sous la dir. de L. Santifaller, vol. 1, Vienne, 1949, p. 549-565. Édition d’une partie du voyage (jusqu’à Volargne), dans « G. Ammannati Piccolomini, Epistolae et commentarii », Milan, apud A. Minutianum, 1506, ff. aa i r-[aa iii]v.
72 Sur la personnalité d’Agostino Patrizi et sur sa bibliothèque, voir R. Avesani, « La biblioteca di Agostino Patrizi Piccolomini », dans Mélanges Eugène Tisserant, vol. 6, Cité du Vatican, 1964, p. 1-87, spéc. p. 68-70 (Studi e Testi, 236).
73 1471 marque la date de la légation pontificale auprès de l’empereur (pour la réunion de la diète de Ratisbonne), dirigée par le cardinal Francesco Tedeschini Piccolomini qu’accompagnait Agostino Patrizi. Au début de la chronique, on peut d’ailleurs lire la date : vale Rome noni Januariis anno salutis Mo CCCCo LXXI (B.A.V., Vat. lat. 3842, f. 22v). Figurent surtout des annotations marginales de Patrizi qui corrige son texte.
74 Il s’agit d’un huchet horizontal qui se rapproche des modèles italiens (Briquet, no 7833-7835 et plus particulièrement du no 7834) qu’on trouve attesté à Rome en 1470.
75 Completus fuit ad b ( ?) officium buletarum per me die 26 septembris hore 20 1411 (Milan, Biblioteca Ambrosiana, ms S 67 SUP., f. 257r).
76 Explicit expliciat sed nescio si sit completum sed unum scio quem finem compositum (ibid.).
77 Cf. inventaire 1 no 232.
78 G. Albini, Guerra, fame, peste : crisi di mortalità e sistema sanitario nella Lombardia tardomedievale, Bologne, 1982 (Studi e testi di storia medioevale, 3).
79 Milan, Biblioteca Ambrosiana, ms N 95 SUP., f. Ir-IVv. Cf. inventaire 1 no 230.
80 Iste liber est Johannis de Cigniardis. Mccccxxx indictione octava die Sabati decimoseptimo junii (f. 206v) ; Yhesus. Iste liber est mei Johanis de Cigniardis filii quondam domini Pauli Porte Cumane Mediolani parochie Sancti Marcelini civitatis Mediolani et perfectum in mccccxxxiii indictione undecima (sur dos du parchemin).
81 Ainsi le témoin de Londres, B.L., Sloane 1611 ou le manuscrit de l’Arsenal, ms 2059.
82 Dans le manuscrit de la B.A.V., Pal. lat. 1967 daté du début du xive siècle, le Livre de Physique est suivi par un roman en prose, La Mort le roi Artu, fruit du travail d’un autre copiste (cf. K. Christ, Die alterfranzösischen Handschriften der Palatina, Leipzig, 1916, p. 62-64). Cf. aussi le manuscrit de Zagreb, Bibliothèque métropolitaine, M.R.92 (avant 1274).
83 Ainsi pour deux des manuscrits de la B.n.F., fr. 1444 et fr. 1109, où il est le seul élément médical.
84 Ainsi dans le manuscrit médico-astrologique conservé à la Murhardschen Bibliothek de Kassel (4o Ms. med. 1), figurent un texte de Guillaume Machaut et le Viandier de Guillaume Tirel dit Taillevent. Sur ce dernier texte, voir B. Laurioux, Le règne de Taillevent. Livres et pratiques culinaires à la fin du Moyen Âge, Paris, 1996, p. 87-116.
85 Il s’agit des manuscrits suivants : Bruxelles, Bibliothèque royale Albert Ier, ms 1110-1132 (déb. xve s.) ; Valenciennes, Bibliothèque municipale, ms 329 (xve s.) et B.A.V., Pal. lat. 1990 (fin xve s.).
86 B.A.V., Pal. lat. 1990, f. 1r.
87 Cf. inventaire 1 no 339.
88 T. Kaepelli o.p., « Scriptores Ordinis Praedicatorum Medii Aevi », vol. 2, Romae ad S. Sabinae, 1975, p. 304-307 et id., « Iacopo da Benevento O.P. », Archivio italiano per la storia della pietà, 1 (1951), p. 463-479.
89 T. Kaepelli o.p., « Scriptores »... cit., vol. 3, 1980, p. 114-123. A.-D. Von den Brincken, « Studien zur Überlieferung der Chronik des Martin von Troppau », Deustsche Archiv für Erforschung des Mittelalters, 41 (1985), p. 520. Cf. inventaire 1no 343.
90 Quatre filigranes ont pu être identifiés ; l’un représente (f. 161) un S vertical à deux traits. Il correspond aux numéros 9057 à 9061 de Briquet, qui sont des variétés d’origine italienne, en usage entre 1465 et 1513. Le deuxième est une croix grecque dans un cercle ; il s’agit aussi d’un filigrane italien (no 5572 à 5577) et il ressemble plus précisément au numéro 5574 attesté à Perpignan, Venise et Naples (entre 1447 et 1465). Le troisième représente un huchet dont l’axe de suspension suit celui des pontuseaux. Il appartient au groupe italien des 7680-7688 de Briquet, attesté à Florence, Gênes, Padoue et Venise entre 1413 et 1427. Le dernier filigrane appartient au cahier où le texte de Jean de Tolède est copié. Il représente un bœuf, dont la queue a trois bouts. Il s’agirait donc des no 2772-2776 de Briquet, dont la tête est disproportionnée par rapport au reste du corps. Ce groupe a été très répandu ; la variante 2776 qui est la plus approchante a été répertoriée en divers endroits (Poitiers, Angers, Grenoble, mais aussi en Bavière, à Clermont-Ferrand ou encore à Mayence, entre 1436 et 1462). En fonction de l’écriture, une cursive de type bâtard, je pencherais pour une origine plutôt allemande. Pour les nomenclatures des écritures, voir J. Kirchner, « Scriptura gothica libraria »... cit.
91 Seuls les folios 99r (pour partie) et 99ra sont du xvie siècle. Deux colophons de copistes scandent ce codex ; au folio 179r, on peut ainsi lire : explicit prologus cum vita sua Sancti Silvestri pape anno domini MCCCCXXX quarto. Scriptum per manum Andree Zeeburgentis etc. Au folio 276r, il est écrit : Ruffi Sexti Viri consularis rerum populi ro[mani] gestarum Valentiano Augusto liber explicit. Deo gratias. Amen. Anno 1433 die septembris Basilee (B.A.V., Vat. lat. 939). Les bénédictins de Bouveret donnent pour le nom d’Andrea Zeeburgensis cette seule occurrence (Bouveret, I, p. 105). Cf. inventaire 1 no 83.
92 Au folio 17r, on peut lire : Istum librum habuit Johannes Gera. Plus loin, le même possesseur ajoute : Ego Johannes Gera habui librum istum per ieiunium Anno domini millesimo quadringentesimo XXX quinto scriptum inventione sancti crucis. AMEN. Tunc temporis sancti sub anno subscripto erant guerre (sic) et lites ante Hallis et Magdeburgenses. Et etiam in eodem tempore erant tempora valde cara et ita quod per totum mundum erat fames. Scriptum per me Johannem Gera (Wellcome Library, ms 504, f. 137v). Je n’ai pu identifier le personnage. Cf. inventaire 1no 203.
93 En réalité, le texte de Benedetto Reguardati est incomplet. Au premier cahier, un quaternion, manque un folio. Le foliotage du xvie siècle commence au folio 1 et un possesseur a ajouté au début du premier feuillet le titre : de sanitatis conservatione per Benedictum de Nursia.
94 Cf. inventaire 1 no 58.
95 Completus Salustrius in Catellina anno domini 1453 mensis februarii die ultime prime colectam Leopardum (B.A.V., Reg. lat. 602, f. 27r). Cf. inventaire 1 no 78.
96 Briquet, no 3757 à 3768, papier de provenance italienne, attesté entre 1332 et 1487. Le manuscrit est manifestement incomplet, le foliotage de la fin du xve ou du début du xvie siècle débutant au folio 13.
97 Sur la carrière de ce médecin, G. Deffenu, Benedetto Reguardati, medico e diplomatico di Francesco Sforza, Milan, 1955 et F. M. De’Reguardati, Benedetto de’ Reguardati da Norcia « medicus tota Italia celeberrimus », Trieste, 1977.
98 Cf. inventaire 1 no 90.
99 Le copiste ne fournit qu’un titre : tractatus primus de conservanda sanitate cuius capitulum primum est prœmiale ad totum librum et est de intento, causa intenti et de modo procedendi in ipso (B.A.V., Vat. lat. 6266, f. 75r).
100 Libellus de sanitatis conservacione ad Nicolaum summum pontificem quintum. Et per Antonium Montagnam presentem exhibitorem hucusque conservatus pro tua Reverendissima Dominatione conservatione, clementie cuius toto corde humiliter se comendat (B.A.V., Vat. lat. 6266).
101 Ibid., f. 1r. La dédicace est encore plus explicite dans le manuscrit oxonien de la Bodleian Library, Digby 111 où l’explicit se termine par : explicit pulcherrimum et utilissimum opus ad sanitatis conservationem, editum ex viro artium et medicine professore, magistro Benedicto de Nursia tunc serenissimi ac potentis ducis Mediolani medico. Ad sanctissimum in Christo patrem et dominum nostrum divinum. N[icolaum] divina providencia summum pontificem (f. 65v).
102 Cf. inventaire 1 no 71.
103 Voir la description dans l’inventaire des manuscrits. Voir aussi L. Schuba, Die medizinischen Handschriften... cit., p. 286-290.
104 Cf. L. Schuba, ibid., p. 376 et suiv.
105 Mattheus de Vérone fut l’un des examinateurs de Conrad Schelling pour son doctorat.
106 Ainsi la question : Utrum cibus subtilis preponendo sit grosso, qui est un classique de la littérature médicale.
107 « Acta graduum »... cit., no 326-327, p. 121-122 : cité comme vice-recteur de la faculté des arts pour un examen du 28 mai 1464. En février 1465, il est témoin d’un examen en droit canon ; il est encore qualifié de docteur en art (no 401, p. 154). Il est témoin de l’examen au doctorat de médecine d’Hermann Bulach le 9 mai 1465, au titre de docteur ès arts et d’étudiant en médecine (no 426, p. 166-167). Il devient à son tour docteur en médecine le 21 mai 1465 (no 431, p. 169).
108 P. Meyer, « Fr. 6935 », Bulletin de la Société des anciens textes français, 30 (1904), p. 37-56.
109 Édition du texte par A. Collet, « Traité d’hygiène de Thomas le Bourguignon (1296) », Romania, 112 (1991), p. 450-487.
110 Ce médecin savoyard est mort en 1301 après s’être retiré à Dijon. Cf. Wickersheimer, Dictionnaire, vol. 2, p. 761. L’auteur renvoie à une thèse de droit soutenue par J. Quesnel à Dijon en 1908, appendices 11 et 71, que je n’ai pu consulter.
111 A. Collet, « Traité d’hygiène... », art. cit., p. 466. Saint-Martin de Maubuisson, abbaye bénédictine appartenant au diocèse de Paris, est connue sous le nom de Sainte-Marie-la-Royale, adjectif que lui vient de ses origines. Ce couvent de femmes fut fondé en 1241 par la reine Blanche, mère de Saint Louis (Gallia Christiana, VII, 927).
112 Sur de mêmes principes, J. Agrimi et C. Crisciani ont étudié les recueils de consilia établis au xve siècle. Cf. J. Agrimi et C. Crisciani, Les « consilia » médicaux... cit.
113 Il n’existe en effet à ma connaissance qu’un manuscrit conservé pour chacune des œuvres diététiques de Bernardo Torni, dans le fonds Pluteus de la Biblioteca Medicea Laurenziana de Florence. Il s’agit du Plut. 73.34 pour le De sanitate tuenda et du Plut. 20.53 pour le De quadragesimalibus cibis.
114 La version « Roger male branche » est représentée par les manuscrits suivants : Besançon, Bibliothèque municipale, ms 463 (xve s.) ; B.A.V., Reg. lat. 1256 (xve s.) ; Londres, B.L., Sloane 2986 (fin xiiie / déb. xive s.) ; Berne, Burgerbibliothek, ms 385 (xiiie s.) ; Cambridge, University Library, Ii. 5.11 (xive s.) ; Venise, Biblioteca nazionale Marciana, Gall. App. X (déb. xive s.). La rédaction mixte est représentée par l’unique témoin de Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, ms 2814 (xive s.). Quant aux remaniements, ils sont transmis par les témoins de Londres, B.L., Add. 8863 (xve s.) et Royal 19 A V (xve s.). Au xve siècle, ont été ajoutés au texte du manuscrit de Cambridge, des recettes en français, anglais et latin.
115 Cf. Briquet, no 1043, 30 × 39r.
116 Ce manuscrit a été confectionné en Italie centrale dans le troisième quart du xve siècle. Cf. Codici e Incunaboli miniati della Biblioteca civica di Bergamo, sous la dir. de M.L. Gatti Perer, Bergame, 1989, p. 392.
117 T. Pesenti Marangon, « Michele Savonarola a Padova : l’ambiente, le opere, la cultura medica », Quaderni per la Storia dell’Università di Padova, 9-10 (1977), p. 45-103 et les actes du colloque à paraître sur Michele Savonarola. Medicina, etica e cultura di corte (Pavie, 11-12 novembre 2005).
118 Il est notamment l’auteur d’un De vera re publica et digna seculari militia et d’un Del felice progresso, œuvres à caractères plutôt aulistes et politiques. Sur ces aspects de son œuvre, voir C. Crisciani, « Historia ed exempla : storia e storie in alcuni testi di Michele Savonarola », dans Il Principe e la storia. Atti del convegno Scandiano 18-0 settembre 2003, éd. T. Matarrese et C. Montagnani, Novare, 2005, p. 53-68 (Studi Boiardeschi, 4).
119 Voir notamment C. Bozzolo et E. Ornato, « Les dimensions des feuillets dans les manuscrits français du Moyen Âge », dans Pour une histoire du livre manuscrit au Moyen Âge... cit., p. 216-357, et La face cachée... cit.
120 On pourrait par exemple citer le manuscrit Vat. lat. 4462 de la B.A.V. Cf. inventaire 1 no 88.
121 Cf. Oxford, Bodleian Library, Bodl. 58, Bodl. 181, Bodl. 361, Londres, Wellcome Library, ms 550 ou encore B.L., Arundel 334, Sloane 405 ou Sloane 3566, tous copiés au xve siècle en Angleterre sur parchemin.
122 Par exemple les manuscrits Royal 19 B X, 16 F VIII ou 20 B IX de la British Library.
123 Cf. inventaire 1 no 198.
124 Cf. inventaire 1 no 297.
125 Ce manuscrit de belle facture daté du milieu du xve siècle provient de la bibliothèque des rois Aragonais de Naples. Cf. T. Marinis La biblioteca napoletana dei re d’Aragona. Supplemento I, Vérone, 1969, p. 47.
126 Cf. inventaire 1 no 88. Il fut seigneur de Bologne entre 1337 et 1347. Voir récemment paru l’ouvrage de G. Antonioli, « Conservator pacis et iustitie ». La signoria di Taddeo Pepoli a Bologna (1337-1347), Bologne, 2004 (Bologna medievale ieri e oggi, 3). Cf. Pl. no 1.
127 E. Ornato, « Les conditions de production et de diffusion du livre médiéval. Quelques considérations générales », dans Culture et idéologie dans la genèse de l’État moderne. Actes de la table ronde organisée par le C.N.R.S. et l’École française de Rome, 15-17 octobre 1984, Rome, 1985, p. 57-84 (Collection de l’École française de Rome, 82), rééd. dans La face cachée du livre médiéval... cit., p. 97-116, p. 101.
128 Voir l’article de G. Hasenohr, « Les systèmes de repérage textuel », dans Mise en page et mise en texte du livre manuscrit, sous la dir. de H. J. Martin et J. Vezin, Paris, 1990, p. 273-288. Consulter aussi R. Bergeron et E. Ornato, « La lisibilité dans les manuscrits et les imprimés de la fin du Moyen Âge », Scrittura e civiltà, 14 (1990), p. 151-198, rééd. dans La face cachée du livre médiéval... cit., p. 521-554.
129 Voir par exemple A. Petrucci, La scritturà di Francesco Petrarca, Cité du Vatican, 1967 ; B. L. Ullman, The Origin and Development of Humanistic Script, Rome, 1960.
130 Cf. Fig. no 1.
131 Voir les articles de M. A. Rouse et R. H. Rouse, « La naissance des index », dans Histoire de l’édition française... cit., p. 95-108 ; R. H. Rouse et M. A. Rouse, « Concordances et index », dans Mise en page et mise en texte... cit., p. 219-228.
132 Ce n’est bien évidemment pas toujours le cas et un copiste peut aussi prendre l’initiative d’ajouter une table des matières à une œuvre qui n’en comportait pas. Ainsi le Pal. lat. 1224 où se trouve une version du Libellus de conservatione sanitatis de Jean de Tolède offre la particularité de commencer par une table des chapitres (qui sont d’ailleurs numérotés de 1 à 40), copiée sur quatre colonnes, alors même que l’œuvre ne comporte ni titre ni nom d’auteur. Les autres témoins de ce traité que j’ai pu examiner ne présentaient pas de liste des chapitres.
133 Ainsi par exemple dans les manuscrits lat. 6866 et lat. 6871A de la B.n.F. de Paris, Z 536 de la Biblioteca nazionale Marciana de Venise, Bodl. 355 de la Bodleian Library.
134 Cf. Florence, Biblioteca Medicea Laurenziana, Gaddi 209. Voir aussi Fig. no 2.
135 C’est le cas dans les manuscrits suivants : B.A.V., Barb. lat. 279, Vat. lat. 602, Vat. lat. 6266 de la B.A.V., ms 175 de l’University Library d’Édimbourg, Digby 111 de la Bodleian Library.
136 Cf. Londres, B. L., Sloane 4, f. 63r. De la même façon, les manuscrits du Sermo de conservatione sanitatis de Filippo d’Arezzo énumèrent à la suite du rapide prologue la liste des chapitres de l’ouvrage.
137 Ainsi, certains manuscrits du Libellus de conservatione sanitatis de Jean de Tolède en bénéficient-ils, à l’image du témoin de Bergame, Biblioteca civica A. Mai, MA 593 (f. 24v), ou encore celui de la B.A.V., Pal. lat. 1321.
138 On ne tient compte ici que des possesseurs médiévaux. Voir Fig. no 3.
139 Ainsi pour le manuscrit de Londres, B.L., Sloane 420 (f. 1v). On pourrait également citer les codices d’Hartmann ou d’Hermann Schedel.
140 Voir par exemple le Vat. lat. 939 de la B.A.V. qui comporte une table des matières du xve siècle avec foliotage : in hoc volumine continentur libri et tractatus sequentes (f. iir). Elle a été copiée sur deux feuillets de parchemin indépendants du codex qui, lui, a un support papier.
141 F. Féry-Hue, « Le Régime du corps d’Aldebrandin de Sienne. Complément à la tradition manuscrite », Romania, 117 (1999), p. 51-77.
142 Paris, B.n.F., lat. 16190, f. 2va.
143 Voir les différents chapitres proposés par H. Toubert sur ces diverses illustrations regroupées sous le titre « La mise en page de l’illustration », dans Mise en page et mise en texte... cit., p. 353-420 ; ead., « Des sons et des couleurs », dans Le livre au Moyen Âge, sous la dir. de J. Glénisson, Paris, 1988, p. 165 ; ead., « Les manuscrits enluminés, miroirs de la société », ibid., p. 166-175 ; F. Garnier, « La lecture de l’image médiévale », ibid., p. 176-180.
144 H. Toubert, « L’illustration dans les colonnes du texte », dans ibid., p. 355-360. Pour une étude de l’illustration de ce manuscrit, voir G. Orofino, « L’iconografia del Regimen sanitatis in un manuscrito angioino (Napoli, Bibl. naz., XIII C 37) », Studi medievali, 31 (1990), p. 775-787.
145 Naples, Biblioteca nazionale Vittorio Emmanuele II, ms XIII. C.37, ff. 51r-69v.
146 Certains des manuscrits dont il va être question ont fait l’objet d’éditions fac-similés ou d’études plus globales : L. Cogliati Arano, « Tacuinum sanitatis », Milan, 1973 ; D. Poirion et Cl. Thomasset, L’art de vivre au Moyen Âge, codex Vindobonensis Series nova 2644, conservé à la Bibliothèque nationale d’Autriche, Paris, 1995 ; C. Opsomer, L’art de vivre en santé. Images et recettes du Moyen Âge. Le « Tacuinum sanitatis » (ms 1041) de la Bibliothèque universitaire de Liège, Liège, 1991 ; E. Toesca Berti, Il « Tacuinum sanitatis » della Biblioteca nazionale di Parigi, Bergame, 1937.
147 La date de traduction et la personnalité du traducteur n’ont pas clairement été élucidées. D’après le manuscrit Z. 315 (= 1645) de la Biblioteca nazionale Marciana de Venise, il semblerait toutefois que le texte ait été traduit à la cour du roi Manfred de Sicile dans les années 1254-1266. L’attribution de la traduction à la cour du roi Manfred est diffusée par d’autres manuscrits qui présentent parfois l’œuvre comme originale et en changent l’auteur (comme dans le manuscrit de l’Universitätsbibliothek d’Uppsala, qui fait d’Albucasis le responsable de l’ouvrage, ms C 587, f. 37v). En tout état de cause, les premières citations du Tacuinum sanitatis dans la littérature médicale occidentale n’apparaissent pas avant le début du xive siècle.
148 Cf. Fig. no 4.
149 Rome, Biblioteca Casanatense, ms 4182 ; Liège, Bibliothèque Universitaire, ms 887 ; Paris, B.n.F., n.a.lat. 1673 ; Vienne, Österreichische Nationalbibliothek, Cvp. 2644 ; Rouen, Bibliothèque municipale, ms Leber 1088 ; New York, Collection privée, conservé à la société H. P. Krauss. Il existe un sixième manuscrit d’origine allemande conservé à la B.n.F. de Paris, le lat. 9333.
150 Le codex de la Casanatense proviendrait de l’atelier de Giovannino de’ Grassi, un artiste qui travailla à Milan et qui participa notamment aux travaux de construction du Duomo entre 1389 et 1398. Sur ce peintre, voir A. Cadei, Studi di miniatura lombarda : Giovannino de Grassi, Belbello da Pavia, Rome, 1984. Sur l’origine lombarde de ce groupe de manuscrits, voir E. Toesca Berti, Il « Tacuinum sanitatis » della Biblioteca nazionale... cit. Pour le codex de la B.n.F., n.a.lat. 1673, voir F. Avril, « Tacuinum sanitatis », dans Dix siècles d’enluminure italienne (vie-xvie siècles), Paris, 1984, p. 100-101.
151 Ideo intentio nostra in hoc libro est abreviare sermones prolixos et aggregare modos diversos librorum. Attamen nostri propositi est non recedere a consiliis antiquorum medicorum (Rome, Biblioteca Casanatense, ms 4182). Pour une description de ce manuscrit, voir la notice que lui consacre F. Moly-Mariotti dans « & coquatur ponendo... ». Cultura della cucina e della tavola tra Medio Evo ed età moderna, Prato, 1996, p. 73-74. Voir aussi du même auteur, « Contribution à la connaissance des Tacuina sanitatis lombards », Arte Lombarda, 104 (1993), p. 32-39. Cf. Pl. no2 et 3.
152 Cf. T. Toresella, « Il codice di Gioavanni Cadamosto », L’Esopo, 17 (1985), p. 45-64.
153 Cf. M. Marighelli, « Il libro de componere herbe et fructi par Borso d’Este, une encyclopédie illustrée du xve siècle à la Bibliothèque nationale de Paris », La Pianura, 3-4 (1988), p. 82 et suiv. Id., « Libro de componere herbe et fructi », dans A tavola con il Principe, catalogue d’exposition, Ferrare, 1989-1990, p. 229-232 ; F. Avril, « Giovanni Cadamosto da Lodi. Libro de componere herbe et fructi. Miniato in Italia settentrionale ante 1471 con aggiunte del 1474-1479 », dans Le Muse e il Principe. Arte di corte nel Rinascimento padano, sous la dir. de A. Mottola Molfino et M. Natale, Milan, 1991, p. 209-210.
154 Il s’agit des manuscrits suivants : Paris, B.n.F., Ita. 1108 ; Vienne, Österreichische Nationalbibliothek, cvp. 5264 et cvp. 2396 ; New York, Public Library, ms 65 (Spencer Collection) ; Grenade, Biblioteca de la Universidad, cod. Granatensis C. 67 ; Sorengo, Fondation B.I.N.G., ms 15. Pour une description de ce dernier manuscrit, voir la notice de F. Moly-Mariotti, dans « & coquatur ponendo... » cit., p. 77-78.
155 Voir par exemple les illustrations d’un traité de médecine dans le lat. 7056 (ff. 88v-89r) de la B.n.F. de Paris, ou celles du ms 196 de la Biblioteca Statale de Lucques. Dans le lat. 11229 parisien, qui conserve également un texte diététique en français, ont été dessinées de nombreuses illustrations, relatives à la couleur des urines, à la localisation des maladies sur les corps masculin et féminin et aux signes du zodiaque. Les dessins qui représentent l’homme blessé ou la femme enceinte ont été édités dans l’ouvrage anatomique de Johannes de Ketham, « Fasciculus medicine », publié à Venise en 1491. Pour une étude des illustrations médicales, voir O. Kurz, « The Medical Illustrations of the Wellcome Manuscripts », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 5 (1942), p. 137-142.
156 Voir notamment E. Poulle, « Astronomie et géométrie », dans Mise en page et mise en texte... cit., p. 193-200. Il est intéressant de noter d’ailleurs que dans le manuscrit de la B.n.F., lat. 11015 qui donne les deux pans du Texaurus regie de Guy de Vigevano, à savoir le régime et le traité de poliorcétique, seul ce dernier a bénéficié d’illustrations, l’enlumineur n’ayant sans doute pas jugé utile d’en faire profiter la partie diététique. Pour une étude des marginalia dans les domaines scientifiques, voir les actes du colloque de Londres, « Scientia in margine ». Études sur les « marginalia » dans les manuscrits scientifiques du Moyen Âge à la Renaissance, études réunies par D. Jacquart et C. Burnett, Genève, 2005 (Hautes études médiévales et modernes, 88).
157 Voir notamment l’article de A. Vernet, « Du chatophylax au libraire », dans Vocabulaire du livre et de l’écriture au Moyen Âge, sous la dir. d’O. Weijers, Turnhout, 1989, p. 15-161 (Civicima, 2).
158 B. Laurioux, Le règne de Taillevent... cit., p. 266.
159 Voir respectivement les inventaires 1, 2, 3 et 4.
160 Voir la thèse en cours de J. Chandelier sur les commentaires du Canon d’Avicenne.
161 Cf. les manuscrits suivants : à la Bodleian Library d’Oxford, le Lat. misc.e.2 (daté des années 1220-1230), à Saint John’s College à Cambridge le ms 99 (D.24) daté du xiiie s., à Baltimore dans une collection privé le ms 3 (xiiie s.), à la Bibliothèque municipale de Moulins le ms 49 (xiiie-xive s.) et quatre codices de la B.n.F. : n.a.lat. 729 (xiiie s.), lat. 6868 (fin xiiie/déb. xive s.), lat. 6871A (fin xiiie/xive s.) et lat. 14390 (xiiie s.). Pour une étude et recension des manuscrits conservés à Paris, M. Nicoud, « Les marginalia dans les manuscrits latins des Diètes d’Isaac Israëli conservés à Paris », dans « Scientia in margine »... cit., p. 191-215.
162 Au verso du premier plat de la couverture, on peut en effet lire la mention : iste liber pertinet magistro Johanni Cailleau Parisii studenti in facultate medicine. Johannis Cailleau. Jean Cailleau fut reçu bachelier en médecine en 1435 (après un échec l’année précédente), licencié en 1438 et maître en 1439. Il entra au service de Charles d’Orléans en 1443. Cf. Wickersheimer, Dictionnaire, vol. 1, p. 376.
163 M. Nicoud, « L’œuvre de Maïmonide et la pensée médicale occidentale », dans Maïmonide, philosophe et savant, actes du colloque international (Villejuif, juin 1997), études réunies par T. Lévy et R. Rashed, Louvain, 2004, p. 411-431 (Ancient and Classical Sciences and Philosophy).
164 Sur la base du recensement établi par K. Sudhoff pour l’ensemble de l’Occident médiéval dans différents articles de la revue Archiv für Geschichte der Medizin, j’ai comptabilisé pour la seule production en langue latine dix-sept traités rédigés entre 1348 et 1350, cinquante dans la seconde moitié du xive siècle, cinquante-quatre dans la première moitié du xve et quarante-trois dans la seconde partie du siècle.
165 Sur les conditions de travail des copistes et l’apparition de copistes professionnels en Pologne, E. Potkowski, « Cathedrales Poloniae : copistes professionnels en Pologne à la fin du Moyen Âge », dans Le statut du scripteur au Moyen Âge. Actes du XIIe colloque scientifique du Comité international de Paléographie latine, réunis par M.-Cl. Hubert, E. Poulle et M. H. Smith, Paris, 2000, p. 333-343 (Matériaux pour l’histoire, 2).
166 Sans doute dans ces pays, la perception que nous avons de la production de copies diététiques est-elle très largement sous estimée par le fait que nous ignorons volontairement la diffusion du livre en langue vernaculaire qui, dans le domaine de la conservation de la santé, y connut un développement assez précoce.
167 Pour la cour de Bourgogne, P. Cockshaw, « À propos des éditeurs à la cour de Bourgogne », dans Le statut du scripteur... cit., p. 283-289.
168 À la fin du Moyen Âge, la France compte quatorze universités, l’Italie douze et l’Espagne dix. Certains copistes déclarent avoir travaillé pour la faculté, comme un dénommé Albert, auteur du 429 Helmst de la Herzog August Landesbibliothek de Wolfenbüttel : completum per me Albertum anno incarnationi domini mcccclxxx feria quarta post festum Beati Viti, in laudatione studiosi medicine Montis Pesulani. Cf. inventaire 1 no 416.
169 Louis XI fit par exemple travailler un notaire du Dauphiné (ou de Valence) et un copiste de Tours. Cf. L. Delisle, Le cabinet des manuscrits de la bibliothèque impériale, vol. 1, Paris, 1868, p. 75.
170 L’université de Prague est une fondation royale puisqu’elle fut créée par Charles IV de Luxembourg, roi de Bohême et « roi des Romains » en 1347. C’est la plus ancienne université de l’Est de l’Europe. Cracovie dut sa naissance à l’initiative du roi de Pologne Casimir le Grand en 1364. Mais elle fut fermée quelques années plus tard et ne connut de renouveau qu’à la fin du siècle, lors de sa réouverture en 1397. Pour une histoire des universités, H. Rashdall, The Universities of Europe in the Middle Ages, 3 vol., Londres, 1936 ; H. De Ridder-Symoens, Universities in the Middle Ages, dans A History of the University in Europe, vol. 1, Cambridge, 1992 ; R. C. Schwinges, « Le università nei territori dell’Impero », dans Le università dell’Europa, vol. 1 : La nascita delle università, sous la dir. de G. P. Brizzi et J. Verger, Milan, 1990, p. 222-255 ; Les universités à la fin du Moyen Âge, sous la dir. de H. Paquet et J. Ijsnewijn, Louvain, 1978 ; J. Verger, Les universités au Moyen Âge, Paris, 1973.
171 Johannes de Saccis devint recteur de l’université et en rédigea les statuts. Cf. le manuscrit 818 de la Biblioteki Jagiellonskiej de Cracovie.
172 Dans le colophon du manuscrit 783 de la Biblioteki Jagiellonskiej, il paraphe sa copie de son nom en précisant son lieu de travail : in studiorum professorumque societate Universitatis Cracoviensis Facultatis Medicine (ff. 158v et 360r). Il est aussi l’auteur d’un exemplaire du Collectorium totius medicine de Niccolò Bertruccio (ms 786, conservé dans la même bibliothèque) et copia en partie le Cod. 1103.
173 Le ms 821 (avec le régime d’Arnaud de Villeneuve) fut la propriété de Johannes de Dobra, docteur en médecine et recteur de l’université en 1440. Le ms 827 d’origine italienne, où est transcrit le Tacuinum sanitatis d’Ibn Buṭlān appartint à Johannes Wels de Poznania, maître en 1462. C’est à Matthias de Miechów, dans un premier temps, puis à Nicolaus de Wieliczka au début du xvie siècle, tous deux médecins à Cracovie, qu’appartint le manuscrit médical ms 786. En revanche, le ms 566 où figure le régime d’Arnaud de Villeneuve, fut la propriété de Matthias de Kolo, sans doute celui qui fut licencié de droit canonique et bachelier en théologie. La tonalité d’ensemble du codex relève bien plus de l’astrologie que de la médecine, au demeurant. En revanche, le cod. 779, très fortement médical, échut à Johannes de Oswiecim, professeur de théologie à Cracovie.
174 Certains, à l’image d’Andrea Grzymala de Posnanie qui obtint une licence en décret, ne se contentèrent pas en effet d’un grade de docteur en médecine.
175 Il s’agit des manuscrits suivants : Cracovie, Biblioteki Jagiellonskiej, mss 783, 786, 821, 774 et 818. Cf. inventaire 1 no 99, 103, 96, 101.
176 Il s’agit du ms 588 conservé actuellement à Cracovie et qui, en 1546, faisait partie des ouvrages de la bibliothèque du Collège de l’université.
177 Le ms 566 conservé à la Biblioteki Jagiellonskiej de Cracovie conclut une série d’ouvrages astrologiques par : expliciunt diversi tractatus [...] Colonie reportati, Prage scripti (f. 104v).
178 Ils y constituaient alors une « nation » nombreuse, avant la crise hussite et le décret de Kutná Hora (1409).
179 Sur la peregrinatio academica, M. Tanaka, La nation anglo-allemande de l’Université de Paris à la fin du Moyen Âge, Paris, 1990 ; J. Verger, « La mobilité étudiante au Moyen Âge », Histoire de l’éducation, 50 (1991), p. 65-90 ; id, « Les étudiants slaves et hongrois dans les universités occidentales (xiiie-xve siècles) », dans L’Église du Centre-Est et du Nord (xive-xve siècles), Rome, 1990, p. 83-106 (Collection de l’École française de Rome, 128) ; id, « Peregrinatio academica », dans Le università dell’Europa, vol. 2 : Gli uomini e i luoghi, secoli xii-xviiii... cit., p. 107-135. Pour Bologne, voir G. C. Knod, Deutsche Studenten in Bologna (1289-1562). Biographischer Index zu den « Acta nationis Germanicae universitatis Bononiensis », Berlin, 1899.
180 On pourrait aussi citer le manuscrit de Wolfenbüttel, prisé à Brunswick (totus liber estimatur ut x florenos diligitur ut xij florenos et cetera, vel ad minus sexternus unus ij solidos antiquos monete Brunswicensis), mais originaire pour partie assurément de Lombardie. À la fin de la collection de consilia de Taddeo Alderotti qu’il rassemble, fut écrite la mention : in Lumbardia collecta et in uno volumine bene ligato (Wolfenbüttel, Herzog August Bibliothek, 18.1. Aug. fol, f. 330v). Sur ce médecin allemand, voir K. Fischer, Hartmann Schedel in Nördlingen. Das pharmazeutisch-zociale Profil eines spätmittelalterlichen Stadtarztes (mit Edition von Hartmann Schedels Nördlinger Apotheken-Manual « receptarius »), München, Univ. Diss. der Medizinischen Fakultät der Ludwig-Maximilians-Universität München, 1995, Würzburg, 1996 (Würzburger medizinhistorische Forschungen, 58).
181 Sur la confection du livre médiéval, voir notamment les articles de J. Vezin, « La fabrication du manuscrit » et de P. Bourgain, « L’édition des manuscrits », dans Histoire de l’édition française, vol. 1 : Le livre conquérant. Du Moyen Âge au milieu du xviie siècle, sous la dir. de R. Chartier et H.-J. Martin, Paris, 1982, rééd. 1989, p. 21-51 et 52-94, de M. B. Parkes, « Produzione e commercio dei libri manoscritti », dans Produzione e commercio della carta e del libro, sec. xiii-xviii, Prato, 1992, p. 332-342 (Serie II. Atti delle « Settimane di Studi » e altri Convegni dell’Istituto Internazionale di Storia Economica « F. Datini », 23) et de M. C. Lowry, « La produzione del libro », ibid., p. 365-387.
182 M. Penyafort, « L’essor des ateliers laïcs (xiie-xve siècle) », dans Le Livre au Moyen Âge, sous la dir. de J. Glénisson, Paris, 1988, p. 71-76.
183 Sur ce mode de copie en vigueur dans les universités des xiiie et xive siècles, voir le travail fondateur de J. Destrez, La Pecia dans les manuscrits universitaires du xiiie et du xive siècle, Paris, 1935. Cf. aussi G. Fink-Errera, « Une institution du monde médiéval : la pecia », Revue philosophique de Louvain, 60 (1962), p. 187-210. Sur le travail du copiste, voir par exemple l’article de L. Holtz, « Autore, copista, anonimo », dans Lo spazio letterario del Medioevo, vol. 1, t. I : La produzione del testo, sous la dir. de G. Cavallo, Cl. Leonardi et E. Menestò, Rome, 1992, p. 325-352 ; id, « La produzione dei libri di testo nelle università medievali », dans Libri e lettori nel Medioevo. Guida storica e critica, sous la dir. de G. Cavallo, Rome-Bari, 1977, p. 133-165.
184 Pour une description de ce manuscrit, voir le catalogue de l’exposition « & coquatur ponendo... » cit., p. 87 et inventaire 1 no 88.
185 « Scripto per me Giovanni di Ghirigoro d’Antonio Ghinghij, ciptadino fiorentino. Et finito questo dì primo die sectembre MCCCCLXXVIIJ. Deo gratias » (Venise, Bibliotheca nazionale Marciana, It. III. 14, f. 61r).
186 « Escripto e finito questo dì vo di febbraio MCCCCLXXX per me Ser Verdiano di Christo da Monte Pulciniano proprio » (Florence, Bibliotheca Medicea Laurenziana, Plut. 38.49, f. 62r). Cité par Bouveret, V, no 18386.
187 Iste liber est m[agistri] ac honorabilis viri et excellentissimi m[agistri] in medicina Iohannis Costa, quem ego Iohannes Textoris, clericus Conuen[sis] et stud[e]ns in artibus Tholose compillavi ac perfeci die martis vicesima sexta augusti sole existente in signo virgis in decimogradi in primo gradu secunde faciei ac eciam luna emente in ariete in primo gradu et in primo puncto sub anno Domini seu Christi millesimo quatrocentesimo quarto. Laudetur Deus et mater eius. Amen. Amen (B.n.F., lat. 6972A, f. 111r). Bouveret, III, no 11631. Sur le livre dans le milieu universitaire, voir J. Verger, « Le livre dans les universités du Midi de la France à la fin du Moyen Âge », dans Pratiques de la culture écrite en France au xve siècle. Actes du Colloque international du C.N.R.S., Paris, 16-18 mai 1992, organisé en l’honneur de Gilbert Ouy par l’unité de recherche « Culture écrite du Moyen Âge tardif », éd. par E. Ornato et N. Pons, Louvain-la-Neuve, 1995, p. 403-420 (Textes et études du Moyen Âge, 2).
188 Scriptum a[nno] d[omini] 1454 per fr[atrem] Iohannem Textorem... Exemplar vero non satis correctum fuisse legentibus patebit (Bouveret, III, no 11632).
189 P. Pansier, Histoire du livre et de l’imprimerie à Avignon du xive au xvie siècle, t.I : xive et xve siècles, Avignon, 1922, p. 123.
190 Le texte d’Aldebrandin ne présente aucun prologue et est abrégé, voire par endroit réécrit. L’ordre des chapitres est également transformé. Cf. F. Féry-Hue, « Le Régime du corps d’Aldebrandin de Sienne : tradition manuscrite et diffusion », dans Actes du 110e Congrès national des Societés savantes, Histoire médiévale, t. I, Montpellier, 1985, p. 113-134, plus part. p. 125.
191 Voir sur les ateliers et les miniaturistes flamands de la fin du Moyen Âge, P. Durrieu, La miniature flamande au temps de la cour de Bourgogne (1415-1530), Bruxelles-Paris, 1921.
192 Au folio 158r, le nom du possesseur est entouré de deux mentions qui donnent l’identité du relieur : Johannes Meese me ligavit. La reliure actuelle est toutefois moderne.
193 Ainsi le folio 1r débute par un encadrement de la page décoré d’écots, de lambrequins, de fleurs et d’oiseaux. Sur cette spécificité ganto-brugeoise, P. Durrieu, La miniature flamande... cit., p. 34. Sur l’illustration des manuscrits, voir notamment l’article d’H. Toubert, « Formes et fonctions de l’enluminure », dans Histoire de l’édition française... cit., p. 109-146.
194 « Ici est finé mon derrenier liv[r]e appelé lyen du corps a l’ame et de l’ame au corps et se nomme le secret de medecines. J. Markant » (B.A.V., Pal. lat. 1990, f. 136r).
195 Le seul autre texte du codex est toutefois un traité médical pratique, le jugement des medechine.
196 « Escript a Paris l’an de grace mil ccc iiiixx et dix, le lundi xxo jour de mars par la main de Jehan Quatredens escolier a Paris » (Londres, Wellcome Library, ms 31, f. 89v). C’est au même copiste que l’on doit les recettes en français et en latin qui complètent le manuscrit (ff. 89v-92v).
197 Le colophon est en effet précédé de la mention : « pour messire Hugues de Salve » (ibid.).
198 Il s’agit du manuscrit de la Bibliothèque de l’Arsenal, ms 709 : explicit Collectorium Bertrucii in parte practica medicine, scriptum per Arnoldum de Palude, et finitum anno Domino Mo CCCCo vicesimo sexto (f. 151va). Notons que le nom, signalé par H. Martin dans le catalogue des manuscrits de l’Arsenal, n’est presque pas lisible aujourd’hui. Sur cet astrologue mort en 1466, Wickersheimer, Dictionnaire, vol. 1, p. 52. Cf. inventaire 1 no 304.
199 Exscriptum fuit per me Paulum de Colonio, notarium publicum Bergomensem... Hoc completum fuit die Martis nono septembris 1521 (Bergame, Biblioteca civica A. Mai, MA. 186, f. 59v).
200 « A maistre Jehan Chabault, notaire, demourant à Valence ou Daulphiné, la somme de 135 l.t. à lui ordonnée par le roi sur les dites finances de l’année 1482, tant pour un voiage par lui fait par devers le dit seigneur, qui l’avoir mandé venir par devers lui, comme pour ses peines et salaires d’avoir escript ung livre de medecine pour le dit seigneur, qui estoit de feu maistre Jean Pissis, où il vacqua, tant venant besongner ou dit livre que retournant en son hostel, l’espace de trois mois encier » (pièce de la chambre des comptes citée par L. Delisle, Le cabinet des manuscrits... cit., p. 75 n. 5).
201 Le manuscrit se compose notamment d’un Ratio pascalis et de Rationes lune. Le régime d’Arnaud de Villeneuve, ici intitulé Tractatus de regimine sanitatis, y est anonyme. Cf. inventaire 1 no 235.
202 Ego Franciscus de Agaciis complevi hoc opus et eo die incepi studium. Et non habui nisi circa XL scolares intrantes nisi consuevi haberi tali die CC vel circa. Et hoc fuit propter perniciem et mortalitatem que erat in civitate Vercellorum. Nam eo anno a festo paschalis usque ad hunc diem mortua sunt Vercellis ultra quam tria milla christianorum et eciam in episcopatum que perniciens immensa duravit tribus annis et per mundum universum (Milan, Biblioteca Braidense, ms AE XIV.8, f. 318r). Plusieurs dates se chevauchent ici. Le copiste parle en effet dans ce même long colophon de l’année du jubilé 1350 et déclare s’être rendu à la fin mars à Rome et en être revenu avec des compagnons en bonne santé le 10 mai. Toutefois, ces notations se terminent par : finito libro pendatur gloria Christo. Amen. MCCCXLVIIII tempore mortalitatis.
203 Hec sunt tria que vitam prestant viventibus ipsam / Mandere, dormire, postremis evacuatione / Sunt tria que nullus sciet nisi considerat usus / Grammatice faci, bene scribere, versificare (ibid.).
204 Transcriptus fuit per me Gregorium Antonii Verulanensi ad Reverendissimum dei in Christo patris et dominum dominum A[ngelum] Cavens[sem] dignissimum episcopi Sorani in stantiam meique domini singularissimi, tempore quo permutavit episcopatum Verulanensem cum Soranense (B.A.V., Vat. lat. 3714, f. 67r). Les folios 1r-67v sont en effet de la même main à l’écriture humanistique cursive, même si parfois on note quelques évolutions, liées soit à un changement de plume, soit plutôt à un changement de modules, le copiste écrivant plus gros ce qui l’oblige, pour tenir les impératifs de la page, à serrer son texte fortement. Cf. inventaire 1 no 84.
205 Voir à ce sujet, M. Nicoud, « L’adaptation du discours diététique aux pratiques alimentaires : l’exemple de Barnabas da Reggio », M.E.F.R.M., 106 (1995), p. 207-231.
206 Beatissime Pater non est indecens de vinis legere quod vinum sit quam pretiosissimum et altissimum transvertatur in sacramentum. Et hic vir qui tractavit de vinis, omnes doctores transcendit. Et invenio dum experior, quod omnia dicta sunt idcirco. Ego Franciscus de Senis, vir servulus, libellum hunc volens propria manu transcribere, non valens ad presens ex quadam in valitudinis propria per alium transcribi feci et in quaterni marginibus signabo signanda (B.A.V., Vat. lat. 3714, f. 67v).
207 C. Jeudry et L. Schuba, « Erhard Knab und die Heidelberger Universität im Spiegel von Handschriften und Akteneinträgen », Quellen und Forschungen, 61 (1981), p. 60-106.
208 Ont été conservés, copiés par ses soins ou à sa demande les manuscrits Pal. lat. 1083, 1105, 1120, 1129, 1132, 1140 qu’il a lui-même copiés, Pal. lat. 1144 pour partie, Pal. lat. 1185, 1202, 1225 où il transcrivit certaines de ses œuvres (notamment un commentaire au traité d’urologie de Gilles de Corbeil, un Tractatus vulnerum, un De apostematibus et un De ulceribus), mais aussi le Pal. lat. 1232, 1244, 1264, ce dernier en partie copié par Conradus Meckler pro reverendo magistro Erhardo Knab (f. 147v) et qui contient notamment le régime de l’École de Salerne ; enfin les codices Pal. lat. 1268, 1302, 1311, 1316 et 1321.
209 Le copiste a signé son travail : et sic est finis tractatus de sterilitate editus a Bernardo de Gordonio decano preclari studii Montispessulani. Finitus et scriptus per Johannem Borner de Büdlingen in octava assumpcionis beate Marie virginis anni etc. LVIII. Explicit (B.A.V., Pal. lat. 1083, f. 321v). Cf. inventaire 1 no 59.
210 Johannes Frantz est responsable d’un grand nombre de copies de manuscrits de ce fonds de la bibliothèque Palatine, qu’il prenait soin d’identifier en apposant à la fin des textes un colophon portant son nom, la date et le lieu de la copie. On lui doit au moins partiellement le Pal. lat. 1099 composé en 1475-1477 qui comporte des notes marginales de Martinus Rentz, le Pal. lat. 1108 (1476-1479) sur demande de ce dernier, le Pal. lat. 1121, daté de 1476, le Pal. lat. 1331, le Pal. lat. 1132 qui rassemble aussi une copie du De retardatione accidentium senectutis attribuée à Roger Bacon par Erhard Knab, le Pal. lat. 1147 sur commande de Martinus Rentz, le Pal. lat. 1195 daté de 1474, le Pal. lat. 1261 de 1476, le Pal. lat. 1303 échelonné entre 1480 et 1490 ainsi que le Pal. lat. 1327 daté des années 1476-1479 qui comporte aussi des questions disputées d’Erhard Knab. Tous sont des manuscrits médicaux qui, dans leur majorité, appartinrent ou furent même commissionnés par Martinus Rentz.
211 Sur l’activité de Johannes Frantz, voir L. Schuba, Die medizinische Fakultät... cit., p. 162-187.
212 Le colophon de Johannes Frantz précise en effet : explicit per me Johannem Frantz de Lyppheim, studio Heydelbergensi 7o Kalendas marcii anno domini 1476 (B.A.V., Pal. lat. 1303, f. 113v). Cf. inventaire 1 no 73.
213 Ce Regimen occupe les folios 108ra-110vb.
214 Cf. inventaire 1 no 60.
215 G. Piccard, Die Ochsenkopf-Wasserzeichen, Findbuch II, 1 der Wasserzeichnkartei Piccard im Hauptstaartsarchiv Stuttgart, Stuttgart, 1966, vol. 7, p. 148-159.
216 Ibid., vol. 9, p. 189-214.
217 Voir, sur la spécialisation du livre médical ou scientifique, L. H. Voigts, « Science and Medical Books », dans Book Production and Publishing in Britain. 1375-1475, éd. J. Griffiths et D. Pearsall, Cambridge, 1989, p. 345-402.
218 Cf. N. R. Ker, « The Chaining, Labelling, and Inventory of Numbers of Manuscripts Belonging to the Old University Library », dans Books, Collectors and Libraries. Studies in the Medieval Heritage, Londres, 1985, p. 321-326 (History series, 36). Voir également G. Pollard, « The Names of Some English Fifteenth Century Binders », The Library, 25 (1970), p. 193-218 et N. Barker, « Quiring and the Binder », dans Studies in the Book Trade in Honour of Graham Pollard, éd. R. W. Hunt et alii, Oxford, 1975, p. 16-17, 25 (Oxford Bibliographical Study Publication, 18).
219 En 1431-1432 et de 1446 au 11 mai 1453. Pour d’autres renseignements sur ce praticien, voir la notice qui lui est consacrée par C. Lethbridge Kingsford dans le Dictionnary of National Biography, vol. 31, Londres, 1892, p. 353-354.
220 Il est conservé à la British Library dans le manuscrit Sloane 4 (ff. 63-102), peut-être écrit de la main même de Gilbert Kymer. Ce dernier composa ce traité diététique lors du voyage de conquête du Hainaut que le duc entreprit en 1424, au nom de son épouse, Jacqueline de Bavière. Cf. inventaire 1 no 176.
221 Explicit tractatus tercius et ultimus dietarii editus a magistro Stephano Arnaldi tempore sui obitus repentini Hermannus Zurke als de Gripessualdis huic scripture finem imposuit. Anno domini mo cccco lix ultimo die mensis maii (Oxford, Bodleian Library, Bodl. 361, p. 111).
222 Parmi les autres traités de ce manuscrit, on trouve la Practica de Jean de Mirfeld, connue sous le titre de Practica Bartholomei, le Liber de simplicium medicinarum virtutibus de Jean de Saint-Paul, un traité de pharmacologie, la Practica d’Archimmattheus, mais également le traité gynécologique de Trotula et d’autres textes salernitains. Voir Catalogue of Dated and Datable manuscrits c. 435-1600 in Oxford Libraries, éd. A. G. Watson, vol. 1, Oxford, 1984, p. 15 et inventaire 1 no 286.
223 Sur Hermann Zurke de Greifswald, voir M. B. Parkes, « The Provision of Books », dans The History of the University of Oxford, vol. 2 : The Later Middle Ages, éd. par J. I. Catto, Oxford, 1992, p. 407-483. Id., « Book Provision and Libraries at Oxford », dans Scribes, Scripts and Readers. Studies in the Communication, Presentation and Dissemination of Medieval Texts, Londres, 1991, p. 299-310.
224 Voir infra le chapitre XII consacré aux lecteurs des livres de diététique, notamment p. 563-579.
225 Voir notamment l’ouvrage pionnier de L. Febvre et H.-J. Martin, L’apparition du livre, Paris, 1958 (L’évolution de l’humanité, 49).
226 Les productions scientifiques ont représenté environ 10 % de la production totale du livre incunable, soit quelques 3000 impressions. Sur la production scientifique, voir G. Sarton, « The Scientific Litterature Transmitted through the Incunabula », Osiris, 5 (1938), p. 41-245.
227 C. Bozzolo et E. Ornato montrent que, par exemple, dans le cas italien, la baisse de la production manuscrite attestée en 1466 en Italie du Nord et en 1468 en Italie du Centre et du Sud est essentiellement due aux épidémies que connaît alors la péninsule. En revanche, la reprise en 1470 en Italie du Nord et, en 1472, dans le Centre et le Sud est interrompue par les progrès de l’imprimerie. Cf. C. Bozzolo et E. Ornato, « La production du livre dans quelques pays d’Europe occidentale aux xive et xve siècles », Scritturà e civiltà, 8 (1984), p. 129-159, plus particulièrement p. 137 et suiv.
228 On pourrait citer à titre d’exemple le traité d’Aldebrandin de Sienne, déjà maintes fois utilisé pour les indices qu’il révèle. Les diverses copies effectuées dans les ateliers de Flandre furent souvent postérieures à l’édition lyonnaise de 1481. Surtout, par leur facture soignée et coûteuse, elles soulignent que l’imprimé ne remplace pas encore le bel objet que demeure le livre manuscrit.
229 Antonio Gazio, « Florida corona medicine », Venetiis, per J. Forlivio et G. Fratres, 1491.
230 L. F. Hain, « Repertorium bibliographicum in quo libri omnes ab arte typographica inventa usque ad annum MD », 4 vol., Paris, 1831, rééd. Milan, 1966. Désormais cité Hain.
231 W. A. Copinger, Supplement to Hain’s Bibliographicum, 2 vol., Londres, 1895. Désormais cité Copinger.
232 D. Reichling, « Appendices ad Hainii-Copingeri Repertorium bibliographicum », 2 vol., Milan, 1953 ; Gesamtkatalog der Wiegendrucke, d. K. W. Hiersemann, 10 vol., Leipzig-Stuttgart, 1925-1992.
233 Catalogue of Books Printed in the xvth Century now in the British Museum, 10 vol., Londres, 1908-1971 ; T. M. Guarnaschelli et alii, Indice generale degli incunaboli delle Biblioteche d’Italia, 5 vol., Rome, 1943-1972 ; F. Zambrini, Le opere volgari a stampa dei secoli xiii e xiv, 4e éd., Bologne, 1884 ; S. Morpurgo, Le opere volgari a stampa... Supplemento con gli indici generali, collezione di opere inedite o rare, Bologne, 1929.
234 A. C. Klebs, « Incunabula scientifica et medica », Osiris, 4 (1938), p. 43-245.
235 Il s’agit du manuscrit Paris, B.n.F., lat. 10264, en partie copié en 1475. Sur les manuscrits transcrits par Arnaud de Bruxelles, E. Poulle, La bibliothèque scientifique d’un imprimeur humaniste au xve siècle. Catalogue des manuscrits d’Arnaud de Bruxelles à la Bibliothèque nationale de Paris, Genève, 1963, p. 54-58 (Travaux d’Humanisme et Renaissance, 57) pour le Tacuinum sanitatis.
236 Sur Arnaud de Bruxelles imprimeur, P. C. Vander Meersch, Imprimeurs belges et néerlandais établis à l’étranger au xve siècle, 1 t., Gand, 1856, p. 87-120 ; M. Fava et G. Bresciano, La stampa a Napoli nel xv secolo, 3 vol., Leipzig, 1911-1913.
237 Voir supra, chap. III et chap. VII.
238 D’après L. Febvre et H.-J. Martin (L’apparition du livre... cit., p. 388 et suiv.), les livres en langues vulgaires ne représentent que 22 % de la production totale du xve siècle.
239 Sur le marché du livre et les difficultés des imprimeurs italiens, voir par exemple S. Noakes, « The Development of the Book Market in Late Quattrocento Italy : Printers’ Failures and the Role of the Middleman », Journal of Medieval and Renaissance Studies, 11 (1981), p. 23-55.
240 Pour un essai d’étude quantitative de la production du livre incunable et d’analyse des potentialités du marché, voir C. Bozzolo et E. Ornato, « La production du livre... », art. cit., p. 143 et suiv.
241 On estime le nombre de villes qui, à l’aube du xvie siècle, ont eu au moins une presse, entre 140 et 270 (cf. L. Febvre et H.-J. Martin, L’apparition du livre... cit., p. 275-281).
242 Je n’ai pu consulter le travail de recensement de J. M. López Piñero et alii, Les impresos científicos españoles de los siglos xv y xvi : inventario, bibliometría y thesaurus, 4 vol. en 3 t., València, 1981, 1984, 1986, ni J. Riera i Palmero, « Els incunables científics en llengua catalana », Gimbernat : Revista Catalana d’Història de la Medicina i de la Ciència, 5 (1985), p. 313-320.
243 Un seul ouvrage est édité en Angleterre pendant la période ; il s’agit du Governayle of Helthe publié par le marchand-libraire William Caxton formé à Cologne et installé depuis 1476 à Westminster.
244 L. Febvre et H.-J. Martin, L’apparition du livre... cit., p. 256-325 notamment. Voir également G. P. Carosi, Da Magonza a Subiaco. L’introduzione della stampa in Italia, Rome, 1982. C. Bozzolo et E. Ornato ont établi des ratios dans la production du livre incunable par pays à partir des grands répertoires disponibles. Ils montrent ainsi la prédominance germano-italienne qui, respectivement, avec 8217 et 6357 éditions représente plus de 70 % de la production (cf. C. Bozzolo et E. Ornato, « La production de livre... », art. cit., p. 142-143).
245 Sur Paris, voir A. Claudin, Origines de l’imprimerie à Paris ; la première presse à la Sorbonne, Paris, 1899 ; id., Histoire de l’imprimerie en France au xve et au xvie siècle, Paris, 1900-1909, rééd. Liechtenstein, 1976 ; J. Monfrin, « Les Lectures de Guillaume Fichet et de Jean Heynlin d’après les registres de prêt de la Bibliothèque de la Sorbonne », Bibliothèque d’humanisme et de Renaissance, 17 (1955), p. 7-23.
246 La cité est au xve siècle en concurrence avec Rome, mais l’emporte au point de produire la moitié des imprimés du pays au xvie siècle (cf. C. Bozzolo, D. Coq et E. Ornato, « La production du livre... », art. cit., plus spécialement p. 156-158). Voir aussi M. Lowry, Nicholas Henson and the Rise of Venetian Publishing in Renaissance Europe, Oxford, 1991 ; id., Le monde d’Alde Manuce. Imprimeurs, hommes d’affaires et intellectuels dans la Venise de la Renaissance, Paris, 1989 et L. Gerulaitis, Printing and Publishing in Fifteenth Century Venice, Chicago, 1976.
247 Cf. F. Ritter, Histoire de l’imprimerie alsacienne aux xve et xvie siècles, Strasbourg, 1955 (Institut des hautes études alsaciennes, 14). Voir aussi C. Bozzolo, D. Coq et E. Ornato, « La production du livre... », art. cit. et J.-F. Gilmont, « Les centres de la production imprimée aux xve et xvie siècles », dans Produzione e commercio... cit., p. 343-364.
248 Pour un panorama général de l’imprimerie romaine, voir A. Modigliani, « Tipografia a Roma (1467-1477) », dans Gutemberg e Roma. Le origini della stampa nella città dei papi (1467-1477), sous la dir. de M. Miglio et O. Rossini, Naples, 1997, p. 41-66.
249 C’est d’ailleurs dans la cité rhodanienne que s’installa le premier atelier d’imprimerie du royaume de France en 1470, à l’initiative de deux membres du collège de la Sorbonne, Guillaume Fichet et Jean Heynlin. Originaire de Stein, dans le grand-duché de Bade, ce dernier fut étudiant à Leipzig. Régent du collège de Bourgogne, il devint socius de la Sorbonne en 1462, puis prieur en 1467 et enfin recteur de l’université. Guillaume Fichet, originaire de Savoie, fit des études à Avignon avant de devenir socius de Sorbonne en 1461, prieur en 1465 et recteur en 1467. Deux ans plus tard, il devint bibliothécaire de la Sorbonne. Sur l’imprimerie lyonnaise, voir notamment A. Claudin, Histoire de l’imprimerie en France... cit. ; J.-M. Dureau, « Recherches sur les grandes compagnies de libraires lyonnais au xvie siècle », dans Nouvelles études lyonnaises, Genève, 1969, p. 5-64 ; voir aussi la notice qui leur est consacrée par J.-M. Dureau à la fin de l’article « Les premiers ateliers français », dans Histoire de l’édition... cit., p. 186-202, notamment p. 199-201 ; R. Gascon, Grand commerce et vie urbaine au xvie siècle. Lyon et ses marchands, Paris, 1971 ; H.-J. Martin, Le Siècle d’or de l’imprimerie lyonnaise, Lyon, 1970 ; id., « Culture écrite et culture orale, culture savante et culture populaire dans la France d’Ancien Régime », Journal des savants, 1975, p. 228-232 ; N. Zemon-Davis, « Le monde de l’imprimerie humaniste : Lyon », dans Histoire de l’édition... cit., p. 303-335.
250 « Opera Joannis Mesue, cum additionibus Petri Apponi, et Francisci de Pedemontium », Lyon, in vico mercuriali sub signo Angeli (impressa per Stephanum Baland), 1515 ; Haly Abbas, « Liber totius medicine necessaria », Lyon, typis J. Myt, 1523.
251 Cf. H.-J. Martin, « Rôle de l’imprimerie lyonnaise dans le 1er humanisme français », dans L’Humanisme français au début de la Renaissance (144e Colloque international de Tours), Paris, 1973, p. 81-91. Voir aussi A. Claudin, Histoire de l’imprimerie en France... cit., t. IV, p. 51-96.
252 Il avait reçu un privilège du roi de France Charles VIII en 1498. C’est le premier exemple de protection accordée à un imprimeur dans le royaume. Ce privilège est transmissible et délivre au bénéficiaire pendant cinq ans un droit exclusif sur l’ouvrage qu’il a imprimé. Cf. D. Coq, « Les incunables... », art. cit., p. 226.
253 Ceux de Lanfranc de Milan, de Guillaume de Salicet et de Guy de Chauliac.
254 Bernard de Gordon, La pratique de maistre Bernard de Gordon, qui s’appelle Fleur de lys en médecine, Lyon, 1495.
255 « Tractatus Rabbi Moysi de regimine sanitatis ad Soldanum regem », Augsbourg, 1518.
256 Niccolò Bertruccio, « Collectorium totius fere medicine », Lyon, in edibus Jacobus Myt, sumptu honesti viri Bartholomei Trot, 1518.
257 Arnaud de Villeneuve, Regimen sanitatis en françoys, Lyon, 1501 et 1514.
258 « Opera omnia Ysaaci », Lyon, in officina Johannes de Platea, 1515, 2. t. en un vol.
259 Galien, « De facultatibus alimentorum », Lyon, apud G. Rouillium, 1555.
260 Les éditions parisiennes datent respectivement de 1482 (Hain, no 10484) et de 1500 (Copinger, no 3757), alors que c’est à Louvain que fut établie l’editio princeps en 1482 (Polain, Bel no 2559, Campbell 1188) et rééditée en 1483. Toutefois, je n’ai pu trouver trace du régime de Maino de Maineri dans l’inventaire de la bibliothèque de la Sorbonne.
261 C’est à la demande de Jean Heynlin qu’en 1470, Michel Friburger, Ulrich Gering et Martin Crantz s’installèrent à Paris dans les bâtiments même du collège. Après de premières années essentiellement consacrées à des éditions humanistes, ils s’orientèrent vers le public universitaire, publiant des ouvrages liés aux disciplines enseignées. Sur le travail de Gering, voir A. Claudin, Origines de l’imprimerie à Paris... cit. ; id., Histoire de l’imprimerie en France... cit., t. I, p. 17-60.
262 Annexe 2, p. 717-720.
263 Chiffres fournis par L. Febvre et H.-J. Martin, L’apparition du livre... cit., p. 328. On trouve des chiffres avoisinant les 1000 exemplaires à Venise, pour des titres religieux. Bien sûr nos livres diététiques n’atteignaient pas de tels sommets.
264 Sur les prix et les coûts de revient des livres à Rome, voir P. Cherubini, A. Esposito, A. Modigliani, P. Scarcia-Piacentini, « Il costo del libro », dans Scrittura, biblioteche e stampa a Roma nel Quattrocento. Atti del secundo seminario, 6-8 maggio 1982, Cité du Vatican, 1983, p. 323-553 (Littera antiqua, 3) ; A. Modigliani, « Prezzo e commercio dei libri a stampa nella Roma del secolo xv », dans Produzione e commercio della carta e del libro... cit., p. 921-927 ; ead., « Costo e commercio del libro a stampa », dans Gutemberg e Roma... cit., p. 91-96.
265 Michel Savonarole, Libretto de tutte le cosse che se magnano, Venise, Simone de Luerc, 1508. Le texte fut encore édité à Bergame en 1514, à Venise en 1554 et 1575.
266 Bernard de Gordon, « Tractatus de conservatione vitae humanae », Leipzig, apud J. Rhambam, 1570.
267 Hain, no 7803 et 7804. Le Lilium medicine, quant à lui, avait déjà eu les honneurs de l’édition à plusieurs reprises avant 1501 (Hain, no 7795-7802).
268 L’édition de 1504 contient en effet le régime d’Arnaud de Villeneuve et celui de Maino de Maineri. « Arnaldi de Villa Nova opera omnia », Lyon, F. Fradin, 1504.
269 Cf. « & coquatur ponando »... Cultura della cucina e della tavola in Europa tra medioevo ed età moderna, Prato, 1996, p. 101-102. L’autre manuscrit de l’œuvre est transcrit dans le B.A.V., Vat. lat. 3842. Sur l’auteur et son œuvre, voir aussi A. Stefanutti, « Antonio Benivieni », D.B.I., vol. 8, p. 543-545 ; B. De Vecchi, « La vita e l’opera di maestro A. B. fiorentino », dans Atti delle Società Colombaria di Firenze degli anni 1930-1931, Florence, 1932, p. 103-122.
270 Il fut édité sur la base du manuscrit vénitien par L. Belloni, Antonio Benivieni (1443-1502), « De regimine sanitatis ad Laurentium Medicem », Milan, 1950.
271 « Antonii Benivenii De abditis nonnullis ac mirandis morborum et sanationum causis » (editum ab Hieronymo Benivenio), Florence, opera et impensa P. Giuntae, 1507.
272 Il en existe trois exemplaires autographes à Florence : Biblioteca Medicea Laurenziana, Ashburn. 781, Ashburn. 922 ; Biblioteca nazionale centrale, Palat. 929. Le texte fut édité sur la base du témoin Ash. 922 par G. M. Nardi, « Antonio Benivieni ed un suo scritto inedito sulla peste », dans Atti dell’Accademia di storia d’arte sanitaria, 4 (1938), p. 124-133, 190-197.
273 Il s’agit respectivement du Plut. 73.34 pour le De sanitate tuenda et du Plut. 20.53 pour le De quadragesimalibus cibis, conservés tous deux à la Bibliothèque Medicea Laurenziana (f. 1r).
274 La traduction attribuée à Ugo Benzi fut éditée en 1481 à Milan par Pietro de Cornaro. Sur l’imprimerie à Milan, voir T. Rogledi-Manni, La tipografia a Milano nel secolo xv, Florence, 1980.
275 Pour une description de ce manuscrit, voir « & coquatur ponendo »... cit., p. 105. Voir Pl. 4.
276 Pour une recension des dix éditions dont il est l’auteur, voir G. Carbonelli, « Bibliographica medica pedemontana, saec. XV-XVI », Rome, 1914. Sur ses activités, D. E. Rhodes, Giovanni Fabri tipografo del xv secolo in Torino e in Caselle, Ciriè, 1962 (Società storica delle Valle di Lanzo, 9). Voir aussi G. Vernazza, Dizionario dei tipografi e dei principali correttori e intagliatori che operano negli Stati sardi di terraferma e specialmente in Piemonte sino all’anno 1821, Turin, 1859 (rééd. Turin, 1964), p. 131-132 et 159-160 et G. Fumagalli, Dictionnaire géographique d’Italie pour servir à l’histoire de l’imprimerie dans ce pays, Florence, 1905, p. 415-416.
277 Voici la souscription du volume : preclarissimi et medici et philosophi domini magistri Panthaleonis volumina Iohannes Fabri et Iohaninus de Petro Galici egregii quidem artifices, Taurini feliciter impressere .M.CCCCLXXIIII (G. Carbonelli, « Bibliographica medica pedemontana »... cit., no 99, p. 113).
278 Ce sont les hypothèses évoquées par G. Manzoni dans Annali tipografici torinesi del secolo xv, Turin, 1863, p. 9 et par F. Cosentini, Gli incunaboli ed i tipografi piemontesi del secolo xv, Turin, 1914, p. 5 n. 16. Voir aussi I. Naso, Università e sapere medico nel Quattrocento. Pantaleone da Confienza e le sue opere, Cuneo-Verceil, 2000 (Storia e storiografia, 24).
279 Per clarissimum medicum et philosophum dominum magistrum Pantaleonem. Perque Iohannem Fabri galicum egregium artificem. De vitis sanctorum patrum volumina in Casellarum oppido feliciter impressa sunt. Anno Domini mcccclxxv heroys calidoney luce penultima mensis augusti. Amen (cf. G. Carbonelli, « Bibliographica medica pedemontana »... cit., no 100, p. 114). Cf. Hain, no 8596.
280 Preclarissimi artium et medicine doctoris domini magistri Panthaleonis de Confluentia Summa lacticiniorum completa MCCCCLXXVII die VIIII iulii. Et per me Johannem Fabri galicum Thaurini sub illutrissimo Sabaudie duce Filiberto feliciter impressa est. Deo gratias (ibid., no 101, p. 115).
281 A. C. Klebs, « Incunabula scientifica et medica », art. cit., p. 239 no 720.
282 Sur l’édition à Rome, voir l’article collectif de P. Casciano, G. Castoldi, M. P. Critelli, G. Curcio, P. Farenga Caprioglio et A. Modigliani, « Materiali e ipotesi per la stampa a Roma », dans Scrittura, biblioteche e stampa a Roma nel Quattrocento. Aspetti e Problemi. Atti del Seminario 1-2 giugno 1979, sous la dir. de C. Bianca, P. Farenga, G. Lombardi, A. G. Luciani et M. Miglio, Cité du Vatican, 1980, p. 213-244 (Littera Antiqua, 1.1).
283 Né vers 1430 à Messine (il signait ses livres nobilis vir scutifer S.D.N. Papae ou encore familiaris et continuus commensalis), Jean-Philippe de Lignamine s’installe Via papale près de San Marco à la fin des années 1460. Il mène une activité de libraire jusqu’en 1482 (date de ses dernières éditions). Il poursuit une carrière auprès du roi d’Espagne.
284 Le pape fait Jean-Philippe de Lignamine comte Palatin. Il fait également fréquemment partie des ambassades officielles, rencontrant ainsi Ludovic Gonzague et Ferdinand d’Aragon. Il est également brièvement collecteur de la dîme pour la croisade en Sicile. Sur sa vie et son activité de libraire, voir V. Capialbi, Notizie circa la vita, le opere e le edizioni di Messer Giovann Filippo La Legname, Naples, 1853. Sur ses activités à la cour pontificale et sur sa carrière diplomatique, G. Marini, Degli Archiatri pontificj, vol. 1, Rome, 1784, p. 189-197. Sur la carrière de son fils, chanoine de Syracuse, voir les lettres pontificales éditées par E. Lee, Sixtus IV and Men of Letters, Rome, 1978, p. 234-237 (Temi e testi, 26). L’historien résume également le contenu d’autres nominations où Sixte IV fait d’Antonio de Lignamine le recteur de l’église de Santa Rosalia del Montepelegrino près de Palerme, l’abbé du monastère de S. Angelo de Brolo, dans le diocèse de Messine, lui confère des canonicats à S. Maria Annunziata et S. Martino de Palatiolo dans le diocèse de Syracuse, ainsi que d’autres prébendes et titres encore.
285 Alors que G. B. Audiffredi o.p. (« Catalogus historico-critico romanarum editionum saeculi xv », Rome, 1783, p. 111-117) soutient que Jean-Philippe de Lignamine possédait chez lui une presse, E. Lee (Sixtus IV... cit., p. 100) pense au contraire, sur la base notamment des préfaces à ses éditions, qu’il faisait travailler des imprimeurs. Dans ses prologues, on trouve en effet souvent la mention : « j’ai ordonné, commandé l’impression de tel livre... ».
286 En réalité, il ne mena pas une activité typographique continue. Après une première expérience entre 1470 et 1472, il doit avoir recours au pape Sixte IV pour se sortir de difficultés financières ; il achète alors une presse et publie jusqu’en 1476. Ensuite, il se reconvertit dans le commerce du livre et s’il fait paraître des ouvrages jusqu’en 1482, ce n’est plus au titre d’imprimeur propriétaire d’une presse. Il quitte Rome pour la Sicile en 1483 et pour une carrière de courtisan auprès de la cour d’Espagne. Il était encore en vie en 1493 (cf. E. Lee, Sixtus IV... cit., plus particulièrement le deuxième chapitre, p. 94-105).
287 Il publia également le Tractatus de remediis venenorum de Pietro d’Abano en 1475. Pour une liste de ses publications, voir V. Capialbi, Notizie circa la vita... cit., et L. De Gregori, La stampa a Roma nel secolo xv. Mostra di edizioni romane nella R. Bib. Casanatense, aprile-maggio 1933, Rome, 1933, p. 50-53.
288 Pour les éditions d’inventaires, voir E. Müntz et P. Fabre, La bibliothèque du Vatican au xve siècle d’après des documents inédits, Paris, 1887 (Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome, 48).
289 … numini tui [hunc librum] dicavi, ut quotiens ab occupationibus magnarum gravissimarumque rerum vacabis, ocii partem his scriptis consumas [...]. Corpus nunc omnibus modis curandum est multis de causis [...] quod quantopere firmum validumque debeat custodiri sine cuius salute genus hominum neque bene neque beate vivere potest, vel ex eo percipimus quod neque domus sine patre familia, nec vicus nec oppidum neque civitas sine principe, nec exercitus absque imperatore recte regitur gubernatur (Bibliothèque royale Albert Ier, ms 8553-54, ff. 2v-3r).
290 … eo [principe] eo maiore cura, studio, diligentia, labore, industria tueri atque defendere salutem eius debemus, cuius vita omnium beatitudo queritur et servatur, precipue cum viventium medicorum iudicia coniecturasque sepe numero errare et decipi videamus, aut nobis forte ut fit molesti infensive sint, quibus omnibus carent scripta medicorum eruditissimorum potesteritati relicta (ibid., f. 3r).
291 Optime [scripta] enim sine periculo. Loquuntur nobiscum quamdiu velimus, tacent quam primum iusserimus (ibid.).
292 Non sum nescius Beatissime Pater quamplurimos fore, qui hunc meum quamvis honestissimum laborem vituperent : animadverti enim superioribus libris meis editis qui S.V. immortalitati quantum ipsis erat commendant, fuisse nonnullos qui me levitatis inconstantieque accusent, alios qui negligentie et incurie, quot tot et tanta res a S.V. preclarissime gestas commentariis meis pretermisissem (ibid., f. 1r).
293 De nombreuses éditions de cette époque portent en marge la trace de corrections effectuées par des lecteurs plus scrupuleux et plus soucieux du respect du texte que beaucoup d’éditeurs.
294 P. Farenga, « Le prefazioni alle edizioni romane di Giovanni Filippo de Lignamine », dans Scrittura, biblioteche e stampa a Roma nel Quattrocento. Atti del secundo seminario 6-8 maggio 1982, édité par M. Miglio avec la collaboration de P. Farenga et A. Modigliani, Cité du Vatican, 1983, p. 135-174 (Littera antiqua, 3).
295 Lui sont en effet adressées les impressions de la Chronique des papes et des empereurs, en partie sans doute écrite par Jean-Philippe de Lignamine, lui-même, le De sanguine Christi et le De potentia Dei. Mais il cherche aussi d’autres benevolentiae, dédicaçant certaines copies de l’Historia ecclesiastica d’Eusèbe au cardinal d’Estouteville, d’autres au pape et le traité De miseria curialium d’Aenea Sylvius est édité avec une lettre adressée à Francesco Tedeschini Piccolomini (Hain, no 202).
296 Il fit de même pour l’une de ses œuvres personnelles, une Vita Ferdinandi regis, éditée en 1472 et dédiée au pape Sixte IV. Il rappelle aussi dans sa préface qu’il a toujours pu compter sur le soutien indéfectible du souverain pontife : laudari fateor S.V. in libellis meis, cui quantum satisfecerim nescio (Bibliothèque royale Albert Ier, ms 8553-54, f. 1r).
297 Les éditions scientifiques représentent un peu plus de 8 % de la production du livre à Rome avant 1501. Il s’agit donc du quatrième centre d’intérêt de l’industrie typographique, loin derrière la littérature (comprenant les œuvres moralisantes et dévotionnelles dans ce décompte) qui rassemble 41,6 % de la production, les formulaires (12,41 %) et le droit (12,35 %). Parmi les œuvres médicales parues à Rome, trois concernent la peste, qui connaît une recrudescence dans la ville pontificale en 1475-1476 et deux des traités hippocratiques. Cf. G. Castolgi, et alii, « Materiali e ipotesi per la stampa a Roma », art. cit., p. 213-244. Voir aussi P. Farenga, « Tipologia del libro », dans Gutemberg e Roma... cit., p. 67-90.
298 Comme l’a souligné P. Farenga (« Le prefazioni alle edizioni romane... », art. cit.), Philippe de Lignamine à partir de 1472 se consacre essentiellement à l’édition de ses contemporains, délaissant un marché des auteurs anciens sans doute saturé. Il a ainsi édité à sa demande les oraisons de Giovanni da Trevi (Iohannes Treviensis, Oratio de veri Messiae adventu, Oratio de animarum immortalitate, Oratio de humana felicitate [Hain, no 15610]). Il publie aussi à la demande de Gaspare Biondo, l’Italia illustrata de son père Flavio (Blondius Flavius, « Italia illutrata », 1474).
299 Notons aussi qu’avant même son pontificat, par l’intermédiaire du cardinal Bessarion dont il était le confesseur, Francesco della Rovere avait été introduit à la cour de Francesco Sforza, où il rencontra peut-être le médecin (cf. E. Lee, Sixtus IV... cit., notamment le premier chapitre, p. 11-45). Sur sa présence à Rome, F. M. De’ Reguardati, Benedetto de’ Reguardati... cit.
300 Sur la cour pontificale comme milieu humaniste et intellectuel, voir E. Lee, ibid.
301 L’éditeur est particulièrement bien introduit dans le milieu de la cour pontificale, lui qui a notamment pour amis les cardinaux Tedeschini, Gonzague et Estouteville.
302 La première édition n’est pas datée. Elle remonte sans doute au début des années 1470 (Hain, no 11917).
303 Ulrich Han, originaire d’Ingolstadt, est aussi un familier du pape, depuis 1466. Associé à Simone di Niccolò da Lucca, dit Simone Cardella, jusqu’en 1474, il édita de nombreux ouvrages théologiques, juridiques et canonistes. Il meurt en 1479. Malgré les doutes exprimés par J. Ch. Brunet (Manuel du libraire et de l’amateur de Livre, Copenhague, 1966-1968, reprod. fac. sim. de l’édition de Paris, 1860-1888) et J. Th. Graesse (Trésor des livres rares et précieux ou nouveau dictionnaire bibliographique, 8 vol., Milan, 1950, reprod. fac. sim. de l’édition de Dresde, 1859-1869), il est généralement retenu que cette édition romaine est la plus ancienne. Pour une description de cette editio princeps, voir les notices de M. E. Milham et d’A. Pinto, dans « & coquatur ponendo »... cit., p. 134-135.
304 Voir la liste en annexe 2, p. 718. Ces situations de rééditions d’œuvres sont une donnée courante dans le cas des ouvrages classiques.
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