Chapitre IX. Naissance d’un genre médical
p. 401-439
Texte intégral
1Envisager la littérature diététique médiévale en terme de genre1, c’est croire à l’existence de critères de similitude qui discriminent une œuvre et la font appartenir à une classe de textes plutôt qu’à une autre ; c’est reconnaître qu’à l’intérieur de l’ensemble de la production médicale médiévale, aux côtés des genres reconnus et pour certains « consacrés » par un volume de la « Typologie des sources du Moyen Âge occidental2 », existe le groupe des « régimes de santé », car tel est le nom qui fut retenu jusqu’à aujourd’hui pour désigner de façon générique les traités diététiques. Mais ce n’est pas pour autant croire que le genre fait le texte et le détermine, qu’il en est la ratio essendi ou la ratio cognoscendi ; au contraire, l’examen typologique auquel je me suis livrée dans les pages précédentes a montré la coexistence de discours multiples et la modélisation progressive d’un système d’écriture didactique, qui laissait toutefois de larges espaces à l’innovation. La création du genre fait donc partie intrinsèque de l’histoire des textes diététiques.
2C’est dans une « continuité, définie au niveau d’une dominante autour de laquelle s’organisent les œuvres », pour reprendre une définition de Paul Zumthor3, que s’organise le genre diététique. Cette continuité est double : l’une s’inscrit dans un projet qui associe prévention et conservation de la santé et place d’emblée la littérature consacrée à l’hygiène du côté du corps en bonne santé ; l’autre se définit par les outils à la disposition de celui qui cherche à conserver sa santé et qui ne sont autres que les composantes de l’ars diaetae, les « choses non naturelles ». Les éléments de définition énoncés relèvent essentiellement de la critique interne des textes et renvoient donc aux chapitres typologiques qui précèdent. Ils ne sauraient toutefois suffire à caractériser pleinement ce qu’on désigne généralement sous le titre de « régime de santé ». Le discours ne se définit pas seulement par son enchaînement logique et syntaxique, mais aussi par son paratexte, par l’ensemble des circonstances qui préludent à son élaboration, ou encore par la langue qu’il utilise. Trois critères externes de définition du genre, qui nécessitent un changement d’échelle (du texte à l’ensemble de la production diététique et surtout médicale), retiendront mon attention : le premier concerne les modalités d’identification de l’ouvrage que sont le titre et l’auteur qu’on lui assigne, le deuxième le choix de la langue comme outil de communication, le troisième le statut du texte.
LE TITRE ET L’AUTEUR
3L’analyse des titres peut constituer une première étape pour une appréhension globale de la diversité de la production diététique, mais surtout pour permettre de saisir le moment où un type de littérature est désigné par un vocable privilégié qui le rattache à un groupe déterminé de traités, défini comme un genre. L’identification d’un texte (du moins pour ce qui concerne la diététique) par son appartenance à un genre fait partie intégrante de l’histoire même du genre, car l’apposition d’un titre est avant tout un acte individuel, c’est-à-dire propre à chaque œuvre – je devrais presque dire à chaque manuscrit ; il faut en effet savoir distinguer ce qui dans le choix d’un titre (qu’il se situe en tête du texte, ou au détour de la phrase incipitaire) relève de l’auteur ou de la plume du copiste, voire d’un lecteur. La variabilité de certains titres en témoigne4. Quel qu’en soit l’auteur, ce choix n’en est pas moins révélateur d’une intention ou, plus encore, il identifie le traité au sein du reste de la production médicale médiévale.
4De la même façon, l’attribution d’un texte à un auteur n’est pas non plus une constante dans le processus d’identification des traités5. La « fonction-auteur », telle que l’a distinguée Michel Foucault comme critère discriminatoire d’une œuvre6, n’est pas une donnée systématique de la littérature diététique. Autrement dit, une même œuvre peut être, dans deux manuscrits, attribuée à deux auteurs différents, voire ne pas comporter de nom du tout. À une époque où la notion de propriété des textes ou de « copyright » n’existe pas, cela ne saurait être étonnant7. Est-ce à dire que la « fonction-auteur » n’est pas pertinente ? Le caractère constant de certaines attributions dénote le contraire. La vraie question semble plutôt celle de l’utilité de cette fonction, de la validation et de l’authentification que la seule présence d’un nom octroie au texte.
Diversité des titres
5Dans l’ensemble de la littérature diététique, les titres d’ouvrages se signalent par leur multiplicité. Certains vocables, très généraux, servent simplement à désigner le livre : liber ou libellus par exemple, l’un éventuellement préféré à l’autre pour signifier une différence de longueur du texte. D’autres termes s’emploient non seulement dans le domaine médical mais aussi dans d’autres champs du savoir et se réfèrent plutôt à un mode d’écriture. Compendium8 vise ainsi à donner l’idée d’une compilation d’autorités, rassemblant en un lieu, le livre, différents points de vue. L’emploi de tractatus est généralement plus significatif d’un ouvrage universitaire ou du moins apparenté à la littérature savante. Ces mots, dont la définition et l’emploi demeurent lâches, sont fréquemment déterminés par une périphrase qui vient indiquer au lecteur la teneur de l’ouvrage et rendre compte de ses particularités. Les formulations le plus fréquemment employées sont liber de sanitate tuenda, ou liber de conservatione sanitatis, voire tout simplement de conservatione sanitatis, qui sont tous des titres-contenants.
6Aux xive et xve siècles toutefois, d’autres intitulés se généralisent qui expriment la constitution progressive d’un genre médical. Empruntés au vocabulaire de la conservation de la santé, diaetarium ou plus encore regimen sanitatis deviennent assez rapidement synonymes de littérature diététique et conservatoire. Diaetarium, qui fut peu employé9, est un titre surprenant. Composé à partir de diaeta, dont on a déjà étudié les significations, il rappelle le mot Antidotarium employé pour désigner des ouvrages de pharmacopée et notamment l’Antidotaire de Nicolas de Salerne10. Le Diaetarium pourrait à ce titre rappeler et compléter les enseignements fournis par l’Antidotarium, ce dernier en proposant une énumération des vertus des médicaments et de leurs usages à des fins thérapeutiques, le Diaetarium en inventoriant les qualités des aliments à des fins prophylactiques. Le mot fut notamment utilisé pour désigner une traduction ou composition attribuée à Étienne Arlandi11 et dans certaines copies du Libellus de conservatione sanitatis de Jean de Tolède12. Le terme de regimen13 eut en revanche un succès plus important ; il est d’ailleurs significatif qu’il serve actuellement à désigner la littérature diététique médiévale14. Son sens de « conduite » ou de « gouvernement » le prédisposait sans doute à une utilisation dans le domaine diététique, même si son acception dépasse le cadre médical, puisqu’il y est question de gouverner son corps15.
7Regimen était déjà utilisé dans la littérature consacrée à l’hygiène pour désigner le contenu de l’ouvrage, c’est-à-dire le régime de vie que l’auteur proposait à son destinataire. C’est l’usage qu’en fait par exemple Jean de Tolède16. Le glissement qui s’est opéré du sujet (du livre) vers l’objet-livre lui-même fut peut-être influencé par des traductions de traités de l’Antiquité, comme celle du Régime des maladies aiguës qui, à partir du milieu du xiiie siècle, entra dans le corpus de l’Articella de la plupart des facultés médicales, ou celle du Régime pseudo-hippocratique. Peut-être aussi faut-il y voir une influence de la littérature politique du temps, ces « miroirs » des princes qui, s’ils retenaient souvent le mot speculum pour titre, n’usaient pas moins parfois, comme Gilles de Rome ou Jean de Viterbe, du terme regimen pour désigner leur entreprise. Or, les deux démarches, qui visent un gouvernement de soi souvent pour mieux guider les autres, ne sont pas si différentes dans leur nature, même si l’enseignement du médecin a bien sûr de bien moindres ambitions17. Cependant, n’est-ce plutôt du côté des traductions d’ouvrages arabes qu’il faut chercher l’origine du mot regimen ? En effet, par ses multiples acceptions, ce terme semble très proche de son équivalent arabe « tadbīr », également employé dans la littérature médicale pour signifier le fait d’organiser, planifier, conduire ou encore diriger. Dans l’un des plus anciens manuscrits des traductions du Pantegni d’Haly Abbas, c’est par regimen que « tadbīr » est rendu18. Pourtant, et malgré la très forte influence et l’importante diffusion du Pantegni dans l’enseignement médical médiéval (notamment avant l’introduction du Canon d’Avicenne), le terme de regimen sanitatis n’a pas été employé pour désigner un type de production médicale avant la première moitié du xive siècle. En effet, c’est à cette date qu’apparaissent les premières présentations d’ouvrages diététiques sous ce terme19, utilisées dans deux traités composés dans le milieu montpelliérain, ceux d’Arnaud de Villeneuve et d’Arnold de Bamberg. Or, à Montpellier circulèrent aussi les versions latines de certaines œuvres de Maïmonide et plus particulièrement son régime (Fī tadbīr al-Ṣiḥḥah), adressé au fils du sultan Saladin, al-Malik al-Afḍal, en 1198. Si Juan Antonio Paniagua et Pedro Gil Sotres ont suggéré qu’Armengaud Blaise a pu être l’auteur de l’une des traductions de ce traité20, il est avéré que Jean de Capoue en proposa une version latine dans les années 1294-1303, adressée, d’après le prologue, à Boniface VIII21. D’après les manuscrits conservés, l’ouvrage diététique fut traduit sous le titre de Regimen ad regem hyspanie, du moins dans cette version de Jean de Capoue. Sans véritablement trouver la trace d’une utilisation de Maïmonide dans le régime d’Arnaud de Villeneuve, j’ai en revanche pu montrer les lectures qu’en avait faites Arnold de Bamberg, qui cite deux œuvres du praticien juif dans son propre régime, et notamment le Regimen ad regem hyspanie. Dans l’introduction où Maïmonide rapporte les circonstances qui ont préludé à la rédaction du traité, le texte est désigné par le terme de « régime »22.
8Écrire un régime (scribere regimen) désigne non seulement le texte mais le livre lui-même, le contenant et le contenu. Regimen, sous la plume du traducteur, devient donc une métaphore du texte et de l’ouvrage. Conclure que le régime de Maïmonide serait à l’origine de la constitution d’un titre générique pour l’ensemble de la littérature diététique paraît néanmoins hasardeux, ne serait-ce qu’en raison du faible retentissement de son œuvre sur la production occidentale23. Mais peut-être cette formulation fut-elle reprise avec un succès non démenti pour désigner le traité qu’Arnaud de Villeneuve écrivit pour le roi d’Aragon, qui bénéficia d’un tout autre accueil dans l’Occident médiéval.
9Si divers titres coexistent encore au xive siècle, regimen sanitatis l’emporte largement sur tout autre formulation, notamment dans les ouvrages anonymes, au xve siècle. Parfois les copistes, conscients peut-être de l’existence d’un véritable genre médical, n’hésitent pas à conférer à un ouvrage ancien le titre en vogue de « régime de santé ». Ainsi, le Livre de Physique d’Aldebrandin de Sienne est volontiers désigné par le titre de Régime du corps dans les manuscrits des xive et xve siècles24, titre sous lequel Louis Landouzy et Roger Pépin l’éditèrent au début du siècle25. De même, le Liber de conservanda sanitatis de Jean de Tolède apparaît fréquemment sous le titre de regimen sanitatis dans des codices de la fin du Moyen Âge26.
L’auteur
10La signature d’une œuvre par l’auteur n’est pas un paramètre systématiquement utilisé pour désigner un texte. Selon les manuscrits, certains traités peuvent indifféremment circuler sous une forme anonyme ou porter la mention d’un nom. Il semblerait presque que la « fonction-auteur » ne soit pas nécessaire à l’existence d’un ouvrage diététique, pas plus que l’absence de nom ne constitue un critère discriminatoire pour sa transmission. La très forte transmission des Flores dietarum, certes attribuées à Jean de Saint-Paul mais circulant essentiellement de façon anonyme, démontre au contraire que, même sans auteur, le texte diététique s’est bien diffusé. Sans doute les Flores dietarum constituent-elles un cas limite ; bien que je n’aie trouvé qu’un manuscrit portant un nom d’auteur (B.A.V., Pal. lat. 1304), l’ouvrage a cependant dû être souvent transmis sous le nom de Jean de Saint-Paul, puisque le cardinal de la Curie était manifestement connu des lecteurs médiévaux comme l’auteur du traité. Ainsi Roger Marshall, professeur à Cambridge, qui possédait une copie anonyme du texte (British Library, Sloane 420), annonce cependant dans la table des matières (f. 1v) les Flores dietarum de Jean de Saint-Paul. L’anonymat serait presqu’ici la conséquence d’une trop forte célébrité. L’ancienneté de ce texte constituait peut-être aussi une garantie suffisante de son intérêt, quoiqu’il soit difficile de percevoir dans quelle mesure il était considéré par les lecteurs comme un texte ancien.
11Un examen quantitatif des copies d’ouvrages qui nous sont parvenues montre que la déperdition semble moindre pour les textes signés que pour les anonymes. Le traité non identifié suscite une plus faible conservation que l’ouvrage authentifié par un auteur, a fortiori s’il s’agit d’une personnalité reconnue de la pensée médicale. N’est-ce pas du désir de certifier la valeur d’un texte que sont nées certaines attributions erronées, ou des surcharges dans les qualifications des auteurs ? Ainsi, dans diverses copies du Livre de Physique, à propos d’un écrivain mal connu de ses quasi-contemporains, certains scribes ont jugé bon d’en faire tantôt un médecin du roi de France, tantôt un chevalier du Saint-Sépulcre de Jérusalem27, selon le sens qu’il s’agissait de donner au texte, scientifique ou moral. De même, un régime anonyme a été selon les manuscrits tantôt attribué à l’école montpelliéraine, tantôt décrit comme adressé au duc d’Autriche. Ce texte, édité d’après cinq manuscrits par C. Ferckel sous le titre de Gesundheitsregiment für Herzog Albrecht von Österreich aus dem 14. Jahrhundert28, est également transmis par des témoins anonymes tardifs, qui ont en commun avec les précédents d’être conservés dans l’aire germanique29. Le régime appartient manifestement à la catégorie précédemment distinguée des regimina ad personam, où l’auteur s’adresse à un individu spécifique, qui demeure non identifié dans certaines versions (simplement désigné par un « tu »), parfois qualifié de reverendisssimus princeps mi pater et dominus comme dans le codex P. Dans les manuscrits qui ont servi pour l’édition, le nom de l’auteur est quelquefois signalé, mais il varie selon les versions ; il est ainsi appelé magister Gregorius30 dans V, N. medicus dans Mr et seulement medicus dans M. Toutefois, dans ce codex ainsi que dans V, les copistes présentent l’auteur comme montpelliérain et font du duc Albert d’Autriche (1283-1298) le destinataire du régime31. Si l’analyse interne de l’œuvre, avec la fréquente citation de vers « salernitains » – l’apostrophe initiale au roi d’Angleterre dans le régime de Salerne sert de modèle pour la dédicace au duc d’Autriche – rend moins probable une datation du xiiie siècle, il est certain cependant que l’ajout d’un destinataire véritable ou fictif et d’un auteur plus ou moins connu, figure montpelliéraine32, servaient à l’identifier et à le promouvoir sur la scène médicale en lui assignant des caractères communs aux productions diététiques.
12La « fonction-auteur » est un critère de validation qui prouve l’authenticité et garantit la valeur scientifique du texte. Il n’est de fait pas étonnant qu’aussi bien les régimes d’Arnaud de Villeneuve et de Bernard de Gordon, ou encore celui de Benedetto Reguardati, aient toujours été présentés sous le nom de leur auteur, les copistes jugeant parfois utile d’ajouter quelques renseignements biographiques afin d’accroître encore l’autorité du traité. Ainsi on précise tantôt que Jean de Tolède était cardinal ou que Benedetto Reguardati était le médecin du duc de Milan33, cette dernière information ayant pour finalité d’actualiser les renseignements disponibles sur l’auteur ; si lorsqu’il rédigea son Libellus de conservatione sanitatis, Benedetto Reguardati n’était en effet pas encore au service de Francesco Sforza, cela n’est plus vrai au moment où le codex est copié. En revanche, le nom d’Arnold de Bamberg, sans doute peu connu du copiste du manuscrit 75 de la Wellcome Library, l’a conduit à une confusion ; le régime du médecin allemand, dans ce témoin, est en effet attribué à un quasi-homonyme, Arnaud de Villeneuve, bien plus renommé34. Surtout, le régime du praticien montpelliérain faisait aussi partie des ouvrages copiés par le même scribe, ce qui a sans doute facilité l’erreur d’attribution35.
LE STATUT DU TEXTE : L’EXEMPLE DU LIVRE DE PHYSIQUE
13Abrégé, augmenté, remanié, parsemé d’éléments externes à sa structure originale, le texte diététique peut aussi être réattribué ou versé au fonds des anonymes. La méprise sur l’auteur est d’autant plus fréquente que, dans certains manuscrits, se suivent des œuvres qui traitent d’un même sujet, facilitant ainsi l’attribution erronée de l’une d’entre elles à un écrivain qui figure dans la liste des ouvrages copiés. En revanche, du fait de la rareté de manuscrits du Tractatus de salute corporis de Pierre de Tossignano, il est plus difficile d’expliquer pourquoi cet ouvrage fut imputé à Guillaume de Salicet, si ce n’est à des fins publicitaires, dans cette sorte de préface postiche figurant dans un codex du xve siècle où le régime est adressé au roi de Sicile et d’Aragon, Alphonse36. N’est-ce pas ce qui se produisit avec les nombreux ouvrages faussement attribués à Arnaud de Villeneuve par exemple37 ? Parfois aussi, pour des raisons de proximité géographique, le nom de Jean de Tolède est confondu ou combiné avec ceux de Jean de Séville ou de Petrus Hispanus38.
14Volontaire ou non, l’erreur du copiste est cependant inévitable en raison de la nature même de son travail. La qualité du résultat dépend d’abord de l’état du manuscrit modèle, plus ou moins altéré (intégrant des leçons étrangères au texte original ou mélangeant des cahiers) ou plus ou moins bien écrit, ce qui favorise à l’occasion les erreurs de lecture. Extérieure à l’enseignement universitaire, l’œuvre diététique est par ailleurs exclue du système de reproduction par pecia, qui aurait pu, grâce à l’établissement d’un exemplar authentifié par les autorités de la faculté, le protéger des transformations abusives ou involontaires. Le remaniement peut aussi être motivé par une utilisation précise du texte, comme le montre le codex lat. 7066 de la B.n.F., entièrement consacré aux maladies spécifiques aux femmes : on y trouve aussi bien les traités de Trotula39 que le De sterilitate mulierum de Bernard de Gordon ou le De impregnatione mulierum de Jourdain de Turre, auxquels fut ajouté un extrait du long régime de Maino de Maineri consacré à la physiologie féminine. Ce manuscrit composite, peut-être assemblé au Moyen Âge par quelque médecin ou chirurgien qui désirait disposer d’un livre entièrement dédié à la physiologie et à la pathologie féminines, illustre bien l’un des enjeux de ces remaniements ou abrègements de textes : intégrer le passage choisi dans un autre univers que le sien afin de répondre aux nécessités d’un florilège thématique.
15En l’absence de manuscrits autographes, rares sont les états de textes non « corrompus », à l’exception des copies dont la transcription a pu être surveillée par les auteurs eux-mêmes. Ainsi sans doute le Vat. lat. 3749, qui propose la seule version manuscrite de la Summa lacticiniorum de Pantaleone da Confienza, constitue l’état premier du texte ; le codex, adressé au pape Sixte IV, fut commandé par l’auteur (qui en surveilla certainement la confection) pour en faire don au souverain pontife40. Mais ces manuscrits de dédicace représentent plutôt des cas exceptionnels.
16L’examen de la production diététique du xiiie siècle a permis de montrer la fréquence des altérations subies par certains ouvrages, notamment ceux du pseudo-Jean de Saint-Paul, de Jean de Tolède ou encore de Petrus Hispanus. Mais du fait de sa longévité, de son succès apparent et du nombre de ses remaniements, le Livre de physique d’Aldebrandin de Sienne en fut tout particulièrement victime.
Une ample diffusion manuscrite
17Œuvre longue et subdivisée en quatre ensembles autonomes, le Livre de Physique se prêtait aisément au travail de réécriture des copistes, d’autant que l’auteur était inconnu. La multiplicité des versions recensées, l’importante circulation de l’ouvrage sous des formes remaniées, abrégées, fragmentaires, attestent que ce texte est demeuré longtemps vivant, que ce soit dans sa version française ou dans ses traductions.
18Juger du succès d’une œuvre par sa seule tradition manuscrite est aventureux, tant il est difficile de mesurer le cœfficient de déperdition des manuscrits. Mais les treize exemplaires du Trattato della sanità répertoriés par Françoise Féry-Hue, auxquels s’ajoutent quatorze témoins retrouvés par Gabriella Bersani41, proposent une image de ce que fut peut-être la réception de la version italienne du Livre de Physique ; un total de vingt-sept manuscrits que l’on peut comparer aux soixante et onze codices de l’œuvre en français d’Aldebrandin de Sienne42, ou aux sept exemplaires du Libellus de conservatione sanitatis de Barnabas Riatinis ; le chiffre prend ainsi une tout autre dimension.
19Comme le montre le graphique 343, les témoins conservés montrent une forte diffusion de l’œuvre en français et de sa traduction italienne dès la mise sur le marché des textes44. L’augmentation du nombre de manuscrits subsistants au xve siècle, si elle est conforme à la hausse générale des copies à cette période, souligne un intérêt non démenti pour ce premier exemplaire d’écriture diététique vernaculaire, et cela d’autant que le chiffre ici retenu est peut-être sous-estimé du fait d’une déperdition sans doute plus forte qu’aux siècles précédents en raison de l’utilisation généralisée du papier.
Texte complet ou versions remaniées ?
20Qu’il s’agisse du texte français ou de sa traduction italienne, le Livre de Physique a connu de nombreuses modifications, passant de l’ajout d’un prologue postiche à la transformation de certains passages, sans oublier les abrègements ou encore les modifications du sens général de l’ouvrage45. Ces réaménagements eurent plus de succès que la version originelle, notamment pour la traduction : alors que parmi les témoins examinés huit manuscrits proposent le texte complet, six manuscrits ne présentent que des fragments de l’œuvre46, neuf sont incomplets47 et deux proposent des abrègements48. Au xve siècle, il semblerait que ce soit essentiellement sous une version plus ou moins fortement remaniée que le Trattato della sanità circule le plus, alors que le texte le plus proche du modèle français devient minoritaire. Ce phénomène reproduit l’histoire du Livre de Physique original, dont les versions abrégées, transformées ou incomplètes devinrent, elles aussi, le principal modèle de circulation du traité d’Aldebrandin de Sienne à la même époque. Et encore parmi les « 44 manuscrits d’un texte quasiment complet et sans remaniement49 », Françoise Féry-Hue, l’auteur d’un recensement de la version française, tient-elle compte non seulement de la rédaction A qui, rappelons-le, ajoute un prologue postiche, mais aussi de la rédaction B « Roger male branche » (qui introduit des modifications textuelles) et la version mixte, sans oublier trois manuscrits qui donnent un texte abrégé. Cette classification a pour effet de réduire fortement le nombre de témoins du texte transformé et d’en limiter l’acception aux extraits et aux remaniements du xve siècle. Elle permet de ne comptabiliser que vingt-quatre manuscrits sur un total de soixante et onze témoins conservés du Livre de Physique. Or, si l’on restitue le nombre exact de manuscrits pour chaque rédaction, et si on en exclut des abrègements et réécritures, on obtient le graphique 4 :
21La rédaction B est celle qui fut la mieux diffusée au Moyen Âge, puisqu’elle représente 80 % des manuscrits proposant des versions complètes du texte (et 47 % de l’ensemble des témoins conservés) ; dans ce groupe, c’est la version « Roger male branche » qui totalise le plus grand nombre de manuscrits, devant la « B classique ». Les textes, transformés ou écourtés, et les extraits, formés à partir des rédactions A ou B (qui ne sont pas comptabilisés dans le graphique), constituent cependant 42,4 % de l’ensemble, et témoignent de la forte diffusion dont le Livre de Physique, même réélaboré, bénéficia.
22Une répartition de ces résultats par demi-siècle montre, d’une part, la précocité avec laquelle le Livre de Physique fut transformé ; d’autre part, si la diffusion des versions remaniées ou abrégées progressa de façon assez homogène, c’est surtout dans la seconde moitié du xve siècle qu’elle fut la plus importante. En revanche, à cette même époque, les rédactions A et B sont nettement moins en vogue, avec seulement quatre manuscrits conservés pour les deux. C’est donc au xiiie siècle et au début du xive qu’elles connurent leur plus grand succès50. Ce phénomène est somme toute courant, puisque une œuvre fait généralement l’objet de nombreuses copies peu après son élaboration. Dans un second temps, rangée parmi les ouvrages du passé, elle donne lieu à des réutilisations, enrichissements ou fragmentations. Au xive siècle et au début du xve, la répartition en manuscrits des deux groupes considérés s’équilibre quelque peu, comme le montre le graphique 5.
23Le Livre de Physique constitue sans doute une sorte de cas limite, car à l’exception des Flores dietarum, qui étaient par nature un florilège, aucun texte diététique répertorié dans ce travail ne fit l’objet d’autant de réaménagements et de réécritures. Sa composition initiale, les sujets traités et l’autonomie de chacune des parties expliquent ce phénomène. Peut-être ces transformations du texte ont-elles contribué à assurer au premier ouvrage diététique en langue vernaculaire un succès inégalé, à l’exception de livres destinés à l’enseignement et du Regimen sanitatis ad inclytum regem Aragonum d’Arnaud de Villeneuve.
24L’apposition d’un titre ou l’attribution d’un auteur et les qualités de transmission d’un texte ne sont pas cependant les seuls critères de définition d’un genre médical. Il faut y ajouter un troisième élément qui dépend à l’origine de l’auteur seul : la langue utilisée pour la composition de son ouvrage.
LE CHOIX D’UNE LANGUE
25Le choix d’une langue de composition traduit des rapports de force à la fois politiques, sociaux et culturels qui dépassent le cadre du genre diététique et renvoient aux questions sur l’émergence de langues nationales, sur le statut du latin et des langues romanes dans les champs des savoirs et sur la définition d’une langue « véhiculaire51 ». L’essor des langues vulgaires comme outil d’écriture fut lent et différentiel d’un pays à l’autre ; l’Italie par exemple a résisté plus longtemps à ces nouveaux langages52, tandis qu’en Castille florissait une importante production en vernaculaire. Surtout, l’apparition de ces idiomes dans le champ de l’écrit n’a pas pour autant fait disparaître le latin, et longtemps, dans de nombreux domaines, les deux langues coexistèrent.
26Dans l’ars diaetae, le latin demeure jusqu’à la fin du Moyen Âge la langue véhiculaire par excellence d’un savoir qui se rattache expressément à ses origines universitaires ; à ce titre, la situation de cette branche de la médecine n’est guère différente de celle que connaît l’ars medica tout entier, dont le discours s’inscrit majoritairement dans un idiome savant, malgré des tentatives pour traduire, à l’occasion, certains livres d’autorités dans des langues vulgaires53. Toutefois, la présence d’ouvrages composés directement en français ou en italien54, ou traduits du latin, pose le problème du statut de ces langues dans un domaine partagé entre ses idéaux scientifiques et ses désirs de vulgarisation. Il est certain tout au moins que les processus de traduction ou de rédaction directe dans une langue autre que le latin résultent non de contraintes mais de choix de la part d’auteurs qui maîtrisent la langue savante. Mais la diététique peut-elle, sans mettre en péril son statut d’ars, être diffusée par un autre canal que celui traditionnellement55 utilisé ? Ou, en renversant les propositions, la langue vulgaire peut-elle être vecteur de culture ? Et de quelles stratégies de promotion et de diffusion découle le choix du vernaculaire ? Ces questions renvoient aussi à la réception de l’œuvre, au public espéré ou attendu, et à son niveau de culture.
27Tout en limitant le présent travail aux œuvres diététiques en langue latine, l’importance et le rayonnement de certains régimes en vulgaire m’ont déjà poussée à faire des entorses à cette règle générale. Le Livre de Physique d’Aldebrandin de Sienne, l’Epistola de Taddeo Alderotti et le Libretto de tutte le cosse che se magnano de Michel Savonarole justifient qu’on s’attarde sur quelques traités afin d’étudier à la fois le choix de la langue et le rôle de la traduction56.
Latin ou langue vernaculaire ?
28S’il m’est impossible ici de comparer quantitativement les productions diététiques en langues vernaculaire et latine, la part de cette dernière demeure importante tout au long du Moyen Âge, et même ultérieurement. Cependant, le Libretto della sanità ou le Libretto de tutte le cosse che se magnano, sans oublier les régimes traduits en allemand57, attestent un certain multilinguisme dans le domaine diététique, qui n’est pas unique dans le champ médical58. La pharmacopée offre aussi d’anciens exemples d’utilisation du vernaculaire, notamment dans le cadre des réceptaires, de même que la chirurgie, ou l’astrologie pratique59.
29Il existe au xiiie siècle plusieurs cas d’emploi de langues vernaculaires dans le domaine diététique qui se limitent toutefois à deux zones géographiques : pour le domaine français, le Livre de Physique d’Aldebrandin de Sienne (à ma connaissance l’exemple le plus ancien), les traductions françaises du Secret des secrets, dont la première, due à Pierre d’Abernum, est postérieure à 126760 et le régime en vers de Thomas de Thonon ou de Savoie. Dans l’aire italienne, on trouve la version vernaculaire du Secret des secrets proposée par un savant toscan (de Pise ou de Lucques), datée des années 1290-131061, la traduction du Livre de Physique par Zucchero Bencivenni à la même époque, sans oublier la version italienne de l’Epistola de Taddeo Alderotti pour Corso Donati à la fin du xiiie siècle. Jacques Monfrin voyait dans la péninsule un précurseur devançant d’une cinquantaine d’années le royaume de France62, pour ce qui concerne les traductions vernaculaires d’ouvrages littéraires ou rhétoriques ; la diététique connaît manifestement une évolution contraire.
30La présence d’idiomes vulgaires aux côtés de la langue savante par excellence reflète l’ambiguïté du statut de l’ars diaetae. S’agit-il d’un savoir pratique, d’une techné, ou d’une science, au sens d’epistemé63 ? Si le statut de scientia ne souffre que l’emploi du latin entre xiiie et xve siècles, l’ars peut en revanche se satisfaire des langues romanes. L’inscription des régimes au rang des œuvres de la « Fachliteratur », qui peut être comprise comme une littérature didactique à vocation utilitaire, n’est sans doute pas étrangère à ce multilinguisme64. Lorsqu’Aldebrandin de Sienne, dès 1256, choisit le dialecte champenois, qui n’est même pas sa langue maternelle, il fait certes preuve d’originalité, mais il n’y a pas alors de véritable tradition diététique, et le Livre de Physique s’inscrit dans un espace de liberté qu’aucun code ou aucune règle ne régit. Plus encore, la langue vernaculaire semble traduire à ses yeux le caractère éminemment pratique de son ouvrage et sa finalité tournée vers l’opus et non vers la théorie65. La rémanence du latin comme vecteur privilégié de transmission d’un savoir diététique, souvent destiné à la vulgarisation, pourrait peut-être partiellement s’expliquer par la « jeunesse » de l’écriture occidentale sur le sujet et par la nécessité de sa justification aux yeux des universitaires. N’oublions pas cependant que les ouvrages de diététique sont écrits par les professionnels de la santé, issus des facultés de médecine. On trouverait un contre-exemple frappant d’auto-justification dans le prologue postiche de certains manuscrits du Livre de Physique d’Aldebrandin de Sienne ; le responsable de cet ajout fait en effet du régime la traduction vernaculaire d’un ouvrage en grec, une première fois traduit en latin avant d’être donné en français66. Comment mieux qualifier la réputation scientifique de ce traité qu’en lui attribuant une origine grecque (et donc ancienne), à une époque où la littérature diététique n’est pas véritablement de mode ? L’argument vaut peut-être surtout parce que le texte ne s’inscrit dans aucune tradition littéraire et médicale. Au xve siècle, alors que le vernaculaire s’est hissé au rang de langue littéraire, il semble que le choix de l’idiome soit défini par le destinataire visé ou affiché. Il répond à des stratégies de promotion et de diffusion de l’œuvre. Lorsque Benedetto Reguardati rédige son Libellus de conservatione sanitatis, il choisit le latin, langue qu’il partage avec le destinataire du traité, l’évêque d’Ancône et de Numana, Astorgius Agnese. De même, Bernardo Torni (1452-1497), écrivant pour un dignitaire ecclésiastique qui fut sans doute le cardinal Jean de Médicis, fils de Laurent le Magnifique, et futur pape Léon X67, opte pour le latin dans son De sanitate tuenda. Niccolò Falcucci, auteur d’une encyclopédie médicale dont le premier volume est consacré à l’hygiène68, mais plus encore Antonio Gazio (1461-1528)69, dans sa Florida corona medicine – une somme diététique –, choisissent le latin car ils s’adressent à leurs confrères. L’œuvre du Padouan Michel Savonarole70, partagée entre latin et italien, montre que la langue est dictée par le public espéré ou revendiqué. C’est en italien qu’il écrit le Libreto de tutte le cosse che se magnano, un traité alimentaire, le Trattato ginecologico (qui porte aussi le titre Ad mulieres ferrarienses de regimine pregnantium et noviter natorum usque ad septennium), le De preservatione a peste et cura eius71, malgré son titre latin, sans oublier le Trattato della gotta, alors qu’il rédige sa Practica maior et sa Practica canonica en latin. Les stratégies de langue recouvrent non seulement des choix de destinataires, puisque les traités de Michel Savonarole adressés aux membres de la famille d’Este sont en italien, mais révèlent aussi des conceptions diverses sur la nature de ces textes72. Les deux practicae, destinées à prolonger l’enseignement médical, s’adressent à des professionnels. C’est d’ailleurs à son collègue et ami Sigismond Polcastro qu’est dédiée la Practica maior. En revanche, aussi bien le Libretto de tutte le cose che se magnano que le Trattato della gotta73 appartiennent à ce domaine de la « Fachliteratur » à vocation didactique et au moindre degré de scientificité. Les deux ouvrages ont par ailleurs pour dédicataires des princes de la maison d’Este74, tandis que l’ouvrage gynécologique et le régime de temps de peste revendiquent pour lecteurs respectifs les femmes de Ferrare et l’ensemble de la population de la cité75. Le latin demeure l’outil privilégié de communication des intellectuels entre eux, agent d’une diffusion des savoirs et langue de la science pour des lecteurs avertis.
31Les régimes de santé ont eu de plus en plus recours aux langues vernaculaires, en particulier au xve siècle, mais le mouvement était déjà perceptible un siècle plus tôt, à travers l’emploi occasionnel chez certains auteurs de termes empruntés au vulgaire. L’intrusion des dialectes dans un discours resté fidèle au latin souligne aussi l’existence de deux plans linguistiques qui ne sont pas imperméables l’un à l’autre et qui, dans le cadre d’une littérature de la pratique, rendent parfois obligé le passage par la langue dialectale, mieux à même d’exprimer certaines réalités que le latin méconnaît. Ces traits caractéristiques de certains régimes du xive siècle ont déjà été soulignés pour les œuvres d’Arnaud de Villeneuve, d’Arnold de Bamberg, ou dans les deux traités diététiques de Barnabas Riatinis. À l’époque, où s’affirment les regimina sanitatis, la fréquence et l’usage de tels termes renvoient le plus souvent, soit à des préparations culinaires (pâtes alimentaires ou plats76) qui ont d’abord été connues et désignées sous des appellations vernaculaires, soit à des espèces végétales ou animales propres à une région et que l’auteur ne semble pouvoir distinguer des autres que par une désignation d’origine locale. C’est le cas des poissons de l’Adriatique, évoqués par des noms empruntés au dialecte vénitien et latinisés par Barnabas Riatinis, dans son Compendium de facultatibus alimentorum et dans son Libellus de conservatione sanitatis77. L’utilisation de la langue vernaculaire, de préférence au latin, ne serait-elle qu’un prolongement de ces cas particuliers, perceptibles plus tôt ? Sans généraliser, le souci manifesté par les médecins, auteurs d’ouvrages diététiques, de connaître et de décrire les habitudes alimentaires de leurs contemporains afin de proposer un discours scientifique ad hoc, a souvent rendu nécessaire le recours au vernaculaire dans l’écriture diététique. Que le latin disparaisse en outre de la culture des élites laïques de la société médiévale ne pouvait qu’accélérer une évolution qui n’est toutefois pas encore générale, à la fin du xve siècle. Ainsi, alors que Guido Parato compose en latin son Libellus de sanitate conservanda qui lui fut commandé par deux émissaires du duc de Bourgogne, le régime est récrit en français à la demande de Philippe III par des professionnels installés à la cour, centre réputé de traductions à partir de son règne et plus encore de celui de son fils Charles le Téméraire78. En revanche, le livre d’Aldebrandin de Sienne, qui passait parfois, dans certains manuscrits, pour être la traduction française d’un original grec (via un intermédiaire latin), fit l’objet d’une adaptation latine au xve siècle, comme l’a découvert récemment Sebastiano Bisson79. Dans ce cas, l’idiome savant a pu servir de « langue de vulgarisation scientifique »80, même si le nombre de manuscrits conservés de cette version ne plaide pas pour une large diffusion81.
32Si le choix de la langue de composition révèle les intentions de l’auteur, la traduction – qu’il s’agisse du passage du latin aux langues vernaculaires ou l’inverse, voire d’une langue vulgaire à une autre –, rend compte aussi de la perception même du texte par ses lecteurs, de sa réception et de ses usages. Même si elles ne correspondent plus chronologiquement au « moment » de la création, les traductions participent de l’histoire du livre et de son inscription dans l’histoire plus globale du genre diététique.
Traduction et traducteurs
33Passer d’une langue vulgaire à une autre ne pose a priori pas les mêmes difficultés au traducteur qu’une transposition du latin au vernaculaire82. Le latin, disposant d’un statut de langue scientifique, a su se forger progressivement un vocabulaire technique83. Toutefois, dans le domaine diététique, le savoir n’avait guère besoin d’un lexique vernaculaire propre. C’est donc la nature des motivations de la traduction qui retiendra mon attention, ainsi que l’inscription sociale des traducteurs84.
34Je m’attacherai à l’étude de deux ouvrages qui ont pour particularité de permettre d’éclairer les figures du traducteur de textes scientifiques : d’abord la transcription en italien du Livre de Physique d’Aldebrandin de Sienne, qui fut proposée par le notaire florentin Zucchero Bencivenni85 ; ensuite, les versions italiennes du Libellus de conservatione sanitatis de Benedetto Reguardati. Avant de me livrer à cet examen, il me faut revenir sur la personnalité des traducteurs et sur les circonstances qui ont présidé aux transpositions respectives de ces deux ouvrages. En effet, ces versions soulèvent des difficultés bien distinctes qui rendent nécessaire un examen plus précis, soit de l’activité du traducteur (dans le cas du Livre de Physique), soit de l’authenticité même de la traduction, pour le Libellus de conservatione sanitatis.
Zucchero Bencivenni, traducteur florentin
35Zucchero Bencivenni proposa au début du xive siècle la première version italienne du Livre de Physique d’Aldebrandin de Sienne86. Peu connu, il suscite encore de nombreuses interrogations quant à sa personnalité et à son activité87. D’après les informations fournies par le plus ancien manuscrit de cette version (il s’agit du Plut. 73.47 conservé à la Biblioteca Medicea Laurenziana de Florence), la traduction fut effectuée en mai 1310 par ce Zucchero Bencivenni, qualifié de notaire du « popolo de San Piero Maggiore88 ». D’autres témoins du Trattato della sanità ajoutent à la date de 1310 des informations sur le lieu de traduction, Avignon, et sur le commanditaire de l’entreprise, un noble chevalier de Florence89. Alcide Garosi, qui a édité le texte français du Livre de Physique et la version de Zucchero Bencivenni90, n’hésite pas à qualifier le traducteur de médecin, en se fondant sur un document de la fin du xiiie siècle conservé à l’Archivio di Stato de Florence ; il y est question d’un Ser Çucherus medicus filius ser Gherardi, officier du blé de la cité91. Une double activité professionnelle n’aurait rien d’étonnant dans l’Italie des xiiie-xive siècles. Mais l’hypothèse d’Alcide Garosi repose sur de bien minces preuves ; la pièce d’archive ne mentionne en effet aucun patronyme et le prénom Zucchero était très largement utilisé en Toscane à cette époque. Il n’est guère surprenant en revanche que le traducteur soit un notaire, seule activité que lui reconnaissent tous les manuscrits conservés, car par leur exercice quotidien, ils sont les promoteurs les plus actifs de la langue vulgaire et maîtrisent parfaitement l’écrit92. Actif entre 1300 et 1310, Zucchero Bencivenni a entrepris cette adaptation sur commande d’un chevalier florentin demeuré anonyme. Il semblerait que ce notaire se soit fait une spécialité des traductions scientifiques93 puisqu’aux côtés des ouvrages à vocation morale ou spirituelle94, il a aussi proposé des versions italiennes du Liber ad Almansorem de Rhazès95 et du traité de la sphère de Sacrobosco96. Malgré son activité principale de notaire97, Zucchero Bencivenni peut à certains égards être qualifié de professionnel de la traduction, plus largement de professionnel de l’écriture et presque d’homme de lettres. Mais sans doute, à l’égal de nombre de ses confrères, devait-il se contenter de traductions à partir du français, un idiome bien répandu dans l’Italie médiévale98, en raison d’une connaissance sans doute superficielle du latin99.
36Le codex florentin le plus ancien est de peu postérieur à la traduction, si l’on en croit le colophon du texte et celui qui suit le traité sur le romarin, tous deux copiés par Lapo di Neri Corsini100. Ce scribe issu d’une grande famille marchande, qui fut consul de l’art de la laine en 1320, fait partie des grandes personnalités de la vie culturelle florentine du premier xive siècle et il est connu pour d’autres travaux de copie101.
Le « Tractado utilissimo circa la conservatione de la sanitade »
37En 1481, l’édition du Tractado utilissimo circa la conservatione de la sanitade, proposée par le Milanais Pietro de Cornaro, faisait connaître un traité diététique d’Ugo Benzi, universitaire et médecin de Niccolò d’Este entre 1431 et novembre 1439, date de sa mort. Dean Putnam Lockwood, à qui l’on doit une monographie sur les consilia médicaux de Benzi, commente ce traité comme l’une des plus anciennes œuvres médicales italiennes en langue vernaculaire102. Dans un article déjà ancien, Juliana Hill Cotton restitue en fait à Benedetto Reguardati, médecin de Francesco Sforza, la paternité de cet ouvrage, qui fut d’abord écrit en latin sous le titre de Libellus de conservatione sanitatis103. Cette découverte est restée méconnue, puisque des auteurs récents continuent d’attribuer le Tractado utilissimo circa la conservatione de la sanitade à ce même Ugo Benzi104. Il est nécessaire de reprendre ici les pièces du dossier qui ont conduit Juliana Hill Cotton à une telle remise en question.
38Le Tractado n’est pas mentionné dans la Vita Ugonis qu’écrivit vers 1441 Soncino Benzi (1406-1479), fils aîné d’Ugo Benzi et lui-même médecin. Aucun des manuscrits du régime italien ne revendique ce dernier comme auteur du texte. Au contraire, les trois témoins italiens recensés à ce jour, deux du xve siècle (Novare, Biblioteca Capitolare, ms 93, et Reggio d’Émilie, Biblioteca communale,
39D. 135), ainsi que le ms 136 de l’Archivio di Stato de Milan (déb. xvie siècle), l’attribuent tous à Benedetto Reguardati105. Le témoin de Novare a même été copié à Milan en 1468, du vivant de l’auteur présumé, par un traducteur dont le nom est resté inconnu. Si celui de Reggio d’Émilie propose un texte semblable, le manuscrit de Milan offre en revanche une seconde version, œuvre d’un dénommé Andrea di Luigi Vettori106. Si la première traduction a conservé le nom d’Astorgius Agnese comme dédicataire (comme un grand nombre de copies du Libellus latin de Benedetto Reguardati)107, la seconde est adressée à Francesco di Orlando Gherardi, capitaine de Pistoia108 ; elle est donc postérieure, datable du début des années 1480. En fait, la seule mention d’attribution de l’œuvre à Ugo Benzi est fournie par l’édition princeps de 1481 (qui propose d’ailleurs un texte similaire au témoin de Novare), à moins de croire à la disparition d’un témoin manuscrit qui proposerait une même paternité. Notons par exemple que dans une édition turinoise de 1620109, établie par Ludovico Bertaldi († 1625), médecin des ducs de Savoie, était mentionnée l’existence d’un original latin du traité diététique, qui se trouvait alors dans la bibliothèque ducale. Ce codex a semble-t-il disparu ; l’index alphabétique des manuscrits que le duc Victor-Amédée de Savoie (1666-1732) céda en 1720 et qui constituent le fonds originel de l’actuelle bibliothèque nationale de Turin n’en porte pas la trace.
40La comparaison du texte latin de Benedetto Reguardati et des versions italiennes montre bien, comme l’a souligné Juliana Hill Cotton, qu’il s’agit du même ouvrage. Que le texte latin ait été composé par le médecin de Francesco Sforza ne fait aucun doute ; hormis l’édition publiée à Rome en 1475 sous le titre de Pulcherrimum et utilissimum opus ad sanitatis conservationem110, il existe en effet de nombreux manuscrits de cette version, copiés pour certains du vivant de Benedetto Reguardati et qui portent tous le nom du praticien de Norcia111. Surtout des éléments textuels renvoient à des épisodes de sa vie même, notamment à ses premières années d’enseignement à Pérouse112, où il séjourna jusqu’en 1427, succédant à Bartolomeo d’Aversa.
41Si le doute n’est pas permis sur la paternité du Libellus de conservatione sanitatis et sur la nature du Tractado utilissimo circa la conservatione de la sanitade, les circonstances de la traduction italienne demeurent obscures. D’après le témoin de Novare, le manuscrit fut transcrit le 15 janvier 1468, dans l’urgence (en six jours) à Milan, dans le vacarme, nous dit le scribe, occasionné par de petits chevaux indomptés113. Selon Juliana Hill Cotton, cette précipitation pourrait s’expliquer par le retour attendu de Benedetto Reguardati à Milan, le 17 janvier114. Ne pourrait-on alors considérer qu’il fut le commanditaire d’une traduction ou, plus simplement, d’une copie qu’il espérait peut-être emporter avec lui à Florence, où Pierre de Médicis l’attendait115 ? Après de longues années au service des ducs de Milan, le praticien de Norcia venait en effet d’obtenir le droit de quitter la Lombardie pour rejoindre la Toscane. Si cette hypothèse est séduisante, elle n’en est pas moins fragile, puisque ni ce manuscrit, ni un autre, ne furent remis à Laurent de Médicis116. Aucun témoin du Libellus latin ne comporte non plus de dédicace qui lui soit adressée. Le départ de Benedetto Reguardati, que la duchesse Bianca Maria, épouse de Francesco Sforza, s’efforça d’empêcher, fut différé jusqu’au printemps de cette année 1468117. Ce sont sans doute moins les arguments développés par la duchesse que les retards de paiement, dont le médecin était victime, qui expliquent ce délai118, ce dernier profitant peu de son séjour toscan, puisqu’il mourut de la malaria le 19 juillet 1469. En tout état de cause, ni le témoin de Novare, ni celui de Reggio d’Émilie ne peuvent être considérés comme des manuscrits de travail d’un traducteur. Ils sont bien plutôt les copies d’un original antérieur.
42Une deuxième question reste sans réponse, celle de l’attribution du Tractato à Ugo Benzi. En 1481, au moment de la publication de la version italienne, selon Juliana Hill Cotton, il restait à Milan peu de survivants de ce qui fut le cercle d’amis de Benedetto119. En outre, l’un de ses fils, Carlo, qui aurait pu protéger le travail de son père, vivait loin de la cité lombarde, à Florence ou à Rome, et Gregorio, le petit-fils, faisait des affaires avec la Mercataria de Pise. Nul doute qu’ils ne furent pas au courant de cette édition. Il est cependant difficile de croire que le souvenir de Benedetto Reguardati ait pu s’effacer à Milan lorsqu’on mesure le rôle politique et diplomatique que le praticien et d’autres membres de sa famille ont joué pendant plus de vingt ans de service auprès des Sforza. La raison est, semble-t-il, davantage à chercher du côté des liens que Benedetto Reguardati entretenait avec Florence et avec la cour des Médicis.
43Juliana Hill Cotton écarte d’emblée l’idée d’une intervention des fils d’Ugo Benzi, Soncino et Andrea, dans l’attribution du Tractato à leur père, car ils étaient tous deux déjà morts en 1481120. Elle suggère alors l’intervention possible d’autres médecins, disciples d’Ugo Benzi, qui se trouvent à la jonction des cours milanaises et florentines et en relation avec Benedetto Reguardati. Le premier, Agostino di Stefano Santucci, que Benedetto Reguardati remplaça auprès des Médicis121, possédait peut-être un exemplaire du traité du praticien de Norcia. L’inventaire de sa bibliothèque, forte de cinquante ouvrages médicaux, mentionne la présence d’un Libellus de conservatione sanitatis122. Toutefois, Agostino di Stefano Santucci était déjà mort depuis de nombreuses années lorsque parut la version italienne du régime avec sa fausse attribution. Le second médecin cité est comme possible intervenant dans la fausse attribution est un certain Niccolò de Rubeis. Disciple d’Ugo Benzi selon Juliana Hill Cotton, ayant obtenu en 1441 sa licence et son doctorat en médecine à l’Université de Pavie123, il serait d’après elle peut-être apparenté à Agostino de Rubeis dont on voit la main dans l’un des manuscrits du Libellus de conservatione sanitatis124. À la demande de Francesco Sforza, désespéré de ne pas voir revenir à Milan Benedetto Reguardati, installé depuis décembre 1464 à Rome, ce dernier y copie le 19 mai 1465125 pour la duchesse souffrante une recette récupérée auprès du pape Paul II qui souffrait de crises d’asthme126. Si les contacts entre Benedetto Reguardati et Agostino de Rubeis sont donc avérés, il n’y a sans doute aucun lien de parenté entre Niccolò de Rubeis, originaire d’Alessandria, et Agostino, issu d’une importante famille de Parme. Sans doute, Agostino de Rubeis, alors ambassadeur de Francesco Sforza auprès du pape, a-t-il rencontré Benedetto à la cour pontificale puisque ce dernier y résida en 1464-1465. Il était encore en vie au moment de l’édition de Pietro de Cornaro, puisque jusqu’à sa mort en 1486, il occupa de nombreuses fonctions à la cour des Sforza, comme conseiller, equitus auratus et comme ambassadeur. Pour autant, rien n’étaye véritablement l’hypothèse d’une intervention de sa part dans la réattribution à Ugo Benzi du Tractado circa la conservatione della sanitade. Le manuscrit de Novare, qui servit manifestement de modèle à l’édition de 1481, porte quant à lui la trace de liens avec Ferrare, ville où Ugo Benzi exerça ses talents. Ce dernier y fut en effet, de 1431 à 1439, le médecin de Niccolò III d’Este. Entre la liste des chapitres et la version italienne du Libellus, figure l’extrait d’une lettre que Guarino de Vérone (1374-1460)127, le célèbre professeur, adressa à son élève Leonello d’Este (1407-1450), frère de Niccolò.
44Le problème de l’attribution à Ugo Benzi reste, on le voit, ouvert. Peut-être s’agit-il plus simplement d’une erreur de l’éditeur, qui méconnaissait l’œuvre latine de Benedetto Reguardati ? La question reste sans réponse. Il est en revanche certain que le texte latin comme sa traduction vernaculaire bénéficièrent d’une large diffusion qu’attestent notamment les nombreuses éditions établies aux xve, xvie et même xviie siècles. Or favoriser la diffusion d’un texte, n’est-ce pas la fonction essentielle d’une traduction ?
Les techniques de traduction
45Chaque traducteur dispose de méthodes et techniques qui lui sont propres128 ; sa liberté d’interprétation varie aussi en fonction du temps qui sépare son entreprise de l’écriture originale, selon le matériel disponible et surtout le sens qu’il confère au terme de traduction. Comme l’a bien montré Jacques Monfrin, traduire, jusqu’au xive siècle, n’implique pas le respect du texte originel qui habitera les humanistes129. Traduire équivaudrait bien plutôt à adapter, compiler, remanier, abréger si nécessaire, actualiser en quelque sorte toutes les potentialités de la translatio130.
46Dans le cas du Libellus de conservatione sanitatis, la proximité temporelle entre la rédaction du traité et sa traduction (une trentaine d’années), et surtout la présence de l’auteur, sont les garants d’une traduction littérale, plus encore si Benedetto Reguardati en a été le promoteur, car il pouvait non seulement fournir au traducteur un manuscrit latin de bonne qualité, mais encore surveiller son travail. En revanche, plus d’un demi-siècle sépare la composition du Livre de Physique de sa première traduction italienne. L’activité du traducteur est alors tributaire en premier lieu de la qualité du texte sur lequel il opère. Or, dans le cas du Livre de Physique, coexistaient divers états du texte131, qui ont d’ailleurs rendu difficiles les entreprises d’éditions modernes de l’ouvrage132.
47La traduction de Zucchero Bencivenni ne comporte aucun prologue postiche et débute in medias res, par « Domineddio che per la sua grande possança il mondo stabilio... » ; ce premier constat permet d’écarter comme version originelle la rédaction A. Aucune des caractéristiques de la rédaction B dite « Roger male branche » n’y figure non plus ; le sorgho est ainsi traduit par « saggina » (traduction de « segine », mot en usage dans la rédaction B dite classique), et les « pommes citrines », originaires de Lombardie dans la rédaction « Roger male branche », ne comportent aucune mention de provenance dans l’italien. En revanche, la traduction est enrichie de chapitres qui n’apparaissent que dans la rédaction B classique133, notamment ceux consacrés aux pois chiches et aux asperges. Elle reproduit également une autre caractéristique de cette version, l’énumération des chapitres de la troisième partie. D’autres similitudes sont encore constatées,
Rédaction A
48« Sachiés que mort natureus si est en.lxx. ans par nature, et plus et mains, si com il plaist à Nostre Signeur. Et si vous dirai por coi, car tant com li ons met à croistre en force, en biauté et en vigeur, si est à .xxxv. ans et dont couvient tant de tans à envillier et à aler à noient, si com il le proeve par Avicenne134 ».
Rédaction B classique
49« Et sachiés mors natureus si est lxx ans par nature et plus et mains si con il plaist à notre Segnor et si vous dirai raison par coi. Car tant con li hom met à croistre en force, en biauté, en vigour, covient qu’i mete en envellir et à aler à neant. Li termes de croistre en biauté et en vigour si est à xxxv ans et donkes covient tant de tans à envellir et à aler à neant si con il est prouvé par Averroe ».
Traduction
50« Et notate che morte naturale si è lxx anni per natura e più e meno siccome piaççe al nostro Signore et sî vi dico ragione chome. Per ciô che tanto l’uomo mette ad crescere in força, in biltà, in vigore, conviene che metta ad invecchiare ed a tornare a niente. Il termine di crescere in biltà e in vigore si è xxxv anni. Dunque conviene altrettanto di tempo a invecchiare ed a tornare a niente. Si come si pruova per Averrois135 ».
51La traduction calque littéralement le texte de la rédaction B classique, qui souligne par deux fois l’équivalence temporelle entre le temps de la croissance et celui de la dégénérescence, là où la rédaction A se contentait d’une seule mention. De même, c’est le nom d’Averroès qui figure dans la traduction et non celui d’Avicenne, comme dans la version A. D’autres exemples pourraient être donnés, dont certains ne figurent pas parmi les caractéristiques signalées par Françoise Féry-Hue dans son article136 : ils montrent bien que Zucchero Bencivenni s’est appuyé sur la rédaction B classique pour établir son texte.
52L’utilisation de cette version peut sembler à première vue étonnante, non qu’elle soit peu répandue137, mais simplement parce que c’est la rédaction « Roger male branche », comme les versions abrégées qui en ont été extraites, qui semble avoir été plus fréquemment copiée en Italie et dans le sud de la France138 et non le texte de la rédaction B classique. Or si l’on en croit certains manuscrits, c’est à Avignon que Zucchero Bencivenni aurait travaillé et se serait peut-être procuré le manuscrit du texte français139. En outre, certains témoins italiens, qui transmettent des traductions autres que celle de Zucchero Bencivenni, sont proches d’une famille de témoins français de la version « Roger male branche ». Il s’agit de ceux où le Trattato della sanità, dont le texte est complet, est suivi d’une traduction remaniée du Secret des secrets, parfois présentée comme un traité sur les parties du corps d’après Aristote140. Dans le manuscrit de la Biblioteca Medicea Laurenziana, Plut. 73.48, il est annoncé comme un opuscule consacré à la conservation de la santé, de la jeunesse à la vieillesse141 ; le Plut. 73.47 en est le plus ancien témoin (de peu postérieur à la traduction)142. Seul un examen de la tradition manuscrite de la version italienne remaniée du Secret des secrets pourrait éclairer les questions relatives à ce qui paraît être une sorte de double modèle ; d’un côté, la version italienne issue de la rédaction B classique, traduite par Zucchero Bencivenni, de l’autre, un manuscrit qui associerait au Livre de Physique, dans la version « Roger male branche », des passages du Secret des secrets. Il nous manque ici au moins un intermédiaire italien, à moins de croire que Lapo di Neri ait été le premier à assembler dans un même manuscrit ces deux textes.
CONCLUSION
53Le succès de ces traductions, notamment du Trattato della sanità, répond au moins à l’une des vocations initiales de ces entreprises, à savoir les rendre accessibles à un public large qui maîtrise peu ou mal le latin ou les langues étrangères. Il peut s’agir de praticiens peu ou mal formés, méconnaissants du latin et soucieux de détenir les instruments d’une possible promotion intellectuelle et sociale, ou de groupes non professionnels, lecteurs intéressés par ce genre de texte143. Ce succès confirme aussi un statut propre à la littérature diététique (valable également pour les textes composés d’emblée dans une langue vernaculaire), qui lui permet de bénéficier de nouveaux canaux de diffusion par le biais de traductions. Rendue manifeste aussi bien à travers des procédés de composition (avec l’identification progressive de diaeta et de conservatio sanitatis) que par le biais de critères externes – formulation de titres génériques, traductions ou assignation d’un auteur –, cette reconnaissance de l’écrit diététique témoigne de la construction progressive d’un champ autonome au sein de l’ensemble médical, dont la vocation et la finalité sont reconnues aussi bien par ses auteurs que par ses lecteurs.
Notes de bas de page
1 Sur l’histoire de la notion de genre, essentiellement appliquée cependant aux textes littéraires, voir le livre de J.-M. Schaeffer, Qu’est-ce qu’un genre littéraire ?, Paris, 1989 (Poétique). Voir aussi le recueil d’articles sur Les genres littéraires dans les sources théologiques et philosophiques médiévales. Définition, critique et exploitation, Actes du Colloque international de Louvain-la-Neuve, Louvain-la-Neuve, 1982 (Textes, Études, Congrès, 5).
2 Ainsi, C. Crisciani et J. Agrimi ont signé un volume sur les consilia médicaux, D. Jacquart a pour sa part participé au volume sur les Questions quolibétiques en rédigeant la partie médicale et a en préparation un volume sur les traités généraux de médecine.
3 P. Zumthor, « Perspectives générales », dans La Notion de genre à la Renaissance, sous la dir. de G. Demerson, Genève, 1984, p. 7-13.
4 Les manuscrits du traité diététique de Petrus Hispanus proposent non seulement une grande différence dans le contenu mais aussi dans les titres ; on le trouve désigné sous le titre d’Epistola, de Summa de sanitate conservanda, de Liber de conservanda sanitate ou encore de Regimen sanitatis.
5 Voir par exemple l’essai d’A. Viala, Naissance de l’écrivain. Sociologie de la littérature à l’époque classique, Paris, 1985.
6 « L’auteur est sans doute celui auquel on peut attribuer ce qui a été dit ou écrit. Mais l’attribution – même lorsqu’il s’agit d’un auteur connu – est le résultat d’opérations critiques complexes et rarement justifiées » (M. Foucault, « Qu’est-ce qu’un auteur ? », art. cit., p. 789-790).
7 Ces remarques vont à l’encontre des positions soutenues par M. Foucault qui opposait textes scientifiques transmis, reçus et considérés comme valides eu égard à la présence du nom de l’auteur, et ce dès la période médiévale, et textes qualifiés de « littéraires » qui circulaient sous une forme anonyme, sans que pour autant leur authenticité fût remise en question, ce jusqu’aux xviie-xviiie siècles : « il y eut un temps où ces textes qu’aujourd’hui nous appellerions littéraires (récits, contes, épopées, tragédies, comédies) étaient reçus, mis en circulation, valorisés sans que soit posée la question de leur auteur ; leur anonymat ne faisait pas difficulté, leur ancienneté, vraie ou supposée, leur était une garantie suffisante. En revanche, les textes que nous dirions maintenant scientifiques, concernant la cosmologie et le ciel, la médecine et les maladies, les sciences naturelles ou la géographie, n’étaient reçus au Moyen Âge, et ne portaient une valeur de vérité, qu’à condition d’être marqués du nom de leur auteur » (ibid., p. 799-800). Il y a confusion ici entre le nom de l’auteur et la notion d’autorité.
8 L. Mac Kinney, « Medieval Medical Dictionaries and Glossaries », dans Medieval and Historiographical Studies in Honour of James Westfal Thompson, Chicago, 1938, p. 240-268.
9 Il est à ma connaissance utilisé pour qualifier le régime rédigé par Jean de Tolède au xiiie siècle dans les manuscrits suivants : Oxford, Bodleian Library, Rawlinson D. 238 (xive s.) ; Londres, Wellcome Institute, ms 550 (déb. xve s.) ; B.L., Sloane 418 (fin xve s.) ; Cité du Vatican, B.A.V., Vat. lat. 939 (xve s.) ; Pal. lat. 1321 (xve s.). Cf. Inventaire 1 no 299, 210, 184, 83, 76. Mais on le trouve aussi utilisé dans le manuscrit Sloane 4 de la British Library, pour désigner un régime rédigé par Gilbert Kymer et dédié au duc Humfrey de Gloucester et dans des manuscrits du traité d’Étienne Arlandi.
10 Au sujet de ce texte antérieur à nos régimes, voir P. O. Kristeller, « Bartholomeo, Musandino, Mauro da Salerno e altri antichi commentatori dell’Articella, con un elenco di testi e manoscritti », dans P. O. Kristeller, Studi sulla scuola medica salernitana, Naples, 1986, p. 143 et suiv. Voir aussi un article de G. Keil qui propose de dater l’Antidotarium de la seconde moitié du xiie siècle : « Zur Datierung des Antidotarium Nicolai », Sudhoffs Archiv, 62 (1978), p. 190-195.
11 Oxford, Bodleian Library, Bodl. 361 (fin xve s.) et Londres, Wellcome Institute, ms 167, daté de 1470 : Explicit dietarium magistri Stephani Arlandi (f. 188vb), ou encore Pal. lat. 1331 de la B.A.V. (xve s.). Cf. inventaire 1 no 286, 201 et 77.
12 C’est le cas dans B.A.V., Pal. lat. 1224, fin xive-déb. xve (ff. 38r-44r). Cf. inventaire 1 no 68.
13 Il est à noter qu’il est employé par exemple dans un manuscrit du Liber ad Almansorem de Rhazès daté de la fin xiiie (Paris, B.n.F., n.a.lat. 344) : ccccxlviii de divisione egritudinum : assiduatio balnei et regimen corporis implebunt foramina eorum et medicine que eradicant paucum debent vestigia earum.
14 Ainsi dans le volume sur l’Histoire de la pensée médicale occidentale dirigé par M. D. Grmek, le chapitre que P. Gil Sotres consacre à la littérature diététique est intitulé : « les régimes de santé », vol. 1 : Antiquité et Moyen Âge, trad. fr., Paris, 1995, p. 257-281.
15 Sur l’usage du terme et son sens dans le domaine politique, M. Sellenart, Les arts de gouverner. Du « regimen » médiéval au concept de gouvernement, Paris, 1995 (des Travaux).
16 Debemus autem scire secundum actores medicine quod in regimine sanitatis viventibus splendide et quiete exercicium temperatum sive equale quam toti corpori prestat calorem temperatum sive equalem, id est non excedentem (Paris, B.n.F., lat. 16222, ff. 75-6ra). D’autres manuscrits donnent en lieu et place d’actores, auctores ou encore la glose, doctores medicine.
17 Voir M. Sellenart, Les arts de gouverner... cit., p. 45 et suiv.
18 Si dans un manuscrit de la Practica du Pantegni daté des xiiie-xive siècles (Cité du Vatican, B.A.V., Pal. lat. 1159), on trouve indifféremment la formulation regimen sanitatis ou regimentum sanitatis, un témoin plus ancien, de la seconde moitié du xiie siècle (Pal. lat. 1304, qui donne des passages de cette practica), emploie regimen pour désigner l’action pratique de la custodia sanitatis (« Fī tadbīr al-Ṣiḥḥah ») : quia custodiam debilium corporum i[d] est secundam partem custodiende sanitate descripsimus incipiendum est regimen corporum morbum preparatorum... (Pal. lat. 1304, f. 91v ; ce passage est extrait de la fin du livre I de la practica, 24-30). Pour une liste des manuscrits du Pantegni, voir Constantine the African and ῾Alī ibn al-῾Abbās al-Maǧūsī, the Pantegni and Related Texts, éd. Ch. B. Burnett et D. Jacquart, Leyde, 1994, p. 316-351.
19 Il s’agit ici de la version latine de ce texte conservée à Rome, Biblioteca Angelica, ms 1506 (V 3.13) : incipit de regimine sanitatis sub compendio editum a magistro Thadeo (f. 46r). Toutefois, dans un manuscrit du même texte, daté du xive siècle et conservé au même endroit, le traité porte un titre que j’ai plus fréquemment rencontré : libellus medicinalis ad conservationem sanitatis (Biblioteca Angelica, ms 1376 [T.V.14], f. 32v).
20 J. A. Paniagua, « El Regimen sanitatis ad regem aragonum y otros presuntos regímenes arnaldianos », dans El maravilloso regimiento y orden de vivir, una versión castellana del « Regimen Sanitatis ad regem Aragonum », Introducción y estudio, Saragosse, 1980, p. 31-77, rééd. dans Studia Arnaldiana. Trabajos en torno a la obra médica de Arnau de Vilanova, c. 1240-1311, Barcelone, s.d., p. 337-367, cité p. 374 ; P. Gil Sotres, « Les régimes de santé », art. cit., p. 264.
21 Pour une discussion de ces diverses versions, je me permets de renvoyer à mon article « L’œuvre de Maimonide... », art. cit.
22 [I]nquit Moyses filius servi dei ysrahelitici de Corduba, pervenit ad me mandatum domini mei regis ut scribam sibi regimen conveniens de quo possit confidere, videlicet de curacione infirmitatum nuper in domino meo repertatum... (j’utilise le manuscrit de la B.A.V., Pal. Lat. 1298 qui propose la version de Jean de Capoue, f. 189ra).
23 Cf. pour l’étude de l’impact des ouvrages de Maïmonide et plus particulièrement son régime, M. Nicoud, « L’œuvre de Maimonide... », art. cit.
24 Paris, B.n.F., fr. 2022 (xve s.), f. 1r : « cy s’ensuit le livre nommé le Regime du corps que fist jadis maistre Aldebrandin, medecin du roy de France ». On trouve la même identification dans les manuscrits londoniens du Wellcome Institute, ms 546 (xive s.), ms 31 (daté de 1390) et ms 32 (xive s.). De nombreux manuscrits de ce texte demeurent sans titre, comme les codices de Paris, B.n.F., fr. 14822 (xiiie s.), fr. 2001 (xive s.) ou encore de la B.A.V., Reg. lat. 1256 (xve s.), et de Venise, Biblioteca nazionale Marciana, Gall. App. X (xve s.) ; une copie porte un titre faisant référence à une autorité : Livre de la deite universal selon Ysaac dans le manuscrit de l’Arsenal, ms 2872 de la fin du xive s. (f. 342r).
25 Le régime du corps de maître Aldebrandin de Sienne, texte français du xiiie siècle, publié pour la première fois d’après les manuscrits de la Bibliothèque Nationale et de la Bibliothèque de l’Arsenal, éd. L. Landouzy et R. Pépin, Paris, 1911.
26 Voir les manuscrits de Londres, Wellcome Library, ms 504 (fin xive s.), Bergame, Biblioteca civica A. Mai, MA 593 (xve s.) ou encore de la B.A.V., Vat. lat. 939 (de 1433). Cf. inventaire 1 no 203, 15 et 83.
27 C’est dans le manuscrit de la B.n.F., fr. 2022, qu’Aldebrandin de Sienne est qualifié de médecin du roi de France. En revanche, dans la version remaniée du Livre de Physique, intitulée Lyen de l’âme au corps et du corps à l’âme, l’auteur est devenu chevalier et champion du Saint-Sépulcre de Jérusalem. Il s’agit des manuscrits de Bruxelles, Bibliothèque royale Albert Ier, ms 1110-1132 (déb. xve s.), de Valenciennes, Bibliothèque municipale, ms 329 (xve s.) et de la B.A.V., Pal. lat. 1990 (fin xve s.). Cf. F. Féry-Hue, « Le Régime du corps d’Aldebrandin de Sienne : tradition manuscrite et diffusion », dans Actes du 110e Congrès national des Societés savantes, Histoire médiévale, t. I, Montpellier, 1985, p. 113-134.
28 Il s’agit des codices suivants : Vienne, Hofbibliothek, Cod. Palat. 2531 (xive s.) ; Munich, Universitätsbibliothek, ms 731 (xive s.) ; Würzbourg, Universitätbibliothek, M.p. misc. f. 6 (xive s.) ; Prague, Národní Knihovna, A.X.4 (xve s.) ; Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Clm 7746 (xve s.). Ils sont dans l’édition respectivement désignés sous les lettres V, M, W, P, Mr, sigles que j’ai repris ci-dessus. Cf. C. Ferckel, « Ein Gesundheitsregiment für Herzog Albrecht von Österreich aus dem 14. Jahrhundert », A.G.M., 11 (1918), p. 3-21. Cf. inventaire 1 no 398, 423, 358 et 258.
29 Londres, Wellcome Library, ms 545 (xve s.) ; Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Clm 3073 (xve s.) ; Cgm 724 (xve s.) ; Stuttgart, Württembergische Landesbibliothek, HB.I.157 (xve s.) ; Würzbourg, Universitätbibliothek, M. ch. f. 150 (xve s.). Cf. inventaire 1 no 207, 252, 238, 377 et 421.
30 Il existe un régime italien, attribué à ce même Gregorius, qui semble être la traduction du texte latin présenté ici. Ce Gregorius y est présenté comme le médecin du duc d’Autriche (Sterlicchi). Le texte est adressé à Alyrone de’ Riccardi, membre de la famille des Riccardi de Florence, originaires de Cologne. Pour une étude de cette version italienne, voir A. Mussafia, « Fiori di medicina di maestro Gregorio medicophysico del secolo xiv », Jahrbuch für romanische und englische Literatur, 6 (1865), p. 393-399.
31 Doctrinale compendium de Regimine sanitatis, domino Alberto duci Austrie, de Monte Pessulano [per quendam medicum] directum. Unde versus. Principis Alberti liber hic custodia vite / Est bona, si rite, conservat eum sine lite (d’après M, f. 214r et W, f. 59r et cité par C. Ferckel, art. cit., p. 5). Les variantes entre [ ] sont propres à M.
32 On trouve aussi dans le texte le concept d’ « humide radical » dont M. McVaugh a montré l’origine montpelliéraine. Cf. M. McVaugh, « The humidum radicale in the Thirteenth Century Medicine », Traditio, 30 (1974), p. 259-283.
33 Ce sont les renseignements que fournit le copiste du Vat. lat. 6266 de la B.A.V. : pulcherrimum et utilissimum opus ad sanitatis conservationem editum ab eximio artium et medicine professore magistro Benedicto de Nursia, tunc serenissimi et potentissimi ducis Mediolani medico (f. 1r).
34 L’explicit se termine en effet par : edictus ab magistro Arnoldo de Villa Nova cathalano (Londres, Wellcome Library, ms 75, f. 39r).
35 Le régime d’Arnaud de Villeneuve figure en effet dans le même manuscrit aux folios 1r-34r.
36 Dans ce manuscrit de la B.n.F., lat. 16246, le traité est attribué à Guillaume de Salicet, qui y devient l’élève de Pierre de Tussignano. La dédicace ne saurait s’adresser qu’à Alphonse V le Magnanime, devenu en 1416 souverain des deux royaumes. Voir supra, chap. III, p. 94-100.
37 Voir sur le sujet, J. A. Paniagua, « La obra médica de Arnau de Vilanova. I. Introducción y fuentes », Archivo Iberoamericano de Historia de la Medicina y Antropología Médica, 11 (1959), p. 351-401, rééd. dans Studia Arnaldiana... cit., p. 157-210.
38 C’est notamment le cas dans le manuscrit de la Wellcome Library, ms 550 où le Liber de conservanda sanitate est attribué à un certain Johannes Hispanus, qui mêle les noms de Petrus Hispanus et de Johannes Hispalensis.
39 Sur les attributions de textes à Trotula et sur le personnage lui-même, M. H. Green (éd. et trad.), The Trotula. A Medieval Compendium of Women’s Medicine, Philadelphie, 2001.
40 On pourrait encore citer le manuscrit de Lugano (propriété privée), copie du Libreto de tutte le cosse che se magnano de Michel Savonarole, adressée à Borso d’Este.
41 G. Bersani, Per l’edizione critica del « Trattato della sanità del corpo » di Aldobrandino da Siena, volgarizzato da Zucchero Bencivenni, tesi di Laurea, Relatore Prof.ssa Gabriella Ronchi, Università degli studi di Parma, 1986-1987. Manifestement ces recensements demeurent incomplets.
42 F. Féry-Hue, « Le régime du corps... », art. cit. ; ead., « Le Régime du corps d’Aldebrandin de Sienne. Complément à la tradition manuscrite », Romania, 117 (1999), p. 51-77.
43 Le graphique suivant ne tient pas compte du manuscrit de New York qui n’est pas daté.
44 Le chiffre pour le XIIIe est sans doute un peu surévalué car lorsque les manuscrits étaient datés du tournant xiiie-xive siècle, c’est sous la rubrique XIIIe qu’ils ont été comptabilisés.
45 Pour l’étude d’un remaniement particulier, des lacunes et des titres-résumés introduits par le copiste, voir F. Féry-Hue, « Le Régime du corps d’Aldebrandin de Sienne. Complément... », art. cit.
46 Florence, Biblioteca nazionale centrale, Magl. II.II.82, Magl. II.IV. 62, Pal. 813, Magl. Aldo. XV.70, Magl. Aldo. XV.70(2)B, Conv. sop. 1259 et Oxford, Bodleian Library, Bodl. 179.
47 Florence, Biblioteca nazionale centrale, Magl. II.IV.33, Magl. II.IV. 334, Pal. 557 ; Biblioteca Medicea Laurenziana, Plut. 38.49, Plut. 73.47, Plut. 73.48, Plut. 89.114, Gaddi 79 ; Venise, Biblioteca nazionale Marciana, It. III.14.
48 Florence, Biblioteca nazionale centrale, Magl. II.II. 83 et Panciatichiano 89, le premier de la fin xive et le second du xve siècle, qui offrent de nombreuses similitudes.
49 F. Féry-Hue, « Le Régime du corps d’Aldebrandin de Sienne... », art. cit., p. 114.
50 Lorsqu’un manuscrit est daté fin xiiie-début xive siècle, c’est la période la plus ancienne qui est privilégiée.
51 Voir J. Verger, Les gens de savoir dans l’Europe de la fin du Moyen Âge, Paris, 1997, p. 9-22.
52 Pour une étude des langues vulgaires en Italie dans le domaine littéraire, voir notamment I. Paccagnella, « Plurilinguismo letterario : lingue, dialetti, linguaggi », dans Letteratura italiana, vol. 2 : Produzione e consumo, sous la dir. d’A. Asor Posa, Turin, 1983, p. 103-167. Voir également A. Bartoli Langeli, La scrittura dell’italiano, Bologne, 2000 (L’identità italiana, 19) et O. Redon et alii, Les langues de l’Italie médiévale : textes d’histoire et de littérature, xe-xive siècle, Turnhout, 2002 (L’Atelier du médiéviste, 8).
53 Voir l’étude de L. Demaitre, « Medical Writing in Transition : between Ars and Vulgus », Early Science and Medicine. A Journal for the Study of Science, Technology and Medicine in the Pre-modern Period, 3 (1998), p. 88-102, à propos des traductions du Lilium medicine de Bernard de Gordon et plus largement les contributions de ce numéro consacré à « The Vernacularization of Science, Medicine, and Technology in the Late Medieval Europe ». Voir aussi les passages du livre de D. Jacquart consacrés à « L’usage du français », dans La médecine médiévale dans le cadre parisien, Paris, 1998, p. 265-301 (Penser la médecine) et M. Pereira, « Alchemy and the use of vernacular language in the late middle ages », Speculum, 74 (1999), p. 336-356.
54 Le cas des langues germaniques n’a pas été traité ici, bien que le domaine de la « Fachliteratur » ait été assez tôt conquis par les idiomes vulgaires.
55 Avec toutes les réserves d’usage à l’emploi de ce mot, car si tradition diététique il y a, elle est récente et se rattache, en tout état de cause, à une tradition plus large, celle de la littérature médicale occidentale.
56 Voir J. Monfrin, « Humanisme et traduction au Moyen Âge », Journal des savants, 1963, p. 161-190 ; id., « Les traducteurs et leur public en France au Moyen Âge », ibid., 1964, p. 5-20. S. Lusignan, Parler vulgairement. Les intellectuels et la langue française aux xiiie et xive siècles, Paris-Montréal, 1986.
57 M. Weiss-Adamson a proposé une étude de certains de ces traités allemands. Elle utilise le Regimen vite du pseudo-Ortolf, traduction allemande du Sanitatis conservator de Konrad de Eichstätt, le Regel der Gesundheit, autre traduction du même ouvrage, l’Ordnung der Gesundheit, ainsi que le Breslauer Arzneibuch, version allemande partielle du Pantegni d’Haly Abbas et le Spiegel der Naturen d’Everhard von Wampen. Cf. M. Weiss-Adamson, Medieval Dietetics. Foods and Drinks in « Regimen Sanitatis » Literature from 800 to 1400, Francfortsur-le-Main, 1995. Il existe une récente édition critique du régime de Konrad de Eichstätt, proposée par C. Hagenmeyer, Das « Regimen sanitatis » Konrads von Eichstätt. Quellen, Texte, Wirkungsgeschichte, Stuttgart, 1995.
58 Voir H. Stone, « The French Language in Renaissance Medicine », Bibliothèque d’humanisme et Renaissance, 15 (1953), p. 315-346 ; La littérature française aux xive et xve siècles, sous la dir. de A. Poirion, vol. 8/2 dans Grundriss der romanischen Literaturen des Mittelalters, Heidelberg, 1988, p. 310-320 ; La littérature de la Péninsule Ibérique aux xive et xve siècles, sous la dir. de W. Mettmann, ibid., vol. 10/2, Heidelberg, 1983, p. 93-98 ; Die italianische Literatur im Zeitalter Dantes und am Übergang vom Mittelalter zur Renaissance, sous la dir. de A. Buck, ibid., Heidelberg, 1989, p. 151. Pour un inventaire de traductions de régimes de temps de peste en anglais, D. Waley Singer et A. Anderson, Catalogue of Latin and Vernacular Plague Texts in Great Britain and Eire in Manuscripts written before the Sixteenth Century, Paris-Londres, 1950 (Collection des travaux de l’Académie internationale d’Histoire des Sciences, 5).
59 L’émergence d’autres langues dans la littérature diététique mériterait une étude plus approfondie qui soulignerait sans doute une certaine précocité et mettrait certainement en lumière des processus différentiels selon les aires géographiques concernées. Sur les langues vernaculaires devenues langues littéraires, K. O. Apel, L’idea di lingua nella tradizione dell’umanesimo da Dante a Vico, trad. ita., Bologne, 1975 ; M. Vitale, La questione della lingua, Palerme, 1980 ; M. Tavoni, Latino, grammatica, volgare : storia di una questione umanistica, Padoue, 1984 ; A. Vernet, « Les traductions latines d’œuvres en langues vernaculaires au Moyen Âge », dans Traduction et traducteurs au Moyen Âge, Colloque international du C.N.R.S., I.R.H.T., 26-28 mai 1986, Paris, 1989, p. 225-241. Pour le domaine hispanique et plus particulièrement catalan, voir les travaux de L. Cifuentes, « Translatar sciència en romans catalanesch. La difusió de la medicina en català a la baixa Edat Mitjana i el Renaixement », Llengua & Literatura, 8 (1997), p. 7-42 et id., « Vernacularization as an Intellectual and Social Bridge. The Catalan Translations of Teodorico’s Chirurgia and of Arnau de Vilanova’s Regimen sanitatis », Early Science and Medicine. A Journal for the Study of Science, Technology and Medicine in the Pre-modern Period, 4/2, (1999), p. 127-148.
60 J. Monfrin a identifié pas moins de dix versions françaises du Secret des secrets effectuées en l’espace de cent cinquante ans, entre le troisième quart du xiiie siècle et la première moitié du xve siècle. Cf. J. Monfrin, « La place du Secret des secrets dans la littérature française médiévale », dans Pseudo-Aristotle « The Secret of Secrets ». Sources and Influences, éd. W. F. Ryan et C. B. Schmitt, Londres, 1982, p. 73-113. Voir également du même auteur « Le Secret des secrets. Recherches sur les traductions françaises suivies du texte de Jofroi de Waterford et Servais Copale », École nationale des Chartes. Positions des thèses. 1947, Paris, 1947, p. 93-99. Pour une étude de la tradition vernaculaire du Secret des secrets, S. J. Williams, « The Vernacular Tradition of the Pseudo-Aristotelian Secret of secrets in the Middle Ages : Translations, Manuscripts, Readers », dans Filosofia in volgare nel medioevo, actes du XIIe colloque de la Sispm, éd. N. Bray, Turnhout, 2003, p. 451-482 (Textes et études du Moyen Âge, 21).
61 Cf. M. Grignaschi, « Remarques sur la formation et l’interprétation du Sirr al-Asrar », dans Pseudo-Aristotle... cit., p. 3-33.
62 Voir J. Monfrin, « Humanisme et traductions... », art. cit. et plus particulièrement les pages 189-190 qui concluent l’étude comparée des traductions en France, en Italie et en Espagne, relatives pour l’essentiel à des textes moraux, théoriques, rhétoriques ou littéraires. Les traités scientifiques n’y sont pas mentionnés.
63 Sur le sujet, voir N. G. Siraisi, Avicenna in Renaissance Italy. The « Canon » and Medical Teaching in Italian Universities after 1500, Princeton, 1987. Cf. aussi J. Agrimi et C. Crisciani, « Edocere medicos ». Medicina scolastica nei secoli xiii-xv, Naples, 1988 (Hippocratica Civitas, 2).
64 D’autres types d’ouvrages voient se côtoyer langues vulgaires et latin, à l’instar des traités de cynégétique. Cf. B. Van den Abeele, La littérature cynégétique, Turnhout, 1996 (Typologie des Sources du Moyen Âge occidental, fasc. 75).
65 Si « par theorike savons nous conoistre et jugier tous les comendemens de fisique », « par pratique savons coment et en quel maniere on doit ouvrer maintenir homme en sante et le maladie removoir... Commençons donques comment on doit savoir garder le santé du corps par pratike et laissons ester le theorike por ce que de li n’est mie no ententions » (Le régime du corps... cit., p. 6-7). Certains manuscrits donnent « commencemens » au lieu de « commendemens ».
66 Ce prologue, quelque peu polémique à l’égard de Frédéric II, précise que la traduction fut faite à la demande de l’empereur par Aldebrandin : «... et pour ce, Feldris qui fu jadis empeureres de Rome et puis fu condampnez a Lyon sur le Rosne de pape Innocent en concille general, qui plus desiroit a garder le corps en sante que a conquerre le salut de son ame, si comme il monstroit par ces euvres, fist cest present livre translater de grec en latin et de latin en françois ; et le translata maistre Halebrandis de Seenne, et fu faicte ceste translation en l’an de l’incarnation nostre seigneur Jhesu Christ .m.cc.xxx.iiij. » (Paris, B.n.F., fr. 1288, f. 142r). Ce prologue est cité par L. Landouzy et R. Pépin dans leur édition du Régime du corps... cit., p. xxxii. Ce même prologue est reproduit dans le B.A.V., Reg. lat. 1334, f. 1r et dans le manuscrit d’Oxford, Bodleian Library, Bodl. 179, f. 1r.
67 Son régime est conservé à notre connaissance dans un seul manuscrit, le Plut. 73.34 de la Biblioteca Medicea Laurenziana de Florence. De belle facture et écrit par une main humaniste, ce témoin a été copié sur parchemin et porte au folio 1r l’effigie du Cardinal Jean de Medicis et son emblème. L’auteur s’adresse à un Reverendissime Domine qui demeure toutefois anonyme dans ce texte. Le fils de Laurent le Magnifique, comme l’attestent certaines lettres du praticien, fut le patient de Bernardo Torni en 1493 (A.S.F., M.A.P., 60, 547, 559, 564). Cf. M. Messina, « Bernardo Torni », Physis, 17 (1975), p. 249-254. De ce même Bernardo Torni, V. A. Fabroni (« Historia Academiae Pisanae », vol. 1, Pise, 1791-1795, p. 294) cite un autre traité intitulé De cibis quadragesimalibus, adressé au même cardinal, dont il reste un manuscrit à la Biblioteca Medicea Laurenziana.
68 Niccolò Falcucci est l’auteur d’un travail encyclopédique composé de sept livres qui comprennent un De conservatione sanitatis, un De febribus, un De membris capitis, un De membris spiritualibus, un De membris naturalibus, un De membris generationis et un De membris exterioribus. L’ensemble de l’œuvre fut publié dès 1481-1484.
69 Médecin né à Padoue, Antonio Gazio enseigna dans l’université de sa cité d’origine. D’après Nicolas Comnene Papadopoli (« Historia Gymnasii Patavini », t. II, Venise, 1726, p. 191-192), il serait descendant d’un Zambonino de Crémone qui fut docteur à Paris (peut-être lui-même descendant du Zambonino, auteur d’un régime de santé dans la seconde moitié du xiiie siècle).
70 Pour une étude très riche sur la formation, la carrière et la production de Michel Savonarole, voir l’article de T. Pesenti, « Michele Savonarola a Padova », Quaderni per la Storia dell’Università di Padova, 9-10 (1977), p. 45-103. Voir aussi C. Crisciani, « Michele Savonarola medico : tra università e corte, latino e volgare », dans Filosofia in volgare... cit., p. 433-449.
71 Le titre choisi par Michel Savonarole fait de la cité de Ferrare le destinataire de son ouvrage : ad civitatem Ferarie de preservatione a peste et eius cura. La ville est personnalisée et devient l’interlocuteur de l’auteur : « et il perchè, Ferara mia, da tuoi gloriosi citadini amato, reverito... » (I trattati in volgare delle peste e dell’acqua ardente di Michele Savonarola, éd. L. Belloni, Rome, 1953, p. 5).
72 Le traité alchimique Libellus de aqua ardenti que Michel Savonarole rédigea à l’origine en latin fut traduit par ses propres soins et destiné dans sa version italienne à Leonello d’Este. Le caractère technique de ce type de sujet alchimique et ses liens avec la médecine expliquent sans doute qu’il puisse aussi bien être véhiculé dans une langue savante ou dans un idiome vernaculaire. La version italienne a été éditée par L. Belloni, op. cit. Pour une étude des positions de Michel Savonarole sur l’alchimie, voir D. Jacquart, « Médecine et alchimie chez Michel Savonarole (1385-1466) », dans Alchimie et philosophie à la Renaissance, Actes du Colloque international de Tours, 4-7 décembre 1991, éd. J.-C. Margolin et S. Mat-ton, Paris, 1993, p. 109-122.
73 L’auteur, dans le prologue, énonce ses propres motivations : « et per fare la cosa più perfecta, voglio nel presente scrivere in vulgare, acio che più commune esser possa, che il bene quanto più commune si fa, tanto piu de divinita participa ». Il faut entendre par « commune » le désir de se faire entendre du plus grand nombre au-delà de Niccolò d’Este, même s’il apparaît comme le principal destinataire du traité, ne serait-ce que parce qu’il souffre de cette maladie. « Et perche da gotta molestato sei alquanto et tua sanita sia infestata, laquale sola a te mancha, considerando quanto è cara et d’amore degna, in nella quale ancho una secta di philosophi la felicita humana si mettero. Imperò vogliando et sempre intendendo a tua volonta satisfare et ancho a tuoi danni, la molto desiderata sanita custodire, per laquale a tuoi servigi chiamato m’hai, ho deliberato con ogni diligentia studio di scrivere in nella materia delle gotte ampla et chiaramenta assai, con efficace et experti rimedii et modi che tener si debbe, si nel provedere che non vegneno como se venisseno in discaciare quelle » (Michel Savonarole, De Gotta la preservatione e cura per lo preclaro medico m. Michel Savonarola ordinata et intitulata allo illustre Marchese di Ferrara. S. Nicolo da Este, Pavie, Jacob de Borgofrancho bidello, 1505, p. 6).
74 Si Leonello d’Este a reçu une éducation de lettré, Borso, auquel s’adresse le Libretto de tutte le cosse che se magnano, est avant tout un militaire.
75 La langue vernaculaire, si elle est outil de vulgarisation, n’en demeure pas moins limitée à des personnalités cultivées, sauf pour ce qui concerne les compendia anonymes du Canon d’Avicenne, les calendriers diététiques ou encore les traités en vers, comme ce « Per conservatione del corpo humano facto per certo collegio di medici in Pavia », dans un manuscrit de la Bibliothèque nationale centrale de Florence (Magl. VII.1298, f. 56r). Il débute par : « se voi stare sano observa questa norma / Non mangiare senza vogliare, cena breve... » G. Keil a analysé la traduction latine du calendrier diététique de maître Alexandre, originellement composé en allemand. On a ici un exemple complexe de transmission du savoir, d’une langue vernaculaire vers une langue savante, sachant toutefois que les textes en allemand furent eux-mêmes très largement inspirés d’ouvrages latins (G. Keil, « Eine lateinische Fassung von Meister Alexanders Monatsregeln », dans G. Baader et G. Keil, Medizin in Mittelalterlichen Abendland, Darmstadt, 1982, p. 228-259). Voir aussi l’article de W. Hirth consacré aux calendriers allemands : W. Hirth, « Regimina duodecim mensium in deutschprachigen Tradierungen des Hoch – und Spätmittelalters », Medizin historisches Journal, 17 (1982), p. 239-255.
76 Voir M. Weiss-Amer, « The Role of Medieval Physicians in the Diffusion of Culinary Recipes and Cooking Practices », dans Du manuscrit à la table. Essais sur la cuisine au Moyen Âge et répertoire des manuscrits médiévaux contenant des recettes culinaires, sous la dir. de C. Lambert, Montréal-Paris, 1992, p. 69-80.
77 M. Nicoud, « L’adaptation du discours diététique aux pratiques alimentaires : l’exemple de Barnabas de Reggio », M.E.F.R.M., 107 (1995), p. 207-231.
78 Il existe un témoin de la version latine, d’origine italienne conservé à Bruxelles (Bibliothèque royale Albert Ier, ms 10861, xve s., 70ff.) et un témoin de la traduction française conservé à Saint-Pétersbourg dans la Bibliothèque impériale, effectuée sans doute par un écrivain wallon. Sur ce texte, voir E. Wickersheimer, « Le régime de santé de Guido Parato, physicien du duc de Milan », Bulletin de la Société française d’histoire de la médecine, 12 (1913), p. 82-95. Notons qu’à la famille de Croy (dont l’un des membres fut l’émissaire du duc de Bourgogne à Mantoue en 1459 et le destinataire de l’ouvrage de Guido Parato) fut adressé un régime quelque peu antérieur pour l’hygiène des jeunes enfants nobles, composé en français : le « regime et l’ordonnanche comment l’en doit nourrir enfans de roys, de princes et de tous grans seigneurs jusques a l’eage de V ou VJ ans » (édité par É. Roy, « Un régime de santé du xve siècle pour les petits enfants et l’hygiène de Gargantua », dans Mélanges offerts à M. Émile Picot, t. I, Paris, 1913, p. 151-159. Le manuscrit de ce texte est actuellement conservé à la Bibliothèque municipale de Valenciennes, sous la cote 776). Selon D. Jacquart, il est probable que ce régime soit l’œuvre du médecin originaire de Tournai, Jacques Despars. Il eut en effet l’occasion de se rendre à la cour de Bourgogne pour y soigner les enfants princiers, notamment en 1436 alors que le comte de Charolais était âgé de trois ans. Cf. D. Jacquart, « Le regard d’un médecin sur son temps : Jacques Despars (1380 ?-1458) », B.E.C., 138 (1980), p. 35-86, réédité dans ead., La science médicale occidentale entre deux renaissances (xiie s.-xve s.), Londres, 1997.
79 S. Bisson, « Le témoin génant. Une version latine du régime du corps d’Aldebrandin de Sienne », Médiévales, 42 (2002), p. 117-130.
80 Ibid., p. 120.
81 À ma connaissance, deux manuscrits ont été identifiés : Oxford, Bodleian Library, ms. Canonis Miscellaneus 388, ff. 1ra-38rb et Paris, B.n.F., lat. 10240, 1ra-44va. Voir inventaire 1 no 289 et 323.
82 Sur la question de la traduction, voir le volume d’articles Traduction et traducteurs..., cit. ; J.-P. Rothshild, « Traduire au Moyen Âge », dans Le livre médiéval, sous la dir. de J. Glénisson, Paris, 1988, p. 155-161. Voir aussi le récent numéro spécial de Perspectives médiévales, 26 (2000) consacré à la « Translatio médiévale ».
83 Voir Le latin médical. La constitution d’un langage scientifique, textes réunis et édités par G. Sabbah, Saint-Étienne, 1991 (Centre Jean Palerne, Mémoires X).
84 Pour un premier recensement des traductions vernaculaires de régimes en latin, voir M. Nicoud, « Les traductions vernaculaires d’ouvrages diététiques au Moyen Âge : recherches sur les versions italiennes du Libellus de conservatione sanitatis de Benedetto Reguardati », dans Les traducteurs au travail, leurs manuscrits et leurs méthodes. Actes du Colloque international organisé par le « Ettore Majorana Centre for Scientific Culture » (Erice, 30 septembre-6 octobre 1999), éd. J. Hamesse, Turnhout, 2001, p. 471-493 (Textes et Études du Moyen Âge, 18), plus part. p. 471-479. Pour le régime d’Arnaud de Villeneuve, cf. L. Cifuentes, « Vernacularization as an Intellectual and Social Bridge... », art. cit. et sur les liens avec le milieu universitaire, id., « Université et vernacularisation au bas Moyen Âge : Montpellier et les traductions catalanes médiévales de traités de médecine », dans L’Université de médecine de Montpellier et son rayonnement (xiiie-xve siècles), actes du colloque international de Montpellier (Université Paul-Valéry-Montpellier III, 17-19 mai 2001), sous la dir. de D. Le Blevec, Turnhout, 2004, p. 273-290 (De Diversis artibus, 71).
85 Édition critique de cette version par R. Baldini, « Zucchero Bencivenni, La santà del corpo. Volgarizzamento del Régime du corps di Aldobrandino da Siena (a. 1310) nella copia coeva di Lapo di Neri Corsini (Laur. Pl. LXXIII 47) », Studi di lessicografia italiana, 15 (1998), p. 21-300. Le manuscrit édité est le plus ancien, mais il est lacunaire puisqu’il ne commence qu’au milieu du chapitre 9 de la première partie (ibid., p. 29-32). Voir aussi F. Féry-Hue, « Zucchero Benvicenni, premier traducteur du Régime du corps d’Aldebrandin de Sienne », Bien dire et bien apprendre, 14 (1996), p. 189-206.
86 Il existe d’autres versions italiennes anonymes du Livre de Physique : l’une daterait au plus tard du xive siècle d’après les manuscrits qui la conservent, tous du xive siècle : Paris, B.n.F., fr. 903 ; Florence, Biblioteca Medicea Laurenziana, Reddi 88.186 ; Florence, Biblioteca nazionale centrale, Magl. II.II.82. Une deuxième traduction n’est donnée que par un unique manuscrit à ma connaissance (Londres, Wellcome Library, ms 425) ; il fut copié à Ferrare en 1504. Au xve siècle, Battista Caracino a proposé une nouvelle traduction qui n’est connue que par des éditions incunables florentines. Il est à noter qu’existe également une version remaniée de la traduction de Zucchero Bencivenni, conservée dans un manuscrit de la Biblioteca nazionale Marciana de Venise (It. III.14), daté de 1478.
87 Sur le traducteur florentin, voir le D.B.I., art. de C. Segre, vol. 8, p. 218-219. Pour une discussion sur la personnalité de ce traducteur, voir notamment A. Garosi, Aldobrandino da Siena, medico in Francia nel sec. xiii, Sienne, 1981.
88 L’information est donnée dans un autre manuscrit qui propose une traduction par Zucchero Bencivenni du traité de la sphère de Sacrobosco. Le Plut. 73.47 se contente de le qualifier de notaire.
89 Ainsi dans le manuscrit suivant, Florence, Biblioteca Riccardiana, ms 3050 (xiiie s.), on peut lire : « qui finisce il libro della fisica che il maestro Aldobrandino medico e dottore di Parigi [...] traslatato di francescho in fiorentino volghare sotto gli anni Dom. mcccx nel mese di maggio. Scritto e volgarizzato per ser Zuççhero Bencivenni notaio della città di Firenze habitante in questo tempo in Avignone a richiesta d’uno nobile cavaliere de la detta città » (les italiques sont miennes).
90 Il existe d’autres éditions partielles de la version italienne (voir R. Baldini, « Zucchero Bencivenni, « La santà del corpo... », art. cit., p. 38-41 pour une liste).
91 Cité d’après A. Garosi, Aldobrandino da Siena, medico... cit., p. 28.
92 O. Redon, « Les notaires dans le paysage culturel toscan des xiiie-xive siècles. Scribes, traducteurs, auteurs », dans Hommage à Jacqueline Brunet, textes réunis par M. Diaz-Rozzotto, Besançon, 1998, p. 213-222. Sur le notariat, A. Bartoli Langeli, Notai. Scrivere documenti nell’Italia medievale, Rome, 2006 (I libri di Viella, 56).
93 Voir, pour une liste des traductions et des éditions partielles, la Bibliografia dei testi in volgare dalle origini al 1375, Opera del Vocabolario italiano, Centro di studi del Consiglio nazionale delle ricerche presso l’Accademia della Crusca, Florence, 1990, no 02198-02208.
94 Par exemple, il a traduit le Trattato del bene vivere, qui fait partie du livre Libro de’ vizi e delle virtù, la Somme le Roi, œuvre que le frère dominicain Laurent du Bois présenta à Philippe III en 1280, et dont la traduction latine fut notamment copiée dans le manuscrit 1446 de la Biblioteca Riccardiana : « questo libro compilò un frate dell’ordine di S. Domenico e traslatò in francesco nell’anno 1279. Poi si recò per ser Zucchero Bencivenni di francesco in nostra lingua » (cité d’après A. Garosi, Aldobrandino da Siena, medico... cit., p. 30). Sur ce texte et sa traduction, voir M. Barbieri, « Trattato della virtù, testo francese di frate Lorenzo de’Predicatori e testo toscano di Zucchero Bencivenni », dans Sceltà, vol. 6, Bologne, 1863.
95 Conservé dans le manuscrit de la Biblioteca Medicea Laurenziana, Plut. 73.43.
96 D’après le manuscrit Magl. II.VII.33 de la Biblioteca nazionale centrale de Florence : « et quindi termina il tractato de la sphera materiale translatato di lingua galica cioè franciesca in fiorentino volgare et per Zucchero Bencivenni notaio di Firenze del popolo di Santo Piero Maggiore negli anni Domini della incarnatione del nostro Signore mcccxiii del mese di gennaio a priego e richiesta di uno nobile donzello della detta città » (cité d’après A. Garosi, Aldobrandino da Siena, medico... cit., p. 29).
97 Sur l’art des juristes et des notaires, voir R. Davidsohn, Storia di Firenze, vol. 4 : I primordi della civiltà fiorentina, trad. it., Florence, 1973, p. 221-251. Les notaires figurent parmi les groupes les plus importants de la cité ; ils comptent 575 immatriculés en 1291, dont 376 résident dans la cité et 199 à l’extérieur.
98 P. Meyer, « De l’expansion de la langue française en Italie pendant le Moyen Âge », dans Atti del congresso internazionale di scienze storiche. Roma, 1-3 aprile 1903, vol. 4, Rome, 1904, p. 79-80.
99 R. Davidsohn, ibid., p. 232. Selon F. Lospalluto, sur la base de latinismes, Zucchero Bencivenni aurait traduit le Liber ad Almansorem de Rhazès directement du latin, d’après la traduction de Gérard de Crémone (F. Lospalluto, I volgarizzamenti inediti dei secoli xiii e xiv, vol. 1 : Zucchero Benvicenni, Altamura, 1921, p. 25-27).
100 Voici le colophon du Trattato della sanità : « qui finiscie lo libro dela fisicha, chel mastro Aldobrandino conpuose i lingua franchesca, dela santà del corpo e di ciasqun menbro per sé, traslato di franciesco in volghare nel MCCCX di Magio, per ser Zuchero Bencivenni notaio, e scritto per me Lapo di Neri Corsini, popolo Sa. Folicie » (Florence, Biblioteca Medicea Laurenziana, Plut. 73.47, f. 96r ; cité par R. Baldini éd., « Zucchero Bencivenni, La santà del corpo... », art. cit., p. 29). Le copiste ajoute ces précisions à la fin du traité suivant consacré aux propriétés et vertus du romarin : « qui finischono lo noboli e mirabili proprietadi (e) sante virtudi del ramerino. Penate a scrivere insin qui in due mesi e sette dì per Lapo di Neri Corsini a qui Christo dea buona vita e finito il dì di santa Lucia XIII di dicenbre nel MCCCX annj » (f. 101v). Cf. A. M. Bandinus, « Catalogus Codicum Italicorum Bibliothecae Mediceae Laurentianae », Florence, 1778, col. 286-287. Pour une description du manuscrit, voir la notice rédigée par A. R. Fantoni et G. Frosini, dans « & coquatur ponendo »... Cultura della cucina e della tavola in Europa tra medioevo ed età moderna, Prato, 1996, p. 61-62 ; R. Baldini éd., « Zucchero Bencivenni, La santà del corpo... », art. cit., p. 29-32.
101 R. Baldini éd., ibid., p. 32-33. ; D.B.I., vol. 29, p. 647-649.
102 D. P. Lockwood, Ugo Benzi Medieval Philosopher and Physician 1376-1439, Chicago, 1951, p. 342.
103 J. Hill Cotton, « Benedetto Reguardati : Author of Ugo Benzi’s Tractato de la conservatione de la sanitade », Medical History, 12 (1968), p. 76-82.
104 Je renvoie ici aux livres de C. Crisciani et J. Agrimi, Les « consilia » médicaux, Turnhout, 1994, p. 21 (Typologie des Sources du Moyen Âge occidental, fasc. 69), à l’édition de J. Nystedt, Michele Savonarola, Libreto de tutte le cosse che se magnano ; un’opera di dietetica del sec. xv, Stockholm, 1987, p. 11 (Acta Universitatis Stochkholmiensis. Romanica Stockholmiensia, 13), ou encore à l’édition du régime d’Arnaud de Villeneuve par P. Gil Sotres.
105 Notons que J. Hill Cotton ne connaissait que le manuscrit de Novare dont parle É. Pellegrin dans son catalogue de la bibliothèque des Visconti-Sforza.
106 Je n’ai pas trouvé de mention d’un Andrea Vettori dans la Vita di Piero Vettori l’Antico Gentil’huomo fiorentino d’Antonio Benivieni (Florence, Nella Stamperia de’ Giunti, 1633). Toutefois, l’ouvrage de P. Litta (Famiglie celebri italiane, s.l.n.d., vol. 8, table 1) évoque bien un Andrea Vettori né en 1454 du mariage de Luigi (lui-même fils de Neri qui fut podestat de la cité de Castello en 1402 et en 1416 puis sénateur de Rome) et d’Alessandra Lamberteschi. La notice sur cet Andrea est pour le moins rapide, Litta n’évoquant qu’un mandat de prieur de Florence en 1487.
107 Conformément à la leçon que donnent la majorité des manuscrits latins qui mentionnent le dédicataire.
108 A.S.M, ms Galletti, Dono G. 20, f. Ir. Francesco Gherardi occupa cette charge du 20 novembre 1482 au 19 mai 1483. Cf. Michelangelo Salvi, Delle Historie di Pistoia e fazioni d’Italia, 3 t. en 2 vol., Pistoia, 1657, p. 442, 447.
109 Le traité fut maintes fois édité, à Milan en 1507 (réédition de la princeps) et en 1508, à Turin en 1618 et en 1620.
110 Éditée par Jean-Philippe de Lignamine.
111 On peut enrichir le nombre de témoins recensés par J. Hill Cotton. Elle mentionnait au moins neuf manuscrits, sans pour autant en dresser la liste. Dans un article postérieur (« Benedetto Reguardati of Nursia [1398-1469] », Medical History, 13 [1969], p. 175-189), elle ajoutait cinq autres témoins. La liste sans doute incomplète s’élève désormais à quinze ou seize témoins, selon qu’un manuscrit recensé à la Bibliothèque nationale centrale de Florence sous la cote Magl. VIII.145 (mais aujourd’hui disparu) est identifié ou non avec le Biscioni 25 de la Biblioteca Medicea Laurenziana (cf. P. O Kristeller, Iter Italicum, vol. 1, p. 119). Sur ce fonds Biscioni, M. Schiavotti Morena, « I manoscritti Biscioni della Magliabechiana alla Laurenziana », Accademie e biblioteche d’Italia, 46 (1978), p. 430-434. Pour une liste des manuscrits latins du régime, M. Nicoud, « Les traductions vernaculaires... », art. cit.
112 Cette précision apparaît dans le chapitre consacré à l’air.
113 Le copiste parle d’une transcription effectuée en six jours : expletus Mediolani anno 1468 15 januarii et transcriptus in 6 diebus cum magno strepitu pullorum, equorum indomitorum (Novare, Biblioteca dell’Archivio Capitolare, ms. 93, f. 72v).
114 En réalité, Benedetto Reguardati ne s’est absenté que deux jours puisque, dans une lettre datée du 16 janvier 1468 et adressée à Bianca Maria, Cicco Simonetta dit s’être rendu le jour même chez le médecin et lui avoir parlé. Il ajoute que ce dernier doit partir le jour même à Bereguardo et rentrer à Milan le surlendemain : « questa matina son stato ad casa de mastro Benedicto et li ho dicto tante cose per removerlo de questa soa opinione... Dicto domino Benedicto hogi parte de qui vene ad Belreguardo domane sarà ad Milano » (A.S.M., Autografi Medici, cart. 218, fasc. 9 ; éd. F. M. De’ Reguardati, Benedetto de’ Reguardati da Norcia « medicus tota Italia celeberrimus », Trieste, 1977, p. 492). S’était-il absenté les jours précédant son départ pour Bereguardo ? La correspondance de la chancellerie n’en a pas gardé la trace. Cf. G. Deffenu, Benedetto Reguardati, medico e diplomatico... cit., p. 160-161.
115 Les nombreuses erreurs qui parsèment la copie et l’existence d’un témoin contemporain (voire antérieur), le codex de Reggio d’Émilie, font croire que le manuscrit de l’Archivio Capitolare de Novare n’est que la transcription d’une traduction existente.
116 E. Piccolomini, « Inventario della libreria medicea privata compilato nel 1495 », Archivio storico italiano, 20 (1874), p. 51-94.
117 Dans cette même lettre datée du 16 janvier 1468, le premier secrétaire de la chancellerie ducale pense à quelque stratagème pour faire changer d’avis Benedetto Reguardati : « io credo pur che usandoli la S[ignoria] V[ostra] quelle bone parole et provedendoli de qualche possessione, forse se mutaria. La S[ignoria] V[ostra] li po’ mo’ fare quello pensero li pare, et pigliare el megliore partito » (A.S.M., Autografi Medici, cart. 218, fasc. 9 ; éd. F. M. De’ Reguardati, Benedetto de’ Reguardati... cit., p. 492).
118 Benedetto Reguardati s’en plaint amèrement au duc Galeazzo Maria dans une lettre du 9 février 1469 : « la V[ostra] I[llustrissima] S[ignoria] de’ essere certa che essendo stato doi anni e mezo senza recevere dinari de mia provisione, la quale se doveva pagare a mese per mese, che me è bisognato fare grandi debiti per lo mio vivere. Io sarria già partito se io havesse possuto pagare li debiti et havere dinari che me bastassoro (sic) per camino. Ho perduto et perdo el tempo con grande mio danno. Talvolta è stato el mio famiglio octo dì a Vighieveni et sempre è ritornato senza risposta, et de novo l’ho remandato, pregando V[ostra] I[llustrissima] S[ignoria] che me debba fare respondere qual modo debba tenere della mia provisione in questa mia partita, perchè io credo trovare delli buoni amici che in qualche parte me prestarano dinari in questi mei bisogni, pur ch’io sapesse quando gli puotesse imprometere, et de questo devotamente supplico V[ostra] I[llustrissima] S[ignoria] che questa volta el mio famiglio non ritorni senza risposta » (A.S.M., Autografi Medici, ibid. ; F. M. De’ Reguardati, ibid., p. 496).
119 J. Hill Cotton, « Benedetto Reguardati : Author... », art. cit., p. 77.
120 À cette époque, seul restait en vie le plus jeune, Francesco, qui devint en 1483 professeur de médecine à Bologne.
121 Ce médecin, né à Urbino en 1393, a exercé la médecine à Florence (ville dont il devient citoyen) de 1446 à sa mort, survenue le 2 décembre 1468. Il est l’auteur d’une Practica de febribus dont il reste au moins un manuscrit, conservé à la bibliothèque Riccardiana de Florence (ms 878).
122 G. B. Ristori, « La libreria di Maestro Agostino Santucci », Rivista delle biblioteche e degli archivi, 15 (1904), p. 35-37. Y est inventorié « Uno libello de conservatione sanitatis et altri tractati in forma pichola, legato e coperto con ta-vole ».
123 R. Maiocchi (éd.), Codice diplomatico dell’Università di Pavia, Pavie, 1905, p. 442.
124 Florence, Biblioteca Medicea Laurenziana, Biscioni 25, f. 112r. Cf. inventaire 1 no 126.
125 La main est assez semblable à celle qui a transcrit le Libellus (ff. 1-107r) : « la santità de N[ostra] S[ignoria] essa stessa me mandò adomandare e me diede la inclusa recetta per quella passione de la Ill[ustrissima] nostra Madonna dicendo mi circa di ciò, primo chel male hebe sua Beatitudine era difficultà de hanelito et non poteva havere il fiato, senza gran fatica, quale gli duro nove misi vel circha » Comme la recette précédente, adressée ad Illustrissimum dominum ducem Mediolani, elle est l’œuvre de dominus Augustinus Rubeus. Au folio 113r, la date de la lettre : non aliter Romae die 19 Mai MCCCCLXV.
126 F. M. De’ Reguardati, Benedetto de’ Reguardati da Norcia... cit., p. 125, 486-488.
127 Voir pour sa correspondance R. Sabbadini, Guarino Veronese e il suo epistolario edito e inedito, Salerne, 1885. Pour sa carrière à Ferrare, G. Bertoni, Guarino da Verona fra letterati e cortigiano a Ferrara, 1429-1460, Genève, 1921 (Bibliotheca dell’ « Archivum Romanicum », 1). Voir aussi R. Sabbadini, La scuola di Guarino Guarini Veronese, Catane, 1896. C’est après avoir séjourné en Grèce et à Constantinople que Guarino s’installe en Italie, enseignant d’abord à Florence, Venise et Vérone avant de fonder une école à Ferrare en 1429 à la demande de la famille Este.
128 Voir notamment C. Buridant, « Translatio medievalis. Théorie et pratique de la traduction médiévale », Travaux de linguistique et de littérature, 21/1 (1983), p. 81-136 ; D. Jacquart, « Remarques préliminaires à une étude comparée des traductions médicales de Gérard de Crémone », dans Traduction et traducteurs... cit., p. 109-118. D. Jacquart et G. Troupeau, « Traduction de l’arabe et vocabulaire médical latin : quelques exemples », dans La Lexicographie du latin médiéval et ses rapports avec les recherches actuelles sur la civilisation du Moyen Âge, Paris, 1981, p. 371-373.
129 J. Monfrin, « Humanisme et traduction », art. cit.
130 S. Lusignan, « La topique de la translatio studii et les traductions françaises de textes savants au xive siècle », dans Traduction et traducteurs... cit., p. 303-315.
131 Cf. F. Féry-Hue, « Le Régime du corps d’Aldebrandin de Sienne... », art. cit.
132 Rappelons que l’édition de L. Landouzy et R. Pépin ne repose que sur quatre manuscrits « parisiens ». A. Garosi a proposé l’édition du manuscrit de Londres, B.L., Sloane 2435, daté du xiiie siècle.
133 Ainsi dans les manuscrits suivants : B.n.F., fr. 14822 et B.L., Sloane 2435.
134 Le régime du corps... cit., p. 5.
135 A. Garosi, Aldobrandino da Siena, medico... cit., p. 415 (d’après le manuscrit de la Biblioteca nazionale centrale de Florence, Magl. II.IV.85).
136 Ainsi dans le passage sur les fèves, le texte italien annonce : « chi prendesse farina di fave e mangiassela con un poccho di grasso, si consuma e fa gittare i malvagi homori del petto e del polmone. Ancora chi ne fa impiastro e pollo sopra le mammelle quand’egli n’ae adposteme e a’testicoli, cioè a’ coglioni, ma sia bagnata di vino agro, si fa tali malattie rimuovere » (ibid., p. 479). Ce passage, qui n’est pas donné dans la version A, se retrouve dans la rédaction B classique : « Et si vous dirai coument : car ki prent ferine de feves et la menjue a.i. pau de graisse, si fait les humeurs dou pis et dou poumon rachier. Et encore qui fait emplastre deseure les mamieles quant il a apostumes, et as coilles, mais que les feves soient cuites en vin aigre. Ce font les maladies remouvoir » (B.n.F., fr. 14822, Le régime du corps... cit., p. 140).
137 D’après les recensions établies par F. Féry-Hue, il y aurait douze manuscrits de la rédaction B classique et dix-huit de la rédaction « Roger male branche », contre six seulement pour la rédaction A.
138 Ainsi le manuscrit Sloane 2986 (fin xiiie-déb. xive s.), copié en Italie du Nord, celui de l’Arsenal ms 2511 (déb. xive s.) avec des occurrences de dialecte vénitien, celui de Zagreb, Bibliothèque métropolitaine M.R.92, transcrit avant 1274 en Italie du Nord, tous reprenant la rédaction B dite « Roger male branche », ou encore le ms 546 de la Wellcome Library copié dans le midi de la France au début du xive siècle et qui propose une version abrégée, alors que seul le ms 459 de New York (Pierpont Morgan Library) de la même période et rédigé en Lombardie restitue la quatrième partie ou physiognomonie de la rédaction B.
139 Il n’est pas a priori surprenant qu’un notaire florentin exerce loin de ses terres. Depuis 1273, date où est attestée la première mention d’un notaire florentin auprès de la cour pontificale, nombreux furent ceux qui travaillèrent à la Curie, parmi lesquels le père de Pétrarque (cf. R. Davidsohn, Storia di Firenze... cit., p. 227).
140 Il s’agit des manuscrits, Plut. 73.48, Pal. 557, Plut. 73.47 et Plut. 38.49 de la Biblioteca Medicea Laurenziana et Magl. II.II.85 de la Biblioteca nazionale centrale de Florence. Dans tous ces manuscrits, les deux traités sont copiés par une même main. Il est à noter qu’à l’exception du Plut. 73.47 daté de 1310, les autres sont des copies tardives du xve siècle. Le Plut. 73.48 se termine par un traité de philosophie, intitulé La imagine del mondo, traduction italienne de L’image du monde de Gossuin de Metz qu’on trouve dans le manuscrit fr. 12323 de la B.n.F. qui, lui, est un mixte de la version A et de la version B, mais aussi dans le manuscrit fr. 2021 (appelé A par L. Landouzy et R. Pépin). Le texte d’Aldebrandin est très lacunaire dans le Plut. 73.48 et ce témoin n’a pu servir de modèle aux premières copies de cette famille italienne, puisqu’il est postérieur à 1348 (il reproduit la consultation des médecins parisiens sur la peste de 1348 dans une version française).
141 « Il questo presente libro si contiene chome luomo si dee conservare lo suo corpo sano, cominciando dal principio della sua gioventudine per infino alla vechiezza » (Biblioteca Medicea Laurenziana, Plut. 73.48, f. 36r).
142 Il est lacunaire au début, puisqu’il ne commence qu’au chapitre 9 de la première partie. Quant au Plut. 38.49, il s’interrompt au terme de la troisième partie.
143 Par exemple, L. Cifuentes, La ciència en català a l’Edat Mitjana i el Renaixement, Barcelone-Palma de Majorque, 2002, p. 38-49 (Colleció Blaquerna, 3) ; id., « La promoció intel. lectual i social dels barbers-cirurgians a la Barcelona medieval : l’obrador, la bibliotecai, els béns de Joan Vicenç (fl. 1421-1464) », Arxiu de Textos Catalans Antics, 19 (2000), p. 429-479.
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