Chapitre IV. Autour des « choses non naturelles »
p. 153-184
Texte intégral
1Le premier groupe de traités diététiques rassemble le plus grand nombre de textes. Outre le Regimen sanitatis ad inclytum regem Aragonum composé dans les premières années du xive siècle par le praticien d’origine catalane Arnaud de Villeneuve, en font partie des ouvrages d’origines géographiques aussi diverses que le Regimen sanitatis et le Compendium de regimine sanitatis des Allemands Arnold de Bamberg et Konrad de Eichstätt, l’un des régimes du milanais Maino de Maineri, professeur de médecine à Paris, ou encore le Libellus de conservatione sanitatis rédigé par le praticien émilien, Barnabas Riatinis1.
2La diversité géographique de cette production est le signe d’une propagation de la notion de conservatio, et d’une harmonisation des outils qui permettent de penser la santé et la diététique. L’université a sans doute joué ici un rôle fondamental en diffusant un certain nombre de textes cruciaux pour la définition de l’influence de la diaeta dans la conservation de la santé. Car même si la formation de ces auteurs n’est pas toujours parfaitement connue, leur maîtrise affichée d’un vocabulaire technique atteste la lecture d’ouvrages de référence de l’enseignement universitaire. Cependant, la culture savante n’est peut-être pas seule responsable de la similarité des choix de composition dont témoignent ces divers ouvrages. De par son ancienneté et son rayonnement, ne pourrait-on imaginer que le Regimen sanitatis d’Arnaud de Villeneuve2 ait joué un rôle de « fixateur » des règles de l’écriture diététique ? Largement diffusé dans l’ensemble de l’Occident médiéval – si l’on en juge par le nombre de manuscrits à ce jour conservés, par les inventaires de bibliothèques médiévales qui le recensent, voire par certaines formes d’intertextualité –, il est peut-être à l’origine du succès d’une forme « littéraire » qui fut appelée après lui, « régime de santé ».
L’INVENTION DU RÉGIME
3La rédaction par Arnaud de Villeneuve du Regimen sanitatis ad inclytum regem Aragonum, proche dans sa structure du Tractatus de conservatione sanitatis de Zambonino da Gazzo, marque dans le Moyen Âge occidental une étape majeure dans l’histoire de l’écriture diététique destinée à la vulgarisation. Car c’est avec ce livre que se fixent des facteurs essentiels : une composition axée sur les paramètres extérieurs au corps humain, largement reprise par les traités ultérieurs, un titre nouveau donné à ce genre d’ouvrage médical, mais aussi les règles d’une écriture préventive facile à comprendre et essentiellement tournée vers la pratique.
Les « six choses non naturelles »
4Le concept de « choses non naturelles », paramètres externes dont le rôle est considéré comme fondamental dans le processus de conservation ou de perte de la santé, fut diffusé très tôt dans le milieu universitaire par des textes d’origine arabe comme le Pantegni d’Haly Abbas et l’Isagoge de Ḥunain ibn Isḥāq3, et il est manifestement maîtrisé dès le xiiie siècle par Jean de Saint-Amand4. Ces facteurs sont choisis par une grande majorité d’auteurs des xive et xve siècles comme fil directeur de leurs ouvrages diététiques respectifs. C’est le choix qu’opère également Arnaud de Villeneuve, même s’il préfère, au concept de « chose non naturelle5 », celui de « chose nécessaire ». En effet, si son régime est totalement structuré – à l’exception du consilium sur les hémorroïdes – autour de l’idée galénique6 (revisitée par les médecins arabes) de res non naturales, il n’en choisit pas pour autant la dénomination consacrée par la médecine universitaire médiévale, pas plus qu’il ne retient la terminologie de « cause efficiente » censée conserver ou altérer les dispositions du corps humain, diffusée par le Canon d’Avicenne7. Pour désigner ces paramètres externes que sont l’air, l’alimentation, l’exercice, le sommeil, l’inanition ou encore les passions de l’âme, Arnaud de Villeneuve préfère tantôt utiliser une périphrase caractérisant ces facteurs par leurs effets (ce qui change, transforme, modifie le corps8), tantôt parler des choses qui approchent le corps humain nécessairement, afin de souligner leur indispensable présence9. Ces choix ne s’expliquent certainement pas par une méconnaissance du concept de « chose non naturelle », mais par le souci, me semble-t-il, de mieux définir, pour un lecteur peu familier du vocabulaire médical, les enjeux des res non naturales et leur rôle dans la conservation et le recouvrement de la santé ; sans doute le terme de « non naturel », traduit par Constantin l’Africain au xie siècle, n’en rendait-il pas aussi explicitement compte que celui de « nécessaire », aux yeux d’Arnaud de Villeneuve. D’ailleurs, s’il employait lui aussi le concept de res non naturales, Haly Abbas n’omettait pas de rappeler le caractère indispensable de ces facteurs pour la vie humaine10.
5Mais c’est surtout de Galien qu’Arnaud de Villeneuve est le plus proche, lui empruntant la terminologie de « chose nécessaire11 ». Le médecin grec explique en effet que le corps est transformé par des choses dites « nécessaires » parce qu’on ne peut y échapper12. À ce groupe appartiennent l’air, l’exercice et le repos, le sommeil et la veille, les aliments, la réplétion et l’évacuation, ainsi que les accidents de l’âme.
6Selon cet ordonnancement, le praticien catalan choisit donc une structure qui privilégie le rôle des composantes extérieures à l’homme pour exposer ses conceptions diététiques. Si le nombre des res non naturales reste conforme aux modèles, l’ordre choisi dans l’énumération n’est pas sans refléter l’importance accordée à chacun de ces éléments dans la conception arnaldienne. C’est l’air qui ouvre le Regimen et le choix n’est pas innocent :
La première partie ou considération à propos de la conservation de la santé concerne le choix de l’air. Car parmi les choses qui par nécessité approchent le corps humain, rien ne le transforme plus que ce qui, en inspirant par la bouche, les narines et les artères, pénètre avec ses qualités et se mêle aux esprits du cœur en passant par toutes les artères et ce par quoi toutes les actions de la vie corporelle sont accomplies13.
7Cette réflexion n’est pas sans rappeler des questions scolastiques, pour certaines contemporaines de la composition du Regimen sanitatis ad inclytum regem Aragonum, où les auteurs se demandent ce qui, de l’air ou des aliments, provoque les plus importantes altérations dans le corps humain14. Elle se fait surtout l’écho du Pantegni, qui ouvre la liste des res non naturales par le De natura aeris. Haly Abbas explique en effet que l’air qui nous entoure est la première cause de transformation de la complexion humaine, car respirer est la chose la plus nécessaire à la vie15. L’auteur arabe est lui-même très proche dans son discours de l’œuvre hippocratique. Or Arnaud de Villeneuve utilisa le commentaire galénique du traité De aere et aqua et regionibus du praticien de Cos16. Ce livre, où Hippocrate soulignait l’influence des vents sur l’état sanitaire des populations ainsi que le rôle des saisons et plus largement des climats, était connu depuis le haut Moyen Âge dans une traduction grécolatine ; Bartolomeo da Messina en donna au xiiie siècle une nouvelle version, alors qu’existait également depuis le xiie siècle une traduction arabo-latine.
8La séquence des « choses non naturelles » chez Arnaud de Villeneuve semble assez similaire à l’ordre choisi par Galien pour l’énumération des facteurs nécessaires au maintien de la santé, à deux exceptions près : le Catalan, influencé par les auteurs arabes ou par le De pulsibus libellus ad tyrones de Galien17, ajoute un de balneo aux six choses et fait suivre l’exercice et les bains par la digestion puis par le sommeil et la veille, alors que Galien préconisait, après l’exercice (en troisième position), le sommeil, auquel succédait l’alimentation puis la réplétion, pour finir par les accidents de l’âme18. Arnaud de Villeneuve explique la succession exercice / bain-réplétion, par le fait que le mouvement provoque l’inanition du corps et favorise l’appétit19. L’ordonnancement du Regimen sanitatis est manifestement calqué sur l’Isagoge ; le praticien catalan, suivant de près son modèle, inclut à la fin du chapitre consacré au sommeil quelques rapides considérations sur l’activité sexuelle. La seule note discordante entre l’abrégé galénique et le Regimen provient des passages alimentaires ; le médecin catalan, proche ici des options de Galien, préfère distinguer la réplétion de l’alimentation proprement dite, cette subdivision entre l’acte mécanique d’ingestion et les vertus nutritives des cibi lui permettant d’introduire un long développement sur les divers types d’aliments. La notion de refectio est en effet traitée séparément dans la partie des « choses non naturelles », où elle est intimement liée à l’exercice, qui favorise, on l’a dit, l’appétit. Cette relation très forte entre motus et inanitio tire son origine première du traité pseudo-hippocratique Du régime qui associait étroitement les deux facteurs20, mais aussi des conceptions galéniques. Les aliments eux-mêmes sont l’objet d’un développement séparé que souligne un changement de registre ; le lecteur passe du domaine des generalia à celui des particularia :
Après les généralités, il convient de parler en particulier des aliments et remèdes contre l’écoulement hémorroïdaire. Et parmi les nourritures, en premier lieu les aliments, en second les boissons. Mais parce que certaines nourritures sont consommées comme aliments et d’autres en sauces et condiments, le premier discours concernera les aliments21.
9Cette distinction entre ce qui relève, selon le praticien catalan, d’une catégorie universelle et ce qui appartient au domaine du particulier n’est pas sans rappeler l’ordonnancement proposé par Isaac Israëli dans ses Diètes universelles et particulières. Sans traiter l’ensemble des « choses non naturelles » (puisque son objet était strictement alimentaire), le médecin de Kairouan opposait déjà, d’un côté, une connaissance générale des aliments à une énumération détaillée de leurs qualités et nocivités, de l’autre. L’ordonnancement alimentaire du régime suit une organisation enchâssée où s’opposent d’abord solides et liquides (cibi et potus) ; dans le premier groupe se distinguent aliments et condiments (c’est-à-dire les éléments qui nourrissent et ceux qui les accompagnent) et, au sein des aliments, s’opère une sélection entre produits d’origine végétale et productions animales, par famille ou espèce, que l’on peut ainsi représenter :
10L’ordre rappelle celui adopté par Galien dans le De facultatibus alimentorum, où il distinguait l’alimentation d’origine végétale et animale et, au sein du premier groupe, les céréales, les légumineuses et les autres plantes22. Les chapitres consacrés aux végétaux dans le Regimen sanitatis s’ordonnent selon un axe vertical. Ainsi, pour ce qui concerne légumes et grains, l’auteur énumère successivement les céréales, les légumes23, les fruits, les plantes potagères et enfin les plantes à racines. Les quatre premiers groupes rassemblent donc des aliments dont la partie consommée croît à l’air libre alors qu’on mange le bulbe des dernières plantes citées24. Pour les passages relatifs aux nourritures d’origine animale, l’ordonnancement suit la logique des différents milieux dans lesquels évoluent ces animaux (terre, air et eau). Ainsi les chapitres sur les productions animales (subdivisées en viande, œuf et lait) énumèrent, dans l’ordre, les mammifères, les oiseaux et les poissons. Ici le plan choisi par Arnaud de Villeneuve s’éloigne du De facultatibus alimentorum où les quadrupèdes sont par exemple séparés des volatiles.
11En l’absence de citation précise de l’œuvre galénique, il n’est pas possible d’affirmer qu’Arnaud de Villeneuve ait eu en sa possession la récente traduction du De facultatibus alimentorum. L’ouvrage n’apparaît pas dans la bibliothèque du praticien catalan25. Peut-être avait-il pu toutefois en prendre connaissance à la cour pontificale où Guillaume de Moerbecke, pénitencier pontifical, l’avait traduit en 1277. En tout état de cause, l’organisation des passages alimentaires du Regimen ad inclytum regem Aragonum reflète des conceptions médicales qui soulignent le rôle fondamental joué par le milieu et plus largement par les quatre éléments dans la définition des complexions des hommes, aussi bien que dans celle des aliments et, plus largement, des « choses non naturelles ».
Le choix d’un titre
12Alors que Barnabas Riatinis ou Giacomo Albini da Moncalieri nomment encore leurs ouvrages respectifs Libellus de conservatione sanitatis pour le premier, ou De sanitatis custodia pour le second, le traité d’Arnaud de Villeneuve est généralement intitulé Regimen sanitatis dans les manuscrits, y compris dans l’un des plus anciens26. Il ne semble donc plus nécessaire, du moins pour le praticien catalan, de recourir à une circonlocution pour désigner l’objectif principal du livre (à savoir la conservation de la santé), puisque le terme de « régime » issu du vocable regere (régir) suffit à informer le lecteur sur le contenu de l’ouvrage. Le Regimen sanitatis signale un livre qui a pour sujet le « comment régir, ou garder la santé », donc principalement axé sur la conservation. C’est ce même titre de regimen sanitatis que l’on trouve utilisé pour désigner les traités respectifs d’Arnold de Bamberg et de Konrad de Eichstätt, composés dans le premier tiers du xive siècle. Le mot de regimen était cependant déjà employé dans d’autres types de livres médicaux, notamment dans certaines practicae (où les préceptes thérapeutiques étaient accompagnés de prescriptions d’hygiène), et dans les premiers consilia, tels qu’ils apparaissent dans la seconde moitié du xiiie siècle. Ces derniers comportent en effet le plus souvent, dans une forme qui deviendra classique, une première partie dite regimen, qui suit l’ordre des « choses non naturelles ». Peut-être faut-il voir aussi, dans l’utilisation systématique du terme de régime de santé, l’influence d’un ouvrage récemment traduit, le Regimen sanitatis ad soldanum Babilonie, traité diététique que Maïmonide (1135/1138-1204) composa dans les dernières années de sa vie pour l’un des fils du sultan Saladin27. La version latine, proposée à partir d’une première traduction en hébreu, intitule en effet l’ouvrage Regimen sanitatis28. L’ouvrage, traduit notamment par Jean de Capoue et adressé au pape Boniface VIII (1294-1303)29, fut peut-être versé dans le fond de la bibliothèque pontificale (comme le proposait son auteur), quoiqu’on n’en ait pas conservé la trace. Il se diffusa assurément dans le milieu curial. C’est par ce biais ou simplement par l’autre traduction proposée par son neveu Armengaud Blaise du même texte30, qu’Arnaud de Villeneuve, qui fut aussi médecin du souverain pontife, a pu en prendre connaissance. Toutefois, l’ouvrage n’apparaît pas dans l’inventaire des livres effectué par les exécuteurs testamentaires du praticien catalan, le 8 décembre 131131.
13Pourtant chez Arnaud de Villeneuve, le terme de regimen ne désigne pas un ouvrage totalement conservatoire, puisque les « choses nécessaires » sont suivies d’une sorte de consilium32 intitulé De lapsibus emorroydum et ipsarum remediis. N’y sont évoquées que les diverses prescriptions nécessaires pour soigner les crises hémorroïdaires33. Ces conseils médicaux, rassemblés en un dix-huitième et ultime chapitre, s’organisent en trois parties. Les deux premières sont plus strictement alimentaires34, la troisième est médicale. Cette structure paraît empruntée au nouveau « genre » médical, le consilium35. La composition choisie par l’auteur catalan répond à une double attente de la part du destinataire du régime, qui n’est autre que Jacques II, roi d’Aragon, dont il fut l’un des médecins personnels : en prescrivant un régime de portée plus générale et nettement préventive36, le praticien montpelliérain offre au monarque les moyens de se prémunir par lui-même, non seulement contre les hémorroïdes, mais plus largement contre toute affection. Le Regimen sert en quelque sorte de bréviaire médical et personnel pour un prince particulièrement anxieux lorsqu’il s’agit de sa santé ou de celle d’un membre de sa famille37. Il dispose ainsi, en l’absence de son praticien de confiance, d’un traité rédigé par le plus grand d’entre eux.
14Quant au De lapsibus hemorroidarum, il s’inscrit sans doute dans le contexte spécifique d’une crise hémorroïdaire, affection à caractère chronique dont souffrait Jacques II. En 1305, d’après une lettre conservée dans les Archives de la Couronne d’Aragon, envoyée à Arnaud de Villeneuve qui résidait alors à Montpellier, le praticien est sollicité d’envoyer des conseils au médecin personnel du roi, qui n’est autre que son propre neveu, Armengaud Blaise38. À cette date, Jacques II est manifestement souffrant39 et il l’est périodiquement depuis au moins 129740. Le conseil placé en fin de régime constitue peut-être la réponse attendue par le médecin chargé de soigner le roi.
15Ce document des Archives de la Couronne a permis de mettre d’accord les historiens sur la date et le lieu de composition du Regimen sanitatis. S’ils hésitaient encore entre Barcelone et Montpellier41, et entre 1305, 1307 et 130842, ils semblent aujourd’hui fixés sur la capitale catalane et sur l’année 1305. Dès 1307, les activités du praticien semblent en effet essentiellement tournées vers le sud de la France43.
UN CONTENU TOURNÉ VERS LA PRATIQUE
16Si, comparé au traité diététique d’Arnold de Bamberg par exemple, le régime d’Arnaud de Villeneuve paraît plus théorique, il n’en reste pas moins, au regard du reste de sa production médicale, particulièrement tourné vers la pratique, ne serait-ce que par la clarté et la simplicité de l’énoncé. À la différence d’autres compositions diététiques, Arnaud de Villeneuve omet ainsi de mentionner les complexions propres des aliments énumérés. Les qualités ne sont citées que lorsqu’elles concernent le corps humain, les saisons ou encore les corps simples, air et eau. A fortiori, il ne parle pas des degrés des qualités, auxquels il a pourtant consacré un ouvrage spécifique, les Aphorismi de gradibus44. Mais peut-être les degrés ne s’appliquent-ils, dans l’esprit du médecin, qu’aux seuls médicaments, ce qui expliquerait cette lacune dans le Regimen45. Plus sûrement, l’ambition du régime est différente. Y prime l’idée de simplicité du discours, le souci d’intelligibilité pour un lecteur peu versé dans les problèmes de philosophie naturelle et certainement pas à même de juger du degré de qualité des aliments. Ce sont les mêmes choix qui président à la rédaction du Regimen sanitatis d’Arnold de Bamberg. Si l’importance accordée à la pratique se manifeste chez Arnaud de Villeneuve dans certaines caractéristiques du discours, elle s’incarne essentiellement, chez le praticien allemand, dans le choix d’un contenu largement orienté vers la table et ses pratiques.
Niveau de langue
17Le Regimen ad inclytum regem Aragonum manifeste un parti pris de vulgarisation et de didactique que souligne le choix de privilégier un niveau de langue simple, accessible à tous, et plus particulièrement au destinataire annoncé dans le titre, le roi d’Aragon qui, s’il manifeste un intérêt certain pour la médecine et pour la santé, n’en est pas moins étranger à ces concepts.
Un vocabulaire d’origine vernaculaire
18Le niveau de langue assez simple qu’Arnaud de Villeneuve a choisi d’utiliser se caractérise en premier lieu par le mélange judicieux de latin et de vocables d’origine vernaculaire, plus à même d’exprimer certaines idées, ou plus faciles à comprendre pour le destinataire du traité. L’auteur utilise ainsi fréquemment un vocabulaire issu de différentes langues, catalane, arabe ou autres. Ces termes sont soit employés tels quels, soit latinisés46. L’emploi d’un mot arabe, de préférence à un équivalent latin, caractérise les vocables qui font déjà partie du vocabulaire médical en usage en Occident ; ainsi pour iulep ou muza47, qui appartiennent à la langue savante, mais qu’Arnaud de Villeneuve explicite cependant. En revanche, pour le mot « arrob », terme dérivé de l’arabe, il n’est pas sûr que le lecteur le connaisse mieux que son équivalent latin, sapa48, pourtant familier aux lettrés. Ailleurs, le professeur de Montpellier cherche à éclairer le sens du mot latin par l’emploi d’un correspondant catalan, sans doute connu de son public49. Certaines de ces occurrences peuvent alors avoir un effet redondant, notamment lorsque le mot catalan est très proche du latin, ou lorsqu’il ne sert qu’à nommer une chose déjà décrite dans la langue savante50 : ainsi « scalonia51 », un terme presque semblable au latin escalonia (qui est utilisé depuis l’Antiquité pour désigner les échalotes [Allium ascalonium L]). Les mots vernaculaires s’accompagnent souvent de l’équivalent latin « plus scientifique ». À d’autres moments cependant, Arnaud de Villeneuve n’utilise que le catalan sans doute passé dans la langue commune, ce qui doit être le cas pour les mots « alatria », « entecar » ou encore pour « sexelle52 ». Parfois, l’éclairage d’une signification fonctionne dans le sens vernaculaire / latin, le terme savant étant explicité par son équivalent catalan53. Ainsi, dans le chapitre consacré aux poissons, l’auteur évoque les espèces appelées respectivement rex et alfonsus qui, en latin classique, n’ont pas de sens en ichtyologie, mais qui prennent toute leur mesure si on cherche leur équivalent en catalan. Rex ne s’explique que si on le considère comme une latinisation du mot vulgaire « reiet » qui désigne le mérou, un poisson de l’espèce Apogon imberbis L. Quant à alphonsus, il pourrait être la forme latine du catalan « anfos », autre nom qui renvoie au même poisson, rex et alphonsus devenant, comme pour le catalan « reiet » et « anfos », synonymes.
Clarté de l’exposé et adaptation du discours
19Le sens pratique et la volonté didactique dont témoigne le régime d’Arnaud de Villeneuve se manifestent également dans la clarté du propos ; car si le texte se nourrit des discours des autorités, il les intègre de façon naturelle à l’exposé et n’en rend que ce qui est utile à la compréhension du texte. Le désir de simplicité s’exprime aussi dans l’attention portée au quotidien. On notera par exemple les mentions des habitudes alimentaires à suivre en temps de Carême54, assez rarement prises en compte par les médecins, mais qui ne peuvent étonner de la part d’un homme également connu pour ses traités théologiques55. La foi porte même l’auteur à introduire de nouvelles règles qui contredisent les fondements théoriques de la diététique et les assujettissent aux lois du calendrier religieux :
Les aliments doivent être mangés lorsque la nature le demande et leur consommation ne doit pas être retardée longtemps lorsque la faim se fait sentir, si ce n’est lorsque les règles de la sainte Église, l’honnête occupation ou la dévotion religieuse suggèrent de tolérer cette faim56.
20Cette remarque laisse supposer une classification par ordre d’importance de la production d’Arnaud de Villeneuve, la médecine venant après son intérêt pour la théologie.
21Tout le discours est parsemé d’observations personnelles et tend aussi à s’adapter à la complexion de son lecteur. La krasis de Jacques II, sans doute colérique, peut en effet être déduite de nombreuses remarques57. Les règles de vie proposées par Arnaud de Villeneuve sont adaptées au rang du destinataire, mais aussi à l’un des principes fondamentaux de la pensée hippocratique (notamment souligné dans le Régime des maladies aiguës58), le respect de l’habitude, perçue au Moyen Âge comme une seconde nature. La science diététique apparaît d’autant plus importante pour un roi que de sa santé dépend la bonne marche du royaume59. Cette préoccupation s’inspire étroitement du Secret des secrets qui associait à une sorte de miroir des princes des règles hygiéniques. Dans le chapitre consacré à l’exercice, le médecin catalan en énumère différents types convenables pour un prince ; ce chapitre doit beaucoup au De sanitate tuenda, particulièrement détaillé sur le sujet, et au De parve pile exercitio de Galien60. On trouve tout naturellement citée l’équitation, qu’Arnaud recommande de pratiquer lors de la chasse (activité noble par excellence) car tous les membres du corps sont alors en mouvement61. En revanche, la lutte ou les jeux de balle sont à bannir, non seulement parce qu’ils mettent en danger la santé du roi, mais surtout parce qu’ils ne sont pas dignes d’une personne de sa qualité62.
22Les conseils diététiques ne se bornent toutefois pas aux seuls aspects corporels. Plus que d’autres, le Catalan se montre également soucieux de proposer quelques conseils pour la santé de l’âme. Tranquillité d’esprit, lectures choisies et édifiantes (consacrées à des sujets de politique et d’histoire sainte) ou encore soirées musicales sont recommandées63. Cet aspect paraît être aussi une réminiscence des règles énoncées dans le traité pseudo-aristotélicien du Secret des secrets. Il s’explique enfin par l’influence des passions sur la complexion et sur la santé. En élargissant le discours diététique à la santé de l’âme, Arnaud de Villeneuve rapproche son régime des manuels d’éducation, des miroirs des princes, même si le fond de son propos demeure médical.
Les pratiques culinaires
23La lecture comparée des ouvrages d’Arnaud de Villeneuve et d’Arnold de Bamberg met en évidence le fait que le régime composé par le praticien allemand constitue une sorte de prolongement du traité rédigé pour le roi d’Aragon ; à bien des égards, le regimen allemand accentue et approfondit certaines options choisies par Arnaud de Villeneuve. Dans cette optique, deux aspects, d’ailleurs complémentaires l’un de l’autre, se distinguent : l’attention portée à l’alimentation et à son corollaire, la cuisine.
24Le traité d’Arnaud de Villeneuve témoigne, nous l’avons vu, de l’intérêt porté à l’alimentation et à la cuisine, deux facteurs non négligeables dans la conception diététique médiévale. Cette spécificité nouvelle, au regard des ouvrages du xiiie siècle, met en évidence le rôle croissant joué par la nutrition dans la prévention. Elle facilite l’introduction dans cette littérature des particularismes locaux et, plus largement, des habitudes alimentaires, soulignant ainsi le rapport étroit qu’entretient le texte diététique avec la réalité médiévale. Les théories médicales, bien évidemment, servent de base au régime, mais elles sont de plus en plus agrémentées de remarques et d’observations empruntées à la vie quotidienne. Ces signes avant-coureurs, déjà présents dans le traité d’Arnaud de Villeneuve, s’affirment dans les ouvrages ultérieurs, et tout particulièrement dans celui d’Arnold de Bamberg.
25À l’image du Regimen sanitatis ad inclytum regem Aragonum, les chapitres consacrés aux cibi et potus du Regimen sanitatis d’Arnold de Bamberg occupent une large place. L’ordonnancement de ces passages est aussi, à peu de choses près, celui du régime du Catalan. L’auteur évoque également les autres paramètres classiques de la nutrition (nombre, ordre et qualités des plats), puis la boisson. Sur un traité qui s’étend sur quinze feuillets (ff. 267r à 274r)64, les parties alimentaires occupent neuf folios, soit 60 % de l’ensemble.
26Plus encore qu’Arnaud de Villeneuve, Arnold de Bamberg se montre attentif aux préparations culinaires qui jouent un grand rôle dans son régime. On en décompte en effet quarante et il n’est pratiquement pas de notice alimentaire qui ne comporte de recette. Non seulement il juxtapose aux passages consacrés aux viandes et aux poissons deux chapitres culinaires (respectivement intitulés De preparatione ciborum carnalium et De preparatione piscium), mais il égrène encore tout au long de son traité de multiples recettes, ou plus simplement des conseils d’accompagnement, qui prennent la place d’un discours plus strictement diététique65. Ainsi, les aliments ne sont pas présentés selon leurs vertus médicales, mais d’après leur préparation et le régime ne se limite plus, à proprement parler, à une énumération des « simples nourritures » mais se veut discours sur les « composés culinaires66 ».
27L’influence de la cuisine est telle dans le Regimen d’Arnold qu’elle se manifeste aussi dans la présentation de la recette ; l’auteur s’est vraisemblablement inspiré d’un réceptaire ou a suivi les conseils de quelque maître de cuisine, tant ses conseils sont précis. La structure suivie ressemble à celle des traités consacrés à l’art de la table. Les préparations sont souvent introduites par un vocable que l’on trouve dans ces derniers (recipit ou accipit67). Toutefois, à la différence des recueils culinaires médiévaux, Arnold de Bamberg se montre généralement pointilleux : il distingue par exemple les différents modes de cuisson (prebullire, assare, coquere, decoquere, frixare), donne parfois les proportions de certains ingrédients, et rend compte des différentes étapes de la confection. Il énumère ainsi dans une recette diverses phases de la préparation : l’assaisonnement des céréales dont il faut ôter les glumes, le temps de cuisson et le meilleur moment pour consommer le plat68.
28Dans un passage sur les préparations des viandes, Arnold de Bamberg propose aussi des procédés culinaires plus complexes comme la préparation de gélatines69, de sauces (vertes, blanches...) ou encore de tourtes70 ; il se montre rigoureux dans la description des ingrédients ou de leurs substituts, dans les modalités de cuisson, dans l’énumération des procédés qui requièrent une certaine technique voire, à un moindre degré, dans les proportions. Les préparations sucrées ne sont pas oubliées, comme ces petites bouchées de pain blanc rôties sur des braises puis macérées dans du lait d’amande71.
29Ces procédés culinaires semblent rendre compte d’habitudes alimentaires diverses, peut-être expérimentées par l’auteur au cours de ses séjours à l’étranger. Il précise ainsi pour son lecteur dalmate, Augustinus Kazotic, que certaines préparations, à base de fruits notamment, sont fréquemment utilisées en Allemagne72. Il propose encore successivement des pommes frites à la graisse, des figues ou des raisins secs cuits au lait d’amande. Il évoque aussi un fromage bouilli, mangé avec du pain, très apprécié en Allemagne73. Le vocabulaire des poissons est aussi largement influencé par des appellations germaniques, comme dans le cas de l’espèce « ezie », un poisson de rivière. Il faut sans doute comprendre ici « Esch » qui désigne en allemand un thymallus piscis, poisson de la famille des salmonidés. En revanche, pour parler de la daurade, Arnold de Bamberg préfère aux vocables allemands (« Goldbrasse » ou « Goldekopf ») le mot au-rata, emprunté au français74.
30Il ne se limite cependant pas à la cuisine allemande ; il évoque ainsi une recette de Milan, où mil et panic sont préparés avec du vin, dont on trouve également la trace dans un ouvrage plus tardif de Maino de Maineri. Il emploie également le nom latin du « blancmanger » (alba comestio), pour désigner un plat composé à base de poulet comme chez Arnaud de Villeneuve et Guillaume de Brescia, mais il renvoie aussi à son équivalent vernaculaire, « blantmazer75 ». Fréquents sont encore les emprunts à d’autres cuisines occidentales, comme ces types de pâtes, désignées par leurs noms vulgaires, communément employés dans la langue italienne médiévale : lagana, ravioli [...] que, omnia magis per gulam quam pro stomacho sunt inventa76.
31Les raviolis et les lasagnes sont des variétés de pâtes fraîches consommées dans toute la péninsule77, mais plus particulièrement dans la vallée du Pô78. Connues, au moins pour les secondes, depuis l’Antiquité, elles sont ici « fourrées » au fromage et aux œufs. Cela explique peut-être pourquoi Arnold de Bamberg n’utilise pas les termes de tria ou d’alatria (employés en revanche par Arnaud de Villeneuve), car ceux-ci désignaient les pâtes sèches d’origine arabe, destinées à une longue conservation. Cette attention à la préparation et la place occupée par la cuisine dénotent aussi des habitudes de classe, qui sont celles du destinataire du régime. La seule mention d’une cuisine au sucre est là pour le confirmer.
32Une telle communauté d’idées entre les regimina des « deux Arnaud », cet accent commun mis sur la pratique, sur la vulgarisation et sur la simplicité, cette même insistance à adapter le discours médical aux pratiques alimentaires et culinaires contemporaines, dont on retrouve la trace dans des traités de peu ultérieurs comme le Libellus de conservatione sanitatis de Barnabas Riatinis par exemple, soulèvent la question des influences subies par Arnold de Bamberg. En d’autres termes, le Regimen sanitatis d’Arnaud de Villeneuve a-til pu lui servir de modèle ?
LE PREMIER RÉGIME ALLEMAND OU LES SOURCES D’ARNOLD DE BAMBERG
33Le régime d’Arnaud de Villeneuve offre de nombreuses similitudes d’organisation avec celui d’Arnold de Bamberg, déjà soulignées par Gunther Kallinich et Karin Figala. Cependant, plus encore que les ressemblances structurelles, c’est la tonalité « montpelliéraine » du traité du praticien allemand qui surprend. Peut-être pour-ra-t-on expliquer cette influence, si les circonstances de composition du régime d’Arnold de Bamberg sont elles-mêmes éclairées.
La « tonalité » montpelliéraine
34Il faut entendre par tonalité une certaine influence montpelliéraine qui se fait jour dans le régime d’Arnold de Bamberg, tant par le modèle que le Regimen sanitatis d’Arnaud de Villeneuve a pu constituer, que par le rayonnement de traductions récentes effectuées dans ce milieu universitaire.
35Optant pour un plan qui ressemble fort à celui du regimen du médecin catalan, Arnold de Bamberg propose des remèdes spécifiques contre les maux de tête, qui se font l’écho du consilium sur les hémorroïdes dans le Regimen sanitatis ad inclytum regem Aragonum.
36Les deux hommes enrichissent leurs traités préventifs de conseils médico-alimentaires consacrés à des affections spécifiques dont souffrent leurs destinataires. Arnold ajoute également des recettes d’antidotaires et de thériaques. Ces éléments thérapeutiques rappellent un autre texte largement diffusé jusqu’à la fin du Moyen Âge, le Libellus de conservatione sanitatis de Jean de Tolède, où le propos diététique était enrichi de quelques conseils destinés à soigner des affections bénignes. Cependant, au-delà des ressemblances dans la structure et le propos, Arnaud de Villeneuve se montre généralement plus conceptuel et moins pratique que son homologue allemand79.
37Dans les citations des sources, les deux ouvrages sont également très proches. Ils utilisent un éventail commun d’autorités, certaines anciennes, d’autres plus modernes, ou du moins plus récemment traduites. Si elles semblent déjà étroitement mêlées au discours du Catalan, ces citations sont particulièrement mises en valeur dans le propos du praticien allemand. En effet, bien qu’il déclare avoir composé son ouvrage sans le recours des textes nécessaires80, Arnold de Bamberg mentionne fréquemment les autorités. Les cite-t-il de mémoire, dispose-t-il d’une sorte d’abrégé ou bien la formule incipitaire n’est-elle qu’une précaution rhétorique ? En l’absence de véritable réponse, il nous faut seulement constater que le traité est souvent assorti de références à de nombreux auteurs. Si certaines d’entre elles sont attendues, comme Avicenne, Galien ou, à un degré moindre, le Secret des secrets voire Isaac Israëli81, d’autres le sont moins.
38Parmi les autorités citées, certaines font apparaître une influence montpelliéraine directe. Si Arnold de Bamberg ne convoque à aucun moment Arnaud de Villeneuve – ce qui ne signifie pas qu’il ne le connaissait pas –, il semble avoir lu ou du moins eu entre les mains la traduction récente d’un autre traité diététique composé par Maïmonide82. Le Regimen ad soldanum Babilonie fut rédigé par le praticien juif de nombreuses années après son installation au Caire. Pedro Gil Sotres affirme qu’il fut traduit par Armengaud Blaise en 130283 ; Danielle Jacquart, dans son Supplément au Dictionnaire biographique des médecins en France au Moyen Âge d’Ernest Wickersheimer84, se montre plus circonspecte. Ce sont René Verrier et Arnau Cardoner qui, les premiers, ont attribué la traduction au neveu d’Arnaud de Villeneuve85. En revanche, on sait que ce dernier traduisit le De asmate en 1294, ainsi que le De medicinis contra venenis du médecin et philosophe cordouan86.
39Selon Pedro Gil Sotres87, la production diététique de Maïmonide n’aurait eu que peu d’influence sur la littérature diététique médiévale à l’image du Liber Theysir d’Ibn Zuhr88 (l’Avenzoar des Latins, ca. 1092-1162). Or le régime d’Arnold de Bamberg vient quelque peu infirmer ce jugement, puisque outre la référence à Maïmonide, on peut lire cinq mentions du Liber Theysir, qui aurait été traduit au milieu du xiiie siècle par Jean de Capoue avec l’aide d’un juif, Jacob. Les renvois aux ouvrages du praticien juif manifestent une lecture attentive de ses traités. L’une de ces mentions concerne l’utilisation de plantes contre les morsures de chiens enragés89. Elle n’est pas extraite du régime écrit pour le fils de Saladin, mais du De medicinis contra venenis. Au chapitre consacré aux morsures, le Cordouan précise en effet qu’on peut utiliser diverses sortes d’emplâtres, certains composés à partir de plantes, d’autres à partir d’aliments. Un autre renvoi à Maïmonide est clairement emprunté cette fois-ci au Regimen ad soldanum Babilonie, lorsque le praticien juif compare l’air des villes et l’air des campagnes90. D’autres influences sont peut-être perceptibles dans l’organisation du Regimen d’Arnold de Bamberg, qui place au premier plan des « choses non naturelles » les accidents de l’âme ; Maïmonide soulignait en effet dans de longs développements le rôle de la santé de l’âme, qui affecte la santé corporelle91.
40Il est aussi des traits du régime d’Arnaud de Villeneuve qui font penser au Regimen ad soldanum Babilonie du médecin juif. Ce dernier n’a-t-il pas, par exemple, mêlé étroitement dans un même traité un régime « universel » et un autre adapté à la pathologie de son destinataire ? Ces caractéristiques rappellent bien sûr le dernier chapitre du régime d’Arnaud de Villeneuve, essentiellement constitué de préparations médicales et entièrement centré sur la personne royale, mais aussi certains passages du régime d’Arnold de Bamberg.
La cour pontificale d’Avignon
41Il n’y a pas que le contenu du Regimen sanitatis d’Arnold de Bamberg qui conduise vers le sud de la France ; d’autres éléments paratextuels renvoient à la cour pontificale, alors installée en Avignon. Vers 1317, Arnold de Bamberg, prieur du chapitre cathédral de Saint-Jacques à Bamberg, mais également médecin personnel du comte palatin Rudolf (1294-1317), duc de Bavière, compose à la demande de l’évêque de Zagreb92, Augustinus Kazotic93, un régime de santé. La distance qui sépare Bamberg et Zagreb rend a priori obscures les circonstances qui ont préludé à la rédaction de l’ouvrage94.
42Parmi les témoins restants du Regimen sanitatis, il en est deux qui nous donnent quelques précisions sur la composition du texte. L’explicit daté du témoin conservé à Erlangen rapporte en effet que la copie a été datum in Malausana in festo Sti. Augustini anno domini 131795. Le Clm 7755 de la Bayerische Staatsbibliothek de Munich fournit les mêmes informations, à l’exception de la date96. H. Fischer97 a proposé d’identifier Malausana avec Malaucène, une cité du Vaucluse proche de Carpentras. Au xive siècle, la ville faisait partie des États pontificaux. Ne pourrait-on imaginer que cette cité, voire la métropole d’Avignon, ait été le lieu rêvé pour une éventuelle rencontre entre le médecin d’origine allemande et son patient venu de Zagreb, ou du moins ait permis un échange épistolaire entre les deux hommes ? Car il semble difficile de croire que la réputation du praticien allemand, dont une seule œuvre nous est parvenue, ait pu atteindre Zagreb. À moins d’imaginer que l’évêque se soit adressé à un médecin de renom qui aurait confié à Arnold de Bamberg la tâche d’écrire le traité diététique. Mais ce ne sont que pures suppositions qu’aucun passage du texte ne vient étayer. En revanche, certaines sources attestent un séjour d’Augustinus Kazotic dans la nouvelle capitale de la chrétienté en 131798 ; il aurait donc pu cette année là rencontrer, dans la ville même ou dans les environs, Arnold de Bamberg99, si ce dernier y séjournait et si les explicit datés des manuscrits d’Erlangen ou de Munich sont exacts.
43Dans l’hypothèse d’un voyage d’Arnold de Bamberg dans le sud de la France, le manuscrit d’Erlangen fournit un autre indice ; on peut y lire en effet que le praticien eut pour maître un certain magister G., archidiacre de Bologne100. Si Heinrich Schipperges101 a proposé d’identifier ce maître G. avec un nommé Dominus Galvanus ou « Galvano102 », Gunther Kallinich et Karin Figala, en revanche, suggèrent qu’il pourrait s’agir de Guillaume de Brescia ; ce praticien, actif de 1274 à 1326, occupa les fonctions d’archidiacre de Bologne et fut l’auteur entre autres de consilia103. Les historiens allemands en déduisent qu’Arnold de Bamberg fit ses études de médecine à Bologne104. En réalité, l’identification du magister G. avec Guillaume de Brescia, si elle se vérifiait, nous rapprocherait aussi des États pontificaux et de Montpellier, puisque le professeur bolonais participa avec Arnaud de Villeneuve à la réforme des études de l’université en 1309. Guillaume de Brescia résidait alors à Avignon de façon permanente depuis 1305105, en tant que médecin et chapelain pontifical. En lieu et place d’un hypothétique séjour à Bologne, ne peut-on dès lors supposer qu’Arnold de Bamberg a reçu l’enseignement de Guillaume à la cour pontificale ou à Montpellier ? Seul un examen comparatif des traités de ces deux auteurs pourrait nous fournir quelques informations supplémentaires.
44Il est possible de percevoir l’influence de Guillaume de Brescia dans l’élaboration de la véritable cuisine diététique que propose Arnold de Bamberg. En effet, l’examen de quelques consilia du médecin italien, conservés dans un manuscrit du fonds palatin106, montre que l’auteur bolonais est non seulement sensible aux effets d’une médecine préventive107, mais surtout qu’il manifeste un intérêt pour la cuisine, assez étonnant dans le cadre de la littérature des consilia de cette époque. En effet, selon la typologie proposée par Chiara Crisciani et Jole Agrimi108, ce qui va rapidement devenir un genre médical n’en est encore, au tournant des xiiie-xive siècles, qu’à ses prémices. Si on compare la production de Guillaume de Brescia aux conseils de Taddeo Alderotti, dont il fut d’ailleurs l’élève, l’évidence s’impose : l’attention à la diététique et, a fortiori, l’intérêt pour la cuisine sont très réduits chez le maître. En revanche, le médecin de Brescia, du moins d’après la source vaticane, y accorde une grande place dans le conseil109. Ainsi la première prescription consacrée à une tumeur du sein livre un long régime (B.A.V., Pal. lat. 1240, ff. 120r-127v). Non content de conseiller une liste des aliments à éviter parce qu’ils génèrent trop d’humeurs, et de recommander ceux qui produisent un sang de très bonne qualité, il propose quelques procédés culinaires. Certains sont, il est vrai, proches de la recette médicale qui intègre dans ses préparations des ingrédients aussi peu comestibles que les serpents ; le médecin pontifical est manifestement ici directement influencé par Nicolas de Pologne110. Ces confusions entre pharmacopée et cuisine s’expliquent par une ars diaetae très dépendante de son utilisation thérapeutique et par des limites manifestement encore floues entre une cuisine qui serait strictement médicale et une cuisine à proprement parler diététique. Toutefois, expressions et procédés employés par Guillaume de Brescia sont clairement empruntés à l’art de la table111 et cela, même s’il s’agit de préparer une grenouille112. Si l’on rapproche l’œuvre d’Arnold de Bamberg de celle du chapelain pontifical, il n’est alors peut-être pas si étonnant de trouver chez le premier une telle attention à des aliments de consommation a priori moins courante tels les escargots et les tortues. En effet, les recettes à base d’escargots par exemple sont particulièrement développées dans un passage des consilia intitulé regimen per limacias113. Selon Guillaume de Brescia, les gastéropodes sont notamment recommandés pour se prémunir de la phtisie et paraîssent, à en croire Maino de Maineri, de consommation fréquente114. Ici encore, les procédés culinaires nous sont restitués :
D’abord bien le nettoyer [en enlevant] la tête, ensuite ôter la coquille et le laver de ses superfluités, le cuire dans de l’eau, du vin, de l’huile et du sel en quantité convenable115.
45Plus loin, Guillaume propose une troisième recette qui implique une préparation plus complexe et plus fréquente dans les traités culinaires que dans les ouvrages diététiques. Il est en effet question de blanc-manger, ici aussi dénommé sous sa forme latine116, et de tourtes.
46Si l’hypothèse d’une influence directe de Guillaume de Brescia sur Arnold de Bamberg n’est pas incongrue, nombreuses sont encore les incertitudes qui demeurent sur les modalités et le lieu de leur rencontre ; de même, reste inexpliquée la nature des relations entre le praticien allemand et Augustinus Kazotic.
CONCLUSION
47Avec le régime de santé d’Arnaud de Villeneuve, la littérature diététique entre dans une nouvelle période, axée sur une écriture facile à saisir pour un public de néophytes, brève et concise, et sur une sorte de plan type qui fait des « choses non naturelles » le sujet du discours. Pour autant, les premiers régimes de ce type n’en oublient pas de personnaliser le contenu selon les habitudes, la complexion ou les petits ennuis physiques du destinataire, puisque ces premiers traités sont avant tout écrits en réponse à une demande spécifique. Arnaud de Villeneuve était d’ailleurs coutumier du fait, lui qui, dès mai 1301, avait composé pour le pape Boniface VIII un Contra calculum, après avoir soigné ce dernier pour des calculs rénaux. Cet épisode est raconté par un ambassadeur de Jacques II auprès du souverain pontife117. Quelques années plus tard, le Liber de confortatione visus, daté de 1308 fut envoyé et dédié au pape Clément V. Quant au Regimen Almarie118, sorte de régime pour les armées, il s’adressait également au roi d’Aragon Jacques II, en campagne contre les armées musulmanes119. En progressant dans le siècle, ces éléments de personnalisation du discours ont toutefois tendance à s’effacer au profit d’une uniformisation qui rend le propos utilisable à tout lecteur.
48Le Regimen sanitatis ad regem Aragonum ne marque pas seulement une étape importante dans le processus de vulgarisation du discours scientifique ; il témoigne aussi d’une inflexion nouvelle du propos diététique, plus largement préoccupé par les aspects alimentaires. Cette part laissée à l’une des composantes non naturelles exprime une attention plus grande, portée par le regard médical, aux pratiques alimentaires et culinaires. Sans doute faut-il y voir la réponse des professionnels de la santé à de nouvelles habitudes de consommations qui, diversifiées et de plus en plus raffinées, mettaient en péril l’équilibre naturel des complexions. Dans ce domaine, le régime d’Arnaud de Villeneuve inaugure une veine d’écriture largement suivie par ses successeurs.
49Né autour d’un axe Montpellier-Barcelone, mais largement et très rapidement diffusé dans tout l’Occident médiéval, le modèle proposé par Arnaud de Villeneuve n’est pas le seul traité innovateur de cette première moitié du xive siècle. Dans la même université montpelliéraine, Bernard de Gordon, contemporain du praticien catalan, propose à son tour le fruit de ses réflexions sur le statut, le rôle et la place de la diététique au sein de la science médicale. Largement influencé par les nouvelles traductions galéniques qui sont très rapidement intégrées au cursus montpelliérain, son De conservatione vite humane met l’accent, non sur les agents extérieurs responsables de la transformation de la santé, mais sur la santé elle-même ou, plus exactement, sur l’un des facteurs majeurs de sa mutation, le vieillissement.
Notes de bas de page
1 Sur ces différents auteurs, voir les notices de l’annexe 1, respectivement p. 701, 710 et 701-702.
2 Pour une étude globale sur Arnaud de Villeneuve, voir J. A. Paniagua, El maestro Arnau de Vilanova, Barcelone, 1969 et id., « Studia Arnaldiana ». Trabajos en torno a la obra médica de Arnau de Vilanova, c. 1240-1311, Barcelone, s.d.
3 Sur la traduction des Masā’il fī ṭ-ṭibb (Questions sur la médecine), voir l’article de D. Jacquart, « À l’aube de la renaissance médicale des xie-xiie siècles : l’Isagoge Iohannitii et son traducteur », B.E.C., 144 (1986), p. 209-240. Sur le concept de « chose non naturelle » dans cette œuvre, D. Jacquart et N. Palmieri, « La tradition des Masā’il fī ṭ-ṭibb de Ḥunain ibn Isḥāq », dans Storia e Ecdotica dei testi medici greci. Atti del II Convegno Internazionale (Parigi 24-26 maggio 1994), sous la dir. de A. Garzya, Naples, 1996, p. 217-236. Les auteurs de l’article montrent que les Masā’il fī ṭ-ṭibb constituent un texte à la teneur et au ton très composites qui est en fait constitué de trois ensembles : les « Questions » de Ḥunain ibn Isḥāq proprement dites (texte qui fut traduit en latin au xie siècle), les « Additions » dues à Ḥubaiš ibn al-Ḥasan, neveu de Ḥunain, et une série de questions du même médecin. C’est dans ce dernier ensemble qu’apparaît le terme de « non naturel » qui n’existe pas dans les passages véritablement composés par Ḥunain. Le traducteur latin, qui devait donc disposer d’une copie complète des Masā’il fī ṭ-ṭibb, a interpolé certains passages de Ḥubaiš dans sa traduction des Questiones.
4 Cité par L. J. Rather, « The Six Things Non-Natural : A Note on the Origins and Fate of a Doctrine and a Phrase », Clio Medica, 3 (1968), p. 337-347.
5 Largement diffusé par l’Isagoge Iohannitius, le concept de « choses non naturelles » est utilisé pour distinguer ces éléments des « choses naturelles » (éléments, complexions, membres, vertus, opérations, ou encore âge, sexe...) et des « choses contre nature » que sont les maladies.
6 Comme le remarquait L. J. Rather dans l’article cité ci-dessus, jamais Galien n’a employé le terme de « non naturel », alors qu’il parle des res secundum naturam et des res contra naturam (L. J. Rather, « The Six Things Non-Natural... », art. cit.). Voir également sur ce sujet, S. Jarcho, « Galen’s six non-naturals : a Bibliographic Note and Translation », B.H.M., 44 (1970), p. 372-377.
7 Efficientes autem cause sunt cause permutantes et conservantes humani corporis dispositiones, sicut sunt aeres et que eis continuantur et comestiones et aque et potus et que eis continuantur et evacuatio et retentio et regiones et civitates et que eis continuantur et motus et quietes et corporei animales et ex eis sunt somnus et vigilie et alteratio in etatibus et diversitas in eis et in generibus et in artibus et in moribus et in rebus, que humano superveniunt corpore ipsum tangentibus, sive sint contra naturam, sive non sint contra naturam (Avicenne, Canon, livre I, fen I, doc. 2, cap. 2, Venise, apud Vincentium Valgrisium, 1564, p. 8).
8 Ainsi, à propos des accidents de l’âme, il parlera par exemple des animi accidentia corpus efficaciter mutant seu alterant (« Regimen sanitatis ad regem Aragonum », éd. L. García Ballester et M. R. McVaugh, Barcelone, 1996 [Arnaldi de Villanova Opera medica omnia X.1], p. 436).
9 ... necessario approximant humano corpori. Le terme de nécessité ou l’adjectif nécessaire est utilisé une vingtaine de fois dans l’ensemble du Regimen.
10 Londres, B.L., Add. 22719, f. 49r : Res ergo non naturalis necessaria est ho-mini ut vite sue status bene regatur. Je remercie Danielle Jacquart de m’avoir communiqué cette transcription.
11 En employant conjointement les concepts de « nécessaire » et de « non naturels », Haly Abbas opère une sorte de fusion entre ce que Galien considérait comme des facteurs vitaux et ce que Ḥunain ibn Isḥāq caractérisait comme des éléments externes au corps humain. Sur cet aspect, voir P. H. Niebyl, « The Non-Naturals », B.H.M., 45 (1971), p. 486-492.
12 Immutatur autem corpus a quibusdam ex necessitate, ab aliis non ex necessitate. Ex necessitate autem dico, quae nulla ratione vitari possunt ; non ex necessitate vero reliqua. Necessario quidem omnino in ambiente aëre versamur, edimus, bibimus, vigilamus et dormimus ; ensibus vero et feris non necessario objicimur. Unde in priore causarum genere ars versatur, quae corpori tuendo dicata est, non autem in posteriore. [...] Ab his enim omnibus corpus affici necesse est (Galien, « Ars medica », dans Claudi Galeni Opera Omnia, éd. C. G. Kühn, vol. 1, Leipzig, 1821, p. 367-368).
13 Prima pars vel consideracio sanitatis conservande pertinet aeris eleccioni. Nam inter ea que necessario approximant humano corpori nichil est quod inmutet forcius ipsum quam quod per os et nares et ad arterias inspirando pervenit cum qualitatibus suis, et per omnes arterias inmiscetur spiritibus corporis, per quod omnes acciones vite corporalis perficiuntur (Arnaud de Villeneuve, « Regimen sanitatis »... cit., p. 423). Il est à noter que le régime du praticien catalan commence in medias res par ce premier chapitre consacré au choix de l’air.
14 Cette question est par exemple posée par Petrus Hispanus dans son commentaire aux Diètes universelles d’Isaac Israëli : Queritur in regimento sanitatis quid sit magis necessarium, utrum aer an cibus (« Opera omnia Ysaaci... », Lyon, in officina Johannis de Platea, 1515, Lectio secunda, f. XVIra). On peut également lire dans le commentaire que Taddeo Alderotti consacre au Tegni de Galien la question suivante : quendam e rebus non naturalibus corpus maxime permutet (« Thaddei Florentini... in C. Gal. Microtechne commentarii », Naples, apud A. Frizium, 1522). Il en est de même et de façon plus explicite pour Jacques de Forlì, qui commente la même œuvre galénique : Utrum corpus humanum magis imutetur ab aere quam a cibo et potu (Jacobus de Forlivio, « Super Techni », Venise, mandato et expensis nobilis viri domini Luce Antonii de Giunta Florentini, 1528, f. 220vb-202ra).
15 Si qualitates corporis suam sequantur complexionem, aer autem circumdans nos complexionis mutande causa est fortior propter anhelitus necessitatem (B.L., Add. 22719, f. 49r).
16 Hippocrate, Airs, eaux, lieux, éd. J. Jouanna, Paris, 1996.
17 « Claudi Galeni Opera omnia », éd. C. G. Kühn, vol. 8, Leipzig, 1824, p. 467-469. Cette remarque a été faite par P. H. Niebyl, « The Non-Naturals », art. cit. Sur l’influence du De pulsibus ad tyrones de Galien dans la question sur le pouls extraite des questions de Ḥubaiš ibn al-Ḥasan (dans les Masā’il fī ṭ-ṭibb), voir˙˙ ˙˙D. Jacquart et N. Palmieri, « La tradition des Masā’il fī ṭ-ṭibb... », art. cit., plus particulièrement p. 223-226.
18 His igitur expositis, in singulis eorum, quae necessario corpus immutant, proprium salubrium causarum genus inveniemus. Unum quidem ex ambientis aeris contactu, alterum ex motu et quiete, tam corporis universi, tam ejus partium. Tertium ex somno et vigilia. Quartum ex his, quae assumuntur. Quintum ex his, quae exernuntur et retinentur. Sextum ex animi affectibus (Galien, « Ars medica »... cit., p. 367).
19 Post consideracionem exercicii et balnei, sequitur consideracio refeccionis duplici racione, quarum prima est quoniam exercicium corpus inanit et inanito corpori debetur refeccio ; secunda vero est quoniam exercicium inaniendo provocat appetitum cibi qui vocatur fames, que nichil aliud est quam preco nature ad indicandum necessitatem cibacionis (Arnaud de Villeneuve, « Regimen sanitatis »... cit., p. 429).
20 Hippocrate, Du régime, éd. R. Joly, Paris, 1967.
21 Post generalia convenit specialiter loqui de nutrientibus et remediis contra lapsus ; et inter nutriencia primo de cibis secundo de potibus. Sed quia ciborum quidam sumuntur in alimentum, quidam vero in saporem et condimentum, ideo prius erit sermo de nutrientibus alimentis (Arnaud de Villeneuve, « Regimen sanitatis »... cit., p. 437).
22 Quum a plantis et animalibus sumamus alimenta, qui autem ante me fuerunt omnes in iis, quae de alimentis scripserunt, a cerealibus nuncupatis seminibus initium sumpserint, propterea quod panum esus inter ipsa est utilissimus, ob eam causam ego quoque de tritico, hordeo, tipha, olyra, ad haec de iis, quae legumina ac chedropa appellant, primo libro tractavi. Decet autem hoc libro ad alia alimenta, quae a plantis, deinceps transire, post autem ad ea, quae ab animalibus sumuntur, quaecunque hominibus sunt utiliora (Galien, « De facultatibus alimentorum », dans « Claudi Galeni Opera omnia », éd. C. G. Kühn, vol. 6, Leipzig, 1823, p. 554-555). Il n’est pas véritablement question de condiment, mais un chapitre consacré au miel opère la jonction entre aliments et boissons.
23 Il s’agit ici des plantes dont on consomme les cosses ou les graines internes.
24 L’ordre est quelque peu différent du De facultatibus alimentorum de Galien, où se succèdent les céréales panifiables et utilisées en bouillies, les légumineuses, les fruits, puis les racines et les feuilles.
25 R. Chábas, « Inventario de los libros, ropas y demas affectos de A. de Villanueva », Revista de Archivos, Bibliotecas y Museos, 1903, p. 189-203. J. Carreras i Artau, « La llibreria d’Arnau de Vilanova », Analecta Sacra Tarraconensia, 11 (1935), p. 63-84.
26 Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, ms 872, ff. 1-14. Ce manuscrit est daté de 1329 par son colophon : completum fuit anno XXIX pont[ificatus] J[ohannis] pape XXII anno XIII. Pour la description, voir H. Martin, Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque de l’Arsenal, vol. 2, Paris, 1886, p. 145 et la notice de ce manuscrit que j’ai proposée dans « & coquatur ponendo... ». Cultura della cucina e della tavola in europea tra medio evo ed età moderna, Prato, 1996, p. 80. Pour une étude des manuscrits du régime d’Arnaud de Villeneuve, voir A. Trias Teixidor, Arnau da Vilanova, « Regimen sanitatis ad regem Aragonum » : edicio crítica, comentaris i notes, Barcelone, 1994. Le même titre de Regimen sanitatis est donné dans les manuscrits suivants : Erlangen, Universitätsbibliothek, ms 434, ff. 188v-200r (2e moitié du xive s.), B.A.V., Pal. lat. 1180, ff. 154v-165v (xive s.), ou encore Valence, Arxiu Capitular, ms 123, ff. 54r-57v (1ère moitié du xive s.). Notons qu’il s’agit des manuscrits sur lesquels s’appuie A. Trias Teixidor pour proposer son édition critique du régime.
27 « Tractatus Rabbi Moysi quem domino et magnifico Soldano babilonie transmisit », Lyon, in aedibus Iacobi Giunti, Bibliopolae, 1535. Une traduction en anglais du régime a été proposée par A. Bar-Sela, H. E. Hoff et E. Faris, Moses Maimonides’ Two Treatises on the Regimen of Health. Fī Tadbīr al-Ṣiḥḥa et Maqālah fi Bayān Ba’d al-A’rād wa-al-Jawāb ῾anhā, Philadelphie, 1964 (The American Philosophical Society, vol. 54). Sur Maïmonide, voir l’article qui lui est consacré par S. Pines, dans le D.S.B., vol. 9, p. 27-32 et plus largement les actes du colloque sur Maïmonide philosophe et savant (1138-1204), études réunies par T. Lévy et R. Rashed, Louvain, 2004 (Ancient and Classical Sciences and Philosophy).
28 C’est le titre donné par le rubricateur du manuscrit du Vatican, B.A.V., Pal. lat. 1298 : Rabi Moyses de regimine sanitatis ad regem hyspanie. Le même terme revient à plusieurs reprises dans le texte pour désigner le traité : [I]nquit Moyses filius servi dei ysrahelitici de Corduba : pervenit ad me mandatum domini mei regis ut scribam sibi regimen conveniens de quo possit confidere videlicet de curacione infirmitatum nuper in domino meo repertarum, quas Deus excelsus procul ab eo faciat et sibi medicinas approximet (f. 189ra) ; capitulum primum de regimine sanitatis in generali pro omnibus hominibus sub brevi tractatu (f. 189rb). Je me permets de renvoyer à mon article pour l’édition du prologue de ce manuscrit : « L’œuvre de Maïmonide et la pensée médicale occidentale à la fin du Moyen Âge », dans Maïmonide philosophe et savant... cit., p. 411-431, spéc. p. 429.
29 Le traducteur, qui dit être passé des ténèbres de la foi juive à la sérénité de la foi catholique, connaît la langue hébraïque : [I]nquit translator : ex tenebrarum devio iudayce pravitatis deductus in splendoris serenitatem catholice fidei patris omnipotentis michi sola miseracione eiusque speciali gratia influente ut christum veri dei unigenitum con me olim longo tempore confiteri denegatum. Facta est supra me eiusdem manus graciosa in bonum ut non solum primorum patriarchorum prophetarum tocius veteris testamenti voluminis aliorumque librorum qui usque hodie reperiuntur iudeis michi linguam sufficientem edocuit. Verum eciam latinorum linguam in qua diversa sanctorum volumina et multarum scientiarum que quasi innutrabiliter sunt descripta meum erudiunt intellectum, docent me transferentes hinc ad illam que in illis ambabus contexta sunt mei sensus capacitate, iuxta eius facultatem in modum clare refulgerent et comodum. Dirigens ergo studium meum super hiis que ydiomate denotantur ebraico, quam plura et magis in diversis voluminibus non modicum esse utilia exploravi. Sed illis pretermissis ad tempus meum diverto propositum in presenti illorum opus transducere cuius sanitatis regimine titulus designatur, nam in eo sufficienter et docte sanitatem humanam docet conservare. Considerato igitur huius operis magno fine per quam in humane vite discursu multa potuerit evitari pericula et inducere salubria ad honorem et laudem divine trinitatis sanctissime et laudem et salutem et dierum prolongacionem anime fortitudinem et corporis roboracionem sanctissimi patris domini Pape B. octavi, cuius persona diviis semper protegatur auxiliis et divina miseracione vita bona et sancta prolongetur eidem nec non et ad commune bonum tocius sancte ecclesie christiane. Ego Johannes humilis Christi cuius facultas licet modica supra memorata temptavi manum inimitare prefatum opus ab hebrayca lingua in latinam transferre. Sanctissime igitur pater et domine hoc opusculum de manu novelle christi particule denominate licet indigne recipere dignemini et illud mandetis in papali archino cum numero aliorum librorum medicinalium congregari (ibid., f. 189ra). Traduction française de ce prologue dans M. Nicoud, « L’œuvre de Maïmonide... », art. cit., p. 428.
30 Pour une discussion sur l’attribution à Armengaud Blaise de l’une des versions latines de ce texte, voir M. Nicoud, ibid., p. 413-419. Sur le neveu d’Arnaud de Villeneuve, C. A. Blue, Ermengaud Blasi : Medieval Physician and Scholar, M.A. th., University of North Carolina at Chapel Hill, 1978.
31 Il est seulement fait mention de deux ouvrages en hébreu sans autre précision (duo libri hebraici voluminis in hebreo) et de livres en langue arabe non identifiés : ceux qui portent les numéros 48 et 65 de l’inventaire. Cf. R. Chábas, « Inventario de los libros... », art. cit. ; J. Carreras i Artau, « La llibreria... », art. cit.
32 Arnaud de Villeneuve n’emploie pas le terme de consilium et ne l’utilise pas non plus pour désigner une autre prescription du même type, le Contra calculum, adressé à Boniface VIII en 1301. Plus largement, sur les consilia d’Arnaud de Villeneuve, voir S. Giralt, « The consilia attributed to Arnau de Vilanova », Early Science and Medicine. A Journal for the Study of Science, Technology and Medicine in the Pre-modern Period, 7 (2002), p. 311-356. Je remercie chaleureusement l’auteur de m’avoir adressé son article.
33 Arnaud de Villeneuve définit clairement les crises liées aux écoulements, qualifiés de moderate : Quando igitur emorroyde moderate fluunt, non sunt ullo modo restringende, quoniam talis fluxus corpori est salubris et preservat ipsum a pluribus et gravibus morbis ; sed immoderate fluentes, quia nimis corpus debilitant, sunt compescende (« Regimen sanitatis »... cit., p. 465). Dans ce cas, il considère l’écoulement sanguin comme un moyen de purger le corps d’humeurs corrompues et donc, en quelque sorte, comme une saignée naturelle.
34 Elles reprennent d’ailleurs en partie ce qui a été dit de façon ponctuelle dans la première partie du Regimen : Primum est diligenter servare precepta suprascripti regiminis, et specialiter... (ibid.). Il fait ainsi référence à un passage du De saporibus et condimentis : De saporibus et condimentis convenit scire quod nunquam predictis corporibus acuta conveniunt... Semper tamen est memorandum quod valde dulcia et acuta et assa et eciam salsa pacientibus emorroydales vexaciones inimicantur (ibid., p. 460). Salsa ne signifie pas ici sauce, mais salé. On trouve aussi des conseils dans le chapitre sur les plantes à racines ou encore dans celui sur les condiments et sauces : Pacientibus tamen fluentes emorroydas atque pulsantes convenit semper vitare porros et allia et raffanum et cepas longas... (ibid., p. 451).
35 Cf. J. Agrimi et C. Crisciani, Les « consilia » médicaux, Turnhout, 1993 (Typologie des Sources du Moyen Âge occidental, fasc. 69).
36 On retrouve cet intérêt pour la conservation associée à l’idée de prolonger la vie ou de retarder la vieillesse dans le De vinis attribué au même auteur.
37 Voir surtout le premier chapitre intitulé « The Medical History of a Royal Family » de l’ouvrage de M. R. McVaugh, Medecine before the Plague... cit.
38 Lettre de Jacques II adressée à Arnaud de Villeneuve, datée du 6 avril 1305 à Barcelone : Venerabili et prudenti viro magistro A[rnaldo] de Villanova consilario, familiari et phisico nostro dilecto etc. Multum placuit affectibus nostris animusque noster leticiam affluenter assumpsit, quando scivimus reditum vestrum ad partes istas desideramusque fervencius presenciam vestram nosbiscum adesse. Igitur tam ex hiis quam eciam quia vos pro cura et conservacione salutis nostre senti-mus necessarium et utilem expectamus, cum dilectus phisicus et familiaris noster magister Ermangaudus Blasii quoad presens dicit se nolle absque vobis procedere ad ea, que condiciones et modos dicte cure et conservacionis nostre salutis possunt respicere et servare (A.C.A., reg. 235, f. 206r. « Acta Aragoniensia », éd. H. Finke, vol. 2, Berlin et Leipzig, 1908, p. 872-873, lettre no 550). Armengaud Blaise a quitté Montpellier pour Barcelone en 1304. Il demeure le médecin de Jacques II jus-qu’en 1308. Il meurt en 1312 (cf. R. Verrier, Études sur Arnaud de Villeneuve, v. 1240-1311, Leyde, 1947 ; D. Jacquart, Supplément, p. 25).
39 De omnibus hiis que vobis videantur fore necessaria circa curandam egritudinem antedictam. Cf. A.C.A., reg. 106, f. 132v. Cité par A. Rubío i Lluch, Documents per la història de la cultura catalana mig-eval, vol. 2, Barcelone, 1921, p. 12 (doc. no XIV) ; J. Carreras i Artau, « La Patria y la familia de Arnau de Vilanova », Analecta Sacra Tarraconensia, 20 (1947), p. 53, doc. 1 ; R. Verrier, Études sur Arnaud de Villeneuve... cit., p. 58 et A. Trias Teixidor, Arnau da Vilanova... cit., p. 18.
40 Une lettre datée du 8 décembre 1297 fait état de conseils demandés par le roi pour soigner cette affection.
41 Les manuscrits suivants donnent Montpellier comme lieu de composition : Cambridge, Gonville & Caius Coll., ms 462 et Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, ms 872. L’argument en faveur de 1307 repose sur la traduction du traité en hébreu, traduction effectuée à Avignon par Israel ben Joseph ha-Levi, un juif provençal dont la famille était originaire de Catalogne. L’auteur dit l’avoir conclue vingt ans après la date de composition du traité en latin, soit en 1307. La date de 1308 proposée par P. Diepgen (« Der Lebens-und Bildungsgang Arnalds von Villanova », dans Studien zu A. v. Villanova, vol. 1 : Medizin und Kultur, Stuttgart, 1938, p. 117-118) repose sur une lettre adressée par Jacques II à Arnaud de Villeneuve où le roi évoque un nouveau traité qu’il aimerait recevoir : Ceterum recolimus nuper vobis precando scripsisse per litteras, quas vobis dilectus consiliarius et magister racionalis curie nostre P. Boyl debuit presentare, ut ad nos novellum opus per vos conditum : Medicine speculum nuncupatum pro conservacione salutis nostre mittere deberitis. Sane quia ignoratur a nobis, utrum dicte littere ad vos pervenerint, prudenciam vestram iterato precamur, quatenus opus predictum seu : Speculum medicine ad nos pro conservacione nostre salutis, quam, ut tenemus certissime, tenere cupitis, per fidum vestrum nuncium sublato more dispendio transmitatis (A.C.A., reg. 140, f. 119. Édité dans « Acta Aragoniensia »... cit., p. 876-877. Lettre no 554 datée du 1er juillet 1308 à Valence). L’identification proposée par P. Diepgen avec le Regimen sanitatis reposait sur la mention de conservatio salutis. Mais M. Battlori (Arnau de Vilanova : Obres catalanes, vol. 2, Barcelone, 1947, p. 66) et M. R. McVaugh (« Aphorismi de gradibus », Grenade-Barcelone, 1975 [Arnaldi de Villanova Opera medica omnia, II], p. 79 et n. 18) la réfutent : il serait ici question du Speculum medicine, dernière œuvre d’Arnaud de Villeneuve, dans laquelle le médecin fait référence à neuf de ses autres ouvrages. En outre, dans l’inventaire post mortem de ses biens, les deux ouvrages sont bien distingués : on trouve en effet une copie du Speculum medicine (no 29 de l’inventaire) et une du régime (no 346). Voir R. Chábas, « Inventario de los libros », art. cit.
42 Voir à ce sujet les discussions menées par J. Carreras i Artau, Relaciones de Arnau de Vilanova con los Reyes de la Casa de Aragón, Barcelone, 1955, p. 25-26 ; M. Battlori, Obres catalanes... cit., vol. 2, p. 65-68 ; J. A. Paniagua, Estudios y notas sobre Arnaud de Vilanova, Madrid, 1963 ; M. R. McVaugh, « Aphorismi de gradibus »... cit., p. 79 ; id., Medecine before the plague... cit., p. 15 et A. Trias Teixidor, Arnau da Vilanova... cit., p. 6.
43 Les archives de la couronne d’Aragon ne font mention d’aucune rétribution qui aurait été accordée au médecin catalan pour la composition d’un régime de santé après 1306.
44 Voir l’édition critique proposée par M. R. McVaugh, « Aphorismi de gradibus »... cit.
45 En revanche, Petrus Hispanus, qui s’est également penché sur les problèmes de degrés des simples et des composés, a abordé la question non seulement pour les médicaments, mais aussi pour les aliments. Voir le commentaire proposé par le logicien portugais aux Diètes universelles d’Isaac Israëli, publié dans les « Opera omnia Ysaaci... » cit., f. 21r-v et les réflexions sur l’histoire des degrés menées par M. R. McVaugh, ibid., p. 5-79.
46 A. Trias Teixidor (Arnau da Vilanova... cit., p. 47, 334) subdivise les citations en deux groupes, les termes latinisés et les mots catalans. Ainsi le terme fisticus, qui désigne la pistache, est issu du catalan « festuc », lui-même proche du mot arabe « fustaq ». Il en est de même pour le terme albergenie, fruit de la Solanum esculentium L. (l’aubergine). Le terme vient de l’arabe vulgaire « albagingana ». L’influence arabe ne s’est pas limitée au catalan, puisqu’on retrouve l’aubergine appelée « berenjena » en castillan ou « beringela » en portugais. « Cherubie » viendrait selon A. Trias Teixidor (ibid., p. 346) du mozarabe « chisera », qui toutefois n’est pas sans rappeler le latin siser. Il désigne, selon J. André, la Pastinaca sativa L. (J. André, Les noms de plantes dans la Rome antique, Paris, 1985, p. 241). En revanche, morterolium tire son origine du latin moretum ou mortarium. Il a donné en catalan « morterol », qui désigne un plat composé de viande de porc ou de poulet cuit à l’étouffé. Cf. A. Trias Teixidor, ibid., p. 363.
47 In racione vero medicine sumitur tantum quando in estate bibitur aliquis liquor ad mitigandam estuacionem interiorum membrorum, qua intencione bibitur a pluribus tunc in fervore diei iulep ; et est syrupus factus ex aqua rosacea tantum et pane zucare, qui sirupus est tunc temporis valde utilis eciam temperatis corporibus quando pre fervore temporis estuant, et adhuc magis utilis habentibus complexionem naturaliter calidam, specialiter in epate et in corde ;... habentes viscera calida... saltim eligant ficus muzas, scilicet quarum sapor participat manifestam acredinem per naturam (Arnaud de Villeneuve, « Regimen sanitatis »... cit., p. 463, p. 444).
48 Il s’agit d’une réduction du moût, des deux tiers ou de la moitié, après cuisson. Cf. J. André, L’alimentation et la cuisine à Rome, Paris, 1981, p. 164 ; A. Tchernia, « La vinification des Romains », dans Le vin des Historiens, Suze-la Rousse, 1990, p. 67.
49 « Alatria » désigne les pâtes alimentaires connues dans le vocabulaire diététique par tria : et idem est iudicium est de tri (quod vulgaliter dicitur alatria) (Arnaud de Villeneuve, « Regimen sanitatis »... cit., p. 437). Cf. B. Laurioux, « Des lasagnes romaines aux vermicelles arabes : quelques réflexions sur les pâtes alimentaires au Moyen Âge », dans Campagnes médiévales : l’Homme et son espace, Mélanges offerts à Robert Fossier, Paris, 1994, p. 199-216. La mention du mot « arangie » et du catalan « tarongie » (Arnaud de Villeneuve, ibid., p. 461) me semblent jouer le même rôle.
50 C’est l’effet que produit la mention suivante : Secunda vero regula est quod abstinendum est a fructibus quandocumque multiplicantur in eis vermes aut interius tabefiunt, quod in vulgari catalanorum dicitur entacar (ibid., p. 443). Le mot « entacar » désigne ici l’état de pourrissement du fruit. Le terme vient d’une déformation du latin hecticum. On le trouve utilisé en catalan (« entecarse ») et en béarnais pour indiquer ce qui est vicié, altéré ; il a ensuite été progressivement employé comme synonyme de maladies internes à développement lent, telles le catarrhe ou la tuberculose (cf. A. Trias Teixidor, Arnau da Vilanova... cit., p. 305).
51 Arnaud de Villeneuve, « Regimen sanitatis »... cit., p. 451. Le vocable est employé par Columelle et par Pline, mais aussi par Apicius. Pour l’utilisation en catalan, voir A. Trias Teixidor, Arnau da Vilanova... cit., p. 47. Lorsqu’Arnaud de Villeneuve emploie la formule dicitur vulgariter, le mot vulgariter ne renvoie pas toujours à la langue catalane.
52 Son équivalent latin est saxatilis qui désigne une colombe sauvage.
53 Il en est de même pour le vocabulaire de la cuisine. Ainsi le blanc-manger est cité sous sa traduction exacte, alba comestio (Arnaud de Villeneuve, « Regimen sanitatis »... cit., p. 454).
54 On note ainsi les occurrences suivantes : Sed in quadragesima, quando diuturnus uest sus opilancium alimentorum, ut piscium et polentarum, utile est ad conservacionem sanitatis... (ibid., p. 440) ; Pisces autem perfecte salsi, et maxime per salsedine arefacti, non congruunt predictis corporibus – licet brodium simplex congrui sicci, sumptum interdum (precipue in quadragesima, quando frequentantur opilativa), sit utile in principio mense... (ibid., p. 459) ; ou encore : Si vero piscis perfecte salsus fuerit lardosus (ut bellena sive tunnina), poterit in quadragesima parum aliquando sumi cum spinargiis in principio... (ibid.). Bien évidemment, ces habitudes alimentaires concernent les strictes nourritures de Carême, poissons et bouillies.
55 Voir notamment M. Battlori, Arnau de Vilanova... cit., vol. 1. R. Manselli, La religiosità d’Arnaldo da Villanova, Rome, 1951. P. Diepgen, Arnald von Villanova als politicker und laientheologer, Berlin et Leipzig, 1909. J. Ziegler, Medicine and Religion c. 1300. The Case of Arnau de Vilanova, Oxford, 1998 (Oxford Historical Monographs).
56 Sumendus est ergo cibus appetente natura, nec diu eciam post esuriem deberet sumpcio tardari, nisi quia sancte constituciones ecclesie vel honesta occupacio aut religiosa devocio quandoque suggerunt ipsam esuriem tolerare (Arnaud de Villeneuve, « Regimen sanitatis »... cit., p. 429).
57 En voici quelques occurrences : Sed colericis atque sanguineis congruit vestis ex lino vel serico interclusa bombace (ibid., p. 424) ; Corporibus enim temperatis et sanguineis atque colericis utilius est bibere vinum debile naturaliter cum modica aqua quam vinosum fractum cum multa aqua (ibid., p. 431) ; Et ideo farina et fur-fur et simila et tri que plus sex mensibus fuerint reservata, vitari debent a corporibus temperatis atque colericis (ibid., p. 438) ; Nam colericis prodest usus ipsorum [aures et pedes quadrupedum] et temperatis in fervido tempore, maxime si condiantur in sulso (ibid., p. 455). Il faut comprendre la complexion sanguine comme la plus proche de la tempérée.
58 « En santé, il faut savoir qu’user, avec une régularité toujours la même, d’aliments et de boissons de qualité ordinaire est, en général, plus sûr que d’opérer, en son régime, quelque brusque et grand changement » (Hippocrate, Du régime dans les maladies aiguës, dans « Opera Omnia », éd. et trad. É. Littré, vol. 2, Amsterdam, 1978, p. 283). On retrouve les mêmes accents dans De l’ancienne médecine (éd. J. Jouanna, Paris, 1990, chap. X).
59 Ideo regalis prudencia, que ad proprie sanitatis conservacionem studere debet, propter salutem regni nunquam negligit quantum facultas concedit eligere aerem inhabitandum, tam in partibus regni quam in mansionibus locorum ad que inhabitanda declinat (Arnaud de Villeneuve, « Regimen sanitatis »... cit., p. 423).
60 Galien, « De parvae pilae exercicio », éd. C. G. Kühn, vol. 5, Leipzig, 1823, p. 899-910.
61 Equitans vero, sive ascendendo et descendendo sive movendo equum, non solum pedum columpnas sed dorsum movet et manus et brachia, maxime si venacioni dederit operam (Arnaud de Villeneuve, « Regimen sanitatis »... cit., p. 427).
62 Ille tamen in proposito species motus ad exercicium eligi debet per quam semper illesa permaneat regalis maturitas et honestas. Quapropter ludus pile vel aurealis aut lucte cum choetaneis nullo modo regi congruit, quoniam personam ipsius contempnibilem reddit, et istud publice utilitati nimium derogat (ibid.). On lit lancealis, là où les manuscrits donnent aurealis. Lancealis pourrait être une correction faite par Tomas Murchis, le premier éditeur des Opera omnia en 1504. D’après A. M. Trias Teixidor (Arnau da Vilanova... cit., p. 265-267), il semblerait qu’aurealis soit une faute de lecture ; il aurait fallu lire aut talis. Cf. ead., « Aureal, un mot fantasma atribuït a Arnau de Vilanova », dans Miscellània Antoni M. Badia i Margarit, 3 (1985), p. 87-94. Il faut sans doute entendre par in proposito, plus que la complexion propre de Jacques II comme le suggère M. Battlori (Arnau de Vilanova... cit., vol. 2, p. 68), le rang même du roi.
63 Secundum [bonum] est tranquillitas mentis et corporis, quoniam de nocte cessant meditaciones et occupaciones diurne. [...] Ergo qui moderate reficitur, sumpto cibo sedeat et quiescat tam mente quam corpore ; sedendo, audiat non amara neque subtilia sed placida que fuerint facilis intellectus, ut sunt regum et sanctorum ystorie, vel musice melodie (Arnaud de Villeneuve, « Regimen sanitatis »... cit., p. 433-434).
64 Parmi la liste des manuscrits du Regimen sanitatis d’Arnold de Bamberg, j’utiliserai le témoin conservé à la Bayerische Staatsbibliothek de Munich, le Clm 7755 du xve s., pour des raisons de facilités d’accès. Les autres manuscrits sont conservés à Bâle, Universitätsbibliothek, D. II. 14 (xve s.) ; Berlin, Deutsche Staatsbibliothek, ms Germ. Oct. 138 (xive s.) et Lat. Quart. 897 (xive s.) ; Erlangen, Universitätsbibliothek, Cod. lat. 432 (xive s.) et Cod. lat. 434, (ca. 1317) ; Saint Florian, Stiftsbibliothek, ms XI, 631 (xviie s.) ; Graz, Universitätsbibliothek, Nr. 1609 (1451) ; Vienne, Bibliothek des Schottenstiftes, Schottenkloster, Cod. lat. 257 (xve s.). La liste est donnée par G. Kallinich et K. Figala, « Das Regimen sanitatis des Arnold von Bamberg », Sudhoffs Archiv, 56 (1972), p. 44-60. Les auteurs ont cependant omis un témoin conservé à la B.A.V., le Pal. lat. 1205, ff. 1r-13r daté du xve siècle (cf. L. Thorndike, « Little-known Names of Medical Men in Vatican Palatine Manuscripts », Annals of Medical History, 8 (1936), p. 145-159).
65 Cf. M. Weiss-Amer, « The Role of Medieval Physicians in the Diffusion of Culinary Recipes and Cooking Practices », dans Du manuscrit à la table. Essais sur la cuisine au Moyen Âge et répertoire des manuscrits médiévaux contenant des recettes culinaires, sous la dir. de C. Lambert, Montréal-Paris, 1992, p. 69-80, part. p. 79-80, où l’auteur fournit une liste de recettes trouvées dans des réceptaires diététiques.
66 Il serait possible de citer pléthore d’exemples. En voici quelques-uns. À la suite du titre de cibis herbarum, l’auteur commence ainsi : autem valent caules decocti cum bono et sufficienti oleo vel bonis carnibus et maxime hiis qui ad reumata sunt parati (Bayerische Staatsbibliothek, Clm 7755, f. 268r). Plus loin, dans le chapitre sur les fruits : item ficus sicce bone et pigue (sic) decoquuntur in aqua simplice vel in lacte amigdalis et postea ministrantur et ista ita valent in principio cibi et maxime quando tumor fuerit stricture pectoris et maxime constipatis (ibid., f. 268v). Ou encore au sujet des œufs : de ovis est etiam dicendum. Sunt enim bonus cibus et nutritivus et maxime quando franguntur et proiciuntur in aquam bulientem, ita tamen quod ibi non indurentur (ibid., f. 270r).
67 Recipit de uno ipsorum quocumque volueris... [...], Accipiatur alba porris... (respectivement, les folios 268r et 268v du Clm 7755). B. Laurioux a montré que la littérature culinaire antique préférait l’emploi de accipio, que l’on trouve parfois au Moyen Âge. Le terme de recipe, qui a donné le mot « recette » vient plutôt de la littérature médicale. Voir B. Laurioux, Le Règne de Taillevent. Livres et pratiques culinaires à la fin du Moyen Âge, Paris, 1997, p. 255-256. Arnold de Bamberg se trouve ici à mi-chemin entre deux aires d’influence distinctes.
68 Recipit enim de uno ipsorum [granorum] quocumque volueris, bene mundato a suo cortice, mensuram unam aquam [...] ; deinde dictum granum prius bene lavatum, coquitur cum dicta aqua tam diu quod ipsa incipit aliquantulum inspissari sicud forte melius coci et postea aministratur ad scutellam et apponetur valde modicum salis sed vinum adlibitum et commedatur in mane tempore magni estus nam sitim extinguit et appetitum mortuum vivificat (Bayerische Staatsbibliothek, Clm 7755, f. 268r).
69 La gélatine désigne une sorte de gelée. Comme l’indique J. M. Van Winter (« Interregional Influences in Medieval Cooking », dans Food in the Middle Ages : A Book of Essays, éd. M. Weiss Adamson, New York & Londres, 1995, p. 45-59), on trouve une recette semblable chez Maino de Maineri. Mais l’auteur souligne que les procédés de préparation de ce plat, assez répandu dans la cuisine médiévale, qu’elle soit néerlandaise, anglaise, française, catalane ou italienne, varient fortement pour une dénomination similaire.
70 Accipiantur pulli incisi in frustis vel carnes hedine vel vitulline vel alie sicut placet et frixentur aliquantulum in patella cum bono lardo similiter cum aliquantulo petrosilino integro, postea ponantur in pasta ad hoc formata cum dicto petrosilino et modico uve passe vel uve acerbe vel amarillis sicut requerit diversum temporis et parum de bono lardo in fundo pastili. Cooperiatur cum pasta superius et dimittatur vinum foramen apertum in pasta et ponatur ad coquendum in furno vel subtesta et cum fuerint bene coctum, inponatur per foramen eius una scutella de bono brodio facto cum ovis et agresta vel succo amarillarum vel si ista duo deficiunt, tunc fiat cum ovis et lacte amigdalis aliquantulum acetoso et modico croco vel pulvere specierum, vel etiam sine speciebus si placet. Et tunc statim removeatur ab igne et postea, antequam comedatur, discooperiatur bene et dimittatur bene evaporare et talis evaporatio competit omnibus que suffocate vel cooperate coquuntur in pasta vel alibi (Bayerische Staatsbiblibliothek, Clm 7755, ff. 269v-270r).
71 Item de buccellis panis albissimi assatis aliquantulum super prunis et postea bene infusis in lacte amigdalis fit etiam ferculum satis bonum (ibid., f. 268r).
72 De fructibus autem ciborum fiunt et aliquando fercula et maxime in Allamania que etiam possunt commedit sua hora (ibid., f. 268v).
73 ... valde usitatus in Almania (sic) » (ibid., f. 270r). Il ajoute à la suite une autre préparation à base de fromage et de poires, qu’il qualifie de communiter valde in usu ; il faut certainement comprendre « en Allemagne ».
74 Du Cange précise en effet : nostri piscatores maximam Auratam subredaurade vocant [...] Galli fabrum piscem Auratam appelant (Du Cange, t. I, p. 497b).
75 Bayerische Staatsbibliothek, Clm 7755, f. 270r. La préparation du « blancmanger » était répandue dans tout l’Occident médiéval et désignée par le terme d’origine vulgaire et française. L’utilisation du latin chez Arnaud de Villeneuve, Arnold de Bamberg et Guillaume de Brescia lui donne une consistance scientifique. Sur la définition du terme « blanc-manger », voir C. B. Hieatt, « Sorting through the Titles of Medieval Dishes : What Is, or Is Not, a Blanc manger », dans Food in the Middle Ages... cit., p. 3-24. Le blanc-manger fait partie des recettes mentionnées dans un réceptaire culinaire allemand du xive siècle, Das Buch von guter Speise (éd. H. Hajek, Berlin, 1958).
76 Bayer. Staatsbibl., Clm 7755, f. 270r.
77 B. Laurioux, « Des lasagnes romaines... », art. cit.
78 Id., Les livres de cuisine... cit., t. III, p. 1121.
79 Cf. G. Kallinich et K. Figala, « Das Regimen sanitatis... », art. cit., p. 52 et 58.
80 Quia petivistis a me ut aliquid de regimine sanitatis breviter vobis inscriptis redigerem, licet insufficiente librisque carente ad presens sum quibus in tali re bene scribere et maxime aput meam insufficientiam non est facile (Bayerische Staatsbibliothek, Clm 7755, f. 267r).
81 La liste est incomplète ; Arnold de Bamberg s’inspire d’Oribase, mais aussi d’auteurs médiévaux comme Albert le Grand et Petrus Hispanus. Il cite enfin un certain Azaray, nom qui pourrait être une forme latinisée d’az-Zahrāwī (Abū l-Qāsim Malaf az-Zahrāwī), connu des Latins sous le nom d’Albucasis. Ce praticien, mort peu après 1009, est l’auteur d’une vaste œuvre qui rassemble quelque 30 traités, à tonalité médicale et chirurgicale, qui fut en partie traduite en latin. Cf. D. Jacquart et F. Micheau, La médecine arabe et l’Occident médiéval, Paris, 1990, p. 140 (Collection Islam-Occident, VII).
82 Cf. A. Cardoner, Història de la medicina a la Corona d’Aragò (1162-1479), Valence, 1969, p. 40 (Cuadernos Valencianos de historia de la medicina y de la ciencia, 8 Série A). Voir aussi M. Nicoud, « L’œuvre de Maïmonide... », art. cit., p. 422-424.
83 P. Gil Sotres, « Les régimes de santé », dans Histoire de la pensée médicale en Occident, vol. 1 : Antiquité et Moyen Âge, sous la dir. de M. D. Grmek, trad. fr., Paris, 1995, p. 264.
84 D. Jacquart, Supplément, p. 26.
85 R. Verrier, Études sur Arnaud de Villeneuve... cit., p. 62 ; A. Cardoner, Història de la medicina... cit., p. 40.
86 La date de 1294 est controversée. R. Verrier donne 1302 et A. Cardoner propose 1296. En 1305, le même Armengaud Blaise aurait traduit le Tractatus Rabi Moysis Cordubensis de medicinis contra venenis, alors qu’il se trouvait à Barcelone à la cour de Jacques II. Il reste deux témoins de ce texte, l’un conservé à Vienne (cf. D. Jacquart, Supplément, p. 25), l’autre à la Vaticane (Pal. lat. 1298). Sur le premier manuscrit, voir Th.-K., 750-751.
87 P. Gil Sotres, « Les régimes de santé », art. cit. Pour une étude de la diffusion des versions latines du Maïmonide médecin dans les textes occidentaux, M. Nicoud, « L’œuvre de Maïmonide... », art. cit.
88 S. Hamarneh, « Ibn Zuhr, Abū Marwān ῾abd al-Malik ibn Abi’l-’Alā’ », dans D.S.B., vol. 14, p. 637-639.
89 Et Rabi Moyses dicit quod usus earum [cibis herbarum] ex proprietate valet contra venenum canis rabidi (Bayerische Staatsbibliothek, Clm 7755, f. 268r).
90 Camera autem domestica [...] semper a privata est elonganda et eciam ab aliis superfluitatibus civitatum quia sicut ponit Rabi Moyses respectus aeris civitatum ad aerem locorum silvestrium et camporum est sicut respectus aque turbide per aquam claram (ibid., f. 267r). Comparatio aeris civitatum et aeris tamporum (sic) et planicierum est sicut comparacio aque grosse aque clare (B.A.V., Pal. lat. 1298, f. 193va). Ce passage ouvre le quatrième chapitre du régime qui ne porte pas de titre dans ce manuscrit, mais est consacré à des conseils généraux destinés aux malades aussi bien qu’aux hommes en bonne santé.
91 Ibid., ff. 192v-193r.
92 Augustinus Kazotic, né en Dalmatie vers 1260, entre dans l’ordre dominicain dans sa ville natale de Traguria en 1277 ou 1278. Il devient évêque de Zagreb de 1303 à 1322 puis de Lucera jusqu’à sa mort le 3 août 1323 (cf. P. B. Gams, Series Episcoporum Ecclesiae catholicae, Ratisbonne, 1873, p. 387 et 891). La notice qui lui est consacrée dans J. Quetif et J. Echart (« Scriptores Ordinis Predicatorum », vol. 1, Paris, 1719, p. 553a-b) mentionne par erreur son élection à Lucera en 1317.
93 Reverendo in Christo patri et amico suo carissimo domino Augustino Episcopo sagrabiensi suus Arnoldus Sancti Jacobi in Babenberch praepositus, cum sui recommendatione salutem et quicquid est optabile sane menti (Bayerische Staatsbibliothek, Clm 7755, f. 267r). Le manuscrit Pal. lat. 1205 (f. 1r) donne le même incipit, les seules différences étant d’ordre orthographique (sagaberensi au lieu de sagrabiensi, Babenberg au lieu de Babenberch).
94 Ivan Pandzic proposait de situer à Paris et en 1287 la rencontre entre Augustinus Kazotic et le médecin allemand. Mais si la présence du frère prêcheur est peut-être attestée dans la capitale, rien ne prouve celle d’Arnold de Bamberg (il ne figure pas dans le Chartularium universitatis parisiensis). En outre, la rédaction du traité paraît, sur la base des manuscrits conservés, plus tardive. Cf. I. Pandzic, « El primer croato en la Sorbona », Studia croatica, 124 (1994), p. 21.
95 Les citations du manuscrit d’Erlangen proviennent de l’article de G. Kallinich et K. Figala, « Das Regimen sanitatis... », art. cit., p. 47.
96 Datum in Malamsana in festos Augustini anno domini etc. mcccxviii (Bayerische Staatsbibliothek, Clm 7755, f. 273v). Cf. inventaire 1 no 259.
97 H. Fischer, Die lateinischen Pergamenthandschriften der Universitätsbibliothek Erlangen, Erlangen, 1928, p. 15.
98 Les auteurs de l’article citent un document extrait de J. Quetif et J. Echart, « Scriptores Ordinis »... cit.
99 G. Kallinich et K. Figala, « Das Regimen sanitatis... », art. cit., p. 48.
100 ... specialiter poteritis habere consilium cum domino et magistro meo G. arcidiacono bononiense (ibid., p. 47).
101 Ibid., p. 47, n. 6. H. Schipperges a en effet trouvé dans un manuscrit de l’Escorial, daté du xve siècle, des consilia d’un certain archidiacre G. de Bologne (Cod. Scorial. X. III (18), ff. 1r-122r), dont le nom complet est donné au f. 112r (H. Schipperges, « Handschriften in spanischen Bibliotheken zum Arabismus », Sudhoffs Archiv, 52 [1968], p. 3-29, et plus particulièrement p. 16-17). Notons cependant que l’auteur de l’article ne donne pas le nom complet de ce médecin.
102 Le manuscrit de la Bibliothèque Vaticane Pal. lat. 1205 pourrait cependant remettre en cause l’hypothèse que je développe par la suite. En effet, le copiste donne ici : super hoc cum specialiter habere poteritis consilium cum domino et magistro meo gal [abrégé] archidyacono bo. Le nom du maître, abrégé, pourrait effectivement faire penser à Galvanus. Cependant, le manuscrit du Vatican n’est peut-être pas très sûr, ne serait-ce que parce qu’il est tardif (2e moitié du xve siècle), mais aussi parce qu’il est incomplet. L’explicit n’a pas été copié.
103 Guillaume de Brescia, enseignant de philosophie et de logique à Padoue vers 1274, devient magister physicus une dizaine d’années plus tard. Détenteur de plusieurs prébendes, il est chanoine de Paris en 1298, puis de Lincoln en 1301. Il devient le médecin de Benoît XI, puis de Clément V, dont il est aussi le chapelain ; il suit ce dernier, pape à Avignon, dès 1305. C’est en 1313 qu’il obtient un canonicat et un archidiaconat à Bologne. Il est l’auteur de consilia et de Questiones de tyriaqua, dont il reste de nombreux manuscrits (cf. Wickersheimer, Dictionnaire, vol. 1, p. 230 et D. Jacquart, Supplément, p. 101).
104 Rappelons en effet que Guillaume de Brescia fut professeur à Bologne. Mais il est surtout connu comme maître de logique et de philosophie. Un témoignage de son enseignement a été laissé par Engelbert, abbé d’Admont (diocèse de Salzbourg) dans une lettre datée de 1274 et envoyée à un certain Ulric, un écolier viennois. Engelbert y raconte l’enseignement qu’il a suivi en 1274 au studium generale de Bologne. Cité par A. Gloria, Monumenti della Università di Padova (1222-1318), vol. 1, Venise, 1884, p. 131 n. 2. Un document bolonais de 1286 le qualifie de Magister Guilielmus de Brixia fil[ii] d[omini] Jacobi de Corvis magister in fixica. Il serait encore vivant en 1326 (G. Marini, Degli archiatri pontificj, t. I, Rome, 1784, p. 34). A. Gloria ne mentionne pas dans ses Monumenti le nom d’Arnold de Bamberg.
105 Guillaume de Brescia, comme le souligne Danielle Jacquart, détient le record de temps passé au service des souverains pontifes. Car, après avoir soigné en cour de Rome Boniface VIII et Benoît XI, il exerça en Avignon auprès de Clément V puis de Jean XXII (D. Jacquart, Le milieu médical en France du xiie au xve siècle, Paris-Genève, 1981, p. 109).
106 B.A.V., Pal. lat. 1240, ff. 120r-170v.
107 Ne rédige-t-il pas un conseil pour se préserver du catarrhe ?
108 J. Agrimi et C. Crisciani, Les « consilia » médicaux... cit.
109 Quelques consilia de Guillaume de Brescia ont été présentés et édités par E. W. G. Schmidt dans une thèse soutenue à Leipzig. L’auteur n’a manifestement consulté qu’un seul manuscrit, le Clm 77 de la Bayerische Staatsbibliothek de Munich. Ici les consilia sont plus brefs et les aspects diététiques excessivement réduits. Mais cela ne signifie pas que le copiste (en l’occurrence Hartmann Schedel) ait jugé utile de reproduire l’ensemble de la prescription, surtout lorsqu’elle était redondante avec un autre conseil (cf. E. W. G. Schmidt, Die Bedeuntung Wilhelms von Brescia als Verfasser von Konsilien ; Untersuchung über einen medizinischen Schriftsteller des xiii-xiv. Jahrhunderts, Leipzig, 1922).
110 D’après L. Demaitre, cet ancien étudiant de Montpellier est, dans le dernier quart du xiiie siècle, le représentant d’une médecine empirique. Il se fait le promoteur d’une médecine fondée sur l’autorité de l’expérience. D’après Danielle Jacquart (Supplément, p. 216), il aurait séjourné vingt ou trente ans à Montpellier, où il fut peut-être en relation avec Arnaud de Villeneuve. Voir son Antipocras, encore appelé Liber empiricorum, daté de c. 1270, édité par K. Sudhoff, dans A.G.M., 9 (1916), p. 31-52. Sur ses théories empiriques, voir S. Szpilczynski, Considérations sur les conceptions pseudo-scientifiques des pratiques de Nicolas de Pologne, 1961 (Yperman. Bulletin de la Société belge d’histoire de la médecine, fasc. 6) ; W. Eamon et G. Keil, « Plebs amat empirica : Nicholas of Poland and his Critique of Medieval Medical Establishment », Sudhoffs Archiv, 71 (1987), p. 180-196.
111 Exemple d’une recette consacrée à la préparation des crabes dont il faut ôter la « tête » et mettre la chair dans une marmite (B.A.V., Pal. lat. 1240, f. 126r).
112 Excoriatur per totum corpus, sic percuciatur cum cutello super caput quod quiescant et non agitetur et tunc tenendo caput inter digitos in callo incipiat pergere pellem extrahere, sic descendo deinde eis excoriatis, percindantur caput et pedes usque ad mediam iunctarum tibiarum [...]. Ponantur in bono vino [...] deinde excoquatur suaviter vel assando vel pastilando cum aqua porcione specierum aut aliis condimentis congruis ut eas elixando et cum pulpis gallinarum faciendo comestionem albam vel quocumque alio modo preparando placuerit magis (ibid., f. 152v).
113 On trouve aussi un regimen per ranas (ibid., f. 154r). Il est à noter que Galien, dans son De facultatibus alimentorum, accorde lui aussi un passage aux escargots dont il éprouve quelque difficulté à déterminer la nature : Perspicuum quidem est, quod neque inter volatilia, neque inter aquatilia hoc animal est numerandum. Quod si inter pedestria ipsius non meminerimus, nihil prorsus de limacium alimento dicturi sumus (Galien, « De facultatibus alimentorum »... cit., vol. 6, p. 668).
114 Quia tam magis est tam multis est usus carnium limaciarum adeo quod tam ptisicis ad curandum quam paratis ad preservandum perutilis est usus earum (B.A.V., Pal. lat. 1240, f. 154v). On trouve une remarque similaire chez Maino de Maineri, praticien milanais du premier demi-siècle : quidem ex eis cottidie comedunt (B.A.V., Pal. lat. 1331, f. 272v).
115 Prius bene mundatis a testis et postea excoriatis et bene mundatis a superfluitatibus suis, decoquantur in aqua et in vino et oleo et sale quod sufficit (B.A.V., Pal. lat. 1240, f. 154v).
116 Decoquantur in vino vel in pastillo cum speciebus. Sic enim facile digeruntur et erunt boni saporis ; aut potest ex eis fieri comestio alba cum pulpis gallinarum vel capponum aut ceterum ; tempore pistellantur, decoquantur cum eis carnes pullorum cum speciebus congruis cum fructu granatorum aut citranguli vel limonis cum petrosillino vel aneto aut huiusmodi aut secundum quodcumque alium modum qui magis placeat (ibid., f. 155r).
117 Lettre adressée à Jacques II, datée du 14 septembre 1301, à Agnani : X die intrante Julio de Anagnia [magister Arnaldus de Villanova] recessit ad quoddam castrum pape La Scorcola nomine et ibi in solitudine taliter se locavit quod aliquis ad eum non poterat habere accessum, et ibi quendam libellum de regimine sanitatis ad opus pape composuit. La lettre est citée par M. R. McVaugh dans son édition des Aphorismi de gradibus (... cit., p. 78, n. 3) d’Arnaud de Villeneuve. La mention du Libellus de regimine sanitatis ne doit pas être confondue avec le régime de santé.
118 Ce bref opuscule a été édité par M. R. McVaugh, « Arnau de Vilanova’s Regimen Almarie (« Regimen castra sequentium ») and Medieval Military Medicine », Viator, 23 (1992), p. 201-213 ; « Regimen Almarie », éd. M. R. McVaugh et L. Cifuentes, Barcelone, 1998 (Arnaldi de Villanova Opera medica omnia, X.2).
119 Le De conservanda iuventute et retardanda senectute destiné au roi de Naples, Robert Ier, est faussement attribué à Arnaud de Villeneuve. Voir l’étude de J. A. Paniagua, « El Regimen sanitatis ad regem Aragonum y otres presuntos Regímenes arnaldianos », dans El maravilloso regimiento y orden de vivir (una versión castellana del « Regimen Sanitatis ad regem Aragonum ». Introducción y estudio, Saragosse, 1980, p. 31-77 (rééd. dans « Studia Arnaldiana »... cit., p. 335-384).
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