Chapitre III. Des Regimina-practicae au Regimen sanitatis
p. 87-145
Texte intégral
1La seconde catégorie de traités diététiques du xiiie siècle est constituée par un ensemble de trois textes, parmi lesquels aurait figuré le Regimen iter agentium vel peregrinantium d’Adam de Crémone s’il n’avait déjà été évoqué ci-dessus. Le Livre de Physique d’Aldebrandin de Sienne, le Libellus de conservatione sanitatis de Jean de Tolède et la Summa conservationis et curationis de Guillaume de Salicet appartiennent plutôt à la littérature de la seconde moitié du siècle. Outre leur longueur qui les différencie nettement les uns des autres, ces traités se distinguent des précédents par diverses caractéristiques. Si certains manifestent une conception élargie de la diététique qui n’intervient plus seulement pour conserver la santé, mais aussi comme thérapie, d’autres, tel le Livre de Physique d’Aldebrandin de Sienne, premier traité diététique en vernaculaire1, préfèrent étendre le champ de l’hygiène à l’examen des « choses naturelles », afin de faciliter la prévention. Ces approches différentes témoignent de l’absence d’un modèle unique qui servirait de référence pour la rédaction d’un ouvrage consacré à la diététique. Au contraire, le discours « extensif », largement ouvert à des champs limitrophes de la diaeta témoigne d’une perméabilité du discours diététique à l’ensemble de la production médicale et notamment universitaire. Si la visée pratique (et parfois vulgarisatrice) demeure présente, les auteurs de cette seconde moitié de siècle se veulent aussi les propagateurs du savoir scientifique et doctrinal que véhiculent les facultés européennes. Pourtant, de cet ensemble qui peut paraître hétéroclite, groupant textes en langue latine et ouvrage en vernaculaire, émerge dans les dernières décennies du siècle ce qui pourrait être considéré comme le premier véritable « régime de santé » composé dans l’Occident médiéval. Œuvre de Zambonino da Gazzo, professeur à Padoue, le Tractatus de conservatione sanitatis ne semble toutefois pas avoir eu l’écho et le succès qu’auront certains de ses épigones du xive siècle.
ENTRE PRÉVENTION ET THÉRAPIE
2Si les lettres de santé avaient choisi de traiter d’une seule partie de la diététique, où seule importe la conservation de la santé, les ouvrages que je désignerai sous le nom de regimina-practicae n’opèrent pas de distinction entre le sujet sain et le malade, et s’efforcent de rendre compte dans un même ouvrage, et conjointement, des moyens offerts par l’ars diaetae et par la pharmacopée pour le soin des bien portants et pour le traitement des patients. Le lecteur glisse ainsi incidemment d’un régime conservatoire à une sorte de practica qui, si elle ne suit pas toujours l’organisation traditionnelle a capite ad calcem, reprend cependant certains des principes de ce genre médical consacré à la thérapie.
3Je voudrais m’attarder ici sur deux cas spécifiques, le Libellus de conservatione sanitatis de Jean de Tolède (mort en 1275)2 et la Summa conservationis et curationis de Guillaume de Salicet (1210-1276/ 80)3 qui illustrent, l’un et l’autre, ce mélange des genres mais manifestent également des orientations divergentes. Dans le cas de Jean de Tolède, le texte progresse du champ conservatoire vers le domaine thérapeutique ; l’ouvrage se divise en effet en deux ensembles qui se chevauchent. La plus grande partie, destinée à la préservation de la santé, contient certaines des « choses non naturelles » (exercice, diète, sommeil, phlébotomie et bains), sans que d’ailleurs ni l’air ni les accidents de l’âme ne soient mentionnés. Un grand nombre de chapitres sont cependant consacrés à certains traumatismes ou simples symptômes de maladies ; ainsi des passages se succèdent sur les fièvres (où l’auteur livre des recettes de sirops ou d’électuaires), l’excès de chaleur, les abcès, diverses douleurs (maux de tête, de nerfs, d’oreille), sur les problèmes oculaires ou encore sur les venins et les morsures d’animaux malades. L’ensemble paraît donc assez disparate et quelque peu désordonné (puisque certains de ces chapitres thérapeutiques s’intercalent entre phlébotomie et bains), ce qu’un copiste du xive siècle, conscient peut-être de l’étrangeté de l’ouvrage et ne pouvant le désigner sous le seul nom de regimen sanitatis4, a résumé sous le titre de Summa de sanitate regenda compilata a magistro Johanne de Tholeto5. C’est toutefois l’idée de préservation qui assure la cohésion d’ensemble ; la finalité du Libellus est tout entière tendue vers la conservation de la santé avec, pour corollaire, la prévention d’un certain nombre d’affections bénignes. La longue introduction de ce traité, étayée par les propos de différentes autorités (essentiellement Galien et le Viaticum ici attribué à Isaac) définit le rôle fondamental de l’alimentation dans la conservation de la santé6.
4Dans la Summa conservationis et curationis du médecin de Plaisance, Guillaume de Salicet, au contraire, c’est manifestement la thérapie qui sert de fil directeur. Malgré un titre bicéphale qui semble mettre sur un même plan conservation et soins, l’économie générale de l’œuvre accorde la prééminence à la cure médicale. L’ouvrage comporte quatre parties principales, consacrées respectivement aux maladies (présentées selon l’ordre traditionnel, de la tête aux pieds), aux fièvres7, aux venins et aux antidotaires. A priori, le traité n’est qu’une summa curationis, proche du modèle proposé par Avicenne dans son Canon qui consacre son deuxième et son cinquième livres à la pharmacopée, le troisième aux maladies de la tête aux pieds et le quatrième aux fièvres8. Si la chirurgie n’apparaît pas dans cet ouvrage, comme Guillaume s’en excuse lui-même9, c’est parce qu’au moment où il compose la Summa, il a déjà rédigé une première version de sa Chirurgie, en 1268. Souvent qualifié de magister de médecine à Padoue10 et à Bologne (cette dernière école étant particulièrement en avance dans le domaine chirurgical au xiiie siècle), il fut sans doute l’élève d’Ugo Borgognoni (originaire de Lucques, ce dernier professa de 1214 à 1254), et peut-être celui du florentin Bono del Garbo11, les fondateurs de l’enseignement chirurgical à Bologne. C’est vers la fin de sa vie (entre 1268 et 1275, date de la dernière mouture de la Chirurgie) que Guillaume de Salicet entreprit donc de composer un traité qui viendrait compléter le précédent, embrassant ainsi tout le champ de la thérapie et plus largement de la pratique médicale12. Dans la Summa, la place occupée par la conservatio est bien étroite ; elle se résume à un chapitre qui précède la practica, dont la finalité est « qu’apparaisse et semble plus évidente et plus manifeste par ceci le soin de toutes les maladies13 ».
5La préservation de la santé est donc clairement inféodée aux soins ; elle ne sert que de point de référence pour le praticien dont la vocation principale, affirmée en incise, est de soigner. D’ailleurs les préceptes diététiques sont de peu de poids au regard des quelques deux cents chapitres dont se compose la seule practica.
Le primat thérapeutique
6La finalité non seulement pratique mais surtout thérapeutique de la Summa conservationis et curationis s’affirme dans les choix de composition effectués par Guillaume de Salicet mais aussi dans la place qu’il accorde à l’expérience, non plus seulement illustration de la ratio, mais aussi moyen de connaissance au service de la doctrina medica.
7En choisissant d’organiser son traité à partir d’une définition de la santé et de la préservation qui lui est propre14, le médecin de Plaisance entreprend non seulement d’examiner le domaine attendu des « choses non naturelles » (qualifiées ici étrangement de « choses naturelles »), mais aussi de s’étendre sur les symptômes des affections, ce qui l’est moins. Cette double perspective place la conservation sous la menace directe de la maladie et explique parfaitement son désir de privilégier les aspects thérapeutiques. La conservation, à ses yeux du moins, n’a de place dans la médecine, et plus encore dans la littérature médicale, que dans ce rapport d’antécédence mais aussi de subordination aux affections.
8Le chapitre introductif n’énumère pas les « choses non naturelles » (contrairement à ce que Théodore avait fait, reprenant ainsi le modèle du Pantegni ou celui de l’Isagoge de Johannitius) mais propose un plan plus proche du livre I du Canon d’Avicenne qui individualise chaque âge de la vie15. Les considérations diététiques débutent donc par les régimes de la femme enceinte et de la parturiente, suivis par la diète des enfants jusqu’à sept ans, puis jusqu’à quatorze ans. Se succèdent alors les « choses non naturelles » qui s’adressent manifestement à l’homme adulte (le vieillard est mentionné à propos du vin, mais ne fait pas l’objet d’une attention particulière). En privilégiant le critère de l’âge, Guillaume de Salicet place l’homme au centre de son propos, et plus encore ce qui est l’essence même de sa nature et la raison d’être de l’intervention médicale : le changement qui s’opère en lui à chaque âge de la vie et même à tout moment. Transformations de la complexion naturelle, évolutions physiologiques, influence des éléments extérieurs au corps justifient l’existence même de l’ars medica et, a fortiori, légitiment l’écriture scientifique.
L’expérience comme connaissance
9Le primat thérapeutique est également affirmé dans le lien ontologique qui lie l’expérience et la raison. Dès son introduction, Guillaume de Salicet associe très fortement la théorie médicale, en tant que préalable nécessaire à toute activité, à la pratique, fin poursuivie par tout étudiant16. L’ouvrage se fonde donc d’un côté sur les autorités essentielles et notamment sur Aristote et les nouvelles traductions de Galien à partir d’originaux grecs et, de l’autre, sur l’expérience et la pratique quotidienne qui, comme la raison, sont des données fondamentales de l’enseignement que Guillaume désire promouvoir. Si l’experimentum ne peut constituer à lui seul le fondement d’un savoir, il vient fortifier, ou éventuellement infléchir, ce que la doctrine a imposé. Il est donc également considéré comme moyen de connaissance, presqu’au même titre que le travail effectué à partir des autorités. Ainsi les trois modes d’acquisition d’un savoir ne sont pas schématiquement opposés mais présentés dans un rapport de collaboration et d’émulation réciproque17. Ici, les rapprochements avec le Liber Theysir d’Avenzoar s’imposent, le praticien sévillan n’hésitant pas à évoquer, pour prouver la certitude d’un fait, les medici et notamment l’un d’entre eux, son propre père18, mais aussi les experimenta dans un rapport d’égalité. Si les médecins disent (dicere) et assurent (asserere) avec une belle unité (convenire), l’expérience atteste (testare) et prouve (probare)19. Expérience et autorités se répondent et participent d’une même construction savante. Dans un passage consacré aux rapports entre alimentation et exercice physique, Guillaume de Salicet fait suivre une citation très précise de Galien (où il fait montre d’une pédagogie et d’une rigueur toutes universitaires) d’une observation qui, sans faire référence à une expérience particulière, n’en est pas moins personnelle20. Menée à la fois dans le monde rural (auprès des aratores et des laboratores) et dans le milieu urbain (les artificiales), cette observation détient une autorité générale pour tout ce qui concerne le travail manuel. Elle intervient donc pour corroborer la sentence du médecin grec. Elle n’est pas suivie d’une condamnation de toute activité physique qui n’aurait pas été précédée par un repas, mais simplement d’une critique des tâches longues et dures. En revanche, tout exercice qui permettrait de chasser les superfluités du corps avant le repas est plutôt perçu comme utile voire nécessaire. L’observation générale sert donc à modifier voire alléger le poids de la citation galénique. L’experientia infléchit la narratio antiquorum, pour reprendre l’expression employée par Guillaume de Salicet.
10Plus loin, le praticien de Plaisance s’enhardit lorsqu’il souligne les insuffisances d’une théorie qui serait valable une fois pour toutes. À la lumière des variations d’habitudes alimentaires liées au climat mais aussi aux usages dans certaines régions – il est en cela très proche des conceptions hippocratiques auxquelles il se réfère d’ailleurs dans ce passage –, il conclut péremptoirement que les « les régions ont leurs propres natures, propriétés et usages. Ce sont des choses qui échappent à la raison et en cela, l’expérience l’emporte sur la raison »21.
11Guillaume de Salicet se situe bien au-delà des positions de ses confrères qui, parlant de consuetudo, déclarent en règle générale qu’elle est une altera natura. Il s’engage ici sur la voie des insuffisances de la raison et dénonce par là-même l’inanité de toute connaissance rationalis qui nierait les évidences de la via experimentalis. Le savoir théorique est donc fils de la raison, de la tradition intellectuelle et de l’expérience.
12Pourtant, malgré la volonté affichée de proposer une œuvre pratique qui permette dans le champ thérapeutique de maîtriser l’ensemble des moyens d’action dont dispose le médecin (diaeta, potatio et chirurgia), la Summa conservationis et curationis n’a pas toujours été comprise et surtout utilisée dans sa seule fin curative par les lecteurs ultérieurs, comme en témoigne une partie de la tradition manuscrite.
Une interprétation préventive de la « Summa » ou une fausse attribution ?
13L’étude de la transmission textuelle offre parfois une perspective éclairante sur la compréhension et l’impact d’une œuvre, au-delà des intentions de son auteur. Dans le cas de la Summa, pour ce qui paraît à première vue constituer une branche de la tradition manuscrite, les choix opérés par le médecin de Plaisance se sont trouvés modifiés et réinterprétés. Ils manifestent des interrogations et des centres d’intérêts différents de la part des lecteurs. Alors que quelques manuscrits, au demeurant peu nombreux22, donnent la version complète du texte de Guillaume de Salicet, deux témoins (d’après la recension de Lynn Thorndike et Pearl Kibre), qui portent des titres différents et commencent par un incipit original23, ne reprennent en fait que le premier chapitre de la Summa, c’est-à-dire les considérations préventives. Cette famille de manuscrits propose, dans le témoin parisien du moins et d’après deux éditions que j’ai pu consulter24, un texte écourté, subdivisé en chapitres énumérant les six « choses non naturelles », auquel ont été ajoutés, dans l’édition d’Utrecht et dans le manuscrit parisien seulement, deux parties : une de preservativo et curativo contra pestilentia et une de pronosticis seu previsione futurarum egritudinum ex signis antecedentibus25. Très largement amputé, l’ouvrage de Guillaume de Salicet ne ressemble guère à la Summa de l’édition de Venise datée de 1490. Certains passages dans le manuscrit parisien et les deux éditions, comme cet incipit du chapitre sur l’alimentation, ne sont pas sans rappeler le Libellus de conservatione sanitatis de Jean de Tolède26.
14Cette seconde branche de la tradition manuscrite remonte au xve siècle. Les deux seuls témoins conservés ont été copiés à cette époque. Le manuscrit parisien permet de proposer une datation précise de cette famille. Le prologue indique que Guillaume de Salicet fut l’élève de Pierre de Tossignano dont il se serait inspiré27. Cette précision est bien sûr erronée, puisque le praticien de Plaisance n’aurait en aucun cas pu suivre l’enseignement du maître bolonais, également professeur à Padoue, mort en 140728. Le rapprochement entre les deux auteurs a dû être facilité non seulement par leur commun rattachement à Bologne, mais aussi parce que Pierre de Tossignano fut manifestement l’auteur d’un régime de santé plusieurs fois édité au xvie siècle29. En tout état de cause, le copiste du manuscrit parisien, sans doute peu féru de médecine30, n’a pas hésité à associer dans une relation de maître à élève, un médecin du xiiie siècle (mais sans doute ne connaissait-il pas Guillaume de Salicet) et un praticien de la seconde moitié du xive siècle, la renommée de ce dernier ne pouvant que renforcer le prestige du premier. L’édition d’Utrecht indique aussi que la Summa est adressée à un certain Alphonse, roi d’Aragon et de Sicile31. Précisons d’emblée que cette mention n’apparaît qu’en incipit de prologue, et qu’ensuite il n’est plus question que d’un roi de Sicile et d’Aragon sans autre précision. Le manuscrit de la B.n.F. ne donne que la titulature du roi, sans aucun nom32. Or le roi d’Aragon prénommé Alphonse et quasi contemporain de Guillaume de Sali-cet, Alphonse III (1283-1291), ne régna jamais en Sicile (la couronne revenant à son frère portant le titre de Jacques Ier de Sicile de 1285 à 1291)33 ; le seul Alphonse remplissant cette condition est Alphonse V le Magnanime (ca. 1396-1458), devenu roi d’Aragon et de Sicile en 1416 en succédant à son père Ferdinand Ier qui gouvernait déjà les deux royaumes. Cette dédicace est donc fausse à moins de reconsidérer l’attribution du Tractatus de salute corporis à Guillaume de Salicet. La mention d’un destinataire et le nom de Pierre de Tossignano renforcent l’hypothèse d’une tradition manuscrite datée de la première moitié du xve siècle, le terminus post quem étant constitué par la mort de Pierre de Tossignano, en 1407, puisque la mention du médecin bolonais précise qu’il fut jadis (olim) le professeur de Guillaume de Salicet.
15Toutefois, comme je l’évoquais précédemment, cette tradition manuscrite ne pose pas seulement un problème de datation. Elle soulève aussi bien des interrogations sur le texte lui-même que Guillaume de Salicet aurait composé. Car les difficultés ne se limitent pas au prologue adressant l’ouvrage au roi de Sicile et d’Aragon mais investissent le champ même de l’écriture ; l’étude comparée du manuscrit lat. 1624634 de la Bibliothèque nationale de France, de l’édition de la Summa de Guillaume de Salicet faite à Venise en 1490, du Tractatus de salute corporis publié à Utrecht vers 1472 et de l’édition du Tractatus de regimine sanitatis de Pierre de Tossignano à Paris en 1535 révèle une tradition textuelle complexe.
16Il est de prime abord évident que le texte du manuscrit de la B.n.F. est très proche de celui des éditions d’Utrecht et de Paris mais que tous trois n’ont que peu de rapport avec la Summa conservationis et curationis telle que je l’ai précédemment décrite. Le plan suivi dans le manuscrit et les éditions n’est plus celui des âges de la vie, mais celui des « choses non naturelles » que Pierre de Tossignano, comme l’auteur de la Summa de salute corporis qualifient de res innaturalis35. Plus encore, des passages entiers du manuscrit et de l’édition du Tractatus de regimine sanitatis sont parfaitement similaires, et reprennent parfois, sans le citer, le Libellus conservatione sanitatis de Jean de Tolède :
Jean de Tolède
17Scribitur ab Ysaac in libro Viatici quod quicumque vult custodire continuam sanitatem, stomachum custodiat, ne cum sibi sit necessarius cibus, eum prohibeat neque plus sibi det quam digerere valeat, quod de potu etiam intelligendum est. Quesitum fuit a Galieno qua esset perfecta medicina, qui respondit : abstinencia. Sed nota quod dua est abstinencia, universalis et particularis. Universalis ut totaliter abstinere a cibo et potu, donec confortetur appetitus sensibiliter vel rationabiliter et dico rationabiliter quia aliquando contingit quod a calore fundi stomaci ubi viget virtus appetitiva faciunt fantasticam replecionem. Unde pauco cibo sumpto fumi deponuntur et virtus appetitiva confortatur et inanicio stomaci sentitur et propter istam causam non est bonum ultra modum ieiunare quia stomacus inanitus attrahit ab omnibus membris humores qui corrumpuntur in eo et causam egritudinum sunt. Sic membra inanita attrahunt a stomaco et hoc testatur Galienus. Particularis abstinencia est abstinere a rebus similibus humoribus dominantibus, sicut colericus a colericis, fleumaticus a fleumaticis et sic de aliis36.
Guillaume de Salicet
18Scribit Ysaac in libro Viatici. Conservator sanitatis stomachum custodiat ne cum cibus sit ei necessarius ipsum prohibeat, neque ei unquam plus det de cibo vel potu quam digerere valeat. Quesitum enim fuit a Galieno qua esset medicina perfectior, qui respondit abstinentia, que est duplex : universalis, videlicet et particularis. Universalis ut homo totaliter abstineat a cibo et potu donec appetitus sensibiliter vel rationabiliter confortetur. Et dico rationabiliter aliquando enim contingit quod a calore fundi stomachi37 in ieiunio fumi et vapores resolvuuntur inpedientes orificium stomachi ubi viget virtus appetitivam et caveant ibi repletionem sive saturitatem fantasticam. Unde sumpto pauco cibo, fumi deponuntur et virtus appetitivam confortat. Ecce propter hanc causam non est bonum ultra modum ieiunare, quia sto machus exinanitus attrahit sibi ab omnibus malis diversos humores qui corrumpuntur in eo et sunt cause multarum egritudinum ut ait Galienus. Sed particularis abstinentia est abstinere a rebus similibus complexioni sicut colericus ab allio, pipere et vino forti ceterisque rebus calidis et siccis; flegmaticus a rebus flegmaticis et sic de aliis38.
Pierre de Tossignano
19Scribit Isaac in libro Viatici : Conservator sanitatis stomachum custodiat, ne cum cibus sit ei necessarius, ipsum prohibeat neque ei unquam plus det de cibo vel potu, quam digerere valeat. Quesitum enim fuit a Galeno qua esset medicina perfectior. Qui respondit : abstinentia. Qua est duplex : universalis, videlicet, et particularis. Universalis ut homo prorsus abstineat a cibo et potu donec appetitus sensibiliter vel rationabiliter confortetur, et dico rationabiliter, aliquando enim contingit quorum a calore fundi stomachi in ieiunio, fumi et vapores resolvuntur, ubi viget virtus appetitiva, et pariunt ibi repletionem sive saturitatem fantasticam. Unde sumpto pauco cibo fumi pelluntur et virtus appetitiva confortatur. Ecce propter hanc causam non est bonum ultra modum ieiunare, quia stomachus exinanitus attrahit sibi ab omnibus membris diversos humores, qui corrumpuntur in eo et sunt cause multarum egritudinum, ut ait Galenus. Sed particularis abstinentia est abstinere a rebus similibus complexioni, sicut flegmaticis et sic de aliis39.
20Peut-être pourrait-on conclure que le copiste du manuscrit de Paris a fait de Guillaume de Salicet l’auteur d’un ouvrage préventif dont le véritable responsable serait Pierre de Tossignano. Mais en l’absence d’autres manuscrits de comparaison, l’hypothèse ne repose que sur le lat. 16246 qui propose manifestement une attribution erronée. L’édition d’Utrecht, à quelques variantes près, ressemble à la version du manuscrit parisien40. Qu’en conclure ? Que le manuscrit et les éditions néerlandaise et parisienne n’ont aucun rapport avec la Summa conservationis et curationis du médecin de Plaisance, et que la tradition manuscrite de cette fausse attribution remonte aux premières années du xve siècle. De Pierre de Tossignano, il semble étonnant que l’on n’ait pas conservé de traces manuscrites d’un régime, à l’exception d’un témoin à Copenhague41, postérieur aux premières éditions de ce texte. En revanche pour ce qui concerne les autres œuvres de Pierre de Tossignano, qu’il s’agisse du commentaire au livre IX du Ad Almansorem de Rhazès, dont il tire des recettes, du De epidemia, des ouvrages sur les bains42 ou encore de ses consilia, les témoins sont nombreux43.
21D’après Jole Agrimi et Chiara Crisciani, la Summa conservationis et curationis n’aurait eu, au vu de la tradition manuscrite et des impressions, qu’une faible diffusion. À cette tradition textuelle originale, s’ajoute une seconde tradition que nous venons d’examiner. S’il semble peu probable que Guillaume de Salicet en ait été l’auteur, ce second texte n’en a pas moins circulé sous les deux noms de Guillaume de Salicet et Pierre de Tossignano, aux xve et xvie siècles.
De la prévention à la thérapie
22Avec Jean de Tolède, le processus d’écriture diététique est inversé qui chemine du domaine préventif au champ thérapeutique. Cependant l’examen de la tradition manuscrite laisse entrevoir un texte fort différent selon les témoins conservés et soulève le problème de sa composition.
Une tradition textuelle complexe
23Je ne saurais me livrer ici à un examen complet de la transmission du Libellus de conservatione sanitatis, n’ayant pu consulter l’ensemble des témoins conservés44. Les quelques remarques qui suivent sont donc à considérer comme le fruit de premières observations et réflexions au sujet d’un texte qui fut l’objet de deux éditions, sans qu’aucun de leurs curateurs ne relève les divergences textuelles qui existaient dans la tradition manuscrite45.
24De l’étude de quelques témoins cependant, se dégagent au moins cinq familles distinctes (un examen plus détaillé permettrait certainement de révéler des sous-groupes). Le premier ensemble (auxquels appartiennent les manuscrits lat. 6978 et lat. 16222 de la Bibliothèque nationale de France, Clm 480 de la Bayerische Staatsbibliothek de Munich, ms 593 de la Biblioteca Civica A. Mai de Bergame, Arundel 334 et Sloane 405 de la British Library de Londres, ou encore Pal. lat. 132146 de la Biblioteca Apostolica Vaticana47) offre un Libellus de conservatione sanitatis « complet », c’est-à-dire à la fois diététique et thérapeutique, se terminant par un chapitre relatif aux venins et morsures de chiens48. La deuxième famille (représentée notamment par les manuscrits lat. 7198, n.a.lat. 543 et n.a.lat. 3144 de la B.n.F., par les codices Rawlinson D. 23849 de la Bodleian Library d’Oxford, Sloane 3149 de la British Library et ms 550 de la Wellcome Library50, ainsi que par les deux manuscrits berlinois51) donne un texte plus court qui, s’il énumère certains aspects thérapeutiques (abcès et douleurs diverses) s’interrompt à la suite du chapitre sur les bains52. N’apparaissent donc pas les trois ultimes capitula du Libellus (le de venenis, de cura veneni et le de morsu canis). Et encore le codex n.a.lat. 543 est-il lacunaire puisqu’il omet la notice de ventosis (consacrée aux ventouses) et le dernier paragraphe du chapitre sur les bains pour se clore sur : Eodem modo in hieme debet fieri. Et hoc de conservatione sanitatis sufficiant53. La troisième famille se résume à un seul témoin manifestement très lacunaire, le codex Vat. lat. 939. Le Libellus, qui y est copié aux folios 277r-278r, se termine sur le chapitre consacré à l’excès de chaleur (sans que les titres ne soient tout à fait les mêmes que ceux des autres versions), omettant d’évoquer la saignée, la practica et les bains54. La quatrième est représentée par le ms Pal. lat. 1245 où le texte de Jean de Tolède, transcrit de façon anonyme, est précédé d’un prologue évoquant l’utilité du régime et son caractère compilatoire. Placé sous les auspices de Salomon55, le Libellus se poursuit, après le De flebotomia, par le chapitre sur les abcès qui s’interrompt brutalement, à la fin du folio 31v56 ; sur la page suivante, sans séparation véritable, le même copiste transcrit les débuts d’une practica anonyme et sans titre qui commence par une notice intitulée de artetica. Le manuscrit de Namur enfin, tardif et anonyme, représente le dernier groupe ; il propose deux variantes importantes. Le chapitre consacré à la vision est suivi d’un Regimen datum pro conservatione visum et le Libellus se termine par un De modo preservationis de epidemia, deux modifications qui n’apparaissent dans aucun des autres témoins examinés. Le Regimen datum pro conservatione visum se présente comme une sorte de bref régime de portée générale, axé sur l’alimentation, l’exercice et le sommeil, sans jamais toutefois se rapporter d’une quelconque façon à la vue57. La formulation est différente de celle qui prévaut dans le reste de l’ouvrage, les tournures impersonnelles se substituant à l’usage du « tu » ou du « nous ». Les préceptes font souvent double emploi avec ce qui précède, et le texte n’est pas exempt de redites58, voire de contradictions59. Ces remarques ajoutées à celles que peut inspirer la mode des régimes de temps d’épidémies, qui fleurissent après la Peste Noire dans la littérature médicale, suggèrent une version remaniée et tardive du Libellus de Jean de Tolède, à laquelle auraient été adjoints ces deux chapitres.
Une écriture cumulative
25Si l’on écarte les deux dernières familles qui proposent des versions fortement transformées, demeure une double tradition textuelle, l’une constituée d’un texte court et dans son ensemble essentiellement conservatoire, l’autre enrichie de considérations plutôt thérapeutiques. Semblable différence peut s’expliquer en partie par la structure très maniable du Libellus mais plus encore par une écriture qui paraît cumulative, où l’adjonction de nouvelles notices est facilitée par les structures syntaxiques et par la logique textuelle. Fréquemment, la même formule vient clore les chapitres d’un et hoc sufficiant de predictis péremptoire, ce qui peut indiquer un abrègement du texte, lorsqu’un scribe désirait par exemple raccourcir tel ou tel chapitre. De même, l’incipit des capitula témoigne d’un processus d’accumulation d’éléments divers. Pour introduire le passage consacré aux excès de chaleur, il suffit d’un hiis visis veniamus ad alia ; pour la phlébotomie, ce sera hoc habito, veniamus ad flebotomiam ou hiis visiis dicendum est de ventosis pour les ventouses. Ces transitions sommaires rendent compte d’une structure « à tiroirs » qui facilite ajouts et suppressions, soumettant ainsi la tradition textuelle à d’importantes variantes, qu’à partir de divers indices il est possible de reconstituer, du moins dans ses grandes articulations.
26La structure du Libellus paraît complexe. Elle facilite les redites (comme dans les deux chapitres consacrés à la saignée) ; la succession des notices dans les manuscrits n’apparaît pas toujours clairement, à l’image du Pal. lat. 1321 qui, à partir du passage sur la phlébotomie, ne sépare plus par un intertitre – comme c’était le cas précédemment – les différents chapitres. À partir de celui consacré aux venins (qui suit celui sur les bains et n’apparaît que dans la version longue), le rédacteur change de style pour s’adresser au lecteur ; on passe en effet d’une formulation personalisée, fréquemment représentée par debes scire ou sciatis vos, au ton impersonnel et distancié d’un notandum quod. Les conseils adressés à un dédicataire individuel sont remplacés par des remarques générales60. Dans ce même chapitre consacré aux venins, est employé à plusieurs reprises le terme consilium, qui n’est jamais utilisé ailleurs. Il a ici le sens de conseil, de prescription ou encore de règle61. Or, l’emploi de ce terme ne se généralise dans le domaine médical qu’avec l’apparition d’un nouveau genre de texte, les consilia, dont les premiers auteurs sont Taddeo Alderotti (1223-1295), Arnaud de Villeneuve (ca. 1240-1311) et Guglielmo Corvi (1250-1326). Comme l’ont montré Jole Agrimi et Chiara Crisciani62, ce n’est que dans la seconde moitié du xiiie siècle que ces sortes d’ordonnances médicales, qui se veulent à la fois comptes rendus de visites auprès d’un patient, établissement d’un diagnostic et prescriptions thérapeutiques, commencent à être composées, donc sans doute après la date de rédaction du Libellus de conservatione sanitatis.
27Ces remarques permettent d’envisager les chapitres relatifs aux venins et aux morsures comme des adjonctions ultérieures qui auraient cependant assez rapidement enrichi le texte originel, peut-être dès la fin du xiiie voire le début du xive siècle, sur la foi des manuscrits dans lesquels ils apparaissent : les codices de la Bibliothèque nationale de France, lat. 6978 copié au xive siècle et lat. 16222 au début du xive siècle à Paris63, ou encore les témoins du Vatican (Pal. lat. 1321) et de Munich (Clm 480) qui sont plus tardifs.
28L’auteur des additions a toutefois eu le souci de conserver un style proche de l’original, certaines expressions se faisant l’écho de passages antérieurs (comme le secundum actores du chapitre sur les venins64).
29Ces ajouts spécifiques étaient non seulement facilités par la structure ouverte du texte et par un procédé de composition, rendant aisées interpolations et additions, mais également par une conception de la diététique à la fois préventive et curative, la thérapie se limitant toutefois à des affections et troubles bénins. Cette définition élargie de l’hygiène que manifeste le Libellus et cette frontière parfois floue qui sépare conservation et thérapie révèlent un écriture confuse, et une appréhension encore peu claire de l’ars diaetae. Ces derniers traits semblent caractéristiques des plus anciens ouvrages sur le sujet, même si la datation du Libellus de conservatione sanitatis n’est pas certaine.
Les circonstances de la composition
30Le Libellus de conservatione sanitatis est, on l’a dit, l’œuvre d’un médecin et cardinal de la Curie, Jean de Tolède65, sans que l’on sache très bien à quelle période de sa vie il le composa. L’étude des sources montre une utilisation du Secret des secrets66 et du Canon d’Avicenne, cité à plusieurs reprises et véritable base des chapitres sur la phlébotomie considérée comme préventive (puisque servant, comme les ventouses, à une purge du sang), mais cela ne nous informe pas précisément sur la datation de l’œuvre. Une mention figurant dans le codex Clm 480 de la Bayerische Staatsbibliothek de Munich évoque la confection d’un électuaire pour les yeux préparé par le pape Innocent IV (1243-1254) qui lui permit de recouvrer la vue67.
31Mais cette précision n’apparaît dans aucun des autres témoins consultés68. S’agit-il d’un ajout ultérieur, éventuellement destiné à assurer la promotion de cette préparation ? Agostino Paravicini Bagliani souligne ainsi que dans une série de recettes conservées dans le manuscrit VIII. G. 100 de Naples, un électuaire est également attribué à Innocent IV (Innocentius papa quartus hoc electuarium composuit), et qu’ailleurs une recette analogue l’est à Innocent III69. Que Jean de Tolède, qu’on appelle le cardinal blanc en raison de son appartenance à l’ordre cistercien, soit l’auteur de divers remèdes passés à la postérité, n’est pas mis en doute. Qu’il s’agisse du Breviarium practice70 qui, par deux fois, fait référence au savoir de ce Cardinalis Albus, ou d’Arnaud de Villeneuve qui vante deux remèdes dont il serait l’auteur71, les attestations de son savoir ne manquent pas, d’autant que le Libellus lui-même s’étend assez longuement sur les préparations pharmacologiques. Mais Jean de Tolède soigna-t-il Innocent IV ? Le chroniqueur Mathieu Paris assure qu’il a assisté le pape au moment de sa mort72. Mais ni Gaetano Marini, auteur d’une première recherche sur les médecins pontificaux73, ni Agostino Paravicini Bagliani dans sa prosopographie du personnel médical de la Curie au xiiie siècle74 ne le mentionnent parmi les médecins personnels du pape Innocent IV. Il est certain cependant que le souverain pontife ne fut pas étranger, comme le souligne Hermann Grauert, à la grande carrière curiale de Jean de Tolède. Le nom de ce dernier apparaît en effet dans l’entourage de deux curialices, Jacques de Pecorari, cardinal de Palestrina, et Otton da Castelridolfo, cardinal-évêque de Tusculum. Il les accompagna lors d’un voyage vers Rome en 1241-1242, pour se rendre au concile réuni par Grégoire IX ; alors qu’ils naviguaient sur un bateau de la flotte génoise, ils furent faits prisonniers par les troupes de Frédéric II. Les événements sont rapportés par Richard de Saint-Germain75 qui, dans sa chronique, confère à Jean de Tolède le seul titre de magister, sans évoquer à son sujet un quelconque bénéfice ecclésiastique. Les différents manuscrits du Libellus n’attribuent pas non plus de titre au médecin, à l’exception notable du manuscrit de Gonville & Caius College dont l’explicit précise que l’auteur est le « Cardinal blanc76 ». Jean de Tolède n’entame sa vraie carrière ecclésiastique qu’à sa sortie des geôles impériales77 : le 28 mai 1244, il est fait cardinal-prêtre de San Lorenzo in Lucina, une charge précédemment tenue par le pape Innocent IV, avant de devenir cardinal-évêque de Porto en décembre 1261 ; il le restera jusqu’à sa mort, le 13 juillet 127578. Sans doute, le Libellus fut-il composé avant l’entrée dans la carrière ecclésiastique, mais le fut-il sous le pontificat d’Innocent IV et en cour de Rome ?
32Quelques indices suggèrent une autre hypothèse pour le lieu de composition. L. Élaut, le premier, a remarqué que le Libellus de conservatione sanitatis comportait de nombreuses traces de vocables d’origine française79. Si cette observation n’est pas valable pour le terme de salsa, donné comme équivalent du mot salsamentum qui signifie ici sauce80, l’origine française se vérifie pour gruellum mentionné dans le chapitre sur l’excès de chaleur81, quoique le terme soit aussi utilisé en Angleterre82. Dans le manuscrit lat. 6978, le copiste évoque une technique contre les morsures de serpents qui fait usage d’un instrument de chirurgie désigné par un mot d’origine française :
Contre la morsure de serpent ou d’autres animaux vénéneux ou de reptiles, ouvrir la blessure avec une lancette à saignée83.
33Toutefois, cette occurrence n’apparaît pas dans les autres manuscrits consultés ; en outre ces chapitres terminaux constituent peut-être, nous l’avons vu, des addimenta de la fin du xiiie voire du début du xive siècle. Le copiste de ce codex était en tout état de cause manifestement français lui-même. Au feuillet 1v, est copiée la recette en latin d’une poudre laxative (la même main du xive siècle apparaît au folio 5r) et au verso du Libellus c’est une recette en français84 qui a été retranscrite. En outre, le manuscrit lat. 6978 n’inspire pas vraiment confiance ; une main contemporaine de celle du copiste a rectifié un certain nombre d’erreurs, telle ce suppositorio de sanone (sic)85 gallice que la seconde main a corrigé en marge par sapone. De même, les chapitres consacrés aux viandes et aux laitages, que le scribe avait oubliés, ont été ajoutés en marge inférieure. Dans le manuscrit de Namur et plus largement dans les manuscrits de la version longue, il est question d’une amande dont le poids fait cinq tournois86, référence évidente à la livre de Tours. Une autre remarque qui, si elle n’est pas d’ordre linguistique, n’en renforce pas moins l’hypothèse française, évoque ce suppositoire de sapone gallico87, attesté dans tous les manuscrits que j’ai pu consulter et qui se rapporte au chapitre de calore excedente copié dans les deux versions.
34Ces éléments peuvent suggérer un séjour de Jean de Tolède en France88. N’apparaît-il pas fréquemment comme souscripteur des bulles d’Innocent IV et de ses successeurs qui concernent les statuts de la faculté de théologie et de l’ordre cistercien de Paris89 ? Le Libellus de conservatione sanitatis aurait donc pu être composé en France ou plus tard en Italie, avant le pontificat d’Innocent IV, lorsque Jean de Tolède pouvait être qualifié de simple magister90. Rappelons aussi que lorsqu’il est fait prisonnier par les troupes de Frédéric II en 1241, il accompagnait plusieurs prélats en poste en France ou en Angleterre, ou venant de ces pays91. Toutefois la carrière de Jean de Tolède, avant sa capture, est pour le moins mal connue92. Les codices d’origine française conservés à la Bibliothèque nationale de France témoignent peut-être plus simplement de la réputation de Jean de Tolède à Paris.
35Comme le lat. 6978, le n.a.lat. 3144 a peut-être été copié en France, quoiqu’on y distingue aussi une atmosphère pontificale. Ce manuscrit composite du début du xive siècle93 assemble textes religieux et scientifiques94, transcrits par différentes mains contemporaines, mais la foliotation est médiévale. Le Viridarium consolationis de Jacques de Bénévent95 et le Chronicon pontificium et imperatorum usque ad Johannem XXI papam de Martin de Troppau d’Oppavia96, ici incomplet97, sont deux ouvrages composés dans le milieu de la Curie romaine. Les deux auteurs sont des contemporains de Jean de Tolède, eux aussi frères mineurs et ils ont également exercé des fonctions à la Curie ; Martin de Troppau notamment, originaire de Moravie, fut pénitencier pontifical (au moment où Jean de Tolède devint cardinal, en 1261), puis chapelain du pape et enfin archevêque. Sa chronique rend compte des événements du siècle jusqu’à la mort de Jean XXI. Le codex n.a.lat. 3144 a conservé sa reliure médiévale : elle est composée d’une feuille de parchemin sur laquelle est transcrit un arbitrage relatif à la succession de Pons de Palea Sac, datée du 5 janvier 1287, et d’une feuille de papier où est noté un fragment de comptes d’imposition levés au xive siècle sur plusieurs paroisses du diocèse de Rieux. Au folio 8vb, on peut voir des essais de plumes qui portent différentes mentions telles In nomine, ou magister Johannes de Caulibus bacallarius d’une main du xive siècle et un ex-libris au nom de Petrus de Besco de Bec avec le chiffre de xi s(olidos) turonensium. Le texte de Jean de Tolède est copié dans un cahier, à la suite du Liber de doctrina dicendi et tacendi d’Albertanus Causidicus Brixiensis (composé en 1245), par une main très proche de celle du Liber de doctrina. Il pourrait simplement s’agir ici d’un changement de plume. Le copiste utilise la même clausule qu’on retrouve également aux folios 7rb, 12rb, 14vb, 50vb98. Malgré son caractère composite, du moins pour ce qui concerne le contenu, le manuscrit n.a.lat. 3144 paraît le résultat d’une entreprise unique, ce que soulignent des espaces restés blancs pour des rubrications qui ne furent que très rarement remplies. C’est le scribe qui ajouta à l’encre marron les titres et les noms des auteurs, lorsqu’il le put. En ce qui concerne le Libellus de conservatione sanitatis de Jean de Tolède, l’ouvrage est resté anonyme et sans titre.
36Le lat. 16222 est un codex composite. Le traité de Jean de Tolède est copié dans un cahier à part, incorporé en fin de manuscrit entre deux autres, dont le dernier semble constitué de notes (peut-être de cours), certaines empruntées au De anima d’Aristote, d’autres consacrées à la logique ; le cahier médical est constitué d’un sénion aux dimensions plus réduites que le reste du manuscrit (29,3 × 21,3 contre 30,5 × 24 cm) ; les traces d’une ancienne foliotation médiévale (pour partie en chiffres arabes, pour partie en chiffres romains) sont indépendantes du reste du manuscrit. Ce cahier contient, outre l’ouvrage de Jean de Tolède, un passage du Liber de passionibus mulierum de Trotula99. Les deux traités n’ont pas été copiés par une même main, mais les deux écritures sont contemporaines, et c’est un même rubricateur qui est responsable des titres en rouge, des initiales filigranées alternées rouges et bleues et des deux lettrines décorées (bleues sur fond vieux rose) qui ornent l’initiale du Libellus de conservatione sanitatis et celle du Liber de passionibus mulierum. Ce cahier médical apparaît donc dans un codex plutôt tourné vers la philosophie naturelle100. Le manuscrit fut donné avec d’autres101 à la bibliothèque de la Sorbonne par Gérard dit d’Utrecht. Associé de la Sorbonne sous le provisorat de Jean des Vallées (1299-1322), il mourut entre 1326 et 1338. C’est donc entre ces deux dates que le manuscrit fit son entrée dans la bibliothèque, mais sans doute ne conte-nait-il pas encore le traité de Jean de Tolède, les centres d’intérêts de Gérard d’Utrecht portant plutôt sur l’écriture sainte et sur les concordances de l’Ancien Testament. De fait, la table des matières copiée au folio 92r par la même main (ou par une main très proche) de celle qui apparaît au folio 91ra-vb, ne mentionne pas le traité de Jean de Tolède. Au feuillet 91vb, en bas de page, on peut lire la mention du don de Gérard d’Utrecht : Iste liber est pauperum Scolarium de Sorbona ex legato magistri Gerardi de Traiecto. precii 20 solidorum. La date de 1338 pourrait alors constituer un terminus post quem pour l’adjonction du cahier médical au manuscrit ayant appartenu à Gérard d’Utrecht. La lampe de Wood a révélé une ligne de texte soigneusement grattée en marge supérieure du premier folio consacré au traité de Jean de Tolède (f. 76r) ; elle reproduit la mention du don de Gérard d’Utrecht102, mais la main est différente de celle qui apparaît au folio 91vb.
37Que déduire de ces remarques ? Que les parties médicales ont sans doute été ajoutées après l’entrée du manuscrit à la Sorbonne, si l’on en croit du moins la table des matières du folio 92r, mais peut-être peu de temps après ce don, puisque la mention de la donation a également été reportée sur les feuillets médicaux. Le cahier où apparaît le Libellus a en effet, selon Marie-Thérèse Gousset, été copié à Paris ; il est quasiment contemporain du don effectué par Gérard d’Utrecht : l’utilisation de certaines décorations filigranées sous forme de petits points, apparues chez les rubricateurs parisiens de la fin du xiiie siècle, est en effet plus systématiquement employée à partir des années 1320. Quant aux déductions relatives aux deux versions de Jean de Tolède, elles restent incertaines car, à la même période, circulaient à Paris deux versions du Libellus de conservatione sanitatis, celle qui peut être considérée comme « complète », véhiculée par le lat. 16222, et la version « abrégée » proposée par le lat. 543, datable des années 1320-1330 ou par le n.a.lat. 3144.
38Nombreuses sont donc encore les interrogations relatives au Libellus de conservatione sanitatis et à son auteur, qu’il s’agisse des aspects textuels, des circonstances de composition ou encore de la formation de Jean de Tolède. La seule certitude concerne le succès dont fut l’objet cette œuvre, fortement diffusée jusqu’à la fin du Moyen Âge. La presque trentaine de manuscrits conservés en témoigne.
39La Summa conservationis et curationis ainsi que le Libellus de conservatione sanitatis n’appartiennent pas au seul domaine de la littérature diététique, en raison du double objet qu’ils proposent à leur lecteur : à un premier plan consacré à la conservation de la santé, dont les préceptes diététiques constituent l’essentiel du discours, se superpose un plan thérapeutique, plus ou moins étendu (limité à des affections ou troubles bénins dans le cas de Jean de Tolède), mais dont la résolution passe par des préparations médicales qui ne relèvent plus de la seule hygiène, même curative. L’imbrication de ces deux domaines révèle d’une part une codification encore quasiment inexistante de ce que pourrait ou devrait être un livre de diététique préventive dans les années 1240-1270 (les rares ouvrages médiévaux sur le sujet étant, nous l’avons vu, largement tributaires de modèles et bien peu diffusés), d’autre part, peut-être, un questionnement épistémologique sur le rôle du médecin. La prévention ou plus précisemment la conservation de la santé est-elle du ressort du médecin ? La finalité du traité préventif n’est-elle pas de ne plus avoir recours au praticien ?
40En investissant résolument par l’écriture le champ de la conservation, Aldebrandin de Sienne et Zambonino da Gazzo répondent par l’affirmative à la première question. Plus encore, en rattachant fortement la diététique au savoir doctrinal, ils l’inscrivent pleinement dans le registre de la médecine universitaire, dont l’un au moins de ces deux auteurs est un représentant.
DE LA PRÉVENTION AU RÉGIME
41À première vue, nombreuses sont les divergences qui séparent l’entreprise menée par Aldebrandin de Sienne103 vers le milieu du xiiie de celle de Zambonino da Gazzo vers la fin du siècle104. D’un côté, un traité prolixe voire hétéroclite que l’auteur éprouve d’ailleurs quelque difficulté à légitimer, de l’autre un ouvrage dense et centré sur l’héritage gréco-arabe des « choses non naturelles » ; d’un côté, une sorte de « best-seller » de la littérature médicale ; de l’autre, un traité rapidement oublié des lecteurs du Moyen Âge. Au-delà de leurs évidentes dissemblances, le Livre de Physique d’Aldebrandin et le Tractatus de conservatione sanitatis de Zambonino révèlent toutefois un même attachement aux aspects conservatoires de la médecine. Qu’Aldebrandin définisse de façon fort restrictive la physica comme la science qui sert à garder la santé, ou que Zambonino da Gazzo se concentre sur les seules « choses non naturelles », me semble participer d’un projet d’écriture commun qui place la conservation de la santé au centre de la réflexion épistémologique sur ce que doit être, ou peut être, la diététique médiévale, et sur ce qu’il faut entendre par prévention ou conservation.
Pour une définition du livre diététique
42Le Livre de Physique, titre par lequel je préfère désigner le Livre du corps des historiens, fidèle en cela à son appellation originelle plutôt qu’à celle qu’on lui donne au xve siècle105, se situe à la confluence de diverses entreprises d’écriture et, comme le Tractatus de conservatione sanitatis, révèle un certain nombre d’influences, voire de modèles. Aldebrandin de Sienne a fait le choix d’un traité ample constitué de quatre parties : il détaille successivement un large éventail de « choses non naturelles » (agrémentées de considérations connexes sur les nourrices, les purges et vomissements), fournit des règles pour conserver certaines parties du corps en bonne santé, livre une longue énumération des qualités des aliments et conclut sur une physiognomonie destinée à mieux connaître l’homme106. Même s’il n’en donne qu’une définition imprécise, Aldebrandin semble entendre par « physiognomie » une discipline qui permet de connaître la nature de chaque membre, et plus largement la nature des hommes et des animaux, qui tendent vers le bien ou vers le mal107. Cette acception est assez proche de celle que proposait Michel Scot dans son Liber phisionomie et est donc à ce titre beaucoup plus large que ce qu’entendait la tradition du pseudo-Aristote, traduite par Bartolomeo da Messina108. Il n’y était en effet question que d’une physiognomonie entendue comme « science des passions naturelles de l’âme et des accidents du corps dans leur interaction109 ».
43Zambonino, quant à lui, fait peut-être preuve d’une ambition plus réduite, limitant son entreprise à onze chapitres, introduits par un prologue. Cinq suivent de près le schéma des composantes non naturelles détaillées dans le Pantegni ou dans l’Isagoge de Johannitius (exercice, aliment, boissons, sommeil et veille, accidents de l’âme et expulsion des superfluités humorales) ; un chapitre élargit la connaissance et le choix de l’air à l’environnement malsain (de regimine sanitatis et pestilentie), les quatre derniers n’étant que les prolongements du concept de « choses non naturelles », qu’il s’agisse du lieu d’habitation (souvent inclus dans le chapitre sur l’air), des relations sexuelles, ou du régime de voyage et des camps militaires (qui relèvent plus directement d’un héritage avicennien).
44Ces diversités d’organisation n’empêchent pas les deux auteurs de partager une même idée sur ce que doit être un livre diététique. L’ars diaetae n’est pas perçue comme le préalable à l’ars medica, mais comme un ensemble autonome, régi par ses propres règles et connaissances, et qui préexiste à la science thérapeutique.
« Garder le corps »
45La définition quelque peu limitative qu’Aldebrandin propose de la « phisike » sert bien sûr à légitimer son entreprise en la faisant reposer sur une conception presque erronée de la médecine :
... li om tant com il vit, ains qu’il muire, se cange de jour en jor, et ja en.i. estat ne porra demourer, et por ce, Notre Sires li dona, si com à le plus noble creature qui soit, une science k’on apiele phisike, par le quele il gardast le santé qu’il li dona premierement et peust encore re-mouvoir les maladies, car phisike est faite especiaument por le santé garder110.
46À en croire l’auteur, la physique, théoriquement synonyme de médecine, désignerait la seule diététique ou plus largement l’art préventif, destiné aussi bien à conserver la santé qu’à écarter les maladies avant qu’elles ne se déclarent. Toutefois, quelques lignes plus loin, se fait jour une première contradiction lorsque, pour revenir sur les enjeux de cette science et introduire les différentes parties de son ouvrage, Aldebrandin est conduit à avancer que :
Or, dirons dont.i. partie de cele science que nous vous avons noumee, la quele Diex dona à l’omme por garder sen cors, car ele a maintes parties si com nous vous dirons. L’un partie si est por garder le cors, tot ausi le bien sain com le mal sain generaument...111.
47Que faut-il entendre par la conservation du corps « mal sain » c’est-à-dire malade ? Peut-on véritablement parler de conservation lorsqu’il devrait être question de soin et de thérapie, d’autant qu’il n’est jamais fait mention dans le Livre de Physique d’une quelconque maladie ou affection ? Il y a manifestement ici écart de langage, car tout l’ouvrage est tendu vers la seule finalité de la conservation, où « garder » signifie « maintenir homme en santé et le maladie removoir112 ». Il n’est qu’à lire l’ouvrage pour s’en convaincre : « garder » n’a d’autre sens que celui de maintenir ou conserver et n’a d’autre complément que « corps » ou « santé ».
48C’est à la fin de l’introduction (à la suite de l’énumération des chapitres du premier livre), qui semble bâclée ou du moins inachevée, qu’Aldebrandin révèle une seconde contradiction en proposant en effet une définition différente de la physique, plus conforme cette fois avec ce qu’il est commun de lire à cette époque :
Phisique est .i. science par lequele on counoist toutes les manieres du cors de l’hom et par lequele on garde le santé du cors et remue les maladies, et poons dire que ceste science a.ij. parties : l’une des parties est apelee theorike, et l’autre pratike113.
49Aldebrandin revient ici aux conceptions plus traditionnelles qui font de la médecine un art de la conservation et de la guérison, et qui séparent nettement le champ de la théorie (ou de la spéculation) de celui de la pratique (opus), même si l’énumération de la pars theorica est ici étrangement limitée aux seules fièvres114.
50Cette focalisation sur la pratique justifie donc un ouvrage complexe dans son articulation générale, qui vise avant tout à fonder une connaissance de l’homme et de son milieu afin d’en faciliter l’apprentissage. Le concept de « connoissance », préalable à toute action, constitue le soubassement de l’entreprise115. Ce n’est pourtant pas au « pourquoi » de la théorie que l’auteur répond, mais au « comment » de la pratique116, les explications restant souvent succintes et rapides, afin de ne point encombrer par des développements trop abscons l’essentiel du contenu : l’agir.
Cum in sanitate perfectum existat vivere
51Alors que la justification de son entreprise paraît chez Aldebrandin de Sienne maladroite, empruntée, voire erronée, elle semble plus naturelle chez Zambonino, quelques années plus tard. Manifestement exercé à l’art oratoire, certainement grâce à son enseignement à l’université, le praticien de Padoue fait montre de sa maîtrise de la parole et de la rhétorique, notamment dans le prologue. C’est en effet par une sorte de syllogisme à trois niveaux fondé sur la notion d’existence et d’appetitus que Zambonino explicite non seulement la fonction du médecin mais plus largement la conservation de la santé117. Réduisant l’existence parfaite à la santé et l’appétit de vivre au désir de santé, Zambonino justifie la teneur proprement conservatoire de son ouvrage. L’expression de conservatio sanitatis est réitérée à plus de dix-sept reprises dans le Tractatus. Il ne semble plus nécessaire de faire appel à l’autre aspect de la médecine pratique (le soin des maladies) puisque l’homme est conduit par son appétit de vivre, donc de santé. Il suffit alors au médecin d’évoquer les éléments qui seuls rendent possible la conservation, selon le modèle galénique118.
52Le fondement de cette argumentation ne repose pas sur des conceptions d’origine médicale mais philosophique. C’est Aristote qui fournit à Zambonino l’essentiel de sa démonstration, ce dernier empruntant au De anima la dissociation entre vie végétative, vie animale et vie humaine, qui correspondent aux trois facultés essentielles de l’âme, la nutritive, la sensitive et la pensante (celle qui permet à l’homme de désirer vivre et conserver la santé)119. Le médecin focalise son étude sur l’homme (puisque ni les végétaux ni les animaux ne sont de son ressort) et sur la faculté essentielle à la vie, la nutritive qui, selon Aristote, « est la première et la plus commune des facultés de l’âme » car « c’est par elle que la vie est donnée à tous les être animés120 ». Cet héritage philosophique, particulièrement prégnant dans l’université padouane du xiiie siècle, est également perceptible lorsque Zambonino se croit obligé de justifier le terme de res non naturales appelées « naturelles » par les philosophes car appartenant à la Nature, et « non naturelles » aux yeux du médecin, par opposition à ce qui compose le corps humain, car extérieures à lui121.
Le choix d’un discours universitaire
53Le parti-pris de la conservation de la santé au détriment de toute entreprise thérapeutique s’accompagne dans ces deux ouvrages d’une volonté affichée de conforter le propos par une référence constante aux traités des autorités largement diffusés par le canal universitaire ou, de façon plus diffuse, par l’utilisation de procédés logiques empruntés à l’enseignement. Car, s’ils demeurent des ouvrages de vulgarisation dont la vocation pédagogique et le fondement didactique sont clairement affichés, le Livre de Physique et le Tractatus de conservatione sanitatis sont aussi les héritiers d’une science médicale qui a désormais sa place dans le giron universitaire. Plus que les epistolae diététiques, mais plus aussi que les traités d’un Jean de Tolède et même d’un Guillaume de Salicet, les œuvres respectives d’Aldebrandin de Sienne et de Zambonino da Gazzo expriment leur attachement à la médecine savante, pour mieux, peut-être, légitimer leur entreprise.
54Certes, alors que la formation et le parcours de Zambonino ne laissent peser aucun doute sur le sujet, la lumière est loin d’être faite sur Aldebrandin de Sienne, sur ses origines, son apprentissage, voire sa pratique médicale. Aldebrandin a vécu à Troyes122, et il est difficile d’imaginer que c’est dans cette ville de foire qu’il apprit la médecine. Fut-il formé à Paris, dont on ne connaît les statuts universitaires qu’à partir de 1270, ou plutôt en Italie et peut-être en Toscane123, région dont il serait, d’après son nom et le témoignage de quelques références textuelles124, originaire ? Malgré ces zones d’ombre persistantes, la lecture du Livre de Physique révèle une solide formation universitaire, fondée sur un large éventail d’auteurs, utilisés non seulement dans la structure de l’œuvre, mais aussi dans le cœur même du texte sous la forme d’incises le plus souvent (« com dist Avicennes... »). Certains copistes ont d’ailleurs perçu le rôle important joué par les autorités, puisqu’en lieu et place du titre habituel, ils ont préféré intituler l’ouvrage l’Avicenne en roumauns125 ou encore Le livre de la diete universal selon Ysaac et les autres auteurs de medecines126. Si Avicenne fait l’objet d’une attention particulière, Aldebrandin n’en oublie pas pour autant le Liber ad Almansorem de Rhazès, privilégié pour ses conseils pratiques, Hippocrate et Galien, Haly Abbas, mais aussi Isaac Israëli dont les Diètes particulières ont servi de charpente à la troisième partie du Livre de Physique. Le prologue apocryphe qui contient une dédicace à Béatrice de Provence et qui fut ajouté à l’œuvre peu de temps après sa rédaction, ne mentionne-t-il pas l’ensemble des auteurs utilisés127 ? À côté de ces autorités universitaires, sans doute faut-il penser au Secret des secrets qui, dans la version longue due à Philippe de Tripoli, proposait aussi une physiognomonie128, mais Aldebrandin de Sienne ne reprend aucunement à son compte l’art divinatoire que permet une telle science. Il semble s’inspirer, selon sa propre définition, du Liber ad Almansorem où la physiognomonie sert essentiellement à déterminer la complexion des organes, des parties du corps et plus largement des individus. Mais en réalité, Aldebrandin considère avoir défini la complexion des membres dans les deux premières parties de son ouvrage129 ; et de fait, le livre IV du Livre de Physique, qui traite successivement des cheveux, des yeux, des sourcils, du front, de la bouche, du visage, de la voix, de la chair, du rire, de la lenteur, du cou, des côtes, des épaules, des bras, des mains, des pieds, du coléreux et du luxurieux, mêlant ainsi à l’examen d’éléments corporels l’étude de quelques comportements, ressemble plus à une étude psychologique que physiologique130.
55Chez Zambonino, formé à l’université et lui-même professeur à Padoue131, la « patine universitaire » se perçoit moins en termes de citations explicites132 qu’en termes de rhétorique, où se manifestent une grande maîtrise du raisonnement dialectique et l’héritage de la scolastique. Les notices consacrées à chaque objet diététique sont par exemple partagées en divers cas qui permettent d’en étudier toutes les facettes, selon un procédé de subdivision logique des difficultés133. De même, et en dépit de la dimension pratique de l’ouvrage, l’auteur se livre parfois à des discussions qui relèvent peut-être plus de la médecine spéculative qu’opératoire. Pour la première fois dans un tel type de texte, sont en effet livrées dans une sorte de joute oratoire les positions de diverses autorités. Ce procédé de discussion n’est évidemment pas sans rappeler les commentaires des ouvrages de l’enseignement universitaire qui font de la méthode scolastique leur mode d’exposition par excellence. Elle est par exemple employée par Zambonino pour l’ordre qu’il convient de suivre dans l’absorption des aliments. S’agit-il de consommer d’abord les aliments dit « subtils » ou plutôt les « grossiers » ? Par un jeu de balancier introduit par la formule in dubitatione, les deux positions contradictoires sont exposées134. Ce n’est que dans un second temps que sont citées les autorités représentant les deux propositions opposées, d’un côté Aristote à travers l’Epistola de conservatione sanitatis ad Alexandrum, et de l’autre Avicenne135 et le Liber ad Almansorem de Rhazès136. La question de la consommation préalable d’un aliment subtil ou tendre dans le processus de digestion est liée à l’appréhension même de ce phénomène, perçu dans la médecine antique et médiévale comme la succession de différentes coctions, dont la plus importante a lieu dans l’estomac137. L’aliment ingéré, s’il est subtil, c’est-à-dire léger et de moindre densité, requiert logiquement une cuisson moins longue et moins vive qu’une nourriture plus grossière, lourde, dense, ou épaisse. On distinguera ainsi les viandes blanches délicates et les rouges qualifiées de « grosses ».
56Si la technique de discussion de Zambonino n’est pas sans rappeler les quaestiones scolastiques, le médecin de Padoue n’est pas fidèle à ses sources. En citant l’Epistola ad Alexandrum, il omet par exemple de souligner que l’auteur de la lettre ne conseille de commencer par un aliment grossier que lorsqu’on mange plusieurs nourritures « molles », et encore le pseudo-Aristote ne qualifie-t-il pas l’aliment de grossus mais de retinens, évoquant ainsi sa fonction de rétention138 ; en dehors de ce cas particulier, le texte pseudoaristotélicien exprime d’ailleurs l’avis le plus généralement partagé de faire précéder le « gros » aliment par le subtil139. La question se clôt par une résolution dont la finalité est de signaler l’inexactitude du vocabulaire et des définitions de l’aliment grossier ou subtil :
Il faut cependant savoir qu’il y a deux aliments subtils, l’un est absolument subtil et tel qu’il doit passer en premier, comme on l’a dit. L’autre est [subtil] respectivement et en comparaison à un plus gros et bien qu’on le sache subtil par comparaison, il est toutefois gros dans l’absolu et dans ce cas le gros peut précéder le subtil parce que la chaleur du fonds de l’estomac, en raison de sa force, convient mieux à celui qui est absolument gros qu’au subtil par comparaison. Et cet aliment subtil, quoique venant ensuite, n’est même pas corrompu140.
57L’utilisation de la culture universitaire se manifeste également dans le Tractatus à travers l’influence des libri naturales d’Aristote. Car Zambonino da Gazzo ne se limite pas au De anima, mais s’inspire d’autres ouvrages aristotéliciens, tels que le De generatione et corruptione, les Seconds Analytiques, mais aussi des livres de morale comme l’Éthique à Nicomaque. Le rôle très spécifique joué par la philosophie aristotélicienne dans le Tractatus s’explique non seulement par une circulation assez précoce des nouvelles traductions d’Aristote dans la cité padouane (en relation avec les traductions de Jacques de Venise, actif entre 1136 et 1148), par les rapports étroits qu’entretiennent, dans le studium padouan et plus largement dans les universités italiennes, logique, physique et sciences naturelles141, mais aussi par la formation que l’auteur reçut à Paris142.
58Plus que les lettres de santé, voire que les ouvrages diététiques mêlant prévention et thérapie, le Livre de Physique et le Tractatus sont recouverts d’un vernis universitaire qui, loin de nuire au caractère pratique de ces ouvrages, leur confère une certaine profondeur scientifique et méthodique, associant peut-être plus étroitement le savoir diététique au domaine de l’enseignement, en dépit du caractère particulièrement vulgarisateur du Livre de Physique, premier ouvrage diététique composé en langue vernaculaire. Au-delà de ces critères plus formels que réels, puisque l’ensemble de la production examinée jusqu’à présent relève d’un milieu savant143, le Livre de Physique et le Tractatus de conservatione sanitatis sont proches aussi par une acception quelque peu différente de l’ars diaetae privilégiant, au sein des composantes « non naturelles », l’action de l’alimentation.
L’alimentation, une place privilégiée
59Aussi bien Aldebrandin de Sienne que Zambonino da Gazzo consacrent de longues pages à l’alimentation et au rôle de la nourriture dans la conservation de la santé. Si ces aspects représentent presque la moitié du Tractatus (chiffre calculé à partir de l’unique manuscrit conservé), ils occupent un livre entier du traité d’Aldebrandin. Pour autant l’alimentation est abordée de façon très différente par les deux auteurs. Alors que le praticien de Troyes choisit d’étudier les qualités et nocivités de tous les aliments en les regroupant par familles144, selon le modèle du Pantegni d’Haly Abbas et des Diètes particulières d’Isaac, le médecin de Padoue opte pour une analyse plus synthétique.
La cuisine d’Aldebrandin
60Comme le font ses modèles, Aldebrandin de Sienne livre pour chaque aliment le détail de ses vertus et défauts ainsi que sa complexion. Quand il le peut, il conseille la meilleure variété possible à son lecteur. Au total sont ainsi énumérés cent soixante-treize aliments, répartis entre les différentes familles classiques : huit variétés pour les céréales, six pour les boissons, trente-neuf chapitres pour les viandes, huit pour les légumes secs, trente-et-un pour les fruits (auxquels s’ajoutent canne à sucre et miel), trente-et-un pour les légumes et les aromates, un seul pour les poissons dont les espèces ne sont pas distinguées, trois pour le lait, les œufs et les fromages, treize pour les épices. L’alimentation occupe ainsi une place assez considérable dans l’économie d’ensemble du Livre de Physique et, à la notable exception des Flores diaetarum qui, nous l’avons vu, ne sont qu’un florilège extrait des Diètes particulières d’Isaac, nul ouvrage diététique occidental n’avait jusqu’alors consacré une telle importance à cet aspect.
61L’intérêt manifesté par l’auteur pour les cibi et potus n’est manifestement pas seulement lié à une formation universitaire et à l’influence des ouvrages enseignés à la faculté. La coloration très nettement « locale » des chapitres alimentaires me semble aussi le signe d’un intérêt pour la vie quotidienne, et renvoie à un double héritage dont manifestement Aldebrandin de Sienne est le dépositaire : d’un côté celui des habitudes italiennes, de l’autre celui de la « cuisine française », même s’il est difficile d’utiliser ce terme, en l’absence de véritables sources permettant d’appréhender ce domaine, à cette époque du moins145. Cette double influence qui colore sa « cuisine diététique146 » se manifeste par exemple, pour ce qui concerne la péninsule, dans la mention de certaines céréales qui ne sont pas produites dans le royaume de France, comme le riz et le sorgho ; de ce dernier, on trouve essentiellement la trace en Italie et, plus particulièrement, dans la moitié Nord de la péninsule147, comme le rappelle Aldebrandin148. Selon Pierre Toubert, il n’est cultivé dans le Latium qu’à partir du milieu du xiiie siècle149. Dans le Livre de Physique, il est désigné sous le terme de segine, forme francisée de seggina (du mot latin qui désigne le fait d’engraisser les animaux, saginare150). C’est l’une des appellations du sorgho, fréquente en Toscane. En revanche, d’après Georges Comet, cette céréale est inconnue de la France du Nord, y compris à l’époque moderne151. Cela explique peut-être pourquoi, dans une tradition manuscrite du Livre de Physique, le sorgho était désigné sous l’appellation obscure de « Rogier male branche ». Quant au riz, s’il n’est pas véritablement un « marqueur » italien (d’après Georges Comet, il est cultivé dans la région de Perpignan « sous l’influence arabe152 », mais l’auteur n’apporte aucune autre précision), il renvoie toutefois à une agriculture méditerranéenne, dont on trouve les traces en Italie. Mais les livres de cuisine du xive siècle attestent une utilisation de cette céréale dans d’autres régions. Ainsi, le Menagier de Paris donne une recette de « riz engoulé », à base de lait, de safran et de gras de bouillon153. Du côté d’un univers alimentaire septentrional, le chapitre consacré aux boissons fait apparaître quelques caractéristiques non dénuées d’intérêt. Aldebrandin parle par exemple de la cervoise (« ciervoise »), qui apparaît dans la langue d’oïl avant 1175154, alors que le nom latin était en usage depuis longtemps. Confectionné à partir de diverses céréales (avoine, orge, froment), éventuellement plus au sud avec du seigle (une préparation que le praticien champenois connaît155), ce breuvage est généralement considéré comme une habitude de consommation des plus pauvres156. Toutefois, s’il ne lui trouve guère de qualités, Aldebrandin ne formule aucune réserve de type sociologique157. À cette production française, le praticien champenois ajoute une autre boisson, le cidre158 (ou « vin de pume »), qui renvoie à un espace géographique plus précis, la Normandie159.
62D’autres indices soulignent l’importance du rôle joué par les habitudes culinaires ou plus largement alimentaires dans l’écriture du Livre de Physique. On pourrait citer ici l’exemple du verjus ou celui du poivre, fréquemment employé dans la préparation du canard, du paon, du cygne, du pluvier, et de certains morceaux comme la cervelle, les yeux, la langue. Il est difficile de tirer de ces mentions des informations sur les cuisines régionales ; si Bruno Laurioux a montré que le poivre était encore, du moins dans les habitudes de l’Europe septentrionale, l’épice dominante pour la première moitié du xive siècle (alors qu’elle n’apparaît que dans un faible pourcentage des recettes italiennes à la même époque)160, nous n’en savons rien pour la période précédente. Dans le Livre de Physique, le poivre est quelquefois utilisé en association avec d’autres épices comme le gingembre ou la cannelle161. Cette union peut sembler étrange. Elle est citée dans trois chapitres sur les trente-neuf que compte le livre sur les viandes162, vingt-neuf d’entre eux ne comportant toutefois aucune mention d’une quelconque préparation163. Si, comme l’indique Bruno Laurioux, l’association de poivre et de cannelle semble un trait caractéristique de la cuisine britannique, l’utilisation conjointe de cannelle et de gingembre, base notamment de la sauce « cameline », est plutôt typique des consommations françaises de la fin du Moyen Âge164. Notons cependant qu’Aldebrandin de Sienne n’utilise la terminologie de « cameline » que pour désigner un mélange de cannelle et de cardamome165, cette dernière épice étant très rare dans les livres de cuisine et constituant même, dans son association avec la cannelle, « une faute de goût166 ». Toutefois, l’adjonction de poivre à cette préparation largement répandue dans les cuisines occidentales médiévales est attestée dans certains réceptaires culinaires (essentiellement français, plus rarement italiens voire catalans) ou, plus exactement, dans le Tractatus de modo preparandi et condiendi omnia cibaria, dans certains manuscrits du Viandier ou dans Le fait de cuyisine de Maître Chiquart167. En se fondant sur les évolutions du goût, il paraît possible de conclure que la présence du poivre dans les préparations du Livre de Physique est, au regard des réceptaires des xive et xve siècles, un signe d’archaïsme. On trouve en revanche dans l’utilisation du verjus un trait plus caractéristique des consommations françaises168 ; il apparaît ainsi comme élément acide d’une sorte de sauce qui se limite à l’adjonction de verjus à « i. pau de caniele » afin de préparer « tous oisiax volans169 », alors qu’il est plus répandu de lui préférer du vinaigre, voire du vin.
63Sans qualifier le propos d’Aldebrandin de Sienne de « cuisine diététique », il est certain que le praticien champenois se montre particulièrement attentif aux apprêts culinaires ; plus précisemment, il semble soucieux de faire correspondre le propos médical aux habitudes courantes de consommation, qu’il s’agisse d’un héritage italien ou d’observations liées à son installation dans l’Est de la France. Son attitude paraît unique au vu du reste de la production du xiiie siècle. Le Livre de Physique est donc non seulement un exemplaire quelque peu original en son genre dans l’univers diététique de cette époque, mais plus encore, il annonce les évolutions notables qui caractériseront une grande partie de la production occidentale de la première moitié du xive siècle.
Entre cuisine et diététique
64La place accordée à l’alimentation dans le Tractatus de conservatione sanitatis ne saurait nous étonner, puisque d’emblée l’auteur avait mis l’accent sur la vertu nutritive dont disposent tous les êtres vivants. Et c’est du point de vue de ceux qui consomment et non à partir des choses ingérées que Zambonino da Gazzo examine les aliments. Il opte en effet pour une articulation différente de celle choisie par Aldebrandin. Tous les aliments ne font pas l’objet d’une description longue et précise, quelques-uns sont énumérés rapidement, sans que leurs qualités soient données170. Car, à l’organisation par familles alimentaires, qui ne répond finalement qu’à une seule question (celle de la substancia cibi), est substituée une construction qui n’est plus seulement centrée sur l’aliment lui-même mais fait une large part à sa consommation :
Lorsqu’il faut conserver la santé, le mode d’alimentation varie beaucoup, en raison de la substance des aliments, du temps, de la qualité [des mets], de l’ordre [du repas], de la multiplicité ou de la pauvreté [des plats], et de l’habitude171.
65L’examen des différentes modalités de consommation conduit Zambonino à proposer à son lecteur quelques règles à observer pour la conservation de la santé172, dont le but pratique est évident173.
66À ces conseils, il ajoute un élément jusqu’alors rarement pris en considération dans les ouvrages diététiques occidentaux du xiiie siècle, si l’on excepte une rapide remarque dans le Libellus de conservatione sanitatis de Jean de Tolède, celui de la pré-transformation de l’aliment, avant son ingestion174. L’attention portée aux modes de cuisson, si elle n’est pas véritablement suivie dans le Tractatus de conseils culinaires, pourrait éventuellement être éclairée par un autre texte, consacré quant à lui à la cuisine, et dont Zambonino serait peut-être le traducteur.
67Ce traité, connu sous le titre latin de Liber de ferculis et condimentis, est la traduction d’un original arabe composé par Abū ‘Ali Yahyā ibn ‘Isa ibn Ǧazla (médecin de Bagdad, mort en 1100)175. Il semble n’en exister qu’un manuscrit conservé (B.n.F., lat. 9328), dont la datation suscite toujours quelques interrogations176, mais que Bruno Laurioux situe vers le troisième quart du xive siècle177. On peut se fonder sur l’ornementation et l’écriture ronde du manuscrit (il n’y a qu’une seule main dans tout le codex) pour proposer une origine italienne178 ; les initiales décorées à prolongements végétaux, aux dominantes de bleu, rouge, vieux rose et gris foncé ressemblent aux décorations des manuscrits de la fin du xiiie et du début du xive siècles venus d’Italie du Nord ou d’Italie centrale179.
68Ce témoin mentionne dans l’explicit, comme auteur de la traduction, le nom d’un « Jamboninus », originaire de Crémone et qualifié de « maître » ce qui pourrait traduire une appartenance universitaire180 :
Explicit du Liber de ferculis et condimentis, extrait du livre de Gege, fils d’Algazaelis, intitulé Des aliments et médecines simples et composées, traduit de l’arabe en latin à Venise par maître Jamboninus de Crémone181.
69La traduction aurait été effectuée à Venise, ville dont un certain Zambonino devint citoyen le 19 février 1271, et qui abrita d’autres entreprises du même type dans la seconde moitié du xiiie siècle. C’est dans la cité des doges par exemple qu’en 1280, sous le gouvernement de Giovanni Dandolo, Jean de Capoue, aidé par le juif Jacob, traduisit le Liber Theysir d’Avenzoar. Dès 1285, le juif Tobia Bonacosa proposait une version latine du Colliget d’Averroès à Padoue. Les traductions ne furent toutefois pas le fait d’un groupe homogène de traducteurs, mais relevaient plutôt d’initiatives personnelles, associant parfois les talents respectifs d’un praticien et d’un juif, familier de la langue arabe. En l’absence de mention plus précise dans le manuscrit du Liber de ferculis et condimentis, il m’est impossible de déterminer les circonstances précises de cette traduction. Peut-être fut-elle postérieure à la composition du Tractatus. Zambonino a-t-il répondu à une attente, celle manifestée par une Vénétie largement ouverte à la culture écrite arabe, a-t-il voulu mettre à disposition d’un public lettré une œuvre nouvelle qui véhiculait certaines recettes dont le nom circulait déjà en Italie182 ? Ou plus simplement a-t-il perçu les raisons susceptibles de rapprocher le Liber de ferculis et condimentis de sa propre action médicale, voire du Tractatus de conservatione sanitatis ?
70Il est certain que l’environnement textuel du Liber de ferculis est influencé par la littérature médicale et plus particulièrement diététique du xive siècle183. Le traité lui-même se situe à mi-chemin entre réceptaire culinaire et pharmacopée. Il se rattache à la tradition des simples auxquels auraient été ajoutés des chapitres consacrés aux composés appelés fercula. Bruno Laurioux, pour le décrire, parle d’une « forme primitive » de réceptaire culinaire, voire d’ « une simple extension des recueils énumérant les vertus des aliments184 ». Le texte du Liber, dans le codex parisien, est toutefois lacunaire, puisque en dépit de quatre-vingt-trois chapitres annoncés, il ne comporte que cinquante recettes, plus ou moins organisées par ordre alphabétique. Il ne porte aucun titre et commence in medias res par une recette de sirop à base de dattes (iuleb de dactilis185), ce qui suggèrerait l’utilisation par le copiste d’un modèle lui-même lacunaire186. Bien que silencieux sur les apprêts culinaires dans le Tractatus, et bien que ne faisant jamais référence au Liber de ferculis et condimentis, Zambonino pourrait avoir conçu l’ouvrage diététique et sa traduction comme deux œuvres complémentaires, proposant d’un côté les règles de la conservation de la santé, de l’autre une sorte de cuisine diététique, plus proche de la médecine que de l’art culinaire, et assortie de préparations de pharmacologie.
71Le Livre de Physique et le Tractatus de conservatione sanitatis me semblent clore une période qui pourrait, dans le domaine de l’hygiène, être qualifiée de « période de tâtonnements » ou, plus largement, de prolégomènes à une écriture véritablement préventive et conservatoire. Le livre diététique, tel qu’il se présente au xiiie siècle, ne promeut que progressivement la matière diététique au rang d’élément fondamental d’un processus de conservation de la santé. L’héritage de la définition antique et arabe d’une diaeta intervenant non seulement dans un cadre conservatoire, mais aussi thérapeutique, a longtemps conduit certains de ces auteurs à ne privilégier aucun de ces deux champs d’application, et à tenter de les concilier en changeant d’objet d’étude, passant de l’homme en bonne santé au malade. Si la tentative s’avère achevée chez un Guillaume de Salicet, elle l’est moins chez un Jean de Tolède qui ne se préoccupe que de quelques affections ou plutôt de quelques gênes mineures. Avec Aldebrandin de Sienne et Zambonino da Gazzo, sur des terrains différents, un pas est franchi vers une littérature plus essentiellement conservatoire, encore largement ouverte à d’autres éléments liés à la connaissance du corps (grâce entre autres à la physiognomonie) chez Aldebrandin, et uniquement centrée sur les aspects non naturels chez Zambonino. Il y a là en germe le devenir du texte diététique de la première moitié du xive siècle.
72La structure formelle adoptée par les auteurs et la définition de l’objet diététique me semblent cependant indissociables d’une autre interrogation qui concerne la destination même de l’ouvrage. Si le genre épistolaire a été privilégié par certains auteurs, c’est non seulement en raison de sa brièveté qui autorisait une écriture concise et déchargée de tout propos spéculatif, mais aussi parce que les traités se vouaient à un public particulier, peu familier des choses médicales. Dans le cas des ouvrages qualifiés de regimina-practicae ou seulement conservatoires, la question du destinataire connu ou visé joue un rôle déterminant dans le choix d’un mode d’écriture mais aussi dans le processus d’autonomisation du livre diététique.
LES LECTEURS VISÉS
73Déterminer les destinataires des textes examinés ci-dessus est complexe. À l’exception du Livre de Physique adressé à Béatrice de Provence et de la Summa conservacionis et curationis, aucun de ces ouvrages ne comporte de dédicace. En outre, l’adresse ne constitue pas toujours un argument parfaitement assuré, comme nous avons pu le voir avec la mention de Frédéric II en ouverture et clausule du Regimen iter agentium vel peregrinantium. Si, à tout le moins, les ouvrages épistolaires caractérisaient une écriture de cour ou, du moins, inscrite dans les sphères du pouvoir (même dans le cas de la Summa de conservanda sanitate de Petrus Hispanus, bien que les circonstances de sa composition demeurent obscures), les différents traités préalablement abordés ne paraissent pas pouvoir être aussi univoquement caractérisés. Malgré les nombreuses méconnaissances qui entourent les carrières et plus largement la formation de certains de ces auteurs, il paraît sûr qu’ils bénéficièrent d’un enseignement universitaire (comme le souligne la maîtrise d’ouvrages fondamentaux dans le curriculum de la faculté de médecine) ; cependant l’inscription de leurs traités dans un milieu donné est plus difficile à déterminer et nécessite un examen détaillé des textes eux-mêmes. Chacun des quatre ouvrages examinés ci-dessus caractérise toutefois une démarche et vise peut-être un lectorat spécifique.
Comment définir le public ?
74Un certain nombre d’indices peuvent nous aider à tenter de cerner les lecteurs visés par ces traités ; le premier, affiché dès l’incipit du texte, est constitué par la dédicace, qui peut être authentique ou apocryphe. Les autres, moins évidents à la lecture, sont disséminés dans le texte. Il peut s’agir de tournures employées par l’auteur pour s’adresser à son public, d’indications physiologiques qui renvoient à un individu spécifique, ou plus largement de la formulation générale de l’ouvrage qui souligne une entreprise érudite ou au contraire vulgarisatrice.
Au commencement de che livre, si dirons pour coi il fu fais, et là où il fu prins, et quant il fu fais à le requeste le contesse de Prouvenche ki est mere le roine de France, le roine d’Engletiere, et le roine de Alemaigne, et la contesse d’Angou187.
75D’emblée, le prologue au Livre de Physique affiche ses ambitions et surtout le fait qu’il est destiné à l’entourage royal. La comtesse de Provence, mère de quatre reines, n’est autre que Béatrice de Savoie, épouse de Raymond-Bérenger V, l’année de composition du traité le confirme. Pourtant, Françoise Féry-Hue a bien montré que cette dédicace n’apparaissait que dans une famille de manuscrits qu’elle a qualifiée de rédaction A188 et qu’en réalité ce prologue avait été ajouté à l’introduction au Livre de Physique peu de temps après sa composition189. En effet, le titre de reine d’Allemagne qu’y porte la troisième fille de Béatrice de Savoie, Sancie, renvoie au moment où son époux, Richard de Cornouailles, frère du roi Henri III d’Angleterre, était roi des Romains. Cela permet de situer la rédaction de ce prologue entre l’année 1257 (date de son élection) et 1261, date de sa mort. Cet ajout postérieur rend également plausible la datation du Livre de Physique proposée dans introduction du texte190.
76Si la dédicataire éminente du prologue ne fut sans doute pas la destinataire originelle du livre, les autres noms qui figurent dans certains manuscrits de l’ouvrage (notamment une « reine Blanche » et un certain « Benoît de Florenche » sans oublier le copiste qui faisait du Livre de Physique la traduction d’un original grec destiné à l’empereur Frédéric II)191, sont eux aussi erronés. L’adresse est donc apocryphe et demeure donc non résolue la question du destinataire de l’œuvre. Tout au plus peut-on imaginer que, pour promouvoir un traité déjà rédigé, le Champenois d’adoption ait pu susciter un patronage illustre en adressant un exemplaire de son livre à la comtesse de Provence.
77Outre l’ouvrage d’Aldebrandin de Sienne, seule la Summa conservationis et curationis fait apparaître la mention d’un dédicataire : le livre est en l’occurrence adressé au fils de l’auteur, prénommé Leonardo, que Guillaume voudrait entraîner dans la carrière médicale. Cependant, derrière l’adresse se profilent d’autres lecteurs potentiels dont le rôle s’avère fondamental dans le processus d’écriture, puisqu’ils sont présentés comme les promoteurs du traité192. Il s’agit de Ruffinus, prieur du monastère Saint-Ambroise de Plaisance et des socii, terme par lequel il faudrait peut-être entendre non pas les moines mais plutôt le personnel, composé de clercs et de laïcs, qui travaillait à l’hôpital attenant au monastère193. D’après Luigi Mensi et Tinerazio Zucconi, Guillaume de Salicet y aurait été employé lorsqu’il était jeune194. Mais, au-delà des destinataires nommément mentionnés, le médecin de Plaisance envisage d’autres lecteurs potentiels, ces posteriores dans lesquels il faut voir les jeunes générations de médecins. D’ailleurs, pour renforcer cette destination, Guillaume place sur un même plan les prenominati (le prieur et les socii d’un côté, son fils de l’autre), et l’utilité qui est l’une des fins (et sans doute la première) visée par l’auteur. Cette utilité trouve sa concrétisation dans la destination du livre à un public de (futurs) spécialistes.
78En l’absence de dédicace, d’autres indices du public visé peuvent être fournis par le contenu ou les formulations employées dans les ouvrages. Jean de Tolède mentionne sous une forme détournée un destinataire, auquel il s’adresse en utilisant la seconde personne du singulier. Il ne semble pas véritablement s’agir d’un lecteur générique car certaines expressions renvoient à la notion de choix195 et même à des pratiques de luxe, qui signalent un personnage important dont le mode de vie est ouvert aux plaisirs des sens et plus particulièrement à ceux du palais. Ainsi, la variété de viandes conseillées est accompagnée de sauces que le lecteur du Libellus fait préparer en cuisine196.
79S’il n’est pas vraiment possible de mieux déterminer ce destinataire, il est en revanche facile d’écarter la proposition de L. Élaut qui parlait d’un vade-mecum pour moines, puisque rien ne vient confirmer cette hypothèse et qu’au contraire tout semble l’écarter. Bien qu’appartenant lui-même à l’ordre bénédictin, Jean de Tolède ne mentionne jamais aucune règle alimentaire monastique ; il n’évoque pas plus la question du Carême, préférant parler du plaisir de manger des poissons, plutôt que de l’obligation du jeûne. Le Libellus de conservatione sanitatis est donc plus probablement adressé à un personnage d’importance. S’il ne s’agit pas du pape Innocent IV – il n’en est question que dans un seul manuscrit, ce qui n’autorise pas à en faire le véritable destinataire de l’ouvrage197 – il est possible d’envisager un prélat de la Curie, dont le texte évoque certaines caractéristiques physiologiques. Il semble en effet souffrir fréquemment d’excès d’humeurs et notamment en hiver d’un surplus de flegme198.
80Derrière ce premier destinataire, se cache parfois un second lecteur, qui n’est plus désigné par la seconde personne du singulier, mais sous la forme d’un collectif : « nous ». À ce second interlocuteur n’est plus attachée la notion de plaisir, mais le concept de savoir199. S’agit-il d’un autre lecteur ou simplement d’un tour rhétorique destiné à varier les formulations et à convoquer sciemment des confrères ? Peut-être est-il possible d’envisager un destinataire qui soit à la fois patient et médecin, voire un praticien qui évoluerait dans le même milieu que celui de Jean de Tolède ? Le passage du « tu » au « nous » s’effectue parfois sans aucune transition, au sein d’une même phrase :
Ne mange donc aucun fruit, si ce n’est à des fins médicales, car tous les fruits génèrent une humeur presque mauvaise, prête à la putréfaction et à la corruption, et ils sont matière à fièvre et si nous en donnons aux fièvreux, c’est par nécessité contingente ; ils nourrissent d’une certaine façon et altèrent et c’est pourquoi, ils peuvent être consommés en médecine200.
81Ce type de formulation renvoie nettement à la volonté d’instruire son lecteur sur les pratiques médicales du praticien, même lorsqu’elles peuvent paraître quelque peu illogiques. L’information donnée par Jean de Tolède recouvre en outre, non seulement les prescriptions alimentaires, mais aussi les techniques thérapeutiques comme le de repercussivis201.
82L’usage des deux pronoms personnels ne suit pas toujours une logique bien définie, quoique, dans l’ensemble, le pluriel soit essentiellement employé dans les chapitres techniques consacrés à des actes médicaux202, comme l’ablation des abcès, par exemple. Dans les derniers passages de la version longue, les pronoms personnels ont tendance à s’effacer au profit de formulations plus impersonnelles. Ces conseils sont plus vraisemblablement destinés à un confrère, qui connaît déjà les fondements de la science médicale. Ainsi Jean de Tolède demeure allusif sur la préparation d’un clystère, puisque les modalités de composition sont connues des spécialistes203. Ailleurs, lorsqu’il s’agit de soigner les empoisonnements par la préparation d’une thériaque, par le recours à la saignée ou par l’extraction d’un venin qui nécessite de savoir localiser la veine hépatique, ce sont les gestes du praticien, et non ceux d’un malade qui se soignerait tout seul, qui sont énoncés204.
Les finalités recherchées
83Au-delà des informations ponctuelles que peuvent livrer les dédicaces ou les formulations grammaticales, il semble que les quatre traités dont il a été question jusqu’à présent s’adressent à deux types de public : d’un côté, des néophytes, de l’autre des praticiens, ou du moins des étudiants qui se destinent à le devenir.
84Des néophytes, nous savons peu de choses. Qu’il s’agisse d’aristocrates, c’est certain. Que la dédicace à Béatrice de Savoie ait servi à mieux diffuser le Livre de Physique et que celle-ci ait peut-être été, dans un second temps, destinataire du traité, est possible. Mais, s’il est manifeste que le Libellus de conservatione sanitatis s’adresse à une personne spécifique, c’est moins évident pour l’ouvrage d’Aldebrandin ou pour celui de Zambonino. L’examen de toutes les complexions possibles, de tous les âges et des deux sexes, permet aux auteurs d’élargir au maximum le champ de leur investigation et de proposer l’ouvrage le plus généraliste possible, censé pouvoir s’adresser aussi bien à un homme qu’à une femme, à un adolescent qu’à un vieillard, et peut-être aussi à un riche ou à un travailleur manuel205, quoiqu’il y ait dans les faits bien peu de chance que le livre parvienne à ce dernier.
85Les cas du Libellus et du Tractatus de conservatione sanitatis sont plus complexes, car il semble difficile d’y déterminer véritablement le type de destinataire visé par ces ouvrages. Comme cela a déjà été mentionné, Jean de Tolède glisse parfois quelques informations sur la complexion de son lecteur, nous conduisant donc vers la piste d’un individu précis, envisagé au moment de la rédaction. Il paraît donc sûr que l’ouvrage sert avant tout de manuel destiné à un usage personnel afin de conserver la santé sans avoir nécessairement recours à un médecin. En divulguant des règles à suivre sur un ton parfois péremptoire souligné par le verbe « devoir206 », l’auteur instruit son lecteur des règles rudimentaires d’une hygiène préventive, assortie de connaissances médicales fondamentales. Plus encore, il lui permet de savoir quand il devient nécessaire de faire appel à un praticien ou du moins de recourir à des préparations médicales qu’il pourra trouver chez un apothicaire207. Mais que ce destinataire spécifique soit quelque peu versé dans l’ars medica, c’est ce que la partie plus thérapeutique laisse envisager. À un lecteur sans réelle connaissance médicale qui serait capable d’appliquer sans difficulté les principes préventifs diffusés dans la première partie du Libellus de conservatione sanitatis, se substitue un second destinataire qui est informé de conseils à caractère plus technique. Qu’il s’agisse d’une seule et même personne, l’état actuel des connaissances sur le Libellus ne permet ni de le confirmer, ni de l’infirmer. Cependant, la structure et la tonalité générale du Libellus permettent d’envisager que Jean de Tolède ait composé un ouvrage qui suive une double visée, thérapeutique et préventive ; cela lui permettait ainsi d’élargir son lectorat à des praticiens soucieux de maîtriser à la fois les procédés techniques de prévention (la saignée et les ventouses par exemple), ou certaines thérapies pour des affections mineures, et d’être capables également de délivrer une diète conservatoire.
86Le Tractatus de conservatione sanitatis soulève quant à lui un certain nombre de difficultés. Outre l’absence de dédicace, l’emploi de formulations impersonnelles ou, au contraire, l’utilisation des « choses non naturelles » comme sujet grammatical des phrases confirment l’absence d’un destinataire spécifique. Plus encore, l’auteur, comme je l’ai mentionné précédemment, s’efforce d’examiner toutes les complexions, les colériques qui doivent consommer des aliments refroidissants, les sanguins de même, alors qu’aux flegmatiques conviennent des nourritures réchauffantes mais peu nutritives208. Plus loin, il est également question de ceux qui ont des difficultés respiratoires, des femmes, de ceux qui désirent grossir ou encore de ceux qui habitent des régions chaudes209, mais aussi de ceux qui vivent dans des camps militaires. De fait, prime dans cet ouvrage la volonté généraliste, ce qui ne me permet pas de conclure à une écriture qui se destinerait à des confrères ; elle pourrait conduire à penser que ce traité servait de vade-mecum personnel ou familial, répondant à diverses questions de la vie quotidienne, mais aussi à des problèmes moins courants que se posent ceux qui sont conduits à vivre des situations exceptionnelles210. Que faire lorsqu’on a trop bu ? Quel régime suivre pendant les voyages ? Comment choisir sa maison ? Les conseils s’organisent selon une série de règles, parfois numérotées, ou suivent le déroulement normal des événements. Dans le cas du voyage, par exemple, Zambonino examine tour à tour la période choisie pour le déplacement211, les préparatifs corporels (se purger avant le départ)212, le moyen de locomotion retenu et son rapport avec l’alimentation213 (ne pas consommer de nourritures liquides, par exemple), les vêtements, l’activité sexuelle qu’il faut réprimer pendant cette période214 ou encore l’arrivée à l’auberge215. Dans leur ensemble, les conseils sont véritablement d’ordre diététique, et très rares sont les mentions de préparations pharmacologiques. Au mieux, peut-on lire, dans les cas de pestilence, une note relative à une prescription d’aloès préparée avec du vin comme remède. Peu nombreuses également les citations d’autorités ou encore les explications trop longues des règles, ce qui incite à opter pour un ouvrage plutôt destiné à un public non spécialisé (qui répondrait non seulement à des problèmes d’ordre domestique, mais aussi à des situations exceptionnelles), qu’à des confrères, sans qu’aucun argument définitif ne permette toutefois de le conclure avec certitude.
87Avec la Summa conservacionis et curationis, le doute n’est pas permis et c’est à ces derniers lecteurs, praticiens ou étudiants, que le médecin de Plaisance s’adresse assurément. Au-delà de la dédicace ponctuelle à son fils et au personnel de l’hôpital de Saint-Ambroise, Guillaume de Salicet envisage de faire une œuvre utile pour tous les professionnels présents et à venir de l’ars medica, en transmettant les fruits de son savoir et de son expérience personnelle, après une longue vie vouée à l’exercice de la médecine. Comme dans le cadre des écoles et plus encore de l’université où cette pratique de la transmission s’institutionnalise, l’exercice quotidien des soins passe par le recours à l’écriture. Le livre, tel que Guillaume de Salicet le conçoit, n’est pas seulement le lieu de diffusion d’une pensée théorique, voire pratique ; il permet aussi l’expression d’une déontologie ou plus simplement d’une éthique médicale, que l’auteur envisage comme le préalable nécessaire à tout exercice de la médecine. Dans une sorte de préambule, Guillaume explique ainsi les relations qu’il convient d’entretenir avec le malade, avec son entourage, afin de mieux connaître ses habitudes, sa physiologie216, et par là même de mieux diagnostiquer l’affection dont il souffre. La relation praticien-malade est particulièrement étoffée, au regard sans doute d’une longue expérience acquise en partie dans les hôpitaux. L’espoir, le rôle rassurant du médecin sont ainsi particulièrement mis en exergue pour leurs effets sur le malade. Ces règles pratiques viennent donc compléter l’enseignement universitaire, sans lequel nul ne peut se proclamer médecin217. L’affirmation d’une nécessaire formation universitaire auprès de professeurs que Guillaume qualifie de priores ou de meliores rend compte bien sûr, à cette époque d’essor universitaire, des conflits qui opposent les praticiens professionnels à ceux qu’on qualifie de charlatans.
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE
88Les sept ouvrages que l’on a conservés du xiiie siècle – ou du moins que la tradition, souvent médiévale, attribua à des auteurs de cette époque – constituent les prémices d’une littérature diététique dont la place n’est pas encore très affirmée au sein de l’ensemble de la production médicale. Elle se caractérise encore par une certaine hétérogénéité des formes et des structures, et subit aussi l’influence de divers modèles, certains issus de l’univers universitaire, d’autres de la littérature de vulgarisation (dont le sujet ne se limite pas seulement à l’ars medica). Si la conservation de la santé devient un objet de réflexion et d’écriture, elle n’apparaît pas encore comme un discours parfaitement individualisé et se trouve souvent mêlée à des prescriptions d’ordre thérapeutique, soulignant, dans certains cas, l’assujettissement de la prévention à la thérapie. Cependant, le processus est en marche d’une autonomisation de l’écriture diététique dont le Tractatus de conservatione sanitatis est l’un des exemples les plus précoces, si l’on excepte les traités qualifiés d’ « épistolaires » qui se rapportent essentiellement à un modèle particulier.
89L’autonomisation de l’ars diaetae d’un point de vue à la fois épistémologique et littéraire ne peut être séparé de l’étude de la réception et de la diffusion de cette littérature, où se manifeste l’attente d’un double public : le premier, soucieux de disposer de règles de conservation de la santé qui ne nécessitent point le recours permanent à un médecin, le second décidé à répondre à l’attente du premier. Le premier lectorat se limite en fait au monde des puissants. S’ils bénéficient déjà dans leur entourage de la présence de praticiens et de leurs prescriptions, ils se montrent cependant désireux de mieux maîtriser leur santé personnelle grâce à des vademecum faciles à comprendre, dont le caractère pratique voire vulgarisateur est parfois accentué par l’utilisation de la langue vernaculaire. Le second public représenterait plutôt un groupe de médecins, aux contours plus difficiles à définir, mais qui sont sans doute déjà formés ou en cours de formation universitaire. Qu’ils cherchent à disposer pour leur pratique de « bréviaires » diététiques atteste également la nouvelle place prise par la diététique et, plus largement, par les concepts de prévention et de conservation au sein de l’ars medica.
Notes de bas de page
1 Il sera suivi quelques décennies plus tard, en 1286, par le traité en vers d’un certain Thomas de Thonon (dit aussi le Bourguignon), composé pour les religieuses de Saint-Martin de Maubuisson. Pour une étude et une édition de ce texte, voir A. Collet, « Traité d’hygiène de Thomas le Bourguignon (1296) », Romania, 112 (1991), p. 450-487. Notons qu’il existe outre des traductions italiennes de ce texte, deux manuscrits au moins qui en proposent une version latine, manifestement produite depuis l’original français. Cf. S. Bisson, « Le témoin génant. Une version latine du régime du corps d’Aldebrandin de Sienne », Médiévales, 42 (2002), p. 117-130.
2 Le Libellus de conservatione sanitatis est attribué dans la plupart des manuscrits au cardinal de Porto Jean de Tolède, appelé également le Cardinal Blanc, qui meurt lors du concile de Lyon en 1275. Voir la notice qui lui est consacrée dans l’annexe 1, p. 709-710.
3 Voir annexe 1, p. 707.
4 Ce concept apparaît à plusieurs reprises en revanche dans le traité. Dans certains manuscrits, il est utilisé par erreur comme titre du premier chapitre (qui ailleurs est introduit par un de exercitio temperato, plus conforme au contenu). On le retrouve aussi synonyme de mode de vie en santé : Debemus autem scire secundum auctores medicine quod in regimine sanitatis viventibus splendide et quiete exercicium temperatum sive equale cibum debet preocupare... (Cambridge, Gonv. & Caius Coll., ms 95, f. 283r).
5 Ce titre apparaît dans le manuscrit de la B.n.F., n.a.lat. 543, plus problablement datable des années 1320-1330. Je remercie Danielle Jacquart de son aide pour la datation de ce témoin. Le même titre est utilisé dans le manuscrit de la B.n.F, lat. 16222 et dans le ms 95 de Gonville & Caius College.
6 Voici certains passages de cette introduction : Quicumque vult continuam custodire sanitatem stomachum custodiat, ne cum sibi cibus sit necessarius eum prohibeat, neque plus sibi det quam digerere valeat. Quod de potu etiam est intelligendum. Quesitum fuit a Galieno quare tam parum manducaret [...]. Item quesitum fuit a Galieno : « que est perfecta medicina ? » Respondit quod abstinentia [...]. Antiqui vero preceperunt parum comedere [...]. Si enim comedas hoc quod calor naturalis nequeat digerere, fastidium generat... (Cambridge, Gonv. & Caius Coll., ms 95, f. 283r).
7 Rappelons que dans la théorie médicale médiévale, les fièvres ne sont pas considérées comme des symptômes mais comme des maladies à part entière.
8 La Summa conservationis et curationis n’est pas sans rappeler non plus un autre ouvrage arabe, le Liber Theysir composé par le médecin andalou Ibn Zuhr, connu des Latins sous le nom d’Avenzoar (1092-1162). Son œuvre qui ne fut traduite qu’au xiiie siècle par Jean de Capoue associé au juif Jacob ben Makhir (Profacius Judeus) rappelle la Summa par sa structure, où coexistent de façon déséquilibrée un chapitre introductif consacré à la santé et à sa conservation, et le reste du traité voué aux particularia ou traitements des maladies. Sur Avenzoar, voir G. Colin, Avenzoar, sa vie et ses œuvres, Paris, 1911 (Publications de la Faculté des Lettres d’Alger. Bulletin de correspondance africaine, 44) ; S. Harmarneh, « Ibn Zuhr, Abū Marwān ῾abd al-Malik ibn Abi’l-’Alā’ », dans D.S.B., vol. 14, p. 637-639.
9 Nec miretur aliquis si de hiis qui pertinent ad operationem manualem nihil in hoc opere tangetur, iam excusatus sum de hoc. Feci enim alium librum in quo de his que pertinent ad manualem operationem seu cirurgiam secundum meam possibilitatem complete determinavi (Summa conservationis et curationis, Venise, 1490, f. a 2ra).
10 Ce terme de magister serait l’indice d’un enseignement privé dans des écoles selon J. Agrimi et C. Crisciani (« The Science and Practice of Medicine in the Thirteenth Century according to Guglielmo da Saliceto, Italian Surgeon », dans Practical Medicine from Salerno to the Black Death, éd. par L. García Balles-ter, R. French, J. Arrizabalaga et A. Cunningham, Cambridge, 1994, p. 60-87). Sur Guillaume de Salicet, voir M. Sarti et M. Fattorini, « De claris Archigymnasii Bononiensis professoribus a saeculo xi usque ad saeculum xiv », vol. 1, Bologne, 1888-1896, p. 553-554. E. Pasquali, « Guglielmo da Saliceto », dans Strenna piacentina dell’anno XVIII, 1940, p. 60 et suiv. T. Zucconi, « Guglielmo da Saliceto e il progresso della medicina », dans Storia di Piacenza, vol. 2 : Dal vescovo conte alla signoria (996-1313), éd. P. Castignoli et alii, Plaisance, 1984, p. 401-450.
11 Il n’y a pas de véritable preuve de cet enseignement, contrairement à ce qu’affirme T. Zucconi (« Guglielmo da Saliceto e il progresso... », art. cit., p. 410). Cf. A. Boreri, Guglielmo da Saliceto. Studi storico-critico, Plaisance, 1938, p. 12 ; G. Caturegli, « L’anatomia di Guglielmo da Saliceto », Pise, 1969 (Scientia Veterum, 136). M. Tabanelli, La chirurgia italiana nell’alto medioevo, vol. 2, Florence, 1965, p. 501.
12 L’ouvrage est le fruit de sa longue expérience de praticien au service des cités (comme maître d’école), des nobles mais aussi des pauvres et des prisonniers des villes d’Italie du Nord. On trouve sa trace aussi bien à Plaisance, sa ville natale, qu’à Milan, Crémone, Pavie, Bologne ou Vérone. Il a également soigné des personnalités politiques de premier plan comme Oberto Pelavicino, podestat de nombreuses villes d’Italie du Nord et représentant de l’empereur Frédéric II, ou les Advocatis de Crémone.
13 … ut per hoc omnium infirmitatum curatio evidentior et manifestior appareat et videatur (Guillaume de Salicet, Summa conservationis... cit., f. a.2ra).
14 In conservatione sanitatis duo principalia requiruntur, scilicet conveniens ordo rerum necessariarum ut corpus in debita dispositione secundum successionem etatis remaneat et aliud est providere secundum signa apparentia super futuram infirmitatem ne eveniat aut absque forti eveniat lesione (ibid., f. a 5vb).
15 Avicenne propose en effet dans le livre I, fen III, doctrine 1 à 3 une succession de chapitres organisés selon les âges de la vie : de regimine infantis ex quo nascitur usque incipit ambulare / de regimine ablactationis et ablationis mamille / de egritudinibus qui accidunt infantibus / de regimine infantium cum perveniunt ad pueritiam (doctrina 1) ; de regimine comestionis / de regimine aque et vini / de regimine corporum quorum complexiones non sunt bone (doctrina 2) ; la doctrina 3 s’intitule de regimine senum et est constituée de trois chapitres : sermo universalis in regimine senum / de comestione senum / de potu senum.
16 Videns hoc et considerans quod principium et causa omnium rerum ex parte sciendi erat anima rationalis, ut scriptum est, disposui in mente id quod reclusum erat in anima, et acquisitum longo tempore per usum rationalem in operatione medicinali in scriptis reducere (Guillaume de Salicet, Summa conservationis... cit., f. a 2ra).
17 Jole Agrimi et Chiara Crisciani déclarent que « the account of what the Ancients wrote, the narratio antiquorum, described by Guglielmo as one of the three ways towards the establishment and growth of medical knowledge, is placed on the same level as the other two, which are ratio and experientia » (J. Agrimi et C. Crisciani, « The Science and Practice of Medicine... », art. cit., p. 81). Pour l’étude d’un autre auteur pour lequel l’observation et les exempla sont d’une grande valeur dans l’établissement d’une doctrine, voir C. Crisciani, « Historia ed exempla : storia e storie in alcuni testi di Michele Savonarola », dans Il Principe e la storia. Atti del convegno Scandiano 18-0 settembre 2003, éd. T. Matarrese et C. Montagnani, Novare, 2005 (Studi Boiardeschi, 4), p. 53-68.
18 Par exemple : et recordor quod pater meus bone memorie mihi dixit... (Liber Theysir, Venise, 1530, f. 2va.K).
19 Pour ne donner que quelques exemples des formulations employées par le médecin de Séville : Convenerunt medici quod exercitium temperatum sive fiat pedibus sive equo adiuvat in conservatione sanitatis, dummodo tempus non excedat in calore. [...] Certum est et approbatum quod comedere capita leporum, quando inveniri possunt, confert tremori membrorum. Et iam experientia novi quod iuvant valde prevationi motuum membrorum, et ipsorum sensus, et hoc aliqui ex antiquis minime sunt memorati. Dixerunt medici quod bibere cum vasis factis ex ligno tamarisci conservat ab egritudine splenis et ab aliis accidentibus malis spleni supervenientibus. Et iterum experientia novi, quod bibere decoctionem masticis preservat ab egritudine stomachi et epatis (ibid., ff. 2rb.G, 2va.K).
20 G. super amphorismo ii. particule qui dicit ubi indigentia non oportet laborare. Dicit enim ibi quod cibus preoccupat exercitium et motum ne cito corpus dissolvatur et debilitetur qui motus si fuerit stomaco vacuo in homine debili secundum quod ibi monstrat esset malus et inutilis et hoc potest per experimentum probari. [...] Videmus aratores et laboratores terrarum et artificiales qui nullo modo ante comestionem longum laborem et fortem sustinere possunt et illum eundem laborem post comestionem satis melius et meliori modo sustinent et perficiunt atque manifeste quomodo motus debitus modis respectu corporis debet conservari qui motus ante comestionem debet esse talis et tantus quod calorem naturalem et spiritus excitet et confortet et nullomodo debilitatem inducat, sed potius naturam adiuvet ad expulsiones superfluitatum et hic est ille motus debitus fiat ante comestionem qui est sanitatis conservativus... (Guillaume de Salicet, Summa conservacionis...... cit., f. a 6ra).
21 Regiones habent naturas proprietates et usus. Sunt res extra rationem et in hoc experimentum vincit rationem (ibid., f. a 6va).
22 Bâle, Universitätsbibliothek, D. I. 18, ff. 15ra-97vb (xive s.) ; Cambridge, Trinity College, ms 1202 (O. III. 30), ff. 1r-131r (ca. 1376) ; Cracovie, Biblioteki Jagiellonskiej, ms Cod. 786, ff. 181r-231r (ca. 1460) ; Erfurt, Wissenschaftliche Allgemeinbibliothek, F 240, ff. 1r-182r (xive s.), F 242, ff. 1r-111. (xive s.), F 274, ff. 16r-370r (1434) ; Madrid, Biblioteca Nacional, ms 2923, ff. 1r-338v (xve s.) ; Naples, Biblioteca nazionale Vittorio Emanuele III, ms. VIII D 24, ff. 4ra-206vb (xve s.) et ms. VIII D 32, ff. 9ra-241vb (xve s.) ; Paris, Bibliothèque Mazarine, ms 3600, ff. 1r-243 (xve s.) ; Saint-Quentin, Bibliothèque municipale, ms 106, ff. 1-255 (xve s.) ; Vienne, Österreiche Nationalbibliothek, Cvp. 5289, ff. 22r-283vb (xve s.). Cf. Th.-K., 499 et inventaire 1 no 4, 47, 99, 109, 110, 112, 212, 272, 273, 309, 366 et 402.
23 Salus corporis constitit in conservatione sanitatis... (Paris, B.n.F., lat. 16246, ff. 192r-200r (1481) ; Saint-Mihiel, Bibliothèque municipale, ms 50 (xve s.). Cf. Th.-K., 1165 et inventaire 1 no 337 et 365.
24 Le traité fut édité à Utrecht vers 1472, puis à Cologne en 1500. J’ai pour ma part consulté l’édition d’Utrecht intitulée Tractatus de salute corporis (cf. M. E. Kronenberg, Campbell’s Annales de la Typographie néerlandaise au xve siècle. Contributions to a new Edition, La Haye, 1956, no 1493) et une édition postérieure, datée de 1535 : Tractatus de regimine sanitatis editus per insignem virum dominum P. de Tuxigano, faite à Paris, ex officina C. Wecheli.
25 Notons qu’elles n’apparaissent pas dans l’édition de 1535 mais sont mentionnées dans le manuscrit de la B.n.F.
26 Scribit Ysaac in libro Viatici conservator sanitatis stomachum custodiat ne cum cibus sit ei necessarius ipsum prohibat... (Paris, B.n.F., lat. 16246, f. 192v). Ces préliminaires sur l’alimentation qui définissent d’après Galien ce qu’il faut entendre par abstinentia, c’est-à-dire, universalis et particularis, sont des emprunts au Libellus de conservatione sanitatis de Jean de Tolède.
27 .... immitando vestigia predecessorum meorum maxime vero preceptoris olim mei domini P[etri] de Tussignano (ibid., f. 192r).
28 À ne pas confondre avec Pietro da Toriggiano (ou Turisanus), élève de Taddeo Alderotti à Bologne, qui, d’après la chronique de Francesco Villani, aurait enseigné à Paris au tout début du xive siècle (cf. F. Villani, Le vite d’uomini ilustri fiorentini, Florence, 1847, p. 31-32, 102-103). Pietro da Torrigiano est surtout connu pour son commentaire à l’Ars medica de Galien. L’édition parisienne de la Summa conservationis et curationis de 1535 que j’ai consultée lui attribue le texte. Elle omet la partie du prologue relative à la dédicace à Alphonse, roi d’Aragon et de Sicile, et tait le nom de Guillaume de Salicet. Pour une notice biographique plus complète, consulter Wickersheimer, Dictionnaire, vol. 2, p. 770. Sur Pierre de Tossignano, voir G. Sarton, Introduction to the History of Science, vol. 3, Baltimore, 1948, p. 1681.
29 C’est ce que rappelle d’ailleurs « Guillaume de Salicet » ou plus exactement l’auteur du prologue : Scripsit (Petrus de Tussignano) enim tractatum de ea re optimum et pulcra sunt qui scribit atque utilia, sed generalia satis. Ego vero magis ad particulia descendam (B.n.F., lat. 16246, f. 192r). L. Thorndike et P. Kibre, dans leur catalogue, ne mentionnent qu’une édition de ce régime, sans évoquer un seul manuscrit (Th.-K., 1577).
30 Le texte de Guillaume de Salicet est copié dans un codex mixte, essentiellement composé de traités de grammaire et de commentaires d’œuvres littéraires. Même si l’on y déchiffre différentes mains, toutes contemporaines, celle du De salute corporis a également copié un traité De amore de Pie II.
31 Titulus sequentis tractatus ad inclitum Alfonsum Aragonie et Cicilie regem tractatus de salute corporis editus Bononie per insignum virum dictum Guillermum (sic) de Saliceto medicine doctorem famosissimum (« Tractatus de salute corporis », Utrecht, ca. 1472. L’édition n’est pas foliotée).
32 Idcirco ego Guillermus de Saliceto medicinalium doctorum studii Bononiensis minimus ad honorem Dei et zelum publice utilitatis instante quorum ymo iubente inclito Arragonum et Cicilie Rege tractatum de salute corpore breviter atque ut spero non inutiliter scribere... (B.n.F., lat. 16246, f. 192r).
33 Les rois d’Aragon ont des droits sur la couronne de Sicile depuis Pierre III qui a épousé en 1262 Constance, fille de Manfred. Jacques Ier devient ensuite, à la mort de son frère Alphonse, Jacques II d’Aragon de 1291 à 1327.
34 Cf. E. Jeauneau, « Berkeley, University of California, Bancroft Library, ms 2 », Mediaeval Studies, 50 (1988), p. 435-456. Compte rendu dans Scriptorium, 49 (1990), no 1, p. 45 et bulletin codicologique no 153. Voir C. Braswell, « The Medieval Allegorization to the Aenid, ms Cambridge », Traditio, 41 (1985), p. 181-237. Compte rendu dans Scriptorium 44 (1990), no 2, p. 126 et bulletin codicologique no 438.
35 Salus corporis potissime consistit in conservacione sanitatis. Conservatio autem sanitatis in debita commensuracione sex rerum innaturalium a quibus tota dependet sanitas... (B.n.F., lat. 16246, f. 192r). Tractatum de regimine sanitatis [...] iuxta ordinem sex rerum innaturalium, a quibus tota dependet sanitas (Pierre de Tossignano, Tractatus de regimine sanitatis, Paris, ex officina C. Wecheli, 1535. L’édition n’est pas foliotée).
36 B.n.F., lat. 16222, f. 76ra.
37 Le manuscrit parisien omet le passage en italique (f. 193r).
38 Guillaume de Salicet, Tractatus de salute corporis... cit.
39 Pierre de Tossignano, Tractatus de regimine sanitatis.
40 Lui aussi fait suivre le chapitre sur les saisons de deux particula curatives.
41 Ce témoin, que je n’ai pu examiner, est conservé à Copenhague (Kongelige Bibliothek, Gl. kgl. S. 3480). Il est daté du début du xvie siècle. Apparaissent en effet en plusieurs endroits les mentions de 1512, 1513 et 1514. Le texte de Pierre de Tossignano a toutefois été copié par une main plus tardive (ff. 180-187v). L’incipit et l’explicit ressemblent à celui donné par l’édition parisienne de 1535. Cf. P. O. Kristeller, « Iter Italicum », vol. 3, Londres-Leyde, 1983, p. 177a. E. Jørgensen, « Catalogus codicorum latinorum medii aevi Bibliothecae Regiae Hafniensis », Copenhague, 1926, p. 440-441.
42 Sur cette littérature médicale, K. Park, « Natural Particulars : Medical Epistemology Practice, and the Literature of Healing Springs », dans Natural Particulars. Nature and the Disciplines in Renaissance Europe, éd. A. Grafton et N. Siraisi, Cambridge, 1999, p. 347-367 ; M. Nicoud, « Les médecins italiens et le bain thermal à la fin du Moyen Âge », Médiévales, 43 (2002), p. 13-40.
43 Cf. Th.-K., 28, 72, 323, 577, 748, 1491, 1558, 198, 232, 439, 670-671, 723, 725, 770, 886...
44 Bergame, Biblioteca Civica A. Mai, MA 593 ; Berlin, Deutsche Staatsbibliothek, Lat. Fol. 115, Lat. Fol. 521, Theol. Lat. Qu. 286 ; Besançon, Bibliothèque municipale, ms 209, Cambridge, Gonville & Caius Coll., ms 95 ; Chartres, Bibliothèque municipale, ms 1036 ; Cité du Vatican, B.A.V., Borghes. lat. 247, Pal. lat. 1224, Pal. lat. 1245, Pal. lat. 1321, Vat. lat. 939 ; Darmstadt, Hochschulbibliothek, ms 272 ; Erfurt, Wissenschaftliche Bibliothek der Stadt, ms Amplon. F 288, ms Amplon. Q 193, Florence, Biblioteca Riccardiana, ms 1246 ; Gdansk, Bibliotheka Polskiej Akad. Nauk, ms Mar. Q. 47 ; Leyde, Bibliothek der Rijksuniversiteit, ms Voss. Chym. Q. 31 ; Londres, B.L., Arundel 334, Sloane 405, Sloane 418, Sloane 3149 ; Wellcome Library, ms 504 et ms 550 ; Madrid, Biblioteca della Universitad Complutense, ms 115 (117-Z-5) ; Melk, Stiftsbibliothek, ms 326 ; Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Clm 480 ; Namur, Bibliothèque municipale, ms 50 ; Oxford, Bodleian Library, Rawlinson D. 238 ; Pembroke College, ms 21 ; Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, ms 873 ; B.n.F., lat. 6978, lat. 7198, lat. 16222, n.a.lat. 543, n.a.lat. 3144 ; Prague, Archiv Prazskeho hr., ms N 38 ; Semur, Bibliothèque municipale, ms 118 ; Tarragone, Biblioteca Provincial, ms 44 ; Tolède, Biblioteca del Cabildo, ms 94-19 ; Wolfenbüttel, Herzog August Landesbibliothek, 912 Helsmt.
45 La première édition est l’œuvre de J. Pagel (« Eine bisher unveröffentlichte mittelalterliche Diätetik », Pharmazeutische Post, 34 [1907], p. 591-593, 603-605, 615-618). Elle repose sur deux manuscrits de la Deutsche Staatsbibliothek de Berlin, le Lat. Fol. 115 du xive siècle et le Lat. Fol. 521 daté du xve. La seconde édition, plus récente, ne s’appuie que sur le manuscrit 50 de la Bibliothèque municipale de Namur. Le colophon porte la date de 1444 (f. 179r). Cf. L. Élaut, « The Welcourt Manuscript : a Hygienic Vade-Mecum for Monks », Osiris, 13 (1958), p. 184-209.
46 Voir respectivement dans l’inventaire 1 les no 315, 336, 248, 15, 166, 183 et 76.
47 Copié aux folios 135rb à 138va, le Libellus de conservatione sanitatis suit un autre texte diététique intitulé De regimine sanitatis que le copiste attribue à un même auteur demeuré anonyme. L’explicit du régime annonce en effet : explicit unus tractatus in regimine sanitatis. Incipit aliud de eodem secundum predictum auctorem. Scribitur in Viatico... Le premier débutait par : Ut testatur philosophus... L. Thorndike et P. Kibre signalent sous un incipit similaire les Glose super Tegni Galieni de Johannes Anglicus, d’après un manuscrit d’Erfurt (Wissenschaftliche Allgemeinbibliothek, Q. 181 daté des xiiie-xive siècles). Cf. Th.-K., 1625.
48 L’explicit le plus représenté pour cette famille est... cum vino decoctionis gentiane et baccarum lauri et hoc sufficiant (ou sufficiat) de predictis.
49 L’explicit généralement donné pour cette version est :... sicut dictum est superius et hec ex balneis sufficiant.
50 La version qui est proposée du texte de Jean de Tolède (ici anonyme) est assez bouleversée par rapport au texte original. Ainsi dans le chapitre intitulé de piscibus et potagio eorum, les poissons disparaissent au seul profit du potagium. Au lieu de la leçon, quando vero pisces comedere vobis placuerit, potagium vestrum sit de oleribus, on peut lire : potagium modo gallicarum paratum cum speciebus calidis... (f. 26v). Pour l’ensemble de ces manuscrits, voir inventaire 1, respectivement les no 319, 339, 343, 299, 197 et 210.
51 Deutsche Staatsbibliothek, Lat. Fol. 115 (xive-xve s.) et Theol. Lat. Qu. 286 (xve s.). Cf. inventaire 1 no 21 et 26.
52 L’explicit est :... fricetur totum corpus in balneo cum illis et moretur ibi sicut dictum est superius. Et hoc de balneo sufficiant.
53 B.n.F., n.a.lat. 543, f. 14vb.
54 Et totum corpus ut confortetur digestiva in stomaco et de omnibus membris et ante cibum et post cibum. Explicit. Telle est la clausule du Vat. lat. 939, f. 278r. Voir inventaire 1 no 83.
55 Salomon virorum sapientissimus nos instruit dicens... (Cité du Vatican, B.A.V., Pal. lat. 1245, f. 27v). Voir inventaire no 69.
56 … in istis et poni super locum (B.A.V., Pal. lat. 1245, f. 31v).
57 Le chapitre commence par une phrase de portée générale qui concerne plutôt la digestion : Caveat homo a grossis et vaporosis cibis et eis quorum non fit bona et lenis digestio... (L. Élaut, « The Welcourt Manuscript... », art. cit., p. 200).
58 Ainsi, peut-on lire dans ce passage : exercitet se ante cibum, post cibum vero quiescat vel lento passu aliquantulum ambulet (ibid.). Cette remarque rappelle la notice sur le De causis egritudinis : item sicut oportet quod motus qui est ante comestionem sit mollis et suavis [...] ; unde post comestionem non debet homo sedere sed ire et redire per domum suaviter et molliter... (ibid., p. 190).
59 L’auteur déconseille de consommer des légumes, le fromage, les viandes sèches et en sauces, les herbes crues et les poissons sans aucune distinction, contrairement à ce qui apparaissait dans le chapitre qui leur était précédemment consacré (ibid.).
60 Ainsi plures homines abhorrent in anterioribus partibus ventosas apponere ; reperiunt enim in hoc significantiam et intellectum impediri. Ou encore il est question de l’effet des ventouses sur les corporibus grossum sanguinem habentibus (ibid., p. 201).
61 Primum vero consilium, ut provocetur coitus cum aqua tepida et oleo, et fiat clistere laxativum secundum quod communiter fit. [...] In quarto autem die consilium est ut partibus convenientibus extrahatur... Dans le chapitre intitulé De morsu canis rabidi, le terme apparaît à deux reprises : Primum consilium est... Unde consilium est (ibid., p. 203-204).
62 J. Agrimi et C. Crisciani, Les « consilia » médicaux, Turnhout, 1993 (Typologie des Sources du Moyen Âge occidental, fasc. 69). Voir notamment les premières pages consacrées à l’utilisation médicale du mot consulere.
63 La date et l’origine du manuscrit ont été proposées par M.-T. Gousset, du Cabinet des Manuscrits de la Bibliothèque nationale de France, que je remercie chaleureusement. Les décorations filigranées de certaines lettres, accompagnées de petits points, sont des types d’ornementation qui apparaissent à la fin du xiiie siècle et se systématisent vers 1320 à Paris.
64 Éd. L. Élaut, « The Welcourt Manuscript... », art. cit., p. 203. Tous les manuscrits ne s’accordent cependant pas sur actores. Certains donnent auctores comme le codex n.a.lat. 543, d’autres doctores medicine comme le lat. 6978.
65 Il est parfois confondu dans les manuscrits avec Jean de Séville, le traducteur de la brève Epistola ad Alexandrum. L. Thorndike avait déjà évoqué le problème dans A History of Magic and Experimental Sciences (vol. 2, New York, 1923, p. 76 n. 3). L. Élaut, quant à lui, ignore tout de l’auteur du texte qu’il édite : « we assume he was one of the anonymous writers of those numerous hygienic treatises drawn for private or common use » (« The Welcourt Manuscript... », art. cit., p. 185). H. Grauert, dans un long article consacré à Jean de Tolède, évoque d’autres attributions potentielles, citant les noms de Jean de Séville ou d’Arnaud de Villeneuve (H. Grauert, « Meister Johann von Toledo », Sitzungsberichte der philosophischen-philologischen und der historischen Klasse der königlische bayerische Akademie der Wissenschaft, 1901, p. 111-326, et plus particulièrement, p. 139).
66 Il faut noter d’ailleurs que le Secret des secrets est copié à la suite de l’ouvrage de Jean de Tolède dans le manuscrit de Paris, B.n.F., n.a.lat. 543.
67 Nota quod istud est electuarium experti iuvamenti, quod fecit Innocentius papa ad opus S. Pauli Rome, qui amiserat visum, qui licet esse centenarius, optime recuperavit visum (Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Clm 480, f. 33v). H. Grauert (« Meister Johann von Toledo », art. cit., p. 138), le premier, nota cette phrase, qu’A. Paravicini Bagliani évoque dans son ouvrage consacré à Medicina e Scienze della Natura alla Corte dei Papi del Duecento (Spolète, 1991, p. 24).
68 En revanche, on note que dans le manuscrit B.n.F., lat. 6978, le texte de Jean de Tolède est suivi d’une Epistola de accidentibus senectutis missa ad Innocencium quartum quodam sumi pontificem qui fait suite au régime d’Arnaud de Villeneuve. Cf. A. Paravicini Bagliani, « Il mito della Prolongatio vitae e la corte pontificia del Duecento. Il De Retardatione accidentium senectutis », dans Medicina e Scienze... cit., p. 281-326.
69 Pour la mention dans le manuscrit napolitain, voir P. Giacosa, « Magistri Salernitani nondum editi », Turin, 1901, p ; 468). Pour la référence à Innocent III, voir M. Sarti et M. Fattorini, « De claris Archigymnasii »... cit., vol. 1, p. 387, n. 1 : Ad calcem physicae magistri Aldobrandini in veteri codice membr. manu exarato, quem communicavit mihi Simonettus comes Fanensis... inter alias medicorum praescriptiones haec legitur : Confectione cioè lactuario al viso. Papa Innocentio a l’abate di Sto Paulo di Pisa. papa Innocentio terzo compose questo lactuario e mandolo a l’abate di S. Pavolo di Pisa... » (cité par A. Paravicini Bagliani, « Il mito... » cit.).
70 Breviarium practice, lib. II, cap. XLIV, add. 1291 (la référence est donnée par A. Paravicini Bagliani, ibid). Pour un historique de la polémique relative à la paternité arnaldienne, voir J. A. Paniagua, « El Maestro Arnau de Vilanova, médico », dans Studia Arnaldiana. Trabajos en torno a la obra médica de Arnau de Vilanova, c. 1240-1311, Barcelone, s.d., p. 1-93.
71 Arnaud de Villeneuve parle de Jean de Tolède comme l’auteur de deux remèdes (Opera omnia, Bâle, 1585, ff. 1291v, 1298). Cf. C. H. Talbot et E. A. Hammond, The Medical Practitioners in Medieval England, A Biographical Register, Londres, 1965, p. 190-191.
72 Mathieu Paris, « Chronica maiora », éd. H. R. Luard, t. V, Paris, 1880, p. 430. Pour H. Grauert, il ne fait guère de doute que Jean de Tolède fut le médecin d’Innocent IV.
73 Coadjuteur du préfet de l’Archivio Segreto Vaticano dans la seconde moitié du xviiie siècle, G. Marini est l’auteur d’un livre intitulé Degli Archiatri pontifici, 2 vol., Rome, 1784.
74 A. Paravicini Bagliani, Medicina e scienze... cit.
75 Prenestinus episcopus et Oddo cardinalis cum magistro Johanne Toletano sub ducatu Tybboldi de Dragone aput Tybur ducuntur (« Ryccardi de Sancto Germano notarii chronica a. 1189-1243 », dans Monumenta Germaniae Historica, Scriptorum, t. XIX, Hannovre, 1866, p. 381 [année 1241]). H. Grauert (« Meister Johann von Toledo », art. cit., p. 113) s’appuie ici sur l’histoire de l’arrivée des Souabes en Sicile de 1189 à 1243 écrite par le notaire de la chambre des finances de l’empereur, Richard de Saint-Germain. Il identifie le Oddo cardinalis dont parle Richard avec Otton da Tonengo qui fut fait cardinal-diacre de S. Niccolò in Carcere Tulliano le 18 septembre 1227.
76 Explicit summa de sanitate regenda et conservanda edita a magistro Johanne de Toletho nobili viro albo cardinale. Explicit expliceat ludere scriptor... (Cambridge, Gonville & Caius Coll., ms 95, f. 290v). Le catalogue de la bibliothèque date le manuscrit du xve, mais il me semble plus ancien (fin xiiie-début xive siècle).
77 Richard de Saint-Germain nous informe pour l’année 1242 : Eo mense (Augusto) Oddo cardinalis liberatur, et episcopus Prenestinus cum magistro Iohanne Toletano reducti a Tybure, in rocca Iani, que est super Sanctum Germanum, servandi traduntur Philippo de Sancto magno tunc castellano, duobus postmodum baronibus ab eorum custodiam deputatis (Monumenta... cit., p. 383).
78 Cf. A. Paravicini Bagliani, Cardinali di Curia e « familiae » cardinalizie dal 1227 al 1254, Padoue, 1972, p. 236 (Italia Sacra. Studi e Documenti di Storia Ecclesiastica, 18). Et id., I testamenti dei cardinali del Duecento, Rome, 1980, p. 23.
79 L’auteur de l’article présume aussi qu’il peut s’agir de wallon, langue parlée à Walcourt, dans le sud de la Belgique actuelle, où se trouvait le manuscrit au xve siècle. Mais les termes français se trouvent aussi dans d’autres témoins que L. Élaut ignore.
80 L. Élaut déclare que « the word is unknown in the classic Latin, it came in-to use by the way of the French » (« The Welcourt Manuscript... », art. cit., p. 190). On retrouve ce terme employé par exemple par Zambonino da Gazzo dans son Tractatus de conservatione sanitatis.
81 Unde comedatis pruna nigra damascena et cerasa, si possunt haberi et morentur in aqua per unam horam ; et lactucas cum agresta vel aceto ; et gruellum et lac amigdalarum frigidum cum mica panis loti in aqua frigida (J. Pagel éd., « Eine bisher unveröffentlichte... », art. cit., p. 604. B.n.F., lat. 16222, f. 76vb). Le terme de gruellum apparaît aussi dans le Tractatus de modo preparandi et condiendi omnia cibaria, réceptaire culinaire daté au plus tard du début du xive siècle. Il y est dit à propos de la poreta : quidam imponunt farinam gruelli vel gastelli qua utuntur Gallici in omni brodio carnium. Voir M. Mulon, « Deux traités inédits d’art culinaire médiéval », dans Les Problèmes de l’alimentation, Actes du 93e Congrès national des Sociétés savantes (Tours, 1968), Bulletin Philologique et Historique (jusqu’à 1610), t. I, Paris, 1971, p. 396-420 : p. 393, no V, 4. D’après B. Laurioux, le Tractatus est un texte originaire du Nord-Ouest de la France (cf. B. Laurioux, Les Livres de cuisine en Occident à la fin du Moyen Âge, Doctorat de l’Université de Paris-I, t. II, 1992, p. 267-270).
82 Du Cange, t. IV, p. 119a-119c. On pourrait aussi penser que Jean de Tolède utilise ce terme en raison de ses origines anglaises. Mathieu Paris le considère en effet comme anglais (« Chronica maiora »... cit., t. IV, p. 354). Cf. Wickersheimer, Dictionnaire, vol. 2, p. 493. H. Grauert pense que son origine sans doute anglaise a peut-être favorisé l’intervention du comte Richard de Cornouailles dans le processus de sa libération (« Meister Johann von Toledo », art. cit., p. 115).
83 Contra morsum serpentis vel aliorum venenorum animalium vel reptilium aperiatur vulnus cum flebotomia lancete (B.n.F., lat. 6978, f. 8ra). Le terme de « lancette », d’après F. Godefroy, se trouve dans le manuscrit de B.n.F., lat. 7684, f. 73 (F. Godefroy, Dictionnaire de l’ancienne langue française et de tous ses dialectes du ixe au xve siècle, vol. 10, Genève, 1982). En anglais moderne, « lancet » désigne cependant le bistouri. Le terme n’apparaît pas dans le B.n.F., lat. 16222, f. 79rb.
84 Le manuscrit comporte une reliure médiévale.
85 Le terme de sapone / sanone a été exponctué (B.n.F., lat. 6978, f. 4rb).
86 ... ad pondus quinque turonensium (L. Élaut, « The Welcourt Manuscript... », art. cit., p. 204). Cette mention fait partie des chapitres de la version longue (de morsu canis rabidi) et apparaît dans le B.n.F., lat. 16222, f. 79va.
87 B.n.F., lat. 16222, f. 77ra ; J. Pagel éd., « Eine bisher unveröffentlichte... », art. cit., p. 604. Voir n. 67.
88 Il y a peut-être fait ses études de théologie et éventuellement de médecine. H. Grauert, E. Wickersheimer, ainsi que H. Talbot et E. A. Hammond, pensent qu’il a sans doute appris la médecine à Tolède, d’où son surnom (H. Grauert, « Meister Johann von Toledo », art. cit., p. 137 ; Wickersheimer, Dictionnaire, vol. 2, p. 493). En revanche, aucun de ces auteurs n’évoque de séjour parisien. Certains manuscrits portant mention d’un Liber de regenda sanitate (qu’on peut trouver sous un autre titre, mais qui concerne en fait la mémoire) font état d’un Johannes de Tholeto qui en serait l’auteur et serait docteur en droit canon. Le manuscrit de la Bibliothèque municipale de Besançon, Collect. Chiflet 132, qualifie l’auteur de iuris doctor preclarissimus Parisiensis (cf. Jacquart, Supplément, p. 186-187) alors que d’autres le font chanoine augustinien (Bâle, Universitätsbibliothek, ms A.V.14) ou encore doctor universitatis Canterbugiensis (Melk, Stiftsbibliothek, ms 141). Comme l’a souligné A. Paravicini Bagliani (Cardinali di Curia... cit., p. 238), ces Johannes de Tholeto n’ont rien à voir avec l’auteur du Libellus de conservatione sanitatis.
89 « Chartularium Universitatis Parisiensis », éd. par H. Denifle et A. Chatelain, t. I, Paris, 1889, p. 190-191, no 157. Il s’agit ici d’un règlement établi à Lyon et daté du 19 juin 1246 ; on peut lire au verso de cette pièce conservée aux Archives Nationales, L. 245, no 129 : Cardinalis albus pro scolaribus Parisiensibus. On le trouve aussi précédemment mentionné dans les statuts généraux de l’ordre cistercien datés de 1243, où il est qualifié de amicissimus ordinis, et dans ceux de 1245 (E. Martène et U. Durand, « Thesaurus novus Anecdotorum », t. IV, Paris, 1717, col. 1382, 1384. Le passage où le nom de J[ohannis] tituli S. Laurentii in Lucina presb. cardin. est mentionné par H. Grauert, (« Meister Johann von Toledo », art. cit., p. 118). Dans les statuts du chapitre général de 1260, il apparaît comme protecteur de l’ordre. Et dans ceux de 1475, on peut lire la mention : Pie recordationis domino Portuensi, per quem ordo noster usque nunc multas gratias obtinuit speciales, plenarium persolvatur officium et habeat anniversarium annuatim. Au sujet de ses interventions à Paris, voir A. Paravicini Bagliani, La cour des papes au xiiie siècle, Paris, 1995, p. 184-185.
90 L’explicit du manuscrit de la British Library, Arundel 334 (xve s.), propose une date de composition erronée, puisqu’à cette époque Jean de Tolède était mort depuis dix ans : explicit summa de san[itate] reg[ime] et conserv[atione] edita a magistro Johanne de Tholeto Anno millesimo cclxxxv (f. 49). Il peut en revanche s’agir du colophon d’un témoin plus ancien, que je n’ai pas trouvé.
91 Font en effet partie des prisonniers de l’empereur, Jacques de Pecorari de retour de France (plus particulièrement de Provence), Otton da Tonengo, qui s’est embarqué à Gênes d’où il rentrait d’Angleterre et Pietro da Collemezzo, alors archevêque de Rouen. Rien n’est dit sur la provenance de Jean de Tolède (Cf. A. Paravicini Bagliani, Cardinali di curia... cit., p. 87).
92 Cf. Ibid., p. 228-255.
93 Au folio 54r, une main différente, de peu postérieure à celle du copiste, a écrit en marge : anni ergo a creatione mundi usque ad annum millesimum cccxlviii undecim milia xxx trium anni. Ce codex fait partie des manuscrits dont la datation (avant 1348) est douteuse. Cf. inventaire 1 no 343 ; Ch. Samaran et R. Marichal, Catalogue des manuscrits en écriture latine portant des indications de date, de lieu ou de copiste, t. IV, Paris, 1981, p. 376.
94 On y trouve ainsi le Viridarium consolationis de Jacques de Bénévent, des notes sur le péché, le Liber de doctrina dicendi et tacendi d’Albertus Causidicus Brixiensis, le Capitula fidei christianae de Gilles de Rome, mais aussi le traité sur la sphère de Jean de Sacro Bosco ou le livre XIII du De agricultura de Palladius.
95 T. Kaepelli, « Scriptores Ordinis Praedicatorum Medii Aevi », vol. 2, Romae ad S. Sabinae, 1975, p. 304-307. La première attestation le concernant est un acte de donation de l’église Sant’Angeli de Gaète en faveur de l’ordre dominicain, daté du 13 août 1255. En 1258, dans le chapitre de la province romaine de son ordre, Jacques de Bénévent représente sa province en qualité de socius au chapitre général de Toulouse. Voir aussi, T. Kaepelli, « Iacopo da Benevento O.P. », Archivio italiano per la storia della pietà, 1 (1951), p. 463-479. Le texte du manuscrit de Paris constitue une version abrégée du Viridarium consolationis.
96 T. Kaepelli, « Scriptores »... cit., vol. 3, 1980, p. 114-123. Originaire d’Oppavia en Moravie, Martin de Troppau fut pénitencier de la curie pontificale (1261-1262), chapelain du pape (avant l’élection de Grégoire X), archevêque de Gnesnensis en 1278 mais il mourut avant d’avoir rejoint son siège épiscopal. Cf. A.-D. Von den Brincken, « Studien zur Überlieferung der Chronik des Martin von Troppau », Deustsche Archiv für Erforschung des Mittelalters, 41 (1985), p. 460-531, plus spéc. p. 520.
97 Les notices consacrées aux pontifes et aux empereurs s’interrompent sous le pontificat d’Honorius III (1221).
98 Laus tibi sit Christe qui liber explicit iste / Qui scripsit scribat semper cum domino vivat. Il s’agit ici de l’explicit d’un ouvrage d’agriculture.
99 Ce traité largement diffusé tout au long du Moyen Âge aurait une origine salernitaine. L. Thorndike et P. Kibre ne mentionnent pas ce manuscrit dans leur catalogue (Th.-K., 284). En revanche, M. H. Green, dans une récente recension des manuscrits, décrit ce témoin, mais identifie le Libellus de conservatione sanitatis de Jean de Tolède au Secret des secrets pseudo-aristotélicien. Voir M. H. Green, « A Handlist of the Latin and Vernacular Manuscripts of the socalled Trotula Texts », Scriptorium, 50 (1996), p. 137-175, et tout particulièrement p. 167.
100 Le lat. 16222 contient la Summa modorum significandi de Sigismond de Curtraco, la Summa modorum significandi de Michel de Brabant, les Fallatie du même Sigismond de Curtraco, le Compendium de negotio naturali d’Albert le Grand, le De VII artibus de Turpinus, le De sensu communi de Thomas d’Aquin, et le De eternitate mundi de Siger de Brabant (cf. L. Delisle, Inventaire des manuscrits de la Sorbonne, conservés à la Bibliothèque impériale sous les numéros 15176-16718, Paris, 1870, p. 48). Cf. inventaire 1 no 336.
101 Voir L. Delisle, Le Cabinet des manuscrits de la Bibliothèque nationale, t. II, Paris, 1874, p. 147. Les autres manuscrits cédés par Gérard d’Utrecht sont le lat. 15254, le lat. 15255, le lat. 15612, le lat. 15879, le lat. 15949, le lat. 15962, le lat. 15966, le lat. 16170, le lat. 16224, le lat. 16244, le lat. 16495, et le lat. 16539 ainsi que le lat. 15364, le lat. 15268, le lat. 15529 et le lat. 15782, liste complétée par M. Mabille, « Les manuscrits de Gérard d’Utrecht conservés à la Bibliothèque nationale de Paris », B.E.C., 79 (1971), p. 5-25. Compte rendu dans Scriptorium, 1972, no 824, p. 396.
102 Ist (sic) iste liber est pauperum scolarium studentorum de Sorbona ex legato magistri Gerardi de Traiecto. precii 20 solidorum.
103 Voir sa notice, annexe 1, p. 699.
104 Ce professeur de Padoue meurt probablement entre 1298 et 1310. La première mention, datée du 16 juillet 1298, provient d’un acte enregistré auprès du tribunal de Padoue à propos d’une affaire médicale. Il y est question d’un Magister Çambobinus medicus, qui fuit de Cremona (A.S.P., Archivio Diplomatico 4009). Cité par P. Marangon, « Il trattato De Conservatione sanitatis di Zambonino da Gazzo (morto dopo il 1298) », Quaderni per la Storia dell’Università di Padova, 8 (1975), p. 6. La seconde pièce provient aussi des archives padouanes et relate le mariage entre Costantina, fille d’un quondam magistri Çambobini phisici, et un dénommé Giovanni, qui a eu lieu le 4 novembre 1310. L’acte prévoit la nomination d’un commissaire testamentaire (A.S.P., Archivio Diplomatico 4036, cité par P. Marangon, ibid.). Voir annexe 1, p. 716.
105 Ainsi le B.n.F., fr. 2022, f. 1r (xve s.) : « Cy sensuit le livre nommé le Regime du corps que fist jadiz maistre Alebrandin medecin du Roy de France. » Il s’agit d’un manuscrit du xve siècle (cf. Le Régime du corps, éd. L. Landouzy et R. Pépin, Paris, 1911, p. xxxii-xxxiii).
106 « L’un partie si est por garder le cors, tot ausi le bien sain com le mal sain generaument, si com dist Constentins, et l’autre puet iestre de garder cascun menbre par lui, et por çou, ara en ceste oevre.ij. principal parties, car de ces.ij. entendons nous principaument, et la tierche i sera ki dira des simples coses qu’il convient à cume user, la quarte i sera qui est apelee phisanomonie, par coi on counoist l’omme de regarder s’il est boens ou malvais, et cascune partie aura capitaux especiaux » (ibid., p. 5).
107 «... si vous laisserons à dire de ceste matere, et vous dirons enseignemens comment vous porrés connoistre le nature de cascun par les menbres que on voit dehors. [...] En hommes poés veoir quant maint homme sont de si male nature que par leur nature ne doivent faire se al non, et par ensegnemens et por le doctrine des sages hommes, devienent bon et font autre cose que lor nature n’aporte. As bestes veés ausi com chiens, chevals et autres bestes qui par ensegnemens font tel coses qu’il ne font pas par lor nature » (ibid., p. 193-194).
108 « Scriptores Physiognomici Graeci et Latini », éd. R. Foester, vol. 1, Leipzig, 1893, p. 17. Sur la tradition médiévale de la définition de la physiognomonie, voir D. Jacquart, « La physiognomonie à l’époque de Frédéric II », Micrologus. Le scienze alla corte di Federico II, 2 (1994), p. 19-37. Cet article aborde également le problème de la traduction de Bartolomeo da Messina à la cour du roi Manfred et d’une possible circulation antérieure du premier état de cette traduction.
109 Le Régime du corps... cit., p. 21.
110 Ibid., p. 4-5.
111 Ibid., p. 5. Les italiques sont miennes.
112 Ibid., p.7.
113 Ibid., p. 6. Les italiques sont miennes.
114 « Par theorike, savons nous counoistre et jugier tous les commandemens de phisique, c’est à counoistre et à savoir qu’il sont.iij. manieres de fievres. <Li.i. maniere> si avient que les humeurs sont corrunpues, et ceste maniere de fievre apielent li phisitiien phebris putrida. L’autre si avient as menbres, la quele il apielent ethica. La tierce si est qui vient des esperis, la quele on apiele effimera. Iceus commandemens de phisique et autre plusieurs savons nous par theorique ». De ces « plusieurs », rien ne sera dit (ibid., p. 6-7).
115 Dans la plupart des chapitres de la première et de la deuxième partie, les différents préceptes sont introduits par le même type de formule qui renvoie à ce qu’il faut connaître ou savoir : « sachiés que... », « vous devés savoir... », ou encore « et devés savoir... ».
116 Qu’il suffise ici d’énumérer les titres de différents chapitres, qui fonctionnent sur une même et récurrente structure : « Comment on se doit garder de pestilence et de corruption d’air » ; « comment on doit le cors garder en cascune saison » ; « Comment on se doit garder qui cheminer velt » ; « comment le femme se doit garder quant ele est ençainte », pour n’en citer que quelques exemples.
117 Sicut dicit Philosophus in sermone De anima : « Vivere est esse viventibus », nisi necessitas coligitur sanitatem conservandi, et ipsius quodammodo infinitus apetitus. Ad cuius evidenciam est sciendum quod secundum Philosophum ens et bonum convertuntur, sed omnia bonum apetunt, ergo et esse, cum ibi convertuntur ; sed esse vivencium est vivere, ut dictum est, ergo omnia appetencia esse apetunt vivere. [...] Vivere autem simpliciter est nutrimentum perfecte atrahere et ipsum sub debita proportione et humorum adequatione in nutrimentum convertere, et tale vivere proprie consistit in sanitate. [...] Si ergo quis apetit vivere et esse, maxime debet sibi sanitatem apetere conservari, cum in sanitate perfectum existat vivere (Padoue, Biblioteca del Seminario vescovile, ms 173, f. 41rb-va). Le passage est cité par P. Marangon, « Il trattato De Conservatione sanitatis... », art. cit., p. 15. B. Bertolasso, responsable du catalogue de la bibliothèque du séminaire épiscopal de Padoue, ne fait pas mention de ce manuscrit (B. Bertolasso, Manoscritti di medicina esistenti nella Biblioteca del Seminario Vescovile di Padova, Padoue, 1961).
118 Conservatur etiam ex debita administratione sex rerum non naturalium [...] quia nostri corporis constitutionem ingrediuntur, sicut sint aër nos circondans, motus et quies, cibus et potus et vigilie innanicio et repletio et accidentia anime (Bibl. sem. vesc., ms 173, f. 41va-b. Cité par P. Marangon, « Il trattato De Conservatione sanitatis... », art. cit., p. 16).
119 Aristote, De l’âme, texte établi par A. Jannone, Paris, 1966, II.3 (Collection des universités de France).
120 Aristote, ibid., II, 4.
121 .... sex rerum non naturalium quia licet sint naturales secundum philosophum, secundum medicum tamen non naturales dicuntur, quia nostri corporis constitutionem ingrediuntur... (Bibl. sem. vesc., ms 173, ibid.).
122 Aldebrandin est mentionné comme témoin dans un document notarial daté de 1277 et écrit à Troyes. Il y est précisé que Bonfilus dictus Lolus, olim Bencivennis Albertini de Senis asserens se esse iuratus et adscriptus arti Merchantie civitatis senarum, fuit confessus recepisse in stantibus nundinarum S. Iohannis Trecensis apud Tretas, ab Iusto quodam Ranerii spetiario cive senensi, solvente pro se et Pandolfino eiusdem Ranerii, frate suo, decem libras den. sen. de summa 50 den. sen. quos dictus Pandulfinus sibi Bonfilio solvere promisit... (omissis). Actum in nundis S. Iohannis Trecensis apud Tretas, coram nobili viro magistro Ildibrandino medico de Senis, Iacobo Scherni et Benedicto Bonaccolti, mercatoribus senensibus, rogatis testibus. Ego Orlandus quodam Orlandini de Senis, notarius (A.S.S., Diplomatico S. Francesco, 13 sept. 1277). On fait référence ici à la foire de Saint-Jean qui s’ouvrait à Troyes le mardi suivant la quinzaine de la fête de Saint-Jean (appelée foire chaude de Troyes et qui durait jusqu’au 14 septembre). L’acte est cité par A. Garosi, Aldobrandino da Siena, medico in Francia nel sec. xiii, s.l., Signorelli éd., 1981, p. 33 n. 32. On sait pour le reste peu de choses de sa vie, hormis la date approximative de sa mort, entre 1296 et 1299, soit une dizaine d’années après qu’il eut rédigé un testament en faveur des religieux de Saint-Antoine de Viennois, en 1287. Cette mention apparaît dans le cartulaire de l’abbaye de Moutieramey (pièce no 428), publié par l’abbé Lalore dans la Collection des principaux cartulaires du diocèse de Troyes, t. VIII, Paris, 1890, p. 379. Elle précise que ce magister Aldobrandinus de Senis, physicus, Trecis commorans, possédait une maison à Troyes, rue Saint-Abraham, qu’il a léguée aux Magister et fratres hospitalis sancti Anthonii Viennensis. Pour un complément d’information, voir A. Thomas, « L’identité du médecin Aldebrandin de Sienne », Romania, 35 (1906), p. 454-456 et Jacquart, Supplément, p. 15-16.
123 Dans les manuscrits, il est tantôt désigné comme siennois (par exemple, Londres, B.L., Sloane 2435 ; Oxford, Bodleian Library, Bodl. 179 ; Paris, B.n.F., fr. 1288 ; Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, fr. 2510), tantôt comme florentin (entre autres, Florence, Biblioteca Medicea Laurenziana, Ashburn. 1076 ; Paris, B.n.F., fr. 2021 et Bibliothèque de l’Arsenal, ms 2814 ; Cité du Vatican, B.A.V., Reg. Christ. lat. 1451).
124 « De pumes cytrines qui on apiele en lombardie cytrangles » (Paris, B.n.F., fr. 1444, f. 105ra et fr. 1109, f. 271vb), que l’on voit citées dans les manuscrits de la version qualifiée de « rédaction B » (avec quelques variantes toutefois) par F. Féry-Hue. « Rogier male branche se est une maniere de ble froide et seche qui croist en prouvence et en lombardie » (Paris, B.n.F., fr. 2022, f. 64r et n.a.fr. 6935, f. 57vb) : il s’agit ici encore de la rédaction B dite « Rogier male branche » car c’est le terme qui est employé pour désigner le sorgho. Le n.a.fr. 6935 de la B.n.F. est décrit par M. P. Meyer, « Notice du manuscrit nouv. acq. fr. 6935 de la Bibliothèque nationale », Bulletin de la Société des anciens textes français, 30 (1904), p. 37-56. Sur les diverses traditions textuelles du Livre de Physique, voir F. Féry-Hue, « Le Régime du corps d’Aldebrandin de Sienne : tradition manuscrite et diffusion », dans Actes du 110e Congrès national des Societés savantes, Histoire médiévale, t. I, Montpellier, 1985, p. 113-134.
125 Venise, Biblioteca nazionale Marciana, Gall. Ap. X., f. 1r.
126 Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, ms 2872, f. 342r.
127 « De nature dist il enseignements, si com de counoistre le nature des hommes et des femmes et de mout autres coses k’i nous couvient user, et ce n’est mie prouvé par les esperimens corrumpus ki ne sont mie d’auteur, ains est prouvé par les milleurs auteurs ki parolent de ces.iij. sciences devant dites, si com par Ypocras, par Galiien, par Constentin, par Jehenniste, par Ysaac, par Aristotele, par Dioegen, par Serapion, par Rasis, et par Avicenne, et autres auteurs que cascuns detierminara en sen capitele, li.i. par l’autorité de l’autre » (Le Régime du corps... cit., p. 3-4). Sur la discussion à propos de la dédicace du texte, voir l’article de F. Féry-Hue, « Le Régime du corps... », art. cit.
128 Les parties physiognomoniques apparaissent à la fin du Secret des secrets, à la suite des parties philosophiques, des chapitres consacrés aux collaborateurs du prince et aux chefs de guerre. Elles constituent le livre IV de l’édition de Roger Bacon.
129 « Pour ce que doné vous avons enseignemens en.ij. parties que dit vous avons devant, comment vous poés conoistre les.iiij. complexions si com le sanguine, le colorike, le fleumatique, le melancolique et le complexion de cascun menbre de cors... » (Le Régime du corps... cit., p. 193).
130 Cet aspect est également étudié par Michel Scot dans la troisième partie du Liber phisionomie.
131 D’autres sources mentionneraient la présence d’un Zambonino à Paris. Ainsi une épitaphe dans le cloître du couvent Saint-Augustin de Padoue qui précise : dominus Zambobino de Gazo Cremonensis doctor Parisiensis scientie medicine est hic superius et qui sunt hic inferius (Salomoni, Inscrip. Urb. Pat., p. 84, repris par F. Arisii, Cremona litterata, t. I, Parme, 1702, p. 169). Il est possible que lors de la chute d’Ezzelino da Romano, qui dirigea Padoue de 1237 à 1256 et y favorisa les sciences, Zambonino soit parti pour Paris. À cette époque, il semblerait que le collège de physiciens de Padoue n’ait pas encore été créé. D’après N. G. Siraisi, (Arts and Sciences at Padua. The « Studium » of Padua before 1350, Toronto, 1973), il serait de peu antérieur à 1260. Le cartulaire de l’université de Paris mentionne bien un magister Bonus de Zambonino clericus Paduanus comme membre de la natio gallicana (provincia Bituricensis), mais pour l’année 1349 (« Chartularium universitatis parisiensis »... cit., t. II, Paris, 1891, p. 634). Ce Bono de Zambonino fut également membre du collège des docteurs ès arts et de médecine de Padoue en 1359-1360 (cf. A. Gloria, Monumenti dell’Università di Padova, t. I, Padoue, 1888, p. 370, 375, 378, 449, 1318-1405). Sans doute s’agit-il d’un descendant du Zambonino auteur du Tractatus de conservatione sanitatis. Pour T. Pesenti, il ne fait aucun doute que Zambonino da Gazzo a fait ses études à Paris. Elle s’appuie pour le démontrer sur un manuscrit de Berlin (Deutsche Staatsbibliothek, Lat. Fol. 186, daté du xve siècle), où un certain « Cambonius Paduanus », en qui elle reconnaît notre Zambonino, compile un commentaire du De urinis de Gilles de Corbeil secundum lecturam magistri Remigii. T. Pesenti identifie ce Remigius avec un magister Remigius qui habitait in vico Sancte Genovese à Paris, en 1283 : T. Pesenti, « Arti e Medicina : la formazione del curriculum medico », dans Luoghi e Metodi di insegnamento nell’Italia Medioevale (sec. xii-xiv). Atti del Convegno internationale di studi (Lecce-Otranto, 6-8 ottobre 1986), sous la dir. de L. Gargan et O. Limone, Galatina, 1989, p. 153-178. Sur Remigius, voir le « Chartularium universitatis Parisiensis »... cit., t. I, p. 599. Il est certain que Zambonino da Gazzo fut professeur à Padoue, au moins en 1262. Rolandinus, au livre XII de sa chronique, propose en effet une liste des maîtres pour cette année : Perlectus est hic liber et recitatus coram infra scriptis doctoribus et magistris presente eciam societate laudabili bazallariorum et scollarium liberalium arcium et Studio paduano. Erant quoque tunc temporis regentes in Padua viri venerabiles : Magister Agnus, magister Iohannes, magister Zamboninus profundi et periti doctores in phisica et sciencia naturali, magister Rolandinus, magister Morandus, magister Zunta, magister Dominicus, magister Paduanus, magister Luchisius in grammatica et retorica vigiles et utiles professores. Qui ad hoc specialiter congregati predictum librum et opus sive cronicam sua magistrali auctoritate laudaverunt, aprobaverunt et autenticaverunt solempniter (« Rolandini Cronica in factis et circa facta Marchie Trivixane », éd. A. Bonardi, dans R.I.S., sous la direction de L. A. Muratori, t. VIII, Città del Castello, 1905-1908, p. 173-174 et cité par N. G. Siraisi, Arts and Sciences at Padua... cit., p. 22, n. 44). L’identification d’un magister Zambonino, professeur à Bologne en 1262 avec l’auteur du Tractatus de conservatione sanitatis, conpilatur a magistro Zambobino, nato tamen in Castro Novo Buce Adue (Bibl. sem. vesc., ms 173, f. 41ra-b) a été proposée par N. G. Siraisi (ibid., p. 111-145). Au xve siècle, le souvenir du magister Zamboninus semble très présent, puisque Michele Savonarole dans son Libellus de magnificis ornamentis regie civitatis Padue en fait mention : Taceo Zamboninum de Gazo, Rigetum de Lido, virum equidem ingeniosissimum : quorum opera gloriosa adhuc existant, que vidi et legi (éd. L. A. Muratori, dans R.I.S., t. XXIV, Città del Castello, 1902, p. 41).
132 Les autorités sont plus souvent citées sous la formule générique d’auctores que par leurs patronymes.
133 Par exemple, sompnus autem quantum ad sua iuvamenta et nocumenta diversificatur et ratione temporis, et ratione complexionis et ratione etatis et ratione laboris et quietis, et ratione figure dormiendi. Ou encore : Diversificatur autem coytus ratione temporis, ratione etatis et ratione complexionis (Bibl. sem. vesc., ms 173, ff. 48ra, 49rb).
134 Quarto diversificatur ratione ordinis in modo exibendi cibum ; ratione ordinis debet esse talis quia cibus subtilis debet precedere crossum quia si crossus precederet subtile, cum crossus cito non digeratur et multam moram faciat in stomaco subtillis ante quam perveniret ad fundum stomaci corumperetur, quo corupto corumperetur et primus. Sed in dubitatione quia videtur quod crossus debeat precedere qui in sua digestione coccione maiorem requirit calorem. Sed crossus maiorem requirit calorem quam subtilis, ergo crossus debet precedere. Maior est manifesta quia maior calor est in fundo stomaci... (ibid., f. 44rb-va).
135 Canon, livre I, fen III, doc. 2, cap. 7 (Venise, apud Vincentium Valgrisium, 1564, p. 165) : Nutrientia preterea ordinem in sui receptione habent, in quo sanitatis conservator sollicitus esse debet ne illud quod subtile est, et cito digeritur, post forte nutriens, quod fit eo durius in cibo sumat. Quia prius digeretur quam ipsum et super illud natabit, non habens viam qua penetret ; putrefiet ergo et corrumpetur et corrumpet illud quod ei admiscebitur.
136 Preterea hoc inveniuntur in vere Aristotelis in epistola de conservatione sanitatis ad Alexandrum. In contrarium est Avicenna et Armansor (sic) ad hoc est dicendum quod subtilis debet precedere crossum et ratio est quia ille cibus debet precedere quia si non precederet corumpetur et coruptam corumperet alium sed subtilis est huiusmodi, ergo subtilis debet precedere maior est manifesta, minor aparet quia cibus subtilis propter subtilitatem substantie nisi calore digeratur corumpitur sed cibus crossus propter duriciem sue substantie diu conservatur et perdurat (Bibl. sem. vesc., ms 173, f. 44rb-va).
137 Sur cette question de la digestion, voir l’article de J. Cadden, « Albertus Magnus’ Universal Physiology : the Exemple of Nutrition », dans Albertus Magnus and the Sciences, éd. J. A. Weisheipl, Toronto, 1980, p. 321-341 ; D. Jacquart, « La nourriture et le corps au Moyen Âge », Cahiers de Recherches Médiévales (xiie-xve siècles), 13 (2006), p. 258-266.
138 Similiter si sumpserit homo in una comestione plura pulmenta mollia, que digeri cito possunt, oportet ut aliquid aliud pulmentum precedat retinens in fundo stomachi, quia profunditas stomachi calidior atque forcior est ad digerendum et molliendum ea que sunt in ea, eo quod sunt partes carnose in ea que sunt calide, que conjuncta et vicina est epati ex cujus calore cibi decoquntur (éd. R. Steele, fasc. V, Oxford, 1920, p. 71-72). Retinens signifie selon Roger Bacon, dans ses annotations au Secret des secrets, ut scilicet grossum et durum et siccum, c’est-à-dire des choses difficiles à digérer.
139 Si sumpserit homo in uno prandio pulmentum molle molliens ventrem, et aliud retinens secutum fuerit : si molle precesserit, melius et levius facit digestionem. Si vero retinens ante comederit et postea molle, confundetur male et consumetur utrumque (ibid.).
140 Est tamen sciendum quod duplex est cibus subtilis, nam quidam est cibus absolute subtilis et talis debet precedere ut dictum est. Aliter est cibus respective et per comparationem ad crosiorem (sic) et iste licet scit subtilis comparatione, est ta-men crossus absolute et tunc crossus potest precedere subtilem, quia calor fondi stomaci propter eius fortitudinem magis convenit cibo crosso absolute quam subtili respective, nec etiam talis subtilis corumpitur quantumcumque postponatur (Bibl. sem. vesc., ms 173, f. 44va).
141 P. Marangon, Alle origini dell’Aristotelismo Padovano (sec. xii-xiii), Padoue, 1977.
142 Cf. P. Marangon, « Il trattato De Conservatione sanitatis... », art. cit., p. 1-17. Sur la médecine à Paris, voir D. Jacquart, La médecine dans le cadre parisien, Paris, 1998 (Penser la médecine).
143 Cette unicité du milieu de formation des auteurs apparaît, quand on ne sait rien d’eux, au détour de leur production elle-même, qui révèle un passage à l’université ou une maîtrise des ouvrages médicaux à la disposition des étudiants de cette époque.
144 Le découpage de la tierce partie du Livre de Physique est le suivant : « Li premiers capiteles sera de totes manieres de blé, et du pain c’on en fait. Li secons de totes manieres de buverages. Li tiers de toutes chars. Li quars de tous leuns. Li quins de tous fruis. Li.vi. de tous poissons. Li.vij. de totes manieres d’ierbes. Li.viij. de totes especes ».
145 Voir pour une période plus récente (surtout à partir de la fin du xiiie et du début du xive siècle) la thèse de Bruno Laurioux consacrée aux livres de cuisine, plus particulièrement en France et en Italie. Une partie de cette thèse a été publiée sous le titre, Le Règne de Taillevent. Livres et pratiques culinaires à la fin du Moyen Âge, Paris, 1997. Voir également du même auteur, « Cuisines médiévales (xive et xve siècles) », dans Histoire de l’Alimentation, sous la dir. de J.-L. Flandrin et M. Montanari, Paris, 1996, p. 459-477 et Les livres de cuisine médiévaux, Turnhout, 1997 (Typologie des sources du Moyen Âge occidental, fasc. 77).
146 B. Laurioux, Les livres de cuisine... cit., p. 21-23.
147 Cl. Rotelli a montré que dans le Piémont, aux xiiie et xive siècles, une part importante des dîmes étaient versées en sorgho (C. Rotelli, Una campagna medievale, storia agraria del Piemonte fra il 1250 e il 1450, Turin, 1973). Massimo Montanari remet en cause l’idée commune d’une apparition du sorgho au xiie siècle, idée défendue par G. Acerbo (La economia dei cereali nell’Italia e nel mon-do, Milan, 1934, p. 77) et par R. Grand et R. Delatouche (L’agriculture au Moyen Âge, de la fin de l’Empire Romain au xvie siècle, Paris, 1950), puisqu’il en trouve la trace dans des sources des ixe et xe siècles pour les régions septentrionales de l’Italie, même si elle paraît mineure au regard d’autres grani minuti comme le panic ou le mil. Cf. M. Montanari, « Cereali e legumi nell’alto Medioevo », Rivista storica italiana, 87 (1975), p. 439-489. Sur le Piémont, voir aussi A. M. Nada Patrone, Il cibo del ricco ed il cibo del povero. Contributo alla storia qualitativa dell’alimentazione. L’area pedemontana negli ultimi secoli del Medio Evo, Turin, 1989, p. 71-72.
148 « Segine est une maniere de blé froide et seche, et croist en Lonbardie à maniere de canve... » (Le Régime du corps... cit., p. 114).
149 Les indications de culture de sorgho n’apparaissent qu’en 1237 pour la Tuscie romaine et seulement en 1240 pour la Sabine. Voir P. Toubert, Les structures du Latium médiéval. Le Latium méridional et la Sabine du ixe siècle à la fin du xiie siècle, vol. 1, Rome, 1973, p. 242-258 (BEFAR, 121).
150 Il existe diverses appelations du sorgho : suricum ou surgum, « melica » ou « melega » du latin miliacum. C’est L. Messedaglia qui, le premier, a proposé d’identifier les termes de melega ou de milica avec le sorgho, rejettant ainsi les interprétations anciennes qui voyaient dans la melega le maïs (L. Messedaglia, Il mais e la vita rurale, Plaisance, 1927, p. 227). Sur ces diverses appellations, voir P. Aebischer, « Les noms du sorgho dans les dialectes modernes et le latin médiéval d’Italie », Zeitschrift für romanische Philologie, 65 (1949), p. 434-451, plus spéc. p. 441.
151 G. Comet, Le paysan et son outil. Essai d’histoire technique des céréales (France, viiie-xve siècles), Rome, 1992, p. 281-285 (Collection de l’École française de Rome, 165).
152 Ibid., p. 287.
153 Le Menagier de Paris, éd. G. E. Brereton et J. M. Ferrier, Oxford, 1981.
154 Cf. Daremberg et Saglio, Dictionnaire des antiquités grecques et latines. Terme Cerevisia. Voir aussi Du Cange, Cerevisia, t. II, p. 289-290.
155 « Ciervoise est.i. maniere de buverages c’on fait d’avainne, et de forment, et d’orge. [...] Et ciervoise qui est faite de soile ou de pain de soile [...] sor tote[s coses] autre ciervoise vaut miex » (Le Régime du corps... cit., p. 118-119).
156 L. Moulin, « La bière, une invention médiévale », dans Manger et Boire au Moyen Âge. Actes du colloque de Nice (15-17 octobre 1982), t. I, Paris, 1984, p. 13-31.
157 En revanche, pour d’autres aliments, Aldebrandin livre des conseils classiques d’ordre sociologique. Ainsi la viande de bœuf réservée à ceux qui travaillent, ou les viandes blanches réputées délicates pour les oisifs.
158 Cf. M. Reulos, « Le premier traité sur le cidre : De vino et pomaceo, de Julien Le Paulmier, traduit par Jacques de Cahaignes (1589) », Médiévales. Nourritures, 5 (1983), p. 97-103.
159 A. Bouton, « L’alimentation dans le Maine aux xve et xvie siècles », dans Les problèmes de l’alimentation, Actes du 93e Congrès national des sociétés savantes (Tours, 1968), t. I., Bulletin Philologique et Historique (jusqu’à 1610), Paris, 1971, p. 159-172. D’après l’auteur, le cidre ne se diffuse dans le Maine qu’à partir du xve siècle.
160 B. Laurioux, Les livres de cuisine... cit., t. III, p. 1068-1079.
161 Ainsi pour la préparation de la langue : «... le mengue à saveur de poivre, et de caniele, et de gyngembre, et de vin aigre et de samblans especes... » ou encore pour la cervelle : «... qu’il le manguent à saveur de vin aigre, et de poivre, et de gingembre, et de caniele, et de mente, et de parsin et d’autres samblans coses » (Le Régime du corps... cit., p. 135, 134).
162 Les autres conseils associent verjus et cannelle (une fois), cannelle et cardamome (une fois), vin aigre et moutarde sans épices (une fois), sans oublier les recettes qui ne mentionnent que le poivre (quatre fois).
163 Les conseils culinaires sont donc largement minoritaires par rapport à l’économie d’ensemble des chapitres, mais ils se focalisent essentiellement sur les chapitres consacrés aux oiseaux et volailles, et aux parties des animaux.
164 B. Laurioux montre toutefois qu’il est difficile de parler d’une sauce cameline, le seul élément commun à tout l’Occident étant l’utilisation de cannelle. En revanche, il semblerait que les livres italiens soient plus réticents à l’emploi de gingembre pour la confection de cette sauce (B. Laurioux, Les livres de cuisine... cit., t. III, p. 1122-1132).
165 « Et la droite saveurs à coi on le [la char de faisant] doit mengier est sauce cameline où il ait assés de caniele et cardamom » (Le Régime du corps... cit., p. 131). Ces conseils ne signifient pas que cannelle et cardamome sont les seules épices entrant dans la composition de la cameline, mais elles en sont les éléments principaux.
166 Il paraît difficile de définir l’origine d’un tel mélange. B. Laurioux en trouve dans des recettes italiennes et catalanes, mais aussi en Allemagne. Aldebrandin aurait-il été influencé par des pratiques italiennes ? (B. Laurioux, Les livres de cuisine... cit., t. III, p. 1131).
167 Ibid.
168 Cf. J.-L. Flandrin, « Internationalisme, nationalisme et régionalisme dans la cuisine des xive et xve siècles : le témoignage des livres de cuisine », dans Manger et Boire...... cit., t. II, p. 75-91. On trouve toutefois dans des réceptaires italiens la mention d’utilisation de verjus et de vinaigre. Cf. J. Brunet et O. Redon, « Vins, jus et verjus. Du bon usage culinaire des jus de raisins en Italie à la fin du Moyen Âge », dans Le vin des Historiens. Actes du 1er Symposium Vin et Histoire, 19, 20 et 21 mai 1989, Suze-la Rousse, 1990, p. 109-117.
169 Le Régime du corps... cit., p. 128.
170 ... non quicumque cibi sunt comedendi sed cibi carnifici, neque quecumque carnes sunt comedende in conservanda sanitate, sed carnes puline, carnes edine, et agnine anales castrate vel oves anales steriles et carnes vitulorum lactancium et quoturnices et perdices et faxiani engacelli (Bibl. sem. vesc., ms 173, f. 42va).
171 Modus autem cibandi in conservanda sanitate diversificatur multipliciter. Nam diversificatur ratione substancie cibi, ratione temporis, ratione sue qualitatis et ratione ordinis et ratione sue multitudinis et paucitatis et ratione consuetudinis (ibid.).
172 Capitulum autem istud multe concurrunt regule observande (ibid., f. 45ra).
173 Voici quelques-unes de ces règles : quintum est sciendum quod res nimium dulces comedi non debent, quoniam cicius digeruntur, atrahuntur et inducunt opilationes et putrefactionem generant. [...] Pisces multum laborantibus non sunt convenientes. Ulterius est sciendum quod colerici parum debent substinere ieiunium eo quod eorum stomacus in ieiunio malis repletur humoribus, colerici ta-men debent uti cibariis infrigidantibus... (ibid., f. 45ra-b).
174 Modi autem preparandi cibum ad melius nutrimentum proprie sunt duo modus elixandi et modus asandi (sic) (ibid., f. 44vb).
175 Cf. M. Rodinson, « Recherches sur les documents arabes relatifs à la cuisine », Revue des études islamisques, 17 (1949), p. 95-165.
176 Cf. M. Mulon, « Deux traités inédits... », art. cit. ; W. Richter, « Die Überlieferung der Ruralia Commoda des Petrus de Crescentiis im 14. Jahrhundert », Mittellateinisches Jahrbuch, 16 (1981), p. 223-275 et notamment p. 249-250. Voir aussi le résumé de ces positions dans B. Laurioux, Les livres de cuisine... cit., t. II, p. 270-277 et id., Le Règne de Taillevent... cit., p. 40.
177 Pour une description codicologique de ce manuscrit, voir B. Laurioux, Les livres de cuisine... cit., t. I, p. 189.
178 F. Avril et M.-T. Gousset, Manuscrits enluminés d’origine italienne, xiiie siècle, t. II, Paris, 1984, planche LXXVIII, no 146.
179 B. Laurioux rapproche ces décorations des manuscrits italiens de l’Italie centrale alors que J.-L. Gaulin penche pour une origine du nord de l’Italie.
180 L’incipit du Tractatus de conservatione sanitatis, dans le manuscrit de Paris, précise que l’auteur du texte est nato tamen in Castro Novo Buce Adue, c’est-à-dire à Castelnuovo d’Adda, localité située dans la province de Crémone (Bibl. sem. vesc., ms 173, f. 42ra). E. Carnevale Schianca (« Il Liber de ferculis et condimentis, un ricettario di cucina araba nella traduzione di Jambonino da Cremona », Appunti di gastronomia, 35 [2001], p. 5-60) qui propose une traduction du texte, attribue le Liber de ferculis à Zambonino da Gazzo. Il existe également une traduction allemande de cet ouvrage (A. Martellotti, Il « Liber de ferculis » di Giambonino da Cremona. La gastronomia araba in Occidente nella trattatistica medievale, Fassano, 2001 [Cultura straniera, 108]).
181 Explicit liber de ferculis et condimentis translatus in Veneciis a magistro Jambonino cremonensi ex arabico in latinum extractus ex libro Gege filii algazaelis intitulato de cibis et medicinis simplicibus et compositis (B.n.F., lat. 9328, f. 161rb).
182 Par exemple, les recettes de summachia (poulet au sumac et aux amandes), de romania (poulet aux grenades) ou de limonia (plat de viande au jus de citron) sont mentionnées dans certains traités culinaires du xive siècle, comme le Liber de coquina. Du Cange cite à propos de la romania une rubrique du glossaire de Simon de Gênes, médecin du pape Nicolas IV (1288-1292) : Ru-man vel Roman, arabice malum granatum. Inde Romania cibus qui inde fit (Du Cange, t. V, p. 821b). Bien qu’inspirés des recettes arabes, les procédés culinaires italiens s’en distinguent toutefois. C’est M. Rodinson qui souligna le premier ces rapprochements entre cuisine italienne et cuisine arabe (M. Rodinson, « Romania et autres mots arabes en italien », Romania, 71 [1950], p. 433-449).
183 Le codex se compose du Liber ruralium comodorum de Pietro de’ Cresenzi, d’un De apibus (f. 123), d’un De plantationibus arborum (f. 124), d’un Tractatus commodo preparanda et condienda omnia cibaria que communiter comeduntur (f. 129), du Liber de coquina (f. 133v), du De conservanda juventute et retardanda senectute faussement attribué à Arnaud de Villeneuve (f. 140) et du Regimen sanitatis compositum ab Arnaldo de Villa Nova (f. 149). Pour la description codicologique de ce manuscrit, voir B. Laurioux, Les livres de cuisine... cit., t. I, p. 189 no 109. Cf. aussi J.-L. Gaulin, Pietro de’ Crescenzi et l’agronomie en Italie (xiie-xive siècles), doctorat de l’Université de Paris-I, 1989-1990, t. II, p. 487-488, no 79.
184 B. Laurioux, Les livres de cuisine... cit., t. III, p. 730.
185 Iuleb est ici la transcription de iulep, terme d’origine arabe passé depuis longtemps dans le language scientifique occidental, grâce aux traductions de Constantin l’Africain. Le dictionnaire de termes médicaux de Simon de Gênes, Clavis sanationis, évoque le terme iuleb dont il dit : arabice est syrupus simplex ex sola aqua et zuccaro vel adhibita aliqua parte aque rosacee ut Jo. Serapio in.vii. Est a greco iulevi (Simon de Gênes, « Clavis sanationis », Venise, per Simonem de Luere, 1507, f. XLva).
186 Comme le remarquait B. Laurioux, le manuscrit parisien lui-même n’est pas incomplet, puisque le texte du Liber de ferculis et condimentis commence par une grande initiale peinte, conforme aux autres traités du codex (B. Laurioux, Les livres de cuisine...... cit., t. III, p. 731, n. 220).
187 Le Régime du corps... cit., p. 3.
188 F. Féry-Hue, « Le Régime du corps... », art. cit.
189 Notons aussi que dans le manuscrit de la B.n.F., lat. 2022, Aldebrandin est qualifié de « medecin du roy de France », qualification qui n’est pas attestée ailleurs.
190 « Et si le fist maistres Alebrans de Florence, en l’an de l’incarnation Jhesu Crist.m.cc.lvi. ans... » (Le Régime du corps... cit., p. 3).
191 Ainsi dans le manuscrit 2059 de la Bibliothèque de l’Arsenal, on peut lire : « Chi commenche un traitiés que la royne Blanche fist translater de latin en rommanch » (f. 179). Sous ce nom, le copiste désigne la reine Blanche de Castille, mère de Louis IX. D’autres manuscrits proposent d’autres destinataires, comme un nommé « Benoit de Florenche » dans le B.L., Sloane 2435 (xiiie s.), par exemple, (f. 1r). Quant aux manuscrits Bodley 179 de la Bodleian Library d’Oxford, Reg. lat. 1334 de la B.A.V. et fr. 1288 de la B.n.F., ils annoncent : « Tous les acteurs qui oncques traitterent de medecine dient et verite est que medecine fut trouvee principalement pour garder le corps en santé. Et est apres pour oster les malladies. Et pour ce, Feldris qui Jadis fut emperiere de Romme, et puis fut condempne a Lyons sur le rosne du pappe Innocent en concille general lequel desiroit plus a garder le corps en sante que a conquerre le salut de son ame si comme il monstra par ses œuvres. Fist cest present libre translate de grec en latin et de latin en francois et le translata maistre Helebran dit de Saenne. Et fut faitte ceste translacions en lan de l’incarnacion mil cc xxxiiii » (Bodleian Library, Bodl. 179, f. 1r). Le prologue du B.n.F., fr. 1288 est cité par A. Thomas dans l’introduction de l’édition de L. Landouzy et R. Pépin au Livre de Physique... cit., p. xxxii.
192 Et etiam tamen propter continuam instantiam domini Ruffini prioris sancti Ambrosii de Placentia et sociorum eius, et amore cuiusdam filii mei qui Leonardinus vocatur, quem ad professionem artis medicinalis inducam pro posse tam propter utilitatem quam prenominati et posteriores ex presenti opere poterunt consequi, nolui quod reclusum erat in anima et acquisitum ex longo tempore, ut post meum non esse evanesceret absque comuni utilitate (« Summa conservationis et curationis », Venetiis, 1490, f. a. 2ra).
193 Depuis 1175, un hôpital a été annexé à l’église de Saint-Ambroise, placé sous la juridiction du monastère de San Savino. Il disparaîtra en 1471 à la suite de la fondation de l’Ospedale grande. Sur les hôpitaux de Plaisance au xiiie siècle, voir U. Buscarini, Origine e fondazione dell’Ospedale civile di Piacenza, Plaisance, s. d.
194 L. Mensi, Dizionario Biografico dei Piacentini illustri, Plaisance, 1900 ; T. Zucconi, « Guglielmo da Saliceto e il progresso... », art. cit.
195 Quando vobis placuerit comedere pisces, potagium vestrum sit de oleribus et de petroselino, betis boraginibus (B.n.F., lat. 16222, f. 76rb).
196 Comedatis autem carnes pullorum, gallinarum, perdicum, fasianorum, edorum, capriolorum, porcorum, arietum unius anni et nullas alias nisi raro et in hieme faciatis fieri bonam salsam cum specierum calidis cum qua comedatis fercula vestra i[d est] de gariofilo, cinamomo, zinzibro et petrosellino (ibid.). Les italiques sont miennes.
197 Cf. supra, p. 105-114.
198 Debetis scire quod tres medicine laxative vobis competunt quia sunt leves et secure et respiciunt humores in vobis frequentius abundantes. [...]. Item quia multiplicatur in vobis de facili in hyeme fleugma, uti debetis aliquando zingibere, quandoque gariofilis... (J. Pagel éd., « Eine bisher unveröffentlichte... », art. cit., p. 615).
199 Debemus autem scire quod exercitium equale frequentius debet fieri in hyeme et vere quam in estate et autumpno (ibid). Ou encore à propos du de repercussivis : Notandum quidem est pro regula generali, quod in omni apostemate debemus uti repercussivis si non generentur in emunctoriis sive in locis propinquis et membris principalibus (ibid., p. 616).
200 Non autem comedatis aliquam fructus nisi in via medicine quoniam omnis fructus fere malum humorem generat paratum putrefactioni et corrupcioni et sunt materia febrium et si damus in febribus hoc est ex necessitate contingente ; unde aliquo modo nutriunt et alterant et propter hoc in via medicine possunt comedi... (B.n.F., lat. 16222, f. 76va).
201 Notandum quidem est pro regula generali, quod in omni apostemate debemus uti repercussivis si non generentur in emunctoriis sive in locis propinquis et membris principalibus (J. Pagel éd., « Eine bisher unveröffentlichte... », art. cit., p. 616). Ou encore : In omni vero squinantia debemus uti repercussivis intra facta minutione [...]. Debemus ergo notare illam regulam et sane intelligere (ibid.).
202 À l’exception du chapitre consacré à l’exercice où le « nous » est employé.
203 Primum vero consilium, ut provocetur vomitus cum aqua tepida et oleo, te fiat clistere laxativum secundum quod communiter fit (L. Élaut, « The Welcourt Manuscript... », art. cit., p. 203).
204 Et tunc offeratur tyriaca maior ad quantitatem avellane cum vino decoctionis baccarum lauri, gentiane, ruthe, et hoc fiat tribus diebus continuis scilicet quod exhibeatur sic, et sic in dieta tenui. In quarto autem die consilium apponendo digitum super vulnus, vel quater, ut eventetur sanguis infectus a veneno et illius pars exeat. Tertia autem die a fleubotomia fiat balneum ut exeant fumositates infecte ad exteriora (ibid.). Il en est de même dans le chapitre suivant consacré aux morsures de chiens enragés.
205 C’est ce qu’on pourrait penser à la lecture de certaines remarques du Livre de Physique. Ainsi, la « chars de buef qui est de greignoir eage ne fait mie à presier tant com cele que dit vous avons, et jasoit ce qu’ele soit boinne à ciaux qui se travaillent et à chiaux qui ont le fourciele fort » (Le Régime du corps... cit., p. 123). Il en est de même dans le Tractatus de conservatione sanitatis, où Zambonino parle des paysans, de ceux qui sont fatigués et qui travaillent : Conceduntur etiam hominibus accidere ructuratibus, et hominibus fatigatis, et diu laborantibus..., ou encore Pisces multum laborantibus non sunt convenientes (Bibl. sem. vesc., ms 173, ff. 44ra, 45rb).
206 À onze reprises Jean de Tolède utilise des formules comme debemus scire, ou sciatis, sans oublier des termes comme notare ou intelligendum est...
207 Ainsi dans le cas d’un déséquilibre humoral qui irait jusqu’à provoquer une fièvre : Si autem contingerit discrasiam istam venire usque ad discrasiam febrilem eadem diete et eisdem medicinalibus vacuum. Iste enim medicinalia semper inveniuntur in apotecis (L. Élaut, « The Welcourt Manuscript... », art. cit., p. 604).
208 Colerici tamen debent uti cibariis infrigidantibus, sanguinei similiter et pauci nutrimenti, sed flecmaticii calefacientibus et pauci nutrimenti. Melancolici similiter calefacientibus indigent, sed parum sed maioris nutrimenti et maioris humiditatis (Bibl. sem. vesc., ms 173, f. 45rb-va). De semblables considérations apparaissent au sujet de la boisson par exemple.
209 Et maxime vinum album et aquosum strictum pectus habentes difficultatem anelitus a nimio potu vini et etiam aque precavere debent et cerebrum habentes debile. Sanguineis competit vinum mediocre [...]. Mulieribus autem vinum dulce et omnibus volentibus inpinguari. Ratione autem regionis diversificatur usus eius : qui habitantes in calida regione, parum debent bibere vinum sed habitantes in frigida econtrario (ibid., f. 47ra).
210 Lampa, quoque valde longe a lecto remota, est ponenda iusta quam sint homines qui vicissim dormiant super lectos, qui legant, loquantur vocibus mediocritatem ; non egredientibus venenosa namque animalia ibunt ad eos, et sic illa poterunt interficere (ibid., f. 51ra).
211 Sequitur de regimine iter agencium quod diversificatur ratione tempus in quo fit iter (ibid., f. 49va).
212 ... antequam suum iter incipiant purgent corpus suum... (ibid.).
213 Secundo ut suum nutriens sit bone substancie... [...] Tertio non debent ambulare seu equitare pleni [...] (ibid., f. 49vb).
214 Item iter agentes a coytu sibi caveant (ibid., f. 50ra).
215 Cum autem pervenerit ad hospitium... (ibid., f. 50rb).
216 Ce genre de considérations apparaît fréquemment comme un topos dans les commentaires à la seconde partie du premier aphorisme d’Hippocrate (Ars brevis, vita longa).
217 Scire et convenit quod nullus hominum per se perfecte potest pervenire ad artes operatibus seu considerativas nisi cum communitate prioris et melioris a quo doctrinaliter audire debet causas et principia et regulas universales artis et vocabula arti propria et modos loquendi et discerendi cum altero si fuerit necessarium et per ipsam viam et modum quilibet secure potest pervenire ad artem operativa in sciencia propria (Guillaume de Salicet, Summa conservacionis... cit., f. a 2vb).
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