Introduction
Prolégomènes à l’étude d’une discipline et d’un genre médical
p. 1-30
Texte intégral
Contemnitur mediocritas et superfluitas affectatur, in diversitate saporum, in varietate ciborum. Aviditas nescit modum, et varietas excedit mensuram, sed et mens gravatur, et stomachus turbatur, sensus opprimitur in illis. Inde non salus et sanitas, sed morbus et mors.
(Innocent III, De contemptu mundi, P.L., 217, 724)
« Combien voyons-nous de [médecins] être de mon humeur ? Dédaigner la médecine pour leur service, et prendre une forme de vie libre, et toute contraire à celle qu’ils ordonnent à autrui ? [...] Car ils n’ont pas leur vie et leur santé moins chères que nous ; et accomoderaient leurs effets à leur doctrine, s’ils n’en connaissaient eux-mêmes la fausseté ».
(Montaigne, Les Essais, livre II, chap. XXXVII)
1Pour faire maigrir les gros [...]. Qu’ils consomment des aliments de faible qualité nutritive, en grande quantité et qui descendent rapidement. Qu’ils se baignent souvent avant de manger et qu’ils fassent souvent et avec empressement de l’exercice. [...] Qu’ils évitent les viandes, le vin, le lait et toute chose douce. Qu’ils consomment beaucoup de légumes avec des sauces piquantes et acides. [...] Qu’ils se disposent à manger deux fois par jour, qu’ils veillent longtemps et boivent du vin vieux et subtil. [...] Qu’ils consomment à jeun, quand ils ont faim, l’électuaire dont il a été question. Et après l’avoir pris, qu’ils jeûnent pour affaiblir leur appétit et l’éteindre quelque peu, de sorte qu’ils puissent tolérer pendant un jour la faim et la soif, suer dans un bain et prendre des médecines qui font maigrir1.
2Tel est le régime que le praticien d’origine milanaise, Maino de Maineri, maître-régent de la faculté de Paris dans le premier tiers du xive siècle, proposait à qui voulait maigrir2. Certains de ces préceptes ne sont guère éloignés des recommandations contemporaines (éviter les aliments trop nourrissants, préférer les légumes aux viandes, faire de l’exercice) et il existait déjà des préparations amaigrissantes. Toutefois les conseils destinés à faciliter la perte de poids sont en réalité rares dans la littérature médicale médiévale et ne représentent qu’un aspect bien marginal de la diététique. S’il faut donc renoncer à y trouver les ancêtres des recettes estivales visant à faciliter la perte de poids, qui font le succès de nombre de magazines actuels, que recouvre réellement la diététique au Moyen Âge et par quels canaux se diffuse-t-elle ? Ces prolégomènes sur les sens médiévaux de la diaeta et sur les origines d’un nouveau genre médical seront suivis par l’exposé de la démarche et par une présentation d’ensemble des chapitres qui constituent ce livre.
LA DIAETA AU SERVICE D’UNE MÉDECINE THÉRAPEUTIQUE ET PRÉVENTIVE
3Le terme de diététique vient du grec δίαιτα, que l’on traduit par diète ou régime (ce dernier mot renvoyant plutôt à l’action, à la mise en pratique des préceptes diététiques, sens que revêt le mot arabe « tadbīr »). Si l’on prend la définition qu’en donne Du Cange, diaeta désigne la ration d’aliments établie selon des préceptes médicaux3. Diaetare, qui signifie « prescrire une diète », relève d’une partie de la médecine qui a pour objet l’enseignement de l’ordonnancement des aliments, ce qui l’inscrit d’emblée dans le domaine des savoirs et tout particulièrement dans le domaine médical.
4Si, dans l’Antiquité, le terme diaeta était couramment utilisé non seulement dans le domaine scientifique, mais aussi dans la littérature ou la philosophie, pour désigner le genre de vie ou l’ensemble des habitudes corporelles et mentales d’un individu, son emploi semble s’être raréfié au Moyen Âge, pour se limiter le plus souvent à une acception médicale. Ainsi, dans les littératures de type normatif comme les statuts des ordres religieux, les rédacteurs préfèrent employer, pour désigner la diète des moines, les formulations plus réductrices de mensura cibi et potuum ou de regula in alimentis, par exemple4.
5Dès l’Antiquité, le terme de diaeta désigne essentiellement, dans des ouvrages médicaux, la connaissance des aliments qui peuvent autant servir à guérir que causer des maladies. À en croire une affirmation liminaire du médecin juif de Kairouan, Isḥāq al-Isrā’īlī (connu en Occident sous le nom d’Isaac Israëli ou Isaac Judaeus), dans ses Diètes universelles, c’est parce que les Anciens se réunissaient pour discuter de la nature des aliments que fut inventée et étudiée la manière de conserver la santé et de soigner les maladies5. Quant au traité pseudo-hippocratique De l’Ancienne médecine, il met la découverte de l’art médical tout entier sur le compte de la nécessaire administration de nourritures différentes selon l’état du patient6. La maîtrise de cette ars est requise pour exercer la médecine et, dans nombre de traités de la collection hippocratique7, des régimes sont proposés selon les affections8. Trois d’entre eux sont plus spécifiquement consacrés à ces aspects diététiques : le traité Du Régime, écrit vers 400 av. J.-C., le Régime des maladies aiguës qui ne mentionne que des nourritures liquides (en raison de l’état de santé des patients atteints de fièvres9), et le Régime salutaire10. Si, pour l’essentiel, les conseils sont composés de prescriptions alimentaires qui prennent le plus souvent la forme d’un catalogue de nourritures (présentation commune aux ouvrages de cette époque11), les auteurs grecs, et notamment celui Du régime, n’en ont pas moins adjoint les exercices comme élément explicatif, selon eux, de la santé ou de la maladie12. Il va sans dire que la collection hippocratique faisait aussi état d’autres facteurs environnementaux et était particulièrement attentive à l’influence des climats et des saisons sur le développement de certaines pathologies13, sans pour autant que ces éléments aient été perçus comme faisant partie intrinsèque de la conception antique de la diaeta.
6Dans la médecine hippocratique, le régime ou la diaeta reposent donc sur l’équilibre entre exercice et alimentation, cette dernière étant considérée comme le facteur essentiel de l’équilibre sanitaire. On doit toutefois à Galien l’introduction dans la définition de l’art diététique d’autres facteurs essentiels, qu’il appela les « choses nécessaires » parce qu’elles étaient indispensables à la vie14. C’est aux auteurs arabes cependant, et notamment à l’Isagoge de Johannitius, traduction adaptée des Questions sur la médecine de Ḥunain ibn Ishāq (808-877)15, sorte d’abrégé de la pensée galénique, que l’on doit une systématisation de ces facteurs et la nouvelle dénomination de « choses non naturelles16 », adoptée par le Moyen Âge latin. Ce terme permettait de distinguer ces composantes, pour partie psychologiques et physiologiques, pour partie liées à l’environnement, d’autres catégories telles les « choses naturelles » (éléments constitutifs de la physiologie17 sur laquelle l’action humaine est inopérante), et les « choses contre nature » ou maladies. Nécessaires, ces « choses non naturelles » le sont pour conserver la santé et lutter contre la maladie. Au nombre de six, elles rassemblent des facteurs externes au corps humain qui sont, dans l’ordre d’énumération galénique, l’air, l’alimentation et la boisson, le mouvement et le repos, le sommeil et la veille, ce qui est avalé et ce qui est expulsé et les passions de l’âme18. Dans l’Isagoge, la liste fut étendue à l’activité sexuelle ou aux bains19, entérinant ainsi une acception élargie du concept de diaeta dont on trouve écho dans un texte salernitain de la seconde moitié du xiie siècle. Dans sa Summula de preparatione ciborum et potuum infirmorum, Petrus Musandinus mentionne en effet les deux sens que le mot recouvre à son époque : une acception stricte qui renvoie à une définition hippocratique de la diète ou du régime alimentaire, et une plus large, qui englobe l’ensemble des facteurs de l’environnement et qui pourrait plutôt se traduire par hygiène20. Les mêmes termes sont employés dans le premier commentaire connu aux Diètes d’Isaac Israëli, œuvre d’un certain Mattheus F.21, qui fut sans doute lui aussi, un maître salernitain de la seconde moitié du xiie22 ou de la première moitié du xiiie siècle23. Les deux sens du mot coexistent donc dans la définition de la diététique médiévale, comme le souligne le maître montpelliérain Gérard de Solo († ca. 1360) dans son commentaire aux Diètes universelles d’Isaac24, et l’ars diaetae est définie comme ce qui permet de connaître la bonne administration des « choses non naturelles » en vue de la conservation de la santé ou de sa restitution.
7Ainsi perçue, la diététique s’intègre donc parfaitement à la conception médiévale d’une médecine entendue à la fois comme une science et un art qui soigne les corps malades et conserve dans leur disposition les hommes en bonne santé. La médecine se subdivise en deux parties : l’une théorique, subordonnée à la philosophie naturelle, a pour finalité la connaissance des causes de la santé et de la maladie ; l’autre, pratique, se destine aux soins et à la conservation de la santé25. C’est à la pars practica qui comprend aussi la potio et la cirurgia qu’appartient la diaeta, selon la définition donnée par l’Isagoge et admise par tous26. Si la chirurgie est le fait du barbier et surtout du chirurgien, la pharmacopée et la diète relèvent directement des compétences du médecin. À la différence de ces autres branches, seule la diététique est utilisée à la fois pour la thérapie et pour la préservation de la santé. Elle est perçue comme un synonyme de custodia sanitatis et désigne ce qui régit et conduit la conservation.
8L’annexion de la conservation de la santé dans le champ médical n’est pas une invention médiévale et déjà, dans le traité hippocratique Du régime, tout entier orienté vers cette idée, les deux termes se trouvaient associés dès les premières lignes du texte27. Penser le geste médical non seulement comme thérapeutique mais aussi comme conservatoire se justifie par la conception antique et médiévale d’une santé toujours fluctuante, au point qu’il serait plus adéquat de parler des différents « états » de la santé.
Latitudo sanitatis
9Dans le cadre d’une pensée cosmologique où le monde sublunaire est perçu comme une imitation de l’univers, la constitution de l’homme (comme celle de toutes les autres substances matérielles) est conçue comme un mélange de qualités premières qui définissent des complexions ou tempéraments28. Ils ont leur équivalent parmi les quatre éléments constitutifs de l’univers : comme le feu, l’homme est fait de chaleur et de sécheresse, comme l’eau, d’humidité et de froid, comme l’air de chaleur et d’humidité et comme la terre de froid et de sécheresse29. La santé est définie comme un mélange équilibré de ces qualités premières ou, plus encore, de leurs composants fluides, les humeurs30. Dans l’accessus ad auctorem traduit par Étienne de Pise de la partie théorique du Pantegni (al-Kitāb al-Malakī) du médecin arabe du xe siècle ῾Alī ibn al-῾Abbās al-Maǧūsī (connu des Latins sous le nom d’Haly Abbas), l’art du régime est rendu responsable de la tempérance des humeurs et donc de la santé31.
10Toutefois, les conceptions médicales se sont vite heurtées à l’impossibilité de penser un mélange parfaitement équilibré et les commentateurs du Tegni de Galien, l’un des ouvrages les plus étudiés au Moyen Âge32, eurent tôt fait d’introduire le concept avicennien d’une latitudo sanitatis et de santés plus ou moins équilibrées par rapport à un idéal inatteignable. Selon l’humeur qui prédomine dans le corps (et qui résulte elle-même de la somme des complexions des différents organes), on parlera de complexion sanguine, colérique, flegmatique ou mélancolique. Par rapport à un état équilibré du mélange sanguin, il existe aussi des états dégradés (lapsi), qui n’en définissent pas pour autant des états pathologiques, mais simplement une santé relative ou imparfaite. La maladie résulte pour l’essentiel d’une forte dyscrasie (ou déséquilibre accidentel, dû aux « choses non naturelles »)33, même si elle peut aussi s’expliquer par des malformations congénitales (mala compositio) ou par un accident. Dans ce dernier cas, la thérapie relève de l’action du chirurgien. Les maladies internes, causées par le déséquilibre humoral, sont quant à elles soignées par une diète et une pharmacopée correctives. Entre santé et maladie, Galien introduisait aussi un état neutre que l’on trouve peu souvent mentionné en dehors des commentaires médiévaux au Tegni.
11Si la santé évolue sous l’effet de facteurs comme l’alimentation, le climat ou encore les saisons, elle fluctue aussi en fonction des données physiologiques comme l’âge ou le sexe. Durant sa vie, l’homme, qui est considéré comme plus chaud et plus sec que la femme, ne dispose pas d’un état de santé uniforme : l’enfant, chaud et humide, comme le printemps, devient un adolescent chaud et sec comme l’été, puis un adulte froid et humide à l’image de l’automne. Vieillard, il est alors froid et sec (comme l’hiver). On comprend donc que deux maux principaux menacent la santé tout au long de l’existence : la déperdition de l’humidité, qualifiée de radicale, sous l’effet de la chaleur naturelle et de l’air, qui conduit l’homme vers la sécheresse puis la mort naturelle, et la putréfaction des humeurs dans le corps. Pour faire face à ces périls, la diététique devait donc s’efforcer d’adapter un régime à chaque cas, sans pour autant espérer éviter l’inéluctable : elle n’empêche pas la perte d’humidité, au mieux elle la retarde, éloignant temporairement l’ultime moment auquel nul ne saurait échapper.
12Il était toutefois bien difficile au médecin de diagnostiquer, uniquement sur la base de l’équilibre humoral, un état de santé ou de maladie, la modification des mélanges n’étant guère observable, sauf théoriquement au toucher. En réalité, seul l’examen des symptômes (parfois pris d’ailleurs pour la maladie elle-même), des urines et du pouls, permettait de définir l’état du patient34.
L’alimentation, une fonction essentielle à la vie
13Le Moyen Âge a dans l’ensemble adopté une conception plutôt large du mot diaeta. Mais l’alimentation n’en a pas moins occupé une place de choix dans les ouvrages qui la concernaient, ne serait-ce que parce qu’elle joue un rôle essentiel dans la nutrition, qui est l’une des vertus essentielles du corps. En effet, plus que d’autres, elle a pour finalité de préserver l’intégrité de l’individu, et en particulier l’équilibre de ses qualités35. L’air a certes souvent été considéré comme l’élément à la fois le plus nécessaire à la vie et le plus dangereux, car il pénètre dans le corps sans aucune médiation, mais il a soulevé moins d’interrogations que les nourritures qui, elles, subissent de nombreuses transformations après leur ingestion. Elles donnèrent lieu à nombre de questions scolastiques relatives à la nature de l’aliment, à sa différentiation d’avec les médicaments, au rôle du sang ou encore au processus de la digestion36.
14L’alimentation est directement liée bien sûr à la vertu nutritive et aux humeurs, qui ne se contentent pas d’être les véhicules de la complexion, mais participent activement à la nutrition du corps. L’assimilation de l’aliment ne s’explique pas encore par des procédés chimiques mais mécaniques. C’est à la suite de quatre opérations qu’il est transformé en humeurs, purifié de ses superfluités (qui sont rejetées37) tandis que la majeure partie du sang est utilisée pour nourrir toutes les parties du corps et restaurer partiellement ce qui a été perdu38. La première digestion a lieu dans la bouche et dans l’estomac ; elle permet d’extraire le jus de l’aliment, directement conduit dans le foie où une deuxième digestion produit du sang. Ce dernier part dans les veines et subit une troisième digestion avant que dans les différentes parties du corps n’ait lieu la dernière qui transforme le produit des précédentes digestions en matière et en formes (os, chair, tissus, membres...)39. La distinction entre le médicament et l’aliment est donc radicale : alors que le premier altère le corps, le second est altéré par lui40, au point de perdre sa forme originelle pour devenir composante corporelle, c’est-à-dire passer de ce qui substante à ce qui est nourri. Il doit aussi, pour être transformé facilement, être semblable au corps qu’il va substanter41.
15Il est donc nécessaire de connaître la complexion des aliments. Comme tous les autres êtres vivants, ils disposent en effet d’un tempérament spécifique que le bon sens ou des principes analogiques permettent en général de définir. Les fruits frais sont pour la plupart froids et humides en raison de leur consistance juteuse et les poissons humides car ils vivent dans l’eau. Les animaux sauvages sont plus secs que les domestiques car, vivant en liberté, ils se dépensent plus et s’assèchent, en vertu des effets de l’exercice sur le corps. De ces complexions, découlent aussi d’autres caractéristiques des aliments, leur plus ou moins grande subtilité ou légèreté, leur lourdeur ou leur « grossièreté », leurs qualités nutritives, leur digestibilité et les effets qu’ils ont sur le corps : certains humectent, d’autres nourrissent, d’autres encore sont diurétiques ou provoquent des flatulences42...
16L’alimentation répond ainsi à deux exigences essentielles d’un point de vue médical, comme l’explique Gérard de Solo, dans son commentaire aux Diètes universelles d’Isaac Israëli : elle conforte, régénère, restaure ce qui a été perdu et renforce les vertus grâce auxquelles ce qui est en trop dans l’organisme est expulsé43, selon un principe de balancier, entre ce qui entre dans le corps et ce qui en sort.
Les principes d’une bonne diète
17À partir des théories de la nutrition et de la connaissance des aliments, se dessinent les principes d’une diète en apparence simple : aux colériques, il convient de donner des nourritures colériques, aux flegmatiques des choses froides et humides comme les poissons, aux personnes en bonne santé des aliments semblables à leur complexion et aux malades, dont la complexion est déséquilibrée, des nourritures contraires44. Cependant, en vertu de la latitudo sanitatis, il n’est pas toujours simple de savoir ce que l’on entend par non tempéré et si les complexions où prédomine un couple de qualités relèvent de la santé ou de la pathologie. De ces difficultés théoriques découlent des choix que le médecin doit opérer entre un régime conservatoire ou thérapeutique, mais aussi, pour l’historien, la nécessité de redéfinir des concepts en apparence simples, comme ceux d’aliment ou de nourriture.
18La question du type de régime qui convenait aux complexions dégradées agita longtemps le milieu médical. Chez certains auteurs, les définitions semblent évidentes : ainsi dans la lectio secunda de ses Diètes, Isaac Israëli préconise de nourrir par des choses similaires les seuls sanguins, proposant en revanche, pour les autres tempéraments, des nourritures contraires à leurs complexions afin de les ramener vers l’équilibre perdu45. Si la qualité sanguine est la seule à être considérée comme parfaitement tempérée, c’est en raison de ses composantes chaude et humide qui sont essentielles aux vertus fondamentales de l’existence, la nutrition et la génération. Commentant ce passage des Diètes au xiiie siècle, Petrus Hispanus, médecin d’origine portugaise46, expose les thèses en présence : pour celle favorable à un régime composé d’aliments semblables à la complexion colérique, il reprend les positions de Galien dans le Tegni, soulignant qu’un corps naturellement colérique est chaud et nécessite pour sa conservation des choses chaudes ; il cite aussi le commentaire d’῾Alī ibn Riḍwān à ce texte, qui explique que les membres dans leur complexion naturelle réclament des choses qui leurs ressemblent alors que ceux qui ont un tempérament non naturel désirent des choses contraires47. En outre, le corps colérique (comme tous les êtres vivants) perd de la chaleur qui doit être compensée par un apport de cette qualité. À ces positions qui soutiennent un régime de la conservation, Petrus Hispanus oppose trois arguments : d’abord, si les choses tempérées nécessitent des choses semblables, les non tempérées, comme le sont les colériques, ont besoin de choses contraires. Ensuite, comme le pense Galien dans les Aphorismes, l’apport de qualités colériques supplémentaires conduirait à une augmentation de cette humeur et à un déséquilibre, facteur de corruption ; enfin, seule la complexion tempérée peut jouir d’aliments semblables et seuls ces types de corps doivent être régis par un régime similaire. De ces arguments contraires, le commentateur conclut à quatre types de régimes possibles : le premier étant conservatoire et fondé sur des aliments semblables, le second contraire pour ramener la complexion vers un état tempéré, le troisième constitué de nourritures semblables et contraires pour empêcher toute fièvre colérique et le dernier d’aliments chauds et secs pour empêcher tout excès de flegme. On retrouve ici les diverses catégories de régimes, qui sont destinées à conserver (conservare) l’équilibre existant, à le ramener (reducere) vers un équilibre et à le préserver (preservare) de certains dangers. Cette conclusion multiple est rendue possible par une définition ambiguë ou à tout le moins relative de ce qu’il faut entendre par complexion tempérée : elle peut être absolute et simpliciter, c’est-à-dire absolument équilibrée et dans la meilleure de ses formes possibles ou tempérée par rapport à son espèce48 (c’est-à-dire qu’un tempérament colérique peut être parfaitement tempéré par rapport à l’ensemble des autres colériques), mais il sera toutefois lapsum ou dégradé par rapport à celui qualifié d’absolute.
19Traitant la même question, Gérard de Solo, après avoir opposé les petits déséquilibres aux plus importants selon le degré, en arrive à une redéfinition de la notion d’aliment semblable, grâce à l’apport des théories d’Avicenne, distinguant les choses identiques in forma et in effectu de la simple définition qualitative de la similitude. Selon le médecin, la nourriture ne peut être similaire à celui qui la consomme, si ce n’est potentiellement, et seule la vertu qui la transforme la rend identique au corps qui l’assimile par l’effet49. Gérard de Solo s’interroge aussi sur la capacité de l’aliment à changer la complexion, dans la mesure où ce qui le différencie du médicament, ce sont ses qualités passives qui font que c’est lui qui est transformé au cours de la digestion et non ce qu’il nourrit. Il conclut cependant sur la capacité de la nourriture, lorsqu’elle a une qualité contraire à un membre ou à une humeur, à causer une transformation de la complexion. Jacques Despars (1380 ?-1458), un médecin parisien auquel on doit un commentaire du Canon d’Avicenne50, préfère distinguer dans ce cas, les cibi qui n’ont qu’une vertu nutritive, des cibi medicinales ; seuls ces derniers, parce qu’ils disposent aussi d’une vertu médicinale (c’est-à-dire capable d’altérer le corps) sont susceptibles de corriger les complexions dégradées ou d’éviter un plus grand déséquilibre51.
20Au xve siècle, Ugo Benzi (1376-1439), médecin originaire de Sienne52, aborde cette question de la diète des complexions lapse naturaliter dans son commentaire au Tegni de Galien. Évoquant un problème ample et difficile, il propose d’y répondre longuement dans le cadre de ses questiones extravagantes. Il mentionne d’abord la position d’Averroès dans le Colliget (que ne pouvait connaître Petrus Hispanus), où le médecin cordouan opte pour un régime contraire, considérant en effet qu’une complexion trop chaude est proche de cet état où commencent les maladies53. Reprenant un exemple du Canon d’Avicenne, Ugo Benzi souligne aussi que le médecin doit prendre en compte l’activité de son patient puisque l’exercice ou le travail, par exemple, accentuent les déséquilibres naturels en échauffant et en asséchant les corps54. Enfin, il rappelle, selon les conceptions avicenniennes, qu’un aliment n’est pas seulement connu par sa complexion propre, mais aussi par rapport à celui qui va l’ingérer ou par ses effets spécifiques qui peuvent se révéler parfaitement contradictoires avec ses qualités premières.
21Ces questions, vivement débattues dans les commentaires scolastiques, servirent de toile de fond à l’écriture des « régimes de santé », terme par lequel fut désigné au Moyen Âge tout un pan de la littérature médicale destinée à la promulgation de règles d’hygiène. En réalité ces difficultés n’y sont pas abordées frontalement, du fait de la nature, dans l’ensemble essentiellement normative et bien peu spéculative de ces textes.
L’ÉMERGENCE D’UNE ÉCRITURE DIÉTÉTIQUE OCCIDENTALE
22C’est à partir des xiie-xiiie siècles qu’apparaissent dans l’Occident latin les premiers traités, partiellement ou exclusivement consacrés à la diététique. Cette affirmation n’est vraie que si l’on néglige la littérature médicale qui préexista aux grandes campagnes de traductions du corpus arabe et grec dès la seconde moitié du xie siècle. En effet, durant le haut Moyen Âge, dans le cadre d’une médecine qualifiée de pré-salernitaine, se diffusèrent des principes d’hygiène sous la forme de calendriers, organisés selon les saisons ou les mois de l’année55. Dénués de réflexions théoriques, uniquement tournés vers la pratique, ces brefs traités s’inscrivaient parfaitement dans la littérature médicale de cette époque, constituée d’opuscules consacrés à l’urine, au pouls, aux humeurs ou à la saignée, ou encore de réceptaires et de livres de pharmacopée56. Ils relevaient d’une tradition antique, représentée par le calendrier diététique du traité pseudo-hippocratique Du Régime57 et par les lettres attribuées au médecin athénien Dioclès de Caryste (qui vécut dans la seconde moitié du ive siècle av. J.-C.), adressées à des généraux d’Alexandre58 et qui se diffusèrent en traductions latines en Occident59. À ma connaissance, un seul ouvrage, le De observatione ciborum d’Anthime60, échappa à la forme calendaire pour reprendre une autre filiation, celle des listes d’aliments, illustrée par Du régime par exemple.
23La nouvelle écriture médiévale incarnée par la Summula de preparatione ciborum et potuum infirmorum de Petrus Musandinus qui, comme son titre l’indique, se consacrait à la seule alimentation des malades61, et poursuivie par un grand nombre de textes qui feront l’objet de l’étude qui suit, est avant tout liée à la constitution d’un savoir nouveau, établi sur les bases de traductions des ouvrages fondamentaux de la médecine arabe et grecque.
Les traductions
24Au xie siècle, un moine originaire de Carthage, Constantin l’Africain († av. 1098 ?), installé dans l’abbaye bénédictine du Mont-Cassin, fut le responsable de la première grande campagne de traductions du corpus médical de langue arabe62. Quelques-unes concernaient partiellement ou totalement la diététique. Le Pantegni d’Haly Abbas, somme médicale à la fois théorique et pratique, et l’Isagoge Johannitii63, popularisèrent ainsi la notion de « choses non naturelles » et, définissant la médecine à la fois comme une epistemè et une technè, contribuèrent à faire de la diaeta l’une des composantes de la partie pratique, considérée comme démonstration des principes dans l’ordre du sensible64. Constantin traduisit également les œuvres d’un médecin et philosophe de Kairouan, issu d’une famille juive installée en Égypte, Isaac Israëli : parmi ses traités composés en arabe, où les aspects pratiques sont valorisés65, figure un livre fondamental pour la diététique définie dans son sens strict : les Diètes universelles et particulières. Composé de deux ensembles, l’un volontiers général où sont définis les caractères principaux des nourritures, l’autre consacré aux grandes catégories alimentaires, cet ouvrage bénéficia d’une grande résonance dans le monde latin.
25Un siècle plus tard, eut lieu en Espagne une seconde grande entreprise systématique de traduction. Œuvre pour l’essentiel de Gérard de Crémone, un Lombard installé à Tolède sans doute pour y apprendre l’arabe et y trouver l’Almageste de Ptolémée, elle apporta à l’Occident, parmi de nombreux ouvrages, le Canon d’Avicenne66, qui progressivement supplanta le Pantegni67. Véritable encyclopédie médicale, à la fois théorique et pratique, préventive et thérapeutique, le Canon consacrait une partie du premier livre aux aspects diététiques et à différents régimes. D’une grande importance dans le domaine de la santé, il soulignait notamment l’impossibilité de trouver dans la nature un tempérament absolument équilibré. Il introduisait aussi la notion de « forme spécifique » qui permettait de réduire le champ d’action des qualités premières, en soutenant qu’un produit (aliment ou médicament, simple ou composé) n’est pas seulement défini par l’action de ses qualités premières, mais aussi par une propriété acquise après la détermination de la complexion et définie par son effet. Aux médecines qui agissaient sur le corps par leur seule qualité, ou tel l’aliment par le procédé d’assimilation, s’ajoutait une troisième catégorie dont les effets s’expliquaient en vertu d’une propriété acquise par la matière, la « forme spécifique68 ». Si ces concepts furent très largement repris dans la pharmacopée, ils ne furent pas sans incidence sur la diététique.
26À ces textes fondamentaux de la science arabe en matière d’hygiène, s’ajoutèrent d’autres traductions, généraleme46jnt fruits d’entreprises plus isolées et moins systématiques que les précédentes, qui vinrent compléter l’arrière-plan théorique de cet art ou enrichir son versant pratique et ses constructions formelles : le De sanitate tuenda de Galien et le Colliget d’Averroès69 pour les aspects conceptuels, le Secret des secrets pseudo-aristotélicien comme modèle scripturaire70, sans oublier, dans le domaine plutôt alimentaire, le De facultatibus alimentorum de Galien, qui fut traduit deux fois vers la fin du xiiie siècle (d’abord par Guillaume de Moerbecke, pénitentier pontifical, puis par Accursino da Pistoia) et le Tacuinum sanitatis (Kitāb Taqwīm aṣ-ṣiḥḥa) du médecin chrétien de Bagdad, Ibn Buṭlān71. Des régimes d’origine arabe, qui eurent toutefois une influence plus limitée en Occident, firent également l’objet d’adaptations latines, comme celui que Maïmonide rédigea pour le fils du sultan Saladin à la fin du xiie siècle72 et le Livre du régime et de la conservation de la santé (Kitāb al-aġḏiya) d’Avenzoar (Ibn Zuhr, † en 1162), également traduit à Montpellier.
La diététique dans le cursus universitaire
27L’ensemble de ces traductions est à l’origine de la construction du savoir médical occidental, qui prit naissance d’abord dans le cadre de l’enseignement salernitain, avant de se diffuser dans les premières universités73. La célèbre « école », dont les origines sont méconnues, servit en effet de premier relais aux traductions du Mont-Cassin74 qui y firent l’objet de commentaires. L’Isagoge allait y devenir l’un des textes fondamentaux de l’enseignement médical constitué par un noyau de cinq textes, à la source de la collection dite Articella75. Si les Diètes d’Isaac Israëli n’en firent jamais partie, elles n’en furent pas moins souvent associées à cette collection dans de nombreux manuscrits76 et ont bénéficié d’un premier commentaire d’un dénommé Mattheus F. Dans le domaine alimentaire, elles furent, plus que le De facultatibus alimentorum de Galien, à la base du savoir diététique. Assorties du Canon d’Avicenne, elles constituèrent la principale source d’informations sur le sujet, et intégrèrent rapidement la plupart des curricula universitaires.
28Quoiqu’on ignore souvent les premiers cursus suivis dans les facultés de médecine, l’ars diaetae fut généralement enseignée par l’intermédiaire de textes galéniques et arabes. À Paris, les plus anciens statuts connus, ceux de 1270-1274, comprenaient pour la connaissance de l’hygiène l’Isagoge, le Régime des maladies aiguës d’Hippocrate, tous deux en lectures ordinaire et cursive, c’est-à-dire menées respectivement par le maître et par un bachelier77, ainsi que les Diètes universelles et particulières d’Isaac Israëli en lecture ordinaire et cursive78. À Naples, l’examen à la licence prévoyait l’étude de quatre livres d’Isaac parmi lesquels les Diete universales79. À Montpellier, à la suite de la réforme des statuts entreprise par Guillaume de Brescia et Arnaud de Villeneuve, en 1309, la diète n’est pas directement représentée, si ce n’est à travers le Régime des maladies aiguës ou de l’Isagoge qui faisaient partie des livres que le bachelier, candidat à la licence, devait savoir commenter. Les Diètes ne sont pas mentionnées expressément, les règles précisant seulement que l’étudiant doit avoir entendu le commentaire d’œuvres choisies parmi celles d’Avicenne, Rhazès ou Isaac Israëli80. Mais, en 1340, les nouveaux statuts imposent le livre I du Canon parmi les ouvrages obligatoires, tandis que les Diètes universelles apparaissent sur la liste complémentaire. Elles firent d’ailleurs l’objet du commentaire d’un maître montpelliérain, Gérard de Solo, peu avant le milieu du siècle81. À partir du xive siècle, le Canon devient l’ouvrage fondamental de l’enseignement médical et on pourrait dire aussi diététique (avec le chapitre intitulé Quod comeditur et bibitur) : à Bologne en 1405, les leçons du matin prévoient notamment des parties de la fen 3 en première année (reprises en deuxième année l’après-midi et le matin en quatrième année) et le De sanitate tuenda de Galien l’après-midi en première année. Les Diètes ont disparu.
29Si la diététique fut enseignée à l’université, soit par l’intermédiaire d’un livre spécialisé (les Diètes), soit plus globalement à partir de l’Isagoge, de certains ouvrages galéniques ou du premier livre du Canon d’Avicenne, les textes qui en diffusaient le savoir ne furent manifestement pas ceux qui suscitèrent le plus de commentaires, preuve sans doute d’un intérêt moins grand pour la discipline. On ne connaît ainsi que quatre commentaires complets des Diètes d’Isaac Israëli82, mais de nombreuses copies du texte portent les traces d’annotations partielles, écho d’explications littérales de quelque maître ou bachelier83. De même, les passages diététiques du Canon d’Avicenne furent dans l’ensemble moins commentés que d’autres fens du livre I. Malgré une certaine réticence à étudier les textes dépositaires de ce savoir sur l’hygiène, leur circulation n’en fut pas moins importante dans le milieu universitaire et assuremment à l’origine de la production d’une littérature spécifique à teneur plus vulgarisatrice.
MÉTHODE DE TRAVAIL
30Alors que se sont développées ces dernières décennies les études consacrées à la médecine médiévale, qu’il s’agisse d’en analyser les aspects théoriques, qui relèvent de l’enseignement scolastique84, ou d’en appréhender le côté pratique, tourné vers l’opus, et d’en mesurer la dimension sociale85, la diététique n’a longtemps fait l’objet que d’un intérêt timide, souvent fortuit, lié parfois plus à l’examen de la transmission d’un texte touchant de près ou de loin à l’hygiène86, qu’à un désir d’éclaircir véritablement les fondements de cette discipline, son rayonnement et son statut au sein de la science médicale. Seules des études de portée générale sur la médecine faisaient état de nos connaissances sur le sujet87. S’intéressant principalement aux corps bien portants, la diététique a en quelque sorte été considérée comme un « hors champ » du savoir scientifique. Parent pauvre de la réflexion historique en matière médicale, la diététique l’est restée longtemps, elle qui, bien que reconnue depuis l’Antiquité comme moyen de conservation de la santé et comme instrument thérapeutique, semblait tombée dans une disgrâce que sa filiation avec l’art culinaire88 ne pouvait que confirmer.
31Ces lacunes n’ont pas seulement touché la diététique en tant que discipline intellectuelle et branche du savoir médical, mais aussi ses prolongement pratiques, qui s’incarnent dans une production littéraire spécifique que l’on a pris l’habitude, depuis l’époque médiévale, de désigner sous le titre générique de « régimes de santé ». Toutefois ces dernières années des études sont venues combler quelques aspects de son histoire ; certaines ont privilégié la diététique antique89, qui avait su très tôt occuper une place essentielle dans la science de son temps, riche aussi d’un grand nombre de textes conservés (ou dont l’existence fut transmise par des voies indirectes) ; d’autres, comme celles menées par Pedro Gil Sotrès, se sont attelés aux régimes de santé médiévaux, restituant à la diététique médiévale sa pleine vocation médicale90.
32L’enquête entreprise ici prend en compte non seulement les méthodes et les interrogations de l’historien des sciences, mais aussi celles des histoires intellectuelle et sociale. Unir ces trois approches, qui, pour chacune d’entre elles, nécessite un effort de définition, ne va pas de soi91. Le long débat mené durant ces dernières décennies autour des diverses définitions données à l’histoire des idées, à l’histoire intellectuelle ou encore à l’histoire des mentalités, donnant naissance à autant de démarches, de terrains d’enquête et de questionnements, souligne la fragilité des positions respectives de chacune de ces catégories ; mais il témoigne aussi d’acquis véritables92, notamment de la nécessité de penser l’objet à analyser, surtout lorsqu’il s’agit d’un objet intellectuel, dans son rapport avec le monde – les structures sociales et politiques de son époque, l’ « outillage mental93 » à sa disposition ou par lequel il est perçu, les liens de dépendance qu’il entretient avec les états du savoir, des techniques, les représentations du monde, les usages et consommations qu’on en a fait... Seule une triple démarche, empruntée à ces trois histoires, permet de répondre à des questions en apparence simples : qu’est-ce qu’un texte diététique et distingue-t-on des différences entre les traités des xiiie, xive et xve siècles ? Qui les écrit, dans quel but et pour qui ? Enfin que font de ces ouvrages les lecteurs avérés ?
33Le point de vue de l’historien des sciences se légitime de lui-même, parce que la littérature diététique, malgré son statut parfois équivoque d’œuvre de vulgarisation, fait partie de l’ensemble de la production médicale occidentale. Écrite par des « professionnels » de la santé, elle se nourrit des connaissances, des positions doctrinales et éventuellement des expériences de son temps. Il est donc possible d’en décrypter les sources, d’en analyser les modalités de construction et d’organisation du savoir, d’en cerner les étapes, essentiellement à travers l’examen de son contenu. Cette démarche internaliste n’est pas exclusive de l’approche plus externe que propose l’histoire intellectuelle, par exemple. Parce que cette littérature est production de savoir, destinée à être lue, éventuellement mise en application, les conditions de son écriture ainsi que les lieux et les milieux de production sont des éléments fondamentaux pour élucider les circonstances dans lesquelles sont apparus les premiers ouvrages sur le sujet ; la circulation des textes et des hommes est tout aussi éclairante pour qui veut comprendre comment un livre s’écrit... mais aussi pour quoi et pour qui. Le rapport entre production et consommation n’est pas univoque et statique94. La littérature diététique occidentale n’est pas seulement le résultat d’un état du savoir. Son émergence, son succès, sa diffusion s’expliquent aussi par le milieu social et culturel dans lequel elle s’inscrit.
34Composée dans une large mesure d’ouvrages dits de vulgarisation dont le discours théorique se limite à l’essentiel, et dont la principale préoccupation semble de diffuser un ensemble de règles faciles à comprendre, la littérature diététique des xiiie-xve siècles est conditionnée, non seulement par le niveau scientifique de ses auteurs, mais peut-être plus encore par l’horizon des destinataires, supposés ou réels. Seul un va-et-vient du livre à son lecteur95, et de l’auteur au livre peut nous permettre d’envisager le texte dans toutes ses complexités, comme médiateur d’un savoir, comme instrument d’échanges, mais aussi comme expression des attentes de ses lecteurs. De ce point de vue, les questionnements sont nombreux car le régime peut apparaître comme un lieu de tension entre le savoir du médecin et la connaissance que chacun peut avoir de soi-même, entre les règles de vie imposées ou suggérées et le libre-arbitre personnel du destinataire. La littérature diététique rejoint ici le domaine plus vaste des outils mis en œuvre pour la surveillance et la régulation des pratiques corporelles et donne à lire la médiation médicale qu’induit le régime dans le rapport de soi au corps et plus largement à l’environnement, un sujet qui a fait l’objet, ces dernières années, d’importantes et pertinentes enquêtes96.
35Pour mener à bien ce travail, il était nécessaire de définir clairement ce qu’on entend par littérature diététique, car rares sont les textes médicaux qui ne parlent pas de diète, d’alimentation ou d’hygiène. Le premier critère retenu a été celui de la préoccupation essentiellement diététique de l’ouvrage, ce qui excluait alors pratiquement tout autre branche du savoir, qu’il s’agisse de pharmacopée ou de chirurgie. L’examen de cette littérature, généralement désignée par le terme générique de « régime de santé », m’a amenée aussi à privilégier les livres qui faisaient de la conservation et non des soins leur souci principal. Le recensement proposé des textes rédigés dans le monde occidental exclut donc les practicae et autres consilia qui traitent certes de diététique, mais partiellement, et d’un point de vue thérapeutique. En revanche, s’il est pour l’essentiel focalisé sur la production occidentale, ce dénombrement n’en intègre pas moins certaines traductions qui furent fondamentales pour l’ars diaetae occidental, comme les Diètes universelles et particulières d’Isaac Israëli, le Tacuinum sanitatis d’Ibn Buṭlān ou le Secret des secrets pseudo-aristotélicien. Cependant, la recherche de ces témoins n’eut rien de systématique et certaines des recensions fournies, séparées du reste de l’inventaire, sont données à titre indicatif. De même, le Flos medicinae, poème médical en vers, pour partie diététique et attribué à l’École de Salerne, ne donne pas lieu à un examen spécifique : le trop grand nombre d’exemplaires de l’œuvre et l’extrême variété de la transmission nécessiteraient une étude particulière, sans compter qu’il ne s’agit pas à proprement parler d’un poème à la seule vocation diététique si l’on en juge par certaines traditions textuelles97.
36Manuscrits et éditions ont livré pour le Moyen Âge environ cent trente textes rédigés en latin et en vernaculaire (italien et français), pour une majorité anonymes, mais soixante-et-un d’entre eux sont des œuvres signées, parfois par de grands noms de la médecine. Certes, la part des régimes sans auteur répertorié a certainement été sous évaluée, car moins facile à identifier dans les inventaires de bibliothèques. Certains de ces textes furent transmis par un unique codex tandis que d’autres nous sont parvenus en plus d’une cinquantaine d’exemplaires. Si ce recensement révèle le caractère « occidental » de cette littérature, il n’en souligne pas moins la précocité de deux pays dans cette écriture et la quantité d’ouvrages qui y ont été composés : l’Italie et, à un degré moindre, la France furent en effet les véritables « berceaux » d’une production originale sur le sujet. Aussi l’étude qui suit met-elle avant tout l’accent sur les ouvrages qui y furent composés, les textes allemands, anglais ou de l’Est de l’Europe étant pour l’essentiel convoqués à titres de comparaison. Parce qu’elle fut majoritairement écrite en latin, c’est la littérature en langue savante qui a été privilégiée, seules les œuvres vernaculaires les plus importantes étant mentionnées.
37Afin de dégager les caractéristiques de ce qu’aujourd’hui on appelle encore les « régimes de santé », il m’a semblé nécessaire de traiter ces informations d’un point de vue typologique, en référence à l’étude que menèrent Jole Agrimi et Chiara Crisciani sur les consilia. Je sais ce que cette démarche classificatoire peut avoir de réducteur et de subjectif98, mais elle est légitime dans le cas d’une littérature qui revendique son appartenance à une classe précise de textes et qui est, pour l’essentiel, un produit issu d’une même source de savoir, rédigé par des auteurs formés dans les mêmes lieux et exerçant le même métier. Les trois premiers chapitres de ce livre sont donc un essai d’analyse typologique qui suit un ordre chronologique imposé par l’examen des textes eux-mêmes : entre le second tiers du xiiie siècle, date de composition des premiers ouvrages, et la fin du Moyen Âge, se dessinent des évolutions dans l’écriture, dans les choix de composition et dans les objets traités qui, pour certaines d’entre elles, ne s’expliquent que par une histoire interne à la discipline médicale et, pour d’autres, par des événements qui n’ont rien de propre à cette spécialité, comme la peste de 1348. Si pour les premiers temps, il a été possible d’examiner l’ensemble de la littérature consacrée à la conservation de la santé, l’essor de ce type d’ouvrages a rendu nécessaire le choix de certains textes, plus représentatifs de certains courants d’écriture, et ayant bénéficié d’une plus grande diffusion, susceptibles d’avoir servi de modèles à d’autres. L’analyse des textes a révélé dans certains cas des traditions différentes, des attributions erronées, des juxtapositions visant à constituer un texte nouveau, signe d’une littérature toujours vivante, après sa période de création. Elle a aussi permis de souligner les étapes de la constitution d’un genre médical à part entière, inscrit dans l’univers déjà riche de la littérature médicale médiévale.
38Les deux derniers chapitres échappent à l’histoire des textes pour rejoindre une histoire culturelle, celle des pratiques sociales du livre et de la lecture. À partir pour l’essentiel de cette même masse documentaire, j’ai tenté de proposer une sorte d’ « archéologie du livre » diététique pour reprendre des termes employés par Bruno Laurioux99. L’étude codicologique qui s’imposait pour définir ce qu’on peut, au Moyen Âge, considérer comme un manuel d’hygiène n’a pu être menée que sur un échantillon de codices qui témoignaient des environnements textuels les plus représentés, des conditions de copie des traités, et de ceux qui les transcrivaient ou les faisaient faire. Cette étude matérielle du livre est suivie de l’examen des lecteurs et possesseurs de ces livres, conduite non seulement à partir des indices fournis par les manuscrits eux-mêmes, mais aussi sur la base d’inventaires de bibliothèques. Elle doit permettre d’esquisser une géographie sociale, culturelle et intellectuelle du rapport entre l’auteur du texte diététique et ses lecteurs, pour cerner toute la chaîne de l’histoire du livre et du texte, des raisons de sa composition, des attentes d’un certain public présumé ou revendiqué jusqu’aux significations qu’ils leur ont données et aux usages qu’ils ont pu en faire. On a pris soin aussi de mettre autant que possible en lumière les rapports entre le discours et les pratiques contemporaines, en n’oubliant pas le caractère a priori normatif et certainement pratique de ce type d’ouvrage. Mieux vaut toutefois mettre en garde celui qui chercherait ici une histoire des pratiques diététiques : ce travail est avant tout une histoire des textes et une histoire des livres.
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39Ce livre est la version remaniée d’une thèse de doctorat soutenue en novembre 1998 à l’École Pratique des Hautes Études. Au cours de mes années de recherche, j’ai accumulé un certain nombre de dettes dont je ne saurais pleinement m’acquitter. Je voudrais simplement exprimer ici ma gratitude à l’égard de ceux qui m’ont accompagnée au long de ce parcours.
40À Danielle Jacquart vont mes premiers remerciements, non seulement pour avoir accepté de diriger ce travail, mais aussi pour sa générosité, sa disponibilité, son exigence et les encouragements qu’elle n’a cessé de me prodiguer. Je lui dois la découverte d’un domaine aux contours multiples, une discipline intellectuelle érudite, au très fort ancrage social. Le séminaire de l’École pratique du mardi fut et demeure un lieu d’échanges fructueux, propice aussi à nourrir de solides amitiés. Ce travail est aussi le fruit de rencontres et d’échanges et nombre d’inflexions en portent la marque. Je souhaite remercier vivement Bruno Laurioux, mon premier guide dans les fonds de la Bibliothèque nationale de France, qui m’a sensibilisée par ses remarques et critiques à l’étude des manuscrits, répondant aussi bien à mes questions qu’à mes nombreuses inquiétudes ; Odile Redon qui m’a gratifiée de son attention bienveillante, de son soutien et de sa confiance, en me faisant bénéficier de son ample connaissance du domaine italien, notamment dans le domaine de l’histoire de l’alimentation ; Tiziana Pesenti, à Rome, qui a orienté mes recherches bibliographiques et m’a poussée à toujours plus de rigueur dans l’étude codicologique ; Chiara Crisciani, pour la lecture critique des sources et le désir d’aller toujours au-delà des évidences sensibles ; Antonella Romano, qui a suivi en son temps, pas à pas la rédaction, pour ses relectures et sa mise en perspective. Enfin, je ne saurais oublier les membres du jury de thèse, outre Danielle Jacquart et Odile Redon déjà citées, Agostino Paravicini Bagliani et Jacques Verger, pour leurs remarques, critiques et suggestions dont j’espère avoir tenu compte dans cette version éditée.
41La peregrinatio bibliothecarum à laquelle m’a conduite l’étude des manuscrits a été l’un des aspects les plus agréables de cette recherche, en partie grâce à la disponibilité et à la compétence des personnels qui m’ont accueillie dans ces diverses bibliothèques. Je ne ferai donc pas miennes les critiques de Pierre Pansier, au début du xxe siècle, lancées à l’encontre des bibliothécaires anglais et des règlements « surannés qui n’admettent pas le prêt des manuscrits, même par voie diplomatique100 ». Il faut dire au contraire le plaisir éprouvé à consulter des volumes, parfois dans le lieu même où ils ont été déposés, il y a plus de cinq siècles, par leurs premiers possesseurs. Et ce n’est pas sans quelque nostalgie que je me remémore mes séjours dans les « old libraries » d’Oxford et de Cambridge notamment. Aussi est-ce avec gratitude que je remercie tous les personnels des différentes bibliothèques fréquentées pour leur aide et leur disponibilité ; que, à la Bibliothèque nationale de France, François Avril et Marie-Thérèse Gousset, tout particulièrement, qui ont répondu à mes questions avec diligence, soient ici remerciés, de même que les employés de la Bibliothèque Vaticane et du Palais Farnèse pour leur aide. La Mission historique française en Allemagne et le Warburg Institute de Londres ont grandement facilité mes séjours à l’étranger et je remercie tout particulièrement Charles Burnett pour sa disponibilité et ses suggestions. Enfin je dois beaucoup à l’École française de Rome et à ses directeurs : André Vauchez, qui m’a accueillie comme boursière puis comme membre et Michel Gras, qui m’a permis d’achever ce travail dans les meilleures conditions et me fait l’honneur d’accueillir ce volume dans la B.E.F.A.R. Je souhaiterais associer aussi à ces remerciements les directeurs d’études successifs de la section médiévale, Jacques Dalarun et François Bougard, qui ont été des interlocuteurs avisés et des relecteurs attentifs ainsi que Catherine Garbin, Grazia Perrino et Véronique Séjournet pour leur aide précieuse. Merci enfin à Laurence Moulinier pour ses précieuses relectures, à Jean-François Bernard et à Ugo Colalelli pour la confection des illustrations.
42À la fin de ce long périple dont je ne croyais plus voir la fin, je souhaiterais associer tous ceux qui, au fil de ces années et peut-être plus encore ces derniers mois, m’ont accompagnée de leur amitié et de leur soutien, de leur aide aussi : Didier Boisseuil, Catherine Brice, Caroline Callard, Joël Chandelier, Line Cottegnies, Julien Dubouloz, Corinne Durand, Vincent Jolivet, Bruno Laurioux, Stéphane Lusset, Natacha Lubchansky, Anne Marijnen, Brigitte Marin, Annliese Nef, Claude Pouzadoux, Éric Rebillard, Antonella Romano, Claire Sotinel, Catherine Virlouvet. Ils savent tous ce que je leur dois. À ma mère enfin vont toutes mes pensées, pour ses encouragements et le goût qu’elle m’a donné pour l’étude.
Rome, décembre 2006
Notes de bas de page
1 De macrefaciendo pinguem. [...]. Comedant namque cibaria pauci nutrimenti et magne quantitatis et citi descensus : et frequenter balneantur antequam comedant et frequenter et festinum fit eis exercitium [...]. Dimitant carnes et vinum et lac et omnia dulcia. Plurimum utantur oleribus salsis acutis, acetosis [...]. Amplius disponant se ad comedendum semel in die et diu vigilent et vinum bibant vetus et subtile. [...] Comedant autem predicta electuaria iueiunio stomacho, famen instante : et posteorum acceptionem tamdium fameant quod eorum appetitus deprimatur et aliqualiter extinguatur. Et ut possit ad unum diem famem pati et sitim in balneo sudare et medicinas maciem facientes assumere (Maino de Maineri, Regimen sanitatis, Cité du Vatican, B.A.V., Pal. lat. 1331, f. 238).
2 Sur cet auteur, voir la notice qui lui est consacré dans l’annexe 1, p. 710-711.
3 Certa victus ratio ex Medicorum praeceptis (Du Cange, t. II, p. 837).
4 Ces deux termes se trouvent employés dans la règle de saint Benoît, La Règle de saint Benoît, vol. 2, éd. A. de Vogüé et J. Neufville, Paris, 1972 (Sources chrétiennes, 182), notamment les chapitres XXVII, XXXIX-XL, p. 576, 578 et 580.
5 Isaac Israëli, De diaetis universalibus, dans « Opera omnia Ysaaci », Lyon, in officina Johannis de Platea, 1515, f. XIIra.
6 « À l’origine, l’art de la médecine n’aurait été ni découvert ni recherché – car le besoin ne s’en serait point fait sentir – s’il avait été profitable aux gens souffrants d’user, dans leur régime et dans leur alimentation, des mêmes aliments, des mêmes boissons et, en général, du même régime que les gens bien portants » (Hippocrate, De l’ancienne médecine, éd. et trad. J. Jouanna, t. II, Paris, 1990, p. 120-121).
7 Sur le problème de la constitution de la collection hippocratique, voir J. Jouanna, « La naissance de l’art médical occidental », dans Histoire de la pensée médicale en Occident, vol. 1 : Antiquité et Moyen Âge, sous la dir. de M. D. Grmek, trad. fr., Paris, 1995, p. 25-66.
8 Cf. Hippocrate, Affections, dans Œuvres complètes d’Hippocrate, éd. É. Littré, t. VI, Paris, 1849, rééd. Amsterdam, 1962, p. 206-272.
9 Hippocrate, Le Régime des maladies aiguës, éd. R. Joly, Paris, 1972 (Collection des Universités de France).
10 Ce texte comporte des conseils de diète selon les saisons, l’âge, le tempérament ou encore l’activité sportive (dans Œuvres complètes d’Hippocrate... cit., t. VI, p. 70-87).
11 Je renvoie ici au travail de R. Joly, Le niveau de la science hippocratique. Contribution à la psychologie de l’histoire des sciences, Paris, 1966, p. 120-154.
12 « Il s’agit d’un pronostic avant la maladie et d’un diagnostic de ce qui arrive au corps, pour saisir si c’est la nourriture qui l’emporte sur les exercices ou les exercices sur la nourriture, ou s’il y a équilibre entre eux. Car les maladies proviennent de la prédominance de l’un de ces facteurs, quel qu’il soit, et la santé provient de l’équilibre entre eux » (Hippocrate, Du régime, texte établi et traduit par R. Joly, Paris, 1967, III, LXIX, 2, p. 78).
13 Voir par exemple Épidémies I et III, le traité Airs, Eaux, Lieux, qui s’adresse au médecin itinérant et offre à son lecteur un discours médico-ethnographique.
14 Pour le texte grec du De sanitate tuenda, voir l’édition de K. Koch, Leipzig-Berlin, 1923 (Corpus Medicorum Graecorum, V. 4.2.) ; accompagné d’une version latine, voir C. G. Kühn, dans Galeni Opera Medica Omnia, t. VI, Leipzig, 1821-1833, p. 1-452 (rééd. Hildesheim, 1964-1965).
15 La traduction latine a été éditée par G. Maurach, « Johannicius. Isagoge ad Techne Galieni », Sudhoffs Archiv, 62 (1978), p. 148-174.
16 Avicenne, dans son Canon, préféra le terme de « causes efficientes », employé dans un sens aristotélicien.
17 Il s’agit des éléments, des complexions, des humeurs, des membres, des vertus, des opérations et des esprits. Certaines de ces composantes ne sont pas perceptibles par les sens (comme les éléments ou les esprits, une substance produite dans le cœur à partir de l’air inspiré et qui se répand dans le corps par les artères), d’autres sont des activités ou fonctions du corps (comme les vertus et opérations) qui concernent la nutrition, la croissance et la génération.
18 Cf. L. J. Rather, « The Six Things Non-Natural : A Note on the Origins and Fate of a Doctrine and a Phrase », Clio Medica, 3 (1968), p. 337-347 ; L. García Ballester, « On the Origin of the Six Non-Natural Things in Galen », dans Galen und die hellenistische Erbe, éd. G. Harig et J. Garig-Kollesch, Wiesbaden, 1993, p. 105-115.
19 Dans la littérature médiévale, on trouve aussi citée parmi les « choses non naturelles », la phlébotomie préventive. L’activité sexuelle, quant à elle, permet d’évacuer les humeurs superflues et de refroidir le corps.
20 Petrus Musandinus, Summula de preparatione ciborum et potuum infirmorum, éd. par S. De Renzi, Collectio salernitana, vol. 5, Naples, 1859, p. 254-269, plus spéc. p. 254.
21 Dieta autem large et stricte accipitur ; large accipitur pro temperata exibitione vi rerum non naturalium. Unde G[alienus] in tegni his ita dieta utentibus etc. cum tractavit de vi rebus non naturalibus. Stricte accipitur dieta per exhibitione (sic) cibus et potus. Unde sic difinitur dieta a die dicta est cetera regula vivendi ad necessitatem corporis exibita. Unde in passionario quam dieta, quam ceteram regulam vivendi vocamus et de hac quam dieta. Hi tractat Ysaac de naturis ciborum scilicet et potuum que precipue dieta vocantur (Londres, B.L., Sloane 1933, f. 138ra-rb). Il existe un autre exemplaire de ce commentaire, également daté du xiiie siècle, à Erfurt, Wissenschaftliche Bibliothek, O. 62a, ff. 49-83v).
22 C’est la datation que propose R. Creutz dans « Der Artz Constantinus Afrikanus von Montekassino », Studien und Mitteilungen, 16 (1929), p. 1-44.
23 Plusieurs éléments conduisent à ces hypothèses : la méthode du commentaire, introduite dans le milieu salernitain avec des auteurs comme Maurus, Bartholomeus ou Urso de Salerne, l’accessus ad auctores qui n’utilise pas les quatre causes aristotéliciennes mais opte pour le modèle plus ancien offert par Boèce dans son commentaire à l’Isagoge de Porphyre, le recours fréquent à Hippocrate (très apprécié des auteurs salernitains) et la mention fréquente du Tegni de Galien (qui ne faisait pas alors partie de l’Articella, mais bénéficia, avec le commentaire qu’en fit Maurus, d’une grande diffusion). Ces différents constats me font plutôt croire à un commentaire de la fin du xiie ou du début du xiiie siècle, et non de la seconde moitié du xiiie, comme le pensait P. O. Kristeller (Studi sulla scuola medica salernitana, Naples, 1986, p. 59). Sur les techniques de l’accessus, E. A. Quain, « The Medieval Accessus ad auctores », Traditio, 3 (1945), p. 228-242 ; R. W. Hunt, « The Introductions to the Twelth Century », dans Studia Medievalia in honorem admodum reverendi patris Raymundi Josephi Martin O.P., Bruges, 1948, p. 84-112 ; A. J. Minnis, Medieval Theory of Authorship, Aldeshot, 1984, rééd. 1988.
24 Primo est notandum quod dieta potest sumi dupliciter. Uno modo pro administratione sex rerum non naturalium que potest esse conveniens administratio vel disconveniens. Et sic non determinat hic Ysac de ipsa dieta, quia non determinat de sopno (sic) et vigilia que sunt res non naturales. Alio modo potest sumi pro sola administratione cibi et potus in speciali. Et sic determinat hic Ysac de dieta et sumitur hic (Cité du Vatican, B.A.V., Pal. lat. 1261, f. 129r). Je remercie grandement Anne-Sylvie Guénoun de m’avoir confié les photocopies de ce manuscrit et son travail de transcription. Voir la notice consacrée à Gérard de Solo dans l’annexe 1, p. 705.
25 Et illud, cui nomen proprium practice attribuitur, est quod in demonstrando operationis et regiminis qualitatem auxiliabitur, sicut pars, que nos iuvat ad demonstrandum, quomodo sanitatem corporis quod in illa et ex illa dispositione existit, custodiamus, et quomodo corpus, quod talem habet egritudinem, medicemur. Et neque existimes, quod pars, que dicitur practica, sit operatio et actio, sed est ars, que docet nos quomodo sit operandum et agendum... Pars autem ipsius practica in duas distribuitur partes : quarum una est scientia regendi corpora sana, qualiter in sui remaneant sanitate, et hec quidem custodiendi sanitatem scientia vocatur. Et pars eius secunda est scientia regendi corpus egrum, qualiter ad sanitatis redeat dispositionem et vocatur scientia medicandi (Avicenne, Canon, Livre I, fen III, doc. 3, cap. 1, Venise, apud Vincentium Valgrisium, 1564, p. 152a-b).
26 Pour un tour d’horizon des théories médicales médiévales, voir N. G. Siraisi, Medieval and Early Renaissance Medicine : an Introduction to Knowledge and Practice, Londres, 1990. Sur les subdivisions de la médecine, M. D. Jordan, « Medicine as Science in the Early Commentaries on Johannitius », Traditio, 43 (1987), p. 121-145 ; D. Jacquart, « Theorica et practica dans l’enseignement de la médecine à Salerne au xiie siècle », dans Vocabulaire des écoles et des méthodes d’enseignement au Moyen Âge. Actes du colloque de Rome, 21-22 octobre 1989, éd. O. Weijers, Turnhout, 1992, p. 102-110, rééd. dans D. Jacquart, La science médicale occidentale entre deux renaissances (xiie-xve siècle), Londres, 1997 (Variorum Collected Studies) ; J. Agrimi et C. Crisciani, « Edocere medicos ». Medicina scolastica nei secoli xiii-xv, Naples, 1988 (Hippocratica Civitas, 2).
27 « Si je croyais que l’un de mes prédécesseurs, à propos du régime à suivre pour rester en santé, avait écrit en parfaite connaissance de cause absolument tout ce qu’il est possible d’embrasser par la raison humaine, il me suffirait, après le travail d’autrui, de reprendre les résultats exacts selon ce qui paraît être leur utilité respective » (Hippocrate, Du régime... cit., I, 1, p. 1).
28 C’est à Galien que l’on doit la première exposition des tempéraments (cf. De temperamentis, éd. C. G. Kühn, Opera omnia Galeni, Leipzig, 1829, rééd. Hildesheim, 1964, p. 509-694). Sur la notion de complexio, voir D. Jacquart, « De crasis à complexio : note sur le vocabulaire du tempérament en latin médiéval », dans Mémoires V. Textes médicaux latins antiques, art. réunis et édités par G. Sabbah, Saint-Étienne, 1984, p. 71-76.
29 Notons que la cosmologie antique n’a pas toujours retenu le principe des quatre éléments. Dans le Du régime, l’homme est constitué de deux éléments complémentaires, le feu et l’eau. Dans Chairs 2, la cosmologie exclut l’eau comme élément.
30 C’est au traité hippocratique De la nature de l’homme que l’on doit la première présentation systématique de ces quatre humeurs : « Le corps de l’homme renferme du sang, du phlegme, de la bile jaune et de la bile noire. Voilà ce qui constitue la nature du corps ; voilà ce qui est la cause de la maladie ou de la santé. Dans ces conditions, il y a santé parfaite quand ces humeurs sont dans une juste proportion entre elles tant du point de vue de la qualité que de la quantité et quand leur mélange est parfait. Il y a maladie quand l’une de ces humeurs, en trop petite ou trop grande quantité, s’isole dans le corps au lieu de rester mêlée à toutes les autres » (Hippocrate, Nature de l’homme, éd. J. Jouanna, 1975, p. 172-175).
31 Animus autem non erit nisi per anime sanitatem rationalis, nec vero huius sanitas nisi per anime vitalis sanitatem et naturalis harumque duarum non consistit sanitas nisi per corporum sanitatem nec vero huius aliqua est nisi per humorum temperantiam. Humorumque temperantia non erit nisi per complexionis temperantiam que non erit omnino nisi per artis regimen medicine per quod est sanitatis custodia in sanis, si quidem sit, eiusque reparatio, si perdita fuerit... (Haly Abbas, Pantegni, theorica, I.3, trad. d’Étienne de Pise, citée par D. Jacquart, « Le sens donné par Constantin l’Africain à son œuvre : les chapitres introductifs en arabe et en latin », dans Constantine the African and ῾Alī ibn al-῾Abbās al-Maǧūsī, éd. C. Burnett et D. Jacquart, Leyde-New York-Cologne, 1994, p. 71-89, plus spéc. p. 87-88).
32 Sur ces commentaires, voir P. G. Ottosson, Scholastic Medicine and Philosophy. A Study of Commentaries on Galen’s « Tegni » (ca. 1300-1450), Naples, 1984.
33 Selon Isidore de Séville, toutes les maladies naissent des quatre humeurs : Ex his quattuor humoribus reguntur sani, ex ipsis laeduntur infirmi (Isidori Hispalensis episcopi Etymologiarum sive originum, libri XX, éd. W. M. Lindsay, vol. 1, Oxford, 1ère éd. 1957, IV, 5).
34 Sur la définition antique de la maladie, voir M. D. Grmek, « Le concept de maladie », dans Histoire de la pensée médicale... cit., p. 211-226.
35 Cette vertu nutritive, distincte de la vertu animale, est qualifiée de naturelle par Avicenne : Huius autem custodie administrationi due attribute sunt virtutes quibus deservit medicus : una earum est naturalis et vocatur nutritiva, que restaurat illud, quod ex corpore resolvitur (Avicenne, Canon... cit., Livre I, fen III, chap. 1, p. 153b).
36 Qu’il suffise de citer ici quelques questions posées par Petrus Hispanus dans son commentaire aux Diètes universelles d’Isaac : utrum inveniri possit cibus equalis nostri corpori ? ; utrum solus sanguis nutrit ? ; utrum cibus male digestus in prima digestione possit corrigi in secunda ? ; utrum ex cibo grosso possit sanguis subtilis generari ?, etc. (Madrid, Biblioteca nacional, ms 1877, ff. 15r-17r).
37 Les digestions servent donc à épurer l’aliment des substances que le corps ne peut assimiler et qui sont rejetées sous forme de déjections, d’urine, de sperme et de sueur.
38 Il lui est en effet impossible de restaurer l’humidité radicale qui, tout au long de la vie, diminue au point de disparaître au moment de la mort. Sur ce concept d’humidité radicale qui, seule, permet au corps de conserver sa forme, voir M. R. McVaugh, « The Humidum Radicale in Thirteenth-Century Medicine », Traditio, 30 (1974), p. 259-283 ; T. S. Hall, « Life, Death and The Radical Moisture », Clio Medica, 6 (1971), p. 3-23.
39 Pour une réflexion sur les théories de la nutrition et de la digestion, voir J. Cadden, « Albertus Magnus’ Universal Physiology : the Example of Nutrition », dans Albertus Magnus and the Sciences, éd. J. A. Weisheipl, Toronto, p. 321-341 ; D. Jacquart, « La nourriture et le corps au Moyen Âge », Cahiers de Recherches Médiévales (xiie-xve siècles), 13 (2006), p. 259-266.
40 D’après Averroès dans le Colliget, Gal[enus] diffinivit cibum et medicinam, dicens quod cibus est illud quod patitur a corpore. Et medicina est illud a quo patitur corpus (Averroès, Colliget, Venise, per Joannem de Forlivio et Gregorium fratres, 1490, Livre V, capitulum de quaditate [sic] cibum et medicine, f. 34va).
41 C’est la définition fournie par Albert le Grand : Oportet generaliter scire, quod quanto nutrimento similius est ei quod nutritur, tanto efficacio nutrit et citius convertitur (Albert le Grand, De nutrimento et nutribili, éd. A. Borgnet, Paris, 1891, t. IX, p. 324-341).
42 Dans son De medicina, Celse organise par exemple son catalogue alimentaire par effet des aliments. Voir W. D. Smith, « The Development of Classical Dietetic Theory », dans Hippocratica. Actes du colloque hippocratique de Paris (4-9 septembre 1978), éd. M. D. Grmek, Paris, 1980, p. 439-448.
43 Sic procedit quod declarat minorem in littera et dicit quod huic studio, id est studiose inquisitioni sunt due cause necessarie. Una est in corporibus nutriendis ut per eam confortentur, regantur et restaurentur et ita convenienter applicentur, que corpora ab ipso calore naturali et a calore aerea exteriori dissolvuntur. Et secunda causa est ut expellantur superflua inconvenientia que sunt contraria complexionibus corporum (B.A.V., Pal. lat. 1261, f. 129va).
44 C’est la définition que donne Isaac dans la lectio secunda des Diètes universelles : Intentio vero medicorum [...] est [...] augmentum naturalium complexionum temperamentum in qualitatibus cum similitudinibus ciborum et redditio earumdem complexionum temperamentum exeuntium cum dissimilitudine earum, et minoratione malarum complexionum (Isaac Israëli, « De dietis universalibus »... cit., f. XIVrb).
45 Quibus sanguis dominatur clarus et mundificatus, cibaria temperata in qualitate et quantitate damus, ut materia generativa sanguinis substantie assimiletur et reliquum a corpore expellatur. Quibus vero cholera dominatur seu phlegma, danda sunt cibaria complexionibus eorum et naturis contrariaque mutent et muniant complexionem malam superabundantem et reducant ad temperamenti mediocritatem. Verbi gratia (ibid.).
46 Sur ce médecin, voir sa notice dans l’annexe 1, p. 712-713.
47 Sur l’influence en Occident du commentaire traduit par Gérard de Crémone de ce médecin égyptien du xie siècle, voir P. G. Ottosson, Scholastic Medicine and Philosophy... cit., 102-126.
48 Omne temperatum corporum est duplex. Unum universale et naturale, alterum accidentale et speciale. Universale autem quod est absolute inter omnes complexiones, et dicitur universale, quia absolute super omnes equalitates, cum complexiones omnes in ipso equaliter concurrant, dicitur universale, quia corpus in ipso secundum statum meliorem nature. Speciale et accidentale est, in quo non est equalitas simpliciter, sed in suo genere solum et dicitur speciale, quia est causatum in sua specie, accidentale vero quia habet lapsum a statu meliori nature, et secundum talem cholericus dicitur temperatus in suo genere et similiter de aliis, et illud multam habet latitudinem (Isaac Israëli, De dietis universalibus..., cit., f. XIVva). Il ajoute aussi qu’il n’existe en réalité parmi les choses vivantes que des équilibres relatifs, par rapport à l’espèce et qu’ils varient fortement d’un individu à l’autre : Equalitas ponderis que est equalitas in virtute, secundum exigentiam individui et speciei in meliori formatum statu et conservatione nature et hec dicitur equalitas quoad iusticiam, secundum quod in genere suo et meliori modo competit. Equalitas vero quoad iusticiam est possibilis in omnibus rebus et maxime in rebus animatis, secundum quod unicuique dedit natura existentiam meliorem in genere suo et ordinem. Hec autem equalitas multam et diversam habet latitudinem et non est uniformis in omnibus viventibus, immo diversificatur secundum genera et species viventium, et secundum diversas complexiones generum et specierum, et individuorum sicut postea patebit (ibid.).
49 Avicenne, Canon... cit., Livre I, fen III, chap. 1, p. 153.
50 Voir sa notice dans l’annexe 1, p. 705.
51 Et intellige per nutriens medicinale omne nutriens participans cum virtute nutritionis altera virtute corpus alterante qua dici meretur medicinale, sicut calefactiva aut infrigiditiva, humectiva, aut dessicativa, aperitiva vel oppilativa, subtiliativa vel ingrossativa. [...] Nam corpora lapsa frequenter indigent cibo medicinali corrigente suum lapsum vel preservante a peiori (Jacques Despars, Primus canonis Avicenne principis cum explicatione Jacobi de Partibus, medicine facultatis professoris excellentissimi, vol. 1, Lyon, 1498, Livre I, fen III, doc. 2, cap. 7).
52 Voir sa notice dans l’annexe 1, p. 716.
53 Sed dico quia iste complexione que exeunt a temperamento ad unam extremitatum, ipse sunt proxime illi parti ut incidant egritudines ex genere illius complexionis [...]. Dico quod eorum regimen per simile ex toto fieri non debet, propterea quia tales complexiones quales iste sunt secundum unum modum non preserverant. Immo sunt mobiles versus egritudinem complexionalem. Et propter hanc causam intelligere non debemus in regimento suorum ciborum conservationem, immo et preservationem ad resistendum ei quod accidere eis posset ex parte suarum preparationum malarum. Et propter hoc totum est necesse ut in cibis sit aliquod contrarium complexionibus eorum (Averroès, Colliget, Venise, 1490, livre VI, de regimine corporus calidorum, f. 51ra-b). Alors qu’on pensait que le Colliget avait été traduit en 1255, M. R. McVaugh propose une date plus tardive, celle de 1285 : Aphorismi de gradibus, éd. M. R. McVaugh, Grenade-Barcelone, 1975 (Arnaldi de Villanova Opera medica omnia, II), p. 61.
54 On trouve le même argument cité par Pietro d’Abano dans la differentia 116 du Conciliator (Quod corpori lapso debeatur preservatio et non conservatio seu regimen per contrarium et non simile videtur) : Adhuc et regimen duplex adhibetur corporibus : unum quidem conservativum per simile, quod quidem securius administratur civiles gerenti actus et multis familiaribus occupationibus impedito. Est et aliud permutativum alteratione ad melius lapsus deductivum, quo regi habent corpora libera ociosa civilibus actibus et familiaribus minime impedita (Conciliator differentiarum philosophorum et precipue iudicorum clarissimi viri Petri de Abano, Venetiis, Gabriele di Pietro, 1476, diff. 116).
55 Voir par exemple J. Barbaud et P. Gillon, « Cinq calendriers diététiques provenant de manuscrits de la Bibliothèque nationale de Paris », dans Actes du XXXe Congrès National d’Histoire de la Médecine, 1986, Düsseldorf, 1988, p. 179-187 ; J. Barbaud, « Les anciens calendriers diététiques », Revue d’histoire de la pharmacie, 35 (1988), p. 328-342.
56 Sur cette littérature, voir le catalogue de A. Beccaria, I codici di medicina del periodo presalernitano (secoli ix, x e xi), Rome, 1953 (Storia e Letteratura. Raccolta di Studi e Testi, 53). Pour un tour d’horizon de la médecine du haut Moyen Âge, voir H. Sigerist, « The Latin Medical Literature of the Early Middle Ages », Journal of the History of Medicine and Allied Sciences, 13 (1958), p. 121-146 et G. Baader, « Die Anfänge der medizinischen Ausbildung im Abendland bis 1100 », dans La scuola nell’occidente latino dell’alto medioevo, vol. 2, Spolète, 1972, p. 669-718 (Settimane di studio del Centro italiano di studi sull’alto medioevo, 19).
57 Le livre II du Régime, qui fut traduit en Italie du Nord à la fin du ve siècle, circulait sous le titre De observantia ciborum.
58 Il s’agit pour l’essentiel de deux lettres : l’Hygiène, composée vers 300 av. J.-C. et la Lettre à Antigonos, datée de 305-301 av. J.-C. Cf. K. H. Dannefeldt, « Diocles of Carystus », dans D.S.B., vol. 4, p. 105-107 ; F. Heinimann, « Diokles von Karystos und der prophylaktische Brief an König Antigonos », Museum Helveticum, 12 (1955), p. 158-172.
59 Ces versions latines portent dans les manuscrits les titres de Lettre d’Hippocrate à Antiochus et Lettre d’Hippocrate à Mécène. Sur ces traductions, C. Opsomer et R. Halleux, « La lettre d’Hippocrate à Antiochus et la Lettre d’Hippocrate à Mécène », dans I Testi di medicina latini antichi. Problemi filologici e storici, éd. I. Mazzini et F. Fusco, Rome, 1985, p. 330-364.
60 Ce traité est adressé à l’un des fils de Clovis, Thierry Ier, roi des Francs de Metz par un certain Anthime, qui se dit ambassadeur de Théodoric, roi des Ostrogoths. Il daterait des années 511-526, dates de l’avènement du roi des Francs et de la mort du roi des Ostrogoths. Édité avec une traduction en allemand par E. Liechtenhan, Anthimi, « De observatione ciborum ad Theudericum regem Francorum epistula », vol. 8.1, Leipzig, 1928 (Corpus Medicorum Latinorum), réédité en 1963 dans la même collection, le texte a fait récemment l’objet d’une nouvelle édition avec traduction en anglais par les soins de M. Grant, Anthimus. « De observatione ciborum ». On the Observance of Foods, Blackawton, Devon, 1996. Sur le De observantia ciborum, voir C. Deroux, « Les interpolations d’une version latine du livre 2 du Peri diaites pseudo-hippocratique dans la Diététique d’Anthime », Latomus, 37 (1978), p. 966-970 ; Id., « La digestion dans la Diététique d’Anthimus : langage, mythe et réalités », dans Le latin médical : la constitution d’un langage scientifique. Actes du IIIe Colloque international « Textes médicaux latins antiques » (11-13 sept. 1989), éd. par G. Sabbah, Saint-Étienne, 1988, p. 33-38 (Mémoires 5. Textes médicaux latins antiques).
61 Sur la tradition textuelle de ce traité, voir la contribution de B. Laurioux dans, La Scuola Medica Salernitana : gli autori e i testi, éd B. Jacquart et A. Paravicini Bagliani, Florence, 2007, p. 235-260.
62 Sur ces questions, je renvoie à plusieurs ouvrages et à la bibliographie qu’ils proposent : H. Schipperges, Die Assimilation der arabischen Medizin durch das lateinische Mittelalter, Wiesbaden, 1964 ; D. Jacquart et F. Micheau, La médecine arabe et l’Occident médiéval, Paris, 1981, rééd. 1990 ; D. Jacquart, « La médecine arabe en Occident », dans Histoire des sciences arabes, vol. 3 : Technologie, alchimie et sciences de la vie, sous la dir. de R. Rashed, Paris, 1997, p. 213-232.
63 Cf. D. Jacquart, « À l’aube de la renaissance médicale des xie-xiie siècles : l’Isagoge Johannitii et son traducteur », B.E.C., 144 (1986), p. 209-240.
64 Sur les relations de la médecine à la philosophie naturelle et sur les subdivisions de cette science dans le Moyen Âge occidental, voir J. Agrimi et C. Crisciani, « Edocere medicos »... cit.
65 Isaac est l’auteur de traités sur les fièvres, le pouls et l’urine qui firent l’objet d’éditions et d’études, alors que les Diètes n’ont guère suscité l’intérêt des historiens des sciences.
66 Sur les traductions de Gérard de Crémone, voir la notice que lui a consacrée R. Lemay dans Dictionnary of Scientific Biography, vol. 15, New York, 1978, p. 173-192.
67 Sur la diffusion du Canon en Italie, voir M.-T. D’Alverny, « Avicennisme en Italie », dans Oriente e Occidente nel Medioevo : filosofia e scienze. Convegno internazionale (Roma, 9-15 aprile 1969), Rome, 1971 (Accademia nazionale dei Lincei. Atti dei convegni 13), p. 117-144 ; pour la France, voir D. Jacquart, « La réception du Canon d’Avicenne : comparaison entre Montpellier et Paris aux xiiie et xive siècles », dans Histoire de l’École médicale de Montpellier. Actes du 110e Congrès national des sociétés savantes (Montpellier, 1985), Section d’histoire des sciences et des techniques, t. II, Paris, 1985, p. 69-77. Sur les commentaires au Canon, E. Wickersheimer, « Une liste dressée au xve siècle des commentateurs du premier livre du Canon d’Avicenne et du premier livre des Aphorismes d’Hippocrate », Janus 34 (1930), p. 33-37. Sur la fortune du Pantegni dans la traduction de Constantin l’Africain, M. Jordan, « The Fortune of Constantine’s Pantegni », dans Constantine the African... cit., p. 286-302.
68 Sur cette notion, je renvoie à la définition éclairante et à l’étude que propose N. Weill-Parot, Les « images astrologiques » au Moyen Âge et à la Renaissance. Spéculations intellectuelles et pratiques magiques (xiie-xve siècle), Paris, 2002, p. 450-455.
69 Sur ce médecin cordouan (1126-1198) et la transmission de son œuvre en latin, voir D. Jacquart et F. Micheau, La médecine arabe... cit., p. 182-185 notamment.
70 S. Williams, « Secret of Secrets ». The Scholarly Career of a Pseudo-Aristotelian Text in the Latin Middle Ages, Ann Arbor, 2003.
71 H. Elkhadem éd., Le Taqwīm aṣ-ṣiḥḥa (« Tacuini Sanitatis ») d’Ibn Buṭlān : un traité médical du xie siècle. Histoire du texte, édition critique, traduction, commentaire, Louvain, 1990.
72 Sur le problème posé par les traductions de ce texte et sa fortune en Occident, voir M. Nicoud, « L’œuvre de Maïmonide et la pensée médicale occidentale », dans Maïmonide, philosophe et savant, actes du colloque international (Villejuif, juin 1997), études réunies par T. Lévy et R. Rashed, Louvain, 2004, p. 411-431 (Ancient and Classical Sciences and Philosophy).
73 A History of the University in Europe, vol. 1 : Universities in the Middle Ages, sous la dir. de H. De Ridder-Symoens, Cambridge, 1992.
74 Voir P. O. Kristeller, « The School of Salerno, its Development and its Contribution to the History of Learning », B.H.M., 17 (1945), p. 138-194, repris et enrichi dans Id., Studi sulla scuola... cit., p. 11-96. Voir aussi P. Skinner, Health & Medicine in Early Medieval Southern Italy, Leyde-New York-Cologne, 1997 ; pour une bibliographie sur l’École de Salerne, voir G. Baader, « Die Schule von Salerno », Medizinhistorisches Journal, 3 (1978), p. 124-145 et A. Cuna, Per una bibliografia della Scuola medica Salernitana. Secoli xi-xiii, Naples, 1993 (Hippocratica civitas, 3). Les textes salernitains atteignirent aussi le Nord de l’Europe et notamment l’École de Chartres (cf. C. B. Burnett, « The Contents and Affiliation of the Scientific Manuscripts written at, or brought to Chartres in the Time of John of Salisbury », dans The World of John of Salisbury, éd. M. Wilks, Oxford, 1985, p. 127-160). Sur la production salernitaine, voir aussi les actes à paraître du colloque déjà cité, La Scuola Medica Salernitana... cit.
75 Voir P. O. Kristeller, « Bartholomaeus, Musandinus and Maurus of Salerno and other Commentators of the Articella », Italia medioevale e umanistica, 19 (1976), p. 57-87 ; trad. ital. dans Id., Studi sulla scuola... cit., p. 97-151 ; M. Jordan, « Medicine as Science in the Early Commentaries on Johannitius », Traditio, 43 (1987), p. 121-145 ; T. Pesenti, « Arti e medicina : la formazione del curriculum medico », dans Luoghi e metodi di insegnamento nell’Italia medioevale (secoli xii-xiv), Atti del convegno internazionale di studi (Lecce-Otranto, 6-8 ottobre 1986), éd. L. Gargan et O. Limone, Galatina, 1989, p. 155-177.
76 Pour une étude de cas, M. Nicoud, « Les marginalia dans les manuscrits latins des Diètes d’Isaac Israëli conservés à Paris », dans « Scientia in margine ». Études sur les « marginalia » dans les manuscrits scientifiques du Moyen Âge à la Renaissance, étude réunies par D. Jacquart et C. Burnett, Genève, 2005, p. 191-215 (Hautes études médiévales et modernes, 88).
77 Sur ces types d’enseignement, voir O. Weijers, Terminologie des universités au xiiie siècle, Rome, 1987, p. 306-315 et 329-335.
78 Chartularium Universitatis Parisiensis, éd. H. Denifle et A. Châtelain, t. I, Paris, 1889, p. 517 no 453.
79 Item quatuor libros Isac silicet (sic) : Viaticum (sic), Dietas Universales, Urinas, librum febrium semel ordinarie ad minus (R. Filangieri, I Registri della Cancelleria Angioina, vol. 19, reg. 82, Naples, 1969, p. 204).
80 Cartulaire de l’université de Montpellier, 1181-1400, éd. A. Germain, t. I, Montpellier, 1890, p. 219-221. Voir aussi L. García Ballester, « Arnau de Vilanova (c. 1240-1311) y la reforma de los estudios médicos en Montpellier (1309) : El Hipòcrates latino y la introducciòn del nuevo Galeno », Dynamis, 2 (1982), p. 97-158.
81 Cf. A.-S. Guénoun, « Gérard de Solo, maître de l’université de médecine de Montpellier et praticien du xive siècle », École nationale des Chartes. Positions des thèses, Paris, 1982, p. 75-82 ; Ead., « Gérard de Solo et son œuvre médicale » dans L’université de médecine de Montpellier et son rayonnement (xiiie-xve siècles). Actes du colloque international de Montpellier (Université Paul-Valéry-Montpellier III), 17-19 mai 2001, sous la dir. de D. Le Blévec, Turnhout, 2004, p. 65-73 (De diversis artibus, 71).
82 Aux trois commentaires qui ont été mentionnés plus haut, s’ajoute celui d’Erhard Knab, professeur à Heidelberg. Le B.A.V., Pal. lat. 1140 conserve une copie de ce commentaire. Sur le médecin allemand, voir C. Jeudy et L. Schuba, « Erhard Knab und die Heidelberger Universität im Spiegel von Handschriften und Akteneintragen », Quellen und Forschungen aus italienischen Archiven und Bibliotheken, 61 (1981), p. 60-108.
83 Par exemple, Cambridge, Corpus Christi College, ms 511 et Saint John College, ms D. 24 ; Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Clm 922 ; Paris, B.n.F., lat. 7040 ; Oxford, All Souls College, ms 74, Bodleian Library, Lat. misc. e.2 et Auct. F. 30 ; Cité du Vatican, B.A.V., Vat. lat. 1141 (le commentaire de Martinus Rentz)... Voir aussi M. Nicoud, « Les marginalia dans les manuscrits latins... », art. cit.
84 Je pense notamment au livre de J. Agrimi et C. Crisciani, « Edocere medicos »... cit.
85 Voir entre autres études D. Jacquart, Le milieu médical en France du xiiie au xve siècle, Genève, 1981 ; I. Naso, Medici e strutture sanitarie nella società tardomedievale. Il Piemonte nei secoli xiv e xv, Milan, 1982 ; K. Park, Doctors and Medicine in Early Renaissance Florence, Princeton, 1985 ; L. García Ballester, La medicina a la Valence medieval : medicina i societat enun país mediterrani, Valence, 1988 ; Id., Medicine in a multicultural society : Christian, Jewish and Muslim practitioners in the Spanish Kingdoms, 1222-1610, Aldershot, 2001 (Collected Studies, 702) ; M. R. McVaugh, Medecine before the Plague. Practitioners and their Patients in the Crown of Aragon. 1295-1345, Cambridge, 1993.
86 Ainsi par exemple A. Paniagua, El maravilloso regimiento y orden de vivir (una versión castellana del « Regimen Sanitatis ad regem Aragonum ». Introducción y estudio, Saragosse, 1980.
87 Qu’il s’agisse de démarches pionnières comme celles de C. H. Haskins, Studies in the History of Medieval Science, Cambridge Mass., 1927, de G. Sarton, Introduction to the History of Science, 4 vol., Baltimore, 1927-1948, L. Thorndike, A History of Magic and Experimental Science, 4 vol., New York, 1923-1934 ou celle plus récente de N. G. Siraisi, Medieval and Early Renaissance Medicine... cit.
88 J. Jouanna, Hippocrate. L’Ancienne médecine, Paris, 1990.
89 Voir notamment l’étude de G. Wörhle, Studien zur Theorie der antiken Gesundheitslehre, Stuttgart, 1990. Cf. aussi F. Heinemann, « Diokles von Karystos... », art. cit. ; C. Opsomer et R. Halleux, « La Lettre d’Hippocrate à Antiochus... », art. cit.
90 P. Gil Sotres, « Les régimes de santé », dans Histoire de la pensée médicale en Occident, vol. 1 : Antiquité et Moyen Âge, sous la dir. de M. D. Grmek, trad. fr., Paris, 1995, p. 257-281 ; P. Gil Sotres avec la collaboration de J. A. Paniagua et L. García Ballester, « Estudi introductori », dans « Regimen sanitatis ad regem aragonum », éd. L. García Ballester et M. R. McVaugh, Barcelone, 1996, p. 17-394 (Arnaldi de Villanova. Opera medica Omnia, X.1). Pour l’époque moderne, voir K. Albala, Eating Right in the Renaissance, Berkeley, 2002.
91 Voir par l’exemple l’article de G. Beaujouan, « Incompréhension entre historiens des sciences et historiens (le cas du Moyen Âge) », dans L’Histoire des sciences et des techniques doit-elle intéresser les historiens ? Colloque organisé par la Société française d’histoire des sciences et des techniques, Paris, 1982, p. 16-20. Pour un plaidoyer en faveur d’une histoire plurielle, J. Roger, « Histoire des mentalités : les questions d’un historien des sciences », Revue de synthèse, 111-112 (1983), p. 269-275 ainsi que la réponse de J. Le Goff, « Histoire des sciences et histoire des mentalités », ibid., p. 407-415. Pour un état plus récent de la question, D. Jacquart, « Quelle histoire des sciences pour la période médiévale antérieure au xiiie siècle ? », Cahiers de civilisation médiévale, 39 (1996), p. 97-113.
92 Voir notamment la longue enquête menée sur ces divers terrains par R. Chartier, « Histoire intellectuelle et histoire des mentalités. Trajectoires et questions », Revue de synthèse, 111-112 (1983), p. 277-307. Du même auteur, « Le monde comme représentation », Annales E.S.C., 44 (1989), p. 1505-1520 et dans le même numéro des Annales, A. Boureau, « Propositions pour une histoire restreinte des mentalités », p. 1491-1504.
93 Notion forgée par L. Febvre (Le Problème de l’incroyance au xvie siècle. La religion de Rabelais, Paris, 1942, rééd. Paris, 1968).
94 Sur la consommation comme autre production, comme manières d’employer, dans le cadre d’une étude sur la consommation culturelle de masse, voir M. De Certeau, L’invention du quotidien, t. I : Arts de Faire, Paris, 1980.
95 Sur cette rencontre entre « monde du texte » et « monde du lecteur » qui permet aussi de construire le sens des œuvres, voir P. Ricœur, Temps et récits, t. III : Le temps raconté, Paris, 1985, p. 228-263.
96 Dans le sillage des travaux de N. Élias (La civilisation des mœurs, Paris, 1973 et La dynamique de l’Occident, Paris, 1975), de M. Mauss (« Les techniques du corps », dans Sociologie et anthropologie, Paris, 1934, rééd. Paris, 1980, p. 363-386) et de M. Foucault (Quel corps ?, Paris, 1978), on peut citer quelques titres récents : A. Corbin, J.-J. Courtine et G. Vigarello (dir.), Histoire du corps, vol. 1 : De la Renaissance aux Lumières, Paris, 2005, Le gouvernement des corps, sous la dir. de D. Fassin et D. Memmi, Paris, 2004 (Cas de figure, 3), A. Pastore, Le regole dei corpi. Medicina e disciplina nell’Italia moderna, Bologne, 2006 (Ricerca), P. Prodi, Disciplina dell’anima, disciplina del corpo e disciplina della società fra medioevo ed età moderna, Bologne, 1992, à propos des formes de contrôle exercés sur les corps et leurs représentations.
97 Sur la tradition moderne du poème et sur l’iconographie du texte imprimé, P. Capone, L’arte del vivere sano. Il « Regimen sanitatis Salernitanum » e l’età moderna, Milan, 2005 (Kepos Quaderni, 14). Pour la tradition médiévale, R. Verrier, Études sur Arnaud de Villeneuve, 1240 ( ?)-1311, II, Leyde, 1949, p. 59-70 ; E. Wickersheimer, « Autour du Régime de Salerne », dans XIII Congreso Internacional de Historia de la Medicina, Le Scalpel, 1952 ; M. Nicoud, « Il Regimen sanitatis salernitanum : premessa ad un’edizione critica », dans La Scuola Medica Salernitana... cit., p. 365-384.
98 Sur les dangers de la démarche typologique en histoire, voir P. Veyne, Comment on écrit l’histoire, Paris, 1971, p. 160-193.
99 B. Laurioux, Le règne de Taillevent... cit., p. 15-17.
100 P. Pansier, « Les maîtres de la faculté de médecine de Montpellier au Moyen Âge », Janus 9 (1904), p. 447, à propos de manuscrits de Jean de Saint-Paul qu’il n’avait eu le loisir d’examiner.
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