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Le mécanisme de l’actio sepulchri violati en droit romain

p. 191-221

Résumés

Par sa propension à développer un système solide de protection des choses, le droit romain a engendré la mise en place d’un corps de règles efficaces afin de préserver l’intégrité matérielle des res religiosae et de sanctionner efficacement certains actes jugés impardonnables comme la violation de sépulture. Par l’extension du champ d’action des interdicta et par la création d’un moyen de droit spécifique, l’actio sepulchri violati, était ainsi mis en place un arsenal juridique pour réprimer de manière implacable ceux qui portaient atteinte aux sepulchra et par là même à la religio des morts. L’action de sépulcre violé pouvait être intentée par la personne directement intéressée ou par quiconque aurait constaté le délit. L’examen de ce moyen de droit montre que les Romains avaient construit un système répressif original attestant que le non-respect des tombes portait préjudice à la fois aux particuliers proches des défunts outragés mais aussi et surtout à l’intérêt public. Ce recours doit être considéré comme l’archétype des actiones populares romaines qui pouvaient faire déclencher une procédure sur l’initiative de n’importe quel membre de la communauté. D’un point de vue idéologique, il s’agissait de favoriser la condamnation effective de ceux qui, par leurs actes odieux, préjudiciaient aux valeurs religieuses et collectives de Rome desquelles dépendaient le succès politique, la puissance et l’hégémonie universelle de la cité.

By its propensity to develop a solid protection system for things, Roman law engendered a body of effective rules in order to preserve material integrity of res religiosae and to punish acts judged unforgivable such as tomb-violation. By extending the scope of legal interdicta and by creating a specific legal action called actio sepulchri violati, a legal arsenal was thus set up to relentlessly repress those who damaged graves as well as the religion of the dead. That court action could be instigated directly by the person concerned or by anyone who has known the offense. Examination of this point of law shows that Romans had designed an original repressive system attesting that the non-compliance of tombs was detrimental both to the public interest and to the close relatives of the outraged deceased individual. This legal action can be regarded as the archetype of roman popular actions that could trigger a procedure with the initiative of any member of the community. From an ideological point of view, the aim was to favor the condemnation of those who prejudiced the collective and religious values of Rome, including memory of the dead, on which depended the political success, the power and the universal hegemony of the city.

Entrées d’index

Mots-clés : Tombeaux, sépulture, violation, Rome, droit, action (en justice)

Keywords : Tombs, burial, violation, Rome, law, legal action


Texte intégral

1La violation de sépulture dans l’Antiquité romaine intéresse divers champs disciplinaires et le sujet a généré une importante littérature1, notamment chez les historiens et les juristes. La violatio sepulchri ne peut se comprendre qu’en corrélation avec l’idée que des territoires ou objets spécifiques seront réservés aux morts et, en tant que tels, protégés des outrages possiblement opérés par les vivants.

2L’usage romain commandait de confiner les décédés hors des limites de la ville et de les tenir enfermés dans des nécropoles prévues à cet effet ou dans des mausolées familiaux situés aux confins des terrains privés, à bonne distance des habitations2. Qu’il s’agisse d’une approche sociétale ou plus strictement juridique, les morts sont assignés à résidence3 afin de permettre la pérennité du culte et d’assurer la diffusion de la mémoire des disparus dans une forme de cohabitation assumée avec la population. Ainsi le sepulchrum se définit avant tout au regard de la notion d’espace ; à savoir d’un découpage entre un territoire dédié aux vivants et un autre voué aux morts, le trépas constituant ainsi un élément structurel du territoire communautaire. Aussi un vocabulaire très précis présent au sein des normes religieuses et juridiques venait-il désigner les lieux de repos des morts. Ceux-ci relevaient de notions génériques presque synonymes : la res religiosa au plan abstrait et le locus religiosus dans une dimension davantage concrète qui correspondait techniquement à une portio fundi donc à la pars d’un terrain privé que le dominus avait choisi d’affecter à la fonction de tombe. Cette qualification du droit induit l’expérience d’une opposition entre deux espaces distincts. Le premier est attribué aux dieux dans le cadre mortuaire, en l’occurrence les dieux Mânes auxquels les tombeaux sont abandonnés par le propriétaire du fonds d’après un texte bien connu de Gaius : (res) religiosae diis manibus relictae sunt4. Le second demeure un espace dont jouissent les hommes, lequel est considéré comme « profane » ou « pur » ; c’est-à-dire de manière antagonique libre de toute titularité des divinités. Tel s’opérait le découpage primordial des objets en droit romain : les res divini iuris d’une part, considérées en premier dans les taxinomies du droit, et les res humani iuris d’autre part5. Au regard de ce principe et de leur affectation divine, les tombeaux furent extraits du commerce des hommes et de tout univers transactionnel. Ils faisaient parties de ces choses que le droit venait qualifier mais dont il déclarait l’indisponibilité aux échanges opérés par l’homme6.

3L’identification précise du périmètre ou du volume des loca religiosa est fondamentale car ces lieux jouissaient d’un régime dérogatoire du droit commun des biens en raison de l’inaliénabilité relative consécutive de la fonction sépulcrale qui les caractérisait7. Il est très probable que cette définition s’opérait au cas par cas à partir de l’espace occupé par le corps, dont la présence fixait le statut définitif de la tombe d’après le jurisconsulte Ulpien qui reprend l’idée de son prédécesseur Celse8. Pour appréhender l’étendue de la religiosité, il s’agissait d’effectuer au minimum une projection interne des parties occupées par les défunts à l’intérieur des tombes collectives ou d’étendre éventuellement le caractère religieux à l’ensemble du monument sépulcral occupé, à l’exception des annexes somptuaires dont la fonction était non pas de protéger les corps mais de pourvoir aux besoins matériels du culte des morts, lequel consistait pour l’essentiel en des libations et des repas pris en commun sur la tombe à intervalles réguliers.

4La violation de sépulture, qui implique naturellement violence9, est un crime assez singulier, susceptible d’engendrer des dommages divers : atteinte aux corps, à la sépulture, au monument ou plus superficiellement aux matériaux et aux ornements. Les préjudices qui en découlent peuvent être de nature privée et frapper le fondateur, les ayants-droits ou les bénéficiaires de droits sur la tombe ; c’est à eux qu’il incombera de remettre les lieux en l’état. Ils peuvent être aussi communautaires : outre l’idée que le respect des morts et de leur « écrin » est d’intérêt public, la profanation peut impliquer que le corps soit ôté de la sépulture et qu’il vienne souiller les vivants, provoquant du même coup une atteinte aux dieux Mânes ; or il importait d’entretenir de bonnes relations avec les divinités afin de maintenir l’équilibre social. Nous voyons donc bien à ce stade en quoi l’acte délictuel est à l’origine d’un préjudice mixte qui atteint des personnes privées mais aussi l’ordre social dans son ensemble.

5Du point de vue de la nomenclature des dispositions légales en matière de protection de tombes, nous avons affaire à une assez grande diversité au cours de l’histoire romaine : sénatus-consultes, lois, édits, rescrits, actions de la loi ou encore interdits. Les moyens de droit les plus connus pour lutter contre les profanateurs sont les interdicta de nature prohibitoire, notamment l’interdit quod vi aut clam, et surtout l’actio sepulchri violati. Parallèlement à ces procédures institutionnelles, il existe à partir de la seconde moitié du IIème siècle des amendes sépulcrales édictées par les fondateurs des tombeaux, multae qui demeurent encore un mystère pour les juristes. Ces quelques pages n’auront d’autre ambition que de présenter l’action de sépulcre violé, le remède le plus connu à l’époque classique pour lutter contre les atteintes portées aux sépultures.

Vue d’ensemble du moyen de droit

6La violation de sépulture est réparée par le biais d’un moyen de droit fondé sur l’Édit du préteur dont Ulpien, jurisconsulte de l’époque des Sévères, nous entretient au D. 47, 12, 3 :

Ulpien lib. 25 ed. praet. D. 47, 12, 310 Praetor ait : Cuius dolo malo sepulcrum violatum esse dicetur, in eum in factum judicium dabo, ut ei, ad quem pertineat, quanti ob eam rem aequum videbitur, condemnetur. Si nemo erit ad quem pertineat siue agere volet : quicumque agere uolet, ei centum (milium) aureorum actionem dabo. Si plures agere uolent, cuius iustissima causa esse uidebitur, ei agendi potestatem faciam. Si quis in sepulchro dolo malo habitauerit aedificumue aliud quamque sepulcri causa factum sit, habuerit, in eum, si quis eo nomine agere volet, ducentorum (milium) aureorum iudicium dabo11.

Le préteur dit : si quelqu’un est accusé d’avoir violé un sépulcre par mauvais dol, je donnerai contre lui un jugement considérant les faits pour qu’il soit condamné en ce qu’il semblera juste pour cette affaire, au profit de celui concerné par cette dernière. S’il n’y a personne que cela regarde, ou que celui concerné par cette action ne veuille pas agir, je donnerai à quiconque voudra agir l’action à concurrence de 100 pièces d’or. Si plusieurs veulent poursuivre, j’en accorderai le pouvoir à celui qui aura la cause la plus légitime. Si quelqu’un a habité par mauvais dol dans un sépulcre ou y a érigé un édifice autre que ce qui est destiné pour le sépulcre, je donnerai contre lui à celui qui voudra poursuivre une action de 200 pièces d’or.

7Une restitution de ce texte a été proposée par O. Lenel et les légères modifications proposées par l’auteur ne remettent pas en cause les aspects substantiels du témoignage d’Ulpien12. La fin de celui-ci fait état de faits singuliers nés des méandres de la casuistique romaine, à savoir le fait d’habiter dans un sépulcre, acte qui constitue une violatio d’après le juriste. Une telle éventualité nous montre que les tombeaux romains, de par leurs considérables dimensions et aménagements, étaient propices à l’usage d’habitation. Outre le monumentum principal support de la sépulture, il pouvait exister plusieurs salles accessoires dont certaines étaient utilisées par le gardien éventuel de la tombe13. Au delà du caractère anecdotique de tels faits (car le délit d’habitatio sepulchri, à proprement parler le fait d’habiter dans une sépulture, est traité dans seulement trois fragments du Digeste : le D. 47, 12, 3 in fine ; le D. 47, 12, 3, 6 et le D. 47, 12, 3, 1114), ce cas particulier montre combien les actes relevant de la violation de sépulture pouvaient être divers et groupables en plusieurs sous-catégories15 : positionnement de matériaux au dessus du tombeau ; recouvrement de la tombe ; habitation ; vol d’objets contenus dans la tombe ou détérioration de tout ou partie de celle-ci ; intromission non autorisée d’un défunt et peut-être même la vente d’un tombeau res religiosa qu’une constitution de l’empereur Gordien rattache, non spécifiquement à la violatio sepulchri, mais à un crime contre la religion16 – ce qui est finalement assez proche en substance si l’on considère la teneur de la violation de sépulture, laquelle est par définition une atteinte aux droits des dieux Mânes à qui les tombeaux sont abandonnés, donc un préjudice porté à la religion des morts.

L’objet de l’action

8Évaluons d’abord l’objet protégé par l’action en justice : le sepulchrum. Ulpien ne le définit pas et il faut se reporter à d’autres textes pour cerner la manière par laquelle les juristes abordaient cette notion. Il faut comprendre par là qu’il s’agit d’une tombe, locus religiosus, au sein de laquelle repose effectivement les restes d’un défunt comme l’indique Ulpien au D. 47, 12, 3, 2 dans un responsum rédigé en des termes généraux : Sepulchri autem appellatione omnem sepulturae locum contineri existimandum est – par sépulcre il faut entendre tout lieu de sépulture où l’enterrement s’est effectué – texte qu’il faudra mettre en rapport avec le fameux D. 11, 7, 2, 5 émanant du même Ulpien qui circonscrit le périmètre sépulcral au lieu effectivement occupé par le corps ou les restes. On doit donc croire que l’appellation de tombeau s’applique à tout lieu de sépulture qui abrite au moins un corps. En étendant le champ de cette définition à la taxinomie funéraire des formes sépulcrales romaines, il semble évident que l’édit de sepulchro violato s’applique à tous les types de tombes, quels que soit leurs aménagements architecturaux et leurs statuts : sépultures héréditaires, familiales, personnelles, collectives, en somme toute construction allant du grand monument personnel à la fosse commune. Il est plus difficile de savoir si l’action peut s’appliquer à la violation d’un cenotaphium, édifice mémoriel défini par Florentin comme un monument qui ne contient pas les restes du défunt17 et dont le statut est discuté par Marcien et Ulpien. Le premier affirme son caractère religieux, donc sa nature de sépulture, en se fondant sur un témoignage de Virgile alors que le second le nie sur la base d’un rescrit impérial18. Trancher le fond de cette controverse est délicat et il faudrait sans doute raisonner au cas par casau regard des circonstances pour attribuer ou non le moyen de droit en fonction de la valeur accordée au cénotaphe. Rappelons que la fonction mémorielle de ce dernier recoupe celle du sepulchrum et du monumentum qui l’aménage. Enfin, les sepulchra hostium ou sépultures des ennemis de Rome19, qui sont bien des tombes contenant un ou plusieurs corps, mais ne sont pas considérées comme religieuses par Paul au D. 47, 12, 420, ne peuvent pas profiter de la protection de l’action pour sépulcre violé. Le raisonnement du jurisconsulte sévérien peut ici sembler curieux car le principe juridique de la religiosité découle d’ordinaire d’un jeu de cause à conséquence : c’est le dépôt du corps dans le sepulchrum qui fonde la religiosité. Dans le casus évoqué, cette dernière semble niée car la tombe est précisément identifiée comme étant celle de l’ennemi. Ce dernier n’aura, en tant que tel, pas vocation à profiter de la protection du droit romain des tombeaux : il sera ainsi possible de subtiliser des pierres sur ces sépultures sans encourir de sanction. Il apparaît ici en trame de fond que le droit de protection des tombeaux se situe au confluent du droit, du mos maiorum et des pratiques sociales. Il a vocation à s’appliquer au citoyen romain – ou assimilé du point de vue culturel21 – qui aura fondé sa tombe suivant la procédure religieuse romaine.

La question du dol

9Les premiers mots du fragment mettent en place un des aspects essentiels du délit de violation de sépulture. L’intention dolosive22dolus malus – est ici l’élément constitutif du délit et elle est reprise dans d’autres procédures prétoriennes23 pour faire jouer le recours. La violatio sepulchri fut très tôt liée à la notion de dolus malus, et le dol se retrouve ainsi dans l’édit d’Auguste sur les violations de sépulture24. Il faut rappeler que l’application du dolus est courante dans le droit funéraire romain, pour apprécier l’intention de l’inhumant ainsi que la « volonté morale » de son acte ; l’intention dolosive demeure le point essentiel d’un texte d’Ulpien relatif à l’ensevelissement illicite dans un locus publicus25. D’après le jurisconsulte, si quelqu’un enterre un mort dans un lieu destiné à l’usage public, le préteur donnera contre lui un iudicium bien que des tempéraments soient apportés : si le contrevenant a agi par dol, il sera poursuivi extra ordinem et il subira une punition légère. En revanche, si l’ensevelissement est pratiqué sine dolo, le délinquant ne sera pas inquiété : le caractère involontaire de l’agissement l’exonère de toute responsabilité. Dans le cadre antique de la violation de sépulture, l’expression dolus malus souligne la préméditation et la malice du contrevenant comme condition essentielle pour poursuivre. En droit civil français contemporain, le dol est l’intention de nuire et il s’intègre aux vices du consentement au même titre que l’erreur et la violence. L’adjonction de l’adjectif malus renforce l’idée de dol avec un supplément de connotation négative. Le mot malus est souvent utilisé pour dépeindre un trait de personnalité26 ou pour juger un comportement27. Dans sa décision au D. 2, 14, 7, 9, Ulpien rapporte la définition de Pédius du malus dolus : il s’agit d’une ruse, d’une finesse destinée à tromper le partenaire dans la convention. Cela induit un jugement moral. À l’inverse, d’après un autre responsum d’Ulpien au D.47.12.3.128, la violation de sépulture non consécutive d’un dol ou qui est le fait d’une personne qui ne peut pas être capable au sens propre d’un dolus aux yeux du droit, à l’image par exemple de l’impubère, ne sera pas poursuivi sur le fondement de l’édit du préteur29. De même, tous ceux qui s’approchent du sépulcre et qui n’ont pas l’intention de l’outrager, ne seront pas inquiétés. L’idée du dol est introduite pour éviter des condamnations injustes et trouve une prolongation pratique. Il faut préciser que la possible dispersion de tombes sur de larges terrains privatifs, au point qu’il soit difficile d’identifier les lieux religieux et ceux restés purs, ainsi qu’il ressort de la sentence de Sénécion30, pouvait impliquer que des atteintes leur soient portées par mégarde, par exemple à la suite de travaux agricoles ou d’aménagement d’un fundus lorsque les sepulchra n’étaient pas visuellement repérables. Et il est bien compréhensible que ces atteintes involontaires ne tombent pas sous le coup de l’actio sepulchri violati. Par ailleurs, il a été évoqué plus haut que la violation de sépulture demeure un crime mixte qui porte autant préjudice aux vivants, et notamment aux titulaires de droits sur le tombeau, qu’aux dieux Mânes et au défunt lui-même. Or rien n’est évoqué à ce sujet au sein du présent fragment alors que ce paramètre existe dans d’autres textes qui qualifient de piaculum, terme qui désigne la faute religieuse ainsi que le moyen de la réparer, le fait de soustraire un corps à son tombeau31. Il n’en reste pas moins ici que les Mânes ont été outragés par toute forme de violation – que celle-ci résulte ou non d’un dolus malus – et qu’il convient de réparer le tort qui leur a été fait, sans doute par une forme de piaculum curatoire, dont l’exécution incombait au contrevenant. Il devait appartenir au collège des pontifes de se prononcer au sujet de l’attitude à adopter dans une telle situation. Ainsi, il convenait d’opérer des sacrifices d’usage quand on ôtait le corps d’une sépulture pour le transférer vers une autre afin de le protéger d’un éventuel dommage32. Cette manœuvre est motivée par un dessein louable de protection des corps, mais il n’en reste pas moins qu’elle vient troubler le repos des divinités à qui les tombeaux sont abandonnés, comme l’impliquerait de manière implicite une violation de sépulture dolosive qui serait condamnable.

L’infamie

10Le jurisconsulte Ulpien vient également indiquer que l’actio sepulchri violati est infamante :

Ulpien D. 47, 12, 1 Sepulchri violati actio infamiam irrogat33.

L’action de sépulcre violé provoque l’infamie (du contrevenant).

11Il y avait bon nombre d’actions infamantes en droit romain, comme par exemple l’actio doli qui emportait infamie et qui pouvait par ailleurs être liée au contexte funéraire34. L’infamie avait des effets sérieux sur le plan social et juridique, au moins depuis la fin de l’époque républicaine35 : le contrevenant était exclu du Sénat, des honneurs, des magistratures ou encore des tribunaux. Il ne pouvait plus être juge, témoin, accusateur sauf dans certains cas très précis36 ; il lui était également interdit de contracter ou de passer un pacte. L’infamia joue même le rôle d’une circonstance aggravante dans le cadre de la récidive : si l’infâme est condamné une nouvelle fois pour un délit public ou privé, la peine sera plus sévère. L’infamie symbolisait donc la marque d’une attitude qui portait fortement atteinte aux valeurs de la société romaine. Une telle orientation vis-à-vis de l’actio sepulchri violati n’a rien de surprenant. L’attachement des Romains aux sépultures et au culte des morts justifiait que le violeur de tombe soit mis au banc de la société. Certains auteurs pensent que lorsqu’elle est intentée par une personne privée, l’actio n’entraînait pas l’infamie du contrevenant37, cette dernière résultant seulement de l’action déployée à partir d’une initiative populaire. À bien y regarder, cette distinction ne semble pas fondée idéologiquement : c’est précisément l’idée de violatio sepulchri qui est de nature à engendrer l’infamie, quel que soit le moyen de recours exercé pour réparer la faute. En outre, compte tenu du fait que l’actio sepulchri violati était duale (c'est-à-dire que les deux moyens de recours, action publique et action privée sont apparus au même moment38), il serait dès lors étonnant que le recours intenté par un particulier n’entraîne pas l’infamie tandis que l’action publique la provoquerait à tous les coups, alors même que les deux recours visaient à réprimer un même agissement inacceptable. Malgré sa possible dualité en termes d’initiateurs, l’actio sepulchri violati forme un tout unique par rapport aux agissements qu’elle entend réprimer : la violatio sepulchri porte préjudice commun aux particuliers qui ont des droits sur le sepulchrum, et aussi à la collectivité qui, en conformité avec l’idéologie funéraire romaine, doit veiller à faire respecter l’intégrité des tombeaux. Enfin, l’opinion d’Ulpien au D. 47, 12, 1 est formulée d’une manière très générale, en fonction de la nature de l’actio sepulchri violati et non en considération de ses différentes possibilités d’exercice, par l’intéressé ou par un tiers. Suivant cette orientation, l’actio sepulchri violati est par nature une action infamante et l’infamie vient sanctionner une attitude particulièrement grave d’un individu, réprimé il est vrai, le plus souvent, par un iudicium publicum39. Ceci me permet d’arriver plus en détail à un caractère spécifique de l’action de sépulcre violé, à savoir sa double nature d’actio privée mais aussi populaire.

L’action de sépulcre violé : une action privée et une action populaire

12L’action pour violation de sépulture possède des caractéristiques singulières. Elle est à la fois une action quasi-privée et une action populaire qui entraînent toutes deux une peine pécuniaire40. Dans ce genre de procédure, il convient de satisfaire à la fois l’intérêt public et l’intérêt privé. Si la personne directement lésée par la violation n’agit pas, l’initiative de l’intervention en justice est laissée à chacun, de sorte que la réparation du crime soit a priori inévitable dès lors qu’elle peut être constatée. Il s’agit ici d’une configuration originale car l’action populaire s’oppose en général à l’action privée, laquelle est prédominante dans le système juridique romain.

L’action privée

13D’après Ulpien au D. 47, 12, 3, l’actio est donnée d’abord au profit de ceux qui sont titulaires de droits sur le sepulchrum. Ces droits peuvent être divers : ius monumenti ou droit de prendre soin du monument et de la mémoire du défunt, ou encore ius sepulchri passif ou actif, lesquels correspondent au droit d’ensevelir et/ou d’être soi-même bénéficiaire d’une place dans le tombeau. La titularité de droits sur le sépulcre est la seule condition requise pour prétendre à l’action, et peu importe la qualité de celui qui agit tant qu’il peut justifier de iura sur la res religiosa41. En effet, une action dite privée implique que le plaignant soit personnellement lésé par le fait illicite d’un tiers en cause. En cas d’existence de co-ayants droit, hypothèse courante concernant une tombe par exemple familiale ou héréditaire, l’action appartient à tous sans distinction car chacun d’entre eux a un droit égal à obtenir réparation sur la base d’un intérêt objectif en raison des potentiels dégâts causés par la violation mais aussi en raison d’un intérêt moral42. Cette pluralité de titulaires s’explique aussi par l’indivisibilité de principe du ius sepulchri43. Chacun d’entre eux pourra entreprendre l’actio de manière successive puisque l’exercice de cette dernière par un seul n’exclut pas la possibilité, pour les autres, de déposer un recours44. En toute logique, la protection des demandeurs intéressés et directement lésés est prioritaire45, leurs droits priment ceux d’un tiers qui aurait introduit l’actio populaire46 jusqu’au moment de la litis contestatio ou accord des parties sur le contenu du litige soumis au préteur à la fin de la phase in jure47. Après ce moment crucial du procès, le demandeur intéressé ne pourra pas surpasser le tiers qui a introduit l’action populaire, même en cas d’absence rei publicae causa48 d’après Julien au D. 47, 12, 649. Le jurisconsulte justifie son opinion au regard de la nature de l’action qui vise davantage un intérêt moral relevant de l’ultio qu’un intérêt pécuniaire. En effet, l’exercice de l’action populaire ne laisse de toute façon pas le crime impuni. Et il faut supposer que la solution aurait peut-être été différente si l’éviction concernait une action visant à réparer un dommage aux biens50. La prise en compte de l’ultio plutôt que de l’atteinte aux biens avait aussi des répercussions sur le droit successoral. L’utilisation de l’actio sepulchri violati par l’héritier ne présume en rien de l’acceptation de l’hereditas, il faut d’ailleurs préciser que l’heres évincé de la succession ou celui qui la refuse, mais qui conserve le ius sepulchri sur la tombe familiale, peut agir par ce moyen de droit à titre de demandeur privé. Et Papinien précise au D. 47, 12, 1051 que l’action appartient à l’héritier nécessaire, sans que ce dernier ne s’engage vis-à-vis de la succession, puisque l’exercice de ce recours n’implique en rien de recevoir quelque chose du défunt ou d’opérer la rei persecutio d’une res lui appartenant. En ce sens, les créanciers de l’hérédité ne peuvent donc pas, par ce motif, se retourner contre l’heres en question.

14Entre les mains du ou des intéressés, l’actio sepulchri violati prend la forme d’une action prétorienne pénale directe qui a son intentio in factum. Comme la plupart des actions données par le préteur, elle est annale52. Un si bref délai pour agir pourrait s’expliquer par le fait que l’actio sepulchri violati compte au nombre des actiones vindictam spirantes53 qui visent à satisfaire la vengeance bien plus qu’à réparer un préjudice patrimonial54. En raison de cette nature spéciale, la durée d’exercice de l’actio se trouvait réduite et elle n’était pas, à l’inverse des actions pénales ordinaires, transmissible aux héritiers de la ou des victimes du préjudice55. Lorsqu’elle est exercée par le titulaire de droits sur la tombe, l’action a pour objet une intentio56 double qui vise à la fois la réparation du dommage et l’attribution au plaignant d’une somme à titre de peine pécuniaire. Les juges ont, en ce sens, un grand pouvoir d’interprétation et plusieurs paramètres doivent rentrer en compte dans l’évaluation finale du dommage subi comme l’indique Ulpien :

Ulpien lib. 25 ed. D. 47, 12, 3, 857 Qui de sepulchri violati actione iudicant, aestimabunt, quatenus intersit, scilicet ex iniuria quae facta est, item ex lucro eius qui violavit, vel ex damno quod contiguit, vel ex temeritate eius qui fecit : numquam tamen minoris debent condemnare, quam solent extraneo agente.

Ceux qui jugent au regard de l’action de sépulcre violé estimeront le préjudice d’après l’injure qui a été faite et du gain de celui qui a violé le sépulcre, ou du dommage advenu, ou de la témérité du violateur. Cependant ils ne doivent pas condamner à moins que ce qu’ils accorderaient à un étranger qui poursuivrait.

15D’après ce responsum, les juges doivent s’appuyer sur bon nombre d’éléments objectifs et subjectifs pour fonder leur décision : la gravité de l’injure (donc de l’outrage qui est fait au demandeur), le dommage causé au sépulcre, l’audace du violator et par extension l’ampleur de la profanatio ou encore le profit que le contrevenant aura retiré de son crime, critère qui permet peut-être de mettre en évidence l’intention dolosive et la préméditation. Enfin, les juges devraient tenir compte de la dignité de la personne en cause, comme dans le cadre d’un délit d’iniuria58. Présente dans d’autres domaines du droit des tombeaux, la prise en compte de la dignitas existe aussi dans le cadre de l’actio funeraria destinée à récupérer les frais funéraires. Peut-être n’est-il pas impossible que le jugement puisse aussi être basé, au moins en partie, sur la peine pécuniaire ou amende sépulcrale prévue par le fondateur du tombeau en cas d’atteinte à ce dernier. Enfin, comme le précise la fin du fragment, à préjudice égal, l’ayant-droit agissant par le biais de l’action privée doit percevoir au moins la même somme d’argent qu’un étranger qui déploierait l’action publique.

16La seule borne placée par le législateur concerne la somme minimale en dessous de laquelle le juge ne pourra pas descendre. Le montant minimal de la condamnation est fixé d’après ce qu’aurait pu espérer un tiers qui aurait déclenché le mécanisme de l’action populaire. Ainsi, l’intéressé sera assuré de toucher au moins la somme de 100 pièces d’or en cas de violatio et la somme de 200 pièces d’or en cas d’habitatio dans le sepulchrum59, ce qui correspond à un taux d’amende de 100 000 ou 200 000 sesterces, suivant les cas, en droit classique60. Cet impératif peu contraignant mis à part, la grande latitude d’appréciation laissée au juge fait que l’actio sepulchri violati trouve une place de choix parmi les actiones in bonum et aequum conceptae61. En tant que telle, elle n’a pas pour but intrinsèque l’enrichissement du plaignant puisqu’elle repose bien plus sur un intérêt moral que pécuniaire.

17Au D. 47, 12, 3, 8, la désinence du verbe judicare conjugué à la troisième personne du pluriel met en évidence qu’il est peut-être fait référence aux recuperatores62. Ces juges spéciaux étaient des jurés privés intervenant lors de la deuxième étape du procès63 sans qu’une compétence particulière leur soit dévolue. Il appartenait aux parties en cause de décider de s’en remettre à un iudex unique ou aux recuperatores qui étaient au nombre de trois64. Ces derniers ne sont pas nommément désignés car cette catégorie de magistrats n’existait plus à l’époque de Justinien où le Digeste a été compilé ; c’est la raison probable de la présence de cette circonlocution65. Les récupérateurs étaient compétents pour juger l’atrox iniuria de laquelle il n’est pas incongru de rapprocher la violation de sépulture. À l’inverse de l’idée émise par T. Mommsen66, basée sur une maxime (mortuo non fit iniuria) non romaine mais émanant des commentateurs, il est tout à fait possible pour un défunt de subir une iniuria comme l’indique Ulpien au D. 47, 10, 1, 467. Que l’injure vise le trépassé lui-même ou les Mânes68 n’est que de peu d’importance puisqu’une atteinte sérieuse portée au sepulchrum cause un préjudice aux deux à la fois. Les recuperatores sont aussi compétents, d’après le fragment D. 47, 12, 3, 8, pour juger à la fois l’action privée in bonum et aequum et également l’action populaire mais ces derniers ont une capacité limitée aux seuls procès entre Romains69. L’aspect qui doit prévaloir ici, pour justifier leur implication, résulte de la nature comme de l’enjeu du délit de violation de sépulture et non pas des liens réels qu’il entretient avec l’iniuria70. L’État veille au respect du culte des morts et au maintien de l’intégrité des tombes. Le rôle des recuperatores s’explique par l’aspect public du procès récupératoire et par un prolongement du rôle public qu’ils occupaient à l’origine ainsi que le rapporte une notice de Festus71.

18L’action de sépulcre violé peut engendrer la responsabilité de plusieurs violatores. Comme toute action pénale, elle est dirigée contre chaque contrevenant et peut-être même contre les complices72 qui, par leur acte, engagent leur responsabilité. La victime a donc le droit de demander réparation à chaque individu qui lui a causé du tort73. Dans ces cas complexes, le juge avait tout pouvoir pour estimer le montant de la peine et pour établir la part de responsabilité effective de chaque délinquant, de même que la hauteur de la réparation imposée aux différents co-auteurs.

19La responsabilité des violatores n’était pas transmise à leurs héritiers suivant la règle selon laquelle l’action pénale est éteinte à la mort du contrevenant et ne se transmet pas passivement à l’hereditas du délinquant74. Les textes du Digeste nous renseignent aussi sur l’attitude à adopter si la violatio a été accomplie par un esclave : le maître répondra de l’action noxale, laquelle vise à provoquer l’abandon du coupable à la victime, seulement s’il s’agit d’un délit mineur75. Si la violatio est sévère et caractérisée, et le cas évoqué est celui de l’habitio dans le sepulchrum qui se retrouve à la fin de l’édit76, l’esclave devra répondre lui-même de son acte et l’actio sepulchri violati sera donnée contre lui77.

L’action populaire

20L’actio sepulchri violati est aussi populaire78 (D. 47, 12, 3, 12 Haec actio popularis est) au même titre que d’autres actions bien connues comme les actiones de albo corrupto79 (laquelle vient réprimer une atteinte à l’album de l’édit, tableau blanc où le préteur l’inscrit en noir), ou encore de termine modo (moyen donné contre ceux qui déplaçaient intentionnellement les pierres de bornage des propriétés privées) voire de positis ac suspensis (recours octroyé contre un occupant d’un immeuble qui aurait déposé ou suspendu des choses qui auraient causé dommage). Dans son principe, une action populaire équivaut à une délégation à tout citoyen de pouvoir dénoncer par ce biais un agissement répréhensible afin de suppléer la surveillance de l’État ou le défaut de vigilance d’un citoyen qui pourrait être lésé à titre privé par l’agissement d’un tiers. Une telle configuration juridique hybride, laquelle serait considérée comme peu cohérente en droit français contemporain – ce dernier séparant la dénonciation privée et publique – répond à une idéologie romaine particulière où la sphère privée est considérée comme le terreau d’un relais des valeurs publiques : chaque citoyen serait ainsi légitimé à faire respecter les valeurs reconnues comme indispensables au bon fonctionnement de la vie communautaire ainsi qu’à l’ordre de la res publica. Aussi, certains auteurs qualifient ce positionnement institutionnel de « zone grise »80 entre le public et le privé qui montre que la distinction entre ius publicum et ius privatum est tardive en droit romain si tant est qu’elle fût jamais véritablement opérationnelle. De plus, le nombre assez réduit de magistrats commandait de faire participer les cives, en termes d’assistance, pour au moins faire constater le délit. Il ne s’agissait pas de déléguer un pouvoir de le réprimer – lequel incombe aux autorités car la faculté de poursuivre incombe au magistrat81 – mais de faire participer les membres du corps social au maintien de l’ordre public dont ils étaient les premiers bénéficiaires.

21Ainsi, du point de vue procédural et à défaut de titulaire ou en cas d’inaction de celui-ci, l’actio sepulchri violati appartient à tous, comme l’indique l’incise quicumque agere volet82, à condition pour le requérant de pouvoir agir en justice83. Ce dernier doit être intègre (D. 47, 23, 4) ; le pupille et la femme n’ont pas le bénéfice de l’action (D. 47, 23, 6). Sinon, tout citoyen peut demander l’action au nom de l’ordre public en agissant pour le compte de l’État romain puisque les actiones populares ont pour but de protéger l’intérêt public. Il faut considérer ici au premier chef l’idée d’une communauté d’intérêts appliquée à la sphère funéraire et religieuse afférente – le lien entre la propension des Romains à honorer les dieux et la prospérité de la cité est connu – pour expliquer la popularité84. Il est de l’intérêt de tous de préserver l’intégrité des tombes et d’être en paix avec les défunts. Le respect des sépultures laissées aux divinités ainsi que le respect observé envers la mémoire des morts motivaient le déploiement de la responsabilité de chacun dans la dénonciation des crimes frappant les tombeaux. Dans le cas présent, l’action demeure pénale et le plaignant recevra le montant de la peine en cas de condamnation du contrevenant présumé, ce qui tranche avec le dénouement normal des actions publiques qui voyait la quasi-totalité du montant de la condamnation attribuée au fisc, le surplus étant réservé à celui qui avait pris en main les poursuites.

22La poena prévue par l’édit n’est pas laissée à l’arbitraire du juge et l’édit fixe un montant qui s’applique également à l’action populaire. On a vu que l’edictum fixait une peine de 100 pièces d’or (100 000 sesterces) dans la plupart des cas, et de 200 pièces d’or (200 000 sesterces) dans le cas particulier du délit d’habitatio85. Il faut rappeler que des divergences doctrinales existent quant au moment exact où aurait été introduite la fixation du taux de l’amende. En suivant F. Casavola, cette dernière pourrait intervenir après l’époque de Julien, un jurisconsulte né vers 100 ap. J.-C. et codificateur de l’édit du préteur une petite trentaine d’années plus tard86, car ce dernier fait référence, au D. 47, 12, 6, à la litis aestimatio, ce qui suppose l’existence d’un judicium aestimatorium incompatible avec une amende fixe87. Cette opinion a été rejetée par F. De Visscher et A. Palma, le premier indiquant que sans préjudice personnel démontré l’amende fixe serait la règle88 et le second affirmant qu’il s ‘agit au sein du fragment d’un cas particulier d’absence rei publicae causa, lequel ne peut être généralisé89.

23Dans le cas où les demandeurs populaires sont pluriels, le principe est celui de l’unicité du procès à un seul plaignant. Il appartient en conséquent au magistrat de préférer parmi les délateurs celui qui est le plus apte à exercer l’action90. La pluralité de demandeurs n’implique en rien de multiples actions car le plaignant agit pour l’intérêt public qui demeure unique. Une fois que la réparation est avérée, le même acte ne peut donner lieu à un second jugement suivant l’exception rei iudicatae91 qui correspond à l’autorité de la chose jugée. L’actio sepulchri violati populaire éclot d’un iudicium publicum mais le dénouement de la procédure, qui voit l’attribution de la peine pécuniaire au demandeur, la fait ressembler davantage à une actio privata qu’à une actio popularia92 en raison de nombreuses similitudes. L’action populaire est annale, de même que toute action pénale prétorienne93, et ne peut être transmise aux héritiers du demandeur à l’image des autres actiones qui aspirent à la vindicta94.

La date d’apparition de l’action

24Se pose enfin la question de la date exacte d’apparition de ce moyen de recours. Le juriste Labeo né en 50/60 av. J.-C. le mentionne95 ; c’est donc qu’il était connu au début du Haut-Empire. Au sujet d’une existence plus ancienne, très probable mais difficile à attester, les textes sont malheureusement muets. Toutefois, en considérant l’ancienneté des règles funéraires – l’interdiction d’ensevelir dans l’enceinte urbaine date au moins de la loi des Douzes Tables96 et ne s’est jamais trouvée démentie au cours de l’histoire romaine – et également l’objet de l’action, à savoir la protection des sepulchra prévue de longue date dans les législations de l’ancienne Rome, on met en évidence des indices forts d’une possible existence antérieure. L’action, ou un moyen de droit proche, aurait sans aucun doute suivi de près l’entrée en vigueur de l’edictum du préteur urbain lors de la deuxième moitié du IVe siècle av. J.-C., et il est fort possible que l’action pour violation de sépulture puisse faire partie des plus anciennes actions populaires97. Parmi celles-ci, citons la loi Silia sur les poids et mesures qui remonte à la seconde partie du IIe siècle av. J.-C., et la Lex luci Lucerina98 qui concerne également le domaine funéraire et dont la datation est délicate, mais que l’on peut raisonnablement faire remonter au début du IIe siècle. Les actes interdits dans ce règlement sont au nombre de trois : le dépôt de stercus99, l’abandon de cadavre et l’accomplissement de sacrifices en l’honneur des morts. Les contrevenants pouvaient être poursuivis par une personne privée au nom du populus ou à la discrétion d’un magistrat100.

Conclusion

25Pour conclure en tentant de prendre un peu de hauteur, je voudrais avant tout insister sur l’idée que les nombreux détails du droit funéraire, et plus spécifiquement de la violation de sépulture et de sa répression que je viens d’évoquer, recèlent au creux de leur conception et de leur déploiement pour réguler l’ordre civique un sens profond qui dépasse la simple mécanique juridique que les Romains maniaient avec bonheur. Car c’est aussi et surtout dans les détails du droit, lesquels demeurent consécutifs d’une opération de la pensée au sens d’une mise en forme technique – le droit participe au premier chef d’une histoire des techniques – qui vient prolonger une idéologie sociale, que l’on peut saisir la culture et les valeurs d’une société101, en particulier dans ce droit romain casuistique qui est un droit du recours et de la sédimentation d’opinions. La manière dont s’exprime ce terreau idéologique social à travers le droit n’en est pas moins captivante que la pure mécanique juridique qui le porte. Aussi les modalités de l’action de sépulcre violé nous permettent de saisir une partie des méta-valeurs qui structurent la société romaine : la préservation des intérêts matériels privés, la religion (des morts), le respect témoigné aux défunts et aux sépultures mais aussi, par dérivation, la question de la mémoire et de sa protection qui font cohésion communautaire. Le mécanisme de l’action souligne également l’articulation voire l’imbrication du cercle public (État, res publica) et de la sphère privée (la familia, l’individu). Plus que tout autre domaine du droit, la thématique funéraire en général – et la violation de sépulture en particulier – fait apparaître combien le droit romain doit être considéré dans son intangible entièreté sans que ne vienne s’opérer une distinction nette entre le ius publicum et le ius privatum102. Dans des domaines identitaires aussi forts que l’idéologie funéraire, chacun est amené au plan individuel à promouvoir les valeurs collectives constituant le gage de la prospérité et de l’hégémonie universelle de la civilisation romaine.

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10.4000/books.iheid.1185 :

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Notes de bas de page

1 Le thème fait l’objet d’une courte subdivision au Digeste, le D. 47, 12 De sepulcro violato. Sur la violation de sépulture, voir parmi d’autres : Lozano Corbi 1988, p. 1487-1496 ; Tilli 1969, p. 313-319 ; Parrot 1939, p. 152-155 ; Giovannini – Hirt 1999, p. 107-132 ; Thomas 1999, p. 93-98 ; Sordi – Grzybeck 1998, p. 279-291 ; Pitsakis 1998, p. 317-323 ; Raber 1975 p. 129 ; Stylow – Melero Lopez 1995, p. 357-386 ; Klingenberg 1983, col. 590-637 ; Kaser 1971, p. 378 note 25 (pour la bibliographie), p. 380, 610, 628 et 630 ; Casavola 1955, p. 131-153 ; Casavola 1958, p. 23-148 (l’ouvrage constitue une étude très exhaustive qui concerne plus particulièrement l’edictum de sepulchro violato) ; De Visscher 1959, p. 197-202 ; De Visscher 1953 ; p. 175-183 ; Strubbe, 1997 ; Alpers 2000, p. 75-78 ; Fabbrini 1968, p. 560-562 ; Paturet 2006 (version longue), p. 831-963 ; Papi 2004. p. 404-416 (bibliographie p. 404 in fine). Il s’agit là d’une étude portant sur une série de témoignages épigraphiques (dont certains sont inédits et d’autres non recensés au CIL) qui font état de formules d’intimidation prohibitives contre les violateurs. Leur portée est évidemment moindre que celle de la législation officielle sur la violatio sepulchri. La lecture de ces sources permet pourtant d’envisager comment les particuliers comprenaient l’idée de violatio sepulchri puisque les sources juridiques ne dressent pas une liste exhaustive des actes qui rentrent dans le cadre de ce délit. Le viol de sépulture doit être distingué du manquement aux devoirs funéraires, cf. Mélèze-Modrzejewski 1996, p. 215-229, p. 227 in fine « Violer une sépulture et priver le défunt de soins posthumes qui lui sont dus sont deux choses différentes ». Il faut constater que la lecture des sources indique bien que la violatio a pour objet le sepulchrum, et ce dernier est l’aboutissement du funus, et du rituel funéraire en général. Pour la Mésopotamie, cf. l’introduction de J.-P. Vernant dans Gnoli – Vernant, 1982, p. 8-9. En ce qui concerne l’Égypte, voir Boyaval 1974, p. 71-73, il s’agit de l’étude de la tablette du Louvre AF 6716 ; Bryce 1981, p. 81-93 ; Bryce 1976, p. 175-190 ; à Babylone : Tourraix, 1996, p. 109-125.

2 Sacchi 1995, p. 180-181.

3 d’Agostino – Schnapp 1982, p. 19.

4 Gaius, Institutes 2, 4.

5 Sur cet ordre juridique primordial, voir Gaius, Institutes, 2, 2.

6 Thomas 1999, p. 105.

7 Düll 1951, p. 192 a, lors de la présentation générale de son thème de travail, bien mis en évidence l’importance de ce « Grundprobleme » que la doctrine a toujours du mal à résoudre quelques décennies plus tard. Il semblerait bien que l’inaliénabilité des tombes soit une inaliénabilité dite relative, c’est-à-dire bornée à la fonction sépulcrale du tombeau et scellée dès la première inhumation, laquelle fixe l’inéluctable destinée du lieu religieux. Voir également De Visscher 1947-48, p. 278-288 ; 1963, p. 66-73. D’après ce dernier auteur, la doctrine traditionnelle se serait trompée en partant de l’incompatibilité de principe entre le dominium et l’affectation funéraire d’une parcelle de terre pourtant alors même que le dominium est une condition préalable indispensable à la destination funéraire d’une partie du fonds en propriété. Voir également Longo 1964, p. 141 ; 1967, p. 136 ; Paturet 2006, p. 185-200 (version courte).

8 Ulpien D. 11, 7, 2, 5 : Sepulchrum est, ubi corpus ossave hominis condita sunt. Celsus autem ait : non totus qui sepulturae destinatus est, locus religiosus, sed quatenus corpus humatum est. Trad. (sauf mention expresse du contraire toutes les traductions sont de l’auteur) : « Un sépulcre est l'endroit où sont renfermés le corps ou les ossements d'un homme. Et Celse dit que tout le lieu destiné à la sépulture ne devient pas religieux mais seulement l'endroit où le corps se trouve inhumé » (humatus est le contraire de inhumatus ou de supra terram). Les termes du texte soulignent que l’ensevelissement est la phase essentielle du rite funéraire. Le mort doit être humatus, c'est-à-dire recouvert de terra. L’illatio confirme l’identité du disparu en lui réservant une part dans l’occupation de l’espace par enfermement. Cf. Cicéron, Tusc., 1, 44 et aussi Allara 1995, p. 71.

9 Mommsen 1907, 3, p. 124 et la note 1 « Étymologiquement, violatio signifie la violence en général ; l’usage postérieur du langage a étendu ce terme à tout délit, mais la restriction du sens de ce mot dans le langage technique est au moins aussi justifié que pour le mot iniuria. ». Voir aussi la Lex luci Spotelini (cf. Bruns 1909, p. 283) Honce loucom ne quis violatod neque exvehito… La violatio résulte ici, semble-t-il, de la simple intrusion dans l’enceinte du lucus dont le territoire est conçu comme sanctuarisé. Voir également, Morel 1928, p. 150. Thomas 1988, p. 79 note 67 indique « Ce n’est en revanche pas violer une sépulture que d’introduire un mort étranger à la famille : contre cet usage qui reste funéraire, il faut prévoir des amendes sépulcrales instituées par le fondateur du tombeau… Le sens de violare reste donc très précis en droit ».

10 Sur ce texte, voir Morel 1928, p. 107-136 ; Casavola 1955, p. 14 note 44 et 45 ; p. 23 et 25 note 6 ; De Visscher 1963, p. 140-142 ; Tilli 1969, p. 117 ; Murga 1984, p. 249 ; voir aussi Botta 1996, p. 176-184.

11 Morel 1928, p. 155 pense que la finale serait interpolée à cause d’une position peu compréhensible dans l’articulation du texte. L’argument est juste mais insuffisant car l’agencement et la construction chronologique de l’edictum praetoris ont pu favoriser de telles déficiences dans l’énoncé de l’édit. Il était d’usage pour les préteurs successifs de compléter le travail de leurs prédécesseurs par une forme de superposition des normes. Cette manière de procéder a pu se faire au détriment d’un ordre véritablement logique et d’une organisation sans faille. L’adjonction de l’habitatio dans l’édit est peut-être légèrement postérieure aux données générales au sujet de la violatio, qu’elle vient compléter. Mais ces compléments sont, à n’en pas douter, antérieurs à l’époque d’Ulpien, et aucun argument de fond ne permet d’en attribuer la paternité aux compilateurs. Lenel 1889, col. 563 n° 738, ne propose pas de modifications de fond pour ce passage.

12 Cf. Lenel 1901, p. 262-263. L’auteur propose les modifications suivantes : il substitue sestertiorum à aureorum et quam quod à quamque dans la dernière phrase. C’est avec raison qu’O. Lenel indique qu’un autre responsum d’Ulpien, pourtant extrait des libri ad edic. Praet., fait état d’une solution étrangère à l’édit du Préteur. Il s’agit du D. 47, 3, 11 qui vise l’hypothèse de l’habitatio d’un servus dans un sépulcre. Voir aussi Lenel 1889, col. 563 n° 738.

13 Bonduel 1886, p. 87.

14 Pour une étude de ces textes, voir Paturet 2006 (version courte), p. 558-567.

15 Paturet 2006, p. 550-607.

16 CJ. 9, 19, 1 Gordien a. 240 : Res religioni destinatas, quin immo religionis effectas, scientes qui contigerint et emere et distrahere non dubitaverint, tamen etsi iure venditio non substistat, laese tamen religionis inciderunt in crimen. Trad. « Ceux qui n’hésitent pas à acheter ou à vendre sciemment des choses destinées ou affectées à la religion sont, quoique la vente en soit juridiquement nulle, coupables du crime de lèse-religion ».

17 Florentin D. 11, 7, 42 : Monumentum generaliter res est memoriae causa in posterum prodita : in qua si corpus, vel reliquiae inferantur, fiet sepulchrum : si vero nihil eorum inferatur erit monumentum memoriae causa factum : quod Graeci κενοτάφιον, id est, inane sepulchrum appelant. Trad. « En général, un monument est une chose destinée à transmettre la mémoire (d’un défunt) à la postérité. Si un corps ou des restes y sont ensevelis, il devient un tombeau. Mais s’il s’avère qu’il ne renferme rien de ceux-ci, il s’agira d’un monument élevé pour motif mémoriel, ce que les Grecs appellent un cénotaphe, c’est-à-dire une tombe vide ».

18 Ulpien au D. 11, 7, 6, 1 : Si adhuc monumentum purum est, poterit quis hoc et vendere et donare. Si cenotaphium sit, posse hoc venire dicendum est : nec enim esse hoc religiosum, divi fratres recripserunt. Trad. « Si un monument est encore pur (au sens de profane : qui ne contient pas de corps), celui-ci pourra être vendu ou donné. Si c’est un cénotaphe, il faut dire qu’on peut le vendre car d’après un rescrit des divins frères (Marc-Aurèle et Lucius Verus) il n’est pas regardé comme religieux ».

19 Sur lesquelles Paturet 2006, p. 281-306 (version longue).

20 Paul D. 47, 12, 4 : Sepulchra hostium religiosa nobis non sunt ; ideoque lapides inde sublatos in quemlibet usum convertere possumus : non sepulchri violati actio competit. Trad. « Les tombes des ennemis ne sont pas religieuses : c’est pourquoi nous pouvons en prendre les pierres et les convertir à n’importe quel usage : l’action de sépulcre violé ne s’applique pas ». Le principe est rappelé par Casavola 1958, p. 71 et Daniel-Lacombe 1886, p. 183 « Celle-ci (la sépulture de l’ennemi) en effet est « injusta » : par une conséquence du droit de la guerre, comme nous l’avons vu, elle devient profane, d’où il résulte qu’elle ne saurait être violée. On peut donc souiller le tombeau de l’ennemi, briser les colonnes, détacher les pierres, pour en faire ensuite l’usage que l’on voudra y compris les vendre. L’action « sepulchri violati » ne s’exercera point et l’impunité est assurée ». Dans ce dernier cas comme dans l’hypothèse du cénotaphe, il est sans doute possible de donner l’interdit quod vi aut clam.

21 La tombe de l’esclave est religieuse d’après Ulpien D. 11, 7, 2 pr. (voir aussi De Visscher 1963, p. 53). Rien d’étonnant à cela car les esclaves, à la différence de l’ennemi de l’extérieur ou de l’intérieur qui fait l’objet d’un rejet, est intégré à la société romaine et à son périmètre culturel en matière funéraire.

22 Wacke 1977, p. 10-39.

23 Cf. par exemple, Ulpien D. 47, 8, 2 pr. : Praetor ait : si cui dolo malo hominibus coactis damni quid factum esse dicetur siue cuius bona rapta esse dicentur, in eum, qui id fecisse dicetur, iudicium dabo. Item si servus fecisse dicetur, in dominum iudicium noxale dabo. Trad. « Le préteur dit : si un dommage a été infligé par mauvais dol par des hommes réunis ou si les biens de quelqu’un ont été pris par contrainte, je donnerai une action contre l’auteur présumé de ces actes. Et si un esclave est dit l’avoir fait, je donnerai l’action noxale contre le maître ». D’après ce responsum, le dol est la condition essentielle pour octroyer l’actio vi bonorum raptorum. Voir à ce sujet Vacca, 1972, p. 45-100. Voir aussi D. 47, 8, 2, 9 …et si quid hominibus coactis, etiamsi sine vi, dummodo dolo sit admissum, ad hoc edictum spectare. Trad. « ... et que s’il (le délit) a été commis par des hommes réunis, même sans violence, pourvu qu’il y ait dol, l’édit trouve à s’appliquer » ; D. 47, 8, 4 pr. : Praetor ait : cujus dolo malo in turba damnum quid factum esse dicetur, in eum in anno, quo primo de ea re experiundi potestas fuerit, in duplum, post annum in simplum iudicium dabo. Trad : « Le préteur dit : S’il est dit qu’un dommage a été infligé par mauvais dol au cours d’un tumulte, je donnerai contre l’auteur, à partir de l’ouverture des poursuites, une action pour le double dans l’année, et après l’année une action simple » ; D. 47, 9, 1 pr ; 47, 9, 3, 7. D’une manière générale, la juridiction du préteur est particulièrement sensible à la bonne ou mauvaise foi des requérants. Voir par exemple, D. 2, 10, 3, 3 ; 2, 13, 9 pr. ; 2, 14, 7, 7… Il serait facile de multiplier ces exemples.

24 Cf. Girard-Senn 1967/1977, p. 423-424 et la note 4 p. 424. L’expression grecque de la ligne 10 de l’édit est l’équivalent de dolo malo, cf. aussi Giovannini – Hirt 1990, p. 108. Cette idée est associée dans le texte avec le fait d’outrager les morts. Sur ce texte important, voir encore Paturet 2016 mais aussi Purpurra 2012.

25 Ulpien D. 11, 7, 8, 2 : Si in locus publicus usibus destinatum intulerit quis mortuum, praetor in eum iudicium dat, si dolo fecerit et erit extra ordinem plectandus, modica tamen coercitione : sed si sine dolo, absolvendus est. Trad. « Si quelqu’un a enseveli un mort dans un lieu destiné à l’usage public, le préteur donne une sentence envers lui, s’il a agi par dol, il sera aussi puni extraordinairement, cependant avec un châtiment modéré : mais s’il n’y a pas dol, il est absous ». Sur ce principe voir Morel 1928, p. 89-92 ; Murga 1971, p. 616 ; Zoz 1999, p. 183-186.

26 Voir par ex. Cicéron, Amer., 67 : alicujus malae cogitationes ou encore Plaute, Rudens, 466, delituit mala. Cf. aussi Ernout – Meillet 1967, p. 677-678, les auteurs traduisent malus par « mauvais, méchant », le superlatif, emprunté à une autre racine fait référence au mal, physique ou moral. Les dérivés et les composés sur la base de male ou malignus (« d’un mauvais naturel » et par extension « chiche, avare ») font surtout allusion à des comportements ou à des traits de caractère moraux qui sont plutôt humains.

27 C’est cette perspective que semble avoir retenu l’usage juridique du terme, l’expression dolus malus est à cet égard caractéristique. Cf. par ex. Ulpien D. 2, 14, 7, 9 ; Scévola au D. 3, 5, 8 ; Paul au D. 4, 3, 1, 6. Dans ces décisions, la signification de malus est claire. Le terme fait référence à un comportement fallacieux empreint de mauvaise foi. Dans sa décision au D. 2, 14, 7, 9, Ulpien rapporte la définition de Pédius du malus dolus : il s’agit d’une ruse, d’une finesse destinée à tromper le partenaire dans la convention. Cela induit non pas un jugement qualitatif sur le plan matériel, mais bien un jugement moral, cette appréciation doit être retenue au sujet de l’exégèse d’un responsum d’Ulpien au D. 21, 1, 23, 3. Dans ce dernier texte où il est question de la vente d’un esclave suicidaire, le jurisconsulte qualifie l’individu de malus servus. Il est donné l’impression que le fait de potentiellement se tuer est un acte contre nature pour le servus car un tel comportement occasionnerait une perte financière pour le dominus. Quoi de plus normal d’affirmer ensuite que l’esclave est un possible meurtrier et que ce meurtrier s’attaquera forcément à autrui, et en particulier à son maître. Dans la littérature, ce point de vue très patrimonial n’est pas toujours de mise car on peut considérer que l’esclave qui se tue lui-même dans le cadre d’un suicide réussi fait l’objet d’une promotion posthume car le courage de se tuer était l’apanage de l’homme libre.

28 Ulpien au D. 47, 12, 3, 1 Compte tenu de la situation géographique des tombes, il n’était pas rare de s’en approcher pour diverses raisons sans pour autant être mal intentionné.

29 Palma 1990, p. 8.

30 Cette difficulté ressort du litige réglé par la sentence de Sénécion De sepulcris. Le décisionnaire était le sous-préfet de la flotte prétorienne de Misène, cf. CIL, X, 3334 = ILS Dessau 8391 ; Arangio-Ruiz 1940, n° 86, p. 276-278 ; Girard – Senn 1937, p. 908 ; De Visscher 1963, p. 78-79 ; Lucifredi – Peterlongo 1953, p. 29-42 ; Paturet 2006, p. 226-239 (version courte) ; Bodel 2010. Cette affaire fait suite à la cession d’un fundus comprenant les sépultures qui était certainement dolosive. En effet, les vendeurs savaient les caractéristiques du terrain qu’ils cédaient. L’acheteur a-t-il, quant à lui, acquis en connaissance de cause ? Il est difficile de l’affirmer à la lecture de la sentence. Il n’est pas forcément à exclure que l’acquéreur ait pu avoir conscience de la présence des tombes car des cippes funéraires (cf. la fin du texte) devaient en matérialiser l’existence. Reste à savoir si celles-ci étaient repérables ou si le vendeur avait pris soin de les dissimuler lors de la vente. L’acheteur a pu également s’apercevoir, après coup, de l'existence des tombeaux sans pour autant exiger la nullité de la vente puisqu’il n’a pas intenté d’action en ce sens de son vivant car ce sont ici ses héritiers qui agissent en justice. Le cas était complexe et il a commandé au sous-préfet de se rendre sur place (Necessariam fuisse…), afin de pouvoir se rendre compte de la situation. Cette précaution souligne que les litiges mettant en cause des res religiosae suscitaient un examen rigoureux des circonstances et des lieux mis en cause.

31 P.S. 1, 21, 4 : Qui corpus perpetuae traditum, vel ad tempus alicui loco commendatum nundaverit et solis radiis ostenderit, piaculum committit. Atque ideo si honestior sit, in insulam, si humilior in metallum dari solet. Trad. « Quiconque a déterré un corps confié à une sépulture perpétuelle et l’a exposé aux rayons du soleil, ou l’a déposé pour quelque temps dans un autre lieu, a commis un crime (qui mérite expiation). Et d’ailleurs, pour cette raison, il est d’usage de le condamner à la déportation sur une île s’il est de classe supérieure, aux mines s’il est de basse condition ». Voir Paturet 2007, p. 371-374.

32 PS. 1, 21, 1 : Ob incursam fluminis, vel metum ruinae, corpus jam perpetuae sepulturae traditum, solemnibus redditis sacrificiis, per noctem in alium locum transferri potest. Trad. « Dans le cas où un fleuve aurait changé de lit, ou dans l’inquiétude d’un désastre, il est possible de transférer dans un autre lieu le corps déposé jusque-là à titre de sépulture perpétuelle, pendant la nuit après la célébration des sacrifices habituels ».

33 Voir De Dominicis 1965, p. 257-278, p. 263 ; De Visscher 1963, p. 140 ; Giovannini – Hirt 1999, p. 120.

34 L’actio doli est pénale, annale jusqu’à l’époque de Constantin et elle emporte l’infamie. D’après Ulpien D. 4, 3, 1, 1 : Verba autem edicti talia sunt : Quae dolo malo facta esse dicentur, si de his rebus alia actio non erit, et iusta causa esse videbitur, iudicium dabo. Trad. « Et les termes de l’édit sont tels : Quand quelque chose aura été fait avec une intention dolosive et qu’il n’y a pas d’action adéquate pour obtenir réparation, je donnerai une action si la cause apparaît juste ». L’actio doli est également une action subsidiaire et infamante ; elle est aussi, comme l’actio funeraria, donnée à titre subsidiaire lorsqu’aucun autre moyen de droit n’est possible. L’emploi de ce recours qui concerne surtout le droit contractuel s’explique par l’idée d’un contrat existant entre le défunt et l’individu que le premier a chargé, en lui donnant une somme à cet effet, de pratiquer le funus. La non-exécution de l’inferens équivaut à ne pas accomplir une prestation contractuelle. L’héritier pourra donc exercer l’actio de dolo contre celui qui n’a pas respecté ses obligations.

35 Voir sur ce point l’exposé de Giovannini – Hirt 1999, p. 121-122 (textes à l’appui).

36 Cf. D. 22, 5, 3, 5 ; 48, 2, 4 ; 8 et 11 ; 48, 2, 13, 48, 4, 7.

37 Daniel-Lacombe 1886, p. 198 « Notre action, tant qu’elle est intentée par une personne intéressée, n’emporte point la note d’infamie. Elle ne prend ce caractère que lorsqu’elle devient populaire, suivant le sens que nous savons…Une fois populaire, on comprend que l’action sepulchri violati devienne infamante, car elle a trait à des judicia publica qui par nature sont famosa ». Et l’auteur cite des sources à l’appui de cette dernière affirmation.

38 En ce sens De Visscher 1963, p. 140 ; Casavola 1958, p. 34-35.

39 Macer D. 48, 1, 7 : Infamem non ex omni crimine sententia facit, sed ex eo quod judicii publici causam habuit. Itaque ex eo crimine, quod judicii publici non fuit, damnatum infamia non sequetur : nisi id crimen ex ea actione fuit, quae etiam in privato judicio infamiam condemnato importat : veluti furti, vi bonorum raptorum, injuriarum. Trad. Ce n’est pas une condamnation pour tous les crimes qui rend (un homme) infâme mais seulement pour ceux de nature à provoquer un jugement public. Par conséquent, lorsque le crime ne fait pas l'objet d'une procédure publique, l'infamie ne s’ensuit pas pour le condamné, à moins que le crime ne soit poursuivi par une action qui, même dans le cadre d'un procès privé, entraîne l’infamie pour lui : telle que (l’action) de vol, de biens pris par la force (rapine), d’injures.

40 Ulpien D. 47, 12, 3 et Macer D. 47, 12, 9 : De sepulchro violato actio quoque pecunaria datur. Trad. « En ce qui concerne une tombe violée, une action pécuniaire est aussi donnée ».

41 Morel 1928, p. 112.

42 Morel 1928, p. 174.

43 De Visscher 1959, p. 198.

44 Ulpien D. 47, 12, 3, 9 : Si ad plures ius sepulchri pertineat, utrum omnibus damus actionem an ei qui occupavit ? Labeo omnibus dandam dicit recte, quia in id, quod uniuscuiusque interest agitur. Trad. « Si le droit sur la sépulture appartient à plusieurs titulaires, donnons-nous l’action à chacun ou à celui qui l’a exercée en premier ? Labeo dit avec raison qu’elle doit être concédée à tous, car chacun poursuit dans son propre intérêt ». L’id quod interest concerne ici tous les titulaires du ius sepulchri, mais il faut inclure également le ou les titulaires du ius monumenti qui ont, en toute logique, intérêt à intenter l’actio.

45 Au sujet des conflits entre les demandeurs potentiels, privés ou populaires, il faut renvoyer à Morel 1928, p. 170-174 et les mises au point de Casavola 1955, p. 36-44.

46 Ulpien lib. 25 ed. praet. D. 47, 12, 3, 10 : Si is cuius interest sepulchri violati agere nollet, potest paenitentia acta, antequam lis ab alio contestetur, dicere velle se agere et audientur. Trad. « Si l’intéressé ne souhaite pas intenter l’action de sépulcre violé, il peut changer d’avis et, avant que le procès ne soit ouvert par un autre, déclarer qu’il veut poursuivre, et il sera admis à le faire ». Voir Botta 1996, p. 176-184 ; Litewski 1978, p. 314.

47 Ankum 2008, p. 56. La litis contestatio produit un effet définitif et engage définitivement l’instance ; cf. Berger 1953, p. 566, elle octroie le bénéfice de l’action a un demandeur déterminé. Daniel-Lacombe 1886, p. 197 indique que « Si, pendant l’instance, le délinquant se rend coupable d’une nouvelle violation de sépulture, ce second délit n’entrera point en ligne de compte dans la condamnation. C’est là un des effets généraux de la litis contestatio ».

48 Sur cette notion qui aurait été, en partie, à l’origine de la création prétorienne de la in integrum restitutio, et ses applications en ce qui concerne le miles, cf. l’exposé de Vendrand-Voyer 1983, p. 148-164.

49 Julien D. 47, 12, 6 : Sepulchri violati actio in primis datur ei, ad quem res pertinet. Quo cessante si alius egerit, quamvis rei publicae causa afuerit dominus, non debebit ex integro adversus eum, qui litis aestimationem sustulerit, dari. Nec potest videri deterior fieri condicio eius, qui rei publicae causa adfuit, cum haec actio non ad rem familiarem eiusdem, magis ad ultionem pertineat. Trad. « L’action pour sépulcre violé est donnée en permier à la personne qui y a intérêt. En cas de défaillance, si quelqu’un d’autre l’intente alors que le titulaire naturel était absent pour la république, elle ne doit pas de nouveau être donnée à son retour contre celui qui aura supporté l’estimation du procès. Et la personne qui était éloignée pour le service de la république ne doit pas pas être regardée comme désavantagée pour cela puisque cette action relève d’un châtiment public et non des affaires familiales ». Voir Casavola 1958, p. 14 ; 32 ; 36-38 ; 47 ; 48-49.

50 Ulpien D. 4, 6, 40 pr. : Si qua militi accusatio competat tempore, quo rei publicae operam didit, non peremitur. Trad. « Si un soldat est compétent pour porter une accusation, son droit n’est pas éteint en raison de son temps d’absence pour la république ». Sur les libri opinionum d’Ulpien, dont est extrait le présent responsum, voir Santalucia 1971, p. 185-204 pour l’étude du livre 5.

51 Papinien D. 47, 12, 10 : Quaesitum est, an ad heredem necessarium, cum se bonis non miscuisset, actio sepulchri violati pertineret. Dixi recte eum ea actione experiri, quae in bonum et aequum concepta est : nec tamen si egerit, hereditarios creditores timebit, cum etsi per hereditatem optigit haec actio, nihil tamen ex defuncti capiatur voluntate, neque id capiatur, quod in rei persecutione, sed in sola vindicta sit constitutum. Trad. « La question a été posée de savoir si l’action pour violation de sépulture appartient à l’héritier nécessaire (un esclave qui a fait l’objet d’une manumissio institué comme héritier et qui ne peut renoncer à la sucession) qui ne s’est pas manifesté. J’ai dit qu’il peut à bon droit intenter cette action conçue pour demander ce qui est bon et juste. Et même s’il exerce cette action, il ne craindra rien des créanciers de la sucession, parce que bien que cette action provienne de l’hérédité, elle n’est ni acquise relativement à la volonté du défunt, ni liée à la revendication d’une chose mais à la seule vindicte ». Sur ce texte, voir Morel 1928, p. 125 qui pense que la finale du texte est interpolée ; Casavola 1955, p. 46-47 ; 102-103.

52 Palma 1990, p. 8.

53 Ulpien D. 29, 2, 20, 5 : Si sepulchri violati filius aget quamvis hereditarii, quia nihil ex bonis patris capit, non videtur bonis immiscere : haec enim actio poenam et vindictam quam rei persecutionem continet. Trad. « Si un fils agit en justice pour violation d'un sépulcre, quoique celui-ci soit héréditaire, il n'est pas considéré comme s'immisçant dans l’attribution des biens successoraux ; parce que cette action a pour dessein le prononcé d’une peine et la vindicte, plutôt que la poursuite de la chose ».

54 De Visscher 1959, p. 198 « Les actions populaires tendraient à sanctionner certains droits de la personnalité humaine, ce qui justifierait leur rapprochement avec les actions vindictam spirantes » ; De Visscher 1963, p. 141 : « L’a. de sepulchro violato appartient au groupe des actions vindictam spirantes. Sa fonction essentielle est non la réparation d’un préjudice patrimonial, mais la satisfaction de la vengeance (ultio). Or l’un des aspects les plus importants de ces actions, c’est qu’elles comportent la condamnation à une poena, c'est-à-dire, dans son sens propre, à une amende fixe. Les vieilles actions d’injure de la loi en constituent l’exemple typique. Sans prétendre vouloir assimiler le délit de violation de tombe à l’iniuria proprement dite, ce besoin de vengeance qui est à la base des deux types d’action les apparente d’assez près pour leur supposer une sanction du même ordre ». La vindicta n’est pas considérée ici au sens strict d’un ressentiment émotionnel intense éprouvé à la suite d’un acte opéré par autrui mais dans le sens d’un droit violé en la personne du demandeur, cf. D. 47, 12, 6 in fine et D. 47, 12, 10. Dans ce dernier responsum, Papinien précise que l’action n’a pas pour objet la rei persecutio ; ce qui, il faut en convenir, ne s’accorderait pas avec la nature religieuse de la res en cause, mais que l’actio sepulchri violati a un objet consistant in sola vindicta. Giorgi 1901, p. 4 pense en s’appuyant sur le fragment D. 47, 12, 9, que l’actio sepulchri violati « è un actio rei persecutoria, in quanto mira appunto a un risarchimento o compenso pecuniario », mais l’auteur tempère son jugement et considère que l’intérêt pécuniaire est secondaire.

55 Daniel-Lacombe 1886, p. 189.

56 Pour une définition de l’intentio, cf. Gaius, Institutes 4, 41. Il s’agit de la partie de la formule où le demandeur exprime sa prétention.

57 Sur ce texte, voir Casavola 1955, p. 50-55, cet auteur pense (p. 50) que « Il brano numquam-agente rileva che questo testo è stato composto dopo l’introduzione della multa fissa », cette affirmation est basée sur une fixation tardive du taux de l’amende fixe qui existait dejà dans l’édit originel.

58 Paul D. 47, 10, 31 : Cum possit propter filii dignitatem maior ipsi quam patri iniuria facta esse. Trad. « Car l'injure peut être plus grande pour le fils que pour le père en raison de la dignité du premier ».

59 Pour cette distinction, voir D. 47, 12, 3.

60 De Visscher 1963, p. 41.

61 Sur ce caractère, voir Papinien D. 47, 12, 10… : Dixi, recte eum ea actione experiri, quae in bonum et aequum concepta est… Trad. « J’ai dit qu’il (l’héritier) peut très bien intenter cette action conçue pour demander ce qui est bon et juste ». En tant que telle, l’actio sepulchri violati pourra être exercée par un capite minutus, Daniel-Lacombe 1886, p. 194-195.

62 Lozano 1988, p. 1491 ; Casavola 1958, p. 50 ; Morel, 1958, p. 133.

63 Berger 1953, p. 669. Pour un exposé sur l’origine « internationale » de cette institution dont il est question dans la lex Antonia de Termessibus, fameux plébiscite daté de 71 av. J.-C., cf. Bruns 1909, n° 14, p. 92-93 ; Rotondi 1962, p. 368 ; voir également Lozano 1998, p. 1487-1490.

64 Lévy-Bruhl 1960, p. 144.

65 Laquelle prend la forme de « ceux qui jugent » dans le texte. Sur ce point Lozano 1998, p. 1491.

66 Mommsen 1907, 3, p. 96.

67 Ulpien D. 47, 10, 1, 4 : Et si forte cadaveri defuncti fit iniuria... Trad. « Et si d’aventure il a été fait injure au cadavre d’un défunt... ».

68 Cette distinction est cependant envisagée de manière sérieuse par Casavola 1958, p. 52.

69 Lozano 1988, p. 1496 in fine.

70 Casavola 1958, p. 53 :« La competenza dei recuperatores non va fondata sul criterio della presenza della iniuria, ma di un interesse dei cives ». ; Danilovic 1974, p. 28 pense que la compétence des récupérateurs s’explique pour des raisons procédurales : « parce que la nécessité s’imposait d’assurer la tranquilité et la stabilité de l’ordre public, il fallait instruire ces procès de manière rapide et efficace ».

71 Festus, p. 342 L. Reciperatio est, ut ait Gallus Aelius, cum inter populum et reges nationesque et civitates peregrinas lex convenit, quomodo per reciperatores reddantur res reciperenturque, resque privats inter se persequentur. Trad. (M. A. Savagner, Sextus Pompeius Festus, De la signification des mots, Paris, Panckoucke, 1846) : « Lorsqu'entre le peuple romain, et les rois des nations ou des États étrangers, une loi ou un traité a réglé la manière dont des commissaires nommés à cet effet, doivent rendre les biens particuliers enlevés de part et d'autre pendant la guerre, et en remettre la possession aux propriétaires légitimes, à la suite d'une enquête sur ces mêmes biens, alors, dit Gallus Elius, a lieu ce qu'on appelle reciperatio (recouvrement) ». Et Paul, p. 343 L. : reciperatio est cum inter civitates peregrinas lex convenit, ut res privatae reddantur singulis recuperenturque. Trad. (M.A. Savagner) : « Le recouvrement a lieu lorsqu’une loi est convenue entre les Etats étrangers, en vertu de laquelle les biens privés doivent être rendus à chaque individu et recouvrés par lui ».

72 Sur cette question, se reporter à Mommsen 1907, p. 113-120.

73 Girard, 1929, p. 421. Voir Mommsen 1907, p. 117-118 « Toute personne qui coopère à un délit est ordinairement punie de la même manière et dans la même proportion que si elle l’avait commis seule. Ici se manifeste avec un relief spécial l’idée que le droit pénal privé ne connaît l’indemnité du préjudice qu’à titre de mesure pour la fixation du taux de l’amende ; la prestation libère celui qui la fournit, mais non pas ses complices ».

74 Ce principe est inscrit aux IJ. 4, 12, 1 : Non omnes autem actiones, quae in aliquem aut ipso iure competunt aut a praetore dantur, et in heredem aeque competunt aut dari solent… Trad. Toutes les actions prévues par le droit ou accordées par le préteur que l’ont peut exercer contre quelqu’un ne sont pas toujours données contre son héritier... S’ensuit une énumération à laquelle il faudrait sans doute joindre l’actio sepulchri violati. Ce texte est, il est vrai, tardif mais il concerne bien les actions prétoriennes.

75  Voir, à ce propos, la contribution de José-Domingo Rodríguez-Martín dans le présent volume.

76 Ulpien D. 47, 12, 3.

77 Ulpien D. 47, 12, 3, 11.

78 Ulpien D. 47, 12, 3 et D. 47, 12, 3, 12 : Haec actio popularis est. Trad. « Cette action est populaire ». Cf. Giudice-Beltrani 1995, p. 30 ; Casavola 1958, p. 20 note 53 et p. 103-104.

79 Casavola 1958, p. 149-180.

80 Voeffray 2004, p. 31.

81 Fadda 1972, p. 365-366.

82 Ulpien D. 47, 12, 3.

83 La personne doit être integra, cf. Paul D. 47, 23, 4 : Popularis actio integrae personae permittitur, hoc est cui per edictum postulare licet. Trad. « L’action populaire est accordée à une personne capable, c’est-à-dire autorisée à poursuivre d’après l’édit ». Par conséquent, le pupille et la femme ne peuvent être demandeurs, cf. Ulpien lib. 25 ed. D. 47, 23, 6 : Mulieri et pupillo populares actiones non dantur, nisi cum ad eos res pertineat. Trad. « Les actions populaires ne sont pas données à la femme ou au pupille, à moins que la question ne les concerne ». Sur ces points, il faut renvoyer à Casavola 1958, p. 6 note 24 et p. 103-110 ; au livre de Metro 1972 et surtout Botta 1996, p. 249-246. Le plaignant ne doit pas non plus être frappé d’infamie ; voir sur ce point, l’étude de Kaser 1956, p. 220-278. L’action ne devrait pas pouvoir être intentée par un procurateur d’après Paul D. 47, 23, 5 : Qui populari actione convenientur, ad defendum procuratorem dare potest is autem, qui eam movet, procuratorem dare non potest. Trad. « Celui qui est poursuivi en vertu d’une action populaire peut nommer un procureur mais celui qui la provoque ne peut passer par un procureur ». Cependant, ce même juriste fait état d’une exception en ce qui concerne l’actio sepulchri violati, cf. D. 3, 3, 42 pr. : Licet in popularibus actionibus procurator dari non possit, tamen dictum est merito eum qui de via publica agit et privato damno ex prohibitione adficitur, quasi privatae actionis dare posse procuratorem. Multo magis dabit ad sepulchri violati actionem is ad quem ea res pertinet. Trad. « Bien qu’un procureur ne puisse être désigné concernant les actions populaires, il a toutefois été dit à juste titre qu'une personne qui poursuit en justice au sujet d’une voie publique et qui est affecté par un préjudice privé, peut avoir recours à un procureur dans la mesure ou l’action est dans un sens privée. À plus forte raison, cette possibilité sera-t-elle offerte à celui qui a le droit d’agir en vertu de l’action pour violation de tombe ».

84 De Visscher 1959, p. 199.

85 Ulpien D. 47, 12, 3 in fine.

86 Girard 1910, p. 16-26.

87 Casavola 1958, p. 43.

88 De Visscher 1963, p. 141 « en l’absence d’intérêt strictement personnel dans le chef d’un tiers demandeur et devant la difficulté d’évaluation qui en résulte, le recours à une amende fixe paraît s’imposer ».

89 Palma 1990, p. 9 « Ma, forse, Giuliano tratta un caso particolare di assenza rei publicae causa di colui ad quem res pertinet, e, fondandosi sulla natura dell’azione, che ad ultionem pertinet, sembra riferire l’aestimatio ad un terzo qualificato quale gestore dell’assente ».

90 Paul D. 47, 23, 2 : Si plures simul agant populari actione, praetor eligat idoneiorem. Trad. « Si plusieurs agissent en même temps par l’action populaire, le préteur choisira le plus apte » ; cette idée est aussi présente dans l’édit cf. Ulpien lib. 3 ed. D. 47, 12, 3  : si plures agere volent, cujus justissima causa esse videbitur, ei agendi potestatem faciam. Trad. « Si plusieurs veulent poursuivre, j’en accorderai le pouvoir à celui qui aura la cause la plus méritoire ». Se reporter à Morel 1928, p. 173-174.

91 Concernant cette exception, cf. Casavola 1958, p. 134-148.

92 Sur cette question et sur l’évolution qui entraîna la prédominance de ce nouvel aspect de l’actio popularia, Daniel-Lacombe 1886, p. 202-203.

93 Ulpien lib. 1 ed. D. 47, 23, 8 : Omnes populares actiones neque in heredes dantur neque supra annum extenduntur. Trad. « (Toutes) les actions populaires ne sont pas données aux héritiers, ni ne s’étendent au-delà de l’année ».

94 D. 47, 23, 8 (voir supra) ; Paul D. 47, 23, 7 pr. : populares actiones non transeunt ad eum, cui restituta est hereditas ex Trebelliano senatus consulto. Trad. « L’action populaire n’est pas transmissible à celui dont héritage est restitué en vertu du senatus-consulte Trébellien ». Voir aussi sur ce point, Casavola 1958, p. 46-47.

95 Cf. D. 47, 12, 3, 9.

96 Loi des XII Tables, 10, 1 : Hominem mortuum (inquit lex in XII), in urbe sepelito neue urito…Trad. « Qu’un homme mort ne soit ni enseveli ni brûlé dans la ville ». Cf. Girard-Senn 1967/1977, tome 2, p. 68 ; Cicéron, De leg., 2, 23, 58 ; elle était connue de Servius (Ad. Aen., 11, 206) qui la fait remonter au consulat de Duellius, ce qui confirme que la prohibition date bien de cette époque en considérant avec Liou-Gille 1981, p. 288 et la note 3 que « Duellius est le décemvir consulari imperio de 450 av. J. C. ». La norme devait être respectée et Tite-Live 3, 33, 9-10 rapporte un procès intenté en 451 av. J.-C. à un patricien membre du collège des premiers décemvirs nommé Publius Sestius, lequel fut inquiété pour avoir enterré un cadavre (l’historien emploie le terme cadaver et non corpus comme pour marquer une forme de rejet vis-à-vis de la présence d’un corps mort enterré au sein de la cité) dans sa maison, acte jugé res atrox. Sur la potentielle raison de cette interdiction, voir Michel, 1998, p. 91. L’auteur indique que la mort ou ceux qui la portent (par exemple les soldats) sont exclus de l’enceinte de l’urbs à cause de son caractère sacré « car la ville est dédiée aux dieux d’en haut, aux divinités célestes, alors que la mort appartient aux dieux d’en bas, aux divinités infernales ».

97 En ce sens De Visscher 1963, p. 142.

98 CIL, IX, 789 ; Dessau, ILS 4912, Bruns 1909, n° 88, p. 260 ; Arangio-Ruiz 1940, p. 224 n° 71 b. La datation précise du document pose problème, Bodel 1986, p. 3 et 67 la situe entre le moment où la colonie de Luceria fut fondée, c’est-à-dire entre 314 et la fin du IIe siècle av. J.-C. Morel 1928, p. 99, date cette loi du milieu du VI e siècle av. J.-C. ; Fadda 1972, p. 345 rapproche la lex de l’interdictum ne quid in loco sacro et pense lui aussi que cette loi « risale verosimilmente alla metà del secolo VI, e non meno antico vedemmo essere l’interdetto, si ha la coesistenza di due rimedi parzialmente coincidi e d’indole diversa, ma tutti due popolari ». Une datation aussi lointaine paraît contredite par le fait que Luceria n’était pas encore, à cette époque, une colonie romaine. En effet, la ville fut prise en 315 (Diodore, 19, 72, 8) et la colonie latine fondée en 314 d’après Tite-Live, 9, 26, 5 or la lex ne peut pas être antérieure à la fondation coloniaire. Concernant le terminus ante quem de la datation, la limite posée par Bodel 1986, p. 3, est la fin du IVe siècle av. J.-C. Voir enfin Purcell 1997, p. 341 pour une hypothèse de datation au cours de « the late 4th c. B. C. ».

99 Pour un rappel de la législation romaine à ce sujet, voir Bodel 1986, p. 32-38.

100 Bodel 1986, p. 3 note 6, p. 86-87.

101 Geertz 1986, p. 98.

102 Paturet 2013, p. 115-126 ; Paturet 2014, p. 197-212.

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