Le droit à la sépulture dans la Méditerranée antique : regards croisés
p. 1-15
Texte intégral
1Les études sur la mort sont toujours à la mode, c’est un fait indéniable. Depuis les années 1980, en Europe et tout particulièrement en France, les monographies consacrées à des ensembles funéraires antiques se sont multipliées, tout comme les réflexions méthodologiques et de synthèse sur la façon d’aborder l’étude et l’interprétation des pratiques funéraires à travers les âges1. De ce mouvement est née une véritable science de la mort, dont l’archéothanatologie2, combinant l’étude des vestiges archéologiques et anthropologiques, est aujourd’hui une des ramifications les plus dynamiques. Pourtant, comme l’affirmait déjà Michel Vovelle il y a près de 40 ans, en réponse à ceux qui déjà s’étonnaient que l’on aborde « encore la mort », il y a là « un peu plus qu’une mode » 3, car les études sur la mort, et en particulier la mort antique, sont aujourd’hui en plein renouvellement. L’augmentation considérable des données provenant des fouilles programmées et surtout des grandes opérations d’archéologie préventive est sans aucun doute un moteur important de ce renouvellement ; mais au-delà des corpus disponibles, ce sont les façons de les aborder, les problématiques et les méthodes d’étude, qui ont récemment évolué. La promotion de groupes de recherche pluridisciplinaires, rassemblant les chercheurs pour mettre en commun les compétences, a permis le développement de réflexions croisées : en confrontant les sources écrites et les données de terrain, l’histoire et l’archéologie, l’anthropologie culturelle et l’anthropologie biologique, c’est une nouvelle histoire de la mort et des morts dans les sociétés du passé que l’on voit se dessiner aujourd’hui. C’est dans l’élan de ce renouvellement que veut s’inscrire cet ouvrage4.
Un parti pris pluridisciplinaire et diachronique
2L’ambition de ce projet était d’emblée pluridisciplinaire et diachronique. Pluridisciplinaire car il découle de la conviction que le renouvellement de l’archéologie et de l’histoire de la mort dans l’Antiquité ne peut venir que de la confrontation des données écrites, archéologiques et anthropologiques, et en particulier de la prise en compte des données de l’anthropologie biologique en contexte, au moment même de la fouille, selon les méthodes de l’archéothanatologie de terrain mises en place par Henri Duday et ses successeurs5. Les travaux récents, menés notamment sur les nécropoles archaïques d’Himère dans le monde grec colonial6 ou encore de Pompéi pour l’Italie romaine7, montrent la richesse exceptionnelle des résultats que l’on peut atteindre en ne reléguant pas les données anthropologiques à d’austères annexes à la fin des ouvrages, mais lorsqu’on les intègre pleinement à l’analyse des ensembles funéraires, en dialogue permanent avec les données archéologiques, épigraphiques et historiques. C’est ce dialogue qu’il faut encore aujourd’hui promouvoir, pour qu’il devienne une évidence plutôt qu’une revendication.
3Le choix de la longue durée était sans doute moins évident : la recherche oscille souvent entre une hyperspécialisation qui pousse à approfondir une question à l’extrême pour en livrer une analyse fine – parfois au point d’en devenir étroite, et l’ouverture à la grande échelle et au comparatisme – au risque d’une dispersion telle qu’il devient impossible de rien conclure. Entre une trop grande spécialisation et une trop grande ampleur, il a cependant semblé préférable de prendre le risque de l’ouverture en proposant une réflexion centrée sur le monde gréco-romain du premier millénaire avant notre ère jusqu’à la fin de l’Antiquité, avec quelques excursus vers des temps plus anciens, intégrés à la réflexion en raison de leur valeur méthodologique ou exemplaire. Le choix de la longue période et d’un cadre géographique large a en effet semblé le plus à même de faire apparaître non seulement les dernières avancées de la recherche sur certains questionnements spécifiques, mais aussi de nouvelles méthodes et de nouvelles approches, parfois très répandues pour l’analyse de certaines aires chrono-culturelles et beaucoup moins pratiquées dans d’autres – que l’on songe au fossé méthodologique qui sépare le monde des études pré- et protohistoriques et le monde des études classiques, ou aux barrières historiographiques encore trop souvent dressées entre les études grecques « classiques » et le monde grec colonial. Cette ouverture à différentes cultures et différentes méthodes a paru nécessaire pour renouveler les regards en invitant chacun à sortir des bornes strictes de sa spécialité. L’idée était ainsi de créer des ponts entre les disciplines et les époques, pour proposer des études croisées – non pas qui se croisent sans se regarder, mais qui s’imbriquent et se répondent pour mieux faire apparaître les apports et les limites de chacune à une réflexion d’ensemble, à la fois problématique et méthodologique.
La notion de « droit à la sépulture »
4Pour aborder la notion de « droit à la sépulture », il faut d’abord définir ce que l’on entend par sépulture d’une part, par droit d’autre part. Selon la définition désormais canonique proposée par J. Leclerc et J. Tarrête dans le Dictionnaire de la Préhistoire d’A. Leroi-Gourhan, on désigne ici sous le terme de sépulture le « lieu où ont été déposés les restes d’un ou plusieurs défunts, et où il subsiste suffisamment d’indices pour que l’archéologue puisse déceler dans ce dépôt la volonté d’accomplir un geste funéraire8 ». Cette notion de « geste funéraire » est fondamentale pour définir la sépulture : le terme latin de funus renvoie en effet à la cérémonie des funérailles, c’est-à-dire à une forme de mise en scène de la mort, chargée positivement pour encadrer la séparation d’un membre du groupe social9. Pour qu’il y ait geste funéraire, et donc sépulture, il faut qu’il y ait eu un souci, volontaire et positif, d’accompagner le passage du défunt10.
5Le droit à la sépulture peut ainsi être défini comme la possibilité, pour un individu, de bénéficier après sa mort d’un lieu de sépulture dédié, à l’issue d’une cérémonie funéraire plus ou moins développée. La notion de « droit » est cependant complexe car elle peut renvoyer à des dispositions juridiques (le droit, strictement défini par la loi, d’être enterré dans un lieu précis à un moment donné), mais aussi plus largement à des questions de coutumes et d’usages, qui n’entrent pas nécessairement dans un cadre légal. En outre, il ne s’agit pas de penser une division strictement binaire entre ceux qui auraient, et ceux qui n’auraient pas droit à la sépulture dans un groupe donné ; la notion de droit à la sépulture appelle au contraire tout un éventail de possibilités, qui va du refus catégorique sanctionné par la loi d’accorder une sépulture à un individu jusqu’aux funérailles nationales et au devoir de mémoire, en passant par d’innombrables possibilités intermédiaires qui varient en fonction du lieu d’inhumation, de la nature de la cérémonie, ou encore des personnes impliquées dans sa mise en œuvre. Le droit à la sépulture s’inscrit donc de manière forte parmi les signes manifestes d’inclusion ou d’exclusion d’un individu au sein d’une communauté11.
6Or, la question du droit à la sépulture est le plus souvent abordée, si l’on peut dire, par le petit bout de la lorgnette, c’est-à-dire par la mise en évidence de l’exclusion d’un certain nombre d’individus de ce droit. Dans la tragédie antique, le cas célèbre de Polynice, privé de sépulture par son oncle Créon – mais enterré par sa sœur Antigone pour respecter la loi des dieux – est emblématique d’une privation de sépulture aux motivations politiques, condamnée comme sacrilège. Mais les exemples de restrictions du droit d’accès à la sépulture ne manquent guère pour les époques plus récentes : dans l’Europe catholique médiévale et moderne, l’inhumation en terre consacrée était ainsi refusée aux enfants morts avant d’être baptisés, aux suicidés et bien sûr à tous les non catholiques. Ces deux exemples renvoient cependant à des réalités très différentes : il y a loin du corps de Polynice, jeté à la voirie et abandonné aux bêtes, aux « enfants des limbes » morts avant d’être baptisés qui étaient le plus souvent enterrés ailleurs, en-dehors du cimetière consacré – quand leurs parents n’avaient pas recours aux services miraculeux d’un sanctuaire à répit supposé rendre brièvement l’enfant à la vie le temps de lui administrer les sacrements du baptême, passeport d’accès à la sépulture en terre consacrée12. De l’estomac des chiens à une tombe profane, il y a un large spectre dans lequel s’insèrent toute la variété des exclusions funéraires possibles et, en filigrane, toutes les nuances du droit à la sépulture dont nous avons souhaité, dans ce travail, définir et affiner les contours.
7Cette difficulté d’appréhension des situations de marginalité sans exclusion totale du droit à la sépulture a été partiellement résolue par I. Morris13. Étudiant les pratiques funéraires grecques en Attique entre le Xe et le IVe siècle av. J.-C., il a proposé la notion de sépulture formelle (« formal burial »), pour caractériser les sépultures situées dans les grands ensembles funéraires institutionnalisés, les grandes nécropoles civiques qui entouraient Athènes, par opposition aux sépultures informelles, parfois découvertes dans l’habitat ou dans des zones artisanales, mais le plus souvent restées invisibles aux yeux des archéologues car isolées, modestement construites voire volontairement dissimulées. Ayant constaté de fortes variations de la proportion des tombes d’enfant dans les nécropoles civiques d’Athènes, telles qu’elles ne pouvaient s’expliquer simplement par des variations démographiques en fonction des époques14, I. Morris a proposé une interprétation sociale de cette exclusion des enfants des nécropoles à certaines périodes. Aux époques de « fermeture » de la société, les enfants auraient été exclus de la sépulture formelle car considérés comme des « social non persons », qui n’auraient pas encore été pleinement intégrées à la vie civique. I. Morris a ainsi proposé de considérer le droit à la sépulture – à la sépulture formelle – comme un facteur de distinction sociale fort dans le monde grec antique à certaines périodes.
8Les théories de I. Morris, à la fois celle d’une exclusion des enfants des ensembles funéraires comme « social non persons » et la conception même du droit à la sépulture comme facteur de distinction sociale, ont connu un grand succès et ont été reprises dans de nombreux contextes chrono-culturels, parfois très éloignés de la Grèce antique. Il est vrai qu’elles ont ouvert de nouveaux horizons théoriques en permettant d’envisager un degré intermédiaire fondamental entre la sépulture et sa privation. Lorsqu’il manque certaines catégories d’individus dans une nécropole, qu’il s’agisse d’enfants, d’adultes, d’hommes ou de femmes, il y a toutes les chances de les retrouver ailleurs, regroupés dans d’autres espaces funéraires, ou disséminés dans d’autres types de lieux. Mais une sépulture formelle dans une nécropole institutionnalisée avait sans doute un tout autre sens et une tout autre portée qu’une sépulture de fortune isolée loin de tous. Ce sens, ou plutôt ces sens, varient selon les époques et les contextes, et il est nécessaire de les appréhender pour envisager toute la complexité de la structure funéraire d’une communauté et peut-être restituer, à travers celle-ci, certains éléments de la structure sociale et de l’idéologie funéraire15 des sociétés du passé.
9Travaille sur la notion de droit à la sépulture, c’est donc d’abord reconnaître que la sépulture n’est pas le seul devenir possible d’un cadavre, mais parallèlement que la privation de sépulture n’est pas la seule alternative. Sépulture formelle, informelle, privation de sépulture volontaire, ou non-sépulture accidentelle : Maria Giovanna Belcastro et Valentina Mariotti s’attèlent, dans la première contribution, au difficile mais nécessaire effort de mise à plat terminologique et de définition théorique de ces termes qui gravitent autour des différents devenirs possibles du cadavre et de leur identification à partir des données archéologiques. Cette réflexion terminologique constitue le préalable indispensable à toutes les réflexions qui suivent, organisées en trois grands axes problématiques.
Le recrutement des ensembles funéraires
10La première section de cet ouvrage traite du « recrutement16 » des ensembles funéraires dans la Méditerranée antique, c’est-à-dire de la sélection des défunts dans les différents types d’espaces funéraires, envisagée à partir des données anthropologiques et archéologiques. Le développement relativement récent de l’approche anthropologique pour l’étude des sépultures a en effet permis d’approfondir de nouveaux questionnements, portant notamment sur la composition des populations représentées dans les nécropoles antiques : sex ratio (proportion de femmes par rapport aux hommes) et proportion des différentes classes d’âge d’individus sont les deux principaux critères pris en compte par ces analyses de type paléodémographique. Il est ainsi apparu que la population des ensembles funéraires antiques était presque systématiquement sélectionnée, c’est-à-dire incomplète par rapport aux schémas de mortalité attendus pour une population de type préindustriel, caractérisée par une espérance de vie basse et une mortalité infantile élevée17. Pour le dire simplement, il « manque » souvent des morts dans les nécropoles antiques. La question du recrutement funéraire est alors triple. Il faut d’abord se demander si l’absence de certains défunts est simplement le fruit des hasards de la recherche archéologique, ou si elle est au contraire le produit intentionnel d’une sélection volontaire de la part de la population inhumante. L’ensemble funéraire tel qu’il est découvert et étudié par l’archéologue et l’historien est en effet d’abord le produit d’un ensemble de facteurs contingents, qui influent sur la nature des découvertes archéologiques : acidité du sol, inondations, tremblements de terre, présence d’animaux fouisseurs, bouleversements anthropiques involontaires, emprise de la zone fouillée… De nombreux critères peuvent conduire à une forme de sélection des tombes conservées qui n’est pas socialement significative mais purement conjoncturelle et, en quelque sorte, accidentelle18. Il s’agit là d’un point fondamental à retenir lorsque l’on aborde la question du recrutement funéraire et de son interprétation en termes sociaux et culturels.
11Une fois établie l’existence d’une sélection intentionnelle des défunts, il faut s’interroger d’une part sur les critères de cette sélection, d’autre part sur ses causes et sa signification. La question de l’intégration des enfants dans la nécropole archaïque de San Montano, à Pithécusses, est un des thèmes abordés par Valentino Nizzo, qui montre à la fois leur proportion relativement élevée et la mise en œuvre de pratiques spécifiques pour les plus jeunes, peut-être liées au rite de passage important que constituait la première consommation du vin. La sélection est ici envisagée selon le critère de l’âge, mais l’anthropologie biologique, par le biais des marqueurs de stress et d’activité visibles sur le squelette, peut également apporter des indications sur le style de vie, l’alimentation et la pénibilité des travaux effectués par un individu de son vivant, donnant de précieuses informations sur un possible recrutement selon des critères de statut social. Paola Catalano, Stefania Di Gianantonio et Walter Pantano montrent ainsi comment les données anthropologiques viennent compléter et affiner les informations tirées de l’archéologie pour expliquer la répartition des défunts dans les trois groupes funéraires distincts du site romain de Casal Bertone, probablement selon des critères sociaux.
12L’étude du mobilier archéologique est alors un des premiers indices généralement pris en compte pour évaluer la variété des catégories socio-économiques représentées dans les nécropoles : l’analyse du recrutement par le mobilier d’accompagnement est ainsi un des axes envisagés par Caroline Laforest et Dominique Castex pour la tombe 163d de Hiérapolis de Phrygie, parallèlement à l’analyse du recrutement selon des critères biologiques et l’étude épigraphique. La confrontation des sources s’avère ainsi centrale pour envisager et interpréter la sélection des défunts dans un ensemble funéraire donné, non seulement parce que les différents types de sources peuvent converger et s’affiner mutuellement, mais aussi, et surtout, parce qu’elles peuvent se contredire. Ainsi, l’inscription associée à la tombe 163d de Hiérapolis ne renvoie qu’à un petit nombre de défunts regroupés selon des critères familiaux et religieux, tandis que l’anthropologie a permis d’établir la présence de plus de 290 défunts, dont la sélection dépasse largement les bornes de la cellule familiale mentionnée par l’inscription. Les exemples de telles divergences entre données épigraphiques et anthropologiques (souvent moins flagrantes et donc plus difficiles à appréhender) apparaissent de plus en plus nombreux au fur et à mesure que se systématise la pratique des analyses anthropologiques, soulignant l’importance de ne pas se limiter à un seul type de source. La mise en œuvre d’une méthodologie pluridisciplinaire fine s’avère donc fondamentale pour analyser le recrutement d’un ensemble funéraire et pour en comprendre les critères et les causes (intentionnelles ou accidentelles).
Le droit des tombeaux
13La restitution du droit des tombeaux, c’est-à-dire de l’appareil de lois, de coutumes et de pratiques qui encadraient le devenir funéraire des membres d’une communauté, constitue en quelque sorte le prolongement logique de l’analyse du recrutement d’un ensemble funéraire : quand les données archéologiques et anthropologiques permettent d’établir l’existence d’une sélection de la population inhumée dans un ensemble funéraire donné, l’épigraphie, l’histoire et l’histoire du droit peuvent permettre d’affiner l’appréhension et la compréhension des critères de cette sélection. Mais l’existence d’une sélection implique également de s’interroger sur la nature de l’autorité qui sélectionne (civique, religieuse ou familiale par exemple) et l’étendue de ses pouvoirs. Le statut juridique des terres sur lesquelles sont placées les sépultures est une des questions très fortement liées à la définition de cette autorité : si l’hypothèse de terrains privés semble pouvoir être privilégiée dans le cas de groupes funéraires restreints, voisins d’un complexe d’habitat familial, la question est tout autre lorsqu’il s’agit de grands ensembles de plusieurs centaines ou de milliers de tombes qui bordent nombre de routes antiques, suggérant l’existence de véritables espaces funéraires institutionnalisés dans les cités. La façon dont ces terrains étaient ensuite répartis entre les particuliers, l’existence éventuelle de concessions et les modalités de leur occupation constituent des questions décisives pour appréhender la définition des espaces dans la cité antique. Il faut ainsi interroger la localisation et le statut des tombes, en insistant sur le rôle de différents types d’institutions sociales, politiques et religieuses impliquées dans l’encadrement des pratiques funéraires qui mettent en tension le caractère nécessairement individuel de la mort et la dimension collective de sa gestion. Michele Faraguna montre ainsi qu’il existait dans le monde grec classique à la fois des espaces funéraires privés, pouvant être achetés ou vendus par des particuliers, et des espaces funéraires publics, gérés directement par la cité. Parmi ceux-ci, certains étaient dévolus à l’inhumation des individus faisant l’objet de funérailles d’État, d’autres à l’inhumation des citoyens les plus modestes dont les familles n’avaient pas les moyens de payer les funérailles.
14Or, les questions liées au droit d’accès et aux modalités d’utilisation et de transmission des tombeaux ne se posent pas seulement à l’échelle des espaces funéraires dans leur ensemble, mais aussi à l’échelle de la tombe ou de l’enclos, mettant en jeu des prérogatives partagées entre les familles et la cité. Marialetizia Caldelli saisit l’opportunité rare, offerte par la nécropole de l’Isola Sacra à Ostie, de confronter les données épigraphiques aux réalités archéologiques en étudiant un ensemble d’inscriptions funéraires encore en contexte. Elle fait ainsi apparaître l’histoire de l’utilisation, de la réutilisation, et de la transmission des enclos funéraires, et montre que ces inscriptions avaient d’abord et avant tout une fonction juridique de gestion du droit des tombeaux – avant d’être un moyen pour le dédicant de mettre en scène son pouvoir et sa position sociale. Ces derniers éléments pouvaient néanmoins revêtir une importance de premier plan dans le cas des tombeaux édifiés à titre privé par de grands personnages publics pour l’ensemble de leurs dépendants, esclaves ou affranchis. Ce cas est abordé par Cecilia Ricci qui examine la documentation épigraphique relative au devenir funéraire de la familia d’Agrippa. À travers l’enquête qui vise à retrouver les lieux et les monuments qui pourraient correspondre à ces inscriptions, c’est l’insertion de ce possible projet funéraire dans un programme politique global qui est envisagée, illustrant le fort potentiel du monument funéraire romain, en particulier collectif, comme lieu d’exercice et de mise en scène de la place de l’individu dans la société.
15Un des aspects fondamentaux du droit des tombeaux est enfin de veiller à la protection des tombes contre les perturbations et les violations de sépulture, qu’elles soient accidentelles ou intentionnelles. Arnaud Paturet montre ainsi que la violation de sépulture était considérée en droit romain comme un crime mixte, portant préjudice non seulement au défunt mais aussi aux dieux – et par là-même aux vivants et à la cité tout entière. C’est pourquoi l’action en sépulcre violé pouvait être imputée en action privée (par les personnes directement lésées, comme les familiers du défunt), ou en action populaire par n’importe quel individu disposant de ses droits civiques. Le mécanisme de l’action en sépulcre violé souligne ainsi la très forte imbrication des sphères matérielles et religieuses mais aussi publiques et privées autour de la gestion des espaces funéraires dans le monde romain.
16Ces préoccupations religieuses peuvent néanmoins céder le pas à des pratiques moins nobles : Sergio Lazzarini montre ainsi comment l’inviolabilité des tombeaux a pu être instrumentalisée à l’époque impériale par certains propriétaires fonciers sans scrupule : en fondant sur leur terrain une sépulture visible et signalée par un stèle selon tous les principes religieux attendus, ils transformaient l’entière propriété en locus religiosus, inaliénable et insaisissable par le fisc ou d’éventuels créditeurs. Le droit des tombeaux, conçu pour protéger les morts, apparaît ainsi régulièrement détourné au service des vivants.
Sépultures « anormales », privation de sépulture et dépôts humains non sépulcraux
17Après avoir envisagé la sélection des individus qui avaient droit à la sépulture et la manière dont était géré ce droit, il était nécessaire de se demander ce qu’il advenait de ceux qui en étaient exclus. Il fallait donc s’intéresser à ceux qu’on ne retrouve pas dans les ensembles funéraires institutionnalisés, ceux qu’on retrouve à part, isolés, malmenés, amputés, ceux enfin qui ne semblent pas avoir eu droit à une véritable sépulture formelle. La question est délicate car elle implique de se souvenir que plusieurs réalités politiques, sociales, juridiques et religieuses extrêmement différentes peuvent prendre la forme de vestiges archéologiques et anthropologiques relativement proches, ou plutôt rapprochés par l’archéologue et l’historien parce qu’ils se caractérisent tous par une originalité, une « déviance » par rapport à une norme qui, explicitement formulée ou non, apparaît sans cesse en filigrane des réflexions sur les pratiques funéraires dans le monde antique19. L’étude de ces dépôts de restes humains, souvent dits anormaux, atypiques ou déviants, a connu un très fort développement au cours des dernières années – sans doute en partie pour de mauvaises raisons parmi lesquelles figurent le goût du sensationnel et une certaine fascination morbide pour les violences ante ou post mortem dont les squelettes portent parfois la trace. L’intérêt de leur analyse scientifique n’est cependant plus à démontrer, notamment depuis le colloque qui s’est tenu à Cork en 2005 Deviant Burial in the Archaeological Record20, dans lequel figurait un des premiers essais de réflexion méthodologique sur les critères qui permettent de considérer une sépulture comme anormale. La puissance heuristique de l’anomalie apparaît fondamentale, parce qu’elle permet de mettre en jeu les catégories du même et de l’autre, du particulier et du général de la norme et de l’exception, de l’inclusion et de l’exclusion. Il faut donc aborder avec la plus grande attention et la plus grande rigueur ces dépôts humains que l’on préférera appeler « exceptionnels », pour se garder de tout présupposé interprétatif hâtif, selon la terminologie proposée par Valentino Nizzo dans son récent ouvrage sur l’archéologie et l’anthropologie de la mort21.
18Identifier une privation de sépulture implique ainsi de pouvoir définir ce qui caractérise une sépulture dans une société donnée, c’est-à-dire d’avoir reconnu et défini une norme funéraire par rapport à laquelle on peut observer une déviance. Mais cela implique aussi de déterminer à partir de quel moment les inévitables variations des pratiques funéraires par rapport à la pratique majoritaire observée dans un groupe social donné peuvent être considérées comme des anomalies – et non comme la simple expression d’une variabilité funéraire liée à des critères d’âge, de sexe, de statut social ou encore de goûts personnels. Enfin, lorsqu’il y a exception, il faut s’interroger sur les moyens qui peuvent permettre de déterminer si l’on est en présence d’une sépulture exceptionnelle rendant compte d’un statut particulier du défunt qu’il faut essayer de décrypter, d’une sépulture informelle ou d’une véritable privation de sépulture – accidentelle ou intentionnelle.
19Anita Crispino et Massimo Cultraro s’interrogent ainsi sur le statut à accorder à des ensembles de restes humains découverts en situation de dépôt secondaire sur deux sites siciliens de l’Âge du Bronze. Si les deux ensembles ont en commun une pratique de sélection et de regroupement de certains ossements sur des sites remarquables, le premier semble pouvoir être mis en relation avec un événement exceptionnel mais ponctuel ayant concerné une grande partie de la communauté (peut-être une guerre ou un massacre), tandis que le second est interprété comme l’expression de pratiques funéraires originales mises en œuvre par une petite partie de la communauté dans une logique de distinction. Ainsi, ce qui pouvait sembler une forme de mise à l’écart dans une sépulture informelle et partielle est finalement interprété comme une forme d’honneur exceptionnel.
20Valentina Mariotti, Maria Giovanna Belcastro, Luigi Malnati et Donato Labate présentent quant à eux les restes humains découverts en dépôt secondaire dans un ensemble de décharges romaines près de Modène. Ces dépôts se distinguent à la fois par leur localisation atypique et par l’absence de soin visible dans la constitution du dépôt, mais aussi par la présence de traces de décharnement sur les os, dont ils tentent de déterminer si elles ont pu participer d’une forme de traitement funéraire spécifique, ou si elles doivent être interprétées plus brutalement comme une forme d’outrage au cadavre. Cette réflexion est complétée par la contribution de Giorgio Gruppioni, Donato Labate, Vania Milani, Camilla Simonini qui précisent le paysage des dépôts mortuaires exceptionnels connus aux alentours de Modène, et envisagent différentes explications, de l’exécution capitale à la vengeance privée. Ils font ainsi apparaître l’importance d’une collaboration interdisciplinaire approfondie pour interpréter ce type de dépôts particulièrement sensibles.
21Mais les vestiges archéologiques et anthropologiques ne fournissent, là encore, qu’un aspect de la réflexion, qui doit plus encore qu’ailleurs être complété par les données écrites, épigraphiques, littéraires, juridiques et historiques, lorsqu’on touche à la privation de sépulture, c’est-à-dire précisément lorsque, en théorie du moins, il ne reste aucune trace matérielle du cadavre. Comme pour la violation de sépulture, la privation de sépulture pouvait être accidentelle : il y a des cadavres perdus, inaccessibles, ou tout simplement disparus – la disparition en mer étant un des cas les plus fréquemment documentés par les sources, et les plus redoutés par les familles. La mise en crise des pratiques funéraires traditionnelles suscite alors l’élaboration de nouveaux rites : une des réactions possibles pour faire face à ces morts sans sépulture était ainsi de créer des cénotaphes, des sépultures sans morts et qui n’en ont jamais contenu – qu’il ne faut pas confondre avec les tombes qui ont, à l’origine, contenu des restes humains mais dans lesquelles on ne les retrouve plus, qu’ils aient été déplacés ou aient disparu sous l’effet de facteurs externes (acidité du sol, animaux fouisseurs ou autres processus taphonomiques). Les différentes raisons à l’origine de l’érection d’un cénotaphe en Asie Mineure hellénistique et romaine sont présentées et analysées par Eva Christof qui distingue, selon la définition antérieurement proposée par C. Ricci, les cénotaphes de nécessité, érigés lorsque le corps vient à manquer ou demeure inaccessible, et les cénotaphes de mémoire, qui redoublent les lieux de sépulture effective des corps. Elle souligne ainsi la double logique fonctionnelle et symbolique du tombeau, articulant les relations entre l’individu et le groupe social autour du double nœud de la matérialité du cadavre et de la transmission de sa mémoire.
22Mais la sépulture pouvait aussi être délibérément et intentionnellement refusée à un individu, outrage ou punition suprême à l’origine d’une image lancinante et récurrente de l’imaginaire gréco-romain : celle du cadavre jeté aux ordures, aux oiseaux et aux chiens. La privation de sépulture intentionnelle dans l’Antiquité est conçue comme une manière de nier l’humanité du défunt ; le cadavre est animalisé ou même réifié, comme le montre José-Rodrigo Dominguez Martin. Ce dernier analyse le texte du juriste romain Gaius établissant la possibilité d’utiliser le cadavre d’un criminel – dans son intégralité ou débité en morceaux – comme paiement des obligations du défunt. L’auteur discute le rapport possible entre cette disposition juridique et la privation de sépulture, qui serait ici conçue comme dissuasive ou, in fine, punitive. À l’autre bout du spectre du droit à la sépulture, sa privation et la gestion de cette privation complètent ainsi les indices qui permettent d’envisager, à travers le traitement différencié des morts, certains éléments de la structure sociale et de l’idéologie funéraire des sociétés antiques, pourvu que l’on replace cette analyse au sein d’une démarche pluridisciplinaire, alliant rigueur et humilité.
Conclusion
23Il serait vain de prétendre avoir épuisé ici une notion aussi vaste et aussi complexe que celle du droit à la sépulture, qui met en jeu quelques-uns des mécanismes les plus puissants et les plus profonds des sociétés antiques. À l’issue de cet ouvrage, bien des questions restent encore en suspens : quelques éléments du droit à la sépulture, lumineux pour certaines périodes, restent encore mystérieux pour d’autres ; certains aspects demeurent des terrae incognitae qu’il faudra explorer dans les prochaines années. Mais, au-delà des enquêtes ciblées et des études de cas particuliers, deux points se sont révélés centraux et méritent d’être ici encore soulignés : d’une part l’importance de la mise en place d’une méthodologie solide et adaptée à chaque contexte ; d’autre part la nécessité de proposer une véritable confrontation pluridisciplinaire, dans le cadre de collaborations nourries et articulées entre archéologues, anthropologues, historiens, historiens du droit et épigraphistes, pour parvenir à la vision à la fois la plus riche et la plus fine possible des ensembles funéraires antiques. Ce volume est ainsi conçu comme une invitation à poursuivre la mise en commun des données et de la réflexion dans un esprit de partage et d’ouverture scientifique. Si la mise en place de telles pratiques de recherche est loin d’être systématique ni même évidente, ce n’est qu’au prix de cet effort méthodologique profond que l’on peut espérer appréhender dans toute leur complexité les modes de perception et de gestion de la mort dans les sociétés du passé, à l’intersection des sphères publique et privée, pratique et symbolique, matérielle et culturelle.
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Gélis 2006 = J. Gélis, Les enfants des limbes : mort-nés et parents dans l’Europe chrétienne, Paris, 2006.
Hertz 1907 = R. Hertz, Sociologie religieuse et folklore, Paris, 1907.
10.1522/cla.her.soc :Lagia 2007 = A. Lagia, Notions of childhood in the classical period: evidence from the bioarcheological record, dans A. Cohen, J.B. Rutter (dir.), Constructions of childhood in ancient Greece and Italy, Princeton, 2007.
Lauwers – Zemour 2016 = M. Lauwers, A. Zemour, Introduction : des morts, de la sépulture et des sciences sociales, dans M. Lauwers, A. Zemour (dir.), Qu’est-ce qu’une sépulture ? Humanités et systèmes funéraires de la Préhistoire à nos jours. Actes des XXXVIe Rencontres Internationales d’Archéologie et d’Histoire d’Antibes, Antibes, 2016, p. 11-20.
Leclerc – Tarrête 1988 = J. Leclerc, J. Tarrête, Sépulture, dans A. Leroi-Gourhan (dir.), Dictionnaire de la Préhistoire, Paris, 1988, p. 963‑964.
Ledermann 1969 = S. Ledermann, Nouvelles tables-types de mortalité, Paris, 1969.
Morris 1987 = I. Morris, Burial and ancient society: the rise of the Greek city-state, Cambridge, 1987.
Murphy 2008 = E.M. Murphy (dir.), Deviant burial in the archaeological record, Oxford, 2008.
Nizzo 2015 = V. Nizzo (dir.), Archeologia e antropologia della morte: storia di un’idea. La semiologia e l’ideologia funeraria delle società di livello protostorico nella riflessione teorica tra antropologia e archeologia, Bari, 2015 (Bibliotheca archaeologica, 36).
Sellier 2011 = P. Sellier, Tous les morts ? Regroupement et sélection des inhumés : les deux pôles du « recrutement funéraire », dans D. Castex, P. Courtaud, H. Duday, A.-M. Tillier (dir.), Le regroupement des morts : genèse et diversité archéologique, Bordeaux, 2011, p. 83‑94.
Spatafora – Vassallo 2010 = F. Spatafora, S. Vassallo, L’ultima città: rituali e spazi funerari nella Sicilia nord-occidentale di età arcaica e classica [mostra, Palermo, Convento della Magione, 30 aprile 2010], Palerme, 2010.
Thomas 1975 = L.-V. Thomas, Anthropologie de la mort, Paris, 1975.
Van Andringa et al. 2013 = W. Van Andringa, H. Duday, S. Lepetz, T. Creissen, S. De Larminat, A. Gailliot, Mourir à Pompéi : fouille d’un quartier funéraire de la nécropole romaine de Porta Nocera (2003-2007), Rome, 2013 (Collection de l’École française de Rome, 468).
Van Gennep 1909 = A. Van Gennep, Les rites de passages, Paris, 1909.
Vassallo 2009 = S. Vassallo, Himera: indagini nelle necropoli, dans R. Bonaudo, L. Cerchiai, C. Pellegrino (dir.), Tra Etruria, Lazio e Magna Grecia: indagini sulle necropoli. Atti dell’incontro di studio Fisciano 5-6 marzo 2009, Paestum, 2009, p. 233‑260.
Vassallo 2014 = S. Vassallo, Le sepolture dei bambini nelle necropoli di Himera, dans C. Terranova (dir.), La presenza dei bambini nelle religioni del Mediterraneo antico. La vita e la morte, i rituali e i culti tra archeologia, antropologia e storia delle religioni, Rome, 2014, p. 257‑290.
Vovelle 1982 = M. Vovelle, Encore la mort : un peu plus qu’une mode ?, dans Annales, 37, 2, 1982, p. 276‑287.
10.3406/ahess.1982.282841 :Vovelle 1983 = M. Vovelle, La mort et l’Occident de 1300 à nos jours, Paris, 1983.
10.4000/books.pup.35558 :Notes de bas de page
1 Parmi les grands théoriciens français de l’histoire des rapports de l’homme à la mort, on citera notamment P. Ariès (Ariès 1975 ; 1985) , M. Vovelle (Vovelle 1983) et L.-V. Thomas (Thomas 1975), membre fondateur de la Société française de thanatologie dès 1966.
2 Le terme a été proposé pour la première fois en 1998 par B. Boulestin et H. Duday (Boulestin – Duday 2005) et il a connu depuis un très vif succès. Duday 2006.
3 Vovelle 1982.
4 Il constitue l’aboutissement des échanges menés durant les trois journées d’études internationales du programme « Droit à la sépulture dans la Méditerranée antique », qui ont eu lieu à l’École française de Rome entre 2015 et 2017. Qu’il me soit donc permis de remercier ici d’abord la Directrice de l’École, Catherine Virlouvet, ainsi que Stéphane Bourdin et Nicolas Laubry, qui se sont succédés au poste de Directeur des études pour l’Antiquité, pour m’avoir permis de mener à bien ce projet dans le cadre de mon séjour comme membre de l’EFR – sans oublier Giulia Cirenei, assistante scientifique pour la section Antiquité, qui a été d’une aide et d’un soutien sans faille dans l’organisation de ces rencontres.
5 Voir notamment : Duday 2006 pour les principes et les méthodes de l’archéothanatologie.
6 De nombreux articles ont déjà été publiés par l’archéologue S. Vassallo et l’anthropologue P.- F. Fabbri, entre autres : Vassallo 2009 ; Spatafora - Vassallo 2010 ; Vassallo 2014.
7 Je pense notamment aux travaux coordonnés par W. Van Andringa, H. Duday et T. Creissen dans la nécropole de la Porta di Nocera depuis 2003 (Van Andringa et al. 2013).
8 Leclerc – Tarrête 1988. Voir Lauwers – Zemour 2016, p. 15-16 pour les nuances apportées par la suite à cette définition, sans que son essence même soit jamais remise en cause. Pour qu’il y ait sépulture, il faut qu’il y ait un lieu abritant des restes humains, déposés dans le cadre d’une cérémonie visant à honorer au moins l’un des défunts de l’ensemble.
9 Les funérailles constituent ainsi un ultime « rite de passage », théorisé dans les travaux fondateurs de R. Hertz et A. Van Gennep (Hertz 1907 ; Van Gennep 1909).
10 Je rejoins ici la définition retenue par H. Duday (Duday 2006) avec laquelle, comme nous le verrons plus loin dans ce volume, M.G. Belcastro s’inscrit en léger désaccord.
11 Voir, à ce propos, les intéressantes réflexions terminologiques sur les notions d’inclusion, d’exclusion, d’intégration et de ségrégation dans la contribution de V. Nizzo au présent ouvrage.
12 Gélis 2006.
13 Morris 1987.
14 La chose a été confirmée par les récents travaux de l’anthropologue grecque Anna Lagia, qui a travaillé sur les nécropoles attiques de la même période à partir des données anthropologiques (Lagia 2007).
15 On entend par « idéologie funéraire » la façon dont un groupe humain intègre à son imaginaire social et à son paysage institutionnel les questions, matérielles et mentales, soulevées par la mort des individus qui le constituent, les rapports existant entre les vivants et les morts dans cette société et les croyances liées à l’organisation de ces rapports. Pour reprendre les termes de J.-P. Vernant, « on pourrait presque parler d'une « politique » de la mort, que tout groupe social, pour s'affirmer dans ses traits spécifiques, pour perdurer dans ses structures et ses orientations, doit instaurer et conduire continûment selon des règles qui lui sont propres » (Gnoli – Vernant 1982, p. 7). Sur cette notion complexe, on renverra également aux travaux de B. d’Agostino sur l’Italie du Sud : d’Agostino 1982 ; d’Agostino 1985.
16 Une notion qui fait souvent sourire, voire franchement rire en dehors du petit monde de l’archéologie funéraire (il faut donc se faire recruter pour avoir une place même après sa mort !).
17 Pour les tables-types de mortalité pour les sociétés préindustrielles, voir : Ledermann 1969.
18 Sellier 2011.
19 À propos de cette notion de norme, développée par M.G. Belcastro et V. Mariotti dans la première contribution, voir aussi : Boulestin 2016 et Duday 2018
20 Murphy 2008.
21 Nizzo 2015, p. 511-540.
Auteur
CNRS, Aix Marseille Université, Centre Camille Jullian, Aix-en-Provence - reine-marie.berard@univ-amu.fr
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