Chapitre 3
Les pratiques de l’autorité métropolitaine
p. 101-148
Texte intégral
1Dans l’administration quotidienne de leur diocèse, les métropolites de Kiev – tout comme les autres évêques ruthènes – disposaient d’un réseau de subordonnés, chargés d’exercer localement leurs différentes prérogatives1. En dehors des fonctions proprement ecclésiastiques, pastorales et disciplinaires, la gestion du patrimoine foncier de l’Église exigeait également d’assurer un contrôle économique et juridique étroit sur les terres ainsi que les personnes soumises directement à l’autorité métropolitaine. Toutes ces activités demeurent cependant relativement mal connues, à l’exception de quelques constats généraux, énoncés à partir d’exemples à la fois tardifs et peu nombreux. En effet, les sources ne laissent souvent apercevoir que le pouvoir temporel des hiérarques, à travers la documentation produite par les fréquents litiges fonciers au sujet des propriétés ecclésiastiques. Ce n’est qu’à travers des informations dispersées, inscrites dans ces archives, qu’on parvient parfois à reconstituer les différentes structures, ecclésiastiques et laïques, qui formaient les relais du pouvoir métropolitain. Parmi ces derniers, une attention toute particulière doit aller au travail des tribunaux du métropolite des XVIe-XVIIe siècles, aussi bien dans le domaine spirituel, pour l’ensemble des fidèles, que dans l’exercice de la juridiction temporelle sur les personnes soumises aux droits « seigneuriaux », détenus par les hiérarques. D’une telle analyse émerge alors la question de la rivalité du métropolite avec les seigneurs laïcs et, plus généralement, de la coexistence des institutions ecclésiastiques ruthènes avec les pratiques issues du droit de patronage des fondateurs. Cette problématique devient alors le révélateur des enjeux profonds et immédiats de la marche à l’Union de Brest.
Les faiblesses et les adaptations de l’administration diocésaine
La formation des structures locales : des héritages renégociés
2Les immenses superficies des diocèses ruthènes rendaient presque impossible l’exercice de la charge épiscopale par un seul individu. Très tôt, avec la constitution des nouveaux évêchés de la Rus’ de Kiev, le clergé des églises cathédrales, fut doté d’un important rôle administratif aux côtés de l’évêque. Ces organisations ecclésiastiques, désignées par le terme клирос (du grec κλήρος) ou par la forme déformée « крылос », sont attestées dès la fin du XIe siècle pour l’église métropolitaine Sainte-Sophie de Kiev2. Bien qu’elles semblent avoir été instituées à l’initiative des princes et non des évêques, leurs fonctions se rapprochèrent à la fois des chapitres cathédraux et de la curie épiscopale latins3. Parmi leurs diverses attributions, ces ecclésiastiques devaient notamment « former » les nouveaux candidats au sacerdoce et ils accompagnaient parfois l’évêque pour la consécration des nouvelles églises4. Le rôle local de ces associations du clergé cathédral ne cessa de croître avec le temps. À Vilnius, une charte royale de 1544 montre que les représentants du клирос (l’archiprêtre avec deux prêtres) avaient le droit de choisir le nouveau desservant pour toute église vacante sur le territoire de la ville, le métropolite n’intervenant que pour l’ordination du candidat5. Les difficultés structurelles de l’Église ruthène des XVe-XVIe siècles entraînèrent le renforcement de telles pratiques et cette organisation cathédrale se transforma progressivement en des associations de tous les prêtres paroissiaux des grandes cités – sièges des évêchés de rite grec6.
3Une autre prérogative du клирос était de veiller à la sauvegarde du bénéfice rattaché à la chaire épiscopale. Des documents remontant à la charnière des XIe-XIIe siècles le présentent déjà comme copropriétaire des biens fonciers de l’évêché, avec le hiérarque7. Son action se révélait donc particulièrement importante quand le siège devenait vacant, puisqu’il assurait alors, avec les représentants des élites laïques, l’administration du diocèse8. La position sociale et les diverses attributions, propres aux clergés des capitales épiscopales, en firent une association originale à l’intérieur de la masse des ecclésiastiques ruthènes. Ses membres étaient souvent mieux formés et avaient des revenus supérieurs aux simples prêtres, grâce à leurs activités administratives et au service assuré à l’église cathédrale9. D’après Boris Florja, même si le phénomène restait limité à quelques villes, la constitution de cette élite sacerdotale fut une étape importante sur la voie de l’évolution du clergé ruthène vers un « ordre » social à part entière10. Cependant, le renforcement de l’autonomie du клирос posa précocement le problème de sa concurrence avec d’autres représentants de l’évêque.
4En effet, puisque le клирос avait une implantation géographique fixe et, pour certains domaines, échappait partiellement au contrôle épiscopal, les hiérarques exprimèrent rapidement le besoin de s’entourer de délégués capables d’incarner leur autorité dans les différentes parties des diocèses. Ces personnages apparaissent dans les sources des années 1320-1330 sous le nom de vicaires diocésains (владычные намэстники, littéralement « vicaires du hiérarque »11), mais les spécialistes estiment que leur création remonterait aux débuts du XIIe siècle12. Leurs origines sont liées à l’extension de la juridiction des métropolites et des évêques ruthènes, qui s’accéléra à cette époque. Ils intervenaient donc comme des clercs de haut rang, chargés d’exercer la justice dans les tribunaux ecclésiastiques13. Divers documents les montrent siégeant aux côtés des hiérarques, dans la capitale épiscopale ou dans d’autres villes importantes du diocèse. L’état lacunaire des sources ne permet pas toutefois de savoir précisément s’ils agissaient alors en émissaires ou s’ils disposaient déjà d’une circonscription propre14.
5Des mentions éparses indiquent également l’existence de « décimateurs » (десятинники ou десятилники), à partir de la fin du XIIIe siècle, à la tête de petits arrondissements ecclésiastiques, où ils étaient probablement chargés de lever diverses redevances au profit de l’Église, dont la dîme princière, avant d’acquérir des attributions judiciaires. Leur existence, bien que confirmée par la documentation, resta relativement périphérique sur le territoire ruthène, à la différence de la Moscovie, où l’institution se développa et passa aux mains des vassaux laïcs des évêques15. En Pologne-Lituanie, le nouveau statut de l’Église orthodoxe, devenue une religion « secondaire », sous la tutelle de souverains qui n’étaient pas ses fidèles, paraît avoir limité la monopolisation des charges ecclésiastiques auxiliaires par les laïcs. Pour ces derniers, il était désormais plus avantageux de servir dans l’administration princière ou auprès d’un magnat influent, dans l’espoir d’obtenir des terres ou un bénéfice important, grâce au droit de patronage qui régissait les évêchés et les monastères de rite grec.
6De fait, les transformations des XIVe-XVe siècles entraînèrent le renforcement de la fonction d’archiprêtre (протопопъ), avec la constitution de divisions du territoire diocésain, placées sous son autorité. À l’origine, les archiprêtres étaient les premiers desservants des églises importantes et avaient prioritairement des attributions liturgiques pour assister ou remplacer le hiérarque absent16. Toutefois, comme dans l’Église latine à l’époque carolingienne, les archiprêtres ruthènes furent progressivement dotés de circonscriptions territoriales où ils devaient veiller à l’état du clergé paroissial et contrôler le culte divin, célébré par les prêtres17. Il n’est pas à exclure que l’un des facteurs de cette évolution fut l’influence exercée par l’institution du doyen latin, qui fit son apparition en Pologne au XIIIe siècle18. L’archiprêtre était également chargé du rite de l’investiture des nouveaux desservants dans leurs paroisses, leur confiant solennellement le bénéfice et les clefs de l’église19. Cependant, il ne possédait pas l’exclusivité de la fonction et agissait ici comme simple délégué du hiérarque20. Dans les églises cathédrales, il intervenait enfin comme le supérieur du клирос et s’occupait tout particulièrement de la préparation des candidats à la prêtrise, par l’enseignement du catéchisme et des rituels liturgiques21. En somme, le rôle principal de l’archiprêtre consistait donc à contrôler les devoirs cultuels du clergé établi dans sa circonscription.
7Les premières attestations des archiprêtres ruthènes dans les voïvodies de Vilnius et de Trakai remontent généralement au XVIe siècle. Parmi les présents au synode de Vilnius, réuni par le métropolite Józef Sołtan (1509-1522) le 25 décembre 1509, figuraient en effet sept archiprêtres de la partie lituanienne du diocèse métropolitain22. Les deux voïvodies considérées étaient représentées par trois archiprêtrés : Vilnius, Hrodna et Markava. Il faut supposer également que le district de Braslaw, formé au début du XVe siècle, correspondait également à un archiprêtré de l’archevêché de Polack23. Cette liste n’est sans doute pas exhaustive, mais les sources ne permettent pas de localiser d’autres circonscriptions ecclésiastiques pour l’époque. Il est légitime de supposer qu’un archiprêtre existait également à Trakai, ancienne capitale des grands-princes, où fonctionnaient un monastère et plusieurs églises de rite grec. Néanmoins, les documents montrent que, dans les années 1590, la ville dépendait déjà de l’archiprêtre de Vilnius24. Dans la partie méridionale de la voïvodie de Trakai, un puissant magnat local – Gregorz Chodkiewicz – établit un archiprêtré dans la capitale familiale de Zabłudów, dans la seconde moitié du XVIe siècle25.
8La première liste connue des archiprêtrés de la partie lituanienne du diocèse métropolitain et de l’archevêché de Polack est donnée par la relation déjà citée, adressée à Rome en 1671 par le métropolite uniate Gabriel Kolenda26. Dans la voïvodie de Trakai se trouvaient les sièges de deux archiprêtres (Hrodna et « Podlachie »), celle de Vilnius comptait six autres sièges (Vilnius, Lida, Ašmjany, Dawhinava, Mjadzel et Braslaw)27. En outre, les marges occidentales de la voïvodie de Vilnius relevaient des archiprêtres de Minsk et de Lahojsk28. En dehors des anciens sièges de Vilnius et de Hrodna, il est difficile de dire si la majorité de ces structures existait déjà dans la première moitié du XVIIe siècle29. Toutefois, il est facile d’observer que ces centres locaux de l’Église ruthène correspondaient généralement aux capitales des districts, sauf là où l’étendue du territoire, comme dans le district d’Ašmjany, imposait la création de structures supplémentaires. Cette influence des cadres de l’administration princière pourrait expliquer la disparition de l’archiprêtré de Markava – ancienne capitale d’une circonscription princière – probablement au profit des archiprêtres de Lida et d’Ašmjany, centres des nouveaux districts, formés après la réforme administrative des années 1565-156630.
Les enjeux du vicariat
9Le constat de l’interpénétration précoce entre les structures laïques et celles de l’Église ruthène poussa souvent les historiens à y voir un facteur de l’évolution des prérogatives mêmes des archiprêtres. En particulier, l’une des questions reste de savoir si ces derniers récupérèrent progressivement des attributions judiciaires et administratives, pour la gestion du temporel ecclésiastique, qui relevaient auparavant des vicaires diocésains. L’idée généralement énoncée dans l’historiographie consiste à affirmer que les deux institutions fusionnèrent vers la fin de la période médiévale et à proposer l’utilisation de la formule d’« archiprêtres-vicaires »31. Boris Florja parle même d’une véritable « restructuration » du vicariat diocésain et souligne que les mots « archiprêtre » et « vicaire » (намэстникъ) deviennent synonymes au début du XVIIe siècle32. Un tel rapprochement est favorisé par l’homonymie fréquente entre la désignation des circonscriptions laïques (намэстничьство/волость – équivalent du bailliage) du territoire princier ou des grands domaines nobiliaires, qui accueillaient aussi les archiprêtres, et celle des vicariats ecclésiastiques (намэстничьство). La situation est d’autant plus ambigüe que, dans le contexte des XVe-XVIe siècles, les vicaires diocésains ruthènes se recrutèrent fréquemment parmi les archiprêtres.
10Là encore, l’évolution se fit différemment de la situation moscovite. Avec la diffusion des décimateurs, les vicaires diocésains gagnèrent en statut, au point de rappeler celui des vicaires généraux de l’Église latine. Au XVe siècle, quand les diocèses ruthènes relevaient encore des métropolites résidants à Moscou, certains de ces auxiliaires de haut rang purent ainsi exercer leurs fonctions sur le territoire polono-lituanien33. L’étendue de leurs prérogatives apparaît dans la charte donnée en 1451 par le métropolite « moscovite » Iona à son vicaire, Mikhail, pour le diocèse métropolitain de Kiev34. Le document non seulement plaçait ce dernier à la tête du tribunal ecclésiastique, mais lui accordait également « l’administration […] des affaires spirituelles », ainsi que le droit, au nom du métropolite, de consacrer les églises, de veiller à l’exactitude des célébrations liturgiques, d’examiner la qualité des candidats à la prêtrise ou au diaconat, et, enfin, le soin de gérer et de développer les propriétés de la métropolie. Surtout, l’autorité du vicaire était reconnue comme supérieure à celle de tout le clergé du diocèse métropolitain, y compris celle des archimandrites. Encore au milieu du XVe siècle, le vicaire s’imposait donc comme le second personnage du diocèse, après les évêques ou le métropolite.
11Bien que la rareté des sources rende difficile toute analyse chronologique précise, la documentation conservée suggère que le rapprochement entre les institutions de l’archiprêtre et du vicaire n’eut lieu qu’après la création durable d’une métropolie polono-lituanienne de Kiev en 1458. En effet, Andrzej Gil et Ihor Skočyljas constatent à travers les exemples locaux que ce n’est qu’à partir du XVIe siècle que le terme vicaire commence à apparaître de manière fréquente à côté du titre d’archiprêtre35. Les raisons supposées d’un tel changement sont faciles à saisir. Puisque le vicaire était un représentant direct du hiérarque, son choix exigeait à la fois qu’il pût s’acquitter efficacement de sa tâche et que, en homme de confiance, il incarnât l’autorité de son mandant sur le territoire considéré. La constitution d’une nouvelle juridiction métropolitaine, réduite à l’espace polono-lituanien, favorisa donc la promotion du clergé local dans le gouvernement diocésain. Il faut toutefois prendre garde à ne pas renverser ce processus. Ce ne sont pas tant les archiprêtres qui reçurent, de droit, les attributions du vicariat mais les vicaires qui furent de plus en plus souvent recrutés parmi les archiprêtres. Le lien entre les deux dignités ne fut pas institutionnalisé et l’une ne se substitua jamais à l’autre. Il convient d’ailleurs de se rappeler que du point de vue canonique l’un était un bénéfice alors que le second se présentait comme une charge révocable36. En effet, parmi les sept archiprêtres lituaniens, présents au synode de Vilnius de 1509, aucun n’était qualifié de « vicaire »37. De même, dans l’acte rédigé à cette occasion, ils apparaissaient derrière les higoumènes, à la toute fin de la liste des clercs, signifiant que leur statut pouvait difficilement s’assimiler à celui des délégués directs du métropolite. Enfin, à plusieurs reprises, des vicariats furent accordés à des moines, voire à des laïcs. À la fin du XVe et au début du XVIe siècle, le vicaire installé à L’viv était souvent l’archimandrite du monastère local Saint-Georges38. De même, parmi la dizaine de délégués du métropolite à Kiev, attestés entre 1458 et la promulgation de l’Union de Brest, se retrouvaient des supérieurs de monastères, et parfois des nobles locaux, chargés de l’administration économique des biens ecclésiastiques39. Seulement trois d’entre eux, nommés dans la seconde moitié du XVIe siècle, portaient dans le même temps le titre d’archiprêtre40.
12Ces transformations dans le recrutement des vicaires n’étaient pas le fruit d’une réforme structurelle, mais davantage une réponse pratique au contexte. Devant l’étendue de leurs diocèses et la position délicate de l’Église ruthène face au pouvoir laïc catholique, les métropolites et les évêques eurent besoin d’hommes bien implantés dans les structures locales. C’est pourquoi les archiprêtres – en particulier ceux des églises cathédrales – apparurent tout naturellement comme des candidats désignés41. Placés à la tête des associations cléricales orthodoxes des capitales épiscopales, ils étaient devenus des personnages influents grâce aux liens sociaux et pastoraux qu’ils entretenaient avec les élites locales. Leur nomination comme vicaires des hiérarques pouvait avoir également d’autres raisons : généralement mieux instruits que le reste du clergé et plus proches des instances représentatives du prince, ils avaient davantage de motivation à défendre la situation du clergé ruthène de la région, puisque leur propre bénéfice et leurs intérêts étaient en jeu. De même, il paraît plausible que les vicariats aient pris la succession des juridictions des décimateurs, dans les territoires périphériques de la métropolie kiévienne, où leur existence était attestée42. Néanmoins, ces évolutions furent accompagnées de concessions imposées aux hiérarques par les représentants du clergé local, qui était devenu désormais un acteur incontournable de l’administration diocésaine. Parmi elles, figurait l’aliénation fréquente au profit du клирос du droit de choisir le vicaire. En 1498, le clergé cathédral de Vilnius se plaignit à ce sujet au grand-prince Alexandre pour revendiquer son bon droit face au métropolite de Kiev Makary. Il l’accusait ainsi de prélever des redevances inhabituelles, mais aussi d’avoir désigné comme vicaire l’archimandrite du monastère de la Sainte-Trinité alors que « sous les premiers métropolites, eux – les clercs cathédraux – étaient titulaires du vicariat [намэстничьство]43 ». À travers l’évocation des questions fiscales, le texte signalait d’ailleurs que le vicaire pouvait assumer également le rôle de percepteur pour les redevances dues par les clercs bénéficiers au métropolite44.
13L’entrée des principaux dignitaires du clergé séculier dans les fonctions vicariales entraîna des transformations dans leur statut et les compétences qui leur étaient associées. Le vicariat se rapprocha ainsi incontestablement du clergé paroissial et acquit, à l’image des archiprêtrés, une inscription territoriale stable et mieux définie. Le qualificatif de vicaires « diocésains » disparut peu à peu au profit des vicaires désignés par le nom de la ville qui leur servait de siège. D’autre part, leur attribution essentielle devint l’exercice de la justice ecclésiastique in spiritualibus à l’intérieur de leurs circonscriptions respectives. Ils récupérèrent ainsi l’une des fonctions principales des anciens vicaires diocésains, mais reprirent également le modèle des officiaux latins, apparus en Pologne au milieu du XIIIe siècle45. Au XVIe siècle, les textes de l’administration royale, rédigés en latin, commencent en effet à traduire le terme ruthène « vicaire » par officialis46. Cette influence s’observe également dans les titulatures utilisées, car en Pologne-Lituanie les officiaux des capitales diocésaines mêlaient leurs fonctions à celles du vicaire général et étaient donc désignés comme uicarii in spiritualibus47. La transposition de la désignation latine apparaît ainsi, dans années 1580-1590, pour le cas de l’archiprêtre de Vilnius, Jan Parfienowicz, fréquemment mentionné comme « archiprêtre et vicaire du métropolite pour les affaires spirituelles à Vilnius » (протопопъ и намэстникъ отъ митрополита справъ духовныхъ виленскихъ)48. Comme les officiaux de l’Église latine, les vicaires ruthènes exerçaient prioritairement une juridiction contentieuse pour les affaires qui impliquaient les clercs, les matières ecclésiastiques ou le territoire soumis à la juridiction directe du hiérarque49. Leur rôle est défini, en partie, dans la lettre du métropolite Hipacy Pociej, adressée au clergé de Sluck le 3 juin 1600, pour l’informer de la nomination de son vicaire50. Le métropolite écrivait ainsi :
[…] nous vous envoyons notre archiprêtre de Sluck, le père Atanazy Harasimowicz, prêtre de Saint-Sauveur et de Saint-Nicolas de Sluck, avec la mission de contrôler auprès de vous toutes les affaires et la discipline, à savoir les officiants du baptême, du mariage et de la confession, et les autres affaires spirituelles, et avec les pleins pouvoirs pour tout cela. Le recevant avec égard comme notre vicaire, […] laissez l’archiprêtre entrer dans l’église et contrôler la discipline ecclésiastique51.
14Si la multiplication des vicariats permettait de fait un meilleur encadrement du territoire, elle s’accompagna également d’un rabaissement du statut des vicaires par leur rapprochement du clergé paroissial.
15Les nouveaux principes de l’organisation diocésaine laissaient néanmoins en suspens les questions du temporel ecclésiastique et de l’administration des sacrements réservés à l’évêque, comme dans le cas de l’ordination sacerdotale. Celles-ci resurgirent avec une nouvelle acuité au moment des tentatives de réforme locale, commencées par le synode de Vilnius de 150952. Le diocèse métropolitain devint donc le lieu, où s’exprimèrent les premières initiatives destinées à renforcer l’autorité des hiérarques orthodoxes, à l’intérieur du clergé et sur leurs ouailles53. L’exemple des églises de Vilnius témoigne ainsi de la volonté du métropolite de Kiev de soustraire le contrôle des bénéfices ecclésiastiques aux mains des laïcs54. En 1511, les représentants orthodoxes de la municipalité demandaient au hiérarque de leur confirmer le droit – déjà ancien selon eux – de faire un inventaire des biens de l’église, à la mort du desservant, pour les enregistrer dans les livres municipaux et les transmettre intacts au successeur. L’enquête menée par Józef Sołtan, en décembre de la même année, montra qu’en réalité les bourgeois de la ville n’avaient pas hésité à récupérer les clefs de certains lieux de culte, en attendant de les transmettre au nouveau prêtre55. Après avoir interrogé le clergé orthodoxe de Vilnius sur les pratiques qui avaient eu lieu sous ses prédécesseurs, le métropolite rappela explicitement dans sa réponse qu’il s’agissait d’un abus. Il consentit donc aux bourgeois le droit de lui envoyer ses candidats aux églises vacantes et d’être présents lors de la cérémonie d’installation des desservants, mais statua que l’investiture spirituelle et temporelle de ces derniers ne pouvait relever que de son vicaire seul56.
16Le titulaire du vicariat, établi à Vilnius, recevait donc une délégation à la fois pour le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel des métropolites. De plus, il apparaissait dans le texte sous le nom de « vicaire métropolitain » (намэстникъ на митропольи), ce qui n’était pas sans rappeler les anciens vicaires diocésains. Comme l’observe Ihor Skočyljas pour le territoire de L’viv, le XVIe fut une période transitoire pour le vicariat57. D’une part, cette institution médiévale était progressivement accaparée par les élites du clergé séculier, de l’autre, les métropolites – et, sans doute, une partie de l’épiscopat – réaffirmaient et élargissaient les prérogatives de certains vicariats les plus prestigieux afin d’exercer un contrôle plus étroit sur les pôles principaux de leurs diocèses respectifs. Ce processus s’observe parfaitement sur le territoire de l’ancien diocèse de Halyč. Après avoir été administré par des vicaires des différentes localités, investis par les métropolites de Kiev ou d’autres hiérarques voisins, l’ensemble fut placé, en 1522, sous la juridiction du « vicaire métropolitain » Joachim/Izaakiusz Gdaszycki, archimandrite du monastère Saint-Georges58. En 1526, le métropolite Józef (1523-1534) lui accorda le droit de prélever des revenus sur ses subordonnés et reconnut, par là, les attributions économiques, associées à sa charge59. Donc, dès le XVIe siècle, et malgré le droit de patronage laïc, les métropolites essayèrent de ramener l’administration des propriétés ecclésiastiques, du moins dans les grands centres urbains, sous la tutelle directe de leurs premiers auxiliaires locaux60.
17La distinction entre les deux types de vicariat ne s’imposa véritablement que dans la première moitié du XVIIe siècle61. L’événement symbolique qui incarna cette institutionnalisation fut la nomination de Józef Rutski au « vicariat principal » du métropolite (намэстництво наше преднейшое), le 21 juillet 160862. Le premier hiérarque de l’Église uniate disait lui accorder les « pleins pouvoirs, comme s’il portait sur soi la personne [du métropolite] », pour surveiller tous les désordres et punir les coupables « avec un esprit serein, à la manière qui lui semblerait la plus utile pour l’Église du Seigneur, et en particulier dans la ville de Vilnius, placée sous la protection du Seigneur […] »63. De plus, le texte indiquait explicitement que la juridiction du nouveau dignitaire s’étendait à tout le clergé – régulier et séculier – de la « partie lituanienne » de la métropolie, depuis les archimandrites ou les archiprêtres jusqu’aux prêtres, moines et moniales des couvents. Dans les années suivantes, des vicaires généraux sont mentionnés à Minsk ou à Kiev et il faut supposer qu’ils existèrent également dans les deux autres capitales métropolitaines, Navahrudak et Hrodna64. Les autres évêchés uniates suivirent de près cette tendance. En 1619, le moine Jan Dubowicz figure comme vicaire de l’archevêque de Polack, le basilien Melecjusz Kopysteński apparaît dans un document romain de 1628 comme officialis generalis de l’évêque de Przemyśl, et la première mention d’un vicaire général à Chełm date de 163665.
18L’institutionnalisation du vicariat général, héritier des vicaires diocésains, s’accompagna d’une distinction dans le recrutement de ses titulaires. Comme à l’époque médiévale, cette charge fut presque exclusivement concédée à des moines – souvent des supérieurs de couvents – qui, dans le contexte de l’Église uniate du début du XVIIe siècle, étaient tous issus de l’ordre basilien66. La pratique instaura ainsi une séparation relativement nette entre la haute hiérarchie diocésaine, y compris les vicaires généraux, et les instances intermédiaires, laissées au clergé séculier. Les premiers étaient souvent recrutés dans la communauté monastique basilienne, voire dans les mêmes couvents, et partageaient la même éducation inspirée des modèles latins. Les seconds fondaient leur autorité davantage sur leur ancrage local, avec une meilleure connaissance des desservants et des structures sociales de la région, dont ils étaient eux-mêmes les représentants. Par conséquent, la refonte des structures ecclésiastiques ruthènes, qui marqua la fin du XVIe et le début du XVIIe siècle, exprimait encore une fois des tendances contraires. Si l’Église uniate sut améliorer l’entourage de son épiscopat, grâce à une élite administrative, dotée d’une culture ecclésiologique commune, elle en éloigna, dans le même temps, le clergé paroissial et accentua, par là, la distance entre les instances centrales et locales du gouvernement diocésain67.
Vers le renforcement des structures centrales
19L’enjeu administratif se révélait encore plus complexe pour les ordinations. À la différence de l’Église latine, l’épiscopat orthodoxe n’était pas partagé entre prélats ordinaires, coadjuteurs, titulaires ou auxiliaires. Chaque diocèse ne possédait en principe qu’un hiérarque, doté d’une juridiction ecclésiastique propre. Tout candidat à une charge vacante devait donc se rendre auprès de son évêque pour recevoir l’ordination canonique. Dans le diocèse métropolitain, dont les frontières étaient distantes de plus de 800 kilomètres, une telle situation pouvait imposer de véritables périples, avec toutes les contraintes attenantes. En pratique, les candidats faisaient fréquemment appel aux évêques voisins, avec le consentement plus ou moins tacite des métropolites68. Le XVIe siècle apporta néanmoins quelques innovations, là encore sous l’influence probable de l’Église latine. Auprès des évêques devenus incapables d’exercer leurs fonctions, en raison de leur âge avancé ou d’une maladie, le souverain prit l’habitude de nommer un « évêque par expectative » (епископъ нареченный, littéralement « évêque désigné »), parfois sur demande expresse des premiers69. À partir des années 1560, ce terme coexista avec celui de « coadjuteur » (коадъюторъ) et la distinction entre les deux reste assez vague70. La première qualité renvoyait surtout à la promesse du patron – le souverain – de nommer l’individu à la tête de l’évêché concerné, après la mort du hiérarque en place. Même si le titre était reconnu par l’administration royale, il ne semble pas qu’il ait imposé de recevoir la consécration épiscopale71. Certains de ces « évêques par expectative » ou, plus généralement, ceux qui obtenaient la charte royale pour la succession demeuraient ainsi des personnes laïques72.
20Cela ne les empêchait pas pour autant d’exercer certaines fonctions administratives de l’évêque diocésain, du vivant même de ce dernier. Ainsi, en septembre 1576, le serviteur royal Eliasz (Ilja) Jakimowicz Kucza obtint, avec la nomination à la succession métropolitaine de Kiev, le plein exercice du pouvoir temporel associé à cette charge73. D’après un accord passé avec le métropolite Jonasz Protasewicz, celui-ci ne se réservait que les questions qui relevaient directement du droit ecclésiastique. Parfois, les attributions de certains coadjuteurs en faisaient de véritables suppléants épiscopaux dans le gouvernement diocésain. Elles se dévoilent notamment dans la charte de Sigismond Auguste qui, en août 1566, accordait le statut de coadjuteur de Chełm à Teodor Lahowski74. De fait, sa promotion suivait de quelques mois à peine la nomination de son beau-père, Zachariasz Iliaszewicz, comme évêque du même diocèse. En effet, le nouveau hiérarque, déjà âgé, avait lui–même demandé au roi de lui adjoindre un tel assistant. Le document de la chancellerie royale énonçait ainsi :
[…] consesimus et praesentibus consentimus, ut dicti sui wladicatus Chelmensis et Belzensis ecclesiarum, iuris patronatus nostri regii, in suum coadiutorem ualeat accipere nobilem et discretum Theodorum Therentinum, ut ipsi praefato Zenowio, wladicae, tam in officiis diuinis debito ordine peragendis quam in administratione prouentuum temporalium illi adsit consilio et auxilio, post illius uero ex hac uita decessum in dictum wladicatum ut eidem succedat permittimus hisce literis nostris75.
21Malgré les vastes prérogatives laissées parfois aux coadjuteurs, il serait inexact d’y voir une institution régulière de l’administration diocésaine. Il s’agissait d’avantage d’une charge de transition, qui n’apparaissait, qu’à des périodes de crise du pouvoir épiscopal. Dans la pratique et à quelques exceptions près, ses titulaires étaient fréquemment nommés peu de temps avant le décès de l’évêque en exercice. Par conséquent, ils intervenaient davantage à la place qu’aux côtés de celui-ci, et encore de manière incomplète, s’ils n’avaient pas reçu la consécration canonique. Aussi, ne pouvaient-ils généralement pas ordonner de nouveaux desservants, ni consacrer les antimenses pour les nouvelles églises. Si la présence de tels successeurs désignés assurait la continuité administrative, elle n’était donc d’aucun secours pour alléger le poids des tâches spirituelles des hiérarques ruthènes.
22Pour pallier ces contraintes, une nouvelle étape fut franchie en 1539, dans le diocèse métropolitain, avec la promotion du vicaire de L’viv, Makary Tuczapski, à la dignité épiscopale76. Le statut précis du nouvel évêque restait néanmoins ambigu. Il obtenait le titre « de Halyč, de L’viv et de Kam’janec’-Podil’s’kyj », mais était qualifié d’« évêque curial » (епископъ дворный) et acceptait le versement de la moitié de ses revenus au métropolite, ainsi que sa soumission à l’autorité directe de ce dernier77. Néanmoins, comme l’affirmait son serment, les compétences du nouvel évêque s’étendaient de droit à toutes les affaires spirituelles du territoire qui lui était confié :
23[…] archiepiscopus Metropolita Kiiouiensis totiusque Russiae […] me fecit episcopum curialem et dignatus est metropolim [sic] suam Haliciensem mihi ex brachio suo committere ; ecclesias Dei, clerum, omnesque homines, appellatos gregem obedientium ouium Christi, Russiae et Podoliae terrarum, mihi seruo suo in inspectionem et administrationem spiritualem concredit […]78.
24Même s’il s’agissait de la première attestation d’une telle dignité pour la métropolie ruthène, elle s’inscrivait dans l’étroite filiation des vicaires diocésains, désignés au XIIIe siècle également comme « assistants » (съпрестолники)79. Dans la seconde moitié du XVIe siècle, l’évêché de L’viv gagna progressivement en autonomie, scellée en 1596 par le refus de son hiérarque Gedeon Bałaban de reconnaître l’Union avec Rome. Pour autant, les métropolites uniates maintinrent leur juridiction formelle sur le diocèse et en firent une sorte d’évêché titulaire, concédé à leurs coadjuteurs80.
25Sous l’influence de la terminologie et de la pratique administrative de l’Église latine, les évêques uniates de Halyč devinrent les plus hauts dignitaires du diocèse métropolitain, après le métropolite lui-même, avec le droit de succéder à ce dernier81. Le privilège royal accordé à Józef Rutski – premier à porter brièvement le titre, entre 1612 et 1613 – précisait les fonctions du nouvel « évêque curial ou coadjuteur », d’après la formule employée dans le document82. Celui-ci devait, en absence du métropolite, « administrer les affaires ecclésiastiques, juger les prêtres, consacrer les diacres et veiller à la discipline du clergé83 ». De fait, les coadjuteurs uniates exercèrent leurs fonctions principalement dans la partie lituanienne du diocèse métropolitain, car le diocèse de L’viv-Halyč et la région kiévienne restaient dominés par les opposants à l’Union. Toutefois, comme auparavant, cette dignité conservait son caractère provisoire et n’était accordée que quand le hiérarque se révélait incapable d’assumer seul l’ensemble des tâches de l’administration diocésaine84. Devenu lui-même métropolite en 1613, Rutski ne consacra un nouvel évêque de Halyč qu’en 1626, peut-être en lien avec le programme de réforme qu’il entendait appliquer à la suite du synode de Kobryn réuni la même année85. À la même époque l’institution se développa dans d’autres diocèses. En 1617, Jozafat Kuncewicz fut désigné comme coadjuteur du vieil archevêque de Polack Gedeon Brolnicki et, à en croire certaines sources, obtint également le titre d’évêque de Vicebsk86. Dans un contexte semblable, Grzegorz Michałowicz reçut, en janvier 1624, la charge de coadjuteur de l’évêque de Pinsk-Turaw, Paizjusz Sachowski, avant de lui succéder deux ans plus tard87. La grande différence avec XVIe siècle fut donc de voir les coadjuteurs devenir des hiérarques consacrés canoniquement et capables d’accomplir l’ensemble des prérogatives épiscopales88.
26Les nouvelles titulatures et les statuts concédés aux premiers assistants du métropolite furent une innovation qui nécessitait des aménagements89. Józef Rutski lui-même était bien conscient que leur adoption pouvait susciter des critiques de la part des fidèles et, en 1619, s’adressait à la Curie pour trouver un remède convenable :
Une très ancienne coutume était que les archevêques métropolitains possédassent auprès d’eux leurs suffragants qui s’acquittaient des charges épiscopales dans ledit diocèse. On ne leur accordait aucun titre épiscopal, si ce n’est qu’on les appelait évêques curiaux. Maintenant que nous devons procéder différemment, j’aurais besoin de quelque titulature pour mon suffragant. Et, afin qu’il n’y ait pour nos Ruthènes, qui évitent toute nouveauté fût-elle bonne, d’obstacle si nous donnons la titulature de quelque évêché qui leur est inconnu, j’adresse à Votre Très Illustre et Très Respectable Seigneurie [la liste] de 22 évêchés, qui relevaient du métropolite de Kiev, dont plusieurs demeurent encore en Moscovie et d’autres ont disparu. Je voudrais y prendre une titulature aussi bien pour mon suffragant que pour les coadjuteurs qui devront nécessairement être établis, après la visite pastorale de nos évêques, que je dois terminer et au sujet de laquelle j’ai écrit à Votre Très Illustre et Très Respectable Seigneurie dans une autre lettre. […]90
27La fonction d’évêque coadjuteur, associée généralement à l’un des sièges du diocèse, se répandit dans les clergés uniate et orthodoxe à partir des années 1640, avec la concurrence croissante des deux Églises. En 1633, le rétablissement d’un épiscopat orthodoxe, reconnu par le souverain, avait soulevé le problème canonique de la double hiérarchie et choisi de procéder au partage des sièges entre les deux institutions ruthènes, réduisant de fait le nombre de dignités disponibles. La nomination de coadjuteurs continuait donc à exprimer une situation exceptionnelle de crise ou de conflit structurel, mais la durée d’exercice de tels prélats s’allongea dans le temps. Pour les décennies 1640-1650, les coadjuteurs sont ainsi mentionnés pour les diocèses de Luc’k, de Polack ou de Przemyśl, où ils assumèrent leur charge durant plusieurs années91.
28Tout en suivant les mêmes influences que les uniates, l’organisation ecclésiastique des orthodoxes lituaniens fut beaucoup plus disparate. Sur les domaines où les seigneurs avaient fait le choix de rester dans l’obédience constantinopolitaine ou, plus simplement, de freiner la diffusion de l’Union parmi leurs sujets ruthènes, les structures traditionnelles du clergé restèrent en place92. En Lituanie, l’un des grands pôles de l’Église orthodoxe fut la principauté de Sluck, dirigée à partir de 1600 par l’une des branches de la famille des Radziwiłł – protecteurs et premiers représentants de la communauté calviniste de la grande-principauté93. Privés de la tutelle métropolitaine et éloignés des évêques opposés à l’Union, les archiprêtres et les archimandrites lituaniens, qui refusèrent l’obédience romaine, devinrent les principaux meneurs ecclésiastiques de leur communauté94.
29À l’échelle de la métropolie, la principale dignité orthodoxe fut alors le titre d’exarque, accordé par les patriarches de Constantinople et apparu en 1589 dans l’Église ruthène95. Le 4 août 1597, le patriarche d’Alexandrie Mélèce Pigas nomma ainsi trois exarques patriarchaux pour la Pologne-Lituanie, dans l’attente de la consécration d’un nouveau métropolite96. Les personnes promues à ce statut furent l’évêque de L’viv Gedeon Bałaban, le prince Konstanty Ostrogski, l’un des principaux protecteurs des orthodoxes ruthènes, et le protosyncelle du patriarche, Cyrille Lukaris, qui se trouvait alors en Lituanie97. Ce dernier ne resta que peu de temps dans la République et la charge passa à l’archiprêtre orthodoxe de Zabłudów, Nestor Kuźminicz98. En janvier 1609, il s’adressait déjà avec la titulature d’« exarque patriarcal pour la métropolie de Kiev » au clergé de Pinsk pour l’inciter à rejeter l’autorité du métropolite uniate Hipacy Pociej99. Si une telle promotion témoignait du prestige acquis par l’archiprêtre, elle exprimait surtout l’ampleur de la désorganisation qui frappait alors les structures orthodoxes. Le problème déjà ancien de la consécration des desservants prenait ici une étendue inouïe, puisque pour être ordonnés prêtres, tous les candidats lituaniens devaient se rendre à L’viv100. La vacance des structures orthodoxes locales se voyait également dans le travail de la justice ecclésiastique. Dans les différents conflits qui opposèrent le métropolite uniate à la confrérie orthodoxe de Vilnius, cette dernière répéta sans cesse qu’elle ne pouvait relever que du tribunal de l’évêque de L’viv101. Même si de tels propos appartenaient au plaidoyer récurent des opposants à l’Union, il n’en restait pas moins qu’après 1609 et pour toutes les causes réservées à la juridiction épiscopale, seul le diocèse de L’viv disposait d’organes compétents pour l’ensemble des orthodoxes polono-lituaniens102.
30La situation ne changea qu’en 1620, avec la consécration de nouveaux hiérarques ruthènes, rattachés à Constantinople, par le patriarche Théophane III de Jérusalem. Les paroisses orthodoxes du diocèse métropolitain et du diocèse de Polack furent alors placées sous l’autorité de Hiob Borecki et de Melecjusz Smotrycki. Cependant, à défaut de reconnaissance du souverain, le statut des nouveaux évêques resta chancelant et se limita à une tutelle pastorale des desservants et des fidèles, qui reconnaissaient leur autorité. À quelques rares exceptions près, le clergé ruthène non uniate fut ainsi maintenu à l’écart des grands centres lituaniens et ne put s’organiser, de manière fragile, que dans les régions orientales de la grande-principauté. Il fallut attendre 1633, pour voir une véritable renaissance des structures ecclésiastiques orthodoxes. Cela ne suffit pas pour autant à renverser les équilibres établis. En effet, l’archimandrite de Saint-Esprit de Vilnius, Józef Bobrykowicz, fut consacré comme l’unique hiérarque orthodoxe de l’espace lituanien, avec le titre « d’évêque de Mscislaw, d’Orša et de Mahilew »103. Sa juridiction s’étendait à tous les clercs et laïcs non uniates de l’ancien archevêché de Polack, resté dans l’obédience romaine. Ce compromis royal ouvrait la voie à de nombreuses ambiguïtés puisque la charte de nomination précisait : « qu’il soit libre à chacun ne voulant pas être dans l’Union de se référer à son propre pasteur, non uniate, depuis le diocèse de l’évêque uniate, et à l’inverse, celui qui souhaite être dans l’Union, sera libre de s’adresser à l’évêque uniate depuis le diocèse de l’évêque non uniate »104. Aussi les juridictions des hiérarques uniates et orthodoxes se superposaient sur un même territoire et entraient dans un rapport de force, dont décidaient les choix des communautés locales et des individus.
31Dans le diocèse métropolitain, le hiérarque orthodoxe de Kiev obtenait le même droit que l’évêque de Mscislaw, mais le centre de son diocèse restait à Kiev et il n’apparaissait que très rarement en Lituanie105. L’autorité des métropolites d’obédience constantinopolitaine s’y exerçait donc à travers des vicaires, implantés de manière éparse et avec des attributions relativement vastes. De telles fonctions revenaient généralement aux supérieurs des couvents, qui formaient depuis longtemps les pôles principaux de l’opposition orthodoxe. En 1637, l’archimandrite de Sluck et supérieur de Saint-Esprit de Vilnius, Samuel Szycik-Zaleski, apparaît dans une plainte comme « vicaire de la métropolie de Kiev dans la grande-principauté de Lituanie »106. Dans les années 1650, un autre archimandrite de Sluck, Teodozy Wasilewicz, commença par remplir la fonction de vicaire métropolitain pour la principauté de Sluck, avant d’être nommé, en 1663, vicaire pour toute la grande-principauté de Lituanie107. D’ailleurs, le prestige acquis par les supérieurs de la Sainte-Trinité de Sluck créait parfois des conflits avec les archiprêtres locaux, qui s’affirmaient à leur tour en champions de la communauté orthodoxe108. La dispersion des instances orthodoxes lituaniennes, réparties entre Vilnius, Sluck et l’évêché de Mscislaw, ne suffisait donc pas à effacer la concurrence pour le vicariat, née à la fin du XVe siècle, entre les élites monastiques et les archiprêtres. Ainsi, les rapports de force dans l’Église orthodoxe montraient que la frontière entre vicaires généraux et vicaires « locaux » restait encore floue et pouvait évoluer en fonction des décisions personnelles de chaque nouveau métropolite ou évêque109. Le cas de Sluck révélait donc les tensions entre clercs séculiers et réguliers de rite grec pour occuper la première place dans l’exercice local de la juridiction épiscopale.
32La séparation entre les différents statuts ne se diffusa que progressivement, comme relais des réformes menées par le métropolite orthodoxe Piotr Mohyła. L’une des innovations administratives, introduite dès les années 1630, fut l’établissement d’un « consistoire » (консисториум) qui héritait, en les élargissant, des attributions du tribunal métropolitain110. Si les changements structurels étaient évoqués et attendus depuis très longtemps par les orthodoxes, l’initiative de Mohyła avait néanmoins des causes immédiates. Le fonctionnement de deux Églises ruthènes concurrentes exigeait désormais de tracer plus distinctement les limites juridiques, mais également liturgiques et culturelles, entre les deux institutions. Un tel objectif ne pouvait alors être envisagé sans une profonde réforme disciplinaire, qui laissait présager une augmentation rapide des affaires à traiter par les cours ecclésiastiques. Il fallait, par conséquent, réunir un personnel suffisant afin de répartir la charge imposée par les procédures. Le consistoire prenait ainsi l’aspect d’un conseil chargé d’assister le hiérarque et, plus directement, son vicaire général dans ses fonctions judiciaires. Pour le XVIIe siècle, les sources ne permettent pas de distinguer les causes qui pouvaient être jugées par le vicaire seul de celles qui relevaient du consistoire de la capitale diocésaine. En raison de la distance, tout porte à croire que les vicaires lituaniens du métropolite orthodoxe purent jouir d’une plus grande autonomie que leurs homologues de la Couronne et exercer, plus durablement, l’ensemble de la juridiction métropolitaine.
33De même, à l’image du vicariat général ruthène, le consistoire se chargeait à son tour des diverses tâches administratives et pouvait même jouer le rôle de chancellerie diocésaine. Ses membres, recrutés parmi les supérieurs des monastères, devaient contrôler les archiprêtres, avec leurs subordonnés, pour les questions ecclésiastiques et assurer la levée des redevances payées par le clergé paroissial au métropolite111. Pour cela, ils étaient amenés à effectuer de véritables tournées pastorales des églises placées sous leur tutelle. La documentation conservée garde le souvenir de l’un de ces dignitaires, Teofan Skuminowicz, qui rejoignit ensuite l’Église catholique latine au début des années 1640. Dans l’ouvrage publié en septembre 1643, pour justifier sa démarche, il notait en particulier qu’en membre du consistoire orthodoxe (konsistorysta), il devait s’occuper de cinq archiprêtrés, situés sur la frontière sud-est de la Lituanie112. La création des consistoires apporta donc au gouvernement diocésain un organe administratif efficace pour s’occuper des affaires courantes, mais également intervenir sur le terrain pour inspecter le clergé et vérifier l’application des décisions épiscopales. La preuve de la réussite de l’institution est donnée par sa diffusion rapide – achevée vers les années 1660 – à la fois dans les diocèses orthodoxes et uniates, confrontés aux mêmes défis hérités du XVIe siècle113.
34Parmi les différents auxiliaires des hiérarques ruthènes, le vicariat joua donc un rôle essentiel car il était originellement la seule institution diocésaine à dépendre directement et presque exclusivement de l’évêque. L’affaiblissement de l’autorité de l’épiscopat orthodoxe, à partir de la fin du XIVe siècle, l’obligea à se reposer davantage sur les structures locales du clergé séculier, à la fois plus stables et mieux insérées dans le dialogue avec les représentants des différents pouvoirs laïcs. L’administration ecclésiastique s’engagea donc sur la voie d’une organisation « décentralisée ». Le contrôle territorial s’y exerçait moins par l’envoi d’émissaires, dotés de pouvoirs étendus, que par la présence quasi permanente de vicaires dans les principales villes du diocèse, recrutés généralement parmi les archiprêtres du lieu. La promotion des clercs séculiers s’inscrivait d’ailleurs en parallèle avec les évolutions de l’Église latine où, à partir du XVIe siècle et surtout après le concile de Trente, la figure du prêtre acquit un prestige nouveau. Pour autant, les deux traditions institutionnelles continuèrent à coexister, sans parvenir à se substituer l’une à l’autre. Au regard de ces observations, la faiblesse administrative de l’Église ruthène, à la veille de l’Union avec la papauté, était sans doute moins le fait d’un « vide » structurel que de l’imbroglio apparu dans les compétences respectives des différentes instances intermédiaires. En réponse aux interprétations de Boris Florja, il conviendrait de remarquer que, si la diversité des fonctions assumées par les clergés cathédraux et par les archiprêtres « compensait » partiellement le manque d’autorité épiscopale, elle était tout autant le facteur de cette défaillance114. Associés par leurs bénéfices aux enjeux socio-économiques locaux, les ecclésiastiques séculiers subissaient d’autant plus l’influence des laïcs et, dans le même temps, échappaient à l’autorité du hiérarque, qu’ils étaient eux-mêmes censés relayer au nom des attributions vicariales. Il fallut donc attendre les réformes conduites dans les deux camps, après la rupture de 1596, pour voir s’établir une certaine hiérarchie dans la chaîne administrative. Les compétences, et consécutivement la titulature, du vicariat médiéval furent réservées aux vicaires généraux, dont le pouvoir se stabilisa vers le milieu du XVIIe siècle. Si les archiprêtres conservèrent une partie des prérogatives acquises à partir de la fin du XVe siècle, ils furent de plus en plus cantonnés à la place de « juges de première instance des prêtres, qu’ils [avaient] chacun en charge »115.
Des laïcs au service de l’Église
35Même si le clergé occupa toujours le premier rôle dans les structures de l’administration diocésaine, le recours à des agents laïcs fut une pratique récurrente dans l’Église ruthène. Leur présence peut être source de confusions, car en ruthène ils étaient souvent qualifiés par la même désignation que les vicaires ecclésiastiques (намэстникъ)116. Si cette proximité linguistique, déjà soulignée, insiste sur la délégation de l’autorité des hiérarques à leurs différents représentants, elle nécessite d’y introduire des distinctions. Pour les agents laïcs, le terme namiestnik sera ainsi traduit dans la suite du texte par « avoué ». Ils apparaissent en effet dans deux sphères d’activité distinctes qui rappellent l’institution médiévale du royaume de France : l’administration financière des propriétés ecclésiastiques et la représentation en justice du métropolite ou de l’évêque, voire l’exercice de leur juridiction sur les dépendants concernés. Toutefois, à la différence de l’exemple français, les avoués ne furent jamais recrutés parmi les membres des grandes familles seigneuriales et restèrent circonscrits au groupe de la petite et moyenne noblesse.
36L’importance accordée à l’institution augmentait avec la distance qui séparait l’avoué du hiérarque qu’il devait représenter. De fait, les sources conservées inscrivent parmi les agents laïcs les plus actifs de l’Église ruthène les représentants métropolitains de Kiev. Ils furent souvent les seuls à incarner sur place et de manière continue l’autorité des métropolites ruthènes. Dès le début du XVIe siècle, l’avouerie de Kiev fut progressivement accaparée par la famille Pankiewicz (orthographiée également Pankowicz, Packiewicz ou Passkowicz) dont les représentants portèrent le titre d’« avoués de Sainte-Sophie »117. Tout comme dans le monde latin, l’Église orthodoxe essaya de combattre de telles pratiques et de récupérer le contrôle du temporel, en transférant sa gestion à des vicaires ecclésiastiques. À quelques reprises – vers 1508 et à la fin des années 1550 – les métropolites confièrent donc à des clercs les attributions fiscales, assurées auparavant par les avoués118. Pour autant, toutes ces démarches n’eurent que des effets restreints et éphémères.
37Au XVIIe siècle, les avoués métropolitains continuèrent à exercer leurs fonctions presque sans interruption. Leur rôle dans l’administration ecclésiastique paraît même s’être renforcé avec la promulgation de l’Union. En effet, l’opposition du clergé kiévien de rite oriental, resté majoritairement orthodoxe, acculait les rares ecclésiastiques uniates à une position isolée et fréquemment contestée. Pour cette raison, la tentative d’y introduire le vicariat uniate, entre 1610 et 1618, se fit parallèlement au maintien de l’avouerie119. Les compétences du vicaire Antoni Grekowicz furent donc limitées à l’administration in spiritualibus et l’expérience se termina de manière désastreuse par l’assassinat de ce dernier en février 1618120. Après cet échec, la représentation directe du métropolite dans la cité kiévienne fut réservée à l’avoué. Celle-ci conserva partiellement son caractère héréditaire, mais la priorité fut donnée aux proches du hiérarque uniate. Entre 1626 et le milieu des années 1630, la fonction fut ainsi exercée par Marcin Korsak et ses fils, Jan et Stanisław, parents éloignés du métropolite Józef Rutski121.
38La première fonction des avoués kiéviens était de lever les redevances, dues par les habitants des propriétés ecclésiastiques, au profit du métropolite (cens, aides), mais également au profit des représentants royaux (fouages)122. Ils étaient en outre responsables de l’administration économique du patrimoine métropolitain. À cette occasion, ils pouvaient conclure des accords ou des contacts avec les tenanciers et, surtout, mener des actions en justice pour tout litige relatif à ces terres123. Enfin, les compétences fiscales ou administratives de l’avoué étaient parfois séparées de sa fonction d’agent judiciaire, qui était alors exercée par un autre individu qualifié lui-même d’« intendant » ou de « prévôt » métropolitain (ciwun/тивунъ ou wójt/войтъ)124. Si l’exemple kiévien révèle le plus distinctement l’action des avoués ecclésiastiques ruthènes de cette période, la charge exista également dans d’autres régions. Dans les années 1510, elle apparaît à Minsk et, au début du XVIIe siècle, elle est attestée à Vilnius125. Dans ce dernier cas, l’avoué Tomasz Petrowski intervint, dans les années 1620, au nom du métropolite pour accomplir des démarches notariales, demander une enquête de la justice laïque ou signer un acte de vente pour un bien ecclésiastique126.
39À côté des avoués des hiérarques, existaient des avoueries rattachées à des monastères, avec des attributions semblables mais une sphère d’action plus restreinte127. Pour les monastères qui relevaient du droit de patronage laïc, il arrivait – comme à Supraśl – que l’avoué (appelé également урядникъ) fût désigné directement par le seigneur et avait donc une position ambivalente. Il devait à la fois représenter les moines auprès des instances laïques extérieures et incarner l’autorité du patron dans ses rapports avec la communauté religieuse128. À Vilnius, la mention en 1611 d’un « tuteur » ou protecteur (опекунъ) du monastère uniate de la Sainte-Trinité, Jan Tupieka, présente un autre exemple saisissant129. Quelques années auparavant celui-ci s’affirmait encore comme membre de la confrérie orthodoxe de la cité et l’un des principaux meneurs laïcs de l’opposition contre le métropolite uniate, lors des événements de 1608-1609. Toutefois, après l’intervention royale et une lourde condamnation des chefs de la révolte orthodoxe, Tupieka finit par se rallier à l’Union et s’occupa des litiges fonciers entre les moines uniates et ses anciens coreligionnaires130. Le choix d’un tel protecteur devait servir à légitimer et à renforcer les partisans de l’Union non seulement par l’image de « converti » qu’incarnait Tupieka, mais également par les liens personnels que ce dernier conservait dans le camp adverse. Son action fut toutefois de courte durée ou n’obtint pas les résultats escomptés puisque avant 1614 les attributions des représentants laïcs de la Sainte-Trinité passèrent à des membres de l’élite uniate de Vilnius : l’ancien bourgmestre Ignacy Dubowicz ainsi que les consuls Piotr Koptewicz et Leon Mamonicz131.
40Malgré la rareté des données, les cas présentés ci-dessus permettent de faire quelques observations importantes sur la place des « avoués » dans l’Église ruthène. Tout d’abord, à la différence des vicaires ecclésiastiques, leur charge ne paraît pas avoir été strictement institutionnalisée et définie dans ses attributions. De fait, celles-ci étaient fortement liées aux différents contextes particuliers et les avoués agissaient là où le clergé ne pouvait intervenir en raison de son statut ou, plus fréquemment, de son manque d’autorité auprès de la noblesse ou du clergé local. Dans les territoires étroitement contrôlés par les métropolites ou les évêques, les affaires courantes étaient traitées directement par le hiérarque ou ses vicaires généraux. Ailleurs, quand le poids du localisme l’emportait sur celui des instances centralisées du diocèse, à travers l’emprise des patrons sur leurs fondations ou par la distance qui séparait une région des pôles du pouvoir épiscopal, l’avoué comblait le vide administratif, laissé par l’autorité ecclésiastique. La pratique correspondait donc à un pis-aller imposé non seulement par le statut fragile de l’Église ruthène, mais également par les équilibres socio-politiques de l’État polono-lituanien : le souverain – patron des grands bénéfices du royaume et de la grande-principauté – manquait souvent de moyens pour protéger efficacement les évêques « de rite grec ». Par conséquent, si l’avouerie rétablissait partiellement l’équilibre, en limitant les empiétements extérieurs sur le temporel ecclésiastique, ses titulaires devenaient parfois eux-mêmes fauteurs de désordres, par des abus dans leurs fonctions fiscales ou judicaires132.
41La situation de Vilnius après 1596 révèle la complexité de ces enjeux à travers la pluralité des expériences administratives, tentées dans la représentation métropolitaine. En principe, la gestion des biens de l’Église y relevait du vicaire métropolitain, dont le rôle fut renforcé par l’évolution vers le vicariat général. Son titulaire, Józef Rutski, apparaissait ainsi à plusieurs reprises dans les contrats de vente ou de location des maisons et des terrains, que le métropolite possédait à Vilnius133. Dans le même temps, l’Église avait ici affaire aux empiétements de la juridiction municipale et au droit de patronage sur les lieux de culte de rite oriental, revendiqué par les représentants ruthènes du consulat de Vilnius. De plus, les actions des orthodoxes, protégés par les puissantes familles marchandes restées dans l’obédience constantinopolitaine, ne pouvaient être contrées efficacement sans le concours d’une partie de cette même élite urbaine qui siégeait au tribunal municipal. Cet impératif explique les choix déjà évoqués, en 1611 et en 1614, de placer le monastère de la Trinité sous la protection de la bourgeoisie locale. Plus généralement, après la promotion de Rutski au siège métropolitain en 1613 et jusqu’aux années 1630, la gestion des affaires temporelles locales échappa aux représentants ecclésiastiques du métropolite. Face aux attaques venues d’une partie de la communauté laïque, les hiérarques uniates cherchèrent donc à recruter leurs défenseurs au sein du même groupe social. La concurrence dans les affaires spirituelles devait se transposer à l’intérieur des instances laïques et endiguer par là l’action de l’opposition orthodoxe. Une telle démarche stratégique s’inspirait en réalité d’une collaboration déjà ancienne entre le clergé et les représentants de la noblesse dans le domaine judiciaire.
42En effet, les envoyés des hiérarques rencontraient souvent l’hostilité des autorités locales, quand ils souhaitaient poursuivre et punir les fidèles, coupables d’irrégularités à l’égard des normes ecclésiastiques. Cette situation était la conséquence de la forte concurrence entre l’Église et les représentants des différentes juridictions laïques pour imposer son autorité et affirmer les liens de dépendance entre les individus et l’institution. Ces tensions s’observaient depuis les tribunaux municipaux des villes pourvues du droit de Magdebourg jusqu’aux officiers mêmes du prince, passant par les intrusions fréquentes des délégués judiciaires seigneuriaux dans les affaires ecclésiastiques, qui concernaient les habitants des domaines privés. En dehors de la légitimation symbolique, l’un des enjeux concernait les implications financières des condamnations prononcées contre des clercs ou des laïcs. Dans la première moitié du XVIe siècle, les souverains chargèrent parfois des gentilshommes de leur cour (дворяни наши) d’assister, par leur autorité, les délégués ecclésiastiques dans leur mission. En février 1509, Sigismond Ier répondit ainsi à une plainte du métropolite Józef Sołtan134. Le hiérarque avait sollicité le souverain pour l’aider face aux nombreux patrons réticents à lui livrer des fidèles qui « prenaient des épouses sans consacrer leurs unions, ne voulaient pas faire baptiser leurs enfants et n’allaient pas à la confession ». Recevant la requête, le roi désigna le gentilhomme Iwaszek Czerkas pour qu’il oblige les patrons à transférer les personnes concernées aux autorités ecclésiastiques. Toutefois, l’efficacité de ces mesures demeura restreinte. On vit, en effet, le même souverain intervenir de nouveau en 1533 pour rappeler aux seigneurs de la grande-principauté de Lituanie et à ses propres représentants, qu’ils ne devaient pas s’immiscer dans les affaires judiciaires des dépendants des terres ecclésiastiques (люди церковные) ni empêcher le métropolite d’exercer sa juridiction in spiritualibus sur leurs propres sujets de rite grec135. Là encore, le texte précisait qu’un représentant royal devait contrôler l’application de l’ordre et veiller au bon déroulement des procédures.
43Il arrivait également que ces émissaires endossassent les fonctions des décimateurs et entrassent alors directement dans l’administration judiciaire de l’Église ruthène. Le 15 septembre 1512, Sigismond Ier fit rédiger une charte, adressée aux habitants du district de Slonim, pour les informer que le métropolite avait lui-même nommé un certain Dennica – gentilhomme royal – comme décimateur (десятилникъ) chargé de contrôler la discipline ecclésiastique136. Les motivations du hiérarque apparaissent clairement dans le document. Dennica était accompagné d’un archiprêtre qui devait vraisemblablement le conseiller sur le droit canon et les démarches à suivre lors des audiences. Le rôle du décimateur laïc consistait donc moins à être un spécialiste juridique qu’à assurer la comparution des accusés et l’application des sentences prononcées pour les affaires temporelles et spirituelles de la juridiction métropolitaine. En absence d’une autorité centrale forte et entraînée dans la concurrence entre les institutions, l’Église orthodoxe eut donc besoin d’avoir recours aux laïcs pour assurer une action efficace auprès de ses ouailles.
44Les défis imposés aux structures ecclésiastiques ruthènes des XVe-XVIIe siècles suscitèrent donc des initiatives variées aux résultats inégaux. Les évolutions des instances de l’administration temporelle et spirituelle des diocèses suivirent un parcours empreint parfois d’ambigüités qui limitèrent d’autant plus leur action. La preuve en est donnée par l’extrême polysémie du mot намэстникъ/namiestnik, signe de l’institutionnalisation tardive des principales charges intermédiaires, définies davantage par leur rapport à l’autorité supérieure que par leurs attributions précises. La terminologie révèle également l’importance de l’attraction exercée par les modèles laïcs sur le clergé. Cette tendance ne fut contrebalancée qu’à la veille de l’Union de Brest qui conduisit ses acteurs à développer et à mieux définir les structures en place. Dans le nouveau contexte du début du XVIIe siècle, l’enjeu principal ne fut plus uniquement l’instauration d’un dialogue efficace entre le clergé ruthène et les autorités laïques – qui de fait devint impossible pour les orthodoxes – mais de s’imposer face aux menées du camp adverse. La rivalité entre les hiérarchies des deux Églises ruthènes servit donc de catalyseur aux réformes internes afin d’instaurer un contrôle plus étroit des desservants sous l’inspiration des règles propres aux obédiences de Rome et de Constantinople.
Le contrôle de la discipline ecclésiastique
45L’étude des pratiques judiciaires, propres à une institution religieuse, amène inévitablement à s’interroger sur les normes et leur respect parmi les pasteurs et les fidèles de la communauté considérée137. La question de la diffusion et de l’application des règles de la discipline ecclésiastique permet d’estimer la marge de « déviance » laissée aux individus. Elle conduit également à évaluer la limite au-delà de laquelle la négociation entre les autorités régulatrices et un discours divergeant se transformait en rupture réciproquement reconnue.
La polyphonie des sources juridiques
46Dans l’héritage ecclésiologique et institutionnel, légué par l’Église byzantine aux Slaves orthodoxes, se trouvaient les différents recueils canoniques, diffusés progressivement sur l’ensemble du territoire ecclésiastique qui relevait du patriarcat de Constantinople138. Ces textes appelés « nomocanons » avaient donné lieu à deux grandes compilations successives. La première fut réalisée par Jean III le Scholastique à la fin du VIe siècle et la seconde, faite au début du siècle suivant, resta dans la tradition sous le nom de Nomocanon en XIV titres ou Nomocanon de Photios, par référence à une rédaction plus tardive du texte, datée du IXe siècle139. Cette dernière version servit de modèle principal aux différentes traductions et compilations, faites par la suite en langue slave140. En effet, les recueils de droit canon byzantin firent leur apparition dans la métropolie de Kiev vers le milieu du XIe siècle, peu après sa création141.
47S’il est légitime de supposer que les premiers hiérarques de la nouvelle province ecclésiastique purent utiliser des compilations écrites en grec, la diffusion et l’assimilation des modèles juridiques byzantins se firent essentiellement d’après la traduction slavonne du texte142. Une telle adaptation pratique s’expliquait à la fois par l’extrême diversité des domaines où s’appliquait cette législation et par le lien étroit entre les institutions ecclésiastiques et laïques, propres à l’Église orthodoxe. Les nomocanons grecs incluaient d’ailleurs des extraits du droit civil, énoncé par les empereurs, et intervenaient directement dans les rapports fiscaux, juridiques et matrimoniaux des individus. Tout cela supposait donc que ces normes pussent être comprises par les personnes concernées ou, du moins, lues par les divers acteurs impliqués dans les procédures judiciaires. De même, les structures particulières de l’Église et de la principauté kiéviennes – une seule métropolie avec un très vaste territoire et à peine une dizaine d’évêchés suffragants – poussèrent les hiérarques à vouloir abréger la source byzantine, par l’élimination des passages jugés superflus143. Parmi eux, se trouvaient des décisions relatives aux hérésies orientales ou à l’administration ecclésiastique des différentes régions de l’empire. Ainsi, l’hétérogénéité du droit canon byzantin fut, indirectement, l’un des facteurs de l’émergence précoce d’une tradition juridique, locale et sélective, établie par le clergé kiévien.
48Bien que ce processus ne remît pas en cause l’autorité reconnue à l’original byzantin, il participa à renforcer l’idée que les normes canoniques, édictées par les patriarches, ne pouvaient être directement transposées dans la métropolie de Kiev et nécessitaient une adaptation. Implicitement, ce constat laissait entendre que les dignitaires locaux avaient le droit de procéder à cet arrangement et, par là-même, il servait à asseoir leur autonomie. Les compilations slaves laissèrent également une empreinte dans la typologie même de la source, puisque ces nomocanons « adaptés » y furent souvent désignés sous le terme slave « Кормчая книга » (littéralement « livre guide ») sur le territoire de la Rus’ ou Krmčija dans les régions balkaniques144. La volonté des hiérarques de disposer d’une collection de lois, bien en accord avec les équilibres socio-politiques en place, se confrontait cependant aux nombreux archaïsmes de l’ancienne traduction bulgare. C’est pourquoi, ils firent appel à d’autres sources plus récentes. Dès la seconde moitié du XIIIe siècle, le métropolite de Kiev Kyryl se tourna ainsi vers les compilations slaves d’origine serbe. Contrairement au texte bulgare il ne s’agissait pas d’une transposition de l’original grec mais de véritables œuvres de synthèse, établies à partir de nomocanons grecs, des commentaires plus tardifs des juristes byzantins et des emprunts aux novelles des empereurs145. Cette version remaniée restait encore largement en usage sur le territoire polono-lituanien du XVIe siècle146. La multiplication des sources juridiques s’accompagna également d’une plus grande liberté dans la rédaction des collections ruthènes et moscovites, avec une part croissante de la législation locale, fondée sur les règles composées par les évêques et, plus tard, les Statuts (Уставы) des grands-princes kiéviens147.
49Le volume et la diversité du droit canon byzantin rendait toutefois son usage peu commode. Pour pallier cette difficulté, Matthieu Blastarès – moine grec de Thessalonique – composa, dans les années 1330, un ouvrage intitulé Syntagma, où il classait par ordre alphabétique les différents canons et lois civiles en usage dans l’Église148. Son œuvre fut rapidement traduite dans l’Église serbe, qui prépara également une version abrégée du texte, répandue dans l’ensemble des régions orthodoxes balkaniques149. Néanmoins, la traduction serbe se révéla moins pratique que l’original, à cause du choix de conserver l’ordre du texte grec et de perdre ainsi le classement alphabétique des matières traitées. Sous cette forme et dès le XVe siècle, l’ouvrage apparut en territoire ruthène et moscovite150. Dans la seconde moitié du XVIe siècle, l’Église orthodoxe polono-lituanienne obtint une nouvelle version du Syntagma mais cela se fit dans des circonstances et avec des résultats incertains. En effet, dans le courant des réformes ecclésiastiques menées dans la Moscovie des années 1540-1550, Ivan IV le Terrible souhaita disposer d’une traduction complète et révisée du texte de Blastarès. Il s’adressa alors au prince moldave Alexandre IV Lăpușneanu qui confia à son tour le travail à l’évêque Macarie de Roman. La mission fut achevée avant 1558 et le document fut envoyé à Moscou en 1561. Toutefois, dans des circonstances mal connues, le livre passa par le monastère Saint-Onuphre de L’viv, qui garda l’ouvrage sans jamais le transmettre au destinataire151.
50L’épisode conduit à s’interroger sur la diffusion et donc l’usage des différentes compilations juridiques dans la métropolie kiévienne. D’après les quelques indications laissées par les sources, il est possible d’affirmer que vers la fin de la période médiévale ces recueils étaient devenus d’un usage courant dans tous les diocèses ruthènes. Ils étaient présents dans les bibliothèques des chaires épiscopales, mais également dans les monastères et, parfois, dans les paroisses ou chez des particuliers laïcs152. Une mention importante provient de la préface de la seconde édition du Nomocanon kiévien, écrite par le moine orthodoxe Zachariasz Kopysteński. Celle-ci indiquait qu’aucun hiérarque ou prêtre ne pouvait recevoir d’ordination sans avoir acquis au prélable une bonne connaissance du droit canon, grâce aux diverses compilations, et notamment le Syntagma de Blastarès153. Si la remarque témoigne de la présence de cette littérature canonique dans la pratique judiciaire de l’Église ruthène et dans la formation des pasteurs, elle ne dit rien du recours pratique au droit byzantin par le clergé kiévien. Son emploi semblait en effet limité par l’absence de juristes locaux spécialisés, capables de réviser et de commenter les éditions slaves des recueils grecs. De même, les copies et les sélections, faites au cours des traductions successives, n’amélioraient pas la cohérence du texte et même s’éloignaient parfois du sens des canons originaux154.
51La première tentative connue de corriger soigneusement les nomocanons ruthènes fut l’initiative du prêtre orthodoxe de l’église de la Transfiguration de Lublin, entreprise au début des années 1600155. Sa démarche se distingue par la volonté de comparer le texte slavon avec la version grecque des canons. D’autre part, elle s’inscrit à son tour dans un contexte particulier, marqué par les récentes tensions entre uniates et orthodoxes et le nouveau dynamisme de l’Église kiévienne, accompagné d’un complexe plus ou moins conscient face à l’exemple latin. Pour disposer du nomocanon byzantin, le prêtre Bazyli se tourna vers l’édition parisienne de Gentien Hervet, publiée en 1561 sous le titre Canones sanctorum apostolorum, et travailla donc à partir de la traduction latine du document. Ce choix pouvait s’expliquer avant tout par ses lacunes linguistiques, mais également par la volonté de recourir à un corpus qui ne pourrait être contesté par les uniates ou les catholiques latins. Il se plaçait donc autant en canoniste qu’en polémiste érudit, engagé aux côtés des orthodoxes dans la controverse née de l’Union. Si sa posture n’était pas originale, son œuvre restée à l’état de brouillon conserva pendant plusieurs années un caractère marginal156.
52La succession de Bazyli ne vit le jour qu’en 1620 – sous une forme indirecte – avec la publication du Nomocanon, imprimé dans le monastère des Grottes à Kiev157. Son éditeur Pamwa Berynda reprit la traduction serbe d’un nomocanon destiné aux confesseurs et dont la majeure partie correspondait à un pénitentiel158. Son contenu rappelait la structure du Pénitentiel du patriarche de Constantinople Jean IV le Jeûneur, mais reprenait les normes inscrites dans le Nomocanon de Photius, plus récent, et citait parfois le Syntagma de Blastarès159. En outre, l’éditeur fit le choix de compléter son travail par des extraits tirés de la compilation Iuris Greco-Romani tam canonici quam ciuilis tomi duo du juriste allemand Johannes Leunclavius (Löwenklau), publiée à Francfort en 1596160. L’intérêt de cet ouvrage ruthène réside, avant tout, dans sa grande popularité, dont témoignent les éditions successives à Kiev, à L’viv et en Moscovie161. Le choix de publier ce « nomocanon » et non pas un recueil véritablement juridique, ainsi que le succès que rencontra l’imprimé, invitent à penser qu’il répondait précisément à l’usage dont faisaient l’objet les nomocanons byzantins dans la métropolie kiévienne. De même, la confusion dans l’intitulé du recueil (Nomocanon ou Règle juridique) révèle que, du moins au XVIIe siècle, le droit canon oriental était compris dans l’Église ruthène principalement dans son sens formel et casuistique. Compilé dans des livres souvent disparates, il était invoqué essentiellement comme une référence pour les questions de discipline, comme un code des normes morales et sociales qui devaient régir les relations des pasteurs aux fidèles et celles à l’intérieur même du clergé162.
53Ce constat dépasse les conceptions historiographiques, forgées sous le poids du localisme, déjà évoqué pour l’ensemble des régions slaves orthodoxes. En effet, il serait difficile de contester le propos d’Ihor Skočyljas qui considère comme abusif de parler d’une non-juridicité de l’Église orientale face au modèle latin, puisque les deux traditions canoniques étaient différentes par leur histoire, leur forme et leur usage163. Dans le même temps, cette remarque de bon sens reste insuffisante. En particulier, elle n’explique pas pourquoi, alors que les historiographies russe, ukrainienne et bélarussienne semblent s’accorder désormais sur l’exceptionnelle effervescence culturelle des territoires ruthènes de la fin du XVIe et du XVIIe siècles, le travail mené sur les textes canoniques porta de meilleurs résultats en Moscovie, pourtant souvent considérée en retard sur l’école kiévienne. Les plus célèbres exemples de ces initiatives sont la révision avortée du nomocanon, préparée par Vassian Patrikeev avec Maxime le Grec, et la première publication du nomocanon slave, imprimée à Moscou dans les années 1649-1653164. À Kiev, alors que le nomocanon-pénitentiel connut quatre éditions successives dans la première moitié du XVIIe siècle, aucun érudit, à l’exception du prêtre Bazyli de Lublin, ne s’attela à faire de même pour les rédactions slaves du Nomocanon en XIV titres. Comment comprendre ces intérêts divergents ?
54L’étude attentive des compilations canoniques moscovites révèle alors que ces textes constituaient le reflet des évolutions dans les rapports entre le pouvoir princier et l’Église désireuse de donner une assise juridique à ses revendications165. Il semblerait donc que le particularisme kiévien trouve ici son explication. Face à un souverain non orthodoxe, une grande partie du droit canon byzantin se retrouvait inopérante, car dans le dialogue entre le clergé et le prince laïc, ce dernier n’était pas soumis aux règles des premiers. Ce déséquilibre rendait caduque une grande partie du texte du nomocanon et, de fait, réduisait son application à la juridiction spirituelle de l’Église. L’héritage juridique grec, malgré son incontestable richesse, se révélait donc partiellement incompatible avec le contexte politique dans lequel évolua le clergé ruthène à partir du XIVe siècle. Pour toutes les questions qui impliquaient directement la puissance laïque – comme la propriété et l’administration des biens ecclésiastiques – celui-ci dut faire face à une ambiguïté juridique.
55Pour cette raison, les hiérarques ruthènes du XVIe siècle tentèrent à plusieurs reprises de faire confirmer par le roi les textes juridiques de la Rus’ médiévale, qui avait été inscrits dans les nomocanons ruthènes. Cela renvoyait notamment aux deux Statuts des princes Vladimir et Jaroslav, rédigés au cours des XIe-XIIe siècles166. Le premier définissait essentiellement les limites de la juridiction de l’Église et certains aspects économiques de son existence. Le second prenait davantage la forme d’un code qui visait à adapter le droit canon grec au droit coutumier local, en particulier dans le domaine des liens matrimoniaux167. Cela explique également que le second vieillit plus rapidement et ses rédactions successives varièrent davantage avec le temps168. Sur le territoire ruthène du XVIe siècle, le texte de Jaroslav eut une signification particulière car il servit de référence au métropolite pour défendre ses prérogatives judiciaires. Une version du Statut fut ainsi jointe à une charte de grand-prince de Lituanie Alexandre datée du 20 mars 1499, qui garantissait la non-ingérence dans la juridiction métropolitaine des laïcs ou des clercs de rite latin169. L’importance du document réside dans la sélection faite par l’auteur de cette rédaction « ruthène », réduite à neuf articles, alors que les rédactions moscovites en comptaient jusqu’à cinquante-quatre170. Elle peut être considérée comme l’expression des préoccupations institutionnelles et des défis posés à la hiérarchie ruthène de cette époque, d’autant plus que le Statut de Jaroslav était connu et utilisé dans les différents diocèses de la métropolie171.
56Le texte commençait par réaffirmer la soumission hiérarchique à l’intérieur du clergé – des évêques au métropolite et des prêtres aux évêques – sans l’intervention des seigneurs laïcs (art. 1-2), puis il rappelait le monopole de l’Église pour toutes les affaires spirituelles (art. 3, 9) et interdisait toute union non consacrée (art. 4-8)172. Cette rédaction du Statut médiéval prenait donc la forme d’un résumé des maux qui affectaient alors l’autorité ecclésiastique : la difficulté de contrôler le choix des candidats aux bénéfices puis leurs agissements en raison du droit de patronage, l’empiétement des instances laïques sur la juridiction ecclésiastique de rite grec et le contrôle défaillant du clergé sur les pratiques sociales des fidèles. L’intervention du grand-prince ne suffit pas à rétablir l’équilibre, car les plaintes des hiérarques et les rappels à l’ordre du souverain se répétèrent durant tout le XVIe siècle173.
57Pour autant, l’intrication entre la législation séculière et le droit ecclésiastique ruthène se maintint sous les princes catholiques polono-lituaniens. Elle apparaît notamment de manière croissante dans les trois Statuts lituaniens de 1529, 1566 et 1588174. Le premier des trois textes réglait ainsi la question des fondations données à un lieu de culte (sect. 5, art. 15) et, surtout, reliait la validité des témoignages dans les litiges fonciers à la pratique cultuelle des individus (sect. 8, art. 5) :
De même nous décrétons que comme témoins pour les affaires foncières et pour la confirmation du droit de possession de la terre ne peuvent être admis les juifs ni les Tatares, mais seulement des chrétiens de rite latin ou grec. Cependant, même parmi eux et pour des questions de la terre et de sa possession, doivent être admis en qualité de témoins seulement ceux qui furent annuellement à la confession auprès de leurs prêtres ou de leurs popes, qui reçurent la communion et qui jouissent d’une bonne réputation dans leur entourage, sans être mêlés à des vols ou des affaires de falsification. Parmi ces chrétiens, qu’ils soient de rite latin ou grec, ceux qui ne communient pas et ne vont pas à la confession ne doivent pas être admis comme témoins pour les affaires foncières175.
58Le Statut de 1566 répétait les mêmes dispositions et abordait, entre autres, la question des infanticides (sect. 11, art. 16). En dehors des peines séculières, le texte prévoyait une pénitence de quatre ans, accompagnée d’une repentance publique pendant les messes à l’église paroissiale de rite grec ou latin, selon l’obédience de l’individu. Enfin, le troisième Statut concernait directement l’Église ruthène avec l’insertion du texte de la Confédération de Varsovie, rédigé en janvier 1573 (sect. 3, art. 3). La conséquence principale de ce compromis, conclu avant l’élection d’Henri de Valois au trône de Pologne, était de soustraire implicitement la noblesse aux peines prononcées par les cours ecclésiastiques176. Celles-ci pouvaient toujours juger les fidèles in spiritualibus, mais n’avaient plus la possibilité de se saisir des biens ou de la personne d’un noble ainsi condamné. Dans le même temps, le texte acceptait de n’accorder les bénéfices des catholiques et orthodoxes qu’aux seuls fidèles de chacune de ces deux confessions. Pour les procès mixtes, entre la noblesse et le clergé, ce dernier voyait son privilège du for largement limité. Seules les affaires matrimoniales continuaient à relever de plein droit des tribunaux épiscopaux (sect. 5, art. 20), même si les litiges matériels, liés à une séparation, étaient ensuite renvoyés devant les tribunaux laïcs compétents177.
59Par conséquent, même si les nouvelles normes reprenaient partiellement la législation antérieure, elles renversaient la perspective juridique dans les rapports entre l’Église et la noblesse. Alors qu’auparavant l’appartenance confessionnelle et les pratiques religieuses de l’individu pouvaient décider de sa capacité d’accomplir certains actes du droit privé, désormais le statut social et les liens de dépendance personnels marquaient les limites de la justice ecclésiastique. L’Église ne pouvait plus poursuivre les individus condamnés pour les fautes qu’au nom de ses droits seigneuriaux sur ses dépendants directs. Ce recul des juridictions ecclésiastiques affecta d’autant plus l’Église de rite oriental qui ne jouissait pas des privilèges publics reconnus au clergé latin. Ainsi, à la veille des conflits internes, apparus dans les années 1590 dans la communauté ruthène, la hiérarchie épiscopale perdit ses moyens de contrôle institutionnel sur une grande partie des fidèles.
60Si la pluriconfessionnalité servait elle-même de prétexte à une certaine impunité dans la pratique, les abus provenaient aussi du dysfonctionnement interne du clergé, dû aux diverses raisons déjà évoquées. C’est pourquoi, parallèlement aux appels au souverain et aux négociations menées avec les seigneurs, les métropolites tentèrent d’édicter et d’appliquer les normes administratives de l’intérieur de leur institution, renouant avec la pratique ancienne des synodes ecclésiastiques.
Du droit canon aux décisions synodales
61L’activité des synodes métropolitains ruthènes reste mal connue178. Malgré de nombreux efforts, cette pratique ne fonctionna de manière régulière qu’à de très brèves périodes et à peine une dizaine de rencontres de ce type sont attestées pour l’ensemble de la période des XVe-XVIIIe siècles. Toutefois, cette rareté explique également l’importance accordée à ces événements. En effet, les rassemblements généraux de toute l’Église kiévienne – chez les orthodoxes comme chez les uniates – restèrent, de fait, une institution extraordinaire, convoquée généralement pour discuter et valider des réformes structurelles majeures du clergé. Parfois, lorsque celles-ci avaient des implications politiques évidentes, le souverain pouvait se charger de la convocation du synode, reprenant la pratique des premiers princes chrétiens de la Rus’ de Kiev179. Cette initiative du pouvoir laïc s’observe en 1415 à l’occasion de l’établissement d’une métropolie « lituanienne » de Kiev, en 1596 pour le synode de Brest, ou encore, à la fin des années 1620, dans les démarches qui accompagnèrent les préparatifs d’un synode commun entre uniates et orthodoxes, finalement avorté180. Pour autant, ces rencontres ne se limitaient pas à la seule volonté de renforcer le contrôle princier sur l’Église de rite grec, placée sous son autorité. Ainsi, le synode réuni à Navahrudak en 1415 et destiné à détacher la communauté ruthène de la juridiction du métropolite moscovite, joua un rôle important dans la tradition institutionnelle de la métropolie. En particulier, il accorda aux synodes provinciaux la fonction d’élire et d’introniser les métropolites ruthènes181. Nonobstant l’opposition des patriarches de Constantinople, puis les tentatives romaines de limiter cette autonomie locale, la prérogative se conserva longtemps dans la métropolie kiévienne et, au milieu du XVIIe siècle, servit d’assise au projet de créer un patriarcat ruthène autonome.
62Certains de ces synodes insistèrent surtout sur la réforme disciplinaire interne, comme ce fut le cas à Vilnius en 1509. La participation du clergé y fut toutefois inégale. Ainsi quelques parties de la métropolie n’étaient-elles représentées que par les évêques seuls qui firent le voyage vers la capitale métropolitaine. Parmi les archimandrites n’apparaissaient que des Lituaniens et seul l’archimandrite des Grottes de Kiev représentait les territoires méridionaux de la grande-principauté. Chez les archiprêtres, le localisme devenait encore plus visible, car ils étaient tous originaires de la partie septentrionale du diocèse métropolitain182. Ce constat explique partiellement la faible étendue des réformes entraînées par cette rencontre. Néanmoins, il a déjà été souligné précédemment que son influence dans la région de Vilnius eut des conséquences plus abouties.
63Les points abordés dans les décrets du synode renvoyaient, dans l’ensemble, à des thèmes récurrents de l’époque comme le choix et la consécration des candidats aux charges ecclésiastiques (canons 1-4), la discipline interne du clergé (canons 5-7, 12, 14) et les rapports entre la hiérarchie et les patrons laïcs (canons 8-11, 15)183. Certaines rédactions ajoutaient également deux décrets sur les obligations liturgiques des prêtres et un commentaire du deuxième canon du concile de Sardique, qui interdisait aux évêques de changer de diocèse sous prétexte d’avoir été élu par le peuple de l’autre cité184. Ce rajout – peut-être plus tardif – visait vraisemblablement à empêcher que les candidats à l’épiscopat ne se livrent à des arrangements avec les seigneurs laïcs et leurs dépendants pour obtenir leurs bénéfices.
64Un aspect plus original était évoqué dans le 13e canon. Celui-ci interdisait à des personnes laïques de détenir chez eux des recueils de droit canon car, disait le texte, certains individus n’hésitaient pas à les interpréter eux-mêmes pour enfreindre les règles et ne plus écouter leurs pasteurs. Ils devaient donc être frappés d’excommunication jusqu’à ce qu’ils rendent les livres concernés. Cette mesure, qui témoignait de la diffusion des textes canoniques en dehors du clergé, montrait que l’Église entendait se réserver non seulement l’usage mais également la connaissance du droit canon. Les travaux qui s’intéressèrent au synode de Vilnius de 1509 interprétèrent généralement ce passage de manière univoque et virent dans le terme « règles divines » (правила божественные) un renvoi direct aux nomocanons slavons185. Même s’il est indéniable que cette évocation concernait aussi ces compilations utilisées dans l’Église ruthène, il n’est pas certain qu’elles fussent l’objet principal des conflits. Il est tout aussi probable que l’épiscopat faisait ainsi allusion aux effets secondaires de l’« humanisme juridique » qui commença à émerger en Europe occidentale à la fin du XVe siècle186. En 1508, un an avant le synode, Guillaume Budé avait publié ses célèbres Annotations sur les Pandectes, qui assurèrent sa renommée et furent une étape fondatrice dans l’étude du droit romain à partir des textes grecs187. Si le nombre des lecteurs ruthènes de tels traités latins devait être très restreint, il serait exagéré de nier toute influence de ces nouveaux courants juridiques auprès des élites. Bien qu’aucune tentative de réviser les textes slavons ne semble avoir eu lieu à cette époque, certains orthodoxes connaissaient les débats philologiques contemporains et, à défaut d’y participer, percevaient incontestablement qu’il était difficile de considérer les traductions slavonnes du droit byzantin comme un texte immuable et dépourvu d’erreurs.
65Les canons du synode de Vilnius indiquent que le clergé local devait faire face aux attaques qui questionnaient non seulement son autorité institutionnelle ou sa position sociale dans la communauté, mais également sa compétence même dans le domaine spirituel et l’établissement des normes de conduite, imposées aux fidèles. L’Église ruthène était donc touchée à son tour – indirectement mais de manière précoce – par les nouveaux courants savants qui redécouvrirent massivement les sources circonscrites jusque-là au monde orthodoxe. Par conséquent, l’épiscopat kiévien, plus encore que ses voisins grecs ou moscovites, dut à la fois défendre sa place dans les structures locales du pouvoir, propres au contexte polono-lituanien, et, par un mimétisme des élites, trouver des réponses aux improbations nées dans les centres de l’érudition occidentale. Alors que le premier aspect resta une constante dans les discours réformateurs du XVIe siècle, à l’intérieur comme en dehors des cercles ecclésiastiques ruthènes, le second défi ne cessa de croître avec le temps, au point de culminer dans les conflits qui précédèrent l’Union de Brest dans les années 1590.
66La raison en est l’insuccès de toutes les initiatives réformatrices, menées par la hiérarchie ruthène de cette période. En effet, même s’il était difficile d’imputer aux évêques seuls les diverses tensions avec les pouvoirs laïcs ou le clergé latin, ceux-ci et leurs subordonnés étaient désignés comme les principaux responsables de la qualité médiocre des clercs orthodoxes et des abus disciplinaires que cela provoquait au quotidien. En 1566, parmi les requêtes présentées au roi de Pologne par la noblesse de Volhynie, les orthodoxes firent insérer une clause au sujet de la nomination des futurs évêques de Luc’k et des archimandrites de Žydyčyn188. Ils priaient ainsi le roi de ne nommer que les candidats qui seraient choisis et présentés par la communauté (поспольство) volhynienne « car des gens grossiers et illettrés, qui ne servaient jamais Sa Majesté le Roi ni la République, se rendant auprès de Sa Majesté le Roi, obtenaient ces revenus ecclésiastiques (хлебы духовные), les appauvrissaient et les détérioraient au détriment des églises de Dieu et des bourgades épiscopales ». La volonté de soumettre le clergé au contrôle des laïcs ressortait encore plus clairement d’un passage célèbre des Statuts de la confrérie orthodoxe de L’viv, confirmés en 1586 par le patriarche Joachim V d’Antioche189 :
Et si l’évêque lui-même rejette les véritables canons et administre l’Église en dépit des règles des saints apôtres et des saints Pères, pervertit les justes au profit de l’erreur, prête main-forte aux dépravés, tous devront s’opposer à un tel évêque, comme à un ennemi de la vérité. Et si quelque confrère était dénoncé à l’évêque, ce dernier ne doit pas agir seul, avant d’être rejoint par la confrérie, et l’assemblée des confrères aux côtés de l’évêque doit examiner les charges et les juger d’après les règles des saints Pères. […] Nous ordonnons que tous et partout obéissent à ladite confrérie de L’viv190.
67Il est intéressant de remarquer que le document abordait ensuite les problèmes de l’ivrognerie des prêtres et de la sorcellerie, largement traités dans les « nomocanons-pénitentiels » ruthènes191. Les confrères avaient donc recours à ces textes ou du moins possédaient une connaissance assez fine des normes qui y étaient abordées.
68Après le synode de Vilnius de 1509, dont les décisions restèrent limitées à la partie septentrionale du diocèse métropolitain, les sources mentionnent indirectement d’autres synodes provinciaux en 1514, 1540, 1546 et 1558192. La tenue de certaines de ces rencontres continue toutefois à relever de l’hypothèse, à l’exception de celles de 1514 et de 1546193. Plus sûrement, la rareté de la documentation relative à ces synodes et de leur évocation dans les textes postérieurs permet de supposer qu’ils n’eurent qu’une place restreinte dans l’évolution interne de l’Église ruthène.
69Cette pratique conciliaire locale se transposait également à l’échelle diocésaine. Toutefois, si les synodes convoqués par les évêques kiéviens sont attestés depuis la fin du XIIIe siècle, seuls les cadres formels de ces réunions sont connus194. En théorie, l’évêque devait réunir son clergé de manière annuelle, le premier dimanche du Grand Carême. Le choix de ce moment entendait célébrer l’enseignement de l’Église et correspondait à la Fête de l’Orthodoxie qui commémorait, depuis 843, la victoire sur l’iconoclasme195. L’étendue des territoires placés sous la juridiction des évêques ruthènes imposait parfois la tenue de plusieurs sessions synodales pour les différentes régions du diocèse. Cet usage apparaît notamment dans le diocèse de Polack à l’époque de Jozafat Kuncewicz196. Dès lors, l’existence de conditions semblables dans les autres évêchés, et en particulier dans le diocèse métropolitain, laisse supposer que les autres hiérarques recouraient également à de telles solutions197. Quels étaient alors le rôle et l’impact de ces réunions ecclésiastiques ?
70La rareté des données écrites amena certains historiens à proposer des hypothèses extrêmes et à prétendre qu’à la fin de la période médiévale les synodes diocésains ne furent plus convoqués et leurs fonctions récupérées par les clergés cathédraux des capitales diocésaines198. En réalité, l’empreinte documentaire laissée par les synodes reste insignifiante des origines jusqu’au milieu du XVIIe siècle et ne témoigne pas d’évolutions notoires199. Les seuls indices attestant de la fréquence de cette pratique, au moins jusqu’au XIIIe siècle, sont les documents pastoraux, inscrits dans les nomocanons slaves, et le lexique employé à cette occasion. En effet, la première semaine du Grand Carême apparaît parfois dans les sources sous le nom de « semaine synodale » (сборная), suggérant par là que ces réunions constituaient une norme à l’époque200. Toutefois, rien n’indique que celles-ci disparurent par la suite, car leurs mentions dans les nomocanons continuaient à être recopiées dans les rédactions du XVIe siècle, tout comme se maintint l’appellation de « dimanche synodal »201. De même, le synode provincial de Kobryn, réuni par le métropolite uniate en 1626, rappelait les devoirs pastoraux des évêques à l’occasion des synodes diocésains, présentés ici comme une pratique courante202. Cette remarque fournit peut-être une explication au silence documentaire. Il semblerait en effet qu’à la différence des synodes métropolitains, ceux convoqués localement par les évêques avaient prioritairement des fonctions administratives, disciplinaires et pastorales, mais ne disposaient pas véritablement de compétences législatives203. Ils étaient donc une institution censée contrôler le clergé et appliquer directement des normes déjà édictées, sans discuter leur contenu204. Le recours à l’écrit y fut longtemps limité à la rédaction d’éventuels registres ou d’actes judiciaires à la suite d’affaires disciplinaires. Le reste laissait une large part à l’oralité qui dominait les rapports entre l’évêque et ses subordonnés, entrainant un silence des archives ecclésiastiques.
71Par conséquent il s’avère difficile de savoir si l’Union de Brest fit renaître les synodes diocésains ou si elle les rendit plus visibles, à travers le face-à-face institutionnel entre uniates et orthodoxes ou par le rapprochement partiel des usages institutionnels latins. Même si cette évolution ne fut jamais linéaire et ne se généralisa qu’à partir du XVIIIe siècle, elle s’observe déjà au siècle précédent dans les deux Églises orientales concurrentes. Ainsi, dès la fin des années 1660, des constitutions rédigées firent leur apparition dans la pratique synodale de l’évêché orthodoxe de L’viv, à l’image des décrets promulgués par les prélats latins205. Ces évolutions administratives successives suggéraient que les deux hiérarchies ruthènes s’adaptaient tardivement aux défis nés des tensions réciproques, mais ne détenaient plus l’initiative dans le contrôle disciplinaire des fidèles.
Notes de bas de page
1 Voir les synthèses proposées dans Poloznev – Florja – Ščapov 2000 ; Florja – Ščapov 2000.
2 Florja – Ščapov 2000, p. 234.
3 L’altération de la forme клирос en крылос semble souligner les attributions liturgiques du clergé cathédral, notamment pour le chant, « aux côtés » de l’évêque. Dans le même temps, celui-ci intervenait dans l’administration diocésaine et siégeait au tribunal épiscopal. Grâce à leur position privilégiée, dans les grands centres urbains, ces clercs participaient aux relations entre les structures ecclésiastiques et les institutions princières, notamment à l’occasion des actions en justice (Ščapov 1989, p. 124-131 ; Skočyljas 2010, p. 454).
4 Skočyljas 2010, p. 456 ; Lotoc’kyj 1896, p. 1-34.
5 AZR, t. 2, n° 231, p. 398-400.
6 Florja 2007, p. 101-103.
7 Ščapov 1989, p. 130.
8 Ce droit entrait néanmoins en concurrence avec le patronage princier sur les chaires épiscopales. En 1589, Sigismond III accepta ainsi de confier l’administration des domaines ecclésiastiques, en période de vacance des bénéfices, au clergé cathédral et non à ses officiers laïcs. AZR, t. 4, n° 14, p. 16-19.
9 Les prêtres du клирос se partageaient la célébration des offices à la cathédrale et divisaient les contributions obtenues à cette occasion. À Vilnius, la nomination d’un nouveau prêtre était ainsi accompagnée de l’attribution d’un créneau pour officier à l’église cathédrale de la Très-Sainte-Vierge (AS, t. 6, n° 33, p. 47).
10 Florja 2007, p. 102. Pour le territoire des voïvodies de Vilnius et de Trakai, seul le клирос de Vilnius est bien connu et attesté depuis le XVe siècle. Il est cependant possible de considérer que le même type d’association existait à Hrodna qui, du moins au XVIIe siècle, servit fréquemment de résidence aux métropolites. La désignation de l’église de la Nativité de la Vierge comme « église métropolitaine » paraît consolider une telle hypothèse (RFA, t. 1, n° 44, p. 172 ; EM, t. 2, n° 38, p. 120).
11 Littéralement le terme намэстникъ pourrait être traduit par « lieutenant » ou « suppléant ». Il ne fut pas emprunté à la terminologie byzantine mais émergea avec le développement des structures locales, vraisemblablement sous l’influence des institutions laïques (Ščapov 1989, p. 71).
12 Ibid., p. 70.
13 Florja 2007, p. 92-93.
14 Ščapov 1989, p. 71.
15 Florja – Ščapov 2000, p. 235-236, 239 ; Skočyljas 2010, p. 474. La synthèse classique sur la question reste Kapterev 1874, p. 114-149. Boris Florja relève que, dans les évêchés ruthènes, les dernières mentions de la charge de décimateur datent de la fin des années 1560. Voir AZR, t. 3, n° 46, p. 148-149.
16 Przekop 1973.
17 Bieńkowski 1970, p. 808-812 ; Sägmüller 1898 ; Griffe 1927.
18 Andrzej Gil voit dans la structuration et la division de l’espace diocésain ruthène l’effet de l’attraction exercée par l’Église latine (Gil 1999, p. 134).
19 Voir la transmission des églises de la Nativité de la Vierge et de la Nativité du Christ de Trakai à Filip Iwanowicz Limont par l’archiprêtre de Vilnius, Jan Parfienowicz, le 4 juillet 1594 (ZDDA, P. 2, n° 57, p. 149-150).
20 Dans un euchologe de la métropolie de Kiev du début du XVIe siècle, il était précisé que le rituel d’investiture du nouveau prêtre dans sa nouvelle paroisse pouvait être accompli par un archiprêtre ou par un archimandrite (Marusyn 1966, p. 49-50). À la charnière des XVe-XVIe siècles, les nouveaux desservants de Vilnius pouvaient être investis aussi bien par des membres du clergé cathédral (vicaires du métropolite ou simples prêtres) que par l’archimandrite de la Sainte-Trinité Zosima (Izosim) (AS, t. 6, n° 4, p. 8-10).
21 Par analogie, dans la lettre pastorale d’un métropolite moscovite de Kiev, datée de la seconde moitié du XVe siècle, il était rappelé aux clercs qu’ils devaient suivre les enseignements de l’archiprêtre pour « toute affaire […] et pour le service divin » (cité dans Skočyljas 2010, p. 467-468 ; texte original dans RFA, t. 1, n° 44, p. 181-182).
22 RIB, t. 4, p. 8.
23 L’archiprêtré apparait ainsi dans les Règles pour les prêtres de l’archevêque Jozafat Kuncewicz, rédigées au début des années 1620. SJH, t. 1, p. 244.
24 Voir supra.
25 Mironowicz 1991, p. 70-71. Son titulaire était généralement nommé « archiprêtre de Podlachie ».
26 EM, t. 2, n° 81, p. 302-329. Pour l’archevêché de Polack, les Règles pour les prêtres mentionnent déjà dix-huit archiprêtrés sur l’ensemble du territoire diocésain (SJH, t. 1, p. 244).
27 Cette structure est restée relativement stable puisqu’elle se retrouve inchangée au XVIIIe siècle : EM, t. 4, n° 31, p. 294-303.
28 Lisejčykaw 2009, p. 32-54.
29 Seul l’archiprêtre d’Ašmjany est mentionné précocement en 1628 (LMAB, F. 264, n° 82, f. 1r). En 1648, un document évoque également un archiprêtre de Lida (Kušnjarevič 1993, p. 72-73).
30 Markava était la capitale du district princier connu depuis la fin du XVe siècle (Ljubavskij 1892, p. 98-99). L’archiprêtre de Markava est mentionné plusieurs fois au XVIe siècle : 1509 (RIB, t. 4, p. 8), 1530 (LMAB, F. 256, n° 1896) et 1576 (VS, t. 5/1, n° 44, p. 58). Le document de 1576 amena Aleksej Sapunov, et beaucoup de ses successeurs, à rattacher l’archiprêtre de Marakava à un faubourg homonyme de Vicebsk (dans le diocèse de Polack), où un important monastère orthodoxe fut fondé par la suite, vers 1633. Cependant plusieurs indices montrent que cette indentification ne peut qu’être erronée. La première mention d’un archiprêtre de Markava renvoie ainsi au synode de Vilnius de 1509, où tous les autres clercs séculiers mentionnés étaient originaires du diocèse metropolitain. De même, la charte royale de 1576 indique explicitement que l’archiprêtre évoqué était un noble du district d’Ašmjany (dans lequel se trouvait le bourg de Markava).
31 Florja – Ščapov 2000, p. 239 ; Gil 1999, p. 135 -139 ; Mironowicz 1991, p. 70-71.
32 Florja 2007, p. 102.
33 Kapterev 1874, p. 108-114. Ces personnages étaient souvent issus des proches du hiérarque, comme en témoigne l’exemple de l’archimandrite Akakij, envoyé comme vicaire à Kiev dans les années 1450 et désigné comme protosyncelle (dans le texte il est dit littéralement « avoir partagé la cellule du métropolite ») : RFA, t. 1, n° 57, p. 198.
34 RFA, t. 1, n° 44, p. 172-173. Jusqu’en 1458, les hiérarques qui résidaient à Moscou et conservaient la titulature de métropolites « de Kiev et de toute la Rus’ » continuaient à exercer leur juridiction sur les diocèses orthodoxes polono-lituaniens. Le texte, qui se présente comme un formulaire, a été interprété différemment par Boris Florja et par Mykhajlo Hruševs’kyj (IUR, t. 5, p. 475). Pour le premier, il s’agit d’une nomination pour le vicariat de Kiev, alors que le second affirme que l’archidiacre (протодиакон) Mikhail fut nommé à Vilnius. La lecture du texte montre en réalité que l’ecclésiastique obtenait le pouvoir d’intervenir dans l’ensemble de la métropolie : « à Kiev, à Vilnius, à Navahrudak, à Hrodna et dans toutes les villes et bourgades, et dans les villages, où se trouvent [les] églises métropolitaines […] ».
35 Gil 1999, p. 134 ; Skočyljas 2010, p. 464. À Vilnius, l’association de ces deux fonctions est mentionnée pour la première fois en 1542 (MVKL 28, n° 23, p. 73).
36 La preuve en est donnée par l’exemple déjà évoqué de l’archimandrite Akakij, nommé vicaire à Kiev, à la place de David, sommé de rentrer à Moscou par le métropolite Iona (RFA, t. 1, n° 57, p. 198).
37 RIB, t. 4, p. 8.
38 Skočyljas 2010, p. 537-543.
39 Rybinskij 1891, p. 38-52.
40 L’archiprêtre de la Dormition Jakub Gułkewicz (1556-1558), l’archiprêtre de Sainte-Sophie Atanazy Odonej (vers 1590) et un autre archiprêtre de Sainte-Sophie Jan (vers 1594).
41 Parfois, dans les évêchés périphériques, des vicariats étaient attribués à des archiprêtres des bourgades qui n’étaient pas des sièges épiscopaux. Andrzej Gil mentionne ainsi le cas de Bus’k et de Szczebrzeszyn (Gil 1999, p. 134).
42 Un important dossier documentaire provient des sources issues du synode orthodoxe de Brest qui rassembla, en octobre 1596, les opposants à l’Union. Dans les actes rédigés et signés lors de cet événement, sont inscrits les noms des différents ecclésiastiques et laïcs, qui prirent part à la rencontre. À côté des vingt-et-un archiprêtres, y figurent cinq vicaires, originaires des diocèses ruthènes de L’viv et de Przemyśl. L’absence de toute autre titulature pour les vicariats, situés – à l’exception de Sambir – dans des villes secondaires du diocèse de L’viv, pourrait ainsi suggérer qu’ils possédaient un statut propre, sans lien direct avec les archiprêtrés (RIB, t. 19, p. 374-375 et Tymošenko 2007).
43 AZR, t. 1, n° 152, p. 174-175. En effet, sous le métropolite Makary (1495-1497), l’un de ses vicaires fut Antoni, l’un des membres du клирос et prêtre de l’église de la Résurrection (AS, t. 6, n° 4, p. 8). Ce document montre toutefois que la charge n’était pas réservée à l’archiprêtre et était souvent accordée à d’autres desservants de la ville.
44 Voir Skočyljas 2005.
45 Nowicki 2010 ; Erdő 2016, p. 435-436. Pour un aperçu du fonctionnement des officialités dans l’Église latine voir Lefebvre-Teillard 1973 ; Beaulande-Barraud – Charageat 2014.
46 Voir l’exemple du vicaire de Kam’janec’-Podil’s’kyj (AJuZR, P. 1, t. 10, n° 5, p. 12-13). En 1610-1611, le terme apparaît déjà en ruthène, sous sa forme translittérée « офицыял », pour le vicaire uniate de Kiev Antoni Grekowicz (Akty JuZR, t. 2, n° 36, p. 58-60 ; AJuZR, P. 1, t. 6, n° 156, p. 399-402).
47 Erdő 2016, p. 437. Pour les attributions des vicaires généraux voir Fournier 1940.
48 AS, t. 6, n° 39, p. 55 ; AZR, t. 4, n° 41, p. 59-61 ; AZR, t. 4, n° 116, p. 158.
49 Voir RGIA, F. 823, inv. 3, n° 67, f. 4-5 ; AS, t. 6, n° 72, p. 158-160.
50 OR RNB, F. 678, n° 26, f. 9r (publié dans AZR, t. 4, n° 153, p. 240-241). Il s’agissait en réalité de confirmer son statut, car Atanazy Harasimowicz avait déjà obtenu l’achiprêtré de Sluck du métropolite Rahoza dès 1598, mais n’avait pas pu exercer sa charge en raison de l’opposition du clergé local (AZR, t. 4, n° 133, p. 186-187). Voir Degiel, 2000, p. 35.
51 « посылае(м) до ва(с) протопопу нашего слу(ц)кого о(т)ца Афанасия Гарасимовича свещеника спа(с)кого нико(л)ского слу(ц)кого росказавшы ему межи вами пересмо(т)рыти вшеляки(х) справъ и пора(д)ковъ, то е(ст) служебнико(в) крещения ве(н)ча(н)я и исповеди и и(н)шых справа(х) духовны(х), давшы ему мо(ц) во все(м) то(м). Вы бы [...] того протопопу слу(ц)кого яко наме(ст)ника нашого прымуючы его з у(ч)тиво(ст)ю до це(р)кви пусчали и пора(д)ковъ це(р)ковны(х) давшы ему пересмо(т)рывати ». Les registres du tribunal territorial de Hrodna, datés de 1540, montrent également que la juridiction de l’archiprêtre et vicaire local était alors compétente pour les affaires matrimoniales des fidèles de la ville (AVAK, t. 17, n° 196, p. 78).
52 Dmitriev 2003, p. 89-90 ; Florja 2004. Józef Sołtan commença par réaffirmer sa juridiction sur l’ensemble du territoire, en rétablissant la mention de l’ancien siège de Halyč dans la titulature métropolitaine (Skočyljas 2010, p. 176). Auparavant, les métropolites ruthènes étaient désignés comme « métropolites de Kiev et de toute la Rus’ ».
53 En 1511, sur mandat du métropolite, l’évêque voisin de Chełm fut chargé d’effectuer une visite pastorale du territoire de Halyč (Skočyljas 2010, p. 176).
54 AS, t. 6, n° 4, p. 5-12.
55 Ibid., p. 7.
56 Ibid., p. 11.
57 Skočyljas 2010, p. 474.
58 Ibid., p. 177-178.
59 Ibid. Voir également AZR, t. 2, n° 141, p. 168-169. La lettre du métropolite précisait également les districts qui rentraient dans la juridiction du vicaire (Halyč, L’viv, Kam’janec’-Podil’s’kyj, Medžybiž, Snjatyn, Kolomyja et Žydačiv).
60 Les détenteurs des principaux vicariats avaient parfois tendance à cumuler plusieurs fonctions. Ainsi, en 1596, le moine Joachim Morochowski apparaît avec la titulature de « vicaire et juge public de l’évêché de Volodymyr et de Brest, archiprêtre de Kobryn [намэстникъ и судiя посполитый Володимирской и Берестейской епископiи, протопопа Кобрынскiй] » (AS, t. 6, n° 128, p. 306).
61 Ihor Skočylas estime cependant que les circonscriptions des vicaires généraux (appelés également « officialités ») étaient déjà en place dans le diocèse orthodoxe de L’viv dès les années 1540 (Skočyljas 2010, p. 547).
62 AZR, t. 4, n° 175, p. 262-263. Dans sa lettre aux magistrats de Vilnius, du 28 septembre 1608, le métropolite Pociej expliquait clairement qu’il souhaitait transposer dans son Église une institution qui ressemblerait aux officiaux latins (VZR, 6/5, 1868, p. 44).
63 Ibid.
64 OAM, t. 1, n° 429, p. 169 ; Gil 2003, p. 78. La charge de représentant uniate à Kiev, accordée en janvier 1610 à Antoni Grekowicz, n’était pas cependant un vicariat général au sens strict (DIU, n° 37-39, p. 341-343). Malgré l’importance de ses fonctions, il fut nommé archiprêtre et « vicaire de Kiev », sans que ses compétences s’étendissent à l’administration des biens temporels. La lettre du métropolite Pociej précisait ainsi que Grekowicz devait agir en commun, avec l’avoué métropolitain Walerian Chruśliński (DIU, n° 38, p. 342). Plus tard, il ne put exercer des fonctions plus étendues que par un mandat exceptionnel du métropolite, quand en juillet 1613 celui-ci le chargea d’effectuer une révision générale des domaines métropolitains, suite aux exactions commises par l’avoué Chruśliński lui-même et d’autres propriétaires laïcs de la région (DIU, n° 54, p. 352). Le statut d’Antoni Grekowicz, qui se qualifiait pourtant d’« official », s’apparentait donc à celui de Jan Parfienowicz à Vilnius, avec des attributions limitées aux affaires spirituelles de l’Église ruthène. En effet, après l’assassinat de Grekowicz, le 23 février 1618, la lettre métropolitaine qui jetait l’interdit sur toute la communauté ruthène de Kiev le désignait encore comme « vicaire métropolitain pour les affaires spirituelles [намэстникъ наш в делех духовных] » : DIU, n° 66, p. 358-359. Ce statut réduit pourrait s’expliquer par la volonté du métropolite uniate d’éviter un conflit comme celui survenu à Vilnius, dans les années 1608-1609. En effet, la voïvodie de Kiev restait encore peu acquise à l’Union et il aurait été d’autant plus hasardeux de confier toute l’administration à un personnage extérieur à la communauté kiévienne. La coopération entre le vicaire et l’avoué, recruté parmi la noblesse locale, devait ainsi limiter la confrontation avec les laïcs ruthènes de la région.
65 OAM, t. 1, n° 434, p. 170-171 ; EM, t. 2, n° 6, p. 13 ; Gil 2005a, p. 137. Néanmoins, à cette époque, le nom exact de cette charge ne fut pas fixé de manière définitive. En effet, une mention du XVIIIe siècle indique que le supérieur basilien Sylwester Kotłubaj exerçait, au milieu des années 1630, la fonction de generalis procurator causarum et bonorum illustrissimi metropolitani (AS, t. 10, n° 43, p. 336).
66 En 1608, Józef Rutski était moine au monastère de la Sainte-Trinité de Vilnius, où il devait assurer la fonction d’économe (« маетъ личбу росходовъ и приходовъ чинити ») avant de recevoir l’année suivante la nomination à l’archimandritat (AZR, t. 4, n° 175, p. 263 ; AS, t. 6, n° 66, p. 132-133). De même, le vicaire Atanazy Pakosta était également higoumène à Minsk (OAM, t. 1, n° 392, p. 158).
67 Likowski 1906, t. 1, p. 265-267.
68 AZR, t. 2, n° 185, p. 138.
69 L’un des premiers à porter ce titre fut Józef, mentionné en 1499 comme « métropolite de Kiev par expectative » (нареченый митрополитъ Киевский и всея Руси) : ALM, t. 1/2, n° 457, p. 14. Dans ce cas, la formule indiquait simplement que le métropolite nommé par le roi n’avait pas encore reçu la consécration patriarcale. Le terme apparaît ensuite à Chełm (AVAK, t. 19, n° 6, p. 356), à Przemyśl (AZR, t. 3, n° 146, p. 290), à Pinsk (OAM, t. 1, n° 38, p. 22, AJuZR, P. 1, t. 1, n° 7, p. 24), à Polack (AI, t. 1, n° 168, p. 320) ou à Volodymyr (AJuZR, P. 1, t. 6, n° 36, p. 73).
70 Le 19 août 1569, Teodor Lahowski fut nommé par le roi « coadjuteur » de Chełm. En 1595, le titre est mentionné pour Grzegorz Zagorski et Jan (Iwan) Bałaban, respectivement pour les diocèses de Polack et de L’viv (AZR, t. 4, n° 64, p. 91 ; SHRM, n° 185, p. 472-473).
71 En 1585, Dionizy Zbirujski est ainsi nommé dans un acte du tribunal châtelain de Chełm : nominatus wladica Chelmensis (AVAK, t. 19, n° 392, p. 304).
72 Entre 1504 et 1507, le notaire royal Iwaszko Sosnowski, nommé évêque par expectative sur le siège de Chełm, garda ainsi son statut laïc et continua même à vivre avec son épouse, tout en administrant le diocèse. Après avoir été démis de son bénéfice, entre 1507 et 1533, il finit par récupérer le titre épiscopal et reçut la consécration cléricale sous le nom de Jonasz (Ploščanskij 1899, p. 103-104, 129-131). Voir également les cas d’Andrzej Rusin à Pinsk (AJuZR, P. 1, t. 1, n° 7, p. 24) ou celui d’Arseniusz Bryliński à Przemyśl (AZR, t. 3, n° 146, p. 290).
73 AZR, t. 3, n° 146, p. 290
74 AVAK, t. 19, n° 217, p. 149.
75 Ibid.
76 Pour le contexte de cette nomination voir Skočyljas 2010, p. 541-544.
77 Poloznev – Florja – Ščapov 2000, p. 211 ; Skočyljas 2010, p. 178-182. Voir AZR, t. 2, n° 201, p. 364-365 ; SHRM, n° 57, p. 145-146 ; AJuZR, P. 1, t. 10, n° 11, p. 21.
78 SHRM, n° 57, p. 145.
79 Ščapov 1989, p. 70. Avant d’être consacré évêque, Makary Tuczapski avait d’ailleurs été vicaire général du métropolite à L’viv : AZR, t. 2, n° 185, 193, p. 338, 349-350.
80 Skočyljas 2010, p. 218-220.
81 La position prestigieuse du siège de Halyč se fondait également sur la mémoire de la promotion de cette capitale ecclésiastique au rang métropolitain, accordée en 1303 par le patriarche Athanase Ier de Constantinople. Le contexte de cette création est analysé en détail dans Skočyljas 2010, p. 195-210.
82 Akty JuZR, t. 2, n° 43, p. 68.
83 La charte de confirmation, donnée par le métropolite, montre que les attributions du coadjuteur étaient présentées de manière quelque peu différente : « exécuter tout ce qui relève de la charge épiscopale, à savoir consacrer les prêtres et les diacres et les juger » (AZR, t. 4, n° 185, p. 429).
84 Néanmoins, un cas particulier concerne Melecjusz Smotrycki. Après son adhésion à l’Union, il ne pouvait plus exercer sa charge d’archevêque de Polack, obtenue en 1620, car elle était déjà conférée au prélat uniate Antoni Sielawa. Le métropolite proposa de lui transférer la titulature de Halyč, mais Urbain VIII choisit finalement de nommer Smotrycki évêque in partibus infidelium de Hierapolis.
85 Le titre accordé à Rafał Korsak apparaît pour la première fois en septembre 1626 : EM, t. 2, n° 81, p. 56. Il fut toutefois le dernier à être nommé évêque uniate de Halyč et les autres coadjuteurs métropolitains du milieu du XVIIe siècle furent choisis parmi les hiérarques des diocèses lituaniens de Pinsk ou de Polack. Ainsi, Korsak garda son titre de « coadjuteur métropolitain », après avoir été consacré évêque de Pinsk en 1632 (OAM, t. 1, n° 651, p. 240). Voir Skočyljas 2010, p. 219 ; Blažejovs’kyj 1996, p. 250-251.
86 Vicebsk était alors l’un des sièges de l’archevêché de Polack. OAM, t. 1, n° 407, p. 163 ; Blažejovs’kyj 1996, p. 281.
87 OAM, t. 1, n° 515, p. 193 ; MUH, t. 9-10, n° 761, p. 889.
88 En 1653, le métropolite Antoni Sielawa déjà gravement malade choisit Gabriel Kolenda comme son coadjuteur et futur successeur pour l’archevêché de Polack. Pour cela, il prépara un document qui définissait clairement les attributions de celui-ci (VS, t. 5/1, n° 120, p. 221-225). Le premier point indiquait ainsi que Kolenda devait « ordonner les prêtres, consacrer le saint chrême et les églises, convoquer les assemblées ou synodes diocésains, de manière annuelle et alternée, l’une à Polack et l’autre à Vicebsk [...] ».
89 La transformation institutionnelle se fit vraisemblablement à la fin des années 1610, peut-être à la demande de la Curie romaine. Encore en 1618, l’higoumène de Minsk, Atanazy Pakosta, avait pu être désigné comme coadjuteur de l’évêché de Pinsk, sans être consacré évêque. Un an plus tard, au moment de monter sur le siège épiscopal de Chełm, il dut recevoir la consécration des mains du métropolite, assisté des autres évêques ruthènes. Voir OAM, t. 1, n° 424, p. 167-68 ; EM, t. 1, n° 19, p. 66-67.
90 Cité dans Dymyd 2000, p. 121-122. Traduction d’après l’original publié dans EM, t. 1, n° 16, p. 63.
91 Blažejovs’kyj 1996, p. 230, 272, 282.
92 Voir le cas de la Podlachie (Mironowicz 1991, p. 175-260).
93 Voir Degiel 2000.
94 Ibid., p. 32-41. Après 1596, les seuls évêques qui continuaient à reconnaître l’autorité constantinopolitaine étaient ceux de L’viv et de Przemyśl. Après la mort de ce dernier en 1609 et jusqu’en 1620, le hiérarque de L’viv resta l’unique évêque orthodoxe pour l’ensemble du territoire polono-lituanien.
95 AZR, t. 4, n° 21, p. 28-29. Ce titre avait été accordé par le patriarche Jérémie II à l’évêque de Luc’k-Ostroh, Cyryl Terlecki, qui fut ensuite l’un des principaux artisans de l’Union.
96 Malyševskij 1872, t. 2, n° 17, p. 44-60. Voir également le texte grec dans Papadopulos-Kerameus 1909, n° 16, p. 432.
97 Lukaris arriva dans la République en juillet 1594 et séjourna à Ostroh et à L’viv, avant de s’installer à Vilnius au début de l’année suivante (Rozemond 1974, p. 6-7 ; Tymošenko 2011).
98 Nestor Kuźminicz avait déjà obtenu la charge d’« exarque pour la métropolie de Kiev » – équivalente à celle de Cyryl Terlecki – peu avant la proclamation de l’Union (MCSL, t. 1/1, n° 435, p. 753).
99 AZR, t. 4, n° 179, p. 313-314.
100 L’un des meilleurs exemples est le cas de deux prêtres de la confrérie orthodoxe de Vilnius, Grzegorz Żdanowicz et Karp Łazarowicz, ordonnés par Gedeon Bałaban en 1601 (RGIA, F. 823, inv. 1, N°245, fol. 1r ; Kempa 2004, p. 55).
101 Voir l’affaire d’Antoni Grekowicz en 1605 (Golovackij 1859, p. 7).
102 Un aperçu de l’activité de cette institution est donné dans Navroc’ka 2009.
103 AZR, t. 5, n° 5, p. 9-10. L’évêque orthodoxe disposait de vicaires diocésains. Deux d’entre eux sont mentionnés pour le XVIIe siècle : Kalikst Zaleński et Hieron Klimowicz (AS, t. 5, n° 22, p. 125).
104 AZR, t. 5, n° 5, p. 9.
105 L’un de ses voyages, en 1635, est rapporté par le métropolite uniate Józef Rutski (EM, t. 1, n° 179, p. 325-328. Golubev 1883-1898, t. 2, p. 494-497).
106 AVAK, t. 8, n° 58, p. 120. Il est possible que des vicaires métropolitains aient pu exercer leurs fonctions dès 1633 sur une partie du territoire lituanien. Ainsi, un certain père Teofil est mentionné cette même année comme « résident du métropolite » à Bielsk, non loin de la frontière de la grande-principauté (Golubev 1883-1898, t. 1, n° 89, p. 538-539 ; Ibid., t. 2, p. 487-488 ; Ibid., t. 2, n° 8, p. 28-32).
107 Degiel 2000, p. 38, 57-69 ; Mironowicz 1997a.
108 Degiel 2000, p. 73-78.
109 En 1645, le métropolite Piotr Mohyła enleva à l’archimandrite de Sluck, Hilary Dorofiejewicz Bołoceński, le droit de juger le clergé séculier (Degiel 2000, p. 58).
110 Golubev 1883-1898, t. 2, p. 498-499. L’institution avait été formée d’après l’exemple de la curie épiscopale latine, connue également sous le nom de « consistoire » (konsystorz), qui dans une acception réduite désignait parfois le tribunal de l’évêque. Malheureusement, le fonctionnement de cette institution est étudié surtout pour le XVIIIe siècle, après le passage de Kiev sous la juridiction du patriarcat de Moscou (Prokopjuk 2008).
111 Golubev 1883-1898, t. 2, p. 485-486.
112 Ibid., t. 2, n° 67, p. 275-277. Son travail était intitulé Przyczyny porzucenia disuniey Przezacnemu narodowi Ruskiemu podane a Iaśnie Wielmożnemu Przewielebnemu Panu Iego Mości Panu Abrahamowi Woynie z Bożey y Apostolskiey Stolice łaski Biskupowi Wileńskiemu Patronowi y Dobrodzieiowi swemu ofierowane od Theodora Skuminowicza [Les raisons de l’abandon de la désunion, présentées au Très Vertueux peuple ruthène et offertes au Très Puissant et Très Révérend Père Sa Grâce le Seigneur Abraham Wojna, évêque de Vilnius par la grâce de Dieu et de la Capitale Apostolique, son Patron et Bienfaiteur, par Teodor Skuminowicz].
113 Skočyljas 2010, p. 450.
114 Florja 2007, p. 102.
115 Telle était la définition donnée en 1671 par le métropolite uniate Gabriel Kolenda : Archipresbiteri sunt iudices primae instantiae presbiterorum, quos quisque habet sub se (EM, t. 2, n° 81, p. 304 ; cité dans Skočyljas 2010, p. 464).
116 Pour les différents usages du mot namiestnik aux XVIe-XVIIe siècles, voir SP, t. 16, p. 16-18.
117 Rybinskij 1891, p. 41-45 ; AZR, t. 2, n° 97, 195, p. 120-123, 352-354.
118 AJuZR, P. 1, t. 6, n° 7, p. 13-14 ; Akty JuZR, t. 1, n° 238, p. 300-301.
119 DIU, n° 38, p. 342.
120 Voir infra.
121 DIU, n° 92, p. 372-373 ; AJuZR, P. 1, t. 6, n° 250, p. 618-620 ; Golubev 1883-1898, t. 1, n° 87, p. 530-535. D’après Adam Boniecki, Rutski et Marcin Korsak étaient des cousins issus de germains par la mère du métropolite – Bohumiła Korsak (Boniecki – Reiski 1899-1913, t. 11, p. 167).
122 DIU, n° 17, 22, 27, p. 332, 334-336.
123 DIU, n° 19, 55, 75, 84, 93, p. 333, 352-353, 362-363, 367-368, 373-374 ; OAM, t. 1, n° 330, p. 138-139.
124 Cette distinction apparaît dans les sources en 1539 et de nouveau en 1624 : AZR, t. 2, n° 195, p. 352-354, DIU, n° 84, p. 367-368. Les « intendants » (тивунъ) ecclésiastiques existaient également en Moscovie (Kapterev 1874, p. 150-160).
125 Rybinskij 1891, p. 42 ; AVAK, t. 20, n° 212, p. 277.
126 AVAK, t. 9, n° 57, p. 157-158 ; AVAK, t. 20, n° 212, p. 277 ; AS, t. 6, n° 138, p. 342.
127 Dans les années 1590-1610, le monastère de la Nativité de la Vierge de Trakai et les autres églises de la ville furent ainsi administrés par un « tuteur » (опекунъ) laïc – Jan Iwanowicz Baka (AS, t. 2, n° 90, p. 154 ; AVAK, t. 12, n° 123, p. 541-547).
128 AS, t. 9, n° 22, 36, p. 61-62, 94, 111-114.
129 AVAK, t. 8, n° 46, p. 95-97. Cette charge se rattachait au droit de patronage exercé par la municipalité ruthène de Vilnius sur le monastère (AZR, t. 4, n° 35, p. 52).
130 Kempa 2004, p. 59-61.
131 Ibid. ; AVAK, t. 8, n° 48, p. 100-101.
132 Voir l’exemple de Kiev (DIU, n° 54, p. 352).
133 AVAK, t. 20, n° 173-174, p. 226-228.
134 AZR, t. 2, n° 51, p. 62-63.
135 AS, t. 6, n° 10, p. 19-20.
136 AZR, t. 2, n° 77, p. 100-101.
137 L’institution du tribunal ecclésiastique dans l’Église kiévienne est encore peu étudiée. Seule la période médiévale et la pratique moscovite ont été traitées en détail dans Nikiolaj 1917. Le cas ruthène est abordé brièvement dans Navroc’ka 2010 et Skočyljas 1999.
138 Voir Wal – Lokin 1985.
139 Gallagher 2002 et Bondč 2007.
140 Ščapov 1978a, p. 49-88. Pour autant, l’une des premières traductions slaves du nomocanon fut réalisée par l’« apôtre des Slaves » Méthode d’après la compilation de Jean le Scholastique. (Ščapov 1978b).
141 Ščapov 1978a, p. 100.
142 Lotoc’kyj 1931, p. 77-79 et Ščapov 1978a, p. 88-100. Les premiers métropolites et évêques de la Rus’ étaient fréquemment des Grecs pouvaient donc consulter directement les sources byzantines. Toutefois, pour rendre ces règles accessibles à leurs subordonnés et aux représentants de la puissance laïque, ils recourraient aux traductions établies dans le royaume de Bulgarie au cours des IXe-Xe siècles. Celles-ci avaient été faites d’après le texte grec du Syntagma de troisième rédaction – une version du Nomocanon e XIV titres datée de la fin du VIIIe siècle. Au moment de sa réception dans la Rus’, son contenu s’avérait déjà moins complet et moins ordonné par rapport aux normes alors en place dans l’Empire byzantin.
143 La plus ancienne rédaction kiévienne conservée, appelée Nomocanon d’Efrem, date du XIIe siècle. Elle est éditée dans Beneševič 1906.
144 La désignation provient du mot кормчий (pilote de navire). Toutefois la traduction proposée par Pierre Pascal et souvent reprise par d’autres auteurs de « livre-pilote » paraît peu adaptée à la nature du texte et reste opaque quant au sens (Roty 2010, p. 56). Nous proposons donc de traduire l’ensemble par « guide ». Ihor Skočyljas rappelle par ailleurs que ces livres étaient appelés également « Règle » par les contemporains (правило ou законоправило) (Skočyljas 2010, p. 371).
145 Ščapov 1978a, p. 117-158. La préparation de la traduction serbe est généralement attribuée à l’archevêque de Peć, Sava, même si le travail fut vraisemblablement initié par les moines du Mont Athos. Le texte fut ensuite transmis à Kiev par l’intermédiaire du despote de Vidin Jakov Svetoslav.
146 Ibid., p. 153.
147 Ibid., p. 244, 247-248 ; Lotoc’kyj 1931, p. 84.
148 Cypin 2001.
149 Panev 2003.
150 Moškova 2005.
151 Bogdan 1971 ; Turilov 2010, p. 152. La rédaction moldave du XVIe siècle tenta de corriger les maladresses antérieures, introduisant un classement en accord avec l’alphabet slave.
152 Skočyljas 2010, p. 371 qui reprend les informations de Žužek 1964. En 1599, le nomocanon copié à Starokostjantyniv en 1599 par Piotr Janewski, répondait ainsi à la commande de l’archiprêtre local Andrzej Myszyński (Kraljuk 2011a).
153 Lotoc’kyj 1931, p. 81 ; Pavlov 1897, p. 484.
154 Žužek 1964, p. 52.
155 Pavlov 1885.
156 La préface et l’index, préparés par Bazyli, furent utilisés par la suite pour l’édition du nomocanon, imprimée à Moscou dans les années 1649-1653.
157 Pavlov 1897, p. 55-59. En 1639, dans son édition moscovite, ce texte fut ajouté au Grand Euchologe et garda par la suite ce qualificatif.
158 Ibid., p. 55. L’influence balkanique dans l’édition kiévienne de 1620 s’observe dans la présence de nombreuses déformations linguistiques propres à la langue serbe.
159 Plus généralement, le texte se référaient à de nombreuses sources, depuis les canons des conciles jusqu’aux « règles » monastiques de Basile le Grand ou de Théodore Studite (Lotoc’kyj 1931, p. 90-91).
160 Pavlov 1897, p. 56.
161 Ibid., p. 94-97. La seconde édition de 1624, préparée par Zachariasz Kopysteński, souligna l’origine athonienne du recueil et veilla à corriger la langue du texte.
162 Ce nomocanon recensait les fautes et les punitions correspondantes mais n’avait pas la forme d’un manuel pratique du confesseur. Pour cela, le clergé disposait d’autres textes appelés « questionnaires » (вопросники) ou « révisions » (поновления). Ils sont connus depuis le XIVe siècle et étaient généralement insérés dans les euchologes (Almazov 1894, Korogodina 2006).
163 Skočyljas 2010, p. 370.
164 Pluguzov 1994 ; Beljakova 2006 et 2008.
165 Ainsi, le travail de Patrikeev s’insère dans le conflit entre « possesseurs » et « non-possesseurs », avec une défense de ces derniers. Pour cette raison, il fut condamné au synode moscovite de 1531 et son travail considéré comme une « perversion » des compilations canoniques officielles (Klimov 2006).
166 Ščapov 1972.
167 Les différentes rédactions des deux Statuts sont publiées dans Juškov – Zimin 1952, p. 235-285 et Ščapov 1976, p. 12-139.
168 Ščapov 1972, p. 315.
169 AZR, t. 1, n° 166, p. 189-192.
170 La première mention du Statut de Jaroslav dans les sources lituaniennes date de 1443 : AZR, t. 1, n° 43, p. 57-58. Cette rédaction abrégée est connue sous le nom de Rouleau de Jaroslav (Свиток Ярославль).
171 En décembre 1503, les articles du Statut de Jaroslav, dans sa version de 1499, furent confirmés également au profit de l’archevêque de Polack (Ščapov 1976, p. 191-193).
172 Juškov – Zimin 1952, p. 275-276.
173 Florja 2007, p. 105-108.
174 La question de la place du clergé de rite grec dans la législation de l’État polono-lituanien manque toujours d’étude détaillée. Nous renvoyons donc le lecteur à Litwin 1996 et à Ćwikła 2006a ainsi qu’aux conclusions de Gerlach 1923.
175 VKLe, t. 3, p. 456.
176 Brüning 2008a. Cette disposition annulait de fait les articles relatifs à l’appartenance confessionnelle des témoins, qui n’apparaissaient plus dans le Statut de 1588.
177 Gerlach 1923, p. 212-219.
178 Bulgakov 1917 ; Martynowicz 2009.
179 Lotoc’kyj 1931, p. 105-134.
180 Chodynicki 1934, p. 37-41 ; DUB, n° 214, p. 309-312 ; Bulgakov 1917, p. 151-181 ; Khoma 1973 ; Žukovič 1911 ; Sysyn 1979-1980.
181 Les évêques kiéviens justifiaient leur démarche par les règles issues des canons apostoliques et les pratiques existantes dans les Églises orthodoxes des Balkans (RIB, t. 6, p. 311-312).
182 RIB, t. 4, p. 7-8.
183 Pour le commentaire des articles, voir Makarij 1857-1883, t. 9, p. 168-174 ; Lotoc’kyj 1931, p. 111-112 ; Skočyljas 2010, p. 379.
184 Golubev 1893. Récemment, Segejus Temčinas affirma qu’un euchologe du XVIe siècle, conservé à Saint-Pétersbourg, comportait la copie d’un dix-huitième canon consacré à l’usage de l’hostie lors des ordinations sacerdotales : Temčin 2011, p. 135-139.
185 Par exemple dans Dmitriev 2003, p. 89 qui reprend les propos du métropolite Makarij (Bulgakov).
186 Kondratuk 2007, p. 29-61.
187 À côté de ces commentaires érudits, existaient également des manuels juridiques abrégés qui étaient devenus en quelques décennies un véritable succès de librairie. Ainsi l’ouvrage Modus legendi abbreviaturas in utroque iure connut trente-cinq éditions incunables et fut réédité à plusieurs reprises jusqu’au milieu du XVIIe siècle (Kondratuk 2007, p. 53).
188 Dokumenty 1897, p. 179-180.
189 Šustova 2009, p. 220-236.
190 MCSL, t. 1/1, n° 80, p. 117.
191 Ibid., p. 118.
192 Lotoc’kyj1931, p. 114 ; Dmitriev 2003, p. 90-91, Bulgakov 1917, p. 59-61.
193 Mironowicz 2014 ; Temčin 2015. Le synode de 1514 rassembla le métropolite, trois évêques et quelques archimandrites : AVAK, t. 1, n° 10, p. 39.
194 Un texte pastoral inséré dans un nomocanon du XIIIe siècle rappelait ainsi l’obligation pour les prêtres d’assister aux synodes convoqués par l’évêque de leur diocèse : RIB, t. 6, p. 108.
195 Martynowicz 2009, p. 34.
196 Article 46 des Règles pour les prêtres : SJH, t. 1, p. 244-246. Kuncewicz prévoyait de réunir un synode ordinaire dans la ville de Polack tous les premiers dimanches du Grand Carême et d’organiser une session pour le clergé des environs de Vicebsk (23 août) et de Mscislaw (8 septembre). Voir Marusyn 1967, p. 73-75.
197 En 1632, l’évêque-coadjuteur Rafał Korsak, indiquait que, dans la partie lituanienne du diocèse métropolitain, des synodes séparés étaient convoqués à Minsk et à Navahrudak, « en raison de la distance entre les localités et l’étendue du diocèse » (EM, t. 2, n° 26, p. 89).
198 Martynowicz 2009, p. 35.
199 Toutefois, la question mérite d’être abordée plus en détail, là où les sources le permettent. Actuellement, seule l’étude d’Ihor Skočyljas, consacrée aux synodes du diocèse ruthène de Chełm fournit quelques éléments précis sur le début du XVIIe siècle (Skoczylas 2008). L’on dispose également de quelques données sur les synodes du diocèse uniate de Brest-Volodymyr dans les années 1620 (DIU, n° 185, p. 170-171).
200 Martynowicz 2009, p. 34.
201 Lotoc’kyj 1931, p. 102 ; EM, t. 2, n° 14, 26, p. 61, 89.
202 Voir le troisième et le huitième canons de Kobryn (Rudovyč 1924, p. 7-8).
203 En dehors des questions administratives (notamment le contrôle des ordinations sacerdotales ou la vérification des antimenses reçues par les prêtres), les synodes devaient servir à la formation théologique du clergé. Les nomocanons rappelaient que les desservants devaient « venir aux synodes pour amender les affaires ecclésiastiques [et] recevoir la véritable sagesse, afin d’accorder la grâce à [leurs] ouailles en vue de leur édification » (cité dans Martynowicz 2009, p. 33, d’après RIB, t. 6, p. 108).
204 Les premiers décrets connus des synodes diocésains uniates datent de 1619 pour le diocèse métropolitain et celui de Chełm. Dans les deux cas, il s’agit de mesures relatives au sacrement du mariage, qui prennent davantage la forme d’une explication du décret sur les « mariages clandestins » du concile de Trente (MUH, t. 9-10, n° 280, p. 341-342 ; Skoczylas 2008, p. 131-132).
205 Skočyljas 2010, p. 391.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
De la « Cité de Dieu » au « Palais du Pape »
Les résidences pontificales dans la seconde moitié du XIIIe siècle (1254-1304)
Pierre-Yves Le Pogam
2005
L’« Incastellamento » en Italie centrale
Pouvoirs, territoire et peuplement dans la vallée du Turano au Moyen Âge
Étienne Hubert
2002
La Circulation des biens à Venise
Stratégies patrimoniales et marché immobilier (1600-1750)
Jean-François Chauvard
2005
La Curie romaine de Pie IX à Pie X
Le gouvernement central de l’Église et la fin des États pontificaux
François Jankowiak
2007
Rhétorique du pouvoir médiéval
Les Lettres de Pierre de la Vigne et la formation du langage politique européen (XIIIe-XVe siècles)
Benoît Grévin
2008
Les régimes de santé au Moyen Âge
Naissance et diffusion d’une écriture médicale en Italie et en France (XIIIe- XVe siècle)
Marilyn Nicoud
2007
Rome, ville technique (1870-1925)
Une modernisation conflictuelle de l’espace urbain
Denis Bocquet
2007