Chapitre dixième. La liturgie des saints à Sainte-Marie-Majeure : du xe au xiiie siècle. Tradition et nouveautés
p. 299-334
Texte intégral
1Aux transformations de caractère sociologique et politique qui sont à l’origine des modifications apportées à l’ordonnance des lectures de la messe et de l’office du Temporal et qui, tout en étant extérieures au culte chrétien, ont fini par réagir sur lui, s’en ajoutent qui sont nées au plus profond du cœur et de l’esprit humains et qui concernent le culte des saints. Cependant, tout en prenant corps en des circonstances historiques déterminées, les nouvelles formes du sentiment religieux s’insèrent d’une manière tout aussi durable dans l’organisation du culte liturgique.
2Anciennes ou nouvelles, les fêtes des saints sont soit communes à toute l’Église soit propres à Sainte-Marie-Majeure. Il faut les distinguer. Tout aussi bien faut-il distinguer les livres dans lesquels ils sont consignés en vue du culte officiel que l’Église leur rend. Dans quelle mesure ce culte correspond à la piété des fidèles et répond à leurs besoins religieux, c’est habituellement, au contraire, un non-dit qu’il faut dégager avec prudence de ces documents. Nous nous y exercerons.
3C’est pourquoi la présente recherche pourra se développer en trois temps en s’attachant successivement aux livres des saints libériens, puis aux fêtes dont ceux-ci y sont l’objet, à celles enfin qui sont propres à la basilique esquiline.
I. – LES LIVRES LIBÉRIENS DES SAINTS
4Quand on tâche de distinguer les mouvements de piété des fidèles et les centres de leurs intérêts dévotionnels, outre les monuments qui restent le privilège des riches, il faut surtout prendre en considération les calendriers et les sanctoraux qui sont le bien de tout le monde.
1. Deux sortes de livres : Calendriers et Sanctoraux
5Les Calendriers sont des documents connus. Qu’ils soient muraux, de poche, de bureau ou des Postes, ils offrent de brèves indications de caractère astronomique et hagiographique pour chaque jour de l’année. Ils ont été ajoutés aux livres liturgiques du Moyen Âge à partir de l’époque carolingienne, d’abord sous forme de martyrologes abrégés, puis de calendriers proprement dits, chaque mois étant le plus souvent disposé sur une page. Au nom du saint sont ajoutés sa qualité et, avec le temps, le degré de sa fête1.
6Le Sanctoral, en revanche, risque d’être moins connu des non-spécialistes. On appelle ainsi la partie du livre liturgique dans laquelle sont réunis les textes des prières, des lectures et des chants de la messe ou de l’office des saints et où ils sont disposés jour après jour dans l’ordre du calendrier. Cette disposition explique en principe l’utilité d’un calendrier comme guide du sanctoral dans chaque livre liturgique. La liste des titres de chaque jour, écrits en tête à l’encre rouge et pour cette raison appelés rubriques, équivaut à une liste des saints d’un livre, même en l’absence d’un Calendrier2. À mesure qu’on avance dans le Moyen Âge, il s’en faut cependant que les Calendriers, qui ont tendance à être pourvus de saints même aux jours d’abord libres, correspondent exactement aux Sanctoraux dont la composition est restée beaucoup plus fidèle aux origines. Bien au contraire : les Calendriers sont plus riches en saints que les Sanctoraux.
7Ces observations restent vraies des livres de Sainte-Marie-Majeure. C’est pourquoi, en tenant compte de la différence qui sépare les Calendriers des Sanctoraux, l’un et l’autre document permettent de savoir quels saints étaient célébrés dans la basilique libérienne et constituent d’ailleurs souvent le meilleur critère pour déterminer si, oui ou non, le livre lui avait été destiné ou, du moins, y avait été en usage.
2. Les livres libériens des saints
8Avant d’analyser le sanctoral libérien, il faut donc savoir dans quels livres il se trouve. Ceux du Moyen Âge sont présentés en appendice sous forme de synopse, d’un côté les Calendriers, de l’autre les Sanctoraux, les uns et les autres dans l’ordre numérique des manuscrits qui les renferment. Les synopses équivalent à une analyse des livres. Sur cette base, nous dégageons le culte des saints à Sainte-Marie-Majeure pendant le Moyen Âge central. Pour des raisons de cohérence chronologique, l’inventaire des documents est arrêté à la fin du xve siècle. On constate en effet que Calendriers et Sanctoraux, plus ceux-ci cependant que ceux-là, ont un contenu relativement stable au cours du Moyen Âge et les nouveautés qu’ils enregistrent constituent un apport modeste. Avant le xiiie siècle, les nouveautés sont exceptionnelles. Au xiiie siècle, il s’agit de quelques saints appartenant aux ordres mendiants, aux xive et xve siècles, de quelques fêtes, surtout mariales, qui se frayèrent un chemin dans le culte public. En comparaison du patrimoine traditionnel, les innovations ne modifient pas fondamentalement le Sanctoral libérien.
A. L’inventaire chronologique des livres
B. Les livres libériens dans l’usage romain
9Il ressort de la liste que, des vingt-huit livres, neuf n’ont pas de calendrier, deux pas de sanctoral. L’absence du calendrier n’est pas exceptionnelle dans les Passionnaires-Légendiers-Homéliaires (12 3 104 122), ni sans doute dans l’Épistolier (92) ; elle est accidentelle dans les bréviaires. Sa présence n’est pas fréquente non plus dans les Passionnaires que le P. Albert Poncelet avait analysés dans son Catalogus codicum hagiographicorum latinorum des Bibliothèques romaines3. Mgr Salmon n’a pas relevé de calendrier dans les Épistoliers4. Sa fréquence dans les livres de la messe et de l’office de Sainte-Marie-Majeure est comparable à celle qui se vérifie dans ceux de Saint-Pierre5. Quant au sanctoral, son absence n’est constatée dans le fonds de Sainte-Marie-Majeure que dans les Psautiers 120 119, mais elle caractérise aussi ceux de l’Archivio di S. Pietro. A en juger d’après cet échantillonnage, les manuscrits de Sainte-Marie-Majeure ne diffèrent donc pas à ce point de vue des autres manuscrits liturgiques de Rome.
10Une autre observation générale peut se faire à propos du contenu des calendriers. Ceux qui subsistent sont habituellement complets. Seul 49 ne l’est pas, comme il a déjà été dit, en raison d’une mutilation accidentelle ; il est actuellement dérelié et en très mauvais état de conservation ; de ce fait, la perte des deux premiers mois du calendrier n’est pas étonnante6. Les autres calendriers libériens suivent au contraire les règles habituelles du genre.
11Pour les Sanctoraux, les observations suivantes résument les analyses individuelles dont les manuscrits font l’objet dans l’Appendice qui les concerne. On rappelle donc qu’il y a d’abord le cas des Homéliaires 104, 122 et 3. Dans le premier, seule une bonne douzaine de saints a été insérée dans le cours du Temporal. On sait que cette insertion a servi, comme il a été rappelé dans le chapitre précédent, à dater la transcription du livre. Dans le second, en revanche, la présence des saints est exceptionnelle et strictement limitée à trois fêtes, dont deux libériennes. Cette circonstance permet d’affirmer que le livre était destiné à l’usage libérien. Les fêtes qui, dans la liste chronologique, sont ajoutées entre crochets carrés au niveau du manuscrit, servent de références aux dimanches qui les suivent (Dominica post natale apostolorum, post S. Laurentii, post S. Angeli), mais ne fournissent pas de preuve qu’elles aient été célébrées à Sainte-Marie-Majeure. Cette manière de faire est caractéristique de l’usage romain de désigner les dimanches après la Pentecôte.
12Quant aux manuscrits 12 et 3, ce sont des Passionnaires-Légendiers dont les saints ne se retrouvent pas toujours dans les Bréviaires et les Missels libériens. Le 3, ff. 1-8, est apparemment un vestige d’un Passionnaire disparu, alors que les 1 et 2 sont les deux volumes d’un même ouvrage7. Ce Passionnaire était disposé selon le cycle de Noël, d’après lequel l’année liturgique commence au 1er dimanche de l’Avent et se termine au samedi qui suit le dernier dimanche après la Pentecôte. Le contenu du Passionnaire dépasse amplement les besoins de Sainte-Marie-Majeure. Aussi dérive-t-il d’un modèle que nous croyons confectionné au Latran, conçu pour servir à l’ensemble des églises romaines et dans lequel chacune utilisait les textes correspondant à son propre Calendrier liturgique.
13Dans les autres livres, le Sanctoral est habituellement disposé selon le cycle de Noël. Mais celui-ci y est observé avec des variantes au début et à la fin. Il faut mettre à part 114 qui n’offre qu’un sanctoral mutilé, comme nous l’avons dit, allant des Quarante martyrs de Sébaste (10 mars) à Nérée et Achillée (12 mai) et dans lequel se constatent d’autres mutilations8. Il y a des livres où le Propre des saints commence fin novembre/début décembre et se termine fin novembre/début décembre suivants. Ainsi le Sanctoral va-t-il de sainte Bibiane (2 déc.) à saint André (30 nov.) en 40, de saint Saturnin (29 nov.) à saint Chrysogone (24 nov.) en 52 ou à sainte Catherine (25 nov.) en 41 48 50, de saint André à la Toussaint (1er nov.) en 92 ou à saint Clément (23 nov.) en 31, mais se termine le plus souvent à sainte Catherine, comme en 91 97 98 99 105 106 112 113. Le Sanctoral du Légendier 1-2, qui va de S. André à S. Saturnin, rentre donc parfaitement dans ce canevas. Les variations constatées dans les manuscrits entre le 26 novembre et le 4 décembre sont dues au jour variable de la semaine auquel tombe Noël et où par conséquent commence l’Avent quatre semaines plus tôt. Si l’on tient compte de la chronologie des manuscrits libériens, les bréviaires 41 48 50 paraissent représenter un premier essai d’adapter à ces variations le début et la fin du Sanctoral, mais cet essai est limité à ces quelques livres de la fin du xiiie et du début du xive siècle, alors que les manuscrits 97 91 106 98 99 112 113 105 témoignent de l’usage qui a fini par triompher et qui est celui de la Curie romaine, véhiculé par les Franciscains.
14Le contenu de ces livres est donc présenté en appendice au moyen de deux tableaux synoptiques : Calendriers et Sanctoraux, dont le mode d’emploi est indiqué par une note d’introduction et auxquels il suffit de renvoyer. Ici il s’agit de dégager de ces tableaux les traits fondamentaux du culte des saints, tel qu’ils le révèlent à Sainte-Marie-Majeure pendant le Moyen Âge Central.
3. Les fêtes des saints dans les livres libériens
15Les Calendriers comprennent, dans le Propre du Temps de Noël et d’Épiphanie, outre ces deux fêtes fixes du Seigneur célébrées dès le ive siècle, celles de quelques saints, eux aussi très tôt attestés. S’ajoutent à elles d’autres fêtes du Christ plus tardives, mais surtout celles de la vierge Marie, des anges, de Jean Baptiste, des apôtres et évangélistes, des martyrs, des évêques, des confesseurs, des vierges et autres saints non martyrs, non évêques et non vierges. Y est mentionnée aussi la dédicace des églises où ils ont été fêtés. Avec le temps, à chaque fête est attribué un degré de solennité variable, qui est généralement inscrit à l’encre rouge à la suite du nom du saint et désigné comme double, semi-double ou simple. Quelques fêtes particulièrement solennelles sont pourvues d’une vigile et d’une octave. Les saints, qui sont en concurrence avec un autre plus important et dont on ne récite alors qu’une partie de l’office, n’ont droit qu’à une commémoraison ou mémoire : commemoratio, memoria9. Le trait commun des notices des Calendriers est qu’elles se limitent à indiquer, à chaque jour du mois, le nom du saint, sa qualité (martyr, évêque, confesseur ou vierge) et le degré de solennité de la fête.
16En comparaison, les Sanctoraux n’indiquent généralement pas ce degré de solennité, mais précisent habituellement l’identité des saints. Ils ont un contenu plus réduit d’un dixième : 214 contre 240 occurrences10. La différence est minime. Les fêtes qui manquent dans les Sanctoraux et sont en surplus dans les Calendriers ont parfois été ajoutées au fonds primitif du manuscrit après sa transcription. Si on n’en tient pas compte, le contenu des deux sortes de documents est à peu près le même. Quel est-il ?
II. – LE SANCTORAL COMMUN DE ROME À SAINTE-MARIE-MAJEURE
17Il faut commencer par dégager des livres libériens les saints qui appartiennent au patrimoine commun de la ville de Rome, avant d’y isoler ceux qui sont propres à Sainte-Marie-Majeure. Dans ce patrimoine commun, les fêtes toujours attestées font l’objet d’environ 120 notices11.
1. Le sanctoral romain en général
18Dans ce patrimoine commun, on peut faire une nouvelle distinction entre les fêtes attestées à peu près partout dans la Ville et celles qui y subissent parfois une éclipse.
A. Saints presque partout attestés
Les fêtes à peu près partout attestées à Rome sont les suivantes :
Fêtes du Seigneur12 : Noël (25 déc.), Circoncision (1er janv.), Épiphanie (6 janv.), les deux solennités de la Croix (3 mai, 14 sept.).
Fêtes de Notre Dame : les quatre fêtes traditionnelles du Haut Moyen Âge, Purification (2 fév.), Annonciation (25 mars), Assomption (15 août) et Nativité (8 sept.).
Fêtes des apôtres : Conversion de S. Paul (25 janv.), Chaire de S. Pierre (22 fév.), Matthias (24 fév.), Marc évg (25 avr.), Philippe et Jacques (1er mai), S. Jean de la Porte Latine (6 mai), Barnabé (11 juin), Pierre et Paul (29 juin), Chaînes de S. Pierre (1er août), Barthélemy (25 août à Rome), Matthieu évg (21 sept.), Luc évg (18 oct.), Simon et Jude (28 oct.), André (30 nov.), Thomas (21 déc.), Jean évg (27 déc.)13.
Saints bibliques : Jean Baptiste (24 juin, Nativité ; 29 août, Décollation), Marie Madeleine (22 juill.), Michel archange (8 mai : Apparition ; 29 sept. : Dédicace), Toussaint (1er nov.).
19La présence de ces 31 fêtes de diffusion générale ne paraît pas poser de problèmes particuliers dans le Sanctoral de Sainte-Marie-Majeure, à l’exception de la Saint-Matthias sur laquelle nous reviendrons.
20Mais la grande masse des entrées, au nombre de 65, est constituée par celles des martyrs et des papes :
Hygin pp (11 janv.), Félix in pincis (14 janv.), Prisque vg (18 janv.), Marius, Marthe et leurs enfants Audifax et Abacuc (19 janv.), Fabien pp et Sébastien (20 janv.), Agnès vg (21, 28 janv.), Vincent et Anastase (22 janv.), Émérentienne vg (23 janv.), Cyr et Jean (31 janv.), Blaise év (3 fév.), Agathe vg (5 fév.), Valentin pr (14 fév.), Perpétue et Félicité (7 mars), Gordien et Épimaque (10 mai), Nérée, Achillée et Pancrace (12 mai), Pudentienne, plus souvent nommée Potentienne, et une fois Prudentienne en 114 et Pontienne en 49 (19 mai), Urbain pp (25 mai), Marcellin, Pierre et Érasme (2 juin), Prime et Félicien (9 juin), Nabor et Nazaire (12 juin), Vit, Modeste et Crescence (15 juin), Marc et Marcellien (18 juin), Gervais et Protais (19 juin), Silvère pp (20 juin), Jean et Paul (26 juin), les Sept frères, Rufine et Seconde (10 juill.), Pie pp (11 juill.), Anaclet pp (13 juill.), Cyr et Julitte (15 juill.), Symphorose et ses fils (18 juill.), Apollinaire év (23 juill.), Christine (24 juill.), Abdon et Sennen (30 juill.), Sixte pp, Félicissime et Agapit (6 août), Donat év (7 août), Cyriaque, Large et Smaragde (8 août), Laurent et son octave (10, 17 août), Tiburce et Susanne (11 août), Hippolyte (13 août), Agapit (18 août), Félix et Adaucte (30 août), Prote et Hyacinthe (11 sept.), Eustache et comp. (20 sept.), Maurice et comp. (22 sept.), Lin pp (23 sept.), Cyprien et Justine (26 sept.), Côme et Damien (27 sept.), Denis, Rustique et Éleuthère (9 oct.), Calixte pp (14 oct.), Chrysanthe et Darie (25 oct.), Évariste pp (26 oct.), Vital et Agricol (4 nov.), Martin pp (12 nov.), Cécile vg (22 nov.), Clément pp (23 nov.), Chrysogone (24 nov.), Saturnin (28 nov.), Bibiane vg (2 déc.), Barbe vg (4 déc.), Miltiade pp (10 déc.), Étienne protom (Natale : 26 déc ; Invention des reliques : 3 août), les SS. Innocents (28 déc.), Thomas de Cantorbéry (29 déc.).
21Dans les mentions précédentes figurent 12 papes martyrs auxquels s’ajoutent 4 non martyrs : Grégoire le Grand (12 mars), Léon le Grand (28 juin), Damase (11 déc.), Silvestre (31 déc.), ce qui porte à 16 le nombre des papes commémorés dans les livres libériens.
22Restent 17 saints confesseurs dont la renommée était solidement établie à Rome ou en Occident au xiiie siècle :
Antoine ab. (17 janv.), Gilbert de Sempringham (4 fév.), Scolastique (10 fév.) et son frère Benoît ab. (21 mars), Paulin de Nole év. (22 juin), Alexis (17 juill.), Pastor pr. (26 juill.), Augustin év. (28 août), Jérôme pr. (30 sept.), François d’Assise (4 oct.), Hilarion ab. (21 oct.), Léonard de Noblat (6 nov.), Martin de Tours év. (11 nov.), Brice son successeur (13 nov.), Sabas ab. (5 déc.), Nicolas év. de Myre (6 déc.), Ambroise év. de Milan (7 déc.).
B. Les fêtes moins bien attestées
23Si, à côté de ces jours pleins, nous ajoutons ceux auxquels il ne manque que de un à quatre témoignages et dont l’absence est souvent fortuite, notre liste précédente se gonfle de 49 entrées nouvelles :
Les octaves des saints Étienne, Jean et Innocents (2-4 janv.), la vigile et l’octave de l’Épiphanie (5 et 13 janv.), Maur ab. (15 janv.), Marcel p. m. (16 janv.), Quarante mm. de Sébaste (8 mars), Tiburce, Valérien et Maxime mm (14 avr.), Anicet pp m (17 avr.), Sother et Gaius p. mm. (22 avr.), Georges m. (23 avr.), Vital m. (28 avr.), Alexandre pp, Éventius, Théodule et Juvénal év. mm. (3 mai), Boniface m. (14 mai), Éleuthère p. m. (26 mai), Jean p. m. (27 mai), Félix p. (29 mai), Pétronille vg. m. (31 mai), Antoine de Padoue cf. (13 juin), vigiles de Jean Baptiste (23 juin) et des apôtres Pierre et Paul (28 juin), octave de Jean Baptiste (1er juill.), Procès et Martinien mm. (2 juill.), octave des apôtres (6 juill.), Nabor et Félix mm. (12 juill.), Jacques le Majeur ap. et Christophe m. (25 juill.), Pantaléon m. (27 juill.), Nazaire, Celse, Victor p. et Innocent p. (28 juill.), Faustin et Béatrice mm. (29 juill.), Romain m. (9 août), Eusèbe pr. m. (14 août), Timothée, Symphorien et Hippolyte mm, avec l’octave de l’Assomption (22 août), vigile de saint Barthélemy (24 août), Zéphyrin p. m. (26 août), XII frères mm. et Gilles ab. (1er sept.), Gorgonius m. (9 sept.), Nicomède m. (15 sept.), Lucie, Géminien et Euphémie mm. (16 sept.), Serge, Bacchus, Marcel et Apulée mm. (7 oct.), Cerbonius év.de Populonia (10 oct.), vigile de Simon et Jude (27 oct.), Quatre couronnés mm. (8 nov.), Théodore m. et Dédicace de la basilique Saint-Sauveur du Latran (9 nov.), Tryphon, Respice et Nymphe mm. (10 nov.), Catherine vg. m. (25 nov.), Conception de Notre Dame (8 déc.), Lucie vg. m. (13 déc.), vigile de saint Thomas (20 déc.).
24Il n’y a pas lieu d’insister sur les occurrences rares qui sont génélement locales, étrangères à Rome ou tardives, à l’exception de celles qui sont propres à Sainte-Marie-Majeure et sur lesquelles on reviendra. Elles désignent d’ailleurs parfois des livres, non libériens d’origine, qui ont été incorporés plus tard et par hasard au fonds des livres libériens. Deux exemples en sont fournis par les manuscrits 49, non identifié par Dom Salmon, et 51, identifié par lui14.
2. Caractères généraux du Sanctoral romain
25Somme toute, plusieurs traits généraux caractérisent le Sanctoral romain. Une première constatation peut se faire à propos des suites remarquables de jours de fêtes. La plus connue est celle de la semaine de Noël (25 au 31 décembre), et de la première semaine de janvier, de la Circoncision à l’Épiphanie (1er au 6 janvier), qui forment une série continue (ou presque en raison du vide du 30 décembre) de fêtes et dont l’explication est, à n’en pas douter, dans l’aura festive dont la naissance du Sauveur a irradié cette partie du calendrier. Elle se prolonge d’une certaine manière jusqu’à la fin du mois de janvier, avec une brève flambée du 2 au 5 février. Il faut cependant noter que la fête du 2 février n’est plus christologique, mais mariale, à l’époque où nous sommes arrivés, car son titre ne rappelle plus la Présentation du Seigneur au Temple, mais la Purification de sa mère selon le rite prescrit par la loi de Moïse (Lv 12,1-8)15.
26D’autres séries se sont formées pour d’autres raisons, non toujours identifiables. Ainsi celle qui commence le 10 juillet, d’abord avec des interruptions les 14, 16, 19, 20, puis de manière continue jusqu’au 11 août pour reprendre du 13 au 18 et du 28 août au 1er septembre. La brièveté et l’espacement de la dernière série caractérisent aussi les suivantes : 8-9, 14-16, 20-23, 26-27, 29-30 septembre, 25-28 octobre, 11-13, 22-26, 29-30 novembre, 4-8, 10-11 et 13 décembre. Les séries estivales pourraient s’être développées à partir des stations extra-urbaines sur les tombes des martyrs et dans les basiliques périphériques et avoir donné lieu à autant de parties de campagne pendant la saison chaude.
27A l’inverse des séries, on note la période creuse de février-avril, où les fêtes sont rares : elle correspond au carême et au temps pascal et a souvent été signalée par les historiens du culte16.
3. Le fonds local du Sanctoral romain
28À ces remarques concernant la suite des saints dans le cours de l’année, il faut joindre celles qui se rapportent aux critères qui ont présidé à leur choix et qui regardent la formation du sanctoral romain. Les notices libériennes concernent en effet souvent des fêtes communes à toute l’Église romaine.
A. Noël
29Il en est ainsi d’abord de Noël et de son cycle. Les plus anciennes attestations de Noël sont en effet romaines et datent de la première moitié du ive siècle : la Depositio martyrum s’ouvre ainsi par la notice : viii kal. Ian. Natus Christus in Betleem Iuda17. Aussi s’accorde-ton sur l’origine romaine de la fête dont l’Épiphanie est l’équivalent oriental. On a vu que Noël était fêtée à Sainte-Marie-Majeure sous la présidence du pape durant le Haut Moyen Âge et que la messe de la nuit était célébrée par lui dans l’oratoire annexe de la Crèche18. Au xie siècle, Grégoire VII fit transférer dans la basilique de l’Esquilin la messe du jour, auparavant fixée à Saint-Pierre. De cette manière, la basilique était devenue le siège par excellence des fêtes de Noël. Elle l’était d’ailleurs en puissance dès le début, puisqu’elle offrait à la contemplation des fidèles, dans la mosaïque de l’arc triomphal, le mystère et « l’épiphanie » du Christ incarné, discrètement accompagné de sa Mère. Pour le 1er janvier, primitivement jour octave de Noël et de station à Sainte-Marie-Majeure, la messe et l’office étaient composés, pour l’essentiel, des formules mariales de Noël, tant il est vrai que la célébration du Fils ne pouvait se concevoir sans celle de sa Mère. Si la messe stationnale du jour a été déplacée par la suite au Panthéon quand il fut devenu en 613 Sainte-Marie-des-Martyrs, puis à Sainte-Marie-du-Transtévère quand on rattacha son patronage marial au souvenir des papes Calixte et Jules Iers, le lieu primitif de la station avait cependant été fixé à Sainte-Marie-Majeure et la liturgie du jour conserva son formulaire d’origine au cours de ses pérégrinations urbaines. Il n’est donc pas exagéré de dire que Noël et son octave étaient chez eux à Sainte-Marie-Majeure.
B. Fêtes mariales
30Nous ne revenons pas sur les quatre fêtes mariales que Serge Ier avait dotées d’une procession partant de Saint-Hadrien au Forum romain et se terminant dans la basilique de l’Esquilin19 et pour lesquelles ne subsista que la messe stationnale à Sainte-Marie-Majeure à l’époque où nous sommes. Les deux premières, Chandeleur et Annonciation (2 fév. et 25 mars), étaient d’ailleurs à l’origine, non des fêtes de Marie, mais des célébrations du Seigneur, puisque le nom le plus ancien de la première était Ypapantè tou Kyriou, Rencontre du Seigneur avec Syméon, et celui de la seconde, Annunciatio dominica, annonce de la naissance du Seigneur C’est plus tard qu’elles devinrent mariales. Dans le même intervalle, elles étaient devenues communes à l’Église universelle.
31Il a cependant un problème qui était resté en suspens à propos des « plus anciens formulaires marials » de la prière liturgique du Haut Moyen Âge20. Sa solution avait été renvoyée au moment où les manuscrits liturgiques libériens nous auraient mis en mains l’indispensable matériel de contrôle. Ce moment est maintenant arrivé et le contrôle se révèle partiellement positif.
32Les formulaires de messe des manuscrits 40 et 52.
33Il se limite en effet aux formulaires des messes mariales. Les formulaires des sacramentaires et missels libériens sont identiques à ceux que nous avions établis sur la base des sacramentaires carolingiens21. Le témoignage archaïsant du Sacramentaire 40, en particulier, corroboré par celui du Missel de la Chapelle papale 52, nous paraît prouver que ses formulaires marials étaient traditionnels dans l’usage de Sainte-Marie-Majeure. Nous en reproduisons les incipits pour faciliter le contrôle. Les deux manuscrits retenus sont représentatifs des autres.
MESSES. L’astérisque désigne les textes de l’Appendice.
2 février. IIII. non. febr. Ypapanti. Statio ad S. Mariam maior. (40, f. 100v-101). Coll. ad S. Adrianum. Erudi quesumus Domine plebem tuam 40 52*. Benedictio super cereos. Omnipotens sempiterne Deus. qui hodierna die 40 52. Ad missam. Omnipotens sempiterne Deus. maiestatem tuam supplices exoramus 40 52*. Sec. Exaudi Domine preces nostras 40 52*. Ad co. Quesumus Domine Deus noster. ut sacrosancta mysteria 40 52*. Ad vesp. Perfice in nobis quesumus Domine gratiam tuam 40 52*.
25 mars. VIII. kal. Apr. Annuntiatio S. Mariæ. (40, f. 106). Coll. ad S. Adrianum. Deus qui de b. Marie uirginis utero 40 52*. Sec. Deus qui hodierna die 40*. Ad co. In mentibus nostris Domine 40 52*. Ad co. Gratiam tuam mentibus nostris infunde 40 52*.
15 août. XIX. kal. Sept. In Assumptione S. Mariæ (40, f. 127v-128). Coll. ad S. Adrianum. Ueneranda nobis Domine 40*. Or. Famulorum tuorum quesumus Domine 52*. Sec. Subueniat Domine plebi tue 40 52*. Ad co. Mense celestis participes effecti 40 52*.
8 sept. Die VIII. mense Sept. Nat. S. Mariæ et nat. S. Adriani (40, f. 131rv). Coll. ad S. Adrianum. Supplicationem seruorum tuorum Deus miserator exaudi 40*. Or. ad missam. Famulis tuis quesumus Domine celestis gratiue munus impertire 40 52*. Sec. Unigeniti tui Domine nobis succurrat humanitas 40 52*. Ad co. Sumpsimus Domine celebritatis annue uotiua sacramenta 40 52*.
Offices. Les lettres sont les sigles des manuscrits de l’Appendice, les chiffres en exposant qui les accompagnent parfois désignent le numéro d’ordre de la pièce dans le manuscrit concerné.
2 février. In Purificatione b. Virginis (41, f. 262). Matines : Inv. Ecce uenit ad templum B E G M V H. Hy. Quem terra. Ant. 1. Bene-dicta tu B C E G M V H. Ant. 2. Sicut myrrha electa B C E G M V H. Resp. 1. Adorna thalamum. V’. Induere uestimentis B C E M V H. Resp. 2. Postquam impleti sunt. V’. Obtulerunt pro eo. Resp. 3. Obtulerunt pro eo. V’. Postquam autem impleti sunt. Ant. 4. Spetie tua & EGMVH. Ant. 5. Adiuuabit eam C E G M V H. Ant.6. Sicut letantium omnium C E G M V H. Resp. 4. Symeon iustus. V’. Responsum accepit. Resp. 5. Responsum acceperat Symeon B C E G M V. Resp. 6. Cum inducerent puerum. V’. Et accipiens puerum V. Ant. 7. Gaude Maria uirgo V. Ant. 8. Spetiosa facta es B C E G M H. Ant. 9. Post partum uirgo B C E G M H. Resp. 7. Suscipiens Ihesum in ulnas. V’. Cum inducerent. Resp. 8. Senex puerum portabat. V’. Accipiens Symeon. Resp. 9. Gaude Maria uirgo. V’. Gabrielem archangelum B C G M H. Laudes : Ant. 1. Symeon iustus et timoratus B E M H. Ant. 2. Responsum accepit Symeon B E M H. Ant. 3. Suscipiens Symeon puerum E M H. Ant. 4. Obtulerunt pro eo V. Ad Ben. Cum inducerent puerum B C M V H.
25 mars. In Annuntiatione b. uirginis Marie (41, f. 270-272). Matines : Inv. Aue Maria gratia plena Dominus tecum. Hy. Quem Spiritus. Ant. 1. Benedicta tu in mulieribus H. Ant. 2. Sicut myrrha electa H. Ant. 3. Ante thorum huius uirginis H4. Resp. 1. Missus est Gabriel angelus. V’. Dabit ei M H4. Resp. 2. Aue Maria. V’. Quomodo fiet M3. Resp. 3. Suscipe uerbum. V’. Paries quidem H6. Ant. 4. Specie tua H7. Ant. 5. Adiuvabit eam H. Ant. 6. Sicut letantium H. Resp. 4. Ecce uirgo concipiet. V’. Super solium Dauid H3. Resp. 5. Egredietur uirga. V’. Et requiescet H2. Resp. 6. Sancta et immaculata. V’. Benedicta tu. Ant. 7. Gaude Maria uirgo. Ant. 8. Speciosa facta es H5. Ant. 9. Angelus Domini. Laudes : Ant. 1. Missus est M V H. Ant. 2. Aue Maria M V H. Ant. 3. Ne timeas M V H. Ant. 4. Dabit ei Dominus. Ant. 5. Ecce an-cilla M H. Ad Ben. Quomodo fiet istud M H.
15 août. In Assumptione b. Marie (41, f. 325). Matines : Inv. Venite adoremus regem regum. Hy. Quem terra pontus sidera. Ant. 1. Exaltata est B C E M V H. Ant. 2. Paradisi porte B C E M V H. Ant. 3. Benedicta tu B C E M V H. Resp. 1. Vidi spetiosam B M V H. Resp. 2. Sicut cedrus exaltata B M V H. Resp. 3. Que est ista B M V. Ant. 4. Specie tua B C M V H. Resp. 4. Ornatam monilibus. V’. Astitit regina M V H5. Resp. 5. Beatam me dicent. V’. Et misericordia eius B M V H. Resp. 6. Beata es Maria. V’. Aue Maria B. Ant. 7. Gaude Maria uirgo B C E M V H. Ant. 8. Dignare me laudare B C M V H. Ad Ben. Que est ista que ascendit B C M V H.
8 sept. In uigilia [Natiuitatis] S. Marie (41, f. 335). Matines : Inv. Natiuitatem uirginis Marie. Hy. Quem terra pontus sidera. Ant. cum ps. de S. Maria. Resp. 1. Hodie nata est. V’. Natiuitatem B C M V H. Resp. 2. Beatissime uirginis. V’. Cum iocunditate B C M H. Resp. 3. Gloriose uirginis. V’. Beatissime uirginis B C M H. Resp. 4. Natiuitas gloriose. V’. Hodie nata est M. Resp. 5. Cum iocunditate V’. Corde et animo E6. Resp. 6. Natiuitas tua. V’. Benedicta tu E4. Resp. 7. Beatam me dicent. V’. Et misericordia eius. Resp. 8. Felix namque es. V’. Ora pro nobis B E. Laudes : Ant. 1. Natiuitas gloriose. Ant. 2. Natiuitas est hodie E. Ant. 3. Regali ex progenie E. Ant. 4. Corde et animo B C M V H. Ant. 5. Cum iuocunditate B C M V H. Ad Ben. Natiuitatem hodiernam B C E M V H.
34Dans le relevé des incipits de l’office, c’est le bréviaire 41, de la fin du xiiie siècle, qui a été retenu comme terme de comparaison avec les manuscrits de l’Appendice utilisés pour chaque pièce individuelle. Comme on le voit, le résultat de la comparaison est loin d’être aussi positif que pour les messes. Il est au contraire très variable. Dans le cas de la Purification et de l’Assomption, les éléments de l’office libérien sont assez souvent semblables à la fin du xiiie siècle à ceux des manuscrits des ixe et xe siècles. Mais la correspondance n’est jamais totale. Aussi ne peut-on affirmer que cet office libérien ait la même antiquité que les formulaires des messes des mêmes solennités. Encore beaucoup plus forte est la différence pour les offices de l’Annonciation et de la Nativité de Notre-Dame : elle se vérifie tout au long des deux offices et quand il y a concordance, elle n’existe qu’avec très peu de manuscrits carolingiens. La conclusion semble s’imposer : les offices de l’Annonciation et de la Nativité, tels que nous les montrent les manuscrits libériens, ne sont pas ceux du Haut Moyen Âge. D’où viennent-ils alors ? Pour l’Annonciation, M H désignent Monza et Saint-Gall ; pour la Nativité, E V pointent vers Ivrée et Vérone, mais B C M V H indiquent une origine plus complexe pour les offices de la Purification et de l’Assomption. De plus, restent les cas où aucune correspondance n’a été trouvée entre les livres libériens et les manuscrits carolingiens et ottoniens et où, apparemment, les livres libériens dépendent d’une ou plusieurs autres traditions.
35C’est pourquoi, nous proposerions en définitive une hypothèse nuancée. Les offices marials libériens, partiellement contaminés par des éléments de provenance septentrionale, pourraient conserver des pièces de provenance locale (celles qui n’ont pas d’équivalents ailleurs) et représenteraient donc une branche autonome dans la variété des traditions occidentales. Leur importance tient au fait de leur présence dans les livres de la Curie, propagés par les Franciscains. C’est ce qui les a destinés à une diffusion beaucoup plus grande que s’ils étaient restés à l’usage exclusif de Rome et de la Curie.
C. Fêtes des autres saints
36L’origine de la fête des autres saints est plus complexe. Il y a donc intérêt à les considérer sans faire entre elles de distinctions catégorielles. Ce sont les différences chronologiques qui sont les plus significatives. Les accroissements successifs qu’elles ont connus jusqu’au xiie siècle ont été étudiés par Pierre Jounel22. La situation qui en est résultée au xiiie a été décrite par Stephen Van Dijk. Le bilan des canonisations aux xive et xve a été dressé par André Vauchez. Leurs analyses importent aux nôtres23. Notre méthode d’exposition diffère cependant de la leur et consiste à présenter en synthèse les données dont le détail se trouve dans nos tableaux synoptiques.
D. Fêtes des apôtres Pierre et Paul
37Si la fête de Noël ouvre la série des commémoraisons de la Depositio martyrum, le même document nous livre aussi la plus ancienne information sur le culte romain des apôtres Pierre et Paul : III. kal. Iul. Petri in Catacumbas et Pauli Ostense, Tusco et Basso cons24. La notice est aussi la seule à être accompagnée d’une date consulaire du iiie siècle, laquelle, quelle que soit l’explication qu’on en donne, marquait une étape, digne d’être retenue, dans le culte des deux apôtres. Dans le recueil le plus ancien de textes liturgiques romains qu’est le prétendu sacramentaire de Vérone, ils sont habituellement désignés par le simple qualificatif d’apôtres. Aussi, « ce terme était alors, par antonomase, synonyme de Pierre et Paul »25.
38Cette appellation simple se retrouve dans le titre de trois basiliques romaines « des apôtres ». La plus ancienne chronologiquement est celle de la via Appia, aujourd’hui Saint-Sébastien26. Elle portait au ive siècle le titre de basilica apostolorum qui lui venait de la memoria apostolorum du lieu et lui resta dans les Itinéraires du viie siècle et la biographie d’Hadrien (772-795), bien qu’il fût sorti de l’usage courant en raison du culte local de saint Sébastien. La deuxième église ainsi nommée était le titulus apostolorum, comme il appert en 431 des signatures du concile œcuménique d’Éphèse où figure le prêtre romain Philippus ecclesiæ apostolorum presbyter. Le nom de l’église reparaît aux conciles romains de 499 et 595, ainsi que dans les biographies d’Hadrien Ier et de Léon III. La reconstruction du titulus, financée par l’impératrice Eudoxie sous Sixte III et dirigée par le même prêtre Philippe, le fit aussi appeler basilica Eudoxiæ. Mais les reliques des chaînes de saint Pierre, attestées dès 417 environ par une inscription de l’évêque Achille de Spolète, lui valurent surtout le nom de Saint-Pierre-aux-Liens qu’il a conservé. Ces différents titres sont groupés dans la biographie d’Hadrien : titulum Apostolorum, quæ appellatur Eudoxiæ ad vincula27. Il y a enfin une troisième église au nom des apôtres. Elle est située non loin de la via Lata, qui est l’actuel corso del Popolo, et porte le nom « des apôtres Philippe et Jacques », sous lequel sa construction avait été commencée par Pélage Ier (556-561) et terminée par Jean III (561-574) qui la consacra un 1er mai, jour primitif de la fête de ces deux apôtres. Dans une lettre à Charlemagne, le pape Hadrien l’appelle simplement basilica apostolorum28. Ce nom deviendra usuel au Moyen Âge avant d’être étendu aux « Douze-Apôtres » quand elle fut reconstruite à la Renaissance.
39Ces faits nous font suivre d’une certaine manière le cheminement suburbain et urbain du culte des apôtres depuis leurs tombes primitives au Vatican et sur la voie Ostienne. Il s’étendit d’abord ad catacumbas en 258, ensuite à la Ville au ve-vie siècle dans le titre de Saint-Pierre-aux-Liens et la basilique des (Douze-) Apôtres. Ces sanctuaires montrent que dans l’Antiquité et le Moyen Âge le patronage de Pierre et Paul tendait à Rome non seulement à évincer celui d’autres apôtres, mais encore à se concentrer dans celui de Pierre, et que de, toute manière, il pesa fortement sur le culte des saints locaux. On notera enfin que, des dates du 1er mai et du 1er août qui étaient celles de la dédicace des deux églises apostoliques de la Ville, seule la seconde fut enregistrée comme telle dans le Martyrologe hiéronymien et encore dans les seuls manuscrits de la deuxième famille29. Il n’empêche que le lien qui existait entre le culte des deux apôtres et les sanctuaires où il se célébrait anciennement dans la Ville est ainsi fortement souligné.
E. Fêtes des martyrs et des saints
40Cette même clé d’interprétation nous ouvre l’accès à l’histoire générale du culte des martyrs à Rome. Parmi les plus de 120 qui figurent dans nos calendriers, sont vraiment exceptionnels ceux qui n’avaient pas aux xiie-xiiie siècles de sanctuaire à Rome, en Ville, dans les catacombes ou sur leur tombe, ne fut-ce que sous la forme d’un autel, comme Barnabé, Christine, Cyprien et Justine30, Denis et compagnons31, Martin pape. C’est pourquoi, on peut dire que, dans la plupart des cas, les martyrs romains doivent leur inscription au calendrier libérien en raison de la présence de leur corps ou de leurs reliques, réelles ou supposées telles, dans un des sanctuaires urbains ou suburbains. Dans les autres cas, c’est la célébrité de leur culte, accompagnée de la diffusion de leur légende, qui a provoqué l’importation ou la découverte de leurs reliques. Un des exemples les plus caractéristiques de ce deuxième phénomène est celui de S. Alexis. Le monastère Saint-Boniface de l’Aventin avait bénéficié au xe siècle d’un nouveau patronage, celui du « pauvre sous l’escalier », grâce à la vogue de sa romanesque légende. L’attestent un document de 987, selon lequel le corps des deux patrons reposait au monastère, et une fresque de l’église souterraine de Saint-Clément où est représentée au xie siècle la mort de S. Alexis32.
III. – LE PROPRE LIBÉRIEN DES SAINTS
41Il est arrivé à Sainte-Marie-Majeure ce qui se vérifie en d’autres églises romaines : dans la masse des saints qui y étaient fêtés, quelques-uns y occupaient une place spéciale et constituaient son bien propre. Là aussi on peut parfois déterminer les circonstances de leur inscription au Propre libérien.
1. S. Thomas de Cantorbéry (29 décembre)
42Comme on sait, le Sanctoral du temps de Noël est mêlé aux messes de ce temps dans l’ordre où ils sont mentionnés dans le calendrier. C’est pourquoi il revêt un caractère très traditionnel. La seule nouveauté qu’il comporte est la présence de la fête de S. Thomas de Cantorbéry le 29 décembre. L’archevêque, assassiné dans sa cathédrale le 29 décembre 1170, fut aussitôt vénéré comme martyr. Canonisé le 21 février 1173 par Alexandre III, il ne tarda pas à figurer dans les livres liturgiques romains et libériens. Dans le sacramentaire 40, f. 23v°, qui date de l’an environ 1230, la messe a été maladroitement inserée entre celles de S. Étienne protomartyr et de S. Jean Évangeliste. Dans les autres manuscrits libériens, le saint est au contraire à sa place normale. Il figure déjà vers la fin du xiie siècle dans l’Ordo Lateranensis et dans un missel romain de l’époque33. Cependant, le compilateur de l’Ordo Lateranensis semble avoir eu du mal à définir le statut liturgique du nouveau saint, puis-qu’il se contredit dans les deux paragraphes qu’il lui consacre : dans le premier, en effet, il prescrit la messe de l’octave de Noël, dans le second, la messe de S. Thomas. Tous ces livres documentent donc les tout premiers pas, quelquefois hésitants, de son culte dans la liturgie romaine34.
43Il est probable que le culte du martyr fut reçu dans la basilique libérienne à la même époque qu’au Latran, c’est-à-dire dès les premiers temps de son introduction dans le Sanctoral romain. Un indice en existe dans la présence de diverses reliques du saint dans le trésor de la basilique. Il s’agit de fragments d’os, de morceaux de tissu et d’un sous-vêtement de lin muni d’une authentique. Selon Ursula Nilgen, la coupe du vêtement est d’un type en usage au xiie siècle et les premières décennies du xiiie35. L’authentique est rédigée dans une écriture anglaise du xiiie ou xive siècle36. Il semble donc qu’on puisse mettre en relation avec ces reliques le culte libérien de S. Thomas Becket, voire préciser qu’il s’est introduit dans basilique au temps de la notice du sacramentaire 40. Le problème qui reste ouvert est celui de savoir qui a précédé l’autre, la messe du sacramentaire ou les reliques libériennes. On peut penser que ce fut la célébration liturgique. Rien de plus ne se sait des circonstances dans lesquelles la relique parvint à la basilique.
2. S. Matthias apôtre (24 février)
44L’apôtre S. Matthias est vénéré à Rome à partir du xie siècle37, ses reliques sont attestées à Sainte-Marie-Majeure au xiie38. En effet la Descriptio Lateranensis ecclesiæ mentionne son corps parmi les reliques attribuées à la basilique. Sur l’endroit où il était censé reposer, des suggestions sont données par le monument lui-même. Ainsi la mosaïque du xiiie siècle finissant montre l’apôtre prêchant aux Juifs dans retombée de droite de l’arc absidal. En outre, dans le mausolée funéraire du cardinal espagnol Gonsalvo Garcìa Gudiel, conservé à proximité dans le transept méridional, l’apôtre est de nouveau figuré à droite de la Vierge, regardant vers l’arc absidal et tenant en main une banderole inscrite : me tenet ara prior. Ces mots se réfèrent à la présence toute proche des reliques, supposée dans le maître-autel ou à proximité. En outre, la légende de la Neige, qui se termine avec l’énumération des reliques de la basilique, signale de nouveau parmi elles celles de S. Matthias : Ante quod quidem Altare sub lapide porfiritico Beati Matthiae Apostoli corpus requiescit et eius caput exterius a Canonicis ipsius Basilicae conseruatur39. Les indications topographiques du texte précisent donc ce que l’iconographie suggère : au xiiie siècle, on pensait en effet que le corps de l’apôtre reposait sous une dalle de porphyre devant l’autel majeur et que sa tête était conservée dans un reliquaire à part dont les chanoines avaient la garde et qui se trouvait sans doute dans l’autel des reliques fondé par le couple Capocci40. Les fouilles faites au xviiie siècle pour retrouver le corps n’ont pas donné de résultats.
3. Fêtes mariales des xive-xve siècles
45Deux fêtes anciennes de la Vierge étaient à l’origine christologiques : la Purification et l’Annonciation. La première porte encore son nom ancien d’Hypapantè dans le Sacramentaire 40 (f. 101v), mais la seconde y est déjà appelée Annuntiatio S. Mariæ (f. 106). C’est désormais sous ce nom et celui de Purificatio S. Mariæ, que les fêtes sont inscrites dans les livres libériens.
46Ces réinterprétations de fêtes anciennes sont accompagnées de la création de fêtes nouvelles, parfois ajoutées par des mains postérieures au fonds primitif des manuscrits. Ainsi s’est enrichi d’abord le culte marial.
A. Conception de Marie
Témoins libériens : 16, f. 97v : sanct. 1. m. – 41, f. 6v : cal. add., f. 387 : sanct., comme nova sollempnitas. – 49, f. 147 : cal. add. rubr. 1. m. – 50, f. 8v : cal. add.-51, f. 169 : cal. add. – 52, f. 150v°, sanct., add. marg. – 91, f. 6v : cal. rubr. 1. m. – 99, f. 9v : cal. 1. m. – 106, f. 7 : cal. 1. m. – 113, f. 6v : cal. rubr. 1. m. – 114, f. 6v : cal. rubr. 1. m. – 115, f. 16 : sanct. 1. m. – 119, f. 6v : cal. rubr. 1. m. – 120, f. 7v : cal. rubr. 1. m.
Rien dans 48 92 97 98 105 112.
Textes : 52 In festo conceptionis b. Marie uirginis.
Or. Famulis tuis quesumus Domine celestis gratie munus impertire. ut quibus beate uirginis partus extitit salutis exordium. sanctificationis eius uotiua sollempnitas pacis tribuat incrementum. Per. Secr. Postcom. Require in natiuitate eius.
115 Office de l’Immaculée Conception. In primis vs. an. Sicut lilium inter spinas... (Lectures pour l’octave. Des. tu honorificentia populi nostri.
47On voit que les formules de la fête ont été composées à partir de textes préexistants. La première oraison est celle de la Nativité de Marie, à laquelle on renvoie aussi pour les deux autres oraisons. Elle est donnée en entier, mais avec une modification : au lieu de natiuitatis, nous lisons sanctificationis. La modification est significative, car dans l’oraison il n’est pas question de la conception de Marie, mais de sa sanctification. Nous sommes en effet à une époque où est encore discuté entre théologiens le bien-fondé et l’extension du privilège : les Dominicains le refusaient entièrement et unanimement ; les Franciscains n’étaient pas d’accord entre eux sur le moment précis où Marie fut exemptée du péché originel, dès le premier instant de la conception ou seulement au cours de la grossesse de la mère, et alors on parlait de sanctification. À cette position moyenne se conforme l’oraison. C’est pourquoi on peut penser qu’elle est d’origine et de transmission franciscaine.
48L’Italie porta une contribution notable au développement cultuel de la fête. Déjà l’évêque d’Anagni Albert (1224-1237) avait concédé une indulgence pour le 8 décembre aux dévots de la fête. Barthélemy de Trente affirme vers 1245-1246 dans son Liber epilogorum in gesta sanctorum, l’avoir vue célébrée solennellement dans la cathédrale d’Anagni en présence de la Curie romaine41. Un peu plus tard les Frères Mineurs l’adoptèrent au chapitre général de Pise en 1263. À son tour Boniface VIII (1294-1303) concéda à ses concitoyens d’Anagni des indulgences pour ceux qui participaient à sa célébration. Il est permis de penser qu’il y assistait lui-même quand son séjour dans la ville coïncidait avec la fête. Toutefois, malgré l’attitude favorable des papes, la fête n’était pas inscrite alors au calendrier officiel de l’Église romaine. Encore vers l’an 1320 Jean de Naples pouvait affirmer : « L’Église romaine ne célèbre pas la fête de la Conception ». Dix ans plus tard le répétait Alvaro Pelayo, qui ajoutait : « Toutefois elle permet qu’elle soit célébrée ailleurs ». Cependant, peu après ces témoignages, la Curie a dû changer de position, puisque Thomas de Strasbourg dit que « l’Église romaine a pour habitude de célébrer solennellement cette fête de la glorieuse Vierge » et en 1340-1345 Jean Bacon parle à son propos d’un « usage de longue durée ». Bien plus. Le même Alvaro Pelayo, qui écrit vers 1330, nous informe que lui-même prêcha à Rome le 8 décembre à Sainte-Marie-Majeure : cum ibi praedicarem ante festum Natalis per XV dies42 et qu’il avait entendu nommer dans l’oraison de la messe la sanctificatio Marie. C’est l’expression qui se retrouve dans l’oraison citée ci-dessus. C’est pourquoi la fête de la Conceptio Marie et l’oraison comportant le mot sanctificationis ont dû être ajoutées dans les missels libériens peu avant les années 30 du xive siècle.
B. Visitation de Marie
Témoins libériens. 3, f. 272rv : lect. matines, add. XIVe 2e moitié. – 16, f. 52 : graduel, sanct. 1. m. xve s. – 52, f. 88v : messe, add. xive s. 2e moitié. – 97, f. 427v : cal. add. xive-xve s.-99, f. 8 : messe add. xive-xve s. – 105, f. 4 : cal. 1.m., f. 289 : messe votive ou nouvelle. – 113, f. 4 : cal. rubr. 1. m. xive s. – 115, f. 12v : office xve s. – 119, f. 4 : cal. rubr. 1. m. 1489. – 120, f. 5 : cal. rubr. 1. m. 1478.
Rien dans 31 40 41 48 49 50 51 92 98 106 112 114
Texte (52, f. 88v°) : Jncipit offitium misse de visitatione Marie virginis gloriose.
Gaudeamus... de cuius uisitatione... V. Cantate Domino canticum nouum. quia mirabilia fecit Dominus.
Oratio. Omnipotens sempiterne Deus qui ex habundantia caritatis beate Marie tuo filio (add. al. man. fecundatam) ad salutationem Eliçabet inspirasti. Presta quesumus ut per eius uisitationem donis celestibus repleamur & ab omnibus aduersitatibus eruamur. p. d.
Epistola. Lecio libri sapientie. Ecce iste uenit saliens... et facies tua decora (Cant. 2, 8-14)
Graduale. Benedicta et uenerabilis es uirgo Maria que sine tactu pudoris inuenta es mater Saluatoris. V. Virgo Dei genitrix quem totus non capit orbis in tua se clausit uiscera factus homo.
All. All. Spes datur omni populo Mariam mox inuocare. uidenti hanc eliçabeth humiliter uisitare.
Evang. sec. Lucam. In illo tempore. Exurgens Maria... et reuersa est in domum suam (Lc 1, 39-56).
Credo in unum Deum.
Offertorium. Filie regum in honore tuo.
Or. Omnipotens sempiterne Deus qui curam de omnibus in te confitentibus semper habes. Presta quesumus. ut per oblationem quam tibi offerimus visitationem spiritualem beate Virginis in nostris necessitatibus sentiamus. P. d. n.
Com. Beata viscera.
Or. Omnipotens sempiterne Deus. qui commemorationem visitationis beate Marie matris Dei filii voluisti. Presta quesumus ut per hoc sacrificium quod sumpsimus ab eius visitationis gratia nullatenus excidimus. P. d. n. i. x. f.
49Cette nouvelle fête mariale, celle de la Visitation, trouve place dans les livres libériens au cours du xive-xve siècle. Sa première apparition semble pouvoir s’y dater de la deuxième moitié du xive en 52. C’est pourquoi a été reproduit le texte qu’il donne de la messe du jour et qui est un des plus anciens. Or, la Visitation de Marie avait été adoptée par les Franciscains au chapitre de Pise en 1263 et ils s’en firent de zélés propagateurs. En 1389, Urbain VI en étendit la solennité à l’Église universelle pour obtenir la fin du grand schisme43. Le Concile de Bâle la dota d’une messe spéciale. Dans les livres romains, et donc libériens, messe et office sont dûs à l’initiative d’Urbain VI.
C. Fête de la Neige
16, f. 56v : messe 1. m. xve s. – 41, f. 385 : office, add. xive-xve s. – 50, f. 6 : cal., add. xive s. – 51, f. 167 : cal., add. xive-xve s. – 52, f. 148v : messe, add. xive s. 2e moitié. – 91, f. 4 : cal., add. xive-xve s. – 99, f. 5 : cal., add. xve s. – 105, f. 4 : cal., rubr. 1. m. 1476 ; in fine vol. : Officium S. Ieronimi. Intr. Sapientia et disciplina, xve-xvie s. – 106, f. 5 : cal. 1. m., f. 265 : messe, 1. m., xive s. – 112, f. 4 : cal. 1. m., xve s. – 113, f. 4 : cal., rubr. 1. m. xve s. – 114, f. 4 : cal., rubr. 1. m., XVe s. – 119, f. 4 : cal. rubr. 1. m., 1480. – 120, f. 5 : rubr. 1. m., 1478.
Texte. Messe privée :
In festo niuis ad missam.
Int. Placuit diuine prouidentie egregiam urbem matris sue habitaculo decorare. Vt dum a populo frequenter ueneratur in terris opem sue intercessionis de celis gaudeat aduenisse. V. Contra naturam temporis aer nimia frigoris congelatione constringitur. Vt imbre de-super fuso miraculo pariter et algorem ministraret. V. Gloria Patri.
Or. Deus qui hodierna die ad declarandam gloriam beate Marie semper virginis genitricis tue. per descensum niuis in estiuis caloribus. locum in quo hedificaretur ei templum dignatus es demonstrare. tribue quesumus. ut eius obsequiis insistentes. refrigerati estu concupiscentie. candorem innocentie dealbemur. Qui uiuis.
Ep. Ab initio (Sir 24, 14).
GR. Requirentes locum mox uero papa Liberius fossorium letus accipiens sicut nix designauerat propriis manibus terram cepit effodere. V. Inmensi igitur miraculi tam pontifex quam curia quam clerus et populus admiratione repleti omnes unanimiter clamauerunt dicentes : Benedictus Deus.
All. Omnipotenti Deo immensas gratias persoluere nos oportet quia cum simus omium meritorum sublimatione priuati ad spetiale sue genitricis Marie obsequium nos dignatus est deputare.
Credo dicitur.
Off. Ilustris uero Iohannes patritius propter que sibi et uxori sue fuerant reuelata omnia que habebant beate Marie conferentes ipsam uenerabilem basilicam sibi fecerunt heredem. alleluia.
Post hoc dicitur oratio dominica.
Secr. Illius Domine Deus immaculate hostie percipiamus effectum. quam de illibata virgine Maria cuius hodie festa celebramus. in ara crucis pro mundi redemptione se uoluit humiliter immolare. Qui tecum.
Com. Quam prefatam basilicam idem papa Liberius in honorem Dei et beatissime genitricis Marie consecrauit. alleluia.
Postcom. Supplices te rogamus omnipotens Deus. ut gloriosissime virginis Marie genitricis filii tui Domini nostri Iesu Christi sacra misteria et mira beneficia eius interueniente merito et presidio. ab hostibus liberi et celestibus apti esse mereamur. Per eundem. (52, f. 148v°).
115, f. 8v : Ad missam [solemnem]. Int. Placuit diuine &c. ut supra (52). Oratio (ut supra 52) uel alia oratio ut supra in uesp. Deus qui beate &c. Ep. Ab initio. Gr. Requirentes. All. V. Omnipotenti. Euang. Loquente. Off. Illustris. Sec. Illius Domine (ut supra) Com. Quam (ut supra). Postcom. Supplices te (ut supra).
NB. Les pièces indiquées par le renvoi simple (ut supra) sont à chercher dans le Commun de la vierge Marie.
Office 41, f. 385-387 : 1. vesp. A. Dum esset rex. cum reliq. sic. in off. b. Marie cum ps. suis. Cap. Ab initio. Hy. Aue maris stella. V’. Dignare me. Ad Magn. a. S. Maria. succurre miseris. iuua pusillanimes. refoue flebiles. ora pro populo. interueni pro clero. intercede pro deuoto femineo sexu. sentiant omnes tuum iuuamen quicumque deuote celebrant tuam sanctam commemorationem. Or. Concede nos famulos tuos quesumus Domine Deus. perpetua mentis et corporis sanitate gaudere. et gloriose b. Marie semper uirginis a presenti liberari tristitia et eterna perfrui letitia. Per.
Ad mat. Inuit. S. Dei genitrix uirgo. intercede pro nobis. Ps. Venite exultemus. Hy. Quem terra pontus. In I. noct. a. Benedicta tu in mulieribus et benedictus fructus uentris tui. Ps. Domine Dominus noster. A. Sicut mirra electa odorem dedisti suauitatis s. Dei genitrix. Ps. Celi enarrant. A. Ante thorum huius uirginis frequentate nobis dulcia cantica dramatis. Ps. Domini est terra. V. Specie tua et pulchritudine tua. R. Intende prospere procede et regna. L. 1-6. [Miraculum niuis]. R.1. S. et immaculata uirginitas quibus te laudibus efferam nescio. Quia quem celi capere non poterant tuo gremio contulisti. V. Benedicta tu in mulieribus et benedictus fructus uentris tui. Quia. R. 2. Congratulamini mihi omnes qui diligitis Dominum. Quia cum essem paruula placui Altissimo et de meis uisceribus genui Deum et hominem. V. Beatam me dicent omnes generationes. quia ancillam humilem respexit Deus. Quia. R. 3. Continet in gremio celum terramque regentem uirgo Dei genitrix. proceres comitantur herilem. Per quos orbis ouans Christo sub principe pollet. V. Virgo Dei genitrix quem totus non capit orbis in tua se clausit uiscera factus homo. Per quos. Gloria. Per quos. In II. noct. a. Specie tua et pulchritudine tua. intende prospere procede et regna. Ps. Eructauit. A. Adiuuabit eam Deus uultu suo. Deus in medio eius non commouebitur. Ps. Deus nos-ter refugium. A. Sicut letantium omnium nostrum habitatio est in te s. Dei genitrix. Ps. Fundamenta. V’ Adiuuabit eam Deus uultu suo. R. Deus in medio eius non commouebitur. R. 4. Sicut cedrus exaltata sum in Libano et sicut cypressus in monte Syon. quasi mirra electa dedi suauitatem odoris. V. Et sicut cinnamomum et balsamum aromatiçans. Dedi suauitatem. R. 5. Que est ista que progreditur sicut sol et formosa tamquam luna. Viderunt eam filie Syon et beatam dixerunt et regine laudauerunt eam. V. Et sicut dies uerni amiciebant eam flores rosarum et lilia conuallium. Viderunt. R. 6. Ornatam monilibus filiam Ierusalem Dominus concupiuit. Et uidentes eam filie Syon beatissimam predicauerunt dicentes : Unguentum effusum no-men tuum. V. Astitit regina a dextris tuis in uestitu deaurato. circumamicta uarietate. Et. Gloria. Et. In III. noct. a. Gaude Maria uirgo. cunctas hereses sola interemisti in uniuerso mundo. Ps. Cantate. I. A. Dignare me laudare te uirgo sacrata. da mihi uirtutem contra hostes tuos. Ps. Dominus regnauit exultet. A. Post partum uirgo immaculata permansisti. Dei genitrix intercede pro nobis. Ps. Cantate. II. V. Elegit eam Deus et preelegit eam. R. In tabernaculo suo habitare facit eam. L. 7-9. Lect. s. euang. sec. Lc. (11, 27-28). Omelia Origenis. O digne deuotionis fidei... qui legendum putant factum ex muliere. R. 7. Beatam me dicent omnes generationes. Quia fecit mihi magna qui potens est et sanctum nomen eius. V. Et misericordia eius a progenie in progenies timentibus eum. Quia. R. 8. Felix namque es sacra uirgo Maria et omni laude dignissima. Quia ex te ortus est sol iustitie Christus Deus noster. V. Ora pro populo. interueni pro clero. intercede pro deuoto femineo sexu. sentiant omnes tuum iuuamen quicumque celebrant tuam s. commemorationem. Quia. Gloria. Chr. Ds. nr.
Ad laudes et per horas a. Dum esset rex in accubitu suo nardus mea dedit odorem suauitatis. Ps. Domnus regnauit. cum reliquis per laudes. A. Leua eius sub capite meo et dextera illius amplexabitur me. A. Nigra sum sed formosa filia Ierusalem. ideo dilexit me rex e introduxit me in cubiculum suum. A. Iam hiems transiit ymber abiit et recessit. surge amica mea et ueni. A. Speciosa facta es et suauis in deliciis tuis sancta Dei genitrix. Cap. Ab initio et ante secula. Hy. O gloriosa domina. V. Diffusa est gratia in labiis tuis. R. Propterea benedixit te Deus in eternum. Ad Ben. a. Beata es Maria que credidisti Domino. perficientur in te que dicta sunt tibi ab angelo. alleluia. Oratio ut supra. Ad III. cap. Ab initio. R. br. Adiuuabit eam Deus uultu suo. V’. Deus in medio eius non commouebitur. Ad VI. cap. Et radicaui. R. br. Adiuuabit eam. V. Deus in medio. Ad IX. cap. In plateis sicut. R. br. Elegit eam Deus et preelegit eam. V. Propterea benedixit te Deus in eternum.
Ad 2. vesp. a. Dum esset rex [cum reliquis de] laudibus. Ps. Dixit Dominus. cum reliquis de s. Maria. Cap. Ab inicio. Hy. Aue maris stella. V. Dignare me laudare te uirgo sacrata. R. Da mihi uirtutem contra hostes tuos. Ad Magn. a. Beatam me dicent omnes generationes quia ancillam humilem respexit Deus. Or. ut sup.
Office 115, f. 1-6v : In festo s. Marie ad niues. In 1. et laudibus et in 2. uesp. Marie uirginis laudes et preconia ueneranda eo magis debet humanus sensus extollere quanto per ipsam certum est nobis reparationis remedia prouenisse. Ps. Dixit Dominus. Ant. Aduocata benignissima multis misteriorum signis et prophetarum oraculis nunctiata salutem credentibus suis suffragiis acquisiuit. Ps. Laudate pueri. Ant. Replicemus igitur deuotissimis sermonibus quam glorioso miraculo locum sue basilice fidelibus dignata est demonstrare. Ps. Letatus. Ant. In uisione summum presulem atque Iohannem patritium edocuit quem sibi locum spetiali prerogatiua reseruasset. Ps. Nisi Do-minus. Ant. Atque idem papa Liberius dictam basilicam uenerabiliter consecrauit illustris uero patricius omnia que erant necessaria ministrauit. Ps. Laudate. Cap. Ab initio. Hy. Ihesu Christi mater uirga styrpis Iesse (RH 9486, 8 str.). V. Inclina aurem nobis o regina celorum. R. Ad quam pro nobis se inclinauit Dominus dominorum. Ad Magn. ant. Omnipotenti Deo inmensas gratias persoluere nos oportet qui. cum simus omnium meritorum sublimatione priuati. ad speciale sue genitricis Marie obsequium nos dignatus est deputare. Cc. Magnificat. Or. Deus qui hodierna die. Req. in fine quaterni [sed add. marg.] : Deus qui hodierna die beate et gloriose uirginis Marie. uirginei candoris eiusque uenerande memorie habitaculum descensu mirabili humoris niuei demonstrasti. concede propitius. ut ipsius indeficientibus patrociniis a nostrorum sordibus peccatorum super niuem dealbari mereamur. Per.
Ad mat. inuit. Christum regem adoremus Dominum. cui hodie placuit signo niuis matris sue habitaculum demonstrare. Ps. Venite. Hy. Quem terra (RH 16347). In I. noct. ant. Dum a populo frequenter ueneratur in terris opem sue intercessionis de celis gaudeant aduenisse. Ps. Celi. An. Quam stupendo miraculo sue sancte genitricis uoluerit edificandam ecclesiam omnibus demonstrare. diuinis reuelationibus gestum esse replicemus. Ps. Domini est terra. V. Inclina au-rem tuam nobis o regina celorum. R. Ad quam pro nobis se inclinauit Dominus dominorum. R.1. Tempore quo uolens b. Maria uirgo Dei genitrix. locum edificande sibi basilice hominibus demonstrare. V. Quadam nocte subito contra naturam temporis aer nimia frigoris congelatione constringitur. R. 2. Apparens igitur sanctissima uirgo Maria Liberio summo pontifici tali eum. Admonitionis oraculo uoluit edocere. V. Operum tuorum intentio et circumspecte sollicitudinis uigilantia a quo omnipotenti Deo plurimum placere cognosceris. Admo[nitionis]. R. 3. Habebis siquidem et Iohannem patricium in hoc opere idoneum adiutorem qui ad te summo diluculo tuis preceptis pariturus uenire procurabit. Cum quo simul et uniuerso clero et populo urbis. V. Ad montem qui Superagius dicitur incunctanter accede. Cum. In II. noct. ant. Hoc tibi impero faciendum ut cum summo mane surrexeris ad Liberium papam festinanter accedas. Ps. Eructauit. A. Ut solennis perpetuo locus habeatur. uoluntatem meam ingenti uolui miraculo demonstrare. Ps. Deus noster. A. Cumque huic et sue coniugi nomen suum s. Dei genitrix indicasset. s. reuelationis inspectio ab oculis eorum elabitur. Ps. Fundamenta. V. Angelorum domina potentissima cunctorum. R. Esto nobis protectrix a fraude malignorum. R. 4. Cumque Iohannes patritius primo mane ianuas palatii sui ad summum pontificem perrecturus exisset. Sicut in sompnis audierat totum locum niue coopertum inspexit. V. Qua de re aperte uisionis a[t]testatione firmatus iubentis imperiis anxius obedire curabat. Sicut. R. 5. Omnipotenti Deo fili carissime inmensas gratias persoluere nos oportet. Quia cum simus indigni ad spetiale sue genitricis obsequium nos dignatus est deputare. V. Iam nuntii ex nostra parte directi populum simul et clerum totius orbis ad nos pari-ter uocauerunt. Quia. R. 6. Cumque hec uerba papa Liberius complesset senatus et tot[i]us populi maiores pro foribus astiterunt. Pontificem cum magna instantia requirentes cum ex uocatione sua et etiam miraculi nouitate plurimum concitati. V. Cum autem summus pontifex una cum patritio et cardinalibus uniuersis exisset. Pontificem. In III. noct. ant. Hodie tamen eam diuinis muneribus et spiritualibus donis ampliare atque decorare dignatus est. Ps. Cantate. I°. Ant. Ecce fratres carissimi nix quam de celo in hoc tempore cecidisse conspicitis diuini beneficii indicio declarat. Ps. Dominus regnauit. An. Ut nullus posset ambigere immensa nobis celitus diuina beneficia prouenisse. Ps. Cantate. II°. V. Ab initio ordinata est mater Dei Maria. R. Que uere Deum dilexit toto corde super omnia. R. 7. Cumque omnibus Liberius seriatim exponeret que sibi et Iohanni patritio fuerant reuelata. Omnes unanimiter clamauerunt dicentes : Benedictus Deus. V. Et ad predictum locum una cum summo pontifice omnes exultantes diuinis laudibus perrexerunt. Omnes. R. 8. Requirentes uero locum mox Liberius papa letus fossorium accipiens sicut nix designauerat propriis manibus terram cepit effodere. Que extimplo aperta est per circuitum. V. Inmensi igitur miraculi tam pontifex quam uniuersa curia quam clerus et populus admiratione repleti. Que. R. 9. Illustris uero Iohannes patritius propter ea que sibi et uxori sue fuerant gesta et reuelata. omnia que habebant b. Marie semper uirgini conferentes. Ipsam basilicam sibi fecerunt heredem. V. Quam prefatam basilicam idem Liberius in honorem Dei et bb. genitricis Marie consecrauit. Ipsam.
Ad laudes ant. Marie uirginis. cum reliquis ut supra in 1. uesp. et dicuntur ps. consueti. Cap. Ab initio et ante. Hy. O gloriosa (RH 13042 ?). V. Dignare me laudare te uirgo sacrata. R. Da mihi. Ad Ben. an. Admitte uirgo Maria ss. tuorum uota fidelium et astantes tue laudis seruulos officio precibus tuis sanctis adiunge sanctorum collegio. Cc. Benedictus. Ad III. R. br. Inclina aurem tuam nobis. O regina celorum. V. Ad quam pro nobis se inclinauit Dominus dominorum. O regina. V. Gloria. Inclina. V. Angelorum domina potentissima cunctorum. R. Esto nobis protectrix a fraude malignorum. Ad VI. R. br. Angelorum domina potentissima cunctorum. V. Esto nobis protectrix a fraude malignorum. Potentissima. V. Gloria. Angelorum. V. Ab initio ordinata est mater Dei Maria. R. Que uere Deum dilexit toto corde super omnia. Ad IX.R.br. Ab initio ordinata est. Mater Dei Maria. V. Que uere Deum dilexit toto corde super omnia. Mater Dei Maria. V. Gloria. Ab initio. V. Dignare me laudare te uirgo sacrata. &c.
Ad uesp. ant. Marie uirginis laudem et preconia. cum reliquis ut supra in 1. uesp. cum ps. consuetis. Cap. Ab initio et ante. Hy. Quem pia uirgo genuit (RH 16317) Require in fine post missam. V. Dignare me laudare te uirgo sacrata. R. Da mihi uirtutem contra hostes tuos. Ad Magn. an. Regina celorum et saluatrix omnium tibi tanto deuotius fragiles supplicamus quanto uiscera tue pietatis copiosius benigna in-pendes. Accipe igitur ss. mater uirgo Maria que tibi sincera fidei deuotione persoluimus. et ita uitam nostram solita miseratione dispone quatenus tibi iugiter seruire mereamur. Cc. Magnificat.
115, f. 8v : In festo s. Marie ad niues in 2. vesp. Hy. Quem pia uirgo genuit (RH 16317).
50Parmi les livres libériens, le plus ancien témoin de la messe, dont le texte est reproduit ci-dessus, pourrait être le missel 52, le plus ancien de l’office, le bréviaire 41, tous les deux à l’usage de Sainte-Marie-Majeure. Dans les calendriers, qu’elles soient de première ou de seconde main, les mentions de la fête sont des xive et xve siècles.
51Mais les plus anciennes sont dans le registre des chartes libériennes publiées par Ferri et datent des pontificats d’Honorius III(1216-1227) et de Grégoire IX (1227-1241). En effet, le 29 juillet 1222, le premier confirma les indulgences concédées par ses prédéces seurs pour la célébration solennelle de la dédicace de l’église de Sainte-Marie-Majeure qui se célèbre chaque année le 5 août. Le 23 juillet de l’année suivante, le même pape renouvela les indulgences en donnant trois précisions importantes : 1° Les indulgences étaient de deux ans et deux quarantaines ; 2° la fête était appelée « de la Neige » ; 3° elle était déclarée solennelle et dotée d’un office et d’une messe propres. Le successeur d’Honorius, Grégoire IX (1227-1241) confirma à son tour les mêmes indulgences et ordonna qu’au jour anniversaire 5 août fût célébrée solennellement non seulement la consécration de la basilique par Sixte III (432-440), mais aussi celle du nouvel autel majeur, qui avait été faite par Clément III (1187-1191)44.
52Dans l’acte pontifical du 23 juillet 1223, nous avons, pensons-nous, ce que nous pouvons considérer comme l’acte de naissance d’une fête libérienne destinée à jouir de la faveur durable du peuple de Rome. C’est pourquoi nous avons supposé que la dédicace célébrée par Clément III, datable du 5 août 119045, ait pu être l’occasion qui devait donner naissance à la fête. Quoi qu’il en soit, ces chartes libériennes de 1222-1239 sont les plus anciens témoignages connus et, nous le soulignons, sûrement datés de la fête de la Neige.
53De peu postérieur est le passage que Barthélemy de Trente inséra vers 1245-1246 dans son Liber epilogorum le jour de l’Assomption de Marie comme preuve de son intercession toute-puissante :
Iohannes patricius, eo tempore Rome cum uxore sua devote Christo serviens, cum heredem non haberent, petebant sibi a Deo revelari in quo opere Deo magis complacerent. Quinto igitur die augusti, Maria patricio et uxori apparet, dicens suo Filio complacere, ut de eorum substantia matri Dei templum nobile construatur. Signum contra naturam, nivem quantitatem et qualitatem nivis dilationem locum montem Superagium presignans, pape Liberio eadem nocte, eadem virgo intimat. Adveniunt, signa vident omnes, omnes praedicant, Deus laudatur. Accedit papa, primos terre fossos ut fundamenta terre iaciant, et ecce mirum miris addicitur, quia per se terra fundamento iaciendo cessit. Consumatur ecclesia et ea die a Syxto papa tercio dedicatur. Ibique ostenditur presepe Domini et Sancta Maria Maior nominatur46.
54Dans le passage cité il est facile de reconnaître la légende de la Neige, qu’il ne cite pas littéralement, mais résume fort exactement et dont Barthélemy pouvait avoir le texte à portée de main. Non seulement il connaît les noms des protagonistes, mais il les place encore fort correctement dans le temps : tempore Constancii, comme nous lisons dans le contexte antérieur de la citation, et surtout il rapporte correctement le toponyme, montem Superagium, que nous retrouvons parfois estropié dans les manuscrits de la légende. Il est déformé aussi dans les chartes libériennes du temps de Clément III sous la forme de mons super Avium ou super Aves47. Mais, à la différence de ce qu’il fait pour la fête de la Conception de Marie, de celle de la Neige il ne se dit pas témoin oculaire. Il s’est donc informé dans la légende elle-même, et si celle-ci était à sa disposition, c’est qu’elle circulait déjà en ce temps-là. Ce fait constitue donc à son tour un précieux indice de datation, non plus seulement de la fête, mais encore de la légende. On verra dans le prochain chapitre dans quelles circonstances elle a été composée.
4. Autres fêtes
A. S. Anne
52, f. 184v : messe (entre S. Apollinaire et S. Jacques), xiiie s. fin. – 98, f. 329v : messe add. xve s. – 106, f.5 : cal. 1. m., xives. – 112, f. 244v : messe extra ord. xve s. – 113, ff. 4 : cal. 1. m., f. 315v : messe 1. m., xve s. – 115, f. 10v : office., xve s. – 119, f. 4 : cal. rubr. 1. m., 1480 – 120, f. 5 : cal. rubr. 1. m. 1478.
Rien en 16 31 40 41 50 51 91 97 99 105
Texte :
Jn festo beate Anne matris Domine nostre.
Jntroitus. Gaudeamus.
Or. Famulis tuis quesumus Domine intercedente beata Anna cuius hodie festa complemus. celestis gratie munus impertire. ut que te dignante Unigeniti tui peperit genitricem in fructum nobis impetrat salutis optate. Per. eiusdem.
Epistola. Mulierem (Prov 31, 10-31).
Grad. Dilexisti.
All. V. Diffusa.
Euang. Loquente Ihesu ad turbas accesserunt ad eum mater eius et fratres (Lc 8,19-21). Require retro in festo.vii. fratrum.
Offert. Filie regum.
Secreta oratio. Offerimus tibi Domine tua munera deprecantes. ut beate anne patrocinio communiti. sic transeamus per bona temporalia. ut non ammittamus eterna. Per.
Post com. oratio. Familiam tuam quesumus Domine continua protectione custodi. et beata Anna intercedente cuius festiuitate gaudemustua in nobis dona multiplices. a qua cepit nostre salutis exordium. Per. (52, f. 184v°-185, marg. inf.)
55Le culte de S. Anne s’est développé en étroite liaison avec celui de la Conception de Marie. C’est pourquoi, les mêmes raisons qui favorisèrent le développement de celle-ci expliquent l’insertion de la messe de S. Anne dans les livres libériens le 26 juillet. Dans le manuscrit 52, la sainte est qualifié de « mère de Notre-Dame » et les formules de la messe s’inspirent de celles de la Nativité de Marie.
B. S. Jérôme
30 sept. Natale. 41, f. 5 : cal. 1. m., f. 347 : messe 1. m. xiiie s. fin. – 48, f. 368 : cal. 1. m. xive s. – 50, f. 5 : cal. rubr. 1. m., f. 317 : office 1. m. – 51, f. 167 : cal. 1. m., f. 202 : In doctoribus, xive s. déb. – 52, f. 87 : messe add., f. 206v : 3 oraisons add., f. 225v :
oraison, grad., alleluia, offertoire, xive s.-97, f. 426 : cal. rubr. 1. m. xiiie s. fin. – 99, f. 6 : cal. 1. m. – 105, f. 5 : cal. 1. m. ; in fine, officium S. Hieronimi, messe, add. – 106, f. 6 : cal. 1. m. – 112, f. 5 : cal. rubr. 1. m. xve s. – 113, f. 5 : cal. rubr. 1. m. xve s. – 114, f. 5 : cal. 1. m. xve s. – 119, f. 5 : cal. rubr. 1. m. 1480. – 120, f. 6 : cal. rubr. 1. m. 1478.
9 mai, Translation. 16, f. 42, xve s. – 50, f. 5 : cal. add. 1. m. – 91, f. 3v : cal. add. xive s. – 97, f. 424 : Translatio S. Hieronymi doct. ad S. Mariam Maiorem, xiiie s. fin. – 99, f. 4, add. : Transl. Diui Hier. puis autre m. : de Bethleem ad S. Mar. Maior. sed nunc celebratur in vig. Ascensionis de mandato Pii II, xve s.
56En l’honneur de S. Jérôme ont donc été insérées dans le missel 52 trois séries de prières. Le premier ajout nous donne le texte complet de la messe que nous reproduisons pour les oraisons et limitons aux initia pour les autres pièces.
Textes :
1. – Jn festo S. Jeronimi magni doctoris presbiteri et confessoris.
Intr. Sapientia et disciplina. V. Sapientis scientia. Gloria Patri.
Or. Omnipotens sempiterne Deus qui ecclesie tue b. Ieronimum confessorem. scripture sancte uerum interpretem & tractatorem catholicum tribuisti. concede propitius. ut eius semper erudita doctrinis. stabili fide in ueneratione tui nominis et agnitione proficiat. Per.
Ep. Testificor (2 Tim 4, 1-8).
Gr. Beatus uir qui in sapientia morabitur. V. Beatus homo quem sub tu erudieris Domine.
All. V. Felix ex fructu triplici quem sub doctore mirifico et uirtute multipli-ci legit sancto Ieronimo.
Sec. Math. (5, 13-19).
Off. Qui timet Dominum... accipiet benedictionem illius. all.
(Sec.) Quesumus omnipotens Deus oblationem hanc quam in honorem b. Ieronimi confessoris tui maiestati tue sincera deuotionem offerimus. pia clementia tua digneris respicere. & nos ipsius interuenientibus meritis. a peccatorum nostrorum uinculis propitiatus absoluere. Per.
Com. Domine dilexi decorem domus tue.
Postcom. or. Famulos tuos nos Domine in te sperantes. tua que sumpsimus sacramenta custodiant. et intercedente b. Ieronimo confessore et ecclesie tue sancte doctore catholico. contra omnia tueantur aduersa. Per. (52, f. 87)
2. – Jn festo beati Jeronimi doctoris.
Or. Ecclesiam tuam quesumus Domine pia miseratione custodi. & quam beatissimus sacerdos & confexor tuus Ieronimus a cunctis te presidiante purgauit heresibus. ipsius orationibus non desinas adiuuare. Per.
Sec. Beati Ieronimi confexoris tui intercessione tua Domine beneficia capiamus. in cuius sollempnitate hostias tibi laudis offerimus. Per.
Post co. Sumpta misteria famulos tuos Domine purgent a cri-mine. et beati Ieronimi confexoris tui atque doctoris. sollempnia uenerantur. Per. (52, f. 206v°-207, marg. inf.).
3. – Oratio pro S. Jeronimo, même texte qu’en 2, Grad. Os iusti, All. Beatus uir qui suffert, off. Justus ut palma. (52, f. 225v°-226).
Graduel, alleluia, offertoire ayant été transcrits sur le deuxième feuillet, mais de la même main que l’oraison, on peut penser que tous les textes se rapportent à S. Jérôme.
57Dom Salmon avait signalé l’importance de ces additions, mais alors qu’il n’en avait vu que deux48, elles sont en réalité trois49, si bien qu’est remise en cause l’interprétation qu’il en avait donnée. Les deux marqueraient, selon lui, deux étapes du culte du saint au xiiie siècle : entre 1260 et 1280, sa translation à Rome et sa déposition à Sainte-Marie-Majeure ; en 1298, la proclamation par Boniface VIII d’Ambroise, Augustin, Jérôme et Grégoire le Grand docteurs de l’Église50. Que vaut l’explication, dès lors que les additions sont trois ?
58Elles sont toutes hors de leur place normale : celle du f. 87, entre le Samedi Saint et le dimanche de Pâques sur des feuillets primitivement restés blancs ; la seconde, infrapaginale, maladroitement insérée entre les SS. Cyprien et Justine et SS. Côme et Damien ; la troisième, inscrite en marge du Commun des Saints. La question est donc de savoir pourquoi furent faites ces trois additions.
59La clef du problème pourrait être dans la date des additions. La plus ancienne semble être la dernière, du Commun des Saints, écrite en caractères petits, mais soignés, de la fin du xiiie siècle. La seconde, d’une main chronologiquement encore très voisine de celle qui transcrivit le fonds primitif du manuscrit, est celle de la messe complète. Entre ces deux insertions il y a un net progrès cultuel, puisque Jérôme, de sacerdos et confessor, devient magnus doctor presbiter et confessor. Aussi n’est-il pas exclu qu’elles soient à mettre en relation avec la décision de Boniface VIII de mettre S. Jérôme parmi les docteurs de l’Église. Dans ce cas, l’oraison du f. 225v° est antérieure, la messe du f. 87, postérieure à 1298.
60Reste l’addition des f. 206v°-207. Son écriture est moins soignée que celle des deux autres et semble plus tardive. Il y a aussi l’orthographe dialectale confexor. En plaçant cette addition au xive siècle en fonction de la paléographie, on ne voit pas bien comment expliquer un éventuel retour à la formule plus ancienne de l’oraison, même en observant qu’elle figure sous le titre : Jn festo beati Jeronimi doctoris. Aussi semble-t-il plus probable qu’elle provienne d’une main moins experte que les autres, mais encore de la fin du xiiie siècle.
61On propose donc de la manière suivante la chronologie de leur insertion dans le manuscrit : 1° f. 225v° la simple oraison pro S. Jeronimo (2e moitié du xiiie siècle), 2° f. 206v°-207 : Jn festo b. Jeronimi doctoris (1298), 3° Jn festo S. Jeronimi Magni Doctoris Presbiteri & confessoris (après 1298). La séquence diffère de celle proposée par Salmon et on peut espérer qu’elle ne résulte pas d’une illusion d’optique.
62Garde en revanche sa valeur l’observation de Salmon que ces messes sont probablement les plus anciens témoignages du culte liturgique rendu à Rome au saint ermite de Bethléem et expriment la tradition locale de la translation de ses reliques.
C. Autres notices romaines des livres libériens
63Pour donner une image complète des célébrations dont il est fait mention dans les livres libériens, il faut signaler celles qui y ont été ajoutées en différents endroits, soit parce qu’elles avaient été oubliées par le premier scribe, soit parce qu’elles étaient trop récentes pour être déjà entrées dans l’usage courant. Il s’en ajoutera une autre qui apparaît dès le début dans les calendriers libériens et qui concerne la basilique titulaire voisine de Sainte-Pudentienne. Elles seront données dans l’ordre du calendrier, sauf les fêtes mobiles qui le seront à la suite.
3 mai/14 sept. ; Incipit officium S. Crucis (48, f. 445, messe ajoutée).
19 mai : S. Petri [Celestini] (98, f. 326-330, add.)
26 juill., cal. : Pastoris presb. et conf. (48, f. 4 ; 50, f. 6 ; 51, f. 166v ; 91, f. 4 ; 97, f. 425 ; 99, f. 5) ; Past. pr. et cf. dein corr. al. m. : ep.et cf.(49, f. 146v) ; S. Pastoris pbri. cardinalis et conf. (41, f. 4, 1. m.)
29 juill. : S. Marthe vg. (98, f. 326-330, add.).
6 août : Transfiguratio Domini (5.8 : Vigilia ; 6.8 : In die, 40, f. 122-123 ; 105, f. 4v : cal. 1. m., sanct. add.).
12 août : S. Clare vg. (98, f. 326v, add.).
26 sept. : In SS. mm. Cipriani et Justine (52, f. 205, add. marg.)
4 oct. : In S. Francisci. Or. Deus qui ecclesiam tuam (40, f. 176, add.).
9 oct. : SS. Dionisii, Rustici et Eleutherii (40, f. 176, add.).
10 oct. : S. Cerbonii ep. et cf. (106, f. 6).
19 nov. : In S. Helisabeth (52, f. 213v, add. marg.)
21 nov., cal. : Presentatio b. Marie Vg. Duplex Ma. (119 ; f. 6 ; 120, f. 7, xviie s.)
25 nov. : In festo b. Katerine vg. et m. (52, f. 214v, add. marg.).
Fêtes mobiles.
S. Trinité, dim. ap. Pent. (50, f. 378).
Fête-Dieu, jeudi ap. Trin. (48, f. 446, sans titre, plus séq. Lauda Syon ; 50, f. 380v, plus oct. ; 52, f. 251-252, plus séq. LaudaSyon ; 98, f. 327v ; 112, f. 297 add., plus séq. Lauda Syon).
64Ces additions montrent que, mis à jour, ces livres sont restés à l’usage de la basilique après leur composition, c’est-à-dire du xiiie au xve siècle en général. L’inscription de S. Pastor, habituellement de première main, aux calendriers de Sainte-Marie-Majeure est à considérer comme l’écho des traditions sur l’origine du titre voisin et une réception de cette légende de fondation. Caractéristique de l’esprit du temps est la transformation du prêtre en cardinal. En quoi il a suivi les traces de S. Jérôme, avec cette différence que ce dernier a dû son « cardinalat » à sa renommée de docteur de l’Église, alors que l’autre en a bénéficié du fait qu’il était prêtre d’un titre cardinalice. C’est un exemple particulier d’aggiornamento liturgique.
IV. LES PROGRÈS DU CULTE DES SAINTS DANS LA BASILIQUE
65Si nous cherchons à mesurer les progrès réalisés par le culte des saints à la fin du Moyen Âge, le missel incunable 105 peut servir d’intéressant terme de comparaison. En effet, son Sanctoral est resté très traditionnel par rapport à son Calendrier et correspond à ce qu’était le culte des saints à Sainte-Marie-Majeure au xiiie siècle. C’est ce que font apparaître aussi les tableaux synoptiques des Calendriers et des Sanctoraux. Grâce à eux, nous voyons quels sont les acquis du culte libérien après cette date, en relevant les fêtes du Calendrier qui sont absentes du Sanctoral.
Janvier : S. Paul premier ermite, S. Hygin pape, S. Maur abbé, S. Antoine abbé, S. Jean Chrysostome, SS. Cyr et Jean.
Février : S. Ignace et S. Brigide, S. Blaise, S. Gilbert de Sempringham, S. Apollonie, S. Scolastique.
Mars : S. Thomas d’Aquin, SS. XL martyrs.
Avril : les papes S. Sixte, S. Léon le Grand, S. Anicet, SS. Soter et Gaius, SS. Clet et Marcellin.
Mai : SS. Alexandre Éventius Théodule Juvénal, l’Apparition de S. Michel, S. Boniface, S. Yves, les papes S. Éleuthère, S. Jean et S. Félix, S. Pétronille.
Juin : S. Silvère pape, S. Paulin de Nole.
Juillet : Octave de S. Jean Baptiste, S. Pie et S. Anaclet papes, SS. Cyr et Julitte, S. Alexis, S. Symphorose et ses sept fils, S. Marguerite, S. Christine, S. Christophe, S. Anne et S. Pastor, S. Pantaléon.
Août : S. Justin, S. Romain, S. Bernard, S. Zéphyrin pape.
Septembre : S. Antonin.
Octobre : S. Remi, S. Cerbonius, SS. XI mille vierges e S. Hilarion, S. Évariste pape.
Novembre : Commémoraison des défunts, SS. Vital et Agricol, Dédicace de la basilique du Latran, SS. Tryphon, Respice et Nymphe, S. Martin pape, S. Brice, Dédicace des basiliques des apôtres Pierre et de Paul, Présentation de Marie, S. Saturnin.
Décembre : S. Bibiane, S. Barbe, S. Sabas, S. Ambroise, S. Melchiade pape.
66Manquent en revanche dans le Calendrier cinq fêtes qui sont dans le sanctoral :
67Translation de S. François, S. Antoine de Padoue, S. Marc pape, S. Élisabeth, S. Théodore.
68Le Sanctoral de l’incunable contient donc 60 fêtes de moins que le Calendrier et il est à peu près égal au Sanctoral du Missel de la chapelle papale 52. Se confirme ainsi l’impression que le Sanctoral de 105 représente une tradition plus archaïque que son Calendrier. Quels sont donc les saints du Sanctoral de 105 qui ne figurent pas en 52 ? Les plus nombreux sont les papes (18 additions), les martyrs d’origine non romaine (17) e les confesseurs étrangers (14). Ensemble, ils représentent les 5/6 de toutes les additions.
69La promotion cultuelle des papes a été la plus forte et s’étend à tout le Moyen Âge pour arriver à son point de saturation à la fin de cette période. On explique le fait par leur sépulture dans les basiliques romaines et surtout dans la Vaticane. Mais il n’y a pas de doute qu’elle traduit aussi le regain d’importance et de prestige de l’institution papale après le Grand Schisme.
70Celle des martyrs non romains, en revanche, est à mettre en relation avec la diffusion de leurs reliques du ive-ve siècle jusqu’à la fin du Moyen Âge. Les Quarante martyrs de Sébaste p. ex. étaient vénérés durant cette très longue période dans la catacombe des Saints-Marcellin-et-Pierre bien avant que leur oratoire du Forum Romain n’introduisît leur culte au centre de la cité au Haut Moyen Âge. La même chose peut se dire des bolonais Vital et Agricol au premier desquels fut intitulé le titre romain créé au tournant du ive-ve siècle. Dans le groupe ne manquent des importations tardives : Antonin d’Apamée rejoignit Rome par Capoue, Tryphon et Respice doivent leur admission au voisinage de leur basilique avec celle de Saint-Augustin. Ne manquent pas des substitutions ou confusions : ainsi le martyr romain Saturnin est devenu évêque dans le Calendrier 105 et a été assimilé à son homonyme toulousain.
71Dans le groupe des confesseurs étrangers, tous les types de sainteté et toutes les époques où ils vécurent sont représentées : de l’Antiquité viennent les ermites et moines Paul, Antoine, Maur, Hilarion, Sabas ; les évêques Chrysostome, Ambroise, Paulin, Juvénal, Remi, Brice ; au Moyen Âge appartiennent Bernard de Clairvaux, Gilbert de Sempringham, Thomas d’Aquin et Yves de Tréguier le plus récent.
72À l’extrême opposé se situent les catégories peu présentes. Les deux confesseurs romains Alexis et Pastor sont entrés dans la vénération des Romains grâce à leur légende ; les deux vierges Brigide grâce aux pèlerins scots et anglais, Scolastique à la suite de son frère Benoît. Une constante des importations cultuelles fut précisément le fait que Rome a été un centre de pèlerinage avant qu’on insistât davantage sur Rome centre de l’Église universelle.
***
73Pour terminer ce chapitre, on peut tenter une périodisation du culte des saints dans la basilique libérienne. Deux études peuvent servir de termes de comparaison. La première est celle de Pierre Jounel sur le culte des saints au xiie siècle, la seconde, celle de Stephen P.J. Van Dijk sur la liturgie romaine au xiiie51. Le premier auteur était resté sensible au rôle de la papauté réunissant « quatre fois en moins d’un siècle des centaines d’évêques...en Concilium generale au Latran pour délibérer et légiférer sous l’autorité du pape ». Il s’agit des 1er, 2e, 3e et 4e conciles de Latran tenus de 1123 à 1214. Ces assises conciliaires sont parmi « les évènements principaux qui ont marqué au 12e siècle la vie de l’Église romaine ». Ils permettent de « mieux situer dans son développement le calendrier respectif »52 des grandes basiliques romaines. Cette observation, que Jounel limitait aux basiliques du Latran et du Vatican, il est permis de l’étendre à celle de Sainte-Marie-Majeure et d’ajouter ainsi, à l’influence des pèlerins, celle des Pères conciliaires, faisant connaître à Rome les saints de leurs pays d’origine aussi bien qu’ils emportaient chez eux des reliques romaines.
74Au xiiie siècle, le relais est pris par l’ordre franciscain. En ses débuts, on sait que ses livres liturgiques ont été ceux de la Curie romaine. Les livres de Sainte-Marie-Majeure en témoignent. Deux sont particulièrement significatifs, qui se disent « des frères mineurs selon la coutume de la Curie romaine » (41 50). On ne peut guère mieux dire que les Franciscains avaient adopté à leur usage les livres de la Curie. Or, dès le milieu du xiiie siècle, Haymon de Faversham enregistre les décisions prises par les chapitres généraux de l’ordre et contribue à codifier ses usages propres. Ce travail normatif trouve son expression dans les différents ordines rédigés par Haymon : calendrier, ordo breviarii, ordo missae etc. Il faut croire que ce travail était bien fait, car c’est modifiés et renouvelés par les Franciscains que les livres de la Curie continuent leur existence. Aussi l’initiative en matière de liturgie ne revient vraiment à la Curie romaine qu’après le Grand Schisme, lorsque le Siège de Rome retrouve son prestige, puis son autorité, avec la réunification de l’Église d’Occident. Alors il y a longtemps que les livres de la Curie ont perdu leur physionomie du xiiie siècle. C’est pourquoi ils changeront une nouvelle fois de titre en se réclamant de l’autorité de « l’Église de Rome » et du Concile de Trente.
75C’est dans ces conditions que s’est développé aussi le Sanctoral libérien. Van Dijk établit le Calendrier que suivaient les Franciscains vers 1260 et l’avait vu conforme à l’usage de Curie romaine : il contenait 30 articles de plus que l’ordo breviarii et 46 de plus que l’ordo missalis. Ces fêtes supplémentaires étaient célébrées selon le Commun des saints. Elles correspondent sensiblement, avec cependant 14 nouveaux articles, aux fêtes du Calendrier qui, dans l’incunable 105, dépassent en nombre celles de son Sanctoral. Les 14 articles surnuméraires de l’incunable en comparaison du calendrier d’Haymon de Faversham représentent les accroissements des deux siècles séparant les deux documents.
76Bref, les livres liturgiques médiévaux n’ont jamais été figés ne varientur dans leurs contenu. Ils n’avaient d’ailleurs d’utilité que sans cesse mis à jour. Ceux de Sainte-Marie-Majeure ne font pas exception à cette loi.
Notes de bas de page
1 Dubois-Lemaître, Sources et méthodes, p. 135-160 ; Palazzo, Le Moyen Age, p. 49-50.
2 Sur la notion et les caractères du sanctoral, voir Dubois-Lemaître, Sources et méthodes, p. 77.
3 Poncelet, Cat. Bibl. Rom., p. 29, en a signalé un dans un ms de Saint-Pierre.
4 Salmon, II, p. 35-71.
5 Selon P. Salmon, n’ont pas de calendrier à Saint-Pierre les Sacramentaires B 75 (xiie-xiiie s.), F 12 (xie s.), F 14 (xiie s.), F 16 (xive s. in.), F 18 (xiie-xiiie s.), tous les Épistoliers, Évangéliaires, Graduels, Antiphonaires, les Missels A 47 (xvie s.), A 78 (xvie et xviie s.), B 76 (Clément V, 1305-1314), E 3 (Boniface IX, 1389-1404), les Psautiers-Hymnaires B 86 (xve s.), E 13 (xiie s. 2/2), les Bréviaires A 41bis (xive-xve s.), C 129 (xive s. in.)
6 Salmon, I, p. 164, n. 340.
7 Il faut corriger sur un point la description du ms 1 par A. Poncelet, Cat. bibl. rom., p. 85, n° 72 : il comporte, en effet, en plus de la légende de saint Pierre, celle de saint Paul que le bollandiste ne signalait pas et qui est mutilée à la fin. La partie manquante formait à l’origine la fin du premier volume. Les textes qui suivent aujourd’hui ont été transcrits dans des cahiers différents par une main différente et concernent des saints fêtés en dehors de l’ordre du calendrier suivi par le scribe primitif : ils représentent un ajout au manuscrit dans son état d’origine ou bien proviennent d’un autre manuscrit. Le ms 2, qui part du 2 juillet, reprend au contraire l’ordre du calendrier là ou le 1 l’avait laissé à l’origine.
8 Ibid., II, p. 147, n. 369.
9 Dubois-Lemaître, Sources et méthodes, p. 146-149.
10 Les calculs ont été faits sur la base suivante : sont comptabilisés les saints attestés dans au moins dix témoins sur quinze, c’est-à-dire les 2/3.
11 Il faut inclure parmi ces calendriers le ms 49 auquel manquent accidentellement les mois de janvier-février, car on peut supposer qu’avant d’être mutilé, il y donnait les mêmes saints que ses congénères.
12 Il est rappelé que Pâques et son cycle de fêtes, en raison de leur caractère mobile, ne peuvent s’insérer dans un Calendrier perpétuel et forment le cycle spécial dit Propre du Temps
13 Pour l’octave des apôtres Pierre et Paul (6 juill.), les fêtes de Jacques le Majeur (25 juill.) et de Barthélemy, voir ci-dessous.
14 P. Salmon, I, p. 164, n. 340, p. 165, n. 342.
15 P. Jounel dans A.-G. Martimort, L’Église en prière, IV, p. 152.
16 L. Duchesne, Origines du culte chrétiens, p. 295 (au sujet de la Gaule) ; R. Aigrain, L’hagiographie, p. 21 (au sujet du calendrier de Carthage). Nos calendriers libériens et ceux qu’a publiés P. Jounel, Le culte des saints, p. 54-94, permettent d’étendre les observations des deux auteurs précédents à l’usage de Rome.
17 MGH. Auct. ant. IX, 71.
18 Voir ci-dessus p. 304 et ch. III : La basilique libérienne et ses annexes, p. 68-70
19 Voir ch. IV : La liturgie papale du Haut Moyen Age, p. 116, et ch. IX : Liturgie stationnale et Temporal libérien, p. 276-278.
20 Voir ch. V : Les plus anciens formulaires marials, conclusion, p. 177.
21 Voir Appendice II : Textes liturgiques, II : Formulaires de la messe, p. 444-446.
22 P. Jounel, Le culte des saints, p. 97-185.
23 P. Jounel, Le culte des saints, p. 97-185 ; S.P.J. Van Dijk, Sources, II, p. 152153 ; A. Vauchez, La sainteté.
24 MGH. Aa IX, 71.
25 V. Saxer, Le culte des apôtres Pierre et Paul, p. 202.
26 R. Krautheimer, Corpus, IV (1976), p. 95-142.
27 LP I, 508, 17-18 ; H. Buchowiecki, Handbuch, III, p. 548-583.
28 LP I, 465, 21 ; 504, 11 ; II, 28, 24-25 ; 31, 8-13 ; MGH. Ep. III, 49 ; Buchowiecki, Ibid., I, 1967, p. 638-668.
29 Mart. hier. ed. comm. Quentin-Delehaye, p. 408-410.
30 Sous Anastase IV (1153-1154) furent découvertes les reliques de ces deux derniers saints dans le portique du baptistère du Latran et déposées sous l’autel de l’abside de droite. Bien que cet autel fût dédié à S. André et S. Lucie, sa dédicace se célébrait le 26 septembre, jour des SS. Cyprien et Justine. Voir Jean Diacre, Descriptio Lateranensis ecclesiæ, 11, in Valentini-Zucchetti, III, p. 353 ; P. Jounel, Le culte des saints, p. 293.
31 P. Jounel, Ibid., p. 297, n. 238.
32 L. Duchesne, Les légendes chrétiennes de l’Aventin, p. 234-250.
33 Ainsi le missel Rome, Bibl. Casan. 1695 (xiie s. fin-xiiie s. déb.), mais le livre est d’origine française : A. Ebner, Quellen, p. 159-161. Le missel Archivio S. Pietro F 18 (Saint-Pierre du Vatican, xiie s. fin-xiiie s. déb.) contient la messe de première main : Ibid., p. 191. Dans le calendrier d’Udine, Bibl. Arcivesc. Cod. Fol. 16 (Moggio xiiie s. déb.), l’entrée de l’archevêque est de première main : Ibid., p. 268.
34 Le cas de la messe de S. Marie Madeleine (22 juill.) est analogue à celle de S. Thomas Becket : elle aussi ne se trouve pas à sa place exacte dans le sacramentaire 40 où la suite des saints du 15 au 25 juillet est la suivante : (f. 118v) Jn nat. sce. Marie magdalene, Jn nat. scor. mrm. Quirici & Julitte, (f. 119) Jn nat. sce. Praxedis uirg., XI. kl. aug. Nat. scor. Emiliani mris. Eodem die sce. Symphorose et VII. filior. ei’, (f. 119v) Jn nat. sci. Apollinaris mris. Ce qui distingue S. Madeleine de S. Thomas de Cantorbéry, c’est que la basilique libérienne ne possédait pas de relique insigne de la sainte.
35 U. Nilgen, La ‘tunicella’ di Tommaso Becket in S. Maria Maggiore.
36 A comparer p. ex. avec Cambridge Pembroke 265, Londres Egerton 673 et University Lat. 2 (xiiie, xiiie-xive et xiiie siècle), dans lesquels j’ai relevé l’écriture dans l’homélie latine du pseudo-Origène.
37 Jounel, Le culte des saints, p. 226.
38 Voir chap. VI : Les vicissitudes du complexe libérien, p. 197.
39 P. de Angelis, Descriptio, p.21.
40 Voir chap. VI : Les vicissitudes du complexe libérien, p. 200.
41 D. Gobbi, Passionale de Sanctis fratris Bartholomei Tridentini, p. 27.
42 DTC VII, 1067, 1082, 1098-1099.
43 P. Jounel, dans A.-G. Martimort, L’Église en prière, IV, p. 154-155.
44 Ferri, loc. cit.
45 Voir chap. suivant.
46 D. Gobbi, Passionale de Sanctis fratris Bartholomaei Tridentini, p. 141-142.
47 Voir dans le chap. suivant : La légende de la Neige, p. 375-376.
48 Salmon, Analecta, p. 257-258.
49 Voir App. VIII : Le fonds de S.M.M., p. 661, n. 74, p. 663, n. 228, p. 664, n. 258.
50 Duchesne, LP, II, p. 169.
51 P. Jounel, Le culte, en particulier p. 189-192 ; S.P.J. Van Dijk, Sources, vol. II, p. 121-173.
52 P. Jounel, Le culte, p. 192.
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