Chapitre 10
Un enrichissement typologique constant mais circonscrit : l’assemblage 2
p. 245-248
Texte intégral
1. Vases à boire et à verser
1Avec 4 % du NMI et 6 % du NR (tab. 57), l’assemblage 2 est le moins représenté. Plus des deux tiers des fragments proviennent du secteur du marché (65 % du NMI et 63 % du NR) (Tab. 65), même s’il n’y représente que 4 % du NMI et 7 % du NR de l’ensemble des assemblages (tab. 66). Les autres fragments de l’assemblage 2 ont été découverts dans les bains hellénistiques et dans la domus, qui comptent chacun 15 % du NMI et respectivement 52 % et 27 % du NR. Il y est là aussi peu significatif puisqu’il ne représente 7 % du NMI et 10 % du NR dans la domus et 3 % du NMI et 2 % du NR dans les bains hellénistiques de l’ensemble des assemblages.
2Les caractéristiques techniques des vases de ce groupe sont homogènes : ils sont fabriqués avec une argile non calcaire riche en dégraissants sableux appartenant au groupe technique 1 (47 individus). La préparation de la pâte les rapproche de l’assemblage 1 mais les parois des vases deviennent significativement plus fines.
3Les 10 formes de l’assemblage (tab. 68) se répartissent inégalement à l’intérieur du groupe. Les gobelets ovoïdes (3) et à panse sphérique (4) y sont probablement très nombreux mais il n’est pas possible de les évaluer précisément car ils sont également produits dans les assemblages postérieurs. Seul l’exemplaire de gobelet ovoïde à bord évasé, lèvre en petit bourrelet triangulaire (3.19) semble caractéristique de ce groupe. Les 8 autres formes restantes (52 individus) sont dominées par les tasses carénées basses (27) qui comptent pour moitié (26 individus). Elles sont suivies par 10 exemplaires de tasses à panse trapue basse (24a), 6 de pichets à lèvre en biseau (41.5) et à bord évasé, lèvre en bandeau et gorge interne (41.20), 5 de cruches à col resserré (38), et 2 de lagynoi (42). Le bol à panse convexe (21a) et le canthare en calice (35) ne comptent chacun qu’un seul individu.
Tab. 68 – Formes de l’assemblage 2.
Forme | NMI | NMI % | NR | NR % |
27 - Tasse carénée basse | 26 | 50 | 71 | 32 |
24a - Tasse à panse trapue basse | 10 | 19 | 81 | 37 |
38 - Cruche à col resserré | 5 | 10 | 5 | 2 |
41.20 - Pichet à bord évasé, lèvre en bandeau et gorge interne | 4 | 8 | 27 | 12 |
41.5 - Pichet à lèvre en biseau | 2 | 4 | 2 | 1 |
42 - Lagynos | 2 | 4 | 15 | 7 |
21a - Bol à panse convexe | 1 | 2 | 2 | 1 |
3.19 - Gobelet ovoïde à bord évasé, lèvre en petit bourrelet triangulaire | 1 | 2 | 7 | 3 |
35 - Canthare en calice | 1 | 2 | 11 | 5 |
3 - Gobelet ovoïde | ind. | ind. | ind. | ind. |
4 - Gobelet à panse sphérique | ind. | ind. | ind. | ind. |
44 - Pot | ind. | ind. | ind. | ind. |
Total | 52 | 100 | 221 | 100 |
4La différence de pâte entre les assemblages1 et 2 touche essentiellement à son épuration : les dégraissants ajoutés sont plus fins pour l’assemblage 2. Le rendu de la pâte des exemplaires de cet assemblage est plutôt homogène et suggère l’approvisionnement dans un atelier principal, à l’exception peut-être de certaines cruches à col resserré (38), et des lagynoi (42), dont l’argile est plus fine et plus « dure ». Techniquement cette production rappelle le groupe à pâte « pulvérulente » de l’assemblage 1 et met en évidence la continuité technique.
5Typologiquement, l’assemblage 2 se distingue par l’augmentation du nombre de formes ansées1, alors que dans l’assemblage précédent les anses se limitaient aux canthares (33-34) et aux skyphoi (36). On remarquera également l’introduction de plusieurs vases destinés aux services des liquides2, ainsi qu’un vase de conservation3. Enfin le décor de guirlandes à la barbotine est appliqué sur plusieurs formes de ce groupe : gobelet ovoïde (3), gobelet à panse sphérique (4), bol à panse convexe (21a), tasse à panse trapue basse (24a), tasse carénée basse (27), pot (44). Les motifs qu’il dessine, les guirlandes, sont uniques et conduisent sans équivoque à un seul groupe de production « à décor de guirlandes » (pl. XL).
6Un seul bol convexe (N° 162) est placé dans cet assemblage, alors que les quatre autres exemplaires font partie de l’assemblage postérieur. Malgré le profil identique des parois, il s’agit d’une production distincte ; l’exemplaire appartient à la production « à décor de guirlandes » et peut être assimilé à un vase entièrement conservé, trouvé par L. Rossi Danielli dans le Viterbais.
2. Des influences toujours variées
7Ici aussi, les influences typologiques de ce répertoire sont mixtes : on retrouve des aspects hellénistiques ainsi que d’autres qui s’ancrent dans la céramique traditionnelle locale. Les formes des tasses à panse trapue basse (24a) et des lagynoi (42) sont directement empruntées au répertoire hellénistique. Ces derniers sont amplement attestés sur de nombreux sites de la Méditerranée orientale4. Tandis que les tasses à panse trapue basse (24a) ont été produites en céramique à vernis rouge à relief de Pergame. Des imitations de ces dernières en céramique à paroi fine sont connues à Cosa et à Populonia mais les exemplaires y présentent des anses flanquées de disques et un décor de guirlandes (différentes de celles de la production « à décor de guirlandes ») réalisées à la barbotine ainsi que de petites appliques de médaillons.
8À ces courants d’influences s’ajoute l’introduction des formes régionales comme le pichet (41) et le pot (44) qui imitent les céramiques communes. Ces derniers sont toutefois peu fréquents en céramique à paroi fine. La production des gobelets ovoïdes (3) s’inscrit dans la continuité des productions antérieures et le gobelet à panse sphérique (4) fait son apparition.
3. Une diffusion restreinte
9Comme pour la quantification, il est difficile d’évaluer la circulation des gobelets ovoïdes (3) et à panse sphérique (4), longuement produits. Prendre en compte leurs attestations, très nombreuses, brouillerait la carte de circulation de cet assemblage en superposant plusieurs phases chronologiques ; c’est pourquoi nous avons choisi de ne pas les insérer dans cette analyse géographique.
10Les attestations de l’assemblage 2 sont moins abondantes que celles des phases de productions antérieures et postérieures. Là encore, les parallèles les plus étroits se rencontrent dans le territoire de Tarquinia qui offre des exemplaires voisins sinon identiques (pl. LX) comme c’est le cas àViterbe5, Acquarossa6, Tuscania7 et Tarquinia8. Pour l’ensemble de ces parallèles, il est apparu clairement, d’après les données des pâtes, la morphologie des vases et le décor de guirlandes (lorsqu’il était présent), qu’il s’agissait de la même production. Comme pour les formes antérieures, on peut supposer l’existence d’un ou deux ateliers qui approvisionnent l’ensemble du territoire de Tarquinia. Il pourrait s’agir du site qui a produit les formes antérieures, ou d’une nouvelle production qui s’est établie à un autre endroit, à Tarquinia même ou ailleurs dans son territoire.
11Les côtes tyrhéniennes de l’Étrurie romaine ont également livré quelques-unes des formes de l’assemblage 2 comme à Cosa9, Populonia10, Sasso Pisano11, et Luni12. Les tasses à panse trapue basse (24a) de Cosa (et peut-être de Populonia) ont une pâte beaucoup plus « fermée » et plus lisse, comme nous l’avons déjà remarqué pour les formes antérieures. Elles présentent par ailleurs un décor de guirlandes réalisées à la barbotine et d’appliques de médaillons de fleurs absent à Musarna. Il semble donc qu’un autre atelier ait produit des formes similaires dans la région de Cosa/Populonia, peut-être dans le prolongement du précédent, celui ayant produit les premières céramiques à paroi fine de Cosa. Le décor de guirlandes des fragments de panse de Luni présente un motif géométrique qui se distingue assez nettement des guirlandes du territoire de Tarquinia, et suggère une provenance distincte, qui pourrait être celle de la zone Cosa/Populonia, voire d’un troisième atelier.
12Le long de la via Clodia, des exemplaires ont été découverts à Sovana13. Aux abords de la via Cassia, ils ont été mis au jour à Civitella San Paolo14, Montefiascone15 et Fiésole16. Vers la vallée du Tibre, on note une attestation à Amélia17. S’il est plutôt difficile de savoir où ont été produits ces parallèles, il est en revanche certain que l’exemplaire de Sovana provient de la même production que celle de Musarna.
13Signalons la présence de tasses carénées basses (27) à Rome et à Ostie (pl. XLI). D’après le décor, l’exemplaire de Rome provient de la même production que celle attestée à Musarna.
14En Campanie, on trouve de nouveau quelques attestations à proximité de la côte, à Francolise18, Naples19, à Pompéi20 et à Cumes21. Il est toutefois impossible de savoir s’il s’agit d’importations ou de productions locales ou régionales. Plus au sud, on trouve des attestations de tasses à panse trapue basse (24a) à Tarente et à Ordona. Comme c’était le cas pour les skyphoi (36), ces parallèles présentent un engobe non grésé et semblent ainsi appartenir à une production autochtone.
15En Sicile, plusieurs formes isolées de cet assemblage ont été mises au jour à Morgantina22, et Syracuse23. Là encore, il est impossible de préciser l’origine : il pourrait s’agir de productions locales ou régionales ou d’importations ; pas nécessairement originaires de la côte tyrrhénienne, comme le suggère l’exemplaire de tasse à panse trapue basse (24a) qui présente, comme les exemplaires attestés en Apulie, un léger engobe24.
16Un autre exemplaire de tasse à panse trapue basse (24a), dont les anses sont flanquées de deux disques, a été mis au jour à Narbonne.
17Dans la plaine padane, des tasses carénées basses (27), ont été imitées dans les ateliers de Novariae, avec d’autres formes, plus récentes.
18Une tasse à panse trapue basse (24a) sans doute de production ébusitaine a été découverte sur l’île d’Ibiza. Cette forme est connue à Ampurias et Tarragone.
19La tasse à panse trapue basse (24a) découverte dans le camp de Haltern, pourrait être issue d’imitations plus tardives.
20En Méditerranée orientale, des tasses à panse trapue basse (24a) sont attestées à Argos, Athènes, Délos et à Paphos. Certains exemplaires sont de production italique (Argos), d’autres de provenance inconnue.
21Bien que peu nombreuses et moins attestées que celles de l’assemblage 1, les formes de l’assemblage 2 montrent ici encore une très grande homogénéité en Étrurie méridionale et sur quelques cités côtières. Le reste de la diffusion de ces formes est essentiellement maritime, et concerne une forme en particulier : la tasse à panse trapue basse (24a). On la retrouve sur les côtes campaniennes, à Tarente, en Sicile, à Ibiza (pl. XLII) et sur la côte nord orientale de la péninsule ibérique et en Méditerranée orientale à Argos.
4. Datation
22À Populonia et Luni, la tasse à panse trapue basse est datée de la fin du IIe siècle ou du début du Ier siècle av. J.-C. ; à Délos, la forme est attestée avant la destruction de 88 av. J.-C. ; à Athènes, elle provient d’un contexte du premier quart du Ier siècle av. J.-C. ; ces datations permettent de placer la production de cette forme autour du début du Ier siècle av. J.-C. Son modèle se diffuse à l’origine depuis la zone de Cosa/Populonia, sur les côtes de la Campanie et dans la mer ionienne, à Tarente, et jusqu’à l’intérieur des terres, des Pouilles à Ordona où un engobe est à nouveau ajouté.
23Il faut remarquer qu’à Populonia, Sasso Pisano, Francolise, Cumes, Pompéi, Ordona et Tarente, la tasse à panse trapue basse (24a) est associée au skyphos (36) ; il faut donc les considérer contemporaines sur ces sites. À Musarna, les contextes archéologiques de provenance, ainsi que les caractéristiques de la pâte les distinguent clairement. Ces deux formes n’évoluent donc pas totalement parallèlement dans le territoire de Tarquinia alors qu’elles ont été produites au même moment dans la région de Cosa et Populonia. Les ateliers de Tarquinia l’intègrent plus tardivement à leur répertoire.
24À Musarna, la tasse à panse trapue (24a) apparaît avec d’autres formes de l’assemblage 2 dans des niveaux datés du deuxième quart du Ier siècle av. J.-C.
25Cela met en évidence le dynamisme des ateliers céramiques d’Étrurie qui élaborent différents éléments de leur propre répertoire morphologique, en intégrant des influences externes ou régionales et en reprenant le répertoire d’ateliers voisins qu’ils adaptent à leur propre goût. On notera également que, si les ateliers de Tarquinia semblent avoir aisément écoulé leur marchandise à l’intérieur de ses terres, ceux de la zone Cosa/Populonia, ont fait l’objet d’un commerce maritime plus intense.
26L’assemblage 2 s’inscrit donc dans le prolongement des formes antérieures. Il est quantitativement moins important que le précédent mais semble produit dans les mêmes groupes d’ateliers et circuler le long des mêmes routes commerciales. Son répertoire morphologique est élaboré au même endroit, entre Populonia et Tarquinia, et semble toujours définir une koinè, localisée entre la via Aurélia et la via Cassia, de Rome à Luni. Sa production débute dès le début du Ier siècle av. J.-C. et ne semble pas dépasser le milieu du même siècle.
Notes de bas de page
1 Tasse à panse trapue basse (24a), tasse carénée basse (27).
2 Cruche à col resserré (38), pichet à lèvre en biseau (41.5), pichet à bord évasé, lèvre en bandeau et gorge interne (41.20), lagynos (42).
3 Pot (44).
4 Infra, chap. 6.
5 Bol à panse convexe (21a), tasse carénée à panse trapue basse (24a), tasse carénée basse (27).
6 Tasse à panse trapue basse (24a).
7 Tasse carénée basse (27).
8 Tasse carénée à panse trapue basse (24a), tasse carénée basse (27), pichet à bord évasé, lèvre en bandeau et gorge interne (41.20).
9 Bol à panse convexe (21a), tasse à panse trapue basse (24a), tasse carénée basse (27), pichet à bord évasé, lèvre en bandeau et gorge interne (41.20).
10 Tasse à panse trapue basse (24a).
11 Tasse à panse trapue basse (24a).
12 Tasse à panse trapue basse (24a).
13 Tasse à panse trapue basse (24a).
14 Bol à panse convexe (21a).
15 Tasse carénée basse (27).
16 Pichet à bord évasé, lèvre en bandeau et gorge interne (41.20).
17 Pichet à lèvre en biseau (41.5).
18 Tasse à panse trapue basse (24a).
19 Pichet à lèvre en biseau (41.5).
20 Tasse à panse trapue basse (24a).
21 Tasse à panse trapue basse (24a).
22 Tasse à panse trapue basse (24a).
23 Lagynos (42).
24 Infra, chap. 6, 24. Tasse à panse trapue basse.
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