Chapitre 4
La céramique à paroi fine en contexte
p. 37-40
Texte intégral
1. Les contextes archéologiques fondamentaux
1Cette étude repose sur les contextes archéologiques de quatre principaux secteurs : les bains hellénistiques de l’îlot C, la domus de l’îlot D, le marché de l’îlot F, et les nécropoles d’époque hellénistique et impériale. Le mobilier de l’enceinte, très fragmenté, apporte en revanche peu d’éléments à cet égard.
a. Îlot C : les bains hellénistiques
2Dans ce secteur, 7 contextes contiennent des céramiques à paroi fine ; il s’agit de 3 espaces (C4, C5 et 307), de 2 citernes (311 et 314) et de 2 égouts (320 et 322). L’un de ces derniers (320) contient 5239 fragments de céramique à paroi fine, dont 4833 proviennent de la même US (320001), riche de matériel résiduel et intrusif. Les fragments de ce remplissage d’égout sont très fragmentaires et présentent des traces d’usures liées à l’action de l’eau. Sont également attestés du bucchero gris, de la céramique à décor géométrique, à figures rouges, à vernis noir, et de la sigillée italique.
b. Îlot D : la domus
3Les céramiques à paroi fine sont attestées dans 28 contextes de la domus. Pour beaucoup d’entre eux, les restes sont trop fragmentaires ou trop peu nombreux pour pouvoir apporter des informations pertinentes sur le faciès typologique ou la chronologie. Trois contextes bien définis ont cependant livré de nombreux fragments : une citerne (424), un silo (447), et les maisons de carriers (450/451).
4Le remplissage de la citerne 424, située dans la taberna de la pars urbana, résulte d’une seule opération. Le matériel a fait l’objet d’une étude dans le cadre d’un mémoire de maîtrise en 1997-19981. Il s’agit d’un des rares contextes riche de céramique fine du Haut-Empire, notamment de céramique sigillée italique.
5Le silo 447 est situé sous l'œcus (434), dans la pars urbana. Il s'agit d'une cavité piriforme creusée dans le sol, close par deux grandes dalles de tuf. Le diamètre d'ouverture est large de 0,96 m ; celle-ci s'élargit et atteint un diamètre maximum de 2,70 m pour se resserrer à nouveau à un diamètre d'1 m environ. La hauteur maximale est de 4,10 m. Elle est reliée à un égout provenant de l'atrium (423) et ne présentait qu'un remplissage partiel d'1 m d'épaisseur environ, relativement homogène, composé de terre et d'un très haut pourcentage de cendres de foyer. Distingué en trois strates, le remplissage a livré de nombreux restes de faune : os de poulet, arêtes de poisson et coquilles d'œuf, ainsi que 5537 fragments de céramique. La présence élevée de cendres et de déchets alimentaires a permis d'interpréter cette cavité comme un dépotoir où sont jetées les cendres du foyer. Elle est scellée par le pavement de l'œcus, son utilisation est antérieure à la construction du dernier état de la domus.
6L'espace 450/451 fait partie de l’habitat de carriers situé dans la pars rustica. Cette salle a été creusée au cours de l’exploitation de la carrière de tuf située sur le côté est du plateau. Ouverte dans le front de carrière nord, elle est comprise entre les espaces 452 et 409, et a probablement fait office de salle commune aux carriers, puis de salle de stockage. Sur la façade et au-dessus de la porte qui donne accès à la salle, deux larges rainures ont été creusées pour permettre l’écoulement des eaux de pluie. Le seuil est surélevé par rapport au sol de la salle et au probable niveau de circulation externe. La salle présente un plan grossièrement rectangulaire et se caractérise par un nombre important d’aménagements dont une banquette creusée le long des parois est, nord et sud. Étudiée dans le cadre d’un mémoire de maîtrise2 et de DEA3, le remplissage est homogène et résulte d’une seule opération. Une seule couche (451005) concentre environ 85 % des fragments céramiques. 782 fragments de céramique à paroi fine proviennent de cet ensemble. L’analyse du vernis noir a permis de le dater dans le dernier tiers du IIe siècle av. J.-C.
c. Îlot F : le « marché »
7Des 47 contextes du marché qui ont livré de la céramique à paroi fine, 3 présentent des formations stratigraphiques riches d’informations : 610, 635 et 643.
8L’espace 610 a été conçu comme une cour, transformée par la suite en boutique. Un escalier aménagé dans le sol permettait d’accéder à la cave. Il a été condamné par un remblai à la fin du IIe siècle av. J.-C., et scellé par une strate peu compacte de tuiles effondrées et de blocs de tuf. Les nombreuses céramiques à paroi fine de cet espace se répartissent entre 28 US, dans des proportions très variées. Les associations avec de la céramique à vernis noir ou sigillée italique varient d’une strate à l’autre.
9La citerne 635 est située à l’angle sud-ouest de l’espace 634, au nord-ouest du marché. De forme conique, elle mesure 2,70 m de profondeur, et présente trois phases de remplissage.
- Phase 1 (US 635012 ; 635013) : utilisation de la citerne, dépôt de céramique liée au transport et à la consommation de l’eau. À l’issu d’un premier inventaire réalisé au cours de la campagne de fouilles, ces niveaux ont été datés de l’époque tardo-républicaine. La céramique fine se compose essentiellement de céramique à vernis noir et de céramique à paroi fine.
- Phase 2 (US 635007 ; 635008 ; 635009 ; 635010 ; 635010 ; 635011) : premier remplissage de la citerne. À l’issu d’un premier inventaire réalisé au cours de la campagne de fouilles, ces niveaux ont été datés de l’époque impériale. En plus des céramiques à vernis noir et à paroi fine, toujours très majoritaires, apparaissent les premières sigillées italiques.
- Phase 3 (US 635005 ; 635006) : second remplissage de la citerne ; il s’arrête à hauteur de la margelle du puits. À l’issu d’un premier inventaire réalisé au cours de la campagne de fouilles, ces niveaux ont été datés à l'époque impériale. Les sigillées italiques y sont très largement majoritaires, mais on recense également des fragments de céramique sigillée africaine.
10La cave 643, en forme de « fer à cheval », est située dans la partie nord-est du marché, sous l’espace 634. Les deux entrées étaient scellées par des blocs de tuf. L’espace présente plusieurs aménagements dont un puits comblé par de la terre (US 643003 ; 643007), des banquettes et des niches creusées dans le tuf. La cave est en partie comblée par de la terre contenant de nombreux fragments céramiques (US 643005 ; 643008 ; 643009), datés de manière préliminaire au IIe siècle av. J.-C. Sur premier remplissage, s’en est formé un autre en forme de cône à la suite d’infiltrations liées à l’écroulement de la partie supérieure de l'espace (US 643001, 643002, 643004).
d. Les nécropoles
11Les ensembles funéraires couvrent plusieurs périodes ; les mieux représentés sont ceux d’époque hellénistique, où les tombes hellénistiques se déclinent en trois types : les tombes à caisson, les tombes hypogées auxquelles on accède par un dromos et les tombes à fosse. Les tombes à caisson, plus anciennes, ne contiennent pas de céramique à paroi fine. Celles à chambre comptent de nombreuses sépultures creusées dans le tuf et disposées en arêtes de poisson. D’autres sont aménagées dans les parois sous forme de niches. Toutes les tombes à chambre ont été violées et pillées, ne laissant subsister que rarement des contextes intacts. Certains d’entre eux ont néanmoins livré de nombreuses formes complètes, et sont en mesure de fournir des données sur les associations de catégories, de classes et de formes (2007, 2084, 2211). Quelques tombes à fosse de la même époque, ont également été retrouvées intactes.
12La nécropole impériale compte 209 tombes individuelles4, dont la plupart sont de simples inhumations en fosse bien que l’incinération y soit attestée. Ces sépultures ont l’avantage d’être intactes, mais la période chronologique qu’elles couvrent coïncident avec la fin de la production des céramiques à paroi fine.
2. Comptage et répartition des céramiques à paroi fine
1325299 fragments5 et 2511 individus6 de céramique à paroi fine ont été mis au jour à Musarna, ce qui représente environ 1/5e (NMI) de la céramique fine7 (tab. 1) ; il s’agit de la deuxième classe la plus représentée, après la céramique à vernis noir (principalement de la campanienne B) qui représente 63 % du NMI et 45 % du NR contre21 % du NMI et 41 % du NR. Elle est beaucoup plus représentée que les céramiques sigillées italiques (7 % du NMI, 6 % du NR), engobées (3 % du NMI, 3 % du NR) et les sigillées africaines (0 % du NMI, 2 % du NR). Les autres productions attestées sur le site, comme le bucchero, ou la céramique à figures rouges, sont quantitativement marginales.
14Seuls 25 contextes ont livré suffisamment de fragments pour être représentatifs quantitativement. Ils sont principalement localisés dans le marché et, dans une moindre mesure, dans la domus. Dans 13 d’entre eux (436002, 447003, 451, 612, 634, 641, 642, 643, 645, 648, 650, 654, 4001), les fragments de céramique à vernis noir sont plus nombreux ; dans 10 autres (424014, 447, 605, 610, 614, 615, 616, 632, 635, 640), les céramiques à paroi fine dominent ; pour 2 contextes, enfin (611, 651), elles sont approximativement à parts égales.
15L’écart du NMI entre les céramiques à paroi fine et à vernis noir (21 % contre 63 %), beaucoup plus important que celui du NR (41 % contre 45 %) résulte d’une différence de fragmentation : un bol ou une coupe de campanienne B se fragmente en 4 à 7 tessons, alors qu’un gobelet ou une tasse à paroi fine se casse en 10 à 20 fragments.
Tab. 1 – Quantification (NR et NMI) des différentes classes de céramiques fines mises au jour à Musarna.
Céramiques fines | NR | % NR | NMI | % NMI |
Vernis noir | 27310 | 45 | 7612 | 63 |
Paroi fine | 25299 | 41 | 2511 | 21 |
Sigillée italique | 3638 | 6 | 921 | 8 |
Engobée | 1626 | 3 | 376 | 3 |
Sigillée africaine | 1440 | 2 | 4 | 0 |
Dérivée de vernis noir | 1309 | 2 | 408 | 3 |
Bandes peintes | 184 | 0 | 17 | 0 |
Bucchero | 164 | 0 | 70 | 1 |
Figures rouges | 158 | 0 | 128 | 1 |
Autres | 118 | 0 | 64 | 1 |
Surpeinte | 64 | 0 | 45 | 0 |
Hellénistique à relief | 58 | 0 | 17 | 0 |
Total | 61368 | 100 | 12173 | 100 |
16Tous secteurs confondus, 150 contextes ont livré des céramiques à paroi fine mais les fragments sont très inégalement répartis sur le site (tab. 2). Le plus vaste secteur fouillé – le marché – a livré 53 % des fragments et 62 % du NMI, répartis dans 47 contextes. Le secteur des bains hellénistiques a livré 26 % des fragments et 16 % du NMI, répartis dans seulement 9 contextes. Des 30 contextes de la domus ne proviennent que 10 % des fragments et 11 % du NMI. La nécropole a fourni 7 % des fragments et 8 % du NMI découverts dans 52 sépultures. Tous les autres secteurs – les rues, le système défensif et le dépôt votif –, qui ont fait l’objet d’explorations plus limitées, ne sont pas significatifs quantitativement.
17Les secteurs du marché, de la domus, et des nécropoles présentent un pourcentage du NMI supérieur à celui du nombre de fragments, contrairement à celui des bains hellénistiques où les vases y sont moins bien conservés.
18Trois contextes seulement regroupent près de 40 % de la totalité des fragments. Il s’agit du comblement après abandon, d’un égout situé dans les bains hellénistiques (320), du remblai d’une citerne du marché (635) et de deux importantes strates de destruction d’un espace également situé dans le marché (615). Dix autres contextes contiennent plus de 500 fragments : dans les bains hellénistiques, il s’agit du remplissage d’une citerne (314) et d’un égout (322), dans la domus, du remblai d’un silo (447) et de celui de l’habitat de carriers (451), dans le marché, du remplissage de deux caves (643 et 649) et de strates variées appartenant à trois espaces (622, 641), dont l'un renferme une citerne (642). Vingt-cinq contextes comptent entre 100 et 500 fragments : deux sont situés dans la domus (espace 424 avec sa citerne et culina 430/431), seize dans le marché (espaces 610, 612, 616, 619, 620, 634, 648, 650, 651, 656, citernes 605, 645, 653, cave 611, cunicule 632, bouche d’égout 640), un dans un sondage de la porte sud-est (BDM) et de la rue DM, et cinq dans des tombes à chambre de la nécropole (2007, 2080, 2084, 2211, 2328). Cinquante-quatre contextes comptent moins de 10 fragments.
XSecteurs | NR | % NR | NMI | % NMI | Indice de fragmentation |
Îlot F : marché | 13434 | 54 | 1544 | 61 | 9 |
Îlot C : bains hellénistiques | 6687 | 27 | 405 | 16 | 17 |
Îlot D : domus | 2496 | 10 | 280 | 11 | 9 |
Nécropoles | 1786 | 7 | 192 | 8 | 9 |
Porte sud-est | 221 | 1 | 26 | 1 | 9 |
Rue DM | 210 | 1 | 24 | 1 | 9 |
Fossé défensif septentrional | 84 | 0 | 1 | 0 | 84 |
Fossé sud de l'enceinte | 44 | 0 | 4 | 0 | 11 |
Rue EF | 90 | 0 | 10 | 0 | 9 |
Cordigliano | 89 | 0 | 6 | 0 | 15 |
Poterne ouest | 81 | 0 | 10 | 0 | 8 |
Dépôt votif | 40 | 0 | 2 | 0 | 20 |
Divers | 33 | 0 | 5 | 0 | - |
Rue CE | 4 | 0 | 2 | 0 | 2 |
Total | 25299 | 100 | 2511 | 100 | - |
19Si la concentration des fragments dans l’égout 320 est liée à une utilisation plus importante des vases en céramique à paroi fine dans les bains hellénistiques ; il n’est en revanche pas possible d’associer les grandes quantités de fragments à une fonction précise des autres espaces concernés.
20De manière générale, les comptages soulignent d’une part, la prédominance des céramiques à vernis noir et donc du matériel d’époque républicaine, et d’autre part de la faible représentation des céramiques sigillées et donc du matériel d’époque impériale. Cela s’explique par l’arasement des niveaux archéologiques supérieurs du site, détruits par les travaux agricoles du XXe siècle.
Notes de bas de page
1 Coche 1997-1998.
2 Leone 2003-2004.
3 Leone 2004-2005.
4 La nécropole impériale a fait l'objet d’une publication : Rebillard 2009.
5 Desbat – Schmitt 2011, p. 48-51. Les fragments sont également désignés comme le Nombre de Restes : NR.
6 Le Nombre Minimum d’Individus (NMI) est obtenu en comptant les bords après en avoir cherché les collages.
7 Les comptages font référence à ceux réalisés au cours des campagnes de fouilles.
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