Chapitre 1
Qu'est-ce-que la céramique à paroi fine ?
p. 3-16
Texte intégral
1. Les caractéristiques techniques
Nous appelons classe de céramique un ensemble de vases produits par un atelier ou un groupe d’ateliers. (…) La classe peut présenter une unité de caractéristiques techniques plus ou moins grande. Il sera aisé (campanienne A) ou malaisé (campanienne B) d’en tracer les contours, de la reconnaître à l’œil nu, d’en énumérer les traits distinctifs. Il ne sera pas toujours possible d’établir si l’on a affaire à un atelier unique, ou à une nébuleuse d’ateliers associés ou concurrents ou encore à un groupe constitué par une maison mère et ses succursales.1
1Une classe se définit par des caractéristiques techniques homogènes communes à un ou plusieurs ateliers. Un répertoire morphologique est associé à ces caractéristiques techniques. Celui-ci, en grande partie original, peut également s’inspirer de celui d’autres classes contemporaines. Plus les ateliers qui produisent une classe sont proches géographiquement, ou liés économiquement, comme dans le cas des succursales, et moins les caractéristiques techniques et morphologiques varient. C’est le cas par exemple des productions arétines et de leurs succursales lyonnaises2. En revanche, si de nouveaux ateliers décident de copier une production, on observe des différences techniques et morphologiques avec les ateliers d’origine, comme celles qui distinguent les productions arétines des productions de la Graufesenque. Ces variations renseignent sur la provenance et la datation des différents produits.
2La difficulté de définir la céramique à paroi fine a été discutée à plusieurs reprises3, et il est apparu assez clairement que le seul critère de l’épaisseur des parois ne suffisait pas à définir ce groupe. L’absence de critères techniques clairs a alors conduit à regrouper sous le même nom des productions très différentes, qui ne partagent parfois techniquement aucun point commun, et sont issues d’aires géographiques et de périodes chronologiques très variées4, comme les productions d’Étrurie méridionale de la fin du IIe siècle av. J.-C., celles d’Aquilée au cours du deuxième quart du Ier siècle ap. J.-C., ou celles de Lezoux qui apparaissent à la fin de ce siècle.
a. La pâte
3Une classe de céramique se définit avant tout à partir d'éléments techniques homogènes, ce qui n’est pas le cas des céramiques à paroi fine comme le montre la diversité des argiles et des revêtements. En effet, une partie des productions est produite avec des argiles non calcaires et l’autre avec des argiles calcaires5. Une argile est dite « calcaire » lorsqu’elle contient entre 6 et 21 % de calcite (chaux)6. La pâte obtenue est souvent fine et offre une bonne résistance mécanique7, lorsqu’elle est cuite à de hautes températures, comme dans la céramique romaine. Cela la rend propice à la fabrication de vases de service et de stockage. Les vases obtenus ont le plus souvent une couleur relativement claire, de beige à rouge orangé pour les moins cuites8. Les catégories des céramiques communes fines ou « claires » qui regroupent, entre autres, des pots, des pichets et des cruches, sont fabriquées en argile calcaire, à l’instar des céramiques à vernis noir et sigillées italiques, destinées à la consommation des mets.
4Une argile est dite « non calcaire » lorsqu’elle contient moins de 6 % de calcite (chaux)9. La pâte est souvent riche en gros dégraissants qui la rendent très poreuse et particulièrement résistante aux écarts thermiques, comme les expositions répétées au feu. Elle est généralement cuite à des températures plus basses que celles du groupe précédent. Les pâtes non calcaires ont des couleurs vives, de rouge à brun pour les plus cuites. Ces céramiques grossières ou « à feu » comprennent principalement des plats, des marmites, des pots à cuire et des clibani10.
5Dans de nombreux cas, la distinction entre ces deux argiles est possible à l’œil nu ; les pâtes calcaires sont généralement claires, dures et lisses, alors que les céramiques en argile non calcaire sont plus foncées, rugueuses et facilement cassables. Cette distinction est d’autant plus aisée qu’elle s’applique à des catégories de céramiques aux formes très différentes. La fonction du vase conditionne le choix de la forme, celui de l’argile et son mode de préparation11.
6Les céramiques à paroi fine ont été fabriquées dans ces deux techniques. Les productions en argile calcaire sont comparables dans leur élaboration à celles d’autres céramiques fines contemporaines (fin de la production de la céramique à vernis noir et céramique sigillée). En revanche, celles réalisées en argile non calcaire se rapprochent davantage d’une partie des productions de céramique grossière. Des analyses pétrographiques et chimiques effectuées sur les productions locales de Bolsena12 ont démontré que l’argile utilisée pour les céramiques à paroi fine était la même que celle employée pour une partie de ces dernières, seule la quantité du dégraissant volcanique pouvant varier. Ce choix, notamment dans les productions italiques, est pour le moins surprenant pour des vases à boire, car cela les rend particulièrement poreux.
7Mais le point fondamental, au-delà des différences régionales, est la rupture chronologique13 qui distingue des vases fabriqués avec une argile non calcaire, assez grossière et dont la surface ne présente aucun revêtement, de productions en argile calcaire, très fine et dont les surfaces sont revêtues d’un engobe plus ou moins grésé. Le premier groupe renvoie aux productions républicaines et du Haut-Empire, le second à l’époque impériale des Ier et IIe siècles ap. J.-C.14. Ces deux groupes se reconnaissent généralement assez facilement : il suffit par exemple de confronter le matériel d’Adria de la moitié du Ier siècle av. J.-C. à celui de la Bétique, un siècle plus tard. En revanche, cette ligne de séparation est beaucoup plus floue en Italie centrale à l’époque augustéenne, au moment où sont introduits les pâtes calcaires et les engobes à l’époque augustéenne ; on y trouve en effet des vases en argile non calcaire engobés, et des vases en argile calcaire non engobés.
b. Le tournage
8L’étude du tournage des vases révèle essentiellement des différences qualitatives, visibles dans la finesse des parois, mais également dans le détail des bords, des fonds et des anses. Certains exemplaires présentent des traces de « tournassage ». Cette technique, définie par M. Picon15, consiste à enlever des copeaux d’argile une fois le vase tourné et séché, afin d’amincir les parois. À Musarna, elle n’apparaît que sporadiquement (N° 27), la finesse des parois étant obtenue au cours d’une seule phase de tournage.
c. Les revêtements
9Exclusivement argileux16, et généralement attestés sur les productions en argile calcaire, les revêtements sont plus ou moins grésés, ce qui indique des variations de température à l’intérieur des fours ; ces dernier n’atteignant pas toujours une température suffisante pour permettre un début de vitrification de l’engobe. Les revêtements cuits à de hautes températures sont homogènes, brillants et imperméables, alors que ceux cuits à des températures inférieures au seuil de vitrification présentent des couleurs variables ; ils sont mats et poreux.
d. Les décors
10On rencontre sur les céramiques à paroi fine une multitude de décors, presque tous appliqués avant cuisson ; les techniques et les motifs sont très variables17. Celui de la barbotine est la plus populaire ; les motifs peuvent renvoyer à des productions précises : ainsi, le décor de perles est-il typique des productions médio-républicaines de la côte tyrrhénienne, alors que les décors floraux se développent essentiellement à partir de l’époque impériale, dans le Nord de la Péninsule italique, en Gaule et en Bétique. Les décors de guillochis sont également très répandus mais ne sont pas pour autant uniformes ; en effet, les motifs fins renvoient aux productions des dernières décennies de l’époque républicaine d’Italie centrale, alors que les plus grossiers caractérisent les productions tardives de cette même région. D’autres décors plus insolites, comme le sablage des parois internes, qui se développe à partir de l’époque augustéenne, pourraientt avoir été introduits pour des raisons fonctionnelles, plus précisément pour favoriser une décantation grossière du vin18.
e. La cuisson
11M. Picon définit quatre types de cuisson qui conditionnent l’aspect final du vase19. Dans le mode A, la cuisson s’opère en atmosphère réductrice et la post-cuisson est en atmosphère oxydante. C’est le type le plus utilisé dans la céramique romaine, notamment pour les catégories de céramiques communes et pour les céramiques à vernis noir. La cuisson et la post-cuisson du mode B sont en atmosphère réductrice. Il s’agit de la technique utilisée pour la fabrication du bucchero. La cuisson et la post-cuisson du mode C sont en atmosphère oxydante ; il s’agit de la méthode utilisée pour la réalisation des céramiques sigillées. Le mode D, dont l’atmosphère de cuisson est oxydante, et celle de la post-cuisson réductrice, est seulement théorique, et n’a probablement jamais été employé.
12Pour la période républicaine, les modes de cuisson des céramiques à paroi fine sont très homogènes : la majeure partie des productions italiques semblent avoir été cuite en mode A. Un seul exemplaire de Musarna (N° 197) témoigne d’une cuisson en mode B.
13À l’époque impériale, certaines productions sont cuites peut-être cuites en mode C, sans doute en raison de l’introduction des engobes et de l’émergence des sigillées italiques. Il s’agit en particulier d’exemplaires qui présentent des engobes orange/rouge parfaitement grésés, attestés en Italie centrale dès l’époque augustéenne, et en Bétique dans la première moitié du Ier siècle ap. J.-C.20
14Un aperçu général des techniques de fabrication des céramiques à paroi fine met ainsi en évidence la multiplicité des techniques dans toutes les étapes de la production, du choix de l’argile à la cuisson des vases. Avant même l’analyse du corpus de Musarna, cette constatation laisse entrevoir un schéma de diffusion des formes relativement complexe, où les filiations sont souvent indirectes et certainement adaptées aux goûts et aux besoins locaux, à la manière des céramiques communes.
15Le passage des céramiques à paroi fine non calcaires sans revêtement aux céramiques à paroi fine calcaires engobées à l'époque augustéenne s’accompagne d’un renouvellement du répertoire formel et de l'introduction de nouveaux motifs décoratifs. L’ensemble de ces transformations marque un tournant technique et morphologique décisif qui reflète la disparition de certains ateliers et l’émergence de nouveaux centres de production, qui doivent encore être localisés.
2. Les ateliers de production (pl. XLIX, L, LI)
16Les premières productions de céramique à paroi fine sont traditionnellement situées en Étrurie méridionale, dans le Nord du Latium actuel et le Sud de la Toscane. On n’y compte que deux attestations de production21 ; cette hypothèse se fonde donc sur les découvertes d’exemplaires qui y ont été faites dans la première moitié du XXe siècle, ainsi que sur la richesse du répertoire morphologique de cette région. Les corpus des cités de Cosa, Bolsena et Musarna, ainsi que ceux des nécropoles de Tarquinia et de Viterbe semblent confirmer cette hypothèse. Pourtant, il est encore difficile de localiser plus précisément des productions dans cette région qui compte de nombreuses cités étrusco-romaines, et où les influences stylistiques et commerciales sont multiples. En l’absence de points de départ précis, il est ardu d’esquisser un schéma de diffusion direct pour les territoires environnants.
17Les ateliers de céramiques à paroi fine bien connus à ce jour se trouvent dans les péninsules italique et ibérique, en Gaule Narbonnaise et Lyonnaise. Ils sont d’époques variées et, en dehors de quelques exceptions, leurs répertoires morphologiques restent limités.
Regio I – Latium et Campanie
18Rome, Prima Porta22 : l’atelier a produit des gobelets à panse trapue (17) et des bols à panse trapue non attestés à Musarna. Ces productions, probablement en argile calcaire, sont datées du troisième quart du Ier siècle ap. J.-C.
19Rome, La Celsa23 : l’atelier a produit des gobelets à panse trapue (17), des bols à paroi verticale (22b), des tasses carénées hautes (32) et des pots (44). Son activité est datée de la fin du Ier siècle ap. J.-C.
20Tivoli24 : un atelier a produit des gobelets fusiformes (1) et à panse sphérique (4) dès la fin du IIe ou le début du Ier siècle av. J.-C. D’une autre production25 attestée par des rebuts de cuisson découverts dans un dépotoir remanié, sont issus en plus des deux formes déjà citées, des gobelets cylindriques (6) et, en raison de la présence d’anses à poucier, très probablement des canthares (33 ou 34) ou des skyphoi (36). Elle est datée entre le milieu du Ier av. J.-C. et le milieu du Ier siècle ap. J.-C. .
21Pompéi, Porta Stabia26 : un atelier a produit des gobelets ovoïdes (3) et à panse sphérique (4) à la fin du IIe siècle av. J.-C.
22Pompéi, Porta Ercolano27 : un atelier actif avant l’éruption de 79 ap. J.-C. a produit des gobelets à panse trapue (17) et des trullae (46). Ils sont engobés et décorés de guillochis.
23Cumes28 : une première production a été identifiée à partir d’exemplaires de moules d’anses à poucier (36) ; elle est datée de la première moitié du Ier siècle av. J.-C. La seconde29 a été déterminée à partir de vases et de rebuts de cuisson découverts dans un remblai contenant les déblais d’un four. Des gobelets à col vertical (12) et des tasses à panse trapue basse (24a) faisaient assurément partie de cette production et très probablement des gobelets ovoïdes à bord convexe, lèvre simple (3.22), des gobelets en tonneau (7), en pseudo-tonneau (8) et des bols à panse évasée (23a). La production est datée des époques augustéennes et tibériennes.
24Alife30 : un atelier a produit des gobelets et/ou des tasses cylindriques (6 et/ou 31), des gobelets à panse verticale (10) et des bols à panse verticale (22a). L’activité de l’atelier est datée entre le Ier siècle av. et le IIe siècle ap. J.-C.
25Bénévent31 : une production locale a été identifiée : consistant en gobelets ovoïdes (3), cylindriques et à panse sphérique (17). Ils sont fabriqués en argile calcaire et sont revêtus d’un engobe non grésé orange/marron. Les exemplaires sont datés entre l’époque augustéenne et la fin du Ier siècle ap. J.-C.
Regio V – Picenum
26Jési32 : une première phase de production de céramique est identifiée entre le milieu du IIIe et le milieu du IIe siècle av. J.-C. mais elle ne compte pas de céramique à paroi fine. Celle-ci commence à être produite localement dans les années 120/110 av. J.-C.33 Elle se compose de gobelets ovoïdes (3) et de bols hémisphériques (19). Une autre phase d’activité est identifiée au début de l’époque impériale et compte des gobelets ovoïdes (3), cylindriques (6), des bols à panse verticale (22a) et des pots (44). Le répertoire est enrichi de gobelets à panse concave, renflée dans leur partie centrale, inconnus à Musarna.
Regio VI – Ombrie
27Scoppieto : dans cet atelier, situé entre Pérouse et Amélia, six phases de production ont été identifiées. La première comprend des gobelets fusiformes (1) et ovoïdes (3) ; elle est datée entre le IIe siècle et le troisième quart du Ier siècle av. J.-C.34 La deuxième phase comprend des gobelets ovoïdes (3) datés du changement d’ère35. La troisième phase36 comprend des gobelets ovoïdes (3) de grandes dimensions, des gobelets cylindriques (6), des bols à paroi verticale (22b) et des tasses tronconiques (30a) ; elle est datée de la première moitié du Ier siècle ap. J.-C. La quatrième phase37 comprend des gobelets à panse trapue (17), des bols à paroi verticale (22b) et des tasses carénées hautes (32) ; elle est datée du Ier siècle ap. J.-C. La cinquième phase38 se compose principalement de bols à paroi verticale (22b) et convexe (21b), ainsi que de gobelets ovoïdes ou à panse trapue ; elle est datée entre le dernier quart du Ier siècle ap. J.-C. et le début du siècle suivant. La dernière phase39 comprend des gobelets à panse trapue (17) et des bols à paroi convexe (21b) ou tasse à panse trapue basse (24b). L’ensemble de la production est daté entre le Ier et le IIIe siècle ap. J.-C.
28Gubbio40 : productions en argile calcaire, beige à orange clair. Le répertoire morphologique se compose essentiellement de bols ou de tasses ; quelques gobelets à panse trapue (17) sont également attestés. La production est datée de la seconde moitié du Ier siècle ap. J.-C.
29Canavaccio di Urbino41 : productions en argile calcaire, beige à rose orange clair ; pâte sableuse. L’atelier a principalement produit des bols et quelques gobelets, probablement ovoïdes. La production est datée entre le milieu du Ier et le début du IIe siècle ap. J.-C.
Regio VII – Étrurie
30Cosa42 : l’atelier est attesté par un fragment de moule de céramique hellénistique à relief.
31Sutri43 : l’atelier a produit des gobelets à panse trapue (17) et des bols à paroi verticale (22b) ; son activité est datée de la seconde moitié du Ier siècle ap. J.-C.
32Bolsena44 : des fragments de structure, appartenant très probablement à un four, ont été mis au jour, avec des tessons surcuits. Cette première phase de production compte des amphores domestiques, des lampes, des réchauds, de la céramique commune et à paroi fine caractérisée par des gobelets piriformes (2) et ovoïdes (3) ; elle est datée de 250/150 av. J.-C.45, alors qu’une seconde phase, identifiée grâce à des analyses pétrographique et géochimique, comprend des formes d’époque augustéenne46.
33Chiusi47 : les fours de Marcianella ont produit de la céramique commune grossière et fine, de la céramique à vernis noir et à paroi fine, ainsi que des amphores, correspondant à plusieurs phases d’activité. Le répertoire de céramique à paroi fine, fragmentaire, ne compte que des gobelets ovoïdes (3) ; leur production débute dans la seconde moitié du IIe siècle av. J.-C.
34Santa Cristina in Caio48 : un remblai de rebuts de cuisson atteste d’une production de céramique à paroi fine. Les formes recensées sont datées entre le IIe siècle av. J.-C. et le IIe siècle ap. J.-C.
35Torrita di Sienna49 : l’atelier a produit des gobelets à panse trapue (17) et des bols à paroi verticale (22b) ; son activité est datée autour du milieu du Ier siècle ap. J.-C.
36Vingone50 : l’atelier, situé près de Fiésole, a produit des gobelets ovoïdes (3), des bols à panse évasée (23a), des tasses à panse trapue haute (25a) ainsi que des gobelets à bulbe. L’ensemble, de qualité médiocre, est daté entre le Ier siècle av. J.-C. et le Ier siècle ap. J.-C.
37Sienne, Buonconvento51 : le répertoire morphologique se compose essentiellement de bols ou de tasses et de quelques gobelets à panse trapue (17). L’activité de l’atelier est datée entre la fin du Ier et le IIe siècle ap. J.-C.
Regio VIII – Émilie
38Bologne52 : un atelier a produit des gobelets en entonnoir (13) dans la seconde moitié du Ier siècle av. J.-C.
Regio X – Vénétie et Istrie
39Aquilée53 : l’atelier a produit une série de bols à panse verticale (22b) dans le deuxième quart du Ier siècle ap. J.-C.
40Crémone54 : l’atelier a principalement produit des bols à panse verticale (22b), probablement dans la seconde moitié du Ier siècle ap. J.-C.
Regio XI – Transpadane
41Novare55 : un atelier a produit des gobelets ovoïdes (3), cylindriques (6), en pseudo-tonneau (8), à panse verticale (10), des bols à panse verticale (22a), des tasses carénées basses (27) et tronconiques (30a). Cette production est datée de la seconde moitié du Ier siècle av. J.-C.
42Aoste56 : l’atelier a produit des bols à panse convexe (21b) et des gobelets ovoïdes (3) fabriqués avec une argile fine, et revêtus d’un engobe argileux non grésé, orange à marron. L’activité de l’atelier semble avoir été assez longue, puisqu’elle débute autour de 15 av. J.-C. et se poursuit au-delà du Ier siècle ap. J.-C.
Sicile
43Syracuse57 : un atelier a produit des gobelets, des tasses, des pots et des cruches de formes variées entre la fin de l’époque républicaine et la première moitié du Ier siècle ap. J.-C.
Baléares
44Ibiza58 : des ateliers ont produit de nombreuses variantes de gobelets fusiformes (1), piriformes (2), ovoïdes (3) ou à panse sphérique (4), dès la fin du IIe siècle av. J.-C. Cette production, qui se poursuit jusqu’à l’époque impériale, enrichit continuellement son répertoire de formes d’inspiration italique avec, entre autres, les gobelets cylindriques (6), les gobelets en pseudo-tonneau (8) et les tasses à panse trapue basse (2).
Péninsule ibérique
45Ampurias59 : des gobelets piriformes (2) ou ovoïdes (3) sont produits durant tout le Ier siècle av. J.-C.
46Barcelone (Darró)60 : un atelier a produit des gobelets piriformes (2) ou ovoïdes (3) dès le dernier quart du Ier siècle av. J.-C.
47Vilanova i la Geltrú61 : un atelier a produit des gobelets piriformes (2) ou ovoïdes (3) dès le dernier quart du Ier siècle av. J.-C.
48Fontscaldes et Tarragone62 : cet atelier a produit des amphores gréco-italiques, de la céramique commune et des céramiques à paroi fine, notamment des gobelets piriformes (2) ou ovoïdes (3) dès le troisième quart du IIe siècle av. J.-C.
49Valence63 : l’atelier a produit des gobelets piriformes (2) ou ovoïdes (3), et à panse approximativement sphérique (4), entre 75 av. J.-C et l’époque augustéenne.
50Les productions ibériques d’époque impériale connues sont très nombreuses et leur répertoire morphologique, très riche, s’éloigne des productions contemporaines d’Italie centrale. Plusieurs d’entre elles sont attestées à Braga64, Augustea Emerita65, Mérida66, Melgar de Tera67, Herrera de Pisuerga68, León69, Lugo70, Lancia71. Elles sont toutes datées du Ier siècle ap. J.-C
Gaule narbonnaise
51Bram72 : l’atelier a produit des gobelets ovoïdes à bord convexe, lèvre simple (3.22), des gobelets cylindriques (6), des bols à panse verticale (22a) et des formes de gobelets à panse et col concave, non attestés à Musarna. Époque augustéenne.
52Fos-sur-Mer73 : l’atelier a produit des gobelets à panse verticale (17) décorés de motifs végétaux réalisés à la barbotine ; ils sont datés de l’époque claudienne.
53La Graufesenque74 : deux phases de production ont été identifiées. La première regroupe des bols à panse verticale (10), vernissés, présentant des techniques de décoration variées (sablage, barbotine, moulage). Elle est datée des années 20-40 ap. J.-C. La seconde comprend du matériel provenant d’une fosse comblée en une seule opération, qui a livré environ 150 rebuts de cuisson. Il s’agit exclusivement de bols à paroi verticale (17) en pâte calcaire qui, étonnamment, à l’exception de deux exemplaires vernis, ne présentent pas de revêtements de surface. D’après l’autrice, cette absence, ou les rares traces ténues d’engobe, pourraient avoir incité les potiers à rejeter ces pièces75. Tous sont décorés au moule, et datés des années 55/60 ap. J.-C.
54Lezoux76 : la production se compose essentiellement de gobelets ovoïdes (3) ou à panse trapue (17). Les vases sont parfois complètement engobés, parfois engobés sur la moitié de la panse seulement ou, plus rarement, ne présentent aucun engobe. Cette production débute dans le dernier quart du Ier siècle ap. J.-C. et atteint sans doute son apogée au début du Ier siècle ap. J.-C.
Gaule lyonnaise
55Lyon, ateliers de Loyasse77et de la Muette78 : ces deux ateliers ont produit des céramiques à paroi fine au cours de deux périodes distinctes. Le plus ancien est celui de Loyasse d’où sont issues des céramiques à paroi fine non calcaires. Il s’agit essentiellement de gobelets ovoïdes (3) ou à panse sphérique (4), ainsi que de gobelets cylindriques (6). La période d’activité est située entre 30 et 15 av. J.-C. L’atelier de La Muette présente un répertoire plus riche, notamment en raison de meilleures conditions de fouilles. Y sont principalement produits, en argile non calcaire, des gobelets cylindriques (6), en pseudo-tonneau (8), à col vertical (12), des bols à panse convexe (21a) et à panse verticale (22a), des tasses tronconiques allongées. L’activité de cet atelier est datée entre 20/15 et 10/5 av. J.-C.
56Lyon, ateliers de la Butte79, Chapeau-Rouge à Vaise80 : les productions sont en argile calcaire, et les surfaces des vases engobées ; le répertoire morphologique compte principalement des bols à panse convexe (21a), verticale (22a) ou évasée (23a), et des gobelets ovoïdes (3) ou à panse sphérique (4). L’activité de l’atelier est datée autour du milieu du Ier siècle ap. J.-C.
57Vienne/Saint-Romain-en-Gal81 : les ateliers ont produit des céramiques en argile non calcaire (siliceuse) et calcaire. Les productions en argile non calcaire comptent des céramiques à paroi fine, en particulier des gobelets ovoïdes (3), des bols à panse verticale (22a), des couvercles à panse concaves (50) et des gobelets d’Aco. Une autre production82 se compose principalement de gobelets à panse trapue (17) en pâte calcaire et revêtus d’un engobe orange mat. Ils sont datés à partir de la fin du Ier siècle av. J.-C.
Chypre
58Paphos83 : un atelier a produit des bols à panse verticale (22) et à panse évasée (23). La production est datée de l’époque augustéenne.
59La distribution géographique des ateliers de céramique à paroi fine d’époque républicaine, ou de tradition républicaine couvre tout le bassin méditerranéen occidental. Quatre d’entre eux ont produit les formes les plus anciennes84 et sont situés en Italie centrale, aux abords de la via Cassia et de la vallée du Tibre (Bolsena, Chiusi, Scoppieto), sur la via Tiburtina (Tivoli). Deux autres ateliers ont été identifiés en dehors de cette zone, l’un à Pompéi et l’autre à Jési. Aucun de ces sites ne semble avoir été un centre de production de premier plan au cours de sa période d’activité la plus ancienne, compte tenu de leurs répertoires morphologiques assez limités qui ne comptent que deux ou trois formes, bien loin du riche éventail typologique attesté sur les sites d’Étrurie méridionale à la même époque.
60À Bolsena, des analyses pétrographiques et chimiques ont permis de mettre évidence l’importation de gobelets depuis deux sites distincts : les uns sont caractérisés par un décor de perles réalisées à la barbotine, les autres sont lisses85. Ces importations précèdent de peu les productions volsiniennes datées de l’extrême fin du IIe siècle av. J.-C., et mettent en évidence l’existence de deux ateliers précoces, dont la localisation est inconnue. À ce jour, l’atelier de Bolsena est le seul à être situé dans la région d’origine présumée de la production des céramiques à paroi fine à l’époque concernée. Son étude a démontré qu’il n’était pas le seul, et probablement pas le premier.
61Les autres ateliers de la péninsule italique présentent, à l’exception de Cumes, des formes plus récentes : il s’agit au sud de l’atelier d’Alife, au nord de ceux de Bologne, Vingone et Novare. À Cumes, l’atelier est attesté par un moule d’anse à poucier de skyphos (36) ou de canthare (33 et 34). La qualité des productions des ateliers est très variable ; celles d’Alife sont finement tournées ; les parois sont minces, les bords, les fonds et les décors soignés, alors que les vases de l’atelier de Vingone, par exemple, présentent un tournage grossier.
62Un des principaux centres de production pour la période républicaine se situe à Ibiza. Son répertoire morphologique très riche met en évidence l’influence des productions italiques jusqu’à l’époque impériale, et témoigne de la capacité des ateliers locaux à s’affranchir des modèles italiques en intégrant des éléments stylistiques autochtones. Il est difficile de déterminer si ces productions s’inspirent directement de celles d’Étrurie méridionale, ou d’un centre italique de production secondaire qui s’inspirerait lui-même de ces dernières. L’activité des ateliers ébusitains débute très tôt, à la fin du IIe siècle av. J.-C.
63D’autres ateliers aux répertoires morphologiques assez limités sont répertoriés sur la côte orientale de la péninsule ibérique (Barcelone, Fontscaldes, Tarragone, Vilanova i la Geltrú et Valence) ; l’activité de certains d’entre eux (Fontscaldes et Tarragone) débute également très tôt, dès la fin du IIe siècle av. J.-C. En Gaule Lyonnaise (Lyon, Saint-Romain-en-Gal) et Narbonnaise (Bram), les premières productions apparaissent à l’époque augustéenne.
64La répartition géographique des différents ateliers de production de céramiques à paroi fine à l’époque républicaine n’est donc pas très claire en raison de leur éparpillement et de la pauvreté des répertoires morphologiques. Il faut par ailleurs insister sur l’absence de données concernant les centres de production en Étrurie méridionale. Néanmoins, la diversité des formes mises au jour dans cette région, Sovana, Tarquinia, Bolsena), ainsi les caractéristiques pétrographiques et chimiques des vases trouvés à Bolsena laissent supposer l’existence de plusieurs ateliers actifs dès la fin du IIe siècle av. J.-C.
65En dehors de l’Étrurie méridionale, des productions précoces apparaissent dès la fin du IIe siècle av. J.-C., à Adria86, dans les Baléares et dans la région d’Ampurias. Les autres ateliers sont plus tardifs (Alife, Sicile, Lyon).
66La répartition des ateliers d’époque impériale est ici encore très hétérogène, et les attestations en Italie centrale sont nombreuses (Rome, Sutri, Scoppieto, Torrita di Siena, Sienne, Gubbio, Jési, Suasa). La production impériale des ateliers de Scoppieto et de Jési n’est pas directement liée à celle d’époque républicaine : l’examen des structures archéologiques révèle qu’elles n’ont pas été produites dans les mêmes fours. Ce déplacement de la production peut être attribué à un hiatus chronologique et/ou à une restructuration des modes de production, liée à l’introduction de nouvelles techniques et nécessitant l’implantation sur un nouveau site. L’augmentation du nombre des ateliers en Italie du Nord (Crémone, Pollentia, Ivrée, Aoste) met en évidence le succès continu des vases à boire en dépit de leur mutation technique. La même observation peut être faite pour les ateliers de Lyon et Saint-Romain-en-Gal où la production des formes républicaines cesse, remplacée par celle des formes impériales installée dans de nouveaux ateliers. De nouveaux ateliers apparaissent également dans la péninsule ibérique (Mérida, Rubielos de Mora, LLafranc-Palafrugell), et se diffusent à l’intérieur des terres en Bétique et en Gaule Narbonnaise (La Graufesenque, Fos-sur-Mer)87.
67Les données relatives aux ateliers d’époque impériale révèlent la multiplicité des centres de production, qui sont trop nombreux pour nous permettre de préciser les dynamiques de diffusion des céramiques à paroi fine attestées sur presque tous les sites romains. Il reste difficile d’établir des liens directs entre deux ateliers. Des productions locales, dont les ateliers n’ont pas été mis au jour, sont attestées plus à l’est, en Norique (Magdalensberg88, et dans l’actuelle Slovénie89).
68Techniquement, les temps de production des exemplaires en argile non calcaire, non engobée, ne sont pas supérieurs à ceux de la céramique commune fabriquée avec les mêmes pâtes. Pour la cuisson, l’Italie centrale bénéficie d’un ample réseau hydrique et de plusieurs lacs bordés de roseaux qui pouvaient fournir un combustible facilement renouvelable et particulièrement adapté à la cuisson des céramiques90.
69La fabrication des céramiques à paroi fine en pâte calcaire engobée requiert quelques efforts supplémentaires. La préparation de la pâte est similaire à celle des céramiques communes claires ou des céramiques à vernis noir : il s’agit donc d'un matériau facile à obtenir. L’opération de tournage est identique à celle des céramiques à paroi fine non calcaire, voire même facilitée par l’emploi des argiles calcaires, plus plastiques. L’application de l’engobe est une opération supplémentaire, assez rapide, qui nécessite toutefois une autre phase de séchage du vase. La plupart des engobes clairs (roses, oranges, rouges) des céramiques à paroi fine sont non grésés, et donc cuits en mode A : leurs parois, cuites en atmosphère réductrice, ont foncé au cours de la cuisson, puis se sont réoxydées lors de la post-cuisson en atmosphère oxydante. Les engobes grésés foncés, bruns ou noirs, ont été cuits à des températures plus élevées, mais toujours en mode A : leurs parois, cuites en atmosphère réductrice, ont foncé au cours de la cuisson qui a atteint la température de vitrification et empêché à l’engobe se réoxyder lors de la post-cuisson en atmosphère oxydante. Les fours pour ce type de cuisson restent donc identiques à ceux de la période précédente, utilisés pour la fabrication des exemplaires en argile non calcaire. En revanche, les vases présentant des engobes orange/rouge grésés nécessitent une cuisson en mode C, et des fours dans lesquels les vases sont isolés des flammes et de la fumée, comme ceux utilisés pour les céramiques sigillées91. L’atmosphère de cuisson y est oxydante, ce qui maintient la couleur de l’engobe ; celui-ci ne fonce pas et peut atteindre la température de vitrification en maintenant sa couleur originale, qui restera fixée grâce au grésage. Ces fours plus élaborés, qui apparaissent à Arezzo au milieu du Ier siècle av. J.-C., ont été utilisés pour la fabrication des céramiques sigillées.
70Les temps de production des céramiques à paroi fine sont donc variables en fonction des techniques employées ; celles en céramique non calcaire, non engobée et non décorée n’ont provoqué aucun surcoût par rapport au reste de la céramique fabriquée au même endroit. Celles à engobe clair grésé, décorées de riches motifs à la barbotine, produits par exemple en Bétique à l’époque impériale, ont certainement engendré des temps supplémentaires.
71Lorsqu’elles apparaissent, les céramiques à paroi fine en argile non calcaire n’ont qu’une très faible valeur marchande. Leur introduction doit donc être associée à un changement de pratique.
3. Fonction et origine
72La fonction des céramiques à paroi fine est certainement le véritable dénominateur commun de toutes les productions ainsi nommées, puisque le terme définit l’ensemble des vases à boire d’époque romaine, du IIe siècle av. J.-C. au IIIe siècle ap. J.-C.92 À ces derniers, s’ajoutent sporadiquement quelques vases à verser. Quels sont les vases à boire antérieurs ? Depuis l’ouvrage de M.T. Marabini en 1973, les vases à paroi fine ont été rapprochés des productions hallstattiennes d’Italie du Nord, en particulier des cultures d’Este et de Golasecca93. Avant même de comparer ces différents corpus, on ne peut que souligner leur éloignement chronologique, géographique et culturel, puisqu’il s’agit d’une part de cultures de l’Âge du Fer (VIIIe-Ve siècle av. J.-C.) de l’Italie du Nord94, d’autre part de l’Étrurie romaine du IIe siècle av. J.-C. : il est à peu près exclu que les potiers étrusco-romains aient copié des formes ayant circulé plus de quatre siècles auparavant, à plusieurs centaines de kilomètres de distance plus au nord. Aucun lien direct ne permet d’associer les situles en bronze95, qui sont des seaux, de ces cultures pré-gauloises, avec les gobelets fusiformes romains : leur proportion, leur forme et leur fonction sont différentes. Les cultures étrusques d’Étrurie méridionale de cette même époque n’offrent pas non plus de parallèles, et il faut peut-être chercher ailleurs d’éventuelles inspirations contemporaines susceptibles d’avoir influencé le répertoire morphologique des céramiques à paroi fine.
73Les nécropoles de Tarquinia offrent d’excellents contextes pour fournir les premiers éléments de réponse à cet égard, car leurs tombeaux gentilices utilisés du IVe siècle av. J.-C. jusqu’à l’époque augustéenne bénéficient d'une certaine continuité dans l’évolution des services de consommation au cours de toute cette période. Il apparaît ainsi clairement que les vases à boire antérieurs aux céramiques à paroi fine sont essentiellement fabriqués en céramique à vernis noir et, plus rarement, en céramique commune fine ou grossière.
74En céramique à vernis noir, on trouve la coupe (IVe siècle av. J.-C. )96, le skyphos (fin du IVe siècle av. J.-C. )97, les « amphorettes cantharoïdes » (IIIe siècle av. J.-C. )98, le canthare à anses nouées (IIIe siècle av. J.-C. )99, le canthare à anses à poucier (IIIe siècle- première moitié du IIe siècle av. J.-C. )100, le « canthare pelikoïde » (IIIe-IIe siècle av. J.-C. ) et le gobelet ovoïde (IIe siècle av. J.-C. )101. Toutes ces formes, de tradition hellénistique, se rattachent à la tradition du banquet. La constance des formes entre le IVe et le IIIe siècle av. J.-C. fait écho à celle de leur utilisation et de leur fonction ; on remarquera toutefois leur disparition progressive à la fin du IIIe siècle av. J.-C. Au IIe siècle av. J.-C., les formes de vases à boire en vernis noir deviennent minoritaires dans le riche répertoire de cette classe.
75La catégorie des céramiques communes se caractérise par le succès croissant de l’olla102. Les exemplaires en céramique commune fine de Tarquinia présentent la même pâte que les productions en vernis noir103 et sont utilisés au IIIe siècle av. J.-C., ceux en céramique commune grossière jusqu’au début de l’époque impériale104. Ces pots, utilisés pour la conservation des aliments ou la cuisson des mets105, ont été fabriqués dans de nombreux modules à partir du IVe siècle av. J.-C. Ceux qui présentent les dimensions les plus réduites deviennent des gobelets ovoïdes et à panse sphérique (3/4), et peuvent ainsi servir à la consommation des liquides106.
76L’askos107est une autre forme de vase à boire en céramique commune fine remarquable par son abondance et par les questions que suscite sa fonction. Utilisé pour le service et/ou la consommation des liquides, peut-être aussi comme biberon, il est daté entre le IVe et le début du IIe siècle av. J.-C.
77Aucune des formes de vases à boire en vernis noir n’a été directement transposée en céramique à paroi fine. Elles disparaissent progressivement du répertoire de céramique à vernis noir entre la fin du IIIe siècle et dans la première moitié du IIe siècle av. J.-C. Seul le gobelet ovoïde, apparenté à l’olla en céramique commune, est fabriqué dans les deux techniques, mais l’exemplaire tarquinien en céramique à vernis noir, daté du IIe siècle av. J.-C., pourrait avoir été lui-même influencé par d’autres catégories. Les gobelets ovoïdes (ollette) en céramique commune grossière sont de plus en plus fréquents dans les nécropoles de Tarquinia au cours du IIe siècle av. J.-C., et leur pâte, identique ou presque à celles des parois fines sont le prototype le plus évident.
4. Pourquoi la céramique à paroi fine ?
78La nouveauté des céramiques à paroi fine réside dans la création d’un répertoire morphologique original et dans l’emploi d’une pâte non calcaire, très poreuse, pour la fabrication de vases destinés exclusivement à recevoir des liquides. Ce choix implique nécessairement une perte du liquide par les parois, phénomène accentué lorsque celles-ci sont d’épaisseur réduite. La perte se produit par un phénomène d’évaporation qui entraîne rapidement une baisse de la température du liquide resté à l’intérieur du vase. Cette capacité à rafraîchir les liquides peut donc en partie justifier le choix de ces argiles poreuses108 ; toutefois, il ne saurait être considéré comme un progrès, car les propriétés des argiles non calcaires étaient déjà bien connues. S’agit-il d’un choix économique ? Le coût de production des céramiques à paroi fine est certainement légèrement inférieur à celui des productions en vernis noir : la pâte utilisée est celle des céramiques communes grossières, l’absence de revêtement ne nécessite aucune phase d’application et de temps de séchage supplémentaire ; la température des fours ne doit pas atteindre le niveau de grésage, ce qui implique une utilisation moindre de combustible. Il s’agit néanmoins d’une différence ténue dans une région où la production de céramique à vernis noir perdure, en très grande quantité, et bien au-delà de l’apparition des céramiques à paroi fine qui se singularisent avant tout par leur répertoire morphologique.
79Leur apparition est-elle alors liée à l’introduction de nouveaux contenus ? On remarque en effet, en parallèle de leur diffusion, l’augmentation de la production de vin d’Italie centrale dont la consommation se généralise dans tous les niveaux sociaux entre la seconde moitié du IIe et le milieu du Ier siècle av. J.-C.109. La situation de l’ager Cosanus est à ce titre exemplaire, puisque trois ateliers ont massivement exporté des amphores gréco-italiques, Dressel 1 et 2/4, entre la seconde moitié du IIe siècle av. J.-C. et l’époque augustéenne, relayées par la suite par des amphores à fond plat110. Cette production intensive d’amphores, qui reflète celle de la production viticole, s’accorde parfaitement avec le lot de céramique à paroi fine de Cosa, dont le riche répertoire couvre la même période. D’après A. Tchernia et F. Olmer111, la rapide croissance de la ville de Rome dans la seconde moitié du Ier siècle av. J.-C. a entraîné une forte demande de vin et conduit à en importer depuis la côte orientale ibérique et de la Gaule Narbonnaise. C’est parallèlement à l’époque augustéenne que cessent d’être produites les céramiques à paroi fine républicaines, relayées par des produits en argile calcaire et engobés. Il est donc tentant d’associer les vases à paroi fine non calcaire d’Étrurie méridionale à la consommation grandissante des vins italiens, et ceux en argile calcaire, engobés, à de nouveaux produits non italiques.
80La valorisation grandissante d’un contenu spécifique est également cohérente avec la recherche d’un nouveau vocabulaire morphologique que traduisent les premières productions de céramique à paroi fine. Celles-ci rompent assez nettement avec les traditions hellénistiques antérieures, encore perceptibles dans les productions de céramique à vernis noir.
Notes de bas de page
1 Morel 1981, p. 22.
2 Picon 1973a, p. 129.
3 Ricci 1985, p. 241 ; Gervasini 2005, p. 279.
4 Passelac 1993, p. 511.
5 Desbat – Schmitt 2011, p. 10.
6 Desbat – Schmitt 2003, p. 8.
7 Batigne 2009, p. 113.
8 Ibid., p. 39.
9 Desbat – Schmitt 2003, p. 8.
10 Olcese 2003, p. 74-92.
11 Chiaramonte Trere 1984, p. 135 ; Desbat – Schmitt 2011, p. 9-13.
12 Santrot 1995, p. 376-377.
13 Desbat 2011, p. 188.
14 Ibid., eo loco.
15 Picon 1973, p. 30.
16 Desbat – Schmitt 2011, p. 25 et 42.
17 Infra, chap. 7, 1. Les caractéristiques techniques.
18 Santrot 1995, p. 133.
19 Picon 1973, p. 62 et Desbat – Schmitt 2011, p. 27-43.
20 López Mullor 2008, p. 365-372.
21 Infra, chap. 1, 1. Les caractéristiques techniques.
22 Felici 2003.
23 Carbonara – Messineo 1992.
24 Olcese 2012, p. 211-212.
25 Leotta 1996.
26 Toniolo 2016.
27 Cavassa – Lacombe – Lemaire 2015.
28 Cavassa 2004.
29 Borriello-Giglio-Iavarone 2019.
30 Olcese 2012, p. 278.
31 De Fabrizio – Cipriano 1994, p. 216-217.
32 Brecciaroli-Taborelli 1997.
33 Ibid., p. 200.
34 Ibid., eo loco.
35 Faga 2011, p. 134.
36 Ibid., p. 134.
37 Ibid., p. 138.
38 Ibid., p. 142.
39 Ibid., p. 144.
40 Cipollone 1984-1985.
41 Cesaroni 2012.
42 Marabini 1973.
43 Duncan 1964.
44 Santrot 1995, p. 376-377.
45 Ibid., p. 385.
46 Ibid., fig. 113, p. 311.
47 Mascione – Pucci 2003.
48 Bertoldi – Castiglia – Menghini 2017.
49 Pucci 1992; Ruga 1992.
50 De Micheli Schulthess – Fabbri 2012, p. 205.
51 Olcese 2012, p. 93-94.
52 De Micheli Schulthess – Fabbri 2012, p. 207.
53 Buora 1987, p. 8.
54 Breda 1996, p. 51-53.
55 Spagnolo Garzoli et al. 2007, N° 6 et 12, fig. 25, p. 123.
56 Laroche 1987.
57 Denaro 2008, p. 82.
58 López Mullor 2008, p. 344.
59 Ibid., p. 359.
60 Ibid., p. 362.
61 Ibid., eo loco.
62 Ibid.,eo loco.
63 Lopez Mullor 2008, p. 365.
64 Martín Hernández – Rodríguez Martín 2008, p. 385.
65 Ibid.,p. 386.
66 López Mullor 2008, p. 364; Martín Hernández – Rodríguez Martín 2008, p. 386.
67 Ibid., p. 395.
68 Ibid., p. 398.
69 Ibid., p. 400.
70 Ibid., eo loco.
71 Ibid., eo loco.
72 Passelac 2001, N° 13- 17, fig. 10, p. 153.
73 Rivet 2004 ; López Mullor 2008, p. 374.
74 Bémont 1982.
75 Ibid.,p. 7.
76 Bet – Henriques Raba 1989.
77 Desbat et al. 1996.
78 Genin et al. 1996.
79 Bertrand et al.1997.
80 Desbat 2001.
81 Desbat – Genin 1996 ; Desbat 2000 ; Leblanc 2001.
82 Leblanc 2001, fig. 8, p. 49.
83 Élaigne 2014.
84 Gobelet fusiforme (1), ovoïde (3), à panse sphérique (4) et bol hémisphérique (19).
85 Santrot 1995, p. 134.
86 Dallemulle – Marzola 1977.
87 López Mullor 2008, p. 365-372.
88 Schindler-Kaudelka 1975.
89 Plesnicar-Gec 1987.
90 Desbat – Schmitt 2003, p. 25-34.
91 Picon 1973, p. 78.
92 Définition de A. Ricci (Ricci 1985, p. 49), reprise ensuite par de nombreux auteurs.
93 Marabini 1973, p. 49.
94 Capuis – Chieco Bianchi 1985 et 2006 ; Lorre – Cicolani 2009.
95 Krausse – Beilharz 2009, III 03, p. 149.
96 Serra Ridgway 1996, N° 74, pl. 227.
97 Ibid., N° 72, pl. 226.
98 Ibid., N° 62, pl. 226.
99 Ibid., N° 63, pl. 226.
100 Ibid., N° 67-71, pl. 226.
101 Ibid., N° 61, pl. 226
102 Olcese 2003.
103 Ibid., N° 201, pl. 220.
104 Ibid., N° 274, pl. 223.
105 Batigne 2009, p. 111.
106 Montagna Pasquinucci 1972, N° 82, 83, 88, 90, 92, 93 et 96, fig. 6 ; Santrot 1995, p. 377.
107 Ibid., N° 224-226, pl. 222.
108 Interpretation proposée par l'archéocéramiste Pierre-Alain Capt.
109 Tchernia – Olmer 2004, p. 105.
110 Ibid., p. 108.
111 Ibid., p. 112-113.
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