Nathanaël avant et après ; ou de prolepse en anamnèse
p. 113-128
Texte intégral
1Bas-de-Cuir, ainsi qu’on l’appelle, revient dans chacun des cinq volumes du cycle auquel il donne aujourd’hui son nom. C’est à lui seul, sans doute, que la saga de James Fenimore Cooper doit sa notoriété.
2On voudrait ici l’isoler des histoires où il apparaît (comme, en fait, l’auteur lui-même finit par l’extraire de la trame romanesque où il est d’abord inscrit) et esquisser une coupe longitudinale, non selon l’ordre de la publication des divers volumes, mais au fil de sa biographie.
3On le voit d’abord sur son « premier sentier de la guerre ». L’action se déroule vers 1740, lors de la troisième guerre intercoloniale, dite du « roi George ». Né en 1718, il a alors dans les 22 ans. Puis dix-sept ans plus tard, en 1757 dans Le Dernier des Mohicans. Il a alors la quarantaine.
4Le quatrième roman dans l’ordre de la publication recycle peu ou prou le même scénario. Il se passe également pendant la guerre de Sept Ans, mais trois ans plus tard. Il ne constitue guère une étape décisive dans la vie de Bumppo.
5Le voici ensuite parmi les « Pionniers » de l’établissement de Templeton, sur les bords du lac Otsego, « aux sources de la Susquehanna ». On est en 1793. On le sait par « monsieur LeQuoy », un émigré français, marchand de tabac, dentelles et colifichets au village, qui se lamente jusqu’aux sanglots sur la mort de « notre pauvre roi ». Natty, comme on l’appelle familièrement ici, a maintenant 66 ans.
6On le retrouve enfin, seul au milieu de la « Prairie », à l’été de 1805, alors que, non loin de là, l’expédition de Lewis et Clark, partie de Saint-Louis pour explorer l’immense territoire, la « Louisiane », que la jeune nation américaine vient d’acquérir, remonte le Missouri à la recherche, via le nord-ouest, d’un passage donnant accès par voie fluviale à l’océan Pacifique.
7 Douze ans ont passé depuis la longue marche qui l’a amené des habitations jusqu’à ces solitudes. Il approche les quatre-vingts hivers. Quelque temps après, il va rendre son dernier souffle, face au soleil couchant.
Onomastique
8Dans les habitations, quand il y vit encore, il est Bumppo, un nom qui évoque le rustaud pataud de fabliau, voire le vagabond clochardisé.
9Une fois que ce nom lui a été donné dans le contexte spécifique du premier roman publié, il est difficile, par la suite, à l’auteur d’en changer, mais il faut bien dire qu’il est peu adapté au contexte des autres romans du cycle. Aussi est-il remplacé, d’un épisode à l’autre, par une série de surnoms.
10Lors de la première traduction en français des romans de Cooper, on savait encore ce que désignait le terme « Bas-de-Cuir ». C’est moins évident aujourd’hui.
11Cooper décrit ainsi le « pittoresque accoutrement » que porte son personnage dans ses jeunes années et qu’il conservera jusque dans son vieil âge. Des mocassins, comme en portent les naturels du pays. Une blouse de chasse, couleur feuillage, à des fins de camouflage, ornée de franges et de glands. Une veste en peau de daim, le poil à l’extérieur. En bandoulière, une gibecière et une poire à poudre en corne joliment gravée. Et donc, ces fameux bas-de-chausses : montant de la cheville au genou, sortes de jambières en peau, attachées à l’arrière par des nerfs toujours de daim.
12En 1757, l’acuité de sa vision lui vaut le nom d’Œil-de-faucon. Dans la version originale anglaise Hawk-eye, nom auquel la rime avec tomawhak, ou encore mohawk, donne comme une vague sonorité indienne.
13Une fois dans la Prairie, il n’a plus de nom du tout. On l’appelle « l’habitant de la Prairie » ou « le vieux trappeur », excepté dans un épisode où resurgit son passé et où, pour la seule fois dans tout le cycle, il prononce et même épelle son nom. « Cela commence par un N et se termine par un L. » Appelons-le Nathanaël.
La double focale
14Le lecteur de l’époque aura découvert celui que l’on nomme alors familièrement Natty dans le premier paru des cinq volumes.
15C’est le soir de Noël dans la petite bourgade qui, sept ans après que le juge Temple a acquis ce vaste terrain dans les solitudes du lac Otsego et l’a loti, commence à se peupler et à se construire.
16Tous les gens du bourg sont réunis dans l’auberge du Dragon-Hardi. C’est alors que font leur entrée deux vieillards. L’un est un ancien coureur de bois (Natty), l’autre, son compagnon de tous les jours, et de toujours, un vieil Indien, 70 ans passés, que l’on appelle John Mohegan (Jean Mohican). Il ne s’est pas toujours appelé ainsi. C’est le nom dont l’ont baptisé les missionnaires moraves qui l’ont recueilli après l’extinction de sa tribu. Son nom d’autrefois était Chingachgook, ce qui, en algonquin, signifie le « Grand Serpent ». Les chrétiens ne l’ont pas seulement baptisé ; ils lui ont donné le goût de l’eau de feu. Et ce soir-là, il a déjà beaucoup bu. Richard Jones, un Gallois plein d’entrain, pour mettre de l’ambiance, y va de sa chanson. Après quoi, goguenard, il demande : « Alors, chef, ça vaut-y-pas vos vieux chants guerriers d’autrefois ? » Se balançant d’avant en arrière l’homme entonne alors une lugubre mélopée en sa langue natale. Dans le brouhaha de l’auberge tout le monde s’esclaffe au spectacle de ce vieil ivrogne baragouinant son charabia. Bumppo, lui, ne rit pas, ni ne boit. Il se tient en silence et les autres lui reprochent sa morosité. Lui comprend les paroles de cette psalmodie. Dans une sorte de transe shamanique, favorisée par l’alcool, le Grand Serpent évoque le temps perdu de sa gloire sur le champ de bataille, la défaite de son peuple ; son espoir, un jour, d’un réveil vengeur. Puis, l’exaltation retombée, le voilà redevenu ce pochetron de soixante-dix hivers.
17Mais, l’espace d’une illumination, il a fait une remontée liturgique dans la mémoire – une anamnèse.
Adieux
18Templeton, automne 1794. La dernière scène du roman se passe sur le site où se tenait cinq, six ans plus tôt la cabane du vieux coureur de bois.
19L’emplacement a été totalement déblayé. On a abattu les arbres, arraché les souches et enclos le lieu d’un muret de pierres. Allongé dans l’herbe haute, Bumppo essaie de dégager la surface de deux pierres tombales. Il demande qu’on lui lise les deux épitaphes. Gisent ici Chingachgook et le major Effingham, leur vieux compagnon d’armes à tous les deux. Enterrés côte à côte. Quand il comprend qu’il est fait mention de son nom dans l’épitaphe du major, Bumppo est ému aux larmes et demande que l’on guide son index pour parcourir les lettres gravées dans le marbre blanc. Puis, brusquement, « Il est temps de partir », dit-il. « Adieu ! » Il épaule sa longue carabine, restée appuyée contre le petit mur, prend son paquetage et se met en route, direction les grands bois. Il n’est resté ici que tant que vivait encore son compagnon peau-rouge, qui était pour lui comme un frère, voire « comme un frère, comme un amant ». Aujourd’hui, plus de raison de rester. Il est las de ces coupes claires dans la forêt primitive, il est las des défrichements et d’entendre résonner la cognée du bûcheron. Il prend la route de l’ouest. « Here ! » On entend l’écho de son cri retentir dans les collines. C’est ainsi qu’il appelle ses chiens, comme on dirait « au pied ! » C’est aussi ainsi qu’en anglais un soldat répond à l’appel : « Présent ! » Et lorsque, quelques années plus tard, dans la tribu où il a vécu ses derniers jours, il meurt, pointant du doigt l’ouest et le soleil couchant, il prononce de nouveau ce simple mot « Here » : son ici, qui a toujours été un là-bas.
Éthique du « Long fusil »
201740. Nathanaël parcourt la contrée en compagnie d’un ogre de bûcheron, dénommé Harry March, dit « Hurry » ; ce qui signifie qu’il n’est pas du genre à traîner, qu’il taille la route, mais qui fait aussi obliquement allusion (en 1840, tout le monde le comprend) au chef de file du Parti whig Henry Clay. Il est midi lorsque les deux hommes débouchent du couvert des bois dans une clairière. « L’heure de la bouffe ! » décrète Hurry. Ils s’attaquent au cuissot d’un daim que Nathanaël vient d’abattre. — Allez, Tueur de daims, montre-nous un peu si tu es aussi hardi avec tes crocs qu’avec cette carabine. — Une panthère ou un chat sauvage, soit ; mais il n’y a point de hardiesse particulière à tuer un daim.
21Si les Delawares lui ont décerné ce titre, Tueur de daims, ce n’est point pour sa hardiesse, mais pour son pied agile et son œil acéré. A-t-il jamais abattu un adversaire capable de riposter ? Autrement dit, a-il déjà tué un homme ? — Non, répond Nathanaël en toute candeur. L’occasion ne s’en est encore jamais présentée. Il n’a vécu auprès des Delawares qu’en temps de paix. Son « premier sentier de la guerre », il va le découvrir dans ce roman-ci. Le « long fusil », on le voit à l’œuvre en 1757, dans l’épisode de la falaise ou de la poursuite en canoë. Mais on se situe là dans le cadre d’un affrontement régulier entre deux armées, empire britannique contre empire français, avec chacun ses alliés indiens, Hurons ou Iroquois.
22Les Peaux-Rouges qu’il a pu tuer, il les a abattus en tant qu’adversaires sur le champ de bataille, non en tant que Peaux-Rouges.
23On ne l’apprend que rétrospectivement : en 1792, Bumppo a repris du service. Il a participé brièvement à la violente campagne menée dans le nord-ouest par le général Anthony Wayne, dit « Anthony le fou furieux ». Mais le cœur n’y était plus. Il avait vieilli, ou ce n’était plus la guerre comme il l’avait connue trente-cinq ans plus tôt. Après cette prise de conscience, il a déposé définitivement les armes.
24Il se trouve qu’Ismaël Bush, le chef de la baroque horde barbare qui traverse la Prairie, a, lui aussi, avant de déserter (pour de tout autres motifs), pris part, dans le Kentucky, à des raids contre les Indiens. Il ne comprend pas les scrupules de conscience de Bumppo. Il n’éprouve pas, pour sa part, les mêmes états d’âme. Pour lui un combat qui oppose chrétien à sauvage a en soi sa légitimité.
25On a changé de guerre. On est désormais entré dans une logique d’extermination, où on élimine le Peau-Rouge non pour ce qu’il fait mais pour ce qu’il est.
Un homme sans croisement
26Il le répète sans cesse ; c’est comme une ritournelle : « Je suis un homme sans croisement. » Autrement dit, de race blanche, pas de sang mêlé. S’il y revient si souvent, c’est peut-être que cela ne va pas sans dire. On pourrait en effet s’y méprendre, à voir son mode de vie nomade. D’autant plus qu’il a grandi parmi les Peaux-Rouges depuis sa prime adolescence et a été adopté par eux. Et lui-même ayant adopté certaines de leurs mœurs, il y a appris la langue des signes et le sens des silences. C’est un hybride culturel. Sans doute Balzac ne veut-il pas dire autre chose quand il parle de « splendide hermaphrodite », quoique… De l’Indien, il a hérité la perception de l’espace, de ses signes et indices. Pour l’ouïe, il est toutefois loin d’être à la hauteur de Chingachgook ou de son fils Uncas et doit parfois avoir recours à eux. Quant à l’odorat, le « vieux trappeur » ne fait pas le poids face à son chien Hector qui, lorsque le vent porte, vous renifle l’approche d’un étranger à un mile. Son point fort est la vue. La faculté de percevoir et d’interpréter les signes d’un paysage, mais surtout son œil de tireur d’élite, qui met à tous les coups dans le mille de la cible. Cette aptitude n’a pas été acquise à l’école des Indiens. Elle fait partie du patrimoine génétique transmis de père en fils dans la famille Bumppo.
27Autre trait distinctif indien que Bumppo ne partage pas : le cheval. Depuis que les Espagnols l’ont importé dans le Nouveau Monde, le cheval est devenu une caractéristique des Indiens des Plaines : ils vont jusqu’au Mexique en acheter, ou en voler. Bumppo, il l’admet lui-même (« I have no skill in horses »), n’a rien du cavalier. C’est un marcheur, un marcheur au long cours. C’est à pied qu’il est venu ici dans les Grandes Plaines depuis le lac Otsego, dans l’York.
Hors la loi
28Dans une scène spectaculaire, un vol migrateur de pigeons passe à la verticale du village. Les habitants ont déniché un vieux canon datant de la guerre d’Indépendance et s’en donnent à cœur joie. Des centaines de cadavres jonchent bientôt le sol.
29Le juge s’inquiète pour l’écosystème. Il veut mettre un terme aux ravages de ces destructions du milieu naturel, qu’il compare à la Terreur que font régner en France les Jacobins en envoyant les gens à la guillotine et en dévastant la Vendée. À cette fin, il promulgue une loi instaurant une saison de la chasse (chasse interdite hors de ladite saison).
30Or Natty refuse d’obtempérer à cette législation. Non qu’il soit sans foi ni loi, mais tel Hester Prynne à la lettre écarlate, il a sa propre loi. Cela fait quarante ans qu’armé de sa longue carabine il chasse dans ces montagnes. Tuer du gibier pour se nourrir est pour lui un droit imprescriptible. « Une vieille loi, juge-t-il, qui en vaut bien deux nouvelles. » Un jour de juillet, hors saison, il navigue sur le lac à bord d’un canoë en compagnie de Chingachgook. S’approche à la nage de l’embarcation un splendide daim. Natty lui enroule une corde autour des andouillers et, avec son coutelas, lui tranche la gorge. Pour cette infraction, il est condamné, mis aux fers, exposé au pilori. Et cela sous la garde – un comble ! – du bûcheron Bill Kirby, non seulement sans rival dans l’abattage des arbres, mais encore grand massacreur de la faune, pour le simple plaisir de la destruction.
31Kirby respecte à la lettre la loi du juge ; Natty n’en respecte que l’esprit. Peu de temps après, ainsi ostracisé, il quitte l’établissement où l’on s’attendait à le voir finir ses vieux jours.
Topographie
32En 1784, Crèvecœur décrit ainsi la zone des « frontières » dans les années de l’expansion coloniale entre 1763 et 1775. D’est en ouest s’étagent trois zones. D’abord, les champs essartés, labourés – et clôturés.
33Puis une zone intermédiaire, une sorte de marche, que viennent squatter les « émigrants », mus soit par la rapacité, soit par le souci d’échapper à la Loi. Ces « derniers cantons » jouxtent la forêt, qui s’étend depuis cette lisière vers l’Ouest sauvage. En Europe, dit Crèvecœur, de la lie de la société, on fait des mendiants ou des soldats ; en Amérique, on les expédie aux frontières. Ces gens n’ont aucune notion de l’économie. Bientôt, ils s’adonnent de plus en plus exclusivement à la chasse. Et alors, adieu la charrue ! Vivant parmi les bêtes sauvages, ils rechutent eux-mêmes dans l’état sauvage et l’errance nomade. Cette population ne réside dans la zone intermédiaire que le temps d’un intérim. Bientôt, sur les terrains qu’ils ont défrichés, viendront les agriculteurs, qui prendront la relève, cloîtreront les champs.
34Cependant que, « cohorte d’enfants perdus », ils émigreront dans l’Ouest plus lointain, leurs nouvelles mœurs forestières, greffées sur l’ancienne tige européenne, produisent un mélange inexplicable. Les mœurs des sauvages forment un système respectable, qui ne manque pas d’une certaine noblesse, comparées à celles des Européens qui se sont ensauvagés. Les Peaux-Rouges ont leur culture, les Visages-Pâles la leur. Les métis culturels que sont les gens des frontières combinent dans leur caractère le pire de chaque race.
Le calque Walter Scott
35Cooper décalque, pour la transférer sur la carte américaine, la topographie de Walter Scott telle qu’elle apparaît dans ses deux premiers romans, Waverley et son double, Rob Roy. Roy, c’est-à-dire le Rouge, le Rouquin, en référence à la couleur de sa longue chevelure, qui lui tombe sur les épaules. Rob Roy fait le métier de conducteurs de troupeaux. Il mène le bétail par les sentiers de la montagne (les Hautes Terres) jusqu’aux foires et marchés de la plaine (les Basses Terres).
36Au fil des années, toutefois, son métier a évolué et il pratique ce qu’en Sicile (c’est Scott lui-même qui parle des « banditti ») on appelle la « protection » : contre une modeste obole, il protège les troupeaux contre les brigands. Leur propriétaire refuse-t-il de s’exécuter, il peut faire une croix sur ses bêtes. Soixante ans après, toutefois, lorsque Scott, en préparation de son roman, fait un tour des villages des Hautes Terres, il entend partout évoquer le légendaire Rob Roy, le bandit au grand cœur, qui ne dérobait aux riches que pour donner aux veuves, aux orphelins et aux nécessiteux.
37Rob comme robber, mais aussi comme le Robin des Bois médiéval, resurgi en plein règne de la reine Anne. Rob Roy appartient au clan McGregor, qui fait remonter son ancienneté à Bruce, le premier roi d’Écosse. Génération après génération, ils ont résisté pied à pied contre les barons inféodés à la Couronne et profitant de patentes royales. Édit après édit, ces derniers les ont expropriés de pans entiers de leurs terres ; dépossédés de leur nom en leur interdisant de le porter. Le clan a survécu, malgré tout, sous des noms d’emprunt, souterrainement, dans la clandestinité. Sa longue et tumultueuse histoire en a fait une légende dans toute l’Écosse, sous le nom de « gens (ou peuple) de la brume ».
38Rob Roy se meut dans un espace de l’entre-deux. Ce n’est ni les Hautes Terres ni les Basses Terres, mais un espace intermédiaire.
39Ce n’est plus le limes des Romains, délimité par le mur d’Hadrien, mais ce que Scott dénomme une « ligne de démarcation imaginaire ». Topographie qui ne manque pas de rappeler celle de Crèvecœur. Ce d’autant plus que Scott le souligne par une quasi-citation de ce dernier lorsqu’il parle de Rob Roy comme d’un homme alliant « les vertus sauvages, la politique la plus subtile et la licence sans bornes d’un Indien d’Amérique ».
40Quant au jeune Edward Waverley, il oscille, comme le suggère son nom, dans un similaire entre-deux-mondes. Il a reçu une éducation anglaise, mais la lecture de Froissard et des chroniques médiévales l’ont rendu sensible au charme des Stuart, ce en dépit du fait que son père est ministre de la monarchie des Hanovre, et lui-même officier de son armée. D’un côté, le romanesque gaélique, à la fois barbare et raffiné, catholique, échevelé ; de l’autre, le prosaïsme anglo-teuton, protestant, mercantile. Scott a écrit plusieurs versions de cette histoire et on y voit Waverley se défaire peu à peu de sa fascination romanesque. Le monde gaélique est un monde en voie d’extinction, dont il faut désormais faire son deuil.
41Comme Waverley, le Nathanaël Bumppo de Cooper oscille, lui aussi, dans un entre-deux-mondes, mais la transposition en Amérique du schéma Walter Scott s’y heurte à une limite. En Écosse, on est en présence de deux camps antagonistes, mais aucun des deux ne considère l’autre comme appartenant à une espèce radicalement autre. Entre l’infra-rouge des Basses Terres et l’ultra-violet des Hautes, il y a tout un spectre continu de gradations. Il en va autrement en Amérique, où le « terrain neutre » entre les deux mondes est précaire et va peu à peu se rétrécissant comme une peau de chagrin.
42Dans la Prairie, lorsque Bumppo commence à comprendre que le second prénom du capitaine Middleton lui a été donné en souvenir de cet Uncas que lui-même a bien connu, il s’avance avec prudence. — Votre grand-père n’avait-il pas un autre compagnon, un Blanc ? — Si fait un batteur d’estrade, un Anglais. — Un de ces ivrognes, de ces traîne-savates comme le sont ceux qui vivent parmi les sauvages ? — Pas du tout. Au contraire de la plupart des hommes qui vivent aux frontières, il réunissait les meilleures qualités des deux races, sans aucun mélange des mauvaises.
43Bumppo est un hybride culturel du type que décrit Crèvecœur, sauf que dans son cas il faut inverser les signes plus et moins, et renverser en chiasme la formule : il combine en sa personne non pas le pire, mais le meilleur de chacune des deux races.
Nathanaël, quaker
44« Nathanaël, jette ce livre. »
45Dans la géographie selon Cooper la nation américaine se subdivise en trois régions (ou « sections ») : les États du Milieu, où il inclut le York, flanqués de l’Ouest et de la Nouvelle-Angleterre.
46D’autres auteurs du York ont traité de la « matière de Nouvelle-Angleterre » : avant Cooper, Washington Irving ; après lui, Edith Wharton. La Nouvelle-Angleterre qui s’est illustrée, un siècle plus tôt, en persécutant les quakers et en envoyant plusieurs à la potence avant que la Couronne mette son holà.
47Chez Cooper, cela prend la forme de personnages ayant en commun avec leur ancêtre Don Quichotte de ne jurer que par le Livre.
48C’est, par exemple, Obed Battius, dont le Livre est le grand œuvre du naturaliste français que Bumppo appelle Bouffon. Et pour David La Gamme, « le Livre des psaumes, hymnes et cantiques spirituels de l’Ancien et du Nouveau Testament » (Boston, Anno Domini 1744, 26e éd.). Il marche avec, il dort avec. À tout bout de champ, au point qu’il faut parfois le faire taire, ses poumons se gonflent et il entonne l’un de ces psaumes en dessinant en l’air de la main la mélodie.
49Une tête énorme, coiffée d’un vaste chapeau ecclésiastique, de longues jambes raides d’échassier juché sur une jument qu’il éperonne toujours du même côté, de sorte qu’elle n’avance que par soubresauts et de travers : un cousin d’Ichabod Crane, le maître de chant de « Sleepy Hollow ».
50Entre deux scènes de combat, chasseur et ministre du culte trouvent le temps pour une dispute théologique. Il s’agit de l’épineuse question de la prédestination.
51« Qui doit être sauvé sera sauvé et qui doit être damné sera damné. » Voilà, dit le pasteur, la bonne doctrine. Œil-de-faucon objecte. Alors, rétorque le ministre du culte, citez-moi, chapitre et verset, le passage du Livre saint qui autorise votre position. Qu’a besoin de livres un homme qui, depuis quarante ans, vit au désert ? Il a sous les yeux le grand livre de la nature.
52Dans la province du révérend, on a obscurci « la noble simplicité de la Révélation » par des gloses et commentaires. En prétendant notamment pouvoir scruter le décret que le Seigneur a pris dans le secret de son conseil.
53Au désert, dans la solitude des grands bois, on voit dans toute sa clarté la lumière naturelle de la Révélation. On croirait entendre le quasi-quaker Emerson.
54Dans une grotte, les Indiens ont amené une vieille femme à l’agonie. Le major, qui a laissé entendre qu’il était docteur en médecine, y est conduit. En chemin, il croise un ours, benoîtement assis sur le bord de la route. À l’entrée de la grotte, l’ours se faufile sur ses talons. Le pasteur est lui aussi présent au chevet de la mourante et y essaie la magie de sa psalmodie. Alors, on entend la voix sépulcrale de l’ours qui, tapi dans un recoin, reprend en cadence la mélodie en se balançant de droite à gauche. L’ours démasqué n’est autre que Bumppo. Dans une cabane de castors, il est tombé sur le sorcier de la tribu et en a revêtu le déguisement, poussant ainsi jusqu’à une nouvelle limite son ensauvagement. En exergue, une citation (« Le rôle du lion, vous pouvez le jouer impromptu »), tirée du dramaturge William Shakespeare, très connu pour une célèbre didascalie : « Il entre, poursuivi par un ours. » Ainsi se retrouvent ici, face à face, les deux icônes majeures, les deux totems de la culture américaine : l’Ours et l’Écriture.
Émigration
55Dans un paragraphe de conclusion au premier roman paru, l’auteur commente le départ de Bumppo selon la conception qu’il s’en fait à l’époque : allant vers l’Ouest, Bumppo relance et prolonge l’élan qui a déjà permis le défrichement et l’établissement de Templeton. Il est l’avant-garde du front pionnier, le fer de lance de sa marche en avant. Or, tel n’est plus du tout le visage que présente Bumppo dans la suite de la saga. C’est que, en 1820, sont intervenus deux évènements : l’expédition du major Stephen H. Long et la mort de Daniel Boone.
56Quinze ans après Lewis & Clark, au terme d’une parenthèse où, en raison de la guerre anglo-américaine de 1812, l’Ouest a été un peu négligé, le major Long, à la tête de dix-neuf hommes, part de Fort Atkinson en juin 1820 avec l’objectif de localiser la source de la Rivière rouge. Ils remontent le grand affluent du Missouri, la Platte, longent le contrebas de la haute muraille des Rocheuses ; retour par la rivière Arkansas. À partir de ses notes de terrain, le botaniste Erwin publie en 1823 un compte rendu de l’expédition, accompagné d’une carte. Cooper, qui connaît déjà le récit que Nicholas Biddle a tiré du Journal de Lewis & Clark, lit ce livre à Paris. Cela dessinera la Prairie de son troisième roman.
57Quant à Boone, Cooper en greffe la figure sur la version initiale de son protagoniste Bumppo, en retouchant par cette opération la configuration d’origine. Une telle modification n’a été rendue possible que par le caractère biface du personnage de Boone. Il y a ce que l’on appellera ici la face B. Il s’agit du dernier segment de la longue vie de Boone, à partir du jour où il quitte le Kentucky pour filer plus à l’ouest jusqu’à sa mort. C’est ce segment final qui a donné lieu à sa légende, colportée jusqu’en Europe (Lord Byron lui consacre une strophe dans son « Childe Harold ») et que Cooper, lui aussi, exploite. La face A est plus conforme aux faits, de beaucoup, et prend en compte ce qu’il fut dans sa vie d’avant : un arpenteur à la solde d’une compagnie de spéculation foncière. Elle ne fera toutefois surface que plus tard, à partir de 1846 et de la Destinée manifeste – cette fois pour chanter, non plus le fugitif, mais le conquérant, comme, par exemple, dans la plus célèbre image d’Épinal de l’histoire nationale américaine, le tableau du peintre historique du Missouri, George Caleb Bingham, Daniel Boone traversant la Trouée du Cumberland.
58Boone est ce que l’on appelle à l’époque un « émigrant ». Quelqu’un qui sort du périmètre de l’Union. Qui est « exterminé » au sens primitif du terme. Qui s’exile ou est exilé outre les bornes du territoire national. Ainsi, à l’époque, un homme quittant un État de l’Union pour aller, plus à l’ouest, vers ce que l’on voit aujourd’hui comme « l’intérieur » du continent, est un « émigrant ». On peut émigrer de deux manières. Soit de sa propre initiative, attiré par l’espace du dehors. Soit, au contraire, contraint et forcé, poussé au dehors, expulsé. On est alors, selon le cas, soit un fugitif, soit un réfugié.
59Cooper fait porter tout l’accent sur ce second aspect. Son Bumppo est « exterminé », exilé par-delà les bornes du territoire, parce qu’on lui a détruit son biotope, on l’a dépossédé de son espace vital. Il cherche refuge dans l’Ouest au-delà du Mississippi. Ce qui établit implicitement un parallèle avec sa longue transhumance et la déportation des Indiens sur la Piste des larmes. Paradoxal pour un homme qui a été en son temps un auxiliaire de cette déportation, mais qui accentue son statut d’hybride.
À la fin de l’année 1831, je me trouvais sur la rive gauche du Mississippi, à un lieu nommé par les Européens Memphis. Pendant que j’étais en cet endroit, il y vint une troupe nombreuse de Choctaws ; ces sauvages quittaient leur pays et cherchaient à passer sur la rive droite du Mississippi, où ils se flattaient de trouver un asile que le gouvernement américain leur promettait. On était alors au cœur de l’hiver, et le froid sévissait cette année-là avec une violence inaccoutumée ; la neige avait durci la terre et le fleuve charriait d’énormes glaçons. Les Indiens menaient avec eux leurs familles ; ils traînaient à leur suite des blessés, des malades, des enfants qui venaient de naître et des vieillards qui allaient mourir. Ils n’avaient ni tentes ni chariots, mais seulement quelques provisions et des armes. Je les vis s’embarquer pour traverser le grand fleuve et ce spectacle solennel ne sortira jamais de ma mémoire. (Tocqueville)
En voie de disparition
60« En voie de disparition » : l’expression revient à plusieurs reprises au cours de la saga, avec chaque fois, au fil des épisodes, une incarnation différente. C’est d’abord d’Uncas, son fils, que Chingachgook dit qu’il est « le dernier des Mohicans » : le dernier en date, l’héritier d’une longue lignée. Mais Uncas meurt dans son jeune âge et sans descendance. Du coup, c’est le vieux Chingachgook lui-même qui devient ce « dernier des Mohicans », au sens, cette fois, d’ultime représentant d’une lignée qui s’éteint avec lui, dans la déliquescence d’une fin-de-race.
61La force de conviction de la saga de Cooper tient en grande partie à l’investissement personnel de son auteur dans cette notion de disparition, d’extinction. C’est ce qui en explique la survivance, quand d’autres œuvres, de la même époque et sur une thématique similaire, comme par exemple celles de William Gilmore Simms, ont aujourd’hui sombré dans l’oubli.
62James Cooper est un homme divisé contre lui-même. Il est assez le fils de son père William, qui a fait sortir de terre un établissement, pour en admirer et partager l’esprit d’entreprise, comme on le voit à l’époque où il souscrit à la grande réalisation de DeWitt Clinton, le canal de l’Érié. En même temps, il est sensible à la destruction (en particulier la déforestation) que toute entreprise de ce genre entraîne. Souci écologique qu’il attribue dans son roman au juge Temple et qui se traduit, par ailleurs, dans le double visage que présente chez lui la figure omniprésente du bûcheron, à la fois joyeux éclaireur, ouvrant avec allant et entrain la marche, et sinistre figure de l’abattage et du gaspillage.
63En avançant en âge, Cooper y ajoute une autre inflexion. De retour d’Europe, installé pour la première fois à demeure à Otsego Hall, il en vient peu à peu à se fantasmer comme maître d’un domaine seigneurial, menacé, non seulement par l’épuisement des ressources naturelles, mais encore par l’insurrection des manants. On le voit de plus en plus obnubilé par le thème de la propriété, assiégée, lui semble-t-il, par toute une engeance de rêveurs fouriéristes, militants anti-esclavagistes, émeutiers antiloyer, et radicaux de tout poil qui déferle sur le pays. D’aussi fraîche date et illusoire que soit sa condition de nobliau terrien, Cooper vit cela comme la fin d’un Ancien Régime, le crépuscule d’une caste aristocratique à laquelle il se voit comme appartenant. L’œuvre en prend une tonalité élégiaque rappelant ici et là Chateaubriand :
Aujourd’hui, le bas-breton, le basque, le gaëlique meurent de cabane en cabane, à mesure que meurent les chevriers et les laboureurs. Des peuplades de l’Orénoque n’existent plus ; il n’est resté de leur dialecte qu’une douzaine de mots prononcés dans la cime des arbres par des perroquets redevenus libres, comme la grive d’Agrippine gazouillait des mots grecs sur les balustrades des palais de Rome. Tel sera tôt ou tard le sort de nos jargons modernes, débris du grec et du latin. (Chateaubriand)
« E pluribus unum »
64Dans l’économie générale de la saga, Bumppo n’est pas le personnage central. Ce rôle est dévolu à quelqu’un comme le capitaine Middleton. Même s’il est là en mission privée (retrouver son épousée, enlevée le jour même de leurs noces), il est néanmoins revêtu de son uniforme de l’US Army, porte sur lui un document signé Jefferson ; et, lorsqu’il s’adresse aux Indiens (« Votre grand-père au-delà du fleuve… »), il parle en représentant du Président de la jeune nation américaine et en son nom.
65Middleton, dans l’esprit de Cooper, constitue un trait d’union entre les diverses composantes du pays. Il les récapitule et en réalise en sa personne la synthèse. Nordiste, il a épousé une fille du Sud, protestant, une catholique. Il n’est pas allé jusqu’à s’unir, tel un coureur de bois français, à une femme indienne mais s’allier à une créole hispanique est un pas en ce sens. Et surtout, si Uncas est mort sans descendance, Middleton a hérité de son nom : Uncas, « Cerf agile » en algonquin. Ce qui fait de lui un Peau-Rouge par adoption, un Peau-Rouge honoraire.
66Ainsi coopte-t-il le sauvage, ou du moins son image ou fantôme, pour l’incorporer à l’identité nationale en formation.
67Avec le recul, on se rend compte que cette union, telle que Cooper l’imagine ou la rêve, n’est qu’une Union en trompe-l’œil. Entre autres, la synthèse faillit à intégrer une des composantes de la nation, à savoir la noire. Là réside potentiellement la fracture. On le soupçonne depuis longtemps ; depuis 1820 et le Compromis du Missouri, où le vieux Jefferson croyait entendre sonner « le glas de l’Union ». Fracture virtuelle encore ; mais Cooper ne sera pas depuis trois ans dans sa tombe quand, en 1854, la ruée sur le « Kansas sanglant » marquera le vrai début de la Guerre civile. Cette fois, l’Union sera bel et bien morte et enterrée.
Exit
68À Middleton donc, le rôle central de pivot de la saga où Bas-de-Cuir, son héros éponyme, reste un marginal, y habitant une marge qui va sans cesse se rétrécissant. La stratégie du récit, presque son stratagème, est de donner Bas-de-Cuir comme l’Ouestien par excellence. L’œil du lecteur se fixe sur ce qui est une construction romanesque. Une fiction, qui fonctionne comme un leurre exonérant Bas-de-Cuir, et à travers lui la nation entière, de la brutalité des faits.
69Une fois cette fonction remplie, on peut désormais se passer de Bumppo. Il était sorti du cadastre des habitations ; il est maintenant sorti de cet autre cadastre qu’est la trame historique et sociale du roman. Il n’y aura exercé qu’un intérim avant d’être expulsé vers « un monde ailleurs ».
70Sans feu ni lieu, « l’habitant de la Prairie » n’habite nulle part. Il surgit soudain dans le paysage, d’on ne sait où, comme « tombé de la lune ». Sans domicile fixe. Rien qu’ici puis là, de temporaires bivouacs.
711740. À 22 ans et quelque, Nathanaël explore, en compagnie du bûcheron Harry March. Du couvert des arbres, ils émergent dans le plein midi d’une clairière. Brusque éclaircie dans l’obscurité de la forêt. Et là, toute première vision, vision inaugurale, du lac ; le lac Otsego dans l’éclat de son miroitement : Glimmerglass.
72Mythique scène primitive du roman américain, souventes fois reprise : l’ombilic du lac de Walden ; ou encore le regard émerveillé du marin hollandais sur l’île vierge et verte de Manhattan.
73Alors que sa saga s’achemine vers son achèvement, Nathanaël est remonté jusqu’à sa jeunesse et l’orée de sa carrière. En sa fin est son commencement, en son commencement, sa fin. Dans sa prolepse, son anamnèse.
George Caleb Bingham, Daniel Boone escorting settlers through the Cumberland Gap, 1851-1852, Washington University, Saint-Louis (États-Unis) © Bridgeman Images.

Auteur
Professeur émérite à l’université Paris-Sorbonne, a longtemps enseigné la littérature américaine à l’ENSUlm. Outre de nombreux articles, il est l’auteur de La Grand-Route, espace et écriture en Amérique (Le Seuil, 1979), L’Europe aux anciens parapets (Le Seuil, 1986), ainsi que d’une Histoire de la littérature américaine. Notre demi-siècle 1939-1989 (Fayard, 2003, [1992]). À l’Imprimerie nationale, il a publié les éditions annotées des Contes et Récits de Hawthorne (1996), de L’Éducation de Henry Adams (2007), et traduit et présenté Cap Cod de Thoreau (2000).
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