Note sur le Sainte Anne…
p. 71-97
Texte intégral
1L’effet qu’exerce le Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant est comme de fascination.
2Depuis son apparition, ce groupe de figures entrelacées a eu un impact considérable, fondé sur le sentiment double d’une sorte de perfection atteinte, de clarté conquise par Léonard en même temps qu’il impose la complexité et le mystère d’une image peu réductible à une lecture simple. Le succès de l’image est attesté par le nombre des copies qui en ont été faites ; mais, succès ne voulant pas dire compréhension, ces copies impliquent souvent et, parfois, manifestent une incompréhension de la logique interne que Léonard a voulu donner à son groupe1. De même, le tableau a été immédiatement commenté et glosé, mais aucune certitude ne s’établit quant au sens de l’action représentée et, en particulier, du lien qui y rattache sainte Anne2. Comme le suggère E. Gombrich, l’interprétation iconographique est embarrassée par l’intensité du mouvement que Léonard a introduit dans un sujet traditionnellement représenté sous la forme d’un groupe hiératique3. Effectivement, des premiers dessins et du premier carton au tableau final (en passant par le carton de 1501, perdu), le mouvement s’amplifie et si, à travers la continuité de l’invention, on identifie la mise à jour progressive d’une idée initiale, le point d’aboutissement de l’évolution n’a, immédiatement rapproché de son origine, que peu de rapport avec elle. Au point que l’originalité de la disposition du tableau du Louvre a suscité chez les commentateurs modernes les délires interprétatifs les plus divertissants...
3L’image est mystérieuse. Sans évoquer le « paysage » de l’arrière-plan et pour me concentrer sur le groupe des figures4, un certain nombre de « bizarreries » se laissent repérer facilement : où sont cachées les mains de sainte Anne ? Pourquoi celles de la Vierge sont-elles si peu distinctes ? Où est le pied gauche de Marie ? Le pied droit de Jésus ? Pourquoi ces occultations -elles-mêmes dissimulées par l’aisance de la mise en place -, répétées et, semble-t-il, systématiques ? Pourquoi le bras droit de la Vierge semble-t-il correspondre au bras droit de sainte Anne ? Pourquoi les deux épaules droites se confondent-elles ? Pourquoi la tête de Marie recouvre-t-elle exactement l’épaule gauche de sainte Anne ? Pourquoi la patte de l’agneau se substitue-t-elle au mollet droit de Jésus ? Pourquoi cette mise en valeur par la lumière des trois pieds principaux, dont l’un est inachevé, si bien que l’effet suscité est celui d’un pied droit à gauche et d’un pied gauche à droite ?...Et je ne veux pas parler ici de l’expression des figures, de leur âge, de l’action dans laquelle elles sont engagées... Mais, par exemple, pourquoi la Vierge est-elle brune, alors que Léonard la peint ordinairement et traditionnellement blonde ?
4Il est évidemment tentant d’expliquer cette complexité en y identifiant les manifestations d’une condensation d’ordre psychique et de rapporter, sans plus attendre, le mystère de l’image à celui de la personnalité de son créateur. Il est d’ailleurs même nécessaire de supposer un lien de projection entre la psyché de l’artiste et l’image qu’il élabore progressivement en plus de dix ans de travail et de méditations sur le thème. Il est peu vraisemblable que Léonard n’ait eu aucune activité psychique... ou que son activité créatrice ait été mystérieusement coupée de toute pulsion personnelle... La prétendue « objectivité » historique est, finalement, beaucoup plus troublante – quant à ce qu’elle implique chez l’historien lui-même -que les divagations (trop) fantaisistes de certains devant un tableau qui se propose effectivement comme un « signe-relais » aux implications complexes.
5L’entreprise d’interprétation est cependant, alors, particulièrement délicate. Et cette difficulté est due en partie à l’essai de Freud sur le « souvenir d’enfance ». Car, si j’espère avoir montré dans l’étude précédente que sa, méthode demeure opératoire et que l’interprétation freudienne du « souvenir » est manifestement très proche d’un thème développé ailleurs et sous d’autres formes par Léonard lui-même, la glose que Freud propose du tableau du Louvre est beaucoup plus gravement compromise par le travail de Meyer Schapiro. Il ne s’agit pas de chercher à « réhabiliter » les « deux mères » dans l’œuvre, ni le vautour deviné par Pfister : il y a effectivement fort peu de chances que ces éléments puissent opérer dans l’image, puisque leur présence éventuelle ne pouvait être induite qu’à la suite d’une série d’ignorances ou d’erreurs historiques. Et pourtant le texte de Freud demeure, lui aussi, fascinant, au point qu’il est difficile d’aborder la question de l’expression personnelle de Léonard dans le Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant, après la lecture du Souvenir...
6Il faudrait pour cela revenir à la figure et identifier le lieu précis où le travail de Léonard trouble le jeu « normal » de l’iconographie et de sa transmission par la configuration plastique.

FIG. 1 LÉONARD DE VINCI, Sainte Anne, la Vierge, l’Enfant et saint Jean Baptiste, 1499, Londres, National Gallery.

FIG. 2. – BRESCIANINO, Sainte Anne, la Vierge, l’Enfant et l’agneau (d’après Léonard de Vinci, 1501), Berlin, Staatliche Museum (détruit pendant la guerre).

FIG. 3. – LÉONARD DE VINCI, Saint Anne, la Vierge et l’Enfant (1510), Paris, Louvre.

FIG. 4. – B. LANINO, Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant, Milan, Brera.

7En un mot, qu’a fait Léonard pour aboutir à une figure aussi complexe que le groupe du Louvre ? Comment a-t-il opéré ? Et dans ce travail, qu’en est-il de lui ?
Figures et groupes : la Storia
8Dans le thème iconographique qui lui est proposé, Léonard passe d’un schéma plastique connu (horizontal, carton de Londres, 1499) à un autre (vertical, Louvre, 1510), également connu et plus traditionnel. Mais, dans l’un comme dans l’autre, il trouble la perception immédiate de la forme de base tout en la conservant. Il joue avec elle et, dans les deux cas, Jésus est l’instrument de ce jeu.
9Le carton de Londres se place dans la lignée des images où Marie et sainte Anne sont assises côte à côte, l’Enfant entre elles. Mais, dans son geste de bénédiction envers saint Jean-Baptiste -innovation iconographique à l’intérieur du thème considéré –, Jésus passe de l’une à l’autre, dissimulant le raccord entre les deux corps, qui n’en sont que plus unifiés et rapprochés.
10Après cette première idée et dès le carton (perdu) de 1501, Léonard opte pour l’autre schéma connu, la disposition verticale, tout en conservant la quatrième figure devenue agneau : sainte Anne a sur ses genoux Marie, qui porte Jésus qui « joue » avec l’agneau. Il choisit donc, après coup, la disposition qui est, traditionnellement, la plus hiérarchisée et la plus hiératique, celle qui autorise le moins, semble-t-il, un jeu entre les figures, mais celle qui assure la plus forte unité et le plus fort impact visuel de l’image. La tradition du thème met particulièrement en valeur sainte Anne et permet de visualiser efficacement la filiation Anne/Jésus, qui est à la base théologique même de 1’image.
11Cependant, tout en choisissant clairement le schéma vertical, Léonard décide ensuite de faire glisser Jésus sur la droite (dans le carton de 1501, le mouvement était amorcé sur la gauche) ; grâce à l’agneau, il installe une oblique dynamique, très différente du « déplacement statique » de Jésus opéré par Masolino/Masaccio en 1425-275. Par ailleurs, en disposant la Vierge de profil et en la représentant engagée dans une action par rapport à son fils, il fait pivoter de l’intérieur le groupe traditionnel, il anime l’ensemble et transforme la stona (composition à personnages, dans son sens théorique strict) en véritable « scène historique », scène où il se passe une histoire. Cette animation déséquilibre l’axialité antérieure, groupant par exemple toutes les actions sur la droite du groupe tandis que sa partie gauche en est totalement dépourvue, animée seulement du pli du manteau bleu et de l’étrange boursouflure de la robe rouge. Extraordinairement raffiné, ce travail consiste à « rattraper » visuellement la chute suggérée (et confirmée par l’ouverture plus large du gouffre liminal, en bas à droite) grâce à un ensemble de dispositions assurant, affichant même, l’unité de l’ensemble.
12L’effet global, irrévoquablement double, est celui d’un « déséquilibre sauvé » ou d’un « équilibre instable ». Le groupe suggère la présence d’une forme dominante, totalisatrice de la figure par rapport au fond ; mais cette forme globale demeure introuvable, irréductible à une approche qui réussirait à en comprendre les divers éléments à l’intérieur d’un schéma unitaire. Aucune géométrie ne réussit à intégrer avec précision la figure dans un système de proportions exactes. En effet :
- Schéma 1 : Si l’on admet qu’il existe un axe vertical nettement suggéré, souvenir du hiératisme sous-jacent, reliant la tête de sainte Anne à son pied en passant par l’épaule de la Vierge, son coude et son genou, il est impossible de ramener ces divers points-relais à une droite ;de plus, cet axe n’est pas au centre du groupe, attiré vers la droite par la gestuelle et la présence de l’agneau.
- Schéma 2 : La pyramide que l’on se plaît souvent à reconnaître dans les compositions de Léonard est évoquée, mais niée. Car si le « trépied » de base peut suggérer la présence d’une arête médiane, celle-ci est brisée par la saillie du genou de Marie. Il se dessine ainsi un volume prismatique, forme très solide de diamant biseauté ; il préserve l’unité de la figure ; mais incomplètement : la régularité géométrique du prisme exige qu’il dépasse sur la gauche le contour du groupe peint (et même la limite du panneau), tandis que, sur la droite, l’arrière-train et la queue de l’agneau (ainsi que les deux pieds droits des femmes et le pied gauche de Jésus) sont placés à l’extérieur du contour géométrique.
- Schéma 3 : Il faut ajouter que ce volume prismatique est parcouru par une série de courbes -inscrites, elles, sur la surface–, liées au mouvement des personnages et dont les formes ovoïdales superposées esquissent un mouvement giratoire débordant la rectilinéarité supposée de la forme sous-jacente.
- Schéma 4 : La cohérence de cet ensemble multiple est assurée, pourtant, par la nette dénivellation de la figure par rapport au fond et par divers recouvrements plastiques qui « soudent » les figures les unes aux autres tout en suggérant d’éventuelles continuités signifiantes : épaule de sainte Anne/Marie, mains de Marie/corps de Jésus, genou de Jésus/genou de l’agneau6.
13Cette complexité et son caractère irréductible à toute approche « géométrique » (même « secrète ») ne doivent pas surprendre. Les dessins préparatoires montrent en effet que Léonard travaille ses groupes par superpositions successives de silhouettes : le mouvement même de sa main vise à faire surgir, à dégager une unité globale dynamique. Aucune élaboration par éléments séparés et progressivement « montés » ensemble. Ce n’est qu’une fois l’idée germée que le détail s’élabore dans sa configuration précise, par élagage des éléments non retenus. Tendre à géométriser la figure contredirait le principe même du travail préparatoire de Léonard. Pour reprendre la formule de Klee, la « formation » y suscite la « forme »7.
14Mais il y a plus, et plus précis. La dynamique complexe qui parcourt le groupe du Louvre correspond à une recherche continue de Léonard, depuis l’Adoration des Rois Mages de 1481 jusqu’à la Bataille d’Anghiari, en passant par la Vierge aux Rochers, la Cène et, même, le thème de l’entrelacs végétal magnifiquement illustré à Milan. Comme l’a noté Meyer Schapiro, Léonard travaille régulièrement à la mise au point de groupes unifiés, composés de figures animées de mouvements complémentaires et contrastés8 : l’exemple le plus brillant, avant même la Bataille d’Anghiari, demeure le coup d’éclat de la Cène.
15Léonard y renonce à la disposition statique et juxtaposée que la tradition maintient jusqu’au Pérugin (fresque de l’ancien couvent de Sant’Onofrio à Florence, 1495 ; prédelle de la Pala Tezi, 1500). L’ensemble des douze apôtres est réparti en groupes de trois où chacun réagit diversement, en fonction de son âge et de son tempérament supposé. La disposition de l’ensemble assure à la fois le contraste des attitudes individuelles et l’unité cohérente du groupement général, autour du geste du Christ qui « ouvre le spectacle ». La raison de ce travail se laisse, ici, facilement déceler. L’originalité, élémentaire et considérable, consiste à avoir fait passer Judas de l’autre côté de la table : dans l’image traditionnelle, il est isolé, face aux onze autres apôtres ; Léonard est le premier à le placer parmi eux. Mais, ce faisant, il bouleverse les conditions de réception et d’élaboration du message pictural.
16Chez le Pérugin ou chez Ghirlandajo, le spectateur n’éprouve aucune difficulté à identifier le traître, clairement « fléché » par la disposition même – quand on ne lui attribue pas une auréole noire, un chat à ses pieds ou un diable sur l’épaule (Cosimo Rosselli, Sixtine). Cette clarté de « lecture » va à l’encontre du « vraisemblable » auquel Léonard, avec ses contemporains et plus qu’eux peut-être, est sensible. Car, si la position traditionnelle de Judas l’indique clairement dans la stoh comme ce qu’il a été dans l’histoire, elle le fait aussi pour les convives dès lors que l’on suppose une « vérité » dans la représentation de la « scène historique ». Du point de vue d’une vraisemblance de la reconstitution narrative, il est peu satisfaisant que Judas soit assis, seul, face aux autres et que ceux-ci n’identifient pas immédiatement le « suspect » évoqué par Jésus... La disposition traditionnelle s’intéresse moins à la représentation du « spectacle » de l’histoire qu’à la composition d’une storia (composition à personnages), où des repères commodes et clairs permettent une identification et une mémorisation efficaces de l’épisode. L’innovation de Léonard consiste à élaborer une composition où la storia devient représentation d’une « scène », d’une histoire plausible dans sa reconstitution. En cachant Judas parmi les apôtres, Léonard choisit de dissimuler sa traîtrise comme elle a « pu » l’être.
17Mais il opère du même coup un changement radical dans la fonction de l’image et le rapport de crédibilité que le spectateur est supposé entretenir avec elle. Cette disposition ne sera d’ailleurs pas universellement acceptée : il suffit ici de rappeler qu’entre 1511 et 1514, Franciabigio revient à la tradition tout en donnant aux apôtres une animation contrastée inspirée de Léonard (Franciabigio, Santa Maria dei Candeli et Convent0 della Calza). La gestuelle contrastée est, chez Léonard, corollaire de l’innovation propre à la position de Judas : elle doit particulariser les réactions « supposées » des participants pour les rendre vraisemblables et elle doit permettre, par la lecture de l’ «expression », l’identification des différents personnages et, en particulier, de Judas. L’innovation de Léonard est capitale : l’image de la storia devient un spectacle, celui de l’histoire que le peintre reconstitue, dans sa complexité et son éventuelle incertitude9.
18Qu’en est-il, ici, du Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant ? Si, dans la Cène l’innovation consiste à déplacer Judas et si son intégration au groupe des apôtres est corollaire d’une dramatisation de la gestuelle, quel est l’élément, dans le tableau du Louvre, qui suscite la mise au point d’une gestuelle complexe ? Et pourquoi, cette fois, la gestuelle est-elle mystérieuse ?
19L’innovation tient évidemment au mouvement de Jésus ; Léonard l’amorce en 1499, il le confirme en 1501 et il en tire toutes les conséquences en 1510 : désormais, c’est tout le groupe qui y réagit dans son ensemble10.

Fig. 5. -MASACCIO et MASOLINO, Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant, Florence, Offices.
20Le déplacement latéral de Jésus est décisif : c’est lui qui suscite le mouvement de Marie regardée par sainte Anne, et c’est aussi lui qui assure le succès immédiat de l’idée, dès 1501, comme l’atteste Vasari11.
21L’introduction de l’agneau en 1501 constitue une articulation décisive de 1’invention. Sans parler encore du fait qu’il attire Jésus sur le sol et qu’il bouleverse donc la disposition traditionnelle bien plus que le saint Jean- Baptiste de 1499, il constitue, cette fois, une véritable innovation iconographique et il est le lieu d’une très forte condensation, dans laquelle Meyer Schapiro n’hésite pas trop à suggérer la trace du sadisme et du narcissisme de Léonard :l’agneau condense la figure de saint Jean-Baptiste qu’il remplace et celle de Jésus lui-même, agneau promis au sacrifice12...
22Avant cependant d’interpréter « psychiquement » cette innovation iconographique, il peut être bon d’en préciser les conditions conscientes d’apparition et d’élaboration.
Échos : Léonard/Michel-Ange/Raphaël/Léonard
23Dans le carton de 1501 et par rapport au premier projet de Londres, Léonard a ramené Marie « à l’intérieur de » sainte Anne, en même temps qu’il installe l’agneau et Jésus au sol. L’intégration des deux figures féminines peut être « lue » comme un symbole de naissance13, tandis que le jeu de Jésus avec l’agneau assure l’aspect « naturel » et « intime » du groupe. Comme le note aussi Freedberg, Léonard a réussi à créer l’image d’un groupe constituant une « unité vivante compacte et entrelacée » dans la mesure où la figure de l’arrière-plan (sainte Anne) constitue le « dieu-réceptacle » d’une autre figure placée en avant et à l’intérieur de la première (Marie), tandis que le glissement de l’enfant rend « vivante » une disposition traditionnellement et manifestement « symbolique ». Il convient de noter, pour la suite, que ce groupe est composé de 3 + 1 personnages14.

Fig. 6. — MICHEL-ANGE, Sainte Famille (Tondo Doni), Florence, Offices.

Fig. 7. — RAPHAËL, Madone à l’agneau, Madrid, Prado.
24L’impact de l’invention se fait immédiatement sentir. Non seulement le public s’extasie mais, événement plus important pour cette étude, les deux plus grands « inventeurs » du moment en tirent leurs propres conséquences plastiques. L’analyse de leurs propositions sur le thème (neuf) du « groupe familial à 4 figures » révèle par comparaison certaines des données proprement léonardesques du travail opéré sur le Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant.
25Dans le Tondo Doni (1503-04), Michel-Ange invente un groupe de trois figures au contour ininterrompu et il suscite l’image d’une continuité plastique entre les bras gauches de Joseph et de Marie, tandis que le remplacement de sainte Anne par Joseph autorise une « action » différente15. Mais Michel-Ange sépare nettement saint Jean-Baptiste du groupe des trois personnages, comme il avait refusé de l’introduire dans le dessin d’Oxford représentant Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant. En rejetant toute « anecdote » extérieure à la thématique du groupe16, Michel-Ange proclame sa rigueur plus grande. Il confirme cette attitude dans la Vierge de Bruges : le thème est concentré cette fois sur le seul mouvement glissant de l’Enfant, qui « sort » des genoux de sa mère, tout en lui restant fortement attaché par l’entrelacement des doigts. Le rejet de la « facilité » autorisée par l’adjonction de saint Jean-Baptiste ou de l’agneau permet une démonstration supérieure de savoir-faire et de brio : tout en étant plus sobre et plus strict dans le nombre des figures, Michel-Ange pousse plus loin ou plus subtilement l’entrelacement des formes en même temps que leur dynamisation.
26L’écho des deux cartons de Léonard se retrouve sous différentes formes chez Raphaël. Sans parler de la mise en rapport de Jésus et de saint Jean-Baptiste qui apparaît pour la première fois en 1504 dans la Madone Diotallevi (Berlin) et se multiplie à partir de 1506 (Madone du Belvedere, Madone au chardonneret, Belle Jardinière, Madone Esterhazy), Raphaël s’intéresse à la pose transversale de Jésus sur les genoux de la Vierge dans la Madone Connestabile, dans la Madone Terranuova et dans la Madone d’Orléans avant de donner sa solution définitive au problème dans la Madone Bridgewater (1507) l’année même où, grâce à la présence de saint Joseph, la Madone Ciznigiani stabilise et équilibre la mise en rapport des deux femmes (Élizabeth/Marie) et des deux enfants (Jésus/Jean-Baptiste). En ce qui concerne cette étude, le plus révélateur tient cependant à la Madone à l’agneuu, peinte également en 1507 : les choix esthétiques de Raphaël s’y marquent très clairement. Face à la délicate question de la valorisation conjointe de l’entrelacement arbitraire des figures et d’une « simplicité naturelle » -double recherche impliquée par l’art de Léonard -, le « jeune génie » choisit d’affaiblir la complexité de l’entrelacs pour faire jouer un rôle plus grand à d’anecdote de l’agneau ». L’image est moins riche, plus schématique plastiquement ; mais elle est doublement significative. Elle confirme la force avec laquelle la recherche de l’artifice inspire l’invention figurée des années 1500-1510 : on ne voit qu’un seul pied pour chacun des trois personnages et l’arbitraire de l’occultation éclate dans un Saint Joseph unijambiste dont l’équilibre semble exiger qu’il s’appuie sur un long bâton pour corriger l’amputation de sa jambe droite...De plus dans cette image, Jésus joue effectivement avec un agneau qui n’est nullement torturé et sa mère semble bien lui en accorder l’entière permission... Conformément à ce qui est très vite reconnu comme le « génie » du peintre, la scène est « heureuse »...
27Dans toute son originalité voulue, la solution qu’apporte finalement Léonard au problème qu’il a lui-même contribué à poser entre 1499 et 1501 apparaît comme une réponse à ces échos. Il maintient le problème dans son intégralité (la valorisation conjointe de l’entrelacement et de l’agneau) et il ne renonce, pour aboutir à une solution, à aucune des données initiales de la problématique. En même temps que la fusion d’Anne et de Marie se renforce (épaules, jambes), Jésus et l’agneau se lient d’un rapport plus étroit et plus violent, tandis que, corollairement, la tension grandit entre la mère et le fils ; le tableau du Louvre montre qu’il était possible de préserver l’unité des données plastiques (un groupe familial de 3 + 1, entrelacé et vivant) à laquelle Michel-Ange et Raphaël avaient renoncé, chacun selon sa manière propre. Léonard, lui, trouve la solution où « l’art cache l’art » et où la simplicité (artificielle) du (mouvement) naturel est atteinte tout en résolvant une difficulté supérieure par son arbitraire même.
28Résultat final d’une méditation qui dépasse la décennie, le groupe du Louvre porte donc plus particulièrement la marque de Léonard dans le rapport qu’il tient à instaurer entre Jésus et l’agneau. L’idée est confirmée par le fait que c’est précisément là que Léonard introduit une innovation formelle et iconographique qui « trouble » l’iconographie : Jésus ne se contente pas de « glisser » sur le groupe comme il le faisait encore en 1499, il est au sol et, dans le thème de l’humanissima trinitas, la nouveauté est radicale. C’est là que se noue la complexité considérable dans la lecture traditionnelle de l’image. Léonard abolit l’aspect trop manifestement dogmatique de la superposition traditionnelle ; il rend l’image « comme vraisemblable » en défaisant son hiératisme de 1’intérieur même : Jésus au sol installe une action qui distend le groupe au point de faire sortir l’arrière-train de l’agneau du contour dominant le groupe. Mais, conjointement, Léonard maintient l’unité originelle du groupe et ce parti apparaît en toute clarté là où il semble être contredit le plus nettement : dans la position de Jésus au sol. A y bien regarder en effet, la solitude de Jésus au sol est soigneusement estompée : le pied droit, qui seul y repose, n’est pas visible ; il est « caché » par le pied droit de Mane qui est, lui, en l’air, en fausse symétrie avec le pied droit de sainte Anne qui repose, lui, sur le sol. Quant au sol même, il est étrangement construit, s’ouvrant sous les pieds des personnages, sur un gouffre à la limite de l’inquiétant et du tableau17. De plus, si Jésus « joue » effectivement sur le sol, il est clairement retenu par la Vierge, alors qu’elle le laissait aller dans le carton de 1501.
29Ce dernier détail, le geste de la Vierge, assure la solidité unitaire du groupe d’autant plus efficacement que le bras de Marie qui retient Jésus se confond, par recouvrement, avec celui de sainte Anne : de la mère à la fille et à l’Enfant, un fil se continue...
30On est sans doute ici, dans ce rapport décisif et retenu de Jésus au sol, au cœur de ce qui anime la recherche de Léonard et son invention troublante... Mais toute interprétation anecdotique du « jeu de l’agneau » serait insatisfaisante ; Léonard de Vinci n’est pas un « peintre de genre » et, s’il introduit une action dans l’image, elle ne peut jamais s’interpréter au registre de l’événementiel anecdotique. Ainsi, il n’est pas satisfaisant de dire que Marie veut empêcher Jésus de jouer ou de « torturer » l’agneau, préfiguration de sa propre mort. Ce n’est pas suffisant et deux questions demeurent : pourquoi Marie retient-elle Jésus ? Et d’où a-t-il glissé ?
La peinture « parente de Dieu »
31La tradition iconographique du thème et le carton de Londres amèneraient à penser qu’il a glissé des genoux de sa mère. Mais la pose du Louvre n’est plus celle de Londres ; elle n’est pas, non plus, celle du carton de 1501, et la forte saillie du genou gauche rend difficilement vraisemblable une telle acrobatie.
32Il faut oublier ici les images antérieures pour mieux percevoir que, dans le panneau du Louvre, Jésus sort d’entre les jambes de sa mère. Écho éventuel du travail de Michel-Ange sur la Vierge de Bruges, cette représentation dynamique d’une naissance redouble la représentation de filiation symbolisée par la superposition de Marie et d’Anne ; elle était impliquée par le carton de 1501 et le thème de la naissance est ici manifesté en toute clarté par ce qui relie la Vierge à l’Enfant, son bras droit qui, tout à la fois, signe la direction du mouvement de Jésus et en marque la retenue.
33Ce bras droit de Marie est sans doute l’invention la plus forte, la plus lentement mise au point et la plus neuve de l’image. C’est ce membre qui soude les trois figures puisque, partant de l’épaule de sainte Anne, il « appartient » à Marie pour se fondre au ventre de Jésus. Léonard lui donne par ailleurs un large développement transversal et descendant qui rythme l’ensemble, en même temps que la forme ovoïdale qu’il suscite rassemble les trois personnages de l’humnissim trinitas.
34Car, il faut y insister, l’image n’est pas à percevoir anecdotiquement ; la question de savoir d’où « vient » Jésus, d’où il a « glissé » n’est là que pour faire surgir plus clairement la problématique de la naissance que Léonard figure dans une instance, double et immobilisatrice, d’appartenance et de séparation. Le mouvement descendant du bras qui retient Jésus signe aussi l’idée d’une descendance, bien plus qu’il n’indique un mouvement anecdotique dont on pourrait reconstituer les étapes précédentes.
De quelle naissance s’agit-il dès lors ?
Il est impossible de démontrer que l’image figure un fantasme de naissance propre à Léonard.
35Il ne peut s’agir d’une allusion à la mise au monde effective de Jésus. Cette impossibilité est confirmée a contrario par la « glose événementielle » que Lorenzo Lotto propose de cette disposition ; dans son panneau de Sienne -peint vers 1521 -, Lotto cite manifestement la Vierge de Léonard : tête, genou et bras résonnent très clairement. Et le rapport de cette gestuelle virginale avec la naissance de Jésus est explicité par le détail (exceptionnel) du cordon ombilical clairement noué sur le ventre du nouveau-né18. L’œuvre de Lotto fonctionne ici comme un décryptage de la condensation qui caractérise la pose du Louvre ; mais le Vénitien transforme aussi l’image. Explicitement représenté, le cordon ombilical « dénoue » la fonction du bras droit de Marie chez Léonard : il le remplace. Lotto rend ainsi ponctuelle une gestuelle hautement allusive, mieux « symbolique » : la naissance figurée par Léonard n’est pas celle, événementielle, d’un nouveau-né particulier, appelé ensuite Jésus...
36Il ne peut s’agir non plus, comme on a voulu le voir, d’une représentation universelle de la naissance « en elle-même » ; le thème intéresse en effet Léonard mais, en tant que peintre, il est extrêmement attentif à la précision de l’« invention » picturale, c’est-à-dire à la précision avec laquelle tel ou tel sujet iconographique articule spécifiquement un thème universel19. S’il s’agit donc d’une naissance symbolique, celle-ci doit en même temps s’articuler sur un thème spécifique...

Fig. 8. -L. LOTTO, Nativité (détail), Sienne, Pinacothèque.
37C’est précisément ce principe de l’art léonardesque qui permet de déterminer, avec quelque vraisemblance, l’originalité propre de la « naissance » figurée dans ce tableau.
38Telle que la peint Léonard, cette naissance fait descendre Jésus-Dieu sur la terre où il joue sa propre mort à travers la figure de son double métaphorique, l’agneau-Christ. En un mot, ce qui est figuré ici, c’est la naissance de l’histoire chrétienne elle-même, qui a besoin, pour apparaître, de la venue du Christ sur terre (sur la terre, au sol), naissance dont l’issue tragique est inscrite, originellement, dans la nécessité même de sa venue : ce qui cause ou justifie la naissance du Dieu Fils de Dieu, sa venue sur terre, c’est sa mort. Sans cette mort, l’enfant –Jésus -ne serait pas le Christ – l’Agneau. L’histoire chrétienne, dans son paradoxe mystérieux, s’instaure de ce que cette naissance (miraculeuse) inclut cette mort (rédemptrice et prélude d’une autre naissance). Dans la fixité intemporelle de l’Éternité divine, elles sont « contemporaines », immédiates l’une à l’autre ; le génie de Léonard tient, ici, à les peindre indissociables, dans la simultanéité de la peinture, tout en animant historiquement le groupe humain qui en est le lieu et, par la multiplicité enchevêtrée des liens plastiques que les figures instaurent, il suggère la complexité que doivent connaître les voies divines quand elles se manifestent dans les chemins apparemment incertains de l’histoire humaine20.
39Or, pour revenir à l’origine de cette analyse, on est moins loin qu’il ne semble d’une interprétation qui décèlerait une projection psychique de Léonard en son tableau.
40Il y est peut-être présent, comme le suggère Meyer Schapiro, dans le narcissisme et le sadisme conjoint qui relient Jésus à l’agneau. Mais, plus sûrement me semble-t-il, la psyché de Léonard se marque dans le processus même qui a donné naissance à l’œuvre, dans la complexité persévérante et contrôlée de sa conception et, finalement, dans l’écho supérieur que Léonard propose par rapport à des œuvres, celles de Michel-Ange et de Raphaël, qui étaient déjà des réponses à sa propre création. Il ne faut pas négliger sans doute cette dimension consciente du travail de Léonard pour estimer ce qu’il en est de lui-même dans son œuvre. Les pages qui précèdent visaient aussi à montrer comment l’émulation artistique a été un facteur déterminant dans l’approfondissement de l’invention. Ce qui se manifeste de la personnalité de Léonard ici, c’est l’ambition d’être un créateur supérieur, celui qui, mieux que ses contemporains ou rivaux, concilie les contradictoires grâce au pouvoir « miraculeux » de son génie.
41Ses écrits le posent, en toute clarté :
« Toute particularité de la peinture répond à une particularité du peintre lui-rnême »21.
42Toute image renvoie donc à son créateur. Mais, dans ce passage, Léonard tient à se distinguer des mauvais peintres, de ceux qui se répètent parce que la projection de leur personnalité se fait involontairement ; chez lui, l’investissement de l’image est contrôlé, médité, et cette méditation permet au peintre d’atteindre à la divinité du créateur. Car, il le dit aussi, la peinture est « parente de Dieu » dans sa capacité à créer des univers22 et, chez le peintre « mental »,
« le caractère divin de la peinture fait que l’esprit du peintre se transforme en une image de l’esprit de Dieu »23
43Le thème est connu, traditionnel, en passe de devenir un topos de la Renaissance24 ; mais, précisément, Léonard le reprend à son compte, il est l’un de ceux, peut-être le plus important, qui actualisent, incarnent l’idéal, dans ce moment essentiel que constituent les dix premières années du xvie siècle. Et c’est très volontairement que, dans sa vie comme dans ses œuvres, Léonard vise à afficher la différence de sa capacité divine... De même que la Création reflète le Créateur, Léonard est présent dans ses œuvres en tant qu’elles y renvoient sans cesse comme à leur auteur unique et inégalable : l’inventeur, en particulier, d’une peinture où la storia devient le spectacle de l’Histoire dans sa présence concrète, au déchiffrement anecdotique éventuellement incertain.
44Pour revenir au Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant, ce qui se marque de la psyché de Léonard dans cette image, c’est, par analogie au rapport Dieu Père/Dieu Fils, le rapport de l’esprit du peintre à la peinture, de Léonard à son œuvre. Dans ce tableau d’une naissance -où le mouvement de Jésus est aussi celui de l’Histoire -, Léonard est présent en tant qu’il est le créateur, mieux le « gestateur » (celui qui est en état de gestation) d’une « peinture d’histoire » peignant, ici, la naissance de l’histoire chrétienne et, en général, la naissance de l’Histoire ; bref, le père d’une peinture parente d’une conscience historique elle-même en gestation, celle de la Renaissance...
45C’est là, dans cette paternité désirée, et objectivée dans tout un œuvre longuement travaillé, souvent inachevé, que pourrait éventuellement s’articuler une problématique de l’inconscient...

Fig. 9. -L. LOTTO, Nativité (détail), Sienne, Pinacothèque.
Notes de bas de page
1 Telle celle de Lanino (Milan, Brera) où le gonflement du manteau de la Vierge sur sa hanche droite est « expliqué » par la mise en évidence de la main droite de sainte Anne, absente du tableau du Louvre (Fig. 4).
2 E. Gombrich a relevé la divergence ancienne qui sépare l’interprétation de Fra Pietro da Novellara et Girolamo Casio à l’intérieur d’une interprétation symbolique proche, cf. Symbolic Images, Londres, 1975, p. 16.
3 Id., ibid.
4 K. Clark a su rester relativement prudent dans l’interprétation «cosmique» des éléments naturels qui ont inspiré à d’autres de charmantes élucubrations (K. Clark, Léonard de Vinci, Paris, 1967, p. 279 ; repris dans La Sant’Anna, dans Leonardo da Vinci, ouvrage collectif, Florence, 1977, p. 174). Dans la dialectique interne de l’image, le paysage semble servir à la fois d’arrière-plan contrasté par rapport aux figures le chaos originel par rapport auquel surgit la « grâce », cf. mes remarques dans Les dessins de Léonard de Vinci, L’universel imchevé, Paris, 1978 –, et de support plastique et iconographique – valeur « virginale » de la roche basaltique, brillamment explicitée par F. Hartt à propos de la Vierge à la grotte de Mantegna, Art Bulletin, 1940.
5 Le panneau des Offices déplace en effet Jésus vers la gauche, amorçant un mouvement de décentrement. Mais la main de sainte Anne contribue à bloquer toute action, de même que la frontalité traditionnelle des deux figures féminines et le fait que Jésus est tourné vers l’intérieur du groupe.
6 De 1501 à 1510, la fusion des trois figures est nettement renforcée. En 1501, Léonard n’indique pas de continuité et chaque corps se laisse lire dans sa position : on voit les deux mains de sainte Anne, la position de la Vierge sur ses genoux est beaucoup moins acrobatique et la façon dont Jésus enjambe l’agneau est clairement décrite; sur tous ces éléments, Léonard exerce, en 1510, une occultation relative qui a semblé assez bizarre pour que certaines copies en « glosent » des détails (cf. note 1). Au cours d’une analyse de l’image réalisée dans le cadre de l’université de Paris I, Mlle A. Avril a proposé d’identifier une continuité morphologique entre le buste de Marie et les jambes de sainte Anne; la figure ainsi constituée a le double avantage d’évoquer un mouvement de torsion que l’on retrouve effectivement souvent dans les « poses » du xvie siècle italien et de suggérer que la Vierge « déposerait » l’Enfant au sol, continuant le mouvement de séparation déjà amorcé de 1499 à 1501 et dont on va voir l’importance qu’il a dans la thématique du tablem (schéma 5).
7 P. Klee, Théorie de l’art moderne, Paris, 1977, p. 60 ; cf. aussi, p. 38 : « L’œuvre d’art naît du mouvement, elle est elle même mouvement fixé, et se perçoit dans le mouvement (muscles des yeux) ». Léonard : « Dispose donc, peintre, les membres de tes figures en gros, et veille d’abord à ce que les mouvements soient appropriés à l’état d’esprit des êtres qui occupent ta composition, et ensuite seulement à la beauté et à la qualité de leur détail », Traité de la peinture, ed. Chastel/ Klein, Paris, 1960, p. 205.
8 M. Schapiro, Leonardo and Freud, op. cit., p. 171.
9 L’attention de Léonard à « reconstituer » la « vraisemblance » d’un épisode dans sa représentation figurée est bien connue et elle est attestée par de nombreux textes ; un des plus nets porte sur la critique des disproportions entre figure et architecture peinte, cf. Traité, ed. cit., p. 84.
10 Un dessin du Louvre montre une phase transitoire de l’invention où Jésus « glisse » tandis que sainte Anne a la main sur la hanche.
11 « ... nella stanza durarono due giorni d’andare a vederla gli uomini e le donne, i giovani ed i vecchi, come si va alle feste solenni ; per veder le maraviglie di Lionardo, Che fecero stupire tutto quel popolo ... », Vasari, Vite ..., ed. Milanesi, Florence, 1906, IV, p. 38.
12 Schapiro, op. cit., p. 170.
13 Cf. Freedberg, Painting of the High Renaissance in Rome and Florence, New York, 1972, p. 40, confirmé par les (nombreuses) images du xve siècle où Marie est la surface-réceptacle du corps de Jésus.
14 Disposition enregistrée par le titre traditionnel du tableau qui exclut du nombre des figures l’agneau : Sainte Anne, la Vierge et L’Enfant ...
15 Cette action est, d’ailleurs, difficilement déterminable : Joseph donne-t-il l’Enfant ou le reçoit-il ? Il faut la plus grande attention pour choisir, avec prudence, la première hypothèse...
16 Sur ce rejet de l’anecdote par Michel-Ange, cf. F. Hartt, Michel-Ange, toute la sculpture, Paris, 1971, p. 50.
17 La tradition des « rebords » lombards ne suffit pas à expliquer l’élargissement de l’ouverture dans la partie inférieure droite, sous Jésus et l’agneau.
18 Sur ce détail exceptionnel, cf. ma contribution L. Lotto dans ses bizarreries – le peintre et l’iconographie, dans L. Lotto, Atti del convegno internazionale di studi, Vicence, 1981.
19 C’est sans doute là que réside l’erreur initiale de l’interprétation que propose R. Stites du tableau du Louvre dans The Sublimatio of Leonardo da Vinci, Washington, 1970, p. 302 sq.
20 Cette formulation ne fait que théoriser ce qui a été finalement senti très tôt (Pietro da Novellara ou Girolamo Casio) et lu anecdotiquement par ceux qui voient dans la gestuelle de Marie une tentative pour retenir Jésus, alors que sainte Anne - consciente du destin divin du Christ - se contenterait d’assister à la « scène »... Trois vers du poème de Casio font particulièrement écho avec l’analyse proposée ici : « Ecco agnus dei, disse Giovanni1 ch’entro, e usci nel ventre di Marial Sol per drizar con la sua Santa via/E nostripiediagliCelestiscanni… » cité par C. Pedretti, Leonardo da Vinci e il poeta bolognese Gerolamo Pandolfi da Casio de’Medici, Bologne, 1951, p. l15
21 Léonard de Vinci, Traité ..., ed. cit., p. 195.
22 Id., p. 51.
23 Id., ibid.
24 Sur ce thème, cf. en particulier A.M. Lecoq, « Fimit ». Le peintre comme « fietor » au xvie siècle, dans Bibliothèque d’Humanisme et de Renaissance, XXXVII, 1975, p. 225 sq.
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