Vingt-quatrième leçon

24 floréal1 /13 mai

p. 460-465


Texte intégral

1Nous sommes enfin parvenus, citoyens, à la partie la plus importante de notre travail. Les matériaux qui doivent entrer dans la construction de la période ont été rassemblés, examinés dans tous leurs rapports avec toutes les formes dont ils sont susceptibles. Il ne s’agit plus que de les placer, de les lier, de les employer, pour en former les différents tableaux de la pensée. Les mots sont nos couleurs, il faut les assortir et les fondre ensemble2 et pour cela, considérer leur valeur relative et la place qu’ils doivent occuper : deux objets bien distincts, dont l’un regarde la syntaxe, et l’autre regarde la construction.

2L’une donne la connaissance des signes établis dans une langue pour présenter, indépendamment de toute construction, le tableau d’une opération combinée de l’esprit.

3L’autre assigne à chaque mot, d’après la convention établie par l’usage, la place qu’il doit occuper parmi les parties matérielles de la proposition, d’après la valeur déterminée par la syntaxe.

4C’est la syntaxe qui commande à chaque mot sa forme propre. C’est la construction qui, en vertu de cette forme, arrange et place chaque mot au rang qui lui convient, d’après les usages reçus. La totalité de ces mots arrangés pour cette fin forment ce qu’on appelle une proposition, qu’on peut définir l’expression totale d’un jugement. La syntaxe, pour remplir son objet, doit nous donner des instructions sur la proposition. Elle en examine, pour cela, la matière et la forme3.

De la matière de la proposition

5La matière de la proposition est tous les éléments dont elle se compose. Ces éléments sont, ou logiques, ou grammaticaux.

6Les éléments logiques de la proposition sont les expressions de toutes les idées que l’esprit aperçoit dans la décomposition, ou analyse, qu’il fait de la pensée.

7« Le Soleil éclaire la Terre. » Cette proposition ne forme qu’une pensée ; cependant notre esprit y distingue l’idée du Soleil et l’idée d’éclairer ; idée qu’il divise en deux parties logiques qu’on appelle le sujet et l’attribut.Le sujet est la partie de la proposition qui exprime l’être dont l’esprit aperçoit l’existence sous une modification. Ainsi dans cette disposition : « Le Soleil éclaire la Terre » ; le Soleil est le sujet, parce que le Soleil est l’être que mon esprit aperçoit, sous la modification d’éclairant.

8L’attribut est la partie de la proposition qui exprime l’existence intellectuelle du sujet, sous une modification ; ainsi dans la proposition : « le Soleil éclaire la Terre », éclaire est l’attribut parce qu’il exprime l’existence que le Soleil a dans mon esprit, sous la modification d’éclairant.

9Les parties grammaticales de la proposition sont les mots qui constituent la totalité des parties logiques. Exemple : « Le souvenir du bien qu’il a fait est la récompense du juste. »

10La partie logique de cette proposition appelée le sujet est ce seul mot : le souvenir. Il est vrai qu’il amène à sa suite comme dépendants de lui ces autres mots : du bien qu’il a fait. La partie logique de la même proposition appelée l’attribut est ce mot-ci : la récompense qui commence le sujet est suivi d’autres mots [sic]. Chacun de ces mots est un élément grammatical : en voici l’analyse grammaticale, avec chaque dénomination.

11Le : article indicatif, indéfini toutes les fois qu’il n’est pas déterminé, ou par le pronom relatif, ou par un nom attaché à celui dont le est article.

12Souvenir : nom substantif abstrait, du genre masculin, et au nombre singulier.

13Du : pour de le, préposition d’union, et article indicatif.

14Bien : nom substantif abstrait, du genre masculin, et au nombre singulier.

15Que : pronom relatif, objet d’action, ou régime du verbe suivant.

16Il : pronom personnel-substantif de la troisième personne, sujet de la phrase incidente, du nombre singulier.

17A fait : verbe concret-actif, à la troisième personne du nombre singulier, au temps passé absolu.

18Est : verbe substantif abstrait, à la troisième personne, du nombre singulier, au temps présent absolu, appartenant à la phrase principale dont il sert à lier les éléments.

19La : article défini plus haut, du genre féminin.

20Récompense : nom substantif abstrait. Du, de, le : expliqué plus haut.

21Juste : ordinairement adjectif, mais ici nom qualificatif, pour ces deux mots : homme juste.

22Telle est l’analyse grammaticale d’une proposition. On en dissèque toutes les parties ; on les nomme à mesure ; on les considère comme formant une phrase. Dans l’analyse logique au contraire, on considère moins les mots que les idées ; on nomme aussi ce qui les représente, et on considère ces éléments comme formant une proposition. Nous avions donc raison, quand nous disions dans une de nos leçons précédentes qu’il y avait deux sortes d’analyse à faire dans une phrase ; l’une grammaticale, quand on considère matériellement la phrase comme composée de mots ; l’autre logique, quand on en considère les parties intégrantes, comme le sujet, l’attribut et la liaison.

23Les différentes matières dont les parties grammaticales constituent ou forment les parties logiques font naître les différentes propositions suivantes4.

  • les propositions simples,
  • les propositions composées,
  • les propositions incomplexes,
  • les propositions complexes,
  • les propositions principales,
  • les propositions incidentes.

De la proposition simple

24La proposition simple est celle dont le sujet et l’attribut sont simples.

25Le sujet est simple quand il présente à l’esprit un être déterminé par une idée unique.

26Exemples

27« La vertu est austère. »

28« Le vice est séduisant. »

29L’attribut est simple quand il n’exprime qu’une seule manière d’être d’un sujet, soit qu’il le fasse en un seul mot comme dans les exemples précédents ; soit qu’il le fasse en plusieurs mots, comme dans l’exemple suivant : « Un outrage est une étincelle jetée dans le cœur de l’offensé. » Les attributs de toutes ces propositions sont simples, parce que chacun d’eux n’exprime qu’une seule manière d’être du sujet.

De la proposition composée

30La proposition composée est celle dont le sujet ou l’attribut, ou même tous les deux sont composés. Le sujet est composé quand il présente plusieurs sujets déterminés par des idées différentes, ainsi dans l’exemple suivant : « Le vice et la vertu sont opposés. » Le sujet total est composé parce qu’il renferme deux sujets déterminés, chacun par l’idée de sa nature propre. L’attribut est composé quand il exprime plusieurs manières d’être d’un sujet. Ainsi quand on dit : « Les jours du juste sont tranquilles et sereins. » L’attribut total est composé, parce qu’il comprend deux manières d’être des jours de l’homme juste : tranquilles et sereins.

De la proposition incomplexe

31La proposition incomplexe est celle dont le sujet et l’attribut sont tout à la fois incomplexes.

32Le sujet est incomplexe quand il n’est exprimé que par un seul nom, ou par un seul pronom, ou par un infinitif ; ce sont les seules espèces de mots qui puissent présenter un sujet déterminé.

33Exemples

34« Les animaux sont mortels, ils mourront tous un jour. »

35« Haïr est un grand mal. »

36L’attribut est incomplexe quand la manière d’être d’un sujet est exprimée en un seul mot. Cette manière d’être est quelquefois liée au verbe qui énonce l’existence, comme dans cet exemple : « Dieu me voit. »

37Quelquefois elle est séparée et forme un mot à part.

38Exemple

39« Je suis attentif. »

40L’attribut dans le premier exemple est la qualité active voyant unie et confondue avec le verbe être de la manière suivante :

41« Dieu me voyant est. »

42« Dieu me voy est. »

43« Dieu me voi est. »

44« Dieu me voi et. »

45« Dieu me voi t. »

46« Dieu me voit. »

47Ce mot, voit, énonce à la fois l’existence du sujet et sa relation à l’attribut.

48Dans le second exemple, chaque mot est distinct et séparé. Le sujet est le pronom je ; l’attribut est l’adjectif attentif, et le verbe substantif qui lie l’un à l’autre est : suis. Le sujet et l’attribut ne sont formés que d’un seul mot, chacun d’eux est donc incomplexe, et nous savons que toute proposition formée d’éléments incomplexes ne peut être qu’incomplexe.

De la proposition complexe

49La proposition complexe est celle dont le sujet ou l’attribut, ou même tous les deux sont complexes.

50Le sujet est complexe quand le nom, ou le pronom, ou l’infinitif est accompagné de quelque addition qui sert à l’expliquer ou à le déterminer.

51Exemple

52« Les plaisirs de l’esprit sont seuls dignes de l’homme. »

53Les plaisirs : ce sujet est modifié par l’addition de l’esprit, qui en rend l’étendue moins générale.

54L’attribut est complexe, quand le mot principal destiné à énoncer la relation du sujet à la manière d’être qu’on lui attribue est accompagné d’autres mots qui en modifient la signification. Ainsi quand on dit : « Les innocents persécutés sont moins à plaindre que les persécuteurs. » Ce mot : « les innocents » qui est le sujet se trouve d’abord modifié par cet attribut. Il l’est encore par cet autre : moins ; aussi cet attribut est-il complexe.

De la proposition principale

55La proposition principale est une proposition complexe comparée avec une autre proposition qu’elle renferme, comme partie complétive de son sujet ou de son attribut. Alors, on appelle proposition principale celle qui énonce la chose principale qu’on a dessein de dire.

56Exemple

57« L’enfant qui est bien élevé aime et respecte ses parents, et ceux qui l’instruisent. »

58La chose qu’on veut dire est celle-ci : l’enfant aime ses parents, et ceux qui l’instruisent. Cette proposition : « qui est bien élevé », est jointe au sujet « l’enfant », comme développement explicatif, pour en compléter le sens.

De la proposition incidente

59La proposition incidente est ainsi appelée du verbe latin incidere, qui signifie tomber sur ou dans, parce que en effet cette proposition tombe sur le sujet ou sur l’attribut d’une proposition, ou sur un autre mot dont elle est un supplément explicatif ou déterminatif. Ce qui a fait nommer la proposition incidente, proposition explicative ou déterminative.

60La proposition incidente est explicative, lorsqu’elle sert à expliquer ou à développer la nature ou les propriétés de l’être représenté, par le mot auquel elle est liée.

61Exemple

62« L’astre qui éclaire la Terre pendant le jour la réchauffe et la rend féconde. »

63Qui éclaire la Terre est une proposition incidente explicative, jointe au sujet exprimé par le mot astre, pour en expliquer la nature.

64La proposition incidente est déterminative, lorsqu’elle donne une étendue moins générale au mot auquel elle est liée.

65Exemple

66« Le courage qui naît de l’amour de la patrie fait les héros. »

67« Qui naît de l’amour de la patrie » détermine l’espèce de courage dont on parle dans cette proposition. Ce n’est donc plus le courage en général, mais le courage particulier qui naît de l’amour de la patrie.

De la forme de la proposition

68On entend par le mot forme la figure extérieure d’un corps quelconque. Or cette figure extérieure de la proposition consiste dans l’arrangement respectif des parties qui la composent, et dans les inflexions particulières de ces parties.

69Par rapport à l’ordre des mots qui constituent une proposition, la syntaxe est de deux espèces.

70Ou la syntaxe suit la nature dans l’arrangement des mots, ou elle ne la suit pas. Elle suit la nature quand elle énonce précisément les mots nécessaires pour compléter l’énonciation, et qu’elle les place dans l’ordre et dans l’état dans lequel l’esprit conçoit les choses ; et alors la syntaxe est naturelle.

71Ou la syntaxe ne suit pas la nature, et cela arrive quand les mots qu’elle arrange, ou sont en moindre nombre que les idées, ou ne sont pas placés selon l’ordre que les idées ont dans l’esprit. Alors la syntaxe est figurée5.

72Exemple pour la syntaxe naturelle

73« La vertu fait la bonheur de l’homme. »

74Tous les mots nécessaires pour l’énonciation complète d’une proposition se trouvent dans cette phrase. Il n’y en a pas un de superflu, pas un d’utile qui manque. Ils y sont arrangés suivant l’ordre dans lequel l’esprit conçoit chaque partie.

75La vertu y est considérée comme une cause, comme un agent. On l’a placée la première, parce qu’avant de produire un effet, il faut exister.

76La cause nommée et présentée doit être suivie de l’effet, lequel comprend l’action : « La vertu fait ». Mais cette action demande à se porter sur un objet ; il y a un terme objet de cette action ; et ce terme est le bonheur. « La vertu fait le bonheur ».

77Mais on demanderait encore : de qui la vertu fait-elle le bonheur ? C’est donc un complément de plus à exprimer. On ajoute de l’homme : « La vertu fait le bonheur de l’homme. » Alors la proposition est complète. On y trouve un agent ou sujet exprimé par un nom, une action exprimée par un verbe, un objet d’action ou terme objectif exprimé par un autre nom, un dernier complément qui détermine le terme objectif exprimé par une préposition et un nom, lequel nom est lui-même complément de la préposition.

78Tous les mots qui composent cette proposition y sont donc justement nécessaires, et les mots finissent là où finit le sens. Il n’y a donc pas un mot de plus que ne l’exigeait le sens.

79La syntaxe est figurée, ou quand les mots dans la proposition sont en moindre nombre que les idées, ou quand ils sont surabondants, ou quand ils sont arrangés dans un ordre opposé à l’ordre naturel ; ce qui produit autant de figures, auxquelles les grammairiens ont donné des noms tirés de la langue grecque, lesquels signifient précisément ce qui arrive dans une proposition, quand on s’écarte de l’ordre naturel.

801o Il arrive que les mots sont en moindre nombre que les idées, toutes les fois que l’empressement où nous sommes d’énoncer l’idée qui nous affecte ne nous permet pas de songer aux mots qui ne sont pas essentiels à son énonciation. Nous retranchons tous ces mots, et cette figure s’appelle ellipse, qui signifie en grec retranchement, comme dans ces phrases : « Au feu ! », « Au voleur ! », « Victoire ! », « Gloire à l’Eternel ! », etc.

Observations pour les instituteurs

81Les formes elliptiques, malgré le vide qu’elles laissent, ne sont pas moins intelligibles. Il n’est pas nécessaire de remplir ces vides quand on parle. Mais il est indispensable de les assigner quand on étudie une langue étrangère, parce qu’il est impossible d’en concevoir le sens entier et d’en saisir l’énergie, si l’on n’en approfondit la raison grammaticale.

82L’art de remplir le vide que laissent les ellipses se réduit à deux points capitaux. Le premier est de ne suppléer que d’après les anciens, quand ils fournissent des phrases complètes qui ont le même sens, ou un sens analogue à celui dont il s’agit. Mais il y a tellement d’ellipses autorisées dans toutes les circonstances qu’il n’est pas possible d’en justifier les suppléments par des exemples. Il faut se contenter alors de ceux qui sont indiqués par la logique grammaticale, en se rapprochant le plus qu’il est possible des usages de la langue dont il est question, et c’est ici le second point, qui est très essentiel.

Pour les élèves

83Il arrive aussi qu’au lieu de supprimer des mots, on en ajoute qui paraissent surabondants ; et c’est une figure contraire à l’ellipse, on la nomme pléonasme. Ce mot vient aussi du grec : il signifie surabondance.

84On emploie cette figure quand on ajoute des mots dont le sens grammatical n’a aucun besoin, mais qui ajoutent à la proposition des idées surabondantes, qui y répandent plus de clarté et plus de force ; comme quand on dit : « Je l’ai vu de mes yeux. » Ces mots, de mes yeux, sont effectivement superflus, parce qu’on ne peut voir que de ses yeux. Mais ce superflu grammatical ajoute une idée accessoire qui augmente l’énergie du sens, et qui fait entendre qu’on ne parle pas sur le rapport d’un autre, ou qu’on n’a pas vu la chose sans attention, mais avec réflexion.

85Il arrive que les mots sont arrangés dans un ordre opposé à l’ordre naturel. C’est alors une figure de changement ou d’inversion, ce qui est la même chose ; car tout le monde sait qu’inversion vient du mot invertere, qui signifie changer.

86Peut-être ne serait-il pas bien difficile de prouver que cet ordre qui s’écarte de l’ordre grammatical se rapproche d’autant de celui de la nature, en plaçant les mots dans l’ordre même des idées ; d’où leur vient cette force, que ne leur donnerait pas l’ordre grammatical, qui est rarement celui des divers mouvements de l’âme.

87Exemple

88« Ils meurent donc comme le reste des mortels, ces héros comblés de gloire, ces foudres de guerre, qui ont fait trembler les peuples au bruit de leurs exploits ; ces arbitres des destinées humaines, qui donnaient la paix aux nations, ou la leur refusaient à leur gré. » Qu’on essaie de rétablir l’ordre naturel dans cette période, et on verra disparaître aussitôt cette chaleur de style, qui est due à la figure qu’on nomme inversion. Le grammairien froid et monotone s’exprimerait ainsi : « Ces héros comblés de gloire, ces foudres de guerre, ces arbitres des destinées humaines meurent donc comme le reste des mortels. » Cette manière ferait sans doute comprendre ce qu’on veut dire ; mais l’inversion le fait sentir. L’ordre naturel ou grammatical nous présente un cadavre sans couleur et sans vie. L’ordre figuré anime tout, échauffe tout. Il nous montre, frappé du glaive de la mort, celui dont il se propose de nous détailler les grandeurs passagères, pour nous donner d’avance la juste mesure de ses grandeurs passagères.

89C’est ainsi que l’inversion, en s’écartant de l’ordre des mots, donne tant d’avantage et de supériorité à celui des idées.

90C’est surtout dans les langues transpositives, où les noms ont des cas, qu’on peut employer au gré de tous les mouvements divers des passions humaines cette figure dont l’emploi est si difficile, et par conséquent l’usage si rare dans les langues analogues. Rien ne sert à multiplier davantage les formes sous lesquelles l’esprit peut présenter les tableaux de ses conceptions.

91Nous avons vu que la forme d’une proposition consiste dans l’arrangement des parties qui la composent. Il ne nous resterait à voir que cette forme, qui consiste encore dans les inflexions de ces parties, si nous n’avions traité cette matière à la leçon précédente.

92Mais aujourd’hui que nous connaissons l’objet essentiel de la syntaxe, qui est la proposition ; que nous en avons analysé la matière et observé la forme, il nous sera bien plus facile d’étudier et de comprendre les règles de la syntaxe, qui commande à chaque mot sa forme propre, comme nous l’avons déjà dit. Ces règles de syntaxe générale seront l’objet de la leçon prochaine.

Notes de bas de page

1 Cf. supra, note 125. Cette séance précède dans l’ordre des matières celle datée du 17 floréal.

2 Cf. supra, note 128.

3 Ici de nouveau, le plan qui est indiqué et qui sera suivi dans la seconde partie des Éléments de Sicard n’est pas original. Il s’inscrit directement dans le cadre proposé à l’article « Grammaire » de l’Encyclopédie, et tel qu’il est développé dans les articles « Construction », rédigé par Du Marsais, et « Proposition », de Beauzée, qui y renvoie.
Sicard avait déjà donné l’exemple de la double analyse, logique et grammaticale, dont la pratique obéit à cette distinction de la matière et de la forme de la proposition, sans arriver à convaincre Duhamel de cette distinction lors du débat du 9 ventôse. Mais il savait pouvoir tabler sur une pratique usuelle de l’analyse grammaticale, qui n’avait pas toujours été associée à l’analyse logique : « Je demande seulement à l’assemblée (et je parle heureusement à des instituteurs qui ont tous ou presque tous enseigné), si, dans ce qu’on appelait autrefois les basses classes, on ne faisait pas ce qu’on appelle l’analyse grammaticale, sans jamais employer l’analyse logique. »

4 Cf. séances du 24 pluviôse et du 4 ventôse et supra, notes 49 et 55. Il était naturel que la théorie des chiffres pour les conjonctifs ait anticipé sur cette question. On remarque que l’abbé donne la classification de l’article « Grammaire », mais que les exemples soulignent bien l’intention sémantique, voire pragmatique de l’abbé, qui considère sans hésiter « qui éclaire la terre », dans « l’astre qui éclaire la terre », comme une incidente explicative. On comprend qu’il les ait définies dans les séances précédentes comme nécessaires, quand les subordonnées ne sont qu’utiles.

5 La question se trouve ici réduite à l’ellipse et à l’inversion, ou hyperbate, comme à Port-Royal et chez Duclos. Elle présentait pourtant au xviiie siècle un grand intérêt pour les grammairiens philosophes. Condillac l’étudia de près, et elle suscita des débats passionnés et occupa évidemment une partie importante de l’article « Construction », dû à l’auteur du Traité des tropes. Enfin, elle se trouva mise en jeu dans la discussion de la théorie de Domergue, qui lit à l’Institut un Mémoire sur la proposition grammaticale - qui entraîna une polémique avec Roederer et qui est publié dans le même tome des travaux de la classe en l’an V que le mémoire de Sicard sur l’Hermès de Harris et les Remarques de Dewailly Sur plusieurs articles de la Nouvelle Encyclopédie concernant l’ellipse et les suppléments qu’on emploie pour expliquer les phrases elliptiques... L’abbé Sicard préféra s’en tenir à l’idée d’un invariant syntaxique sous les constructions sans se prononcer sur l’ordre ni la longueur « naturelles » (cf. supra, note 129).


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