1 Allusion à Lavoisier, mort sur la guillotine le 8 mai 1794. Malgré le discret hommage que lui rend ici Berthollet, il faut souligner que ni lui ni aucun des chimistes qui furent les disciples de Lavoisier dans la controverse déclenchée par la théorie de l’oxygène n’a fait un geste pour le sauver du sort réservé aux fermiers généraux de l’Ancien Régime (voir É. Grimaux, Lavoisier 1743-1794, d’après sa correspondance, ses manuscrits, Félix Alcan, Paris, 1896 ; rééd. Jacques Gabay, Paris, 1992).
2 Haüy consacre à l’air atmosphérique la neuvième leçon enseignée le 11 germinal an III (31 mars 1795) soit quelques semaines avant celle de Berthollet délivrée le 2 floréal (21 avril).
3 Voir note 35, quatrième leçon.
4 Cet instrument a été nommé eudiometro (du grec eudios = bonté de l’air) par Marsilio Landriani (voir « Lettre de M. le Chevalier Landriani à l’auteur de ce recueil », Observations sur ta physique, 6, 1775, p. 315-16. L’objectif était de remplacer les tests plus qualitatifs établis d’après l’odeur ou d’après le temps de survie d’une souris placée sous une cloche pour évaluer la salubrité de l’air. Cet instrument s’inscrit dans le cadre du programme de médecine pneumatique développé par Priestley, Fontana, Landriani et Ingenhousz. Voir S. Schaffer, « Measuring virtue : eudiometry, enlightenment and pneumatic medicine » in A. Cunningham, R. French (éd.), The Medical Enlightenment of the Eighteenth Century, Cambridge, Cambridge University Press, 1990, p. 281-318 ; M. Beretta. « Pneumatic vs aerial medicine : salubrity and respirability of air at the end of the eighteenth century » in F. Bevilaqua, L. Fregonese (éd.), Nuova Voltiana. Studies on Volta and his Times, Milan, Hoepli, 2000, t. 2, p. 49-71.
5 Des critiques similaires de l’usage de l’eudiomètre pour mesurer la salubrité de l’air ont été faites pour la première fois par Alessandro Volta dans l’article « Eudiometro », addition à la traduction italienne du Dictionnaire de chimie de Macquer en 1783 (cf. Le Opere di Alessandro Volta, Milan, Edizione Nazionale, Hoepli, 1929, t. 7, p. 63-76). Suite aux critiques de ce genre, l’eudiomètre servira essentiellement à déterminer la composition de l’air sans préjuger de sa salubrité.
6 Priestley a mis au point le test à l’air nitreux (oxyde nitrique, NO) décrit par Berthollet pour évaluer la salubrité de l’air d’après la diminution de volume du mélange d’air avec l’air nitreux au-dessus d’une cuve d’eau ou de mercure (voir Experiments and Observations on Different Kinds of Air, op. cit., section 26 de la première partie et 27 de la seconde partie). Le principe de base est donc la théorie du phlogistique d’après laquelle le phlogistique vicie l’air atmosphérique et la salubrité de l’air dépend de la quantité d’air déphlogistiqué (oxygène).
7 L’eudiomètre de Fontana est formé d’un tube cylindrique gradué auquel est ajouté un entonnoir de cuivre muni d’un disque et d’une fourchette de cuivre qui facilite le déplacement du cylindre et d’un dispositif pour fixer l’appareil au bord d’une cuve pneumatique, (voir la figure XXI dans l’Encyclopédie méthodique, « seconde classe des instruments »). Cet eudiomètre « à air nitreux », construit par Clindworth à Göttingen et par Mégnié à Paris, est considéré comme supérieur à tous les autres par Ingenhousz qui en recommande fortement l’achat (cf. J. Ingenhousz. « Observations sur la construction et l’usage de l’eudiomètre de M. Fontana et sur quelques propriétés particulières de l’air nitreux », Observations sur la physique, 26/1. 1785, p. 339-359).
8 H. Cavendish, « An account of a new eudiometer », Philosophical Transactions, 73, 1783, p. 134.
9 En 1777, Alessandro Volta améliore l’appareil mis au point par Landriani en introduisant une étincelle électrique pour combiner et enflammer les gaz et remplaçant l’air nitreux par l’air inflammable ou hydrogène (voir la figure XXII dans l’Encyclopédie méthodique, seconde classe des instruments). Ce faisant, Volta synthétisait de l’eau avant Cavendish et Lavoisier mais il n’a vu dans son expérience que ce qu’il cherchait à voir, la phlogistication de l’air (cf. Le Opere di Allessandro Volta, op. cit., t. 7, p. 63-76 ; F. Abbri. Le Terre, l’acqua, le arie : la rivoluzione chimica del Settecento. Bologne, Il Mulino, 1984, p. 282).
10 Frantz Karl Achard, naturaliste et physicien allemand, publie fréquemment dans les Observations sur la physique. Henri-Paul-Irénée Reboul (1763-1839), naturaliste, futur membre correspondant de l’Académie royale des sciences de Paris. Armand Seguin deviendra lui aussi membre correspondant de l’Académie royale des sciences de Paris ; il publie un « Mémoire sur l’eudiométrie ». Annales de chimie, 9, 1791. p. 293-303 et décrit l’eudiomètre au phosphore en 1803 (voir « Combustion du phosphore, employé comme méthode eudiométrique », mémoire publié par madame Lavoisier, in A. L. de Lavoisier, Mémoires de chimie, Paris. 1803. t. 2. p. 143-153). Seguin et Lavoisier utilisèrent ce nouvel eudiomètre pour déterminer le volume d’air vital dans les fluides respirables lors de leurs expériences sur la respiration humaine (voir la septième leçon).
11 Voir A. F. de Fourcroy, article « Eudiomètre », in Encyclopédie méthodique..., op. cit., t. 4, p. 277-278 : « [L’eudiomètre] dont Scheele s’est servi pour faire l’analyse de l’air atmosphérique était un simple cylindre de verre, dont les bords de l’ouverture, faisant un angle droit avec l’axe du tuyau, lui servaient de pied, et qui était divisé, à l’aide du compas, en cent parties égales lorsque son diamètre était le même dans toute la longueur, ou que l’on divisait en un même nombre de degrés, avec une mesure remplie d’air, quand il n’était pas parfaitement cylindrique. »
12 Scheele et Lavoisier ont déterminé la composition de l’air simultanément et par des voies différentes : Scheele utilisant la dissolution de sulfure de potasse et Lavoisier la combustion du phosphore. Ils ont cependant obtenu des résultats voisins. Par la suite, Berthollet lui même a obtenu 21 % d’oxygène et 78 % d’azote (voir article « Eudiomètre ». ibid., p. 279-283).
13 Jean-André Deluc (1727-1818), physicien et géologue genevois, ami de Jean-Jacques Rousseau. Il a fait de longues recherches sur la dilatation des fluides sous l’effet de la chaleur dans le cadre de ses efforts de mise au point d’instruments tels que le pyromètre, le thermomètre et l’aéromètre. Voir notamment « Recherches sur les modifications de l’atmosphère » et « Sur la pyrométrie et l’aérométrie et sur les mesures physiques en général », Observations sur la physique, 18, 1781, p. 363-383 et p. 480-499.
14 Voir L. B. Guyton de Morveau, article « Air », in Encyclopédie méthodique... op. cit.. t. 1, p. 665-771. L’ensemble des expériences sur la dilatation de l’air est décrit p. 677-687. Claude-Antoine Prieur de la Côte d’Or (1763-1832) est un officier du génie qui a mené des expériencs avec Guyton de Morveau à Dijon avant de devenir un homme politique sous la Révolution.
15 Petrus van Musschenbroek (1692-1761), physicien néerlandais, inventeur de la bouteille de Leyde.
16 Charles Le Roy (1726-1779), professeur de médecine à Montpellier, membre de la Société royale de Montpellier et membre correspondant de l’Académie de Paris, a publié en 1751 un « Mémoire sur l’élévation et la suspension de l’eau dans l’air », Histoire et mémoires de l’Académie royale des Sciences, 1751, p. 481-518. Par la suite, il a rédigé l’article « Évaporation » dans l’Encyclopédie, 1756, t. 6, p. 123-130. Il a suggéré de mesurer l’humidité d’après le point de rosée : la température à laquelle l’eau se condense sur une surface.
17 Les Essais sur l’hygrométrie (Neuchâtel. 1787) de H.-B. de Saussure constituent la référence principale de Berthollet dans la suite de cette leçon. L’un des problèmes de la fabrication des hygromètres au xviiie siècle est de choisir une substance hygroscopique. c’est-à-dire qui réagisse visiblement à des variations du taux d’humidité ambiante. L’hygromètre de Saussure utilise le cheveu humain dont la sensibilité à l’humidité est très manifeste. En 1788, Saussure défend son instrument contre les attaques du physicien Deluc, lui aussi concepteur d’un hygromètre qui utilisait l’os de baleine, dans « Défense de l’hygromètre à cheveu », Observations sur la physique, 32. 1788. p. 24-45 et p. 98-107. Grâce à la sensibilité du cheveu et aux nombreuses expériences que Saussure a réalisées pour éliminer les sources d’erreur, son hygromètre atteint une précision insurpassée à l’époque. De plus, il soutient des considérations théoriques que Berthollet reprend à son compte. Saussure s’est opposé à la théorie dominante de l’évaporation comme dissolution de l’eau par l’air. Il considère la vapeur d’eau comme un « fluide élastique », un gaz comme un autre, c’est-à-dire une combinaison de l’eau avec le calorique. Or Berthollet « saute » sur cette idée pour suggérer, en incise, sans la développer, une réinterprétation des solutions salines comme une double opération : combinaison du sel avec le calorique du liquide, suivie d’une dissolution. Mais il limite par la suite l’analogie en soulignant que la dissolution de l’eau par l’air se distingue des solutions salines par le fait qu’elle dépend non seulement de la température mais aussi de la compression de l’air.
18 Cette théorie des états de la matière présuppose implicitement une vision newtonienne de la matière ; les corpuscules qui forment les corps matériels sont soumis à deux forces : une force d’attraction ou de pensateur proportionnelle à leur masse et une force de répulsion que Berthollet nomme « la tendance à l’élasticité ».
19 Jean Darcet (1725-1801). chimiste, membre de l’Académie royale des sciences de 1784 à 1793, a co-signé le rapport très tiède de l’Académie sur la réforme de la nomenclature en 1787. Il a mené des recherches sur la géologie des Pyrénées : voir Discours en forme de dissertation sur l’état actuel des montagnes des Pyrénées et sur les causes de leur dégradation, Paris. 1776.
20 G. Monge, « Mémoire sur la cause des principaux phénomènes de la météorologie », Annales de chimie, 5, 1790, p. 1-71.
21 Antoine Libes (1752-1832), professeur à Toulouse, auditeur des cours d’Haüy et de Berthollet, intervient activement dans la troisième séance de débat avec Haüy. Il publiera en 1800 un ouvrage intitulé Théorie de l’élasticité et l’année suivante un Traité élémentaire de physique en trois volumes.
22 Ce « feu brison » ou sauvage, plus connu sous le nom de grisou, semble être le gaz tant redouté des mineurs qui se dégage spontanément dans les mines de houille. Il est composé de méthane, de dioxyde de carbone, d’azote et d’oxygène.
23 Il est mentionné dans le sixième débat et la quinzième leçon d’Haüy.
24 James Watt (1736-1819). ingénieur mécanicien écossais plus connu pour sa machine à vapeur à double effet, a relaté ses expériences dans deux lettres à Deluc : « Thoughts on the constituent parts of water and of dephlogisticated air ; with an account of some experiments on that subject. In a letter from Mr James Watt, Engineer, to Mr. De Luc, F.R.S », Philosophical Transactions, 74, 1784, p. 329-353 et p. 354-357.
25 Sur Priestley. Ingenhousz, Senebier voir supra, notes 55, 56. 57.
26 La supposition paraît absurde lorsque la nature élémentaire de l’azote, de l’hydrogène et de l’oxygène (air vital) est établie. Mais dans les années 1770. les nouveaux gaz isolés étaient interprétés dans le cadre de la théorie du phlogistique comme des composés d’air et de phlogistique en proportion variable. L’air vital était de l’air dépouillé de phlogistique, l’azote de l’air saturé de phlogistique. Dans les années 1780. Richard Kirwan et Priestley ont adopté l’idée que l’hydrogène (alors nommé air inflammable) était du phlogistique à l’état de combinaison et que l’air fixé (dioxyde de carbone) était formé d’air déphlogistiqué (oxygène), d’air inflammable (hydrogène) et de phlogistique.