Chapitre 1. De la subjectivation à l’action. Le cas des jeunes alter-activistes
p. 27-47
Texte intégral
1Si certains en doutaient encore, les premières années de la décennie 2010 ont démontré que les jeunes ne sont pas que des « citoyens de demain en formation », rôles auxquels les renvoient trop souvent les institutions, mais, à leur manière, des acteurs majeurs de nos sociétés et des démocraties. Ils ont joué un rôle de premier plan dans les révolutions arabes1, ont initié le mouvement des indignés au Portugal puis en Espagne. Ils ont occupé les places publiques en Europe et dans les Amériques pour dénoncer une « démocratie sans choix » et la collusion entre les élites politiques, médiatiques et économiques. Les mobilisations étudiantes de 2011 au Chili, en Colombie et au Québec ont profondément questionné ces sociétés. Au Mexique, des mouvements de jeunes ont opposé la créativité, l’art et la poésie à la violence des narcotrafiquants et des militaires et à la corruption de la classe politique. Les assassinats réguliers d’étudiants engagés (notamment ceux de l’École normale rurale d’Ayotzinapa en 2014) et de jeunes journalistes montrent qu’ils constituent l’une des seules oppositions à la collusion entre des décideurs politiques et les narcotrafiquants. En Russie, la « prière punk » des Pussy Riots pour dénoncer la collusion entre l’Église orthodoxe et le régime de Vladimir Poutine et leur courage lors du procès ont mis en lumière la dérive autoritaire de ce pouvoir politique et en ont durablement terni l’image en Occident. Les jeunes se sont soulevés au parc Gezi à Istanbul et dans toute la Turquie, à Hong Kong, à Sofia2, dans toutes les villes du Brésil et dans de nombreux pays d’Afrique occidentale. Au Sénégal, leur mouvement « Y’en a marre » a revivifié le débat démocratique et a contribué à mettre un terme aux réélections successives d’Abdoulaye Wade. Les jeunes activistes ont aussi investi l’espace virtuel. Ils sont devenus des hackers pour défendre la liberté d’expression et dénoncer les abus des pouvoirs économiques. Leur participation politique ne se réduit pas à ses aspects les plus visibles et les plus médiatisés. Loin des projecteurs des médias, c’est sur les campus, dans les quartiers ou dans la vie quotidienne que la plupart d’entre eux s’engagent et deviennent acteurs de leur vie et de leur monde. Ils sont nombreux à s’investir dans les multiples initiatives de ce vaste « mouvement pour une transition écologique », marquant de leur empreinte le renouveau des mouvements écologistes et conviviaux (justice climatique, réseaux alimentaires alternatifs, « vélorution », simplicité volontaire, consommation critique, luttes contre les grands projets…)3.
2Le « grand écart analytique » entre la subjectivation et le global, à partir duquel Michel Wieviorka4 nous invite à penser les mouvements sociaux contemporains, est particulièrement pertinent pour comprendre ces jeunes alter-activistes. Ceux-ci combinent une grande sensibilité aux défis globaux avec une forte dimension personnelle et subjective de l’engagement et une volonté de l’ancrer au niveau local. Ils développent un activisme profondément personnel dans lequel la relation à soi est centrale, notamment dans l’exigence d’une forte cohérence entre leurs valeurs et leurs pratiques, que ce soit au niveau de la démocratie directe mise en œuvre dans le mouvement, des pratiques quotidiennes de consommation ou de la qualité des relations sociales.
3J’aimerais ici prolonger mes analyses des ressorts et des caractéristiques de la culture militante « alter-activiste »5 à partir de la définition de la subjectivation proposée par Michel Wieviorka : un processus de construction de soi d’un individu, « comme être singulier, capable de formuler ses choix et donc de résister aux logiques dominantes, qu’elles soient économiques, communautaires, technologiques ou autres. Le sujet, c’est d’abord la possibilité de se constituer soi-même comme principe de sens, de se poser en être libre et de produire sa propre trajectoire »6.Trois propositions analytiques peuvent être formulées sur cette basse.
- Plutôt que le sujet idéalisé, pensé comme un « état » ou une caractéristique intrinsèque des acteurs sociaux, Michel Wieviorka (2012) propose d’analyser les acteurs contemporains à partir des processus de subjectivation, entendus comme un travail constant de l’individu sur lui-même7.
- La définition proposée met en exergue l’existence de deux faces de la subjectivation : une dimension de résistance aux impositions extérieures au sujet et une autre de construction de soi comme principe de sens.
- La distinction entre le « sujet » et l’« acteur » me paraît fondamentale pour comprendre la nature, les enjeux et les défis des mouvements contemporains. Michel Wieviorka considère que « le sujet est capable d’être acteur, [qu']il est susceptible de le devenir, mais pas nécessairement »8. Pour comprendre l’engagement et les mouvements sociaux d’aujourd’hui, nous devons à la fois accorder toute son importance au processus de « subjectivation », et souligner que ce processus ne va pas forcément dans le sens d’un renforcement de l’agency9, de la capacité d’agir et de devenir acteur dans la société.
4Ce chapitre illustrera la manière dont ce processus de subjectivation est expérimenté, vécu et mis en œuvre par ces jeunes militants. La première partie illustrera les deux dimensions de la subjectivation telles qu’elles sont vécues par de jeunes alter-activistes. La seconde est dédiée à deux modalités d’engagement leur permettant d’établir une concordance entre la subjectivation et l’action vers un changement social : l’engagement préfiguratif et les espaces d’expérience. Changer le monde se joue alors dans la transformation de soi et dans les actes concrets du quotidien. Mais les processus de subjectivation et d’action ne convergent pas nécessairement aussi harmonieusement. La troisième partie montrera que leur conciliation représente un défi majeur de bien des mouvements contemporains.
5Je m’appuierai sur des entretiens réalisés avec des jeunes activistes dans différents mouvements de démocratisation et écologistes depuis 2010 et sur une intervention sociologique en six séances de quatre heures mise en œuvre en 2013 et 2014 avec des jeunes alter-activistes écologistes à Louvain-la-Neuve (Belgique). Cette méthode s’est révélée particulièrement appropriée pour analyser les processus de subjectivation des acteurs.
6L’« alter-activisme » ne se réfère pas à un mouvement particulier mais à une « culture militante » définie comme une logique d’action basée sur un ensemble cohérent d’orientations normatives et sur une conception du monde et du changement social10. La culture alter-activiste n’est pas spécifique aux jeunes, pas plus que tous les jeunes progressistes ne s’inscrivent dans cette forme particulière de l’engagement. D’autres s’engagent selon des logiques différentes, notamment dans des ONG, des partis politiques ou des composantes assez classiques de l’extrême gauche. La plupart mélangent différentes formes d’engagement11.
Les deux faces de la subjectivation
Résister
7La construction de soi des alter-activistes passe par une dimension de résistance. Ces jeunes entendent se construire par eux-mêmes et contre le « formatage par une société de consommation, de compétition et de comparaison »12. Ils aspirent à devenir des sujets plus « authentiques » 13, davantage maîtres de leur subjectivité : « Il s’agit de se désaliéner. Une fois qu’on devient plus conscient de ses besoins, on devient tout simplement plus heureux » (David, entretien, Bruxelles, 2012).
8La créativité et l’affirmation de soi ne sont pas seulement des moyens mis en œuvre dans un engagement pour une cause. Ils constituent le cœur même de la résistance face à l’envahissement du monde vécu par la mondialisation néolibérale. L'affirmation de cette subjectivité s’oppose au « processus qui transforme chaque singularité en une catégorie abstraite au nom de la marche en avant vers le progrès – un processus de scission d’avec soi-même en quelque sorte. »14. Comme le rappelle Alain Touraine15, il s’agit d’une « résistance de l’être singulier contre la production de masse, la consommation de masse et la communication de masse via les mass media. Nous ne pouvons nous opposer à cette invasion par des principes universels mais avec la résistance de notre expérience singulière ». Au culte des marques globales et à l’anonymat des relations de (super)marché, les jeunes alter-activistes opposent l’authenticité et la convivialité de relations sociales. Ils se disent « objecteurs de croissance et de vitesse » et remettent en cause le monopole des économistes dans la détermination du bien-être sur la base de la croissance économique et du PIB. Ces résistances se transcrivent dans les gestes de tous les jours16, au point que certains ne considèrent pas leur engagement et les transformations du quotidien qu’il implique comme de l’activisme : « Pour moi, ce n’est pas du militantisme. C’est juste un changement dans notre manière de vivre » (une étudiante suédoise, entretien, 2012). C’est le sens du néologisme « activien » (contraction d’« activiste dans le quotidien ») auquel se réfèrent plusieurs de ces jeunes écologistes.
9Dans les campements des indignés, d’Occupy, au parc Gezi (voir les chapitres de Buket Türkmen, de Deniz Günce Demirhisar et d’Esin Ileri) ou parmi les jeunes écologistes, cette volonté d’autonomie s’affirme également face aux instances classiques de socialisation politique et aux organisations militantes. Les alter-activistes affirment leur volonté d’être maître de leur trajectoire de vie, mais aussi de militant. Ils ne veulent surtout pas « s’encarter ». La relation aux organisations de la société civile est souvent distante, voire marquée par une réelle méfiance, y compris vis-à-vis des ONG comme Greenpeace17 ou des associations comme Attac qui incarnaient, il y a peu encore, de « nouvelles » modalités d’engagement. Comme les campements « No Border » organisés à Strasbourg en 2001 et 2002, de nombreux camps altermondialistes (par exemple celui contre le G 8 d’Évian en 2003) et indignés (notamment ceux de Bruxelles et de Paris en 2011) ont été déclarés « No Logo », « c'est-à-dire pas de course à l'accrochage de banderoles, de distributions de tracts, d'affiches d'organisation »18. Ainsi, dans le parc de Gezi, les affiches, drapeaux et autres symboles d’organisations étaient strictement interdits, tout comme dans la plupart des manifestations de juin 2013 au Brésil19.
10Soucieux de ne pas s’identifier à une organisation, ces jeunes activistes ne refusent pas systématiquement de collaborer avec certaines associations, mais ils le font de manière sporadique et en tant qu’« électrons libres », c’est-à-dire comme « des individus gardant leurs distances mais se réservant le droit d’interagir avec les groupes et les organisations qui leur paraissent temporairement mieux correspondre à leurs idées et au type d’action qu’ils entendent mener ». Plutôt que dans des organisations formelles, les alter-activistes se mobilisent autour de projets reliés entre eux par des réseaux informels et des affinités personnelles.
Comme principe de sens
11Cette autonomie est affirmée avec plus de force encore quand il s’agit du sens et de la portée de l’engagement. Ceux-ci ne sont déterminés ni par un manifeste, ni par un programme à mettre en œuvre, ni par une organisation militante. Ce n’est plus dans une vision constituée d’un « autre monde » ou même de l’impact que son action aura dans la société que se trouvent les moteurs et les motivations de l’engagement, mais dans la relation à soi20, dans la cohérence avec soi-même, entre ses pratiques et ses valeurs. Ce fut particulièrement clair lors de l’intervention sociologique menée à Louvain-la-Neuve :
« Il faut se questionner intérieurement pour savoir vers où on va. […] Il faut être cohérent avec soi-même ».
« J’ai d’abord fait ça, en me disant : “je ne veux plus participer à ça, je n’ai pas envie de me dire qu’il y a des personnes qui souffrent de mes choix de consommation donc je ne le fais plus” ».
« Mes démarches écologiques, durables, etc. sont avant tout des démarches que je fais pour moi-même parce que j’aime vivre comme ça et que, si ça a un impact positif tant mieux, mais c’est vrai qu’après c’est très minime ».
12Les activistes de ce mouvement font preuve d’une grande réflexivité. Ils n’ont de cesse de s’interroger sur leurs pratiques. Le rapport à soi, la responsabilité individuelle et l’évaluation de ses propres actions sont un souci constant. Ainsi, avant d’être des revendications adressées aux acteurs politiques, la démocratie et l’écologie sont d’abord des exigences par rapport à soi-même et qui s’incarnent dans des pratiques concrètes avec l’engagement préfiguratif (voir ci-dessous). La démocratie n’est pas uniquement une affaire institutionnelle, mais une culture qui se déploie dans les pratiques citoyennes, que ce soit en prenant part au débat public ou en étant plus attentif aux autres : « la démocratie, c’est une façon de vivre. C’est vivre avec les autres personnes comme elles sont » (un étudiant égyptien, ingénieur, interrogé lors du Forum social mondial de 2013, à Tunis)21. Cette conception de la démocratie résonne particulièrement avec celle de J. Rancière22. Plutôt que dans la lutte contre un adversaire, l’engagement se joue ainsi dans la relation à soi.
« Je pense que les choses arrivent plutôt par un changement personnel […]. Après avoir fait partie des indignés, je ne vois plus les gens de la même façon. J’ai réalisé que tout le monde a quelque chose à dire, j’essaye de respecter les opinions de chacun et je vois chacun comme un être humain » (Anne, une indignée, Paris, focus group, 2012).
De la subjectivation à l’action
13De nombreux jeunes activistes « de la transition écologique » clament fièrement qu'ils n'en restent pas aux discours et développent des alternatives concrètes. C’est à partir d’une transformation d’eux-mêmes et d’actes posés dans le quotidien que ces jeunes alter-activistes entendent changer le monde. Deux mécanismes pour établir une concordance subjective entre la transformation de soi et la transformation de la société, entre le processus de subjectivation et la capacité d’agir : l’engagement préfiguratif et les espaces d’expérience.
Engagement préfiguratif
14Refusant tout modèle et plan préconçu pour changer le monde, les alter-activistes privilégient l’apprentissage, par essai et erreur dans des processus d’expérimentation. L’engagement est considéré comme un double processus de transformation de soi et d’expérimentation par lequel sont mises en pratique les valeurs d’un « autre monde » au sein même des groupes activistes, dans des espaces militants ou au cours de la vie quotidienne. Les pratiques de l’engagement visent à « préfigurer » un autre monde possible, sur la base d’une forte cohérence entre pratiques et valeurs.
« Nous ne dissocions pas nos pratiques de nos objectifs. Nous choisissons un fonctionnement horizontal, antisexiste, auto- et éco-gestionnaire à partir de regroupements affinitaires » (document de présentation de l’espace désobéissant du Forum social européen de Paris, 2003).
15Préfiguratif, l’engagement est également performatif : l’objectif ne précède pas l’action mais lui est concomitant, c’est dans l’acte lui-même que se réalise l’objet de l’engagement. « Ce n’est pas demain qu’il y aura des changements, ils sont visibles dès aujourd'hui dans le mouvement »23. Plutôt que la rupture du grand soir, le changement passe par les actes concrets des « petits matins ». Celui-ci ne se limite pas au niveau local mais il est résolument conçu du bas vers le haut (bottom-up).
16Davantage que dans la contestation du système en place, les mouvements des indignés et Occupy ont concentré leur énergie dans la mise en œuvre réflexive d’une démocratie participative et horizontale. Sur les places occupées, dans les réseaux virtuels ou dans les quartiers, les assemblées ont été l’occasion d’expérimenter des techniques alliant participation, horizontalité et efficacité. Le 29 novembre 2011, l’assemblée générale d’Occupy London Stock Exchange regroupait 200 personnes, qui ont débattu en sous-groupes puis sont parvenues à une série de décisions concernant les activités de la semaine en quarante-cinq minutes, avant d’ouvrir la discussion sur les stratégies de communication et de diffusion de leur mouvement. Ce lien entre idéal démocratique et mode d’organisation horizontal fut également mis en œuvre par des acteurs des révolutions arabes qui ont marqué une rupture avec « les structures hiérarchiques rigides et le style autoritaire des leaders des syndicats et des ONG »24. Cette organisation plus horizontale a parfois posé des problèmes de coordination mais elle a également permis d’éviter les stratégies de cooptation et de répression des leaders du mouvement.
Espaces d’expérience
17Processus profondément personnel, la subjectivation est confrontée aux exigences de l’action et à la complexité du changement social. Elle se construit dans un environnement concret, y trouvant des appuis, mais aussi des obstacles. Les alter-activistes créent des espaces d’expériences propices à l’expérimentation et à la subjectivation, où la production de soi et la capacité d’agir se renforcent mutuellement. Il s’agit d’« espaces suffisamment autonomes et distants de la société dominante et des rapports de pouvoir pour permettre aux acteurs devivre selon leurs propres principes, de tisser des relations sociales différentes et d’exprimer leur subjectivité »25. Ce sont à la fois des lieux de lutte et les antichambres préfigurant un autre monde. Ils permettent à chacun des participants de mener à bien son processus de subjectivation dans des conditions propices et, en même temps, de devenir acteur et de promouvoir un changement de société.
18Qu’ils soient davantage mobilisés par l’écologie ou par la cause démocratique, les jeunes alter-activistes apprécient particulièrement ces espaces qui leur permettent de vivre intensément leur engagement, de réaliser leur personnalité et d’expérimenter des mises en pratique de leurs valeurs. Les campements sont devenus des éléments centraux du répertoire d’action des jeunes altermondialistes, puis du mouvement pour une justice climatique26 et des mouvements pro-démocratiques des années 2010. Ces derniers ont installé les tentes au cœur des villes et face aux hauts lieux de la finance. Ils ont expérimenté la « démocratie des places » à Tahrir, à Athènes27, dans toutes les villes d’Espagne (voir le chapitre 5 d’Antonio Álvarez), à New York et dans de nombreuses villes américaines, sur la place Abbay à Moscou ou au parc Gezi à Istanbul. L’importance symbolique de ces campements fut si redoutée que les forces de l’ordre ont inclus les tentes aux côtés des armes dans la liste des objets interdits dans la zone entourant le stade et le village des Jeux olympiques de Londres en 201228.
19L’aspect préfiguratif de ces espaces d’expérience ne se limite pas à l’organisation démocratique des camps. Il en oriente toute la vie quotidienne, que ce soit pour la cuisine, le recyclage, les relations interpersonnelles et même l'imagination. « Nous construisons des espaces où l'imagination est libre », disait l'un des animateurs d'Occupy London Stock Exchange (focus group, 2012). De même, les assemblées des indignés ont pour objectif de donner longuement la parole à chacun pour lui permettre de partager son expérience, d’exprimer ses ressentiments, ses espoirs et ses propositions d’alternatives et de prendre toute sa part dans les décisions.
20Loin de l’écho médiatique des occupations des places, des « camps climat » continuent d’être organisés chaque été, en Europe et en Amérique du Nord. Les jeunes alter-activistes écologistes valorisent également les espaces d’expérience sous des modalités davantage ancrées dans la vie quotidienne, comme des associations pour le maintien de la vie paysanne (AMAP), des maisons partagées, des restaurants conviviaux ou, pour certains, des squats. Sur le campus de Louvain-la-Neuve, les habitations partagées par les étudiants écologistes (« kot-à-projets ») sont des lieux de vie intense, mélangeant amitié et engagement, construction de soi et solidarité. La réalisation d’un projet écologique tout au long de l’année est l’occasion d’organiser diverses activités mais aussi d’une réflexion constante sur l’enjeu et la portée des pratiques de la vie quotidienne comme de l’engagement.
21À travers l’Europe, des espaces d’expérience de jeunes écologistes ont également surgi sur des territoires en lutte pour s’opposer à de grands projets d’infrastructures. En France, les ZAD, « zones à défendre », ont redéployé un répertoire d’occupation de la terre qui fut notamment populaire, en Italie et en France, dans les années 1960 et 1970, en le combinant avec les réflexions et pratiques héritées de courants altermondialistes, autonomes et libertaires29. La « zone à défendre » sur le site du projet de l’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, dans la région nantaise, a été occupée par des centaines de campeurs et a attiré des dizaines de milliers de manifestants. Ces territoires sont à la fois des espaces de résistance et de confrontation directe30 et des espaces d’expérience, marqués par la mise en œuvre concrète de pratiques démocratiques et écologiques et par l’intensité de l’expérience vécue :
31« C'est une expérience de vie en collectivité. Sur les ZAD, on met tout en commun, savoirs et pratiques. On n’est pas seulement dans une contestation du système, on recherche, on construit et on propose un mode de vie alternatif. Ce qui se passe est très positif » (Martin, 20 ans).
22Les campements, communautés conviviales et autres espaces d’expérience alter-activistes mélangent privé et public, amitié et engagement politique, amusement et résistance, solidarité, bonheur et lutte pour un monde meilleur. La dimension contestataire passe souvent au second plan, au profit de pratiques alternatives et de la sociabilité entre les activistes. Les participants misent sur une organisation autonome et participative, sur la répartition des tâches et l’implication de chacun. Ils sont dès lors aussi confrontés à des problèmes très concrets tels que la démocratisation de la prise de décision, une certaine délégation indispensable, la gestion de différences culturelles et politiques ou l’implication à des degrés très divers des participants. Bien qu’éphémères, ces expériences marquent durablement chacun, renforcent la propension à renouveler la participation à des mobilisations politiques et peuvent transformer considérablement et à long terme l’identité sociale et les valeurs politiques de ceux qui y participent32 et, au-delà, marquent une génération de militants.
De la subjectivation au changement social
Changer le monde ?
23L’engagement préfiguratif et performatif et les espaces d’expérience permettent d’établir une concordance entre le processus de subjectivation et l’action vers un changement social. Mais se changer soi-même suffit-il pour changer le monde ? Processus de subjectivation et renforcement de la capacité d’action ne vont pas toujours de pair.
24Dans les pratiques quotidiennes des alter-activistes, cela se transcrit par des tensions et des dilemmes très concrets33. Pour devenir acteur, il faut souvent renoncer à une cohérence totale entre ses valeurs et ses pratiques. Certes, les jeunes écologistes réunis pour l’intervention sociologique (IS) menée à Louvain-la-Neuve aspirent à devenir sujet, à maintenir cette cohérence, mais pas au prix d’un isolement social. Ils ne veulent pas « s’enfermer dans une bulle »34 et constituer des communautés utopiques à la marge ou en dehors de la société. Les participants à l’intervention sociologique sont soucieux d’éviter la stigmatisation, qui serait « contre-productive ». Participer à la vie sociale et ne pas s’isoler dans des espaces d’expérience qui en viendraient à être « coupés du monde » exige souvent d’accepter certains compromis, pour lesquels chacun se fixe ses propres règles : « Si mes amis partent ensemble en vacances, et qu’ils partent en avion, eh bien tant pis, je prendrai l’avion cette fois-là35 ».
25La volonté de maintenir un questionnement permanent et une cohérence la plus forte possible entre ses valeurs et ses actes empêche parfois de mener des actions. « Un moment, il faut arrêter de se poser des questions et agir. Ensuite, c’est important de se remettre en perspective et de s’interroger de nouveau, mais il faut quand même agir36 ». Pour les alter-activistes qui mettent en pratique une démocratie participative et horizontale, ces tensions s’incarnent notamment dans le dilemme entre l’horizontalité et le caractère très inclusif des réunions d’un côté, et une efficacité nécessaire de l’autre et dans l’équilibre à trouver entre la volonté d’une participation directe de chacun et une nécessaire délégation dans la prise de décision.
26De même, après le temps des espaces d’expérience et de l’occupation des places, les alter-activistes des mouvements des années 2010 sont confrontés aux questions posées par les limites structurelles de l’antipolitique et de la voie de la subjectivité37. La volonté de maintenir une distance avec la politique institutionnelle et, dans de nombreux cas, avec les organisations de la société civile, la prédilection pour des dynamiques horizontales et « par en bas » et le refus des leaders sont partagés par les alter-activistes38. Les « mouvements des places » y ont puisé leur force et une grande créativité. Mais cette méfiance à l'égard des organisations plus structurées peut devenir une limite lorsqu’il s’agit de pérenniser le succès populaire et les idées innovantes ou de les transcrire dans la politique institutionnelle. En tant que mouvements faiblement structurés, ces mobilisations sont confrontées aux limites des mouvements en réseaux que pointe Lilian Mathieu : ils ont « une grande capacité à impulser des mobilisations mais sont inaptes à les clore, puisqu’ils ne peuvent négocier et signer des accords de sortie de conflit et ne jouissent pas de la légitimité que fournissent les mécanismes d’élection et de représentation »39.
27Conscients de ces limites, plusieurs mouvements se sont montrés plus conciliants avec les logiques de la politique institutionnelle, depuis 2013. Les jeunes alter-activistes interrogés à Rio en juillet 2013 expliquaient qu’ils n’étaient « pas contre la démocratie représentative et les élections, mais que les représentants élus doivent être bien plus contrôlés par les citoyens […] Il faut aussi qu’il y ait d’autres formes de participations, notamment au niveau local et pour les services publics ». Depuis, le parti Podemos, issu du mouvement des indignés, est venu incarner un passage d’un mouvement à un « parti-mouvement » mais aussi celui « de l’indignation à l’organisation »40 (voir chapitre 5).
28Ces jeunes militants articulent des éléments de la culture alter-activiste avec d’autres, propres à l’arène de la politique électorale. Ils incarnent ainsi un renouveau, mais ils n’y pénètrent qu’au prix d’un renoncement, voire d’une inversion de certains éléments de l’alter-activisme. Ils sont par exemple passés d’une dynamique de mouvements horizontaux et « sans leader » à des organisations dans lesquelles des dirigeants charismatiques jouent un rôle majeur, comme Pablo Iglesias pour Podemos ou Camila Vallejo, leader du mouvement étudiant chilien de 2011 et désormais sénatrice.
Après les espaces d’expérience
29Les places occupées et les autres espaces d’expérience favorisent et territorialisent cette concordance subjective entre la transformation de soi et celle de la société, entre le processus de subjectivation et la capacité d’agir.
30Pour les activistes, et dans certains cas pour les médias et le gouvernement, les places occupées sont devenues l’incarnation d’une lutte contre un régime autoritaire ou pour une démocratie plus profonde41. Comme si l’avenir de la démocratie d’un pays se jouait sur une place. Parfois, les événements ont donné (partiellement) raison aux activistes. « La place Tahrir est un endroit symbolique et stratégique au Caire. Nous savions que si nous gardions la place pendant plusieurs jours, le régime tomberait. » Hosni Moubarak a effectivement démissionné après dix-huit jours de manifestation et d’occupation de la place, mais le régime égyptien a-t-il changé ? De même, l’intensité de l’engagement des activistes et celle de la répression policière laissaient penser que le sort de la démocratie turque se jouait sur la place Taksim ou d’autres occupées dans 73 villes turques. Pour les activistes, l’enjeu allait bien au-delà des arbres du parc Gezi. Leur mouvement incarnait l’affrontement d’une Turquie progressiste avec un régime dont les penchants autoritaires pénétraient jusque dans la vie privée des citoyens, comme le montre Buket Türkmen dans le chapitre suivant.
31Lorsque la temporalité de l’expérience intense de Gezi a laissé place au retour de la « vie normale », la concordance subjective du changement personnel avec un changement de la société turque se sont délitées. Cela plonge les activistes dans une profonde désillusion et un sentiment d’impuissance qu’analyse Esin Ileri au chapitre 4. Cela va souvent de pair avec une déprime, voire une véritable dépression, tant l’implication personnelle est forte dans les espaces d’expérience.
32Avec le retour à la « vie normale », la politique institutionnelle reprend progressivement ses droits. Pour les activistes de Gezi, la désillusion est d’autant plus rude qu’après l’engagement intense et la joie qu'a procurée le sentiment d’être acteur en occupant une place, l’AKP42, le parti du Premier ministre R. Erdogan, devenu président de la Turquie en août 2014, a remporté de larges victoires électorales et s’est vu conforté dans sa politique au cours des mois qui ont suivi le mouvement. Les activistes ne reflétaient qu’une partie des citoyens et la démocratie turque ne se jouait pas seulement sur la place Taksim.
33Cette désillusion n’est pas le propre des occupations de place. On la retrouve presque systématiquement lorsque les alter-activistes sortent d’espaces d’expérience, qu’ils soient motivés par une exigence de démocratisation ou par la cause écologiste. Elle est la conséquence personnelle de cette rupture de la concordance subjective entre subjectivation et agency. Sortis des espaces d’expérience, les acteurs sont confrontés à la difficulté de passer du changement quotidien à la transformation de la société.
34Un an après la série de focus groups de l’intervention sociologique, Clara, l’une des participantes, est en séjour d’échange étudiant au Chili. Elle est frappée par l’absence de considérations écologistes de nombreux Chiliens qui ne pratiquent, par exemple, que très peu le tri sélectif. Valait-il la peine de tant s’investir pour que les étudiants de Louvain-la-Neuve remplacent leurs gobelets jetables par d’autres réutilisables si, à l’autre bout de la planète, rien n’est recyclé ? La concordance subjective entre le changement de soi et le changement du monde se rompt alors avec fracas et les actions passées apparaissent comme une goutte d’eau dans l’océan.
« Je suis bien plus pessimiste en ce qui concerne notre avenir. […] Je pensais que tout s'arrangeait. Depuis, je n'ai plus beaucoup d'espoir. Je sens qu'on court à la catastrophe [environnementale] et que rien ne pourra nous en empêcher à présent. […] Comment continuer à vivre en sachant cela ? » (e-mail envoyé depuis le Chili, mars 2014).
35Cette désillusion ne conduit cependant pas forcément à l’inaction. Comme le souligne Alain Touraine43, le moteur et les motivations de l’engagement se trouvent moins dans l’impact de son action dans la société que dans la relation à soi, et notamment dans l’exigence d’une grande cohérence personnelle comme Clara l'écrit juste après l’extrait précédent :
« Mon défi à présent, c'est de sauver ma conscience, à défaut de ne plus croire en la possibilité de sauver le monde grâce à des gobelets réutilisables. Le pessimisme ne me mène donc pas à l'inaction, au contraire. […] Je comprends ce qu'il se passe autour de moi et j'agis en conséquence mais avant tout pour réussir à m'endormir le soir sans la culpabilité de me savoir participer à un massacre global de la planète » (ibid.).
36De nombreux alter-activistes ont perdu leurs illusions sur la capacité de contribuer de manière significative à changer le monde. Ils maintiennent malgré toute cette concordance subjective entre le changement de soi ou local et celui de société en la reportant sur un changement social et culturel qui transformera la société « à très long terme » :
« Dans mon cas, je ne suis pas dans l’utopie qui croit qu’il y aura un changement important qui va partir d’une AMAP44. Pour moi c’est vraiment un projet personnel. […] Je ne crois plus aux institutions, je ne serai jamais une militante acharnée, je n’ai pas la force pour ça. Pour moi l’AMAP, c’est pour revenir à quelque chose de très terre-terre. […] Je crois vraiment au long terme. Le processus de pousse d’une plante c’est le même que celui de l’éducation et c’est quelque chose qui me parle. Je veux m’investir dans quelque chose de concret, très concret, que je puisse toucher sur un plan individuel et local surtout » (Eloïse, coordinatrice d’une AMAP à Paris, focus group, 2012).
37Qu’ils s’engagent pour la démocratie ou pour l’écologie, les alter-activistes incarnent de fait des mouvements culturels bien plus que politiques. L’expérience ainsi vécue a transformé la conception et les formes concrètes de la citoyenneté et de la démocratie, qui ne se limitent pas aux relations aux institutions et à l’État mais sont aussi une culture et des pratiques. Dans cette perspective, les victoires électorales de l’AKP dans les mois qui ont suivi l’occupation de Gezi n’invalident pas ce mouvement et ne présagent pas forcément de sa perte d’influence, qui peut être importante à moyen et long termes. Rappelons que les élections législatives de juin 1968 en France donnèrent une large victoire électorale à la droite. Qui niera pourtant qu’à moyen et long termes, l’impact du résultat de ces élections fut bien moindre que celui du « mouvement de mai » qui a profondément transformé la France45. Ce n’est pas forcément l’analyse que laissait présager la conjoncture française deux ans après mai 1968. Évaluer en 2015 l’impact global des mouvements de juin 2013 au Brésil ou en Turquie paraît tout aussi prématuré ; d’autant que l’un de leurs impacts majeurs concerne la subjectivité de ces acteurs, du sentiment d’une capacité d’agir (empowerment) qui constitue l’un des principaux résultats des mouvements citoyens pour une démocratisation. Cependant, ni le changement des subjectivités opéré pendant la révolution de 2011, ni les médias alternatifs et le niveau élevé d’éducation de nombreux jeunes Cairotes n’ont empêché la répression féroce de s’abattre sur les Frères musulmans, puis sur de nombreux jeunes alter-activistes qui avaient animé la place Tahrir en 2011. S’il est trop tôt pour tirer un bilan de ces révolutions, il n’est pas dit que les processus de subjectivation des citoyens devenus alter-activistes l’emporteront sur la répression et la force du régime.
Conclusion
38Les alter-activistes rappellent que la démocratie ne se limite pas à la sphère de la politique institutionnelle. Elle se réalise et s’expérimente dans la participation et s’incarne dans la volonté d’être acteur de sa vie et de son monde. Ces jeunes alter-activistes nous invitent à suivre Melucci ou Rancière et à rompre avec la déconnexion entre la vie de tous les jours et la démocratie et l'idée que seules comptent les actions qui trouvent un écho dans les médias ou dans les politiques institutionnelles.
39Tout autant que dans une conscience des défis globaux, l’engagement des jeunes alter-activistes trouve son fondement dans une relation à soi. Pour comprendre les mouvements des années 2010, il est essentiel de se pencher sur le rapport à soi dans cette figure du rapport au monde qu’est le mouvement social. Nous ne pouvons comprendre ces mouvements sans analyser les ressorts, les logiques et les motivations qui sous-tendent le processus de subjectivation et l’aspiration à devenir un sujet personnel. Il est cependant tout aussi important de comprendre le passage de cette subjectivation à l’action. Elle se confronte aussi à l’articulation nécessaire avec les exigences de l’action et à la complexité du changement social dans un monde global.
40Le défi et tout l’intérêt de cette culture militante alter-activiste tient précisément dans cette exigence d’articuler deux registres que Sartre considérait comme exclusifs46 : l’engagement et la réflexivité. Ces jeunes alter-activistes aspirent à devenir à la fois sujets et acteurs, à mener à bien un intense processus de subjectivation et une volonté d’être acteur, de s’inscrire dans une société et de contribuer à sa transformation.
Bibliographie
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10.7238/joc.v3i2.1413 :Notes de bas de page
1 Farhad Khosrokhavar, The New Arab Revolutions that Shook the World, Boulder, Londres, Paradigm Publishers, 2012.
2 Emmy Barouh, The Protesters, Sofia, New Bulgarian University Press, 2015.
3 Les travaux d’Emanuele Toscano et Daniele Di Nunzo, Dentro e fuori CasaPound. Capire il fascismo del terzo millennio, Rome, Armando, 2011, et de Chikako Mori (chapitre 13 de ce livre) sur les mouvements d’extrême droite suggèrent une isomorphie avec les mouvements progressistes au niveau des formes d’engagement et des logiques d’action et de subjectivation.
4 Michel Wieviorka, « The resurgence of social movements », Journal of Conflictology, vol. 3, n° 2, 2012, p. 13-19.
5 Geoffrey Pleyers, « Les jeunes alter-activistes : altermondialisme, indignés et transition écologique », in Valérie Becquet, Jeunesses engagées, Paris, Syllepse, 2014, p. 51-68.
6 Michel Wieviorka, La violence, Paris, Balland, 2004, p. 286.
7 Michel Wieviorka, « Du concept de sujet à celui de subjectivation/dé-subjectivation », FMSH working paper, n° 16, 2012 ; voir aussi Danilo Martuccelli, Forgé par l’épreuve. L’individu dans la France contemporaine, Paris, Armand Collin, 2006 ; François Dubet, Sociologie de l’expérience, Paris, Seuil, 1996.
8 Michel Wieviorka, Neuf leçons de sociologie, Paris, Laffont, 2008, p. 34.
9 Anthony Giddens, The Constitution of Society, Cambridge, Polity Press, 1984, p. 4.
10 Pleyers Geoffrey, Alter-globalization, Cambridge, Polity Press, 2010.
11 Ibid., p. 73-76.
12 Christophe, IS, 2013. Le sigle « IS » se réfère à l’intervention sociologique menée avec des jeunes alter-activistes écologistes à Louvain-la-Neuve (Belgique) en février et mars 2013 et en février 2014.
13 Charles Taylor, The ethics of authenticity, Cambridge M.A., Harvard University Press, 2005.
14 Matthieu de Nanteuil-Miribel, La démocratie insensible, économie et politique à l’épreuve du corps, Paris, Érès, 2009.
15 Alain Touraine, « From understanding society to discovering the subject », Anthropological Theory, vol. 2, n° 4, 2002, p. 391.
16 Alberto Melucci, Movimientos sociales y vida cotidiana, Mexico, Colegio de México, 1999 ; Michelle Dobrée, L’écologie au quotidien, Paris, Budapest, Torino, L’Harmattan, 2002.
17 Chaque mouvement ou réseau fixe ses propres limites à cet égard. B. Türkmen rappelle qu’au parc Gezi, Greenpeace était bienvenu, mais les « anciens militants de gauche » étaient accueillis avec méfiance.
18 Extrait d’un courrier électronique écrit dans le cadre de la préparation de l’espace désobéissant du Forum social européen de Paris, 2003. Voir Geoffrey Pleyers, « Des black blocks aux alteractivistes : pôles et formes d’engagement des jeunes altermondialistes », Lien social et Politiques, n° 51, 2004, p. 123-134.
19 Breno Bringel et Geoffrey Pleyers, « Les mobilisations de 2013 au Brésil : vers une reconfiguration de la contestation », Brésil(s)-Sciences humaines et sociales, vol. 7, 2015, p. 7-18.
20 Alain Touraine, La fin des sociétés, Paris, Seuil, 2013 ; John Holloway, Crack Capitalism, Londres, Pluto, 2010.
21 Marlies Glasius et Geoffrey Pleyers, « The Global Moment of 2011: Democracy , Social Justice and Dignity », Development and Change, vol. 44, n° 3, 2013, p. 547–567.
22 Jacques Rancière, Au bord du politique, Paris, La fabrique éditions, 1998.
23 Un jeune piquetero du Movimiento de Liberación Territorial, Buenos Aires, entretien, 2003.
24 Maha Abdelrahman, « The Transnational and the Local: Egyptian Activists and Transnational Protest Networks », British Journal of Middle Eastern Studies, vol. 38, n° 3, 2011, p. 412.
25 Geoffrey Pleyers, Alter-globalization, op. cit., p. 37-40 ; Kevin McDonald, Global Movements : Action and Culture, Oxford, Blackwell Publishing, 2006 ; Hakim Bey, TAZ, zone autonome temporaire, Paris, les éditions de L'éclat, 1997.
26 Raphael Schlembach, « How do radical climate movements negotiate their environmental and their social agendas? A study of debates within the Camp for Climate Action (UK) », Critical Social Policy, vol. 31, n° 2, 2011, p. 194-215.
27 Voir à ce propos les votes de l’assemblée de la place Syntagma, à Athènes. Disponible sur http://en.wikipedia.org/wiki/File:Vote_of_the_People%27s_Assembly_of_Syntagma_Square.svg.
28 « Olympics organisers urged to ban tents for fear of Occupy-style protests », The Guardian, 25 janvier 2012.
29 Comité invisible, L'insurrection qui vient, Paris, La fabrique éditions, 2007.
30 Un activiste de 21 ans a été tué dans une confrontation avec la police sur la ZAD du barrage de Sievens dans la nuit du 26 octobre 2014. Brigitte Verscheure Beauzamy revient sur ce sujet dans le chapitre 16 de cet ouvrage.
31 Cité dans Camille Bordenet, « Moi, Martin, 20 ans, zadiste à visage découvert », Le Monde, 14 décembre 2014, disponible sur http://www.lemonde.fr/m-actu/article/2014/12/14/moi-martin-20-ans-zadiste-a-visage-decouvert_4540284_4497186.html (consulté le 27 janvier 2016).
32 Doug McAdam, The biographical consequences of activism, American Sociological Review, vol. 54, n° 5, 1989, p. 744-760.
33 James Jasper, Protest. A cultural approach, Cambridge, Polity Press, 2014.
34 Intervention sociologique avec des jeunes militants écologistes, Louvain-la-Neuve, Belgique, 2013.
35 Idem.
36 Idem.
37 Geoffrey Pleyers, Alter-globalization, op. cit., p. 54-57 et 96-103.
38 Voir par exemple Maha Abdelrahman, « The Transnational and the Local: Egyptian Activists and Transnational Protest Networks », op. cit.
39 Lilian Mathieu, La démocratie protestataire, Paris, Presses de Sciences Po, 2011, p. 40.
40 Jeanne Moisant, « Espagne : de l’indignation à l’organisation », La vie des idées, 20 mars 2015, disponible sur http://www.laviedesidees.fr/Espagne-de-l-indignation-a-l-organisation.html (consulté le 27 janvier 2016).
41 Voir par exemple le documentaire The Square (2013) de Jehane Noujaim sur la révolution égyptienne.
42 Adalet ve Kalkınma Partisi (Parti de la justice et du développement).
43 Alain Touraine, La fin des sociétés, Paris, Seuil, 2013.
44 Association pour le maintien de l’agriculture paysanne, une forme de réseau alimentaire alternatif très répandu en France, dans lequel les légumes sont directement achetés aux paysans locaux.
45 Alain Touraine, Le mouvement de mai ou le communisme utopique, Paris, Seuil [1968], 1998 ; Luc Boltanski et Ève Chiapello, Le nouvel esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, 1999.
46 Jean-Paul Sartre, L’Être et le néant, Paris, Gallimard, 1976.
Auteur
Geoffrey Pleyers est chercheur au FNRS et professeur à l’université de Louvain. Il est chercheur associé au CADIS et au Collège d’études mondiales et préside le Comité de recherche 47 « Social classes and social movements » de l’Association internationale de sociologie. Il est l’auteur de Alter-globalization. Becoming Actors in the Global Age, Cambridge, Polity Press, 2010 ; a coordonné La consommation critique, Paris, Desclée de Brouwer, 2011 ; et Movimientos sociales. De lo local a lo global, Mexico, Anthropos, 2009.
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