Chapitre 9. La vie quotidienne du monastère de Fatehpur
p. 185-198
Texte intégral
1L’hagiographie d’Amritnāth nous a déjà montré la part de la dimension territoriale dans la vie de son héros. Nous allons maintenant nous intéresser plus spécifiquement à l’implantation de l’Ashram dans la ville de Fatehpur et à son fonctionnement, avant d’étendre notre investigation au réseau des monastères de la branche Mannāthī.
La ville de Fatehpur
2Lorsque la petite ville de Fatehpur fait son entrée sur la scène historique, au XVe siècle, c’est déjà sous les auspices d’un Nāth Yogī, hasard sans rapport avec l’installation future de l’ashram d’Amritnāth, ou, du moins, rien dans la biographie de celui-ci ne le laisse supposer.
3En 1448 ap. J.-C., un conquérant musulman, Phatah Khān, petit-fils du fondateur de cette lignée de Rajputs convertis à l’Islam connue sous le nom de Kāyamkhānī1, établi dans le village de Rinau, décida de faire construire un fort sur une éminence voisine et d’y installer sa capitale, la future Fatehpur. Mais sur cette colline vivait un ascète du nom de Gaṅgānāth. Chassé par les troupes du conquérant, il partit en emportant son feu sacré (sa dhūnī) noué dans son châle ! Phatah Khān, à qui l’on rapporta le prodige, se précipita aux pieds de l’ascète et le supplia de rester et de l’accepter pour dévot. On dit qu’il acheta la terre à Gaṅgānāth et offrit de payer une roupie annuellement. Le navāb, sans abandonner l’Islam pour autant, continua à suivre l’enseignement de Gaṅgānāth et à se dire son disciple (śiṣya). A sa mort, il lui fit construire un mausolée au-dessus duquel se trouve une inscription toujours visible, en persan. La tombe de l’ascète, son samādhi, devint le cœur d’un monastère Näth fondé par Śaharnāth, disciple de Gaṅgānāth. Situé en contrebas du fort, au centre de la ville actuelle, il continua d’être patronné par les Kāyamkhānī, jusqu’à leur chute.
4En 1731 en effet, le dernier navāb musulman de la ville fut évincé par les Rajputs hindous Shekhavat, sous l’autorité de Sardul Singh qui venait de conquérir Jhunjhunu. La seconde moitié du XVIIIe et le début du XIXe furent des périodes troublées jusqu’à ce que la province, après l’intervention britannique de la « Shekhawati brigade » (1835-1843), passe sous le contrôle du Maharaja de Jaipur. Ces aléas politiques n’empêchèrent cependant pas de prospérer les communautés marchandes, présentes dès la fondation de Fatehpur – on dit que Phatah Khan était accompagné d’un marchand, Seṭh Tuhinmal, un Jaïn, lequel fit construire un temple Digambar dès 1451 (Rāmgopāl Varmā 1992 : 178). La position centrale de la Shekhavati dans le commerce caravanier et, par conséquent, la puissance de ses marchands représentèrent des éléments dominants jusque vers les années 1820 (Cooper 1994). Fatehpur, dit-on, aurait compté en 1835 trois mille marchands, soit un tiers de la population (Timberg 1978 : 122).
5À partir de 1820, les Baniyā de la Shekhavati, poussés par la perte d’une position privilégiée dans le commerce caravanier local et par l’attrait de nouvelles opportunités liées à l’essor de Calcutta, commencèrent à migrer en nombre et à développer des comptoirs sur les ports fluviaux du Gange, au Bengale et en Assam2. D’individuelle, cette migration devint avec l’expansion des chemins de fer familiale et, depuis les années 1930, une diaspora bien établie3. Notons au passage la persistance de leurs liens avec leur région d’origine dont témoignent la richesse des havelī – ou maisons familiales – avec leur ornementation exubérante, les fondations religieuses ou sociales et, comme dans le cas de l’Amritashram, le patronage des temples.
6Lorsque Amritnāth commença à se fixer dans la région de Fatehpur, le monastère ancien et le tombeau de Gaṅgānāth étaient à l’abandon. Indépendant comme à son habitude, il ne chercha pas à s’y installer ni à le rénover. Ce n’est que très récemment que, sous l’impulsion de certaines familles marchandes, ces bâtiments ont été restaurés et qu’un certain Rattināth, de la lignée spirituelle d’Amritnāth mais déjà chef du monastère de Bāū, s’est approprié l’ensemble. Homme d’affaires avisé, compositeur et chanteur d’hymnes dévotionnels, celui-ci n’a pourtant pas bonne presse à l’Amritashram. On lui reproche d’avoir usurpé la gaddī, le trône de Fatehpur hérité de Gaṅgānāth, pourtant vacant, on lui attribue des comportements incompatibles avec sa dignité, et surtout on le blâme d’un attachement immodéré – pourtant fort répandu chez les Nāth mais interdit à l’Amritashram – pour le cannabis. Il est vrai que ce monastère, devenu le point d’attache des jeunes désouvrés de la ville, contraste fortement avec l’atmosphère dépouillée et puritaine de l’Amritashram
Les bâtiments de l’Ashram
7Le monastère de Fatehpur, Śrī Amritnāth Ashram, a été édifié par étapes. Depuis la pose de la première pierre du premier bâtiment (en 1914), les différents mahant n’ont cessé de l’agrandir et de lui ajouter des dépendances, le processus connaissant une accélération nouvelle en 2000, Narharināth ayant décidé de célébrer fastueusement la date anniversaire des cent cinquante ans de la naissance d’Amritnāth et fait construire des dizaines de chambres pour héberger les visiteurs attendus.
8L’Ashram se trouve à la lisière nord de Fatehpur, non loin de ce qui demeure l’un des terrains de crémation de la ville, mais ses terres se trouvent maintenant partiellement entourées par les propriétés d’une des familles importantes de la ville, les Camaṛiyā, dont on a vu un des membres, Gorkharām Rāmpratāp, à l’origine de la fondation. Les Camaṛiyā ont également fondé vers 1950 un collège dans le voisinage. On accède donc à l’Ashram en traversant le « Camaṛiyā Estate » solennisé par une arche qui enjambe la rue, puis en longeant le collège et la havelī des Camaṛiyā avant de parvenir sur une esplanade marquant la fin de la route asphaltée. Une allée bordée d’arbres, de pelouses, de bougainvillées, arpentée par les nombreux paons – dont les cris rauques ou les brusques envolées annoncent, paraît-il, les bouleversements du monde –, mène à l’enceinte. Un grand portail en bois, fermé la nuit, ouvre sur une vaste cour au sol de marbre blanc. On pénètre alors dans le périmètre sacré. Face au portail, donnant à l’est, se trouve le hall de réception, les murs couverts d’inscriptions peintes : des versets dévotionnels et des aphorismes d’Amritnāth faisant l’éloge d’une vie simple et d’une alimentation saine. Il donne sur la chambre du mahant ou salle du « trône », la pièce la plus ancienne du monastère, la première construite sous l’autorité de Jyotināth, dans laquelle se trouve la banquette surélevée qui fait office de trône, gaddī, et symbolise le statut du chef de monastère et la pérennité de la fonction. Une peinture d’Amritnāth, divers souvenirs (dont une horloge donnée par un riche dévot marchand et qui se serait arrêtée à l’heure de la mort du guru), des tapis sur lesquels s’assoient les plus proches fidèles à l’heure de la prière ou pour bavarder avec le mahant, décorent la pièce. Des deux côtés du hall s’ouvrent quatre autres pièces servant de resserres ou de chambres au mahant et aux disciples les plus importants. Un passage donne accès, au fond, à la partie la plus sacrée du monastère : les sanctuaires.

La cour du monastère de Fatehpur
9Ouvrant sur une courette au sol en damier de carreaux de marbre noir et blanc, une galerie surélevée à arcades longe les trois sanctuaires funéraires des trois premiers mahant : Amritnāth, Śubhnāth puis Jyotināth. Le samādhi de Hanumannāth se trouve en contrebas, de l’autre côté de la courette. Ces quatre « samādhi mandir », temples funéraires, obéissent à un plan identique : une petite pièce carrée ouvrant vers le nord et surmontée d’un toit pyramidal, à śikhar, en marbre blanc. Ces toits dominent de cinq à six mètres l’ensemble des toits-terrasses plats du reste du monastère. Les portes d’accès aux sanctuaires, à deux battants en argent massif, sont couronnées d’un linteau où est ciselée dans le marbre une mosaïque colorée représentant Gaṇeś et divers dessins ornementaux de bon augure. Cet ensemble constitue une adaptation de l’architecture religieuse classique de la région : toit plat, galerie et śikhar trapu surmontant le saint des saints4. Simplement, l’ensemble a été multiplié en autant de sanctuaires qu’il existe de tombes. Remarquons que le modèle architectural s’inspire de celui du temple et non pas du cénotaphe – ou mémorial funéraire – caractérisé par les chatrī, coupoles soutenues par des colonnes.
10Pourtant, au centre de chaque sanctuaire, se trouve le samādhi, la tombe : dans les quatre cas, le monument s’érige sur le lieu exact où a été enseveli le mahant défunt. Le samādhi, orienté vers le nord, est précédé d’une petite plate-forme carrée en marbre, gravée des caraṇ-cinh, les empreintes de pied, qui partout représentent la sainteté de celui que l’on vénère5, et plus particulièrement encore en contexte Nāth où, semble-t-il, on ne figurait jusqu’à récemment Gorakhnāth que sous cette forme.
11Le samādhi lui-même possède une forme très particulière : sur une base carrée, toujours en marbre blanc, il est en forme de pyramide tronquée au sommet légèrement arrondi et recouvert d’une étoffe de brocard ou de soie orange6, ceinturée de colliers de fleurs. L’aspect, saisissant, évoque en miniature les tombes « en forme de plumier » (kalamdāni) des saints musulmans ; certes, la couleur safran de l’étoffe est bien hindoue, mais l’ambiguïté demeure, un jeune Yogī, un peu embarrassé, m’ayant répondu une fois qu’en effet la forme était musulmane, mais qu’on avait été obligé de faire ainsi pour complaire aux souverains musulmans [sic7]. Je n’ai pas pu avoir de véritable explication de cette particularité, si ce n’est celle d’une influence de modèles typiquement rajasthanis, de cette culture syncrétique qui s’exprime si bien dans le sanctuaire de Rāmdev à Runicha. Comme l’explique D. S. Khan (1997a : 122) à propos de cette divinité qui « pour ses fidèles hindous [...] est un saint guerrier et une incarnation de Visnu » : « Ramdeo samadhi [...] shows all characteristics of a tomb of the Muhammedan style (mazar, turbat) – a rectangular structure topped by a cylindrical stone (kalamdani or « pen-box » a device used to distinguish males from females) ; this grave, as in Sufi dargahs, is covered with a rich ornated textile and erected in a north-south line » (Khan 1995 : 305), l’ensemble étant associé à une pierre marquée des empreintes de pied. Amritnāth et ses successeurs sont loin de la tradition ambiguë de Rāmdev marquée par l’ismaélisme nizārī ; on peut être frappé cependant par la large diffusion de ce type de monument funéraire à caractère islamique.
12Le sanctuaire funéraire d’Amritnāth [ill. 39] diffère de ceux des trois autres gurus par la présence, à côté du samādhi, d’un śivalinga sur yoni en marbre noir, précédé d’une petite statue du taureau Nandi, ce qui fait de cette pièce le cœur religieux du monastère [ill. 40]. Il n’y a pas d’autre sanctuaire du dieu à l’intérieur de l’enceinte : Śiva et le corps d’Amritnāth sont réunis en un même lieu, l’ascète dans la mort s’est uni à Śiva, son corps enterré dans l’état d’extase du jivit samādhi – le samādhi pris de son vivant – reste d’une certaine façon toujours présent et cette présence est celle de Śiva. La déesse, elle, n’est que modestement et sans doute de fraîche date représentée par une petite statue de Pārvatī dans une niche.
13Dans chacun des sanctuaires, face à l’entrée, accrochée au mur, une peinture ou une grande photo célèbre la mémoire de celui qui s’y trouve enterré. Amritnāth est peint dans la position immortalisée par la seule photographie conservée de lui : nu, le crâne rasé, le ventre proéminent, appuyé sur un bras, les deux jambes repliées, une devant, une derrière, le pied droit appuyant sur le sexe8. La ressemblance physique entre les mahant ne manque pas d’étonner lorsqu’on sait que seul Śubhnāth est apparenté à Amritnāth ; tous ont le visage carré, le front haut qu’agrandit encore la tonsure des cheveux, le corps trapu et puissant. La grosseur du ventre d’Amritnāth s’explique par ses expériences alimentaires et l’immobilité de la fin de sa vie, et on dit avec admiration qu’il avait « le ventre de Gaṇeś » !
14Dans la même cour, une fosse recouverte d’un couvercle métallique contient la dhūnī, le feu perpétuel qui brûle ici depuis la fondation de l’Ashram et avec les cendres duquel les ascètes et les dévots se marquent le corps et le front à chaque pūjā. Curieusement, on alimente le feu avec des bouses de dromadaires soigneusement collectées dans les villages dépendants par un des ascètes ; les cendres ne sont donc pas les cendres de bouse de vache précautionneusement filtrées que j’ai vu préparer dans les autres monastères Nāth ; elles ont d’ailleurs une odeur particulière mais, disent les Yogīs de Fatehpur dans une justification très pragmatique, au Rajasthan, le dromadaire est aussi précieux donc aussi sacré que la vache. C’est grâce à lui que l’on peut survivre en plein désert.
15Face aux sanctuaires, dans une autre galerie, non plus en marbre mais en ciment comme le reste du monastère et servant aux visiteurs et aux dévots, est posée la grosse timbale nagārā qui dans tous les temples Nāth rythme la pūjā, et suspendu le gong en laiton. C’est ici et dans la cour que tous se tiennent pendant les cérémonies. Enfin, on trouve sur les parois de cette galerie la soixantaine de tableaux dont j’ai parlé précédemment, déroulant la vie d’Amritnāth découpée en scènes aussi naïves que pittoresques.
16Derrière les trois sanctuaires est aménagé un étroit passage qui permet d’en faire la pradakṣiṇā, englobant ensuite dans le circuit le samādhi d’Hanumānnāth.
17Ce type de construction – cour et galerie, marbre blanc, plan linéaire avec adjonctions successives, toits à śikhar surmontant les sanctuaires à pièce unique avec sol à damier et tombes pyramidales recouvertes d’étoffes – a servi de modèle à la plupart des établissements Nāth de la région. L’ensemble frappe aussi par une grande simplicité dans les formes : peu de sculptures, pas de représentations divines, peu d’ornements, nudité et propreté du sol.

La galerie des samādhi un jour de fête
18Autour de cet espace sacralisé se trouvent disposés les autres bâtiments : la grande cour d’entrée, entourée des cellules des ascètes et des visiteurs de passage, une autre cour du côté sud donnant sur d’autres chambres, sur les latrines et les salles d’eau. Du côté nord, parallèlement aux sanctuaires, une autre grande cour ouvre sur la cuisine, les réserves et sert de salle de banquet lors des grandes célébrations, avec au centre deux petits autels : les tombes des deux disciples d’Amritnāth, Santoṣnāth et Punjabināth. En fait, raconte-t-on, seule la tête de ce dernier s’y trouve enterrée car la modestie de ce haut fonctionnaire du Punjab était telle qu’il demanda qu’on jette à sa mort son corps en pâture aux bêtes sauvages. Ce fut fait, mais on retrouva sa tête intacte qu’Amritnāth fit enterrer à proximité de son ermitage, dans ce qui est maintenant l’Ashram : depuis, sur cette tombe, se produisent des guérisons miraculeuses de maux de gorge et de tête, et les dévots y offrent des noix de coco. Derrière la cuisine, un autre espace ouvert sert d’un côté à la vaisselle ; de l’autre côté, sur une sorte de longue estrade en ciment, deux rangées de petites pyramides marquent les tombes des ascètes ordinaires décédés à l’Ashram. Il y a donc une imbrication totale entre les espaces de vie et les tombes et on ne peut que trouver remarquable en contexte hindou que le cœur de l’espace dévolu au repas, face à la cuisine, soit aussi celui de sépultures. Les normes ordinaires de pureté ne sont pas celles qui s’appliquent ici.
19Dissimulé dans une des cellules de la grande cour, un escalier s’enfonce dans l’obscurité et mène à une petite pièce souterraine ; c’est la « guphā », la grotte, la cave, que j’ai retrouvée dans tous les monastères où je suis allée au Rajasthan. À Fatehpur, la pièce est, semble-t-il, réservée à la méditation et accessible à ceux qui veulent s’isoler pour pratiquer plus intensément une technique ascétique plus extrême. Dans la pièce, nue et sombre, on est accueilli par une tête de tigre empaillée posée dans une niche, avec sur le sol une peau de tigre sur laquelle s’installe le méditant. C’est dans le monastère la seule allusion visible, quoique bien cachée, à la tradition tantrique, aux forces sauvages et obscures que peuvent représenter Bhairav et Durgā.
20Extérieur à l’enceinte du monastère, sur l’esplanade devant le portail, un nouveau temple dédié à Śiva a été construit sur l’ordre de Narharināth il y a une dizaine d’années. Carré avec un toit plat, bordé d’une galerie ornée de lampes à huile, il est ouvert sur les quatre côtés. Au centre, une plate-forme octogonale en marbre blanc porte un śivaliṅga en marbre noir ainsi que les statues de Pārvatī, Nandī, Kārtttikeya et Gaṇeś, ornées d’étoffes de brocard. Sur les murs, des peintures et des statues invoquent Hanumān, Gorakhnāth, Durgā et illustrent les mésaventures de Pūraṇ Bhagat et Raśālū.
21Autour de l’Ashram, au nord et à l’est, ouvert vers les étendues désertiques qui entourent Fatehpur, s’étendent les champs et les vergers du monastère. Un grand puits traditionnel, maintenant muni d’une pompe et d’une citerne, permet une irrigation continue et sur une centaine de bighā, se succèdent les champs d’orge et de blé, les potagers, les vergers de goyaviers. Une modeste étable abrite une douzaine de vaches. Plus loin, du côté de la route, un grand bâtiment bas sert au stockage des réserves Un autre, de construction récente et sur deux étages, fait office de dharamśālā à l’occasion des fêtes qui voient affluer les pèlerins ; il peut sinon être loué pour des réceptions (mariages ou réunions politico-administratives).
Une journée ordinaire à l’Ashram
22Avant de voir s’animer l’Ashram à travers la succession des activités quotidiennes, disons quelques mots de ses occupants. À la tête, nous l’avons vu, siège le mahant Narharināth qui veille attentivement aussi bien aux activités spirituelles que matérielles. Il possède une autorité absolue et bénéficie d’un prestige qui dépasse son seul monastère ; manifestement, pas une seule décision, aussi minime soit-elle, n’est prise sans son accord, pas un seul paiement ne se décide sans lui. Un comptable, employé dans la journée dans une boutique de Fatehpur, vient chaque soir à l’Ashram s’asseoir dévotement aux pieds du mahant pour discuter affaires. Si le mahant assiste aux pūjā, il n’est pas l’officiant. Deux pujārī se chargent des rites quotidiens : les offrandes aux samādhi à l’intérieur du monastère sont assurées depuis une quinzaine d’années par Saranāth, un vieil homme taciturne venu de Lakshmangarh où il fut le disciple de Śraddhanāth. Réservé et serein, il passe sa journée assis à l’écart et récite continûment le nom divin tout en égrenant son chapelet et en faisant des mudrā, la main droite cachée sous un linge. La pūjā au temple extérieur est assurée par un jeune homme (Mohannāth) qui a reçu les anneaux en 2005, assisté d’un brahmane pour la lecture quotidienne des hymnes à Śiva. Les autres Nāth à demeure n’ont pas de fonction précise ; un seul est là en permanence, un très vieil homme, Jwarnāth, disciple de Jyotināth, totalement sourd avec un merveilleux sourire édenté ! Un autre, Mohannāth, venu assez tard à l’Ashram, ne peut se passer de parcourir les routes et revient périodiquement chargé du crottin de dromadaire qu’il recueille pour la dhūnī. Enfin, futur Nāth et peut-être futur mahant, un jeune garçon, Mahesh, né en 1992, étudie à l’école de Fatehpur ; il vient d’un village des environs et a été confié par son grand-père à l’Ashram à la suite d’une situation familiale difficile. On dit qu’il est élevé pour prendre la succession de Narharināth.
23Quelques laïcs résident aussi au monastère de façon plus ou moins permanente. En premier lieu une jeune femme, dont la position n’est pas dépourvue d’ambiguïté ; dans ce contexte masculin, la place à laquelle elle aspire n’est pas prévue. Familière depuis l’enfance de l’Ashram, elle appartient à une très riche famille marchande originaire de la région (possédant une havelī à Fatehpur et une autre à Rajgarh). Après des études à l’étranger, une expérience dans les affaires familiales à Calcutta, un apprentissage de pilote de ligne, elle s’est sentie attirée par la vie de l’Ashram et par la personnalité du mahant. Y faisant des séjours de plus en plus longs, elle a progressivement abandonné ses activités extérieures en s’impliquant toujours davantage dans le quotidien du monastère, cherchant à seconder le mahant, lançant des projets, animant des séances de chants dévotionnels, enregistrant même plusieurs cassettes au sein de l’Ashram où elle chante, parfois accompagnée par le mahant. Son désir qu’il l’initie comme Nāth et d’être autorisée à rester à Fatehpur ne connaît pas de précédent ; les femmes sont très rares chez les Nāth9, quelquesunes ont pu être initiées et vivre en solitaires, mais je n’en ai jamais rencontrées dans les monastères et je ne connais pas de monastère de femmes comme il en existe chez les Dasnāmī. Certains disciples laïques, de ceux qui financent le monastère et par ailleurs familialement liés à la jeune femme, ont pris ombrage de la situation et, paraît-il, proféré des menaces. Malgré le soutien du mahant, la jeune femme a dû quitter l’Ashram et repris une partie de ses activités commerciales – dont les bénéfices vont maintenant au monastère – tout en gardant espoir, si ce n’est de devenir disciple initiée, au moins d’être acceptée comme « dévote privilégiée10 ».
24D’autres personnes résident à l’Ashram en raison de leur fonction, notamment deux Rajputs qui sont, l’un, le chauffeur du mahant, et l’autre son homme de confiance, un villageois ayant présidé à une distribution de nourriture organisée par l’Ashram au moment des grandes sécheresses et gagné par sa grande honnêteté la confiance de Narharināth. Il y a aussi les deux gardiens et veilleurs de nuit ainsi que le cuisinier. D’autres serviteurs ne viennent que la journée. Ce personnel fixe varie occasionnellement : des voisins passent assurer quelque service par dévotion (ou, disent de mauvaises langues, faire semblant de s’occuper juste aux heures des repas), des travailleurs journaliers vont et viennent des champs ou des chantiers de construction avoisinants.
25Enfin, des visiteurs, dévots habituels ou gens de passage, se présentent à toute heure du jour, vont s’incliner devant les tombes des gurus et devant le mahant, recevoir prasād et conseils. Les habitués viennent plutôt aux heures des offices ou de la prière, les autres passent rapidement pour un bref darśan. Et puis certains dévots venus de loin, notamment lors des fêtes, restent quelques jours, occupant les chambres disposées autour des cours.
26Chacun se plie au rythme quotidien qui fait même l’objet d’une affichette placardée à l’entrée.
27Les premiers à se lever, vers quatre heures du matin, sont les pujārī ; après s’être lavés et purifiés, ils préparent les ingrédients de la pūjā, puis ouvrent les portes des sanctuaires. Quelqu’un, généralement le vieux Jvarnāth, s’installe dans la galerie et commence à frapper le nagārā. Le battement puissant de la timbale résonne alors dans la nuit qui s’achève et donne le signal du lever ; des silhouettes emmitouflées, la tête couverte11, se dirigent vers les sanctuaires, les premiers arrivés se groupent autour du nagārā et prennent des disques en laiton en guise de gongs ou frappent les cloches. Il est environ 4 h 30 du matin. Le mahant, comme tous ceux qui arrivent, va s’incliner au pied des marches devant chacun des samādhi, puis prend place debout dans la cour face au sanctuaire d’Amritnāth.
28Le pujārī, après avoir commencé par baigner puis orner le śivaliṅga et les empreintes de pied de santal et de fleurs, procède maintenant à l’ārtī de l’aube (bhorārtī). Prenant dans la main droite une lampe à huile à mèche unique (dīp), il la promène en la faisant tourner autour du śivaliṅga puis du samādhi d’Amritnāth, tout en agitant une clochette de la main gauche et en énonçant une invocation. Il fait ensuite de même avec un encensoir puis avec les deux, lampe et encensoir, réunis. Il va ensuite dans la pièce abritant le samādhi de Jyotināth et procède de la même façon ; il repasse au milieu, dans le sanctuaire de Śubhnāth, descend quelques marches et se rend dans celui de Hanumānnāth. Enfin, il se rend auprès de la dhūnī. Puis il remonte devant le sanctuaire d’Amritnāth, pose la lampe à huile sur le seuil et souffle dans une conque pour signifier la fin de la pūjā. Chacun s’approche alors, s’incline devant le seuil et présente ses mains à la flamme de la lampe et puis se les passe sur le visage, sur les yeux, sur la tête. Tous après, le pujārī et le mahant en tête, font trois circumambulations de l’ensemble des sanctuaires. Dès qu’il a fini, le pujārī revient devant chacun des samādhi s’incliner profondément : à genoux devant la barre de seuil, il se courbe et pose le front sur ses deux mains jointes, pouces tendus et doigts repliés, en geste d’« abandon ». Soufflant alors à trois reprises dans le petit sifflet nād suspendu autour de son cou, il prend une pincée des cendres de la dhūnī dans le pot posé à l’entrée, l’avale et se marque le front d’un point de cendre avec l’annulaire droit. Il fait de même devant chacun des samādhi, suivi par tous les Yogis puis par tous les dévots qui s’inclinent à leur tour. Le pujārī reprend ensuite brasero à encens et lampe à huile et passe dans la cour de la cuisine où il encense de la même manière les deux samādhi, ensuite derrière la cuisine où il honore les deux rangées de tombes. Il se rend après cela devant le trône du mahant devant lequel il s’incline, puis il sort de l’enceinte pour aller rendre hommage à Śiva dans son temple extérieur ; c’est le signal pour le jeune pujārī de commencer alors son propre office, lequel se déroulera de la même façon avec onction des statues, ornementation, offrande de lumière et d’encens, pradakṣiṇā. Tous les dévots, après avoir suivi le même itinéraire que le pujārī et s’être salués les uns les autres d’un « Jay Śrī Nāthji », en s’inclinant aux pieds des Yogīs les plus vénérables, se retrouvent autour du temple de Śiva, à contempler le culte, les mains jointes, ou à faire résonner les cloches suspendues à l’entrée.
29La pūjā de l’aube terminée, chacun se retire dans sa chambre pour méditer (ou dormir, quoique les cassettes d’hymnes dévotionnels diffusées avec toute la puissance des haut-parleurs disposés sur le toit rendent cette éventualité incertaine !). Vers 7 h 30, tous se retrouvent dans la pièce où trône le mahant et dans le hall attenant pour la « prière du matin » (subah kī prārthanā), c’est-à-dire la récitation chantée d’hymnes à Gorakhnāth, à Śiva, suivie d’une invocation des gurus de la lignée ponctuée du cri de Jay (« vive ! »). Un petit livret aide ceux qui ne connaîtraient pas les paroles : chacun des chants est entonné par le mahant et dans un ordre à peu près fixe. Après cette prière qui dure environ une demi-heure, vient l’hommage au guru : le mahant est assis sur sa banquette-trône, la jambe gauche repliée, la jambe droite pendante. Les dévots à tour de rôle s’agenouillent devant lui, prennent un petit plat de laiton qu’ils glissent sous son pied, versent de l’eau d’un petit récipient sur son gros orteil puis se jettent cette eau dans la bouche et sur la tête. Ils enduisent ensuite ce gros orteil de pâte de santal, y collent éventuellement quelques grains de riz, des pétales de fleurs et donnent quelques pièces de monnaie (les offrandes plus conséquentes sont glissées sous le coussin). Le mahant leur tend à son tour un prasād, quelques bonbons de sucre soufflé (batāsā), un gâteau en losange (barfī) ou autre, en général en fonction de ce qui lui aura été donné à redistribuer. Le mahant, par ce rituel de vénération, est traité comme un dieu, l’hommage rendu à son pied identique à celui que le pujārī a rendu aux empreintes divinisées de ses prédécesseurs. L’eau qui a baigné les pieds, appelée caraṇāmrit, constitue donc un nectar par lequel se transmettent au dévot les qualités et les bénédictions de son guru.
30Puis on apporte au mahant son petit déjeuner et chacun peut alors se rendre dans la cour de la cuisine prendre son thé. Les conditions d’accès sont très informelles ; chacun peut pénétrer dans la cuisine, se faire s’il en a envie un thé ou un café sur le petit réchaud à kérosène, la seule restriction étant de ne pas revenir dans la cuisine lorsqu’on a commencé à boire ou à manger et de ne pas passer à proximité avec sa vaisselle sale.
31Le mahant accomplit ensuite ses tâches de gestionnaire, voire de bâtisseur comme durant les mois qui précédèrent la grande célébration de 2002. Le mahant, qui voulait faire construire une centaine de chambres supplémentaires, fit alors aplanir le sol tout autour du monastère puis, jour après jour, se rendit sur le chantier pour prévoir et surveiller toutes les étapes de la construction. Si le conducteur du tracteur qui préparait le terrain, poussé par la dévotion, faisait tourner son engin sans relâche de l’aube au crépuscule, les maçons, simples employés contractuels, avaient besoin, paraît-t-il, d’une surveillance énergique ! Des dizaines de briques achevaient de sécher au soleil avant d’être mises à cuire. Des sacs de ciment, don généreux d’un riche entrepreneur du Penjab, attendaient d’être déchargés.
32Lorsque les temps ne sont pas à la construction, le mahant s’occupe des terres agricoles et des problèmes des villageois dépendant du monastère. Bien souvent aussi, la routine quotidienne se déroule en son absence lorsqu’il rend visite à ses dévots lointains. Alors, pour quelques jours, parfois quelques semaines, la discipline se relâche et le monastère semble déserté.
33En temps ordinaire, la matinée se passe aussi pour le mahant à recevoir les visiteurs venus lui demander conseil ou simplement le voir. Ce darśan, ce contact, peut prendre des allures un peu paradoxales lorsqu’il prend la forme de ce que j’appellerais un « darśan téléphonique » ; le mahant dispose en effet d’un véritable standard téléphonique et matins et soirs, après la prière, les appels se succèdent, se juxtaposent, venus de tous les coins de l’Inde ; tous les jours, les fidèles les plus proches appellent pour « prendre des nouvelles » ou en donner, très brièvement : « Bonjour, Jay Śrī Nāthji, tout va bien ? » Le fil ainsi n’est jamais rompu, quel que soit l’éloignement de cette communauté dispersée, [ill. 41]
34Puis vient le moment du déjeuner que le mahant prend à part dans sa chambre. Les autres s’installent dans la cour, Yogis et travailleurs agricoles, hommes et femmes, au hasard des arrivées. Les assistants du cuisinier servent un repas strictement végétarien et local : des légumes, des lentilles et des capātī, rarement du riz. Chacun va laver son couvert puis se retire pour une sieste, une lessive ou une méditation solitaire. Avant cinq heures les lieux sont assez déserts, puis les visiteurs commencent à arriver, le mahant se réinstalle sur sa gaddī et les préparatifs de la pūjā du soir commencent. Les participants extérieurs, nettement plus nombreux, prennent chacun un foulard ocre pour s’en couvrir la tête avant de pénétrer dans la cour et d’assister à l’ārtī du soir qui se déroule comme celui du matin, exception faite de l’onction et de l’ornementation préliminaires. Le nagārā et les gongs résonnent selon un rythme binaire : deux sons graves suivis de deux notes plus aiguës (en harmonie avec la répétition intérieure du mantra « Om Śiv Gorakh ») ; le pujārī fait tourner cette fois une lampe à cinq mèches dont la lumière éclaire la nuit qui tombe doucement. Le sol de marbre blanc se fait plus tiède sous les pieds nus, les circumambulations se ralentissent ; les salutations que l’on échange à la fin de l’office prennent une résonance nouvelle dans l’obscurité naissante. Ce sentiment de paix sur lequel les dévots insistent tous inspire aussi la prière du soir à laquelle préside le mahant ; les chants dévotionnels se succèdent, différents mais d’inspiration identique à ceux du matin. Puis chacun va s’incliner une dernière fois devant le mahant et recevoir un ultime prasād.
35Vient ensuite l’heure du dîner, toujours pris à part pour le mahant, et dans la cour de la cuisine pour les autres, de façon assez informelle, avec souvent même des restes du repas de midi. Après cela, les dévots retournent s’asseoir aux pieds du mahant, c’est l’heure des discussions à bâtons rompus, et surtout des appels téléphoniques. Certains visiteurs familiers, venus de Fatehpur, font leur visite quotidienne, le propriétaire du « Camaṛiyā Estate » vient en voisin. Puis, vers 10 heures, les portes se ferment et chacun se retire dans sa chambre.
36Dans le déroulement des activités journalières, le fonctionnement du monastère ne paraît pas différent de celui d’un temple12 : rythmé par les phases du rituel, ouvert aux visiteurs laïques, conjuguant activités matérielles et dévotionnelles. Néanmoins, on ne saurait oublier la dimension sotériologique que rend visible la centralité des tombes et le rôle axial du mahant. Le mahant est celui qui fait fonctionner l’institution, telle qu’il l’a reçue de son maître et prédécesseur, mais il est également chef spirituel, héritier d’une tradition ésotérique, d’une discipline de salut qu’il pratique et dans laquelle il joue le rôle de guide et d’initiateur.
37Nous verrons combien ce rôle a été déterminant dans la diffusion du modèle monastique de Fatehpur au sein des différents centres qui ont essaimé à partir de l’institution originaire d’Amritnāth. La particularité de ce modèle réside dans l’ouverture du monastère aux dévots et dans les inflexions que subit de ce fait la tradition Nāth.
38Ce n’est qu’au moment des fêtes que nous verrons la routine quotidienne décrite ici s’interrompre : alors se donneront à voir de façon spectaculaire les relations entre les différents acteurs gravitant autour du monastère et apparaîtra plus clairement la raison d’être d’une institution comme Fatehpur.
Notes de bas de page
1 J’ai donné un bref aperçu de leur histoire dans mon article sur le héros épique Gugā (Bouillier 2004 :251-271).
2 Voir la position de Markovits (2003 : 141) : « Although assigning an exact « beginning » to this renewed surge might seem hasardous, there is some evidence that it started around 1810-20 ». Markovits insiste sur l’ancienneté des processus de circulation affectant les réseaux marchands de la « zone sèche » du nord-ouest de l’Inde.
3 Voir Hardgrove (1999 : 737) : « It was only after the 1920s and 1930s that many Marwari families took up full-time residence in Calcutta and other by cities. » Et elle précise : « There were no pre-existing « Marwari » community in Western India before the migrations. It is this fact of migration - and this diasporic location outside of Rajasthan - which makes the migrant Rajasthani business community into Marwaris » (id. : 732).
4 Voir Cooper (1994 : 46-48) et notamment le schéma p. 47, ainsi que Sgroi-Dufresnes (2000 : 267-294).
5 Voir notamment les cénotaphes Dādūpanthī, toujours accompagnés de ces plates-formes gravées des empreintes (Mishra 1991 : 106, Hastings 2002 : 100) ou les tombes des Sannyāsī au sommet desquelles celles-ci sont sculptées (Yocum 1990 : 260).
6 Selon Śrī Nāth Rahasya, seules les tombes des Yogis exceptionnels, ceux qui ont pris leur samādhi vivant, c’est-à-dire qui ont annoncé à l’avance la date et l’heure de leur mort, sont ainsi recouvertes d’un châle (2005 : 323). C’est aussi ce qu’on m’avait dit à Tāīn où, parmi une quarantaine de petites tombes, seules deux étaient ainsi recouvertes.
7 Rappelons que la première construction date de 1916 et que les suivantes sont plus tardives encore ! Les souverains musulmans avaient disparu depuis longtemps (navāb Kāyamkhānī ou empereur moghol ?) mais l’histoire pèse peu face à la croyance.
8 Une position de yoga qu’on pourrait appeler « upaviṣṭ parivritt ardh siddhāsan » (« demi stddhāsan retourné assis ») à la manière du upaviṣṭ parivritt ardh padmāsana (demi-lotus, l’autre jambe retournée).
9 Selon mes observations, mais Briggs affirme le contraire (1973 : 34, 48). Faut-il y voir une évolution récente ?
10 Elle vient de se marier par obligation. Son histoire et l’opposition à laquelle elle se heurte évoquent de façon frappante la vie de Banāsā telle que l’a rapportée Monika Horstmann (2003), une jeune femme née en 1896 dans le district de Jhunjhunu et également dans une famille Marwari. Celle-ci eut à affronter l’hostilité des siens mais parvint à la longue à imposer son choix de vivre avec son guru Baldev, un nāgā sàdhu Rāmāvat. De son côté, Baldev a pris le risque de ruiner sa réputation (« To accept a woman disciple who was ready to give up her family for the sake of him, a naked sadhu who had so far enjoyed spotless reputation, meant inviting trouble and running the risk of cutting himself off from the support of the community. » (Horstmann 2003 : 15). Narharināth n’est pas allé jusque-là. L’une comme l’autre, les deux jeunes femmes se sont également réclamées du modèle poétique de Mīrābāī, princesse rajpute du XVIe siècle et légendaire dévote de Kr̥ṣṇa.
11 C’est une obligation pour les hommes comme pour les femmes. À cet usage, de petits foulards orange sont mis à la disposition des visiteurs à l’entrée de la cour, que les hommes nouent à l’arrière de la tête en se couvrant le front. Hormis dans les monastères de la Shekhavati, je n’ai jamais vu chez les Nāth cette pratique commune dans les dargāh, à l’exception d’un maṭh de Delhi voué à Hajji Ratan et au statut ambigu. Faut-il y voir aussi une influence musulmane ?
12 Voir à titre de comparaison, le temple de Saṅkaṭamocana à Bénarès, dédié à Hanuman, tel que le décrit Mathieu Claveyrolas (2003).
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Itinérance et vie monastique
Ce livre est cité par
- Bouillier, Véronique. (2016) Territoires du religieux dans les mondes indiens. DOI: 10.4000/books.editionsehess.27028
- Matringe, Denis. (2011) Entre charia et coutume. Archives de sciences sociales des religions. DOI: 10.4000/assr.23168
- Trouillet, Pierre-Yves. Lasseur, Maud. (2016) Introduction. Cahiers d'Outre-Mer, LXIX. DOI: 10.4000/com.7928
- Bouillier, Véronique. (2015) Nāth Yogīs’ Encounters with Islam. South Asia Multidisciplinary Academic Journal. DOI: 10.4000/samaj.3878
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