L’aménagement des lieux de culte des minorités ethniques à Montréal : l’Autre, là où on ne l’attendait pas1
p. 425-444
Texte intégral
1Depuis une dizaine d’années, le nombre de demandes de construction ou d’agrandissement de lieux de culte (pour la majorité associés à des minorités ethniques) adressées aux municipalités de l’île de Montréal et de ses rives a connu une croissance fulgurante. Cette croissance semble avoir « surpris » les autorités locales qui, après une période de relative ouverture à ces demandes, ont commencé à refuser des projets d’aménagement et même, dans plusieurs cas, à décréter des moratoires sur tout établissement de nouveaux lieux de culte, obligeant ainsi les demandeurs à obtenir des permissions spéciales. Si l’on ajoute à ces constats celui d’une multiplication des controverses suscitées par ces projets dans les voisinages, on s’accordera certainement à placer ces dossiers d’aménagement dans la catégorie des dossiers « chauds ».
2Cette situation peut sembler à première vue étonnante quand on sait l’importance prise au Canada par la politique du multiculturalisme qui, depuis 1971, fait de la diversité culturelle un des piliers de l’identité canadienne, diversité dont fait partie la religion, d’ailleurs protégée par les chartes canadienne et québécoise des droits et libertés. Y aurait-il donc un fossé entre les orientations guidant les politiques des gouvernements centraux (canadien et québécois) et celles de l’action publique locale, comme le révèlent plusieurs enquêtes à Vancouver (Edgington et Hutton 2002) et à Toronto (Frisken et Wallace 2000) qui montrent notamment que l’urbanisme est un des secteurs municipaux les moins ouverts aux orientations multiculturelles ? Est-ce plutôt le domaine particulier dont il est question ici, à savoir les lieux de culte, au carrefour de problématiques religieuses et communautaires, qui suscite pareil malaise ? Ce malaise, bien que nullement restreint à l’agglomération montréalaise, n’en paraît pas moins plus prononcé ici qu’ailleurs. À Toronto, par exemple, la plupart des projets de mosquée ont connu un happy end, c’est-à-dire qu’ils ont fini par être construits, au terme toutefois de longues et parfois douloureuses négociations (Qadeer et Chaudhry 2000 ; Isin et Siemiaticky 2002). Tout se passe comme si dans une métropole qui reçoit un nombre croissant d’immigrants et se distingue généralement par une cohabitation interethnique plutôt tranquille (Germain et al., 1995), l’altérité prenait un visage inattendu, voire gênant. Si, comme le rappelle Anne Gotman (2001 : 3), l’hospitalité a toujours l’inhospitalité pour horizon, aurait-on atteint ici sa limite ? Attirer et accueillir des immigrants est une chose, faire une place à leurs lieux de culte dans l’espace public semble cependant en être une autre.
3Pourtant la littérature (notamment nord-américaine) ne manque pas sur les multiples fonctions sociales remplies par les lieux de culte des minorités ethniques en pays d’immigration au-delà des activités de prière proprement dites : (re)construction communautaire et identitaire (Smith 1976 ; Warner et Wittner 1998), accueil et support fourni aux nouveaux immigrants (Ebaugh et Chafetz 2000), aide destinée à certaines catégories sociales plus fragiles (aînés, enfants) par des activités éducatives, ludiques et caritatives et, de façon plus générale, développement du lien social.
4Nous avons donc souhaité explorer ce terrain largement méconnu au Québec et comprendre à la fois les différents enjeux soulevés par ces dossiers d’aménagement pour les municipalités et les types de trans-actions sociales auxquelles pouvait donner lieu la négociation d’une place pour les lieux de culte. Nous avons choisi une douzaine de dossiers d’aménagement relativement récents (moins de 10 ans) ayant ou non abouti à l’octroi d’un permis, en constituant un échantillon2 qui nous permettrait d’avoir une vue d’ensemble englobant plusieurs types de lieux de culte et plusieurs municipalités de la région montréalaise. En effet, si l’on voulait échapper à la tyrannie des cas particuliers, il nous fallait veiller à couvrir des dossiers de lieux de culte différents dans une même municipalité et des dossiers concernant un même type de lieu de culte traités dans des municipalités différentes. Dans ce sens, il nous semblait prématuré d’adopter une stratégie d’études de cas approfondies3 qui, en l’état des connaissances, n’aurait permis aucune montée en généralité. Pour chaque dossier, nous avons effectué, en plus des relevés documentaires usuels, des entrevues avec les responsables des lieux de cuire, les fonctionnaires municipaux concernés (services de l’urbanisme et des relations interculturelles ou l’équivalent) et des élus municipaux. Dans plusieurs cas, nous avons aussi interrogé les architectes chargés de projet et des citoyens impliqués dans les controverses. Mais la première démarche a consisté à établir une carte des lieux de culte minoritaires sur l’île de Montréal (carte 1) et à tenter de comprendre les grands traits de l’évolution récente de cette géographie des lieux de culte des minorités ethniques.
5Pour analyser notre matériel d’entrevues, nous nous sommes inspiré du paradigme de la transaction sociale développé par Jean Remy (1992 ; 1998) er repris par d’autres chercheurs dont Maurice Blanc (1998) et Yves Grafmeyer (1999), pour ne mentionner que ceux dont les travaux étaient les plus pertinents pour nous. L’aménagement des lieux de culte a, ces dernières années, donné lieu à des perspectives d’analyse variées, qu’il s’agisse des travaux de géographie culturelle de Lilly Kong (1990), de Naylor et Ryan (2002) ou des analyses politiques de citoyenneté urbaine comme celles de Isin et Siemiaticky (2002), sans compter les nombreux travaux français dont ceux de Claire de Galembert dans le présent volume. Notre perspective s’inspire, à des degrés divers, de ces approches, mais nous voulions explorer les processus de négociation engagés par les différents acteurs pour définir la place des lieux de culte dans l’espace public, au sens territorial du terme, et les dynamiques de cohabitation qui les sous-tendent, dans la continuité de nos travaux sur le partage de l’espace urbain et la cohabitation interethnique (Germain et al. 1995)3. Le paradigme interactionniste formulé par Jean Remy nous permettait de voir comment se construit une dynamique sociale dans une situation d’échange indéterminée, mettant en présence des acteurs dont les ressources et les stratégies ne sont pas connues d’avance et vont au contraire se former au fil de la relation d’interaction. Ce processus aboutit éventuellement à des « compromis pratiques de coexistence », pour reprendre l’expression de Maurice Blanc.

Carte 1. – Localisation des lieux de culte minoritaire, île de Montréal.
6Cette approche suppose un matériel assez riche pour reconstruire l’évolution des positions des uns et des autres, ce que nous n’avons pu faire avec les douze dossiers, la conjoncture sociale et politique nous ayant singulièrement compliqué la tâche. On pense bien sûr aux événements du 11 septembre mais aussi à l‘« affaire du kirpan », une controverse locale retentissante sur le port du poignard sikh traditionnel par un élève dans une école montréalaise. Nous présenterons néanmoins un échantillon de ce type d’analyse appliqué à deux synagogues hassidiques situées dans deux quartiers contigus mais différents à plusieurs égards. Auparavant, on regardera rapidement quelques éléments contextuels avant d’aborder l’étude des enjeux sous-tendant l’évolution des attitudes des municipalités en matière de zonage, pierre angulaire du traitement des dossiers d’aménagement de lieux de culte. Nous nous attarderons quelque peu sur le cas d’une municipalité de banlieue4, Dollard-des-Ormeaux, où deux projets de mosquée ont échoué, avant de passer à l’analyse comparée de deux dossiers relatifs aux synagogues hassidiques.
Montréal : ville aux cent clochers...
7Ville multiculturelle par excellence depuis le xixe siècle, Montréal a vu son espace urbain se segmenter selon une combinaison complexe de divisions socio-économiques, ethnoculturelles (ou nationales), linguistiques ou religieuses, qui ont produit une mosaïque de quartiers différenciés. Cette « intégration par segmentation » (Germain et Rose 2000) a permis de contenir le potentiel de conflits associés à une ville aussi divisée (McNicoll 1993). Les immigrants majoritairement d’origine européenne venus s’établit dans ce qui est alors la métropole du Canada tout au long de la première moitié du xxe siècle vont perpétuer cette mosaïque tout en lui ajoutant des quartiers ethniques bien marqués qui, pour la plupart, se forment entre les aires associées aux deux groupes majoritaires : les anglophones dans la partie Ouest, les francophones dans la partie Est. Ces immigrants, juifs, italiens, grecs et portugais pour l’essentiel, vont transformer de façon substantielle les habitudes alimentaires des Montréalais en multipliant épiceries et restaurants. Si, sur ces plans (y compris le marché de l’emploi), ils feront rapidement leur place, sut d’autres, dont au premier chef la religion, ils se heurteront à une certaine forme d’inhospitalité. En effet, la confessionnalité du système scolaire québécois va sérieusement limiter l’accès des enfants juifs et grecs (définis comme non catholiques romains) aux écoles francophones, majoritairement catholiques, au profit notamment du secteur anglophone protestant et des écoles religieuses indépendantes. Il faudra attendre les années 1970 pour que des lois musclées changent les règles du jeu et finissent par faire de l’école francophone un lieu accueillant et intégrateur (aujourd’hui les écoles montréalaises francophones sont fréquentées en moyenne par près de 50 % d’élèves d’origine immigrante – McAndrew, à paraître). Et ce ne sera qu’en l’an 2000 que l’on substituera le linguistique au religieux dans les principes d’organisation du système scolaire. Entre-temps, le Québec aura traversé dans les années 1960 et 1970 ce que des journalistes torontois ont appelé une révolution tranquille, c’est-à-dire un changement social radical combinant modernisation, émancipation de la domination canadienne-anglaise et... sécularisation.
8À partir de 1970, l’immigration va peu à peu changer de visage pour être largement dominée par des immigrants provenant des pays du tiers monde (Asie, Afrique, Amérique latine, Caraïbes), alors que le Canada, comme le Québec, hausse sans cesse ses quotas d’immigration, particulièrement à partir des années 1990. Aujourd’hui, l’île de Montréal, qui accueille 70 % des immigrants admis au Québec, est multiethnique et plus du quart de ses habitants ne sont pas nés au pays. Une municipalité comme Saint-Laurent, qui n’avait pratiquement pas d’immigrants avant la Seconde Guerre mondiale, en compte aujourd’hui près de 50 %, et il est intéressant de noter que cette ville relativement prospère possède aussi un pourcentage élevé de minorités visibles5 (38 % au recensement de 2001). Une évolution rapide, donc, qui bouleverse aussi la géographie des lieux de culte. Selon nos estimations6, plus du quart des lieux de culte sur l’île de Montréal sont associés à des groupes immigrants ou ethno-religieux autres que catholiques romains ou protestants (ce qui ne tient pas compte des mouvements protestants de réforme radicale en croissance rapide, parmi lesquels on compte une forte proportion de personnes d’origine immigrante) (Gagnon et Germain 2002). Mais les changements sont aussi qualitatifs. Les nouvelles congrégations sont souvent de petite taille, ont des ressources limitées et tendent à s’implanter dans les espaces résiduels (zones industrielles ou commerciales de moindre attrait) quand elles parviennent à s’établir en site propre. Sinon, elles s’établissent dans des logements privés et nous verrons que les municipalités prohiberont de plus en plus ce type d’usage de l’espace dans les zones résidentielles. On assiste également à une forte croissance des temples et mosquées dont certains vont s’affirmer par des architectures particulières après avoir longtemps joué la carte de l’invisibilité et ce, notamment, dans les banlieues où s’installent aussi désormais les immigrants. Dans les banlieues résidentielles de « bungalows » typiquement nord-américaines, l’architecture de nouveaux lieux de culte parfois volumineux introduit un contraste symbolique fort. Par ailleurs, tant en banlieue que dans les quartiers centraux, les lieux de culte sont fréquentés en majorité par des minorités visibles. Enfin, et cette évolution est importante, de nombreux lieux de culte ne sont plus des équipements de proximité et drainent désormais une clientèle régionale. Cela veut dire que les lieux de culte ne sont plus nécessairement localisés dans le voisinage de leur communauté et signifie aussi que, en corollaire, nombre d’habitants sont de plus en plus amenés à côtoyer des lieux de culte qui leur sont « étrangers ».
Le zonage en crise
9Regardons à présent l’évolution des attitudes des municipalités en matière de zonage des lieux de culte, car c’est là que se joue l’essentiel des décisions d’aménagement. Cette évolution, à la fois quantitative et qualitative, est rapide. Montréal, la seule ville à avoir tenté de saisir les caractéristiques associées à l’augmentation des requêtes pour la construction ou l’agrandissement de lieux de culte, évite soigneusement de divulguer la comptabilité des requêtes de peur de stimuler encore plus la croissance observée. Les autres municipalités disent n’avoir pas « vu venir » cette croissance et, si elles ont commencé par faire preuve d’ouverture et de souplesse pour satisfaire la demande d’aménagement de lieux de culte (en site propre ou non), on voit rapidement se dessiner vers le milieu des années 1990 un changement d’attitude significatif. Plusieurs municipalités modifient leurs règlements de zonage à plusieurs reprises, de manière à restreindre le plus possible les secteurs où de nouveaux lieux de culte pourraient s’établir de plein droit. Dans le cas de la ville de Montréal, c’est l’adoption en 1994 d’un nouveau règlement de zonage destiné à protéger les édifices religieux existants qui va indirectement barrer la route aux nouveaux lieux de culte. La désaffection des nombreuses (d’où le surnom de ville aux cent clochers) églises catholiques et protestantes (et des synagogues) suscitant des opérations de reconversion de ces édifices à des usages plus lucratifs, la ville de Montréal entend freiner cette tendance au nom de la préservation du patrimoine. Mais ce faisant, elle ne permet l’établissement de nouveaux lieux de culte que là où d’autres lieux de culte existent déjà. Or, les églises catholiques, souvent monumentales et coûteuses à entretenir et à chauffer, conviennent peu aux nouvelles congrégations. Ces dernières doivent alors recourir à la procédure des permis spéciaux, une procédure discrétionnaire propre à la ville de Montréal qui lui permettait d’accorder des permis temporaires et non transférables sans changer le zonage. Une procédure dont les élus locaux vont vite saisir les avantages, tant pour bloquer des demandes que pour les faire passer au conseil municipal ! Par la suite, en 1998, la Ville change à nouveau son règlement de zonage pour permettre au moins l’établissement de lieux de culte dans les zones réservées au commerce de moyenne et haute densité. Mais devant la multiplication du nombre de requêtes (près de cent dossiers examinés sur une période de 18 mois) (Arteau 2000), le conseil municipal décide en 1999 de décréter un moratoire sur l’émission de tout nouveau permis de lieu de culte, en attendant de repenser tout le dossier et de revoir le zonage. Fallait-il, par exemple, traiter les lieux de culte comme des activités culturelles et communautaires ou encore les assimiler aux activités commerciales compte tenu du trafic et des problèmes de stationnement ainsi générés ? Comment protéger les quartiers résidentiels ? La réforme n’aboutira pas, les fusions municipales ayant entre-temps bouleversé les structures institutionnelles. Mais d’autres municipalités avaient, elles aussi, adopté des moratoires pour freiner l’expansion de lieux de culte sur leur Territoire.
10Quels motifs sous-tendent ce changement d’attitude qui prend les apparences d’une certaine fermeture à l’égard des nouvelles congrégations associées essentiellement (mais non exclusivement) aux minorités ethniques ? En analysant notre douzaine de dossiers ainsi que les entrevues plus générales effectuées avec les responsables municipaux au chapitre de l’urbanisme, nous avons dégagé un certain nombre d’enjeux qui entourent l’aménagement des lieux de culte des minorités ethniques. Certains s’appliquent à tout lieu de culte, mais d’autres concernent des clientèles particulières. Les uns et les autres doivent cependant être replacés dans un contexte plus général de montée des attitudes de type « pas dans ma cour » dans toutes les questions d’aménagement urbain.
Des enjeux multiples pour les municipalités
11Les fonctionnaires municipaux parlent volontiers de la raréfaction des terrains disponibles à coût abordable sur l’île de Montréal et aux alentours (c’est-à-dire là où se concentre l’immigration). L’espace apparaît d’autant plus rare lorsque la conjoncture économique s’améliore et que les municipalités pensent pouvoir attirer des entreprises sur leur territoire. Ainsi la municipalité de Dollard-des-Ormeaux, banlieue fortement multiethnique et bilingue de classe moyenne qui a accueilli de grands projets de temples hindous et sikhs au début des années 1990, change son règlement de zonage en 1996 pour ne plus permettre de lieux de cuire dans les zones industrielles et résidentielles afin de laisser la place à d’éventuelles entreprises de haute technologie. Il faut dire que les lieux de culte jouissent d’un « désavantage comparatif » majeur au Québec où une loi provinciale les exempte de taxes foncières et scolaires. Or, comme au Canada l’essentiel des revenus des municipalités dépend des revenus fonciers, on voit bien se profiler la tentation de considérer les lieux de cuire comme des « manques à gagner », pour reprendre la formule des fonctionnaires interrogés. Comme au surplus certains projets de lieu de culte se révèlent « gourmands en espace », car il s’agir de grands édifices qui contiennent, en plus d’une salle de prière, des équipements culturels et communautaires, leur accueil est pour le moins réservé. Une municipalité en négociation pour l’agrandissement de la plus grande mosquée au Québec demandera au gouvernement provincial de revoir la loi sur les exemptions fiscales, au grand dam, bien sûr, du groupe musulman concerné. Une autre négociera avec un autre groupe musulman pour que l’exemption ne soit appliquée que sut l’espace consacré au lieu de prière proprement dit. Or les équipements communautaires et culturels combinés aux lieux de prière constituent souvent l’occasion de tisser des liens avec le voisinage en ouvrant leur accès à tous les habitants ; c’est notamment le cas de plusieurs gymnases. Précisons que dans les deux cas évoqués plus haut il s’agit de banlieues relativement aisées mais qui, comme toutes les municipalités québécoises, n’ont pas le droit de faire de déficit.
12Un autre argument souvent invoqué par les municipalités pour refuser ou revoir en profondeur un projet de lieu de culte est de nature typiquement urbanistique. On invoque les « nuisances » associées à la fréquentation du lieu de culte et la protection de la qualité de vie des voisinages résidentiels. L’augmentation du trafic, les problèmes de stationnement ou de bruit causés par certaines cérémonies sont invoqués tant pat les urbanistes que par les habitants qui, de plus en plus, font entendre leur voix pour s’opposer à la venue d’un lieu de culte dans leur quartier.
13Ces arguments en cachent souvent d’autres, par exemple lorsqu’il s’agit d’une congrégation composée de « minorités visibles ». La construction du lieu de culte ne va-t-elle pas inciter les fidèles à venir s’établir dans le quartier pour s’en rapprocher et, ce faisant, changer l’équilibre démographique (ethnique) du quartier ? On commence par s’opposer à la construction d’une église : « Il y a déjà trop d’églises pentecôtistes dans le quartier [...], les gens ont choisi ce coin-là pour avoir accès à des commerces de voisinage », dira un élu municipal, à propos d’un projet présenté pat une congrégation majoritairement africaine. Puis un autre élu, s’opposant lui aussi au projet, finira par déclarer : « La vie évolue, maintenant il y a des immigrants, il y en a toujours eu à vrai dire, mais disons que maintenant ils sont plus visibles. De plus en plus dans les quartiers comme la Petite Patrie qui étaient très blancs et catholiques, on commence à en voit, et c’est sûr que ça heurte les valeuts, les sentiments des gens. »
14Parfois, les urbanistes et les élus font un travail de médiation important pour faire accepter un projet alors que les habitants n’en veulent pas. C’est le cas de l’agrandissement d’une mosquée à Laval dans un secteur non immigrant : les autorités municipales expliqueront aux riverains que sur le site projeté aurait pu s’établir un commerce plus bruyant ou odorant, ou encore attirant une clientèle indésirable (« or les musulmans ne boivent pas »), tandis que le porte-parole de la communauté musulmane, un ingénieur rompu aux relations interculturelles, fera preuve de pédagogie en décrivant le détail et la fréquence des activités futures de la mosquée.
15Un quatrième enjeu fait à l’occasion déraper des projets. Certaines municipalités, dont Dollard-des-Ormeaux, exigent un registre des membres de la congrégation et de leurs lieux de résidence pour s’assurer qu’il s’agit bien de contribuables et d’électeurs de la localité. Cet argument est à l’origine du refus d’un projet de mosquée et soulève la question du statut régional de plusieurs lieux de culte. On peut cependant penser que les récentes fusions municipales auront un impact sur cette logique territoriale étroite.
16Mais il n’est pas toujours possible de démêler les enjeux souvent fortement imbriqués les uns dans les autres et de faire la part des attitudes discriminatoires. Si l’on revient au cas de Dollard-des-Ormeaux, un autre refus de mosquée illustre bien cette complexité. Rappelons que cette municipalité a vu se construire ces dernières années plusieurs lieux de culte (synagogues, église grecque orthodoxe, temples hindous et sikhs, etc. ; en tout, cette ville de 45 000 habitants possède une quinzaine de lieux de culte, dont plusieurs sont relativement grands). Mais au fil des projets, les autorités locales se sont heurtées à plusieurs difficultés : délais de construction expirés, projets interrompus pour manque de fonds, piètre qualité des matériaux et des aménagements paysagers, etc. Les représentants des congrégations étaient d’ailleurs conscients des impacts de ces difficultés sur leurs propres dossiers. À ces éléments il faut ajouter l’amélioration de la conjoncture économique des dernières années et le changement de zonage qu’elle a induit, le tout menant à un « effet de saturation » en matière de lieux de culte. Or, la municipalité avait laissé s’installer (« On a fermé les yeux ») dans une synagogue désaffectée pour cause de faillite le groupe musulman évoqué plus haut dont les projets de construction avaient été refusés. Ce groupe revendit l’édifice quatre ans plus tard à un autre groupe musulman qui ne put obtenir de la municipalité l’autorisation d’y aménager une mosquée. « Pourquoi refuser aux musulmans ce qu’on avait jadis permis aux juifs ? », titra un quotidien montréalais (The Gazette, 9 décembre 2002). La municipalité invoqua le changement de zonage au milieu des années 1990. Aujourd’hui, Dollard-des-Ormeaux est devenu un arrondissement de la ville de Montréal et cette dernière s’est empressée de confier aux arrondissements toutes les questions de zonage, ce qui dans le cas qui nous occupe la dispensait d’avoir à prendre position.
17Difficile de démêler les différentes logiques à l’œuvre dans le dossier de cette mosquée : l’effet de saturation dont nous avons parlé plus haut, l’opportunisme municipal face au changement de conjoncture économique, l’effet de l’après-n septembre dans une banlieue où les juifs sont nombreux, etc. À ces logiques, il faut au surplus ajouter une réticence croissante des municipalités à l’égard de tout lieu de culte. Car ce qui transparaît dans une bonne partie des projets (dont certains ont été construits), c’est avant tout la difficulté de plusieurs autorités locales à reconnaître la diversité religieuse comme partie intégrante de la diversité ethnoculturelle et à lui faite de la place. C’est également ce problème que l’on va retrouver au cœur des deux controverses que nous allons exposer à présent (Gagnon 2002). Il ne s’agira plus cette fois de mosquées et d’une banlieue majoritairement anglophone, mais de deux synagogues situées l’une dans un quartier fortement multiethnique et l’autre dans une banlieue à majorité francophone. Ces cas peuvent être qualifiés de particuliers, voire d’extrêmes, dans la mesure où ils mettent en scène une minorité dans une minorité, en l’occurrence des juifs hassidiques. C’est une minorité installée depuis longtemps, à l’inverse des groupes évoqués jusqu’à présent qui représentaient davantage la nouvelle immigration. C’est aussi un groupe qui se distingue par des contraintes spatiales très fortes de nature religieuse en ce qui concerne la localisation des lieux de culte (proximité de la synagogue lors du Sabbat). Il s’agit enfin de controverses particulièrement vives, de ce fait peu représentatives du modus vivendi montréalais, mais qui permettent bien de faire ressortir la diversité des registres sur lesquels peuvent se dérouler les transactions sociales autour de lieux de culte ainsi que le rôle névralgique de l’espace local puisque, comme on le verra, une minorité peut presque y devenir majorité.
Ce que cohabiter veut dire
18Jusque dans les années 1950, les juifs étaient largement concentrés dans un secteur qui correspond aujourd’hui au quartier Mile-End dans Montréal et dans la section est d’Outremont, une municipalité voisine. Par la suite, la plupart des familles ont gagné d’autres quartiers et banlieues, pendant que le cœur de cette enclave se peuplait d’immigrants de divers pays, notamment de Grèce. Une exception cependant : les familles juives hassidiques, arrivées après la Seconde Guerre mondiale, qui vont y établir leurs institutions religieuses et culturelles et se tenir loin du reste de la communauté juive comme de la société d’accueil. La visibilité de cette communauté (longs manteaux de soie noire et chapeaux de fourrure lors du Sabbat ainsi que port de la barbe et de papillotes pour les hommes et de perruques – sheitl – pour les femmes) permet probablement plus facilement d’entretenir cette distance (les représentants hassidiques parlent souvent de mur protecteur) exigée en partie par des préceptes religieux. On estime leur nombre à 6 000, ce qui représente près d’un cinquième de la population locale (Shahar et al. 1997).
19Notre premier cas concerne une synagogue située depuis le début des années 1950 dans deux bâtiments résidentiels adjacents du quartier Mile-End. Un agrandissement avait été autorisé en 1971 et l’achat d’un troisième bâtiment en 1989. À cette époque, les résidents, soucieux de préserver le caractère résidentiel de la rue et préoccupés par les nuisances éventuelles induites par cet agrandissement (éclairage excessif, bruit, trafic, stationnement, etc.), forment un comité de rue, font valoir leur point de vue à la ville de Montréal et finissent par s’asseoir avec les porte-parole de la communauté hassidique pour négocier les conditions auxquelles pourrait être soumis l’octroi du permis demandé. On finit par s’entendre sur un certain nombre de conditions qui seront entérinées par la Ville, notamment l’installation d’un système de ventilation permettant de garder les fenêtres fermées et donc d’atténuer le bruit, et surtout l’engagement de ne pas demander de permis d’agrandissement pendant dix ans. Pendant cette période, des négociations informelles (reposant sut de bonnes relations interpersonnelles entre les porte-parole des habitants et de la communauté) porteront sur la gestion quotidienne du partage de l’espace. Le moratoire ayant expiré en 1999 et la communauté hassidique s’étant agrandie (notamment en raison d’un taux de natalité élevé), les résidents non hassidiques craignant un nouvel agrandissement se sont remobilisés et ont tenté d’obtenir des juifs hassidiques l’engagement écrit de renoncer à tout agrandissement, ce que ces derniers prirent fort mal car cela contrevenait aux relations interpersonnelles qui avaient prévalu jusque-là. Une nouvelle demande d’agrandissement fut déposée à la Ville. Elle suscita de nombreux débats et consultations entre cette dernière et les résidents non hassidiques et déboucha sur un consensus, du moins le pensait-on : la première entente n’ayant pas été respectée dans son intégralité (terrains mal entretenus, stationnement anarchique, etc.), il fallait refuser d’accorder le permis si l’on voulait préserver le caractère résidentiel de la rue. Mais c’était oublier le pouvoir des élus et notamment celui du président de la commission d’aménagement et du développement urbains, lui-même un juif orthodoxe. La synagogue fut donc agrandie.
20Si l’histoire se termine mal aux yeux des résidents, il faut quand même souligner le rôle majeur joué pendant longtemps par les négociations pragmatiques menées par la société civile (en dialogue avec les services municipaux dont celui des affaires interculturelles) et surtout le fait qu’elles reposaient sur la « commune reconnaissance de la légitimité de chacun à être là », pour paraphraser Yves Grafmeyer (1999). Le Mile-End fut un des premiers quartiers d’immigration de Montréal et, après une période de déclin, il connaît une certaine renaissance depuis les années 1980 avec l’arrivée de gentrificateurs attirés par les loyers peu élevés. Très scolarisés (à la différence des populations ouvrières et de petits cols blancs du quartier), pas toujours de statut aisé, mais valorisant les commerces « ethniques » et les artères commerciales densément fréquentées, ils sont à l’origine d’une image de quartier cosmopolite7 qui vient cristalliser une convergence des rapports au quartier (Rose 1995). Cette représentation partagée n’est pas étrangère au fait qu’à plusieurs occasions les juifs hassidiques ont participé à des mobilisations collectives se portant à la défense du quartier.
21Le second cas illustre un registre de transaction marqué par ce qu’on pourrait appeler une spirale judiciaire. Il a pour théâtre un secteur limitrophe au précédent mais situé dans une petite municipalité de 22 000 habitants, globalement bien différente du Mile-End. Outremont a en effet la réputation d’être un bastion de la classe moyenne francophone, même si sa réalité socio-économique est plus variée dans certains secteurs8. Trop petite pour avoir un service d’urbanisme, la Ville n’en dispose pas moins depuis le début du siècle d’un ensemble de règlements assez stricts pour protéger les propriétés des résidents et leur qualité de vie. Ainsi le zonage a toujours été assez restrictif concernant les lieux de culte qui ne sont autorisés à toutes fins pratiques que sur deux artères commerciales fréquentées. En 1988, une congrégation hassidique souhaitant ériger une synagogue sur une rue zonée d’usages mixtes (résidentiel/commercial) demande un changement de zonage. Conformément à la loi sur l’aménagement et l’urbanisme (qui soit dit en passant ne s’applique pas à Montréal), une assemblée publique est convoquée. Elle sera turbulente et la congrégation sera obligée de se relocaliser. Elle établit alors une salle de prière au rez-de-chaussée d’un immeuble résidentiel où aurait dû s’ouvrir une croissanterie et où il y avait donc des droits acquis. Mais devant la levée de boucliers que cette installation suscita à nouveau, la congrégation acheta un immeuble sur une rue commerciale. Des résidents présentèrent deux plaintes contre la municipalité devant la Cour supérieure du Québec pour empêcher la construction de la synagogue, accusant la municipalité de ne pas respecter ses propres règlements de zonage. Ils perdirent leur cause (la Cour donna raison à la municipalité qui avait agi à l’intérieur de son pouvoir discrétionnaire), mais un autre contentieux allait les remobiliser contre les juifs hassidiques. Ce serait la bataille de l’érouv.
22L’érouv est un mince fil de fer suspendu qui permet aux juifs hassidiques d’étendre symboliquement le périmètre de leur espace privé, de manière à pouvoir effectuer certaines activités normalement interdites (pat exemple, porter un objet ou pousser un landau) lors du Sabbat ou des fêtes religieuses. Plusieurs municipalités de l’île de Montréal ont accepté leur installation mais Outremont l’a démantelé à plusieurs reprises, estimant que les municipalités devaient rester neutres en matière de religion et ne pouvaient permettre l’appropriation d’une partie de l’espace public à des fins religieuses. Les juifs hassidiques se sont donc adressés à la Cour supérieure du Québec qui a reconnu l’obligation constitutionnelle qu’avait la municipalité de faciliter la pratique religieuse de ses citoyens tant que cela ne causait pas de préjudice aux autres citoyens9. Cet argument fut vertement critiqué pat le Mouvement laïque québécois (MLQ) qui soutenait que l’érouv ne servait pas à pratiquer la religion mais bien à y échapper, puisqu’il s’agissait d’une astuce pour éviter les interdits religieux. À un autre argument de la Cour affirmant que les zones délimitées par l’érouv ne revêtent un caractère religieux que pour ceux qui y croient, le MLQ estima quant à lui que l’érouv représentait ni plus ni moins qu’un « nouveau type de zonage de quartier religieux », venant empiéter sur l’espace public, alors que ce dernier devait tester laïque pour être inclusif.
23Dans cette succession de controverses, on voit bien qu’au fil du contentieux se construit un espace d’affrontements qui débouchera rapidement sur un registre juridique et fera appel à une instance supérieure. À la différence de ce qui se passe dans le Mile-End, le débat (ou le combat) monte en généralité. Loin de porter sur les conditions concrètes de la cohabitation, les controverses à Outremont ne sont finalement qu’un prétexte pour exprimer des conflits reposant sur la confrontation des valeurs et des modes de vie, chacun voyant dans l’autre une menace à sa propre identité, ce qu’on pourrait appeler l’effet miroir. La conception de l’espace public et de ses usages y est centrale : les uns défendant une laïcisation émancipatrice (niée par les contrôles exercés par les juifs hassidiques sur leurs femmes et leurs enfants), les autres dénonçant le laxisme moral (qui autorise par exemple le port de maillots de bain dans les parcs). En somme, deux visions « assimilationnistes » qui poussent chacun à se replier sur son groupe de référence, en espérant ultimement éliminer l’autre du paysage.
24En fait, cette dynamique est largement façonnée par un contexte dans lequel la classe moyenne francophone (incluant des immigrants d’origine européenne) se sent mise en minorité par une communauté hassidique en expansion rapide et dont les stratégies immobilières et de concentration spatiale menacent le patrimoine des natifs. Les deux groupes s’affrontent sur le marché très compétitif de la propriété immobilière (44 % des Outremontois sont propriétaires), et ces stratégies attisent sans nul doute les attitudes « Nimbystes ». Dans un sens, les juifs hassidiques ne représentent pas des nouveaux venus, mais plutôt une minorité installée de longue date qui, par ses comportements natalistes, est en train, localement, de renverser le rapport minorité/ majorité. Or, cette ancienne minorité incarne tout ce que les « Canadiens français » rejetèrent lors de la révolution tranquille ; la soumission au groupe, la soumission de la femme, l’emprise de la religion sur la vie quotidienne et son affichage dans l’espace public.
25La controverse d’Outremont est, répétons-le, exceptionnelle par son acuité, sa durée (elle n’est pas terminée) et même sa violence (les accusations de vandalisme pleuvent de part et d’autre) comparée au modus vivendi qui prévaut généralement en matière de cohabitation interethnique à Montréal. Mais son hypermédiatisation l’a jusqu’à un certain point délocalisée. En effet, les médias en ont fait état en abondance. Elle a par ailleurs fourni au Mouvement laïque québécois l’occasion de faire entendre sa voix et d’articuler un discours sur la neutralité de l’espace public qui s’est depuis répandu10.
En guise de conclusion
26Ces deux cas de controverse illustrent le rôle déterminant joué par les dynamiques locales, y compris la société civile, dans les dossiers d’aménagement des lieux de culte ainsi que la variété des attitudes dans deux secteurs pourtant limitrophes. Mais ils témoignent aussi, à l’instar des autres cas évoqués dans ce texte, du malaise suscité par l’aménagement des lieux de cuire des minorités ethniques. Pourtant la diversité religieuse n’est pas un phénomène récent à Montréal et, dans un des plus anciens quartiers d’immigration comme le Mile-End, différents cultes se sont succédé tout au long du xxe siècle dans de mêmes édifices ou se sont côtoyés dans un tissu résidentiel serré sans trop de problèmes (Bronson 2002). Mais l’immigration et son insertion spatiale sont aujourd’hui bien différentes : les immigrants sont plus nombreux au point d’être parfois localement majoritaires ; ils sont plus visibles car ne sont plus majoritairement d’origine européenne et de face blanche ; les quartiers multiethniques deviennent la règle plutôt que l’exception suf l’île de Montréal ; les religions non occidentales sont florissantes. Et tout cela dans un laps de temps somme toute assez court, trop court en tout cas pour permettre les adaptations organiques et faire l’économie de crises et d’effets de saturation.
27Il n’en reste pas moins que la diversité religieuse représente une dimension bien particulière de la diversité culturelle et que, dans ce domaine, l’Autre peut y apparaître plus inassimilable, pour paraphraser Iris Young (Unassimilated Other, 1990). L’hospitalité y prend peut-être des allures plus complexes et devient une question sensible, c’est-à-dire une question à fort contenu symbolique qui mobilise les affects, témoigne d’une peur de stigmatiser mais s’avère en bout de ligne révélatrice de situations latentes.
28Si, comme l’écrit Anne Gotman, « l’hospitalité est au sens propre l’espace fait à l’autre » (2000 : 2) et si, comme elle le précise, il ne s’agit pas de n’importe quel espace puisqu’il est question de « propension à sacrifier une part du chez soi » (ibid. : 5), on voit bien ce que peut représenter l’aménagement des lieux de culte des nouvelles minorités. Tant que ces dernières occupent des espaces désaffectés, périphériques, bref non valorisés, leurs lieux de culte n’impliquent « aucun sacrifice » de la part de la société d’accueil. Même chose s’ils passent inaperçus ; comme nous l’explique un leader musulman qui ne souhaite pas voir son centre islamique reconnu comme une mosquée : « ... notre projet n’est pas très grand, pas très visible, [...] c’est un petit centre islamique, on n’a pas demandé la construction d’une grande mosquée, [...] on n’a donc pas testé leur tolérance et leur ouverture. » Mais lorsque l’espace est tare ou que le projet est visible, le rapport n’est pas le même, c’est comme laisser l’autre entrer chez soi. Or, cet autre s’incarne dans un bâtiment, fait en principe pour durer. En d’autres termes, « l’autre est là pour rester ». La relation d’hospitalité est terminée et c’est peut-être là que se loge le malaise. On l’a dit : le paysage de l’immigration au Québec a changé. Or la question des lieux de culte incarne l’altérité radicale dans une société qui ne s’affirme laïque que depuis bien peu de temps et tend à nier ses racines religieuses. Pourquoi se surprendre dès lors de la difficulté à apprivoiser la diversité religieuse ?
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Notes de bas de page
1 Je ne saurais passer sous silence le travail considérable accompli par mon assistante, Julie Elizabeth Gagnon, étudiante au doctorat en études urbaines, et la précieuse collaboration d’Anne-Lise Polo, Ali Daher et Linda Ainouche.
2 Notre échantillon comprend 2 synagogues, 5 églises pentecôtistes (une église africaine, une église haïtienne, une église italienne et deux églises multiethniques), 1 temple hindou (mandir), 2 temples sikhs (gurdwaras) et 3 mosquées (2 sunnites et 1 chiite).
3 Des études de cas sur des mosquées et des synagogues (dont celles dont il sera question plus loin) ont été entreprises par Julie Elizabeth Gagnon dans le cadre de sa thèse de doctorat en études urbaines.
4 Nos enquêtes ayant été essentiellement réalisées avant la fusion de toutes les municipalités de l’île de Montréal pour former la nouvelle ville de Montréal, nous utiliserons les anciens découpages municipaux.
5 Selon la loi de l’équité en emploi, l’expression « minorités visibles » s’applique aux personnes (autres que les autochtones) qui « ne sont pas de race blanche ou n’ont pas la peau blanche ».
6 Il est intéressant de noter que le recensement canadien, réputé pour ses nombreuses questions relatives à l’origine ethnique, l’appartenance aux minorités visibles, etc., ne comprenait en 1996 aucune question sur la religion !
7 Ou pour prendre un terme moins chargé, de quartier mixte au sens donné par Amin : « Mixed neighbourhoods need to be accepted as the spatially open, culturally heterogeneous and socially variegated spaces that they are, not imagined as future cohesive or integrated communities » (2002 : 972).
8 Outremont compte une plus faible proportion d’immigrants que l’ensemble de l’île et ses immigrants proviennent pour plus de la moitié de pays européens (le cinquième des immigrants ont la France pour pays de naissance, pays où, notons-le dès à présent, la laïcité est cardinale). La proportion de minorités visibles y est aussi beaucoup plus faible qu’ailleurs. Enfin, les immigrants d’Outremont sont nettement plus scolarisés que leurs confrères du reste de l’île, et leur taux de chômage est aussi deux fois plus faible.
9 À la question des inconvénients éventuels causés par un érouv, un citoyen avait évoqué le cas des cerfs-volants !
10 Outremont concentre aussi une portion non négligeable d’intellectuels et de professeurs d’université qui ont pu relayer la controverse en d’autres sphères de la vie montréalaise.
Auteur
Université du Québec — INRS Urbanisation, culture et société
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