Appendice I. Parasites et maladies nuisibles au riz au Tonkin
p. 303-327
Texte intégral
1Les dégâts occasionnés par les insectes et certaines maladies sont des causes importantes de diminution du rendement de la rizière. Ils existent presque toujours à l’état latent, mais leur virulence ne se fait sentir qu’à la suite de circonstances favorables de température et d’humidité : on voit alors se développer subitement un parasite qui depuis longtemps ne s’était pas signalé par des dégâts importants : une forte sécheresse amène les sauterelles, une forte humidité le développement des maladies cryptogamiques.
2Les cultivateurs restent trop souvent passifs, s’ils ne voient pas nettement l’origine du mal, comme dans le cas d’insectes minant la tige ou d’une maladie crypto-gamique : ils accusent le ciel, les mauvais génies. Mais quand ils voient le parasite, ils cherchent volontiers les moyens de le détruire.
3Malheureusement, ils espèrent toujours que le mal ne s’étendra pas et que les dégâts passeront inaperçus.
4Si les prières et les offrandes n’ont rien changé, ils se décident à lutter ; il est souvent trop tard et l’opération devenue coûteuse par l’extension des dégâts ne sera pas compensée par le bénéfice d’une récolte déficitaire.
5Nous allons passer en revue successivement les principaux parasites et maladies attaquant le riz :
- Insectes déprédateurs du riz en végétation
- Crabes (crustacés)
- Rats
- Parasites végétaux (maladies cryptogamiques)
- Parasites du paddy en magasin
- Insectes et animaux utiles de la rizière
I. INSECTES DÉPRÉDATEURS DU RIZ EN VÉGÉTATION
A. LÉPIDOPTÈRES
Lépidoptères parasites de la tige
1° Schœnobius bipunctiferus : lépidoptère Pyralidæ
6C’est la pyrale à deux points. Elle ne semble avoir qu’une seule plante hôte le riz, ce qui est assez rare. Au Tonkin où toute l’année cet insecte peut trouver cette plante, cela ne semble pas extraordinaire ; mais en Cochinchine il n’y en a pas pendant plusieurs mois. La pyrale est signalée dans toutes les rizières d’Extrême-Orient.
- Decription : l’adulte femelle est un petit papillon de 24 à 30 mm d’envergure. La tête est prolongée par les palpes formant bec ; les yeux assez gros et saillants noirs ; les antennes fines. La tête, le corps et les ailes supérieures sont couverts d’écailles jaunâtres ; les ailes supérieures portent une tache petite, noire, plus ou moins apparente, les ailes postérieures sont presque incolores. Le mâle est plus petit. Les ailes sont recouvertes d’écailles gris sale avec des lignes transversales noires peu indiquées. Les œufs sont pondus en amas et recouverts d’écaillés jaune brunâtre provenant de l’abdomen de la femelle. La ponte de forme ovale mesure de 5 à 7 mm de long et contient en moyenne une cinquantaine d’œufs. Une femelle pondrait deux ou trois fois. A l’éclosion, la petite larve, d’environ 1,5 mm de long, est poilue et presque noire ; après la première mue, elle devient blanchâtre avec la tête brunâtre ; à complet développement, elle atteint 2,5 à 3 cm. La chrysalide mesure 1 à 1,5 cm de long ; d’abord blanchâtre, elle devient grisâtre avec des teintes rosées, puis brunâtre.
- Biologie : la femelle pond ses œufs dans le tiers supérieur de la face inférieure des feuilles. L’éclosion a lieu au bout de quatre à sept jours suivant les saisons. Les petites chenilles se dispersent sur les feuilles, se nourrissant des tissus tendres ; en creusant un petit trou, elles pénètrent dans la gaine puis à l’intérieur des jeunes tiges. La larve se nourrit des tissus internes ; elle descend jusqu’à la racine, perforant les nœuds qu’elle rencontre ; s’ils sont trop durs, elle sort de la tige par un trou pratiqué au-dessus. Arrivée au bas de la tige, la chenille sort à la recherche d’une autre tige ; mais auparavant elle se confectionne un fourreau de protection au moyen de feuilles réunies par des fils de soie qu’elle secrète. Ce fourreau lui permet de circuler au besoin à la surface de l’eau. Ayant trouvé la tige à sa convenance, elle y perce un trou d’entrée, quitte son fourreau et pénètre dans la nouvelle plante ; elle change ainsi plusieurs fois – en moyenne trois ou quatre – de tige au cours de son existence. Au bout de vingt ou vingt-cinq jours, la chenille qui a atteint son complet développement se transforme en chrysalide dans la partie inférieure de la tige, un peu au dessus du plan d’eau. Auparavant, elle a ménagé pour le futur papillon un trou de sortie, fermé par un opercule en soie. Elle se tisse un cocon et devient chrysalide. La nymphose dure de quatre à huit jours suivant les individus et l’époque de l’année. Les papillons sortent, se nourrissent, s’accouplent et pondent ; les femelles meurent aussitôt après la ponte.
- Dégâts : dans les mạ, les chenilles font bien mourir quelques plants mais les dégâts sont surtout importants dans les riz repiqués où toutes les tiges attaquées ne donnent pas d’épis. Si l’attaque précède l’épiaison, les grains de « l’épi blanc » caractéristique de la pyrale sont vides. Dans les rizières très attaquées, les dégâts peuvent atteindre 30 % de la récolte, on a même signalé 60 %. Leur importance dépend des conditions atmosphériques : pluie, vent, etc., qui entravent la multiplication des pyrales. Mais surtout les œufs de Schœnobius bipunctiferus sont fréquemment parasités par plusieurs petits hyménoptères de la famille des Chalcidiens ; on rencontre souvent 30 % des pontes détruites par ces précieux insectes.
- Lutte : l’agriculteur doit viser les œufs, la larve et la chrysalide. Contre le papillon il ne peut rien ou pas grand chose ; les pièges lumineux employés maintes fois (au Japon par exemple) n’ont pas donné de bons résultats.
- Récolte des œufs. Les pontes, facilement reconnaissables, subsistent au moins quatre jours ; on peut les faire récolter par des enfants, main-d’œuvre peu coûteuse. Dans les riz récemment repiqués et jusqu’avant l’épiaison, on peut circuler entre les lignes sans trop de dommage. Le bénéfice de cette opération est sûr.
- Enfouissement des chaumes et inondation après la récolte. Au moment de la récolte les chenilles sont adultes et se tiennent à la base des chaumes ; si on retourne les chaumes et qu’on irrigue, elles ne peuvent résister. L’enfouissement sans inondation peut donner des résultats mais le plus souvent des papillons réussissent à sortir de leur prison, la charrue annamite ne retournant que très imparfaitement la terre ; la charrue améliorée donnerait de meilleurs résultats.
- Inondation simple de la rizière. Sans labour il faut maintenir l’eau quinze jours à un mois pour que toutes les larves soient tuées, ce qui est souvent difficile en rizières du dixième mois.
- Récolte des tiges à épi blanc. A la récolte il faut arracher complètement les tiges à épi blanc : elles contiennent presque toujours une larve ou une chrysalide, et les brûler avant que l’insecte ne se soit transformé en papillon. Leur récolte avant moisson, au fur et à mesure de l’apparition, n’est pas à conseiller, car on ne peut circuler à ce moment dans les rizières sans commettre de dégâts.
2° Sesamia inferens : lépidoptère Noctuidœ
7C’est une espèce très nuisible mais irrégulièrement répartie en Indochine. La région de Nam-Dinh au Tonkin et le Nord-Annam en souffrent souvent.
- Description : l’adulte est couleur feuille de roseau sec. Le papillon est du type des noctuelles. Les œufs sont pondus à la face inférieure des feuilles en amas irréguliers recouverts de quelques poils gris jaunâtres. La larve est plus grosse que celle du Schœnobius bipunctiferus ; elle est blanchâtre et légèrement poilue.
- Biologie : les petites larves sortent des amas d’œufs pondus sur les feuilles qu’elles commencent à dévorer, puis pénètrent dans la tige de riz à sa partie supérieure. Elles en dévorent l’intérieur, descendant peu à peu vers la base, comme Schœnobius. Mais elles sont plus vigoureuses et plus voraces ; elles peuvent sortir de la tige, et, cachées dans les gaines, dévorent les tissus tendres qu’elles rencontrent. Arrivées à complet développement elles se transforment en chrysalide dans la tige ou les gaines ; parfois même au pied de la touffe entre les chaumes. Contrairement à Schœnobius on rencontre souvent plusieurs larves dans une tige. On les a vu cohabiter avec Schœnobius mais dans ce cas un nœud les sépare. Leur mode de vie est en somme semblable à celui des Schœnobius mais le cycle évolutif est plus long : il n’y a vraisemblablement que deux ou trois générations par an. Les Sesamia vivent également sur le maïs, la canne à sucre, le sorgho et de nombreuses graminées.
- Dégâts : ils sont aussi importants que ceux de la pyrale ; la tige attaquée meurt généralement avant l’épiaison.
- Lutte : les moyens employés contre la pyrale sont applicables ; il faut en outre détruire les herbes des diguettes qui hébergent également le parasite. On cherche à noyer et enterrer les chaumes pour détruire les larves et chrysalides.
3° Chilo simplex (C. cuppressalis)
8Ce lépidoptère n’est pas répandu uniformément en Indochine. Au Tonkin, les dégâts causés sont rares ; en Nord-Annam, ils sont plus fréquents, mais jamais aussi importants qu’en Cochinchine. Chilo simplex vit aussi sur le maïs, la canne à sucre et plusieurs graminées sauvages des diguettes de rizières.
- Description : « le papillon porte des dessins de couleur rouille sur un fond jaune paille. Les ailes antérieures sont marquées d’un V très ouvert brun rougeâtre, leur marge postérieure est bordée d’une large bande de couleur rouille, piquée de petits points bruns et porte une frange ciliée. Les ailes inférieures sont d’un gris très clair uniforme et portent également une délicate frange de cils. La chenille est blanche avec cinq bandes longitudinales étroites d’un violet pâle, dont une dorsale et quatre latérales, les deux externes étant le plus souvent à peine distinctes. La tête et le premier anneau thoracique sont noir brillant. Sa longueur dépasse rarement 15 mm »2 . Les œufs sont jaunes, petits et plats ; ils sont déposés en file et par deux le long des nervures de la feuille à la face inférieure. La chrysalide d’environ 1 cm est d’abord très claire, puis brun rougeâtre.
- Biologie : au bout de sept jours environ, les petites chenilles sortent des œufs et circulent sur les feuilles cherchant un abri : elles se glissent sous les gaines, dévorant les tissus et finalement pénètrent à l’intérieur des tiges. En grossissant, leur appétit augmente ; les pieds atteints jaunissent et pourrissent, surtout si les chenilles sont nombreuses dans la même tige. Elles détruisent quelquefois l’épi encore dans sa gaine. Enfin elles provoquent aussi les « épis blancs ». Les chenilles atteignent leur complet développement au bout de vingt à trente jours suivant la saison. Elles se transforment en chrysalide dans le chaume après avoir ménagé un orifice pour le papillon qui sortira après une nymphose de huit à dix jours. Le cycle évolutif est de cinquante à soixante jours, plus long que celui de la pyrale.
- Dégâts : ils peuvent être très élevés, la destruction des jeunes larves par les agents naturels et les parasites est certainement plus faible qu’avec la pyrale car les jeunes chenilles, circulant beaucoup moins longtemps au dehors, sont moins exposées à leurs ennemis. En Cochinchine, des rizières entières sont ravagées par cet insecte. Généralement, ses dégâts s’ajoutent à ceux de la pyrale à deux points.
- Lutte : il faut toujours détruire les chaumes après la récolte en les enfouissant par un labour et inonder la rizière. Dans le cas de Chilo simplex, il faudrait détruire aussi la paille qui, bien qu’à moitié sèche, peut renfermer des larves pas encore mûres. Mais les paysans ont besoin de la paille comme combustible. La récolte des pontes par des enfants peut être pratiquée tant que la circulation dans la rizière n’est pas nuisible. Les pontes de Chilo étant moins visibles que celles de Schœnobius le ramassage ne donne pas d’aussi bons résultats.
Lépidoptères parasites des feuilles
1° Parnara sp. : lépidoptère Hespériidæ
9Plusieurs espèces de Parnara parasitent le riz mais leurs dégâts sont identiques.
- Description : les papillons sont noir brunâtre, les ailes ont quelques taches anguleuses blanches ou jaunâtre, les antennes sont terminées par une massue, l’abdomen effilé. Les chenilles de P. Mathias sont vert clair avec une ligne latérale jaunâtre. La tête, blanchâtre avec sur la face deux raies brun rouge convergeant vers le sommet, est très caractéristique. Les œufs sont petits, lisses et de couleur crème. La chrysalide, vert pâle, donne l’impression de transparence.
- Biologie : la femelle pond ses œufs séparément sur les feuilles. Au bout de trois à cinq jours, les petites chenilles sortent et confectionnent un fourreau en réunissant plusieurs feuilles de riz avec des fils de soie. Elles dévorent ce fourreau de l’intérieur en commençant par la partie supérieure, puis en confectionnent un autre. Le stade larvaire dure une vingtaine de jours. Arrivées à complet développement, les chenilles se tissent à l’intérieur du fourreau un cocon très lâche et se transforment en chrysalide. Les papillons sortent au bout de cinq à dix jours. On les voit voler très rapidement dans les rizières pendant la journée.
- Dégâts : les femelles des divers Parnara sont très voraces ; leurs dégâts seraient à craindre s’ils étaient capables de se multiplier intensivement ; mais heureusement ces chenilles sont très mal protégées contre leurs ennemis : oiseaux, insectes parasites et prédateurs. Plusieurs hyménoptères parasitent les larves et la cicindèle des rizières les attaque dans leur demeure ; les œufs sont vidés par les larves de certains névroptères.
- Lutte : le paysan n’aura que très rarement besoin de lutter ; s’ils apparaissent plus nombreux, formant des taches dans les rizières, il coupera les fourreaux de feuilles renfermant les chenilles et les écrasera.
2° Arestha pennatula F. (Dasychira securis Hb.) : lépidoptère Lymantriidæ
10Ce lépidoptère est répandu partout au Tonkin, sa chenille dévore les feuilles du riz.
- Description : le papillon femelle a les ailes antérieures allongées et terminées en pointe, de couleur gris jaunâtre ; chez le mâle le bord des ailes est arrondi. Une bande brune traverse longitudinalement l’aile antérieure, s’élargissant en allant vers le bord. L’envergure est de 34 mm chez le mâle et de 50 mm chez la femelle. Les œufs, recouverts d’une substance brillante et transparente, sont pondus par plaque de vingt-cinq à cinquante. La chenille est couverte de poils disposés en touffe : deux grandes touffes grisâtres partant en avant du thorax de chaque côté de la tête, quatre séries de touffes brun rouge sur les quatre premiers anneaux de l’abdomen, un paquet de poils allongés horizontalement sur le dernier et de nombreuses touffes de poils plus petits sont disposées en ligne sur tout le corps. La chenille adulte mesure environ 40 mm. La chrysalide brun clair est renfermée dans un cocon allongé et lâche jaune sale.
- Biologie : les œufs sont pondus par plaques à la face supérieure des feuilles et vers l’extrémité. Au bout de quatre à sept jours, les petites chenilles sortent et circulent sur les feuilles pour se nourrir des tissus les plus tendres. A ce moment elles sont uniformément poilues et noires. Après plusieurs mues, elles prennent peu à peu la forme décrite plus haut. Pendant un mois, elles dévorent les feuilles des plantes-hôtes. Pour se transformer en chrysalide, elles construisent leur cocon horizontalement entre les chaumes. Les papillons sortent au bout de six à dix jours.
- Dégâts : ils ne sont pas importants ; l’espèce doit être parasitée, car beaucoup de chenilles n’atteignent pas la nymphose. Néanmoins certains champs sont ravagés.
- Lutte : le seul moyen de lutte est le ramassage des chenilles et des pontes des invasions importantes.
3° Spodoptera mauritia : lépidoptère Noctuidœ
11Désigné couramment, sous le nom de « parasite des mạ », il est très répandu et dangereux.
- Description : le papillon a une envergure de 32 à 44 mm. Les ailes brun sombre ont une bande grisâtre peu nette traversant l’aile entre les deux taches ordinaires ; deux taches noires sont plus ou moins visibles. Une fine ligne blanche, sinueuse suit le bord externe de l’aile. Les ailes inférieures sont blanchâtres, légèrement enfumées. La ponte forme un amas allongé recouvert des poils de l’abdomen de la femelle. Dans son jeune âge, la chenille est vert clair avec des bandes longitudinales très peu marquées. A complet développement, elle prend des teintes foncées : sur le dos une bande médiane grenat est formée réellement de trois lignes de cette couleur très rapprochées, puis de chaque côté une bande vert sombre marquée sur le bord externe d’une ligne interrompue de traits noirs en lunule, ensuite une bande rosée et une bande vert sombre latérales et au niveau des stigmates une bande rosée plus ou moins foncée ; la partie ventrale est vert jaunâtre ; elle mesure alors 30 à 40 mm. La chrysalide, d’abord vert pâle, devient brun rouge foncé ; elle mesure 13 à 20 mm.
- Biologie : la femelle pond ses œufs à la face inférieure des feuilles, en masse allongée. La ponte peut être très importante : deux cents à quatre cents œufs, d’où l’apparition formidable et subite dans certaines régions. A leur éclosion les jeunes chenilles dévorent les feuilles de riz et de nombreuses autres graminées des diguettes. Le jour, elles se tiennent à la base des touffes à l’abri de la lumière et de la chaleur. La nuit elles « broutent » les mạ ou les riz repiqués ; elles vivent en bande : quand la nourriture est devenue insuffisante, elles émigrent en rangs serrés, sur les diguettes qu’elles broutent au passage ; elles peuvent parcourir de grandes distances. Pour se transformer en chrysalide, elles choisissent un sol exempt d’eau, les diguettes généralement. Mais si elles sont sur des touffes entourées d’eau, elles sont forcées de se nymphoser entre les tiges, s’entourant de débris végétaux qui leur tiendront lieu de cocon. Les papillons apparaissent sept à dix jours après.
- Dégâts : ils peuvent être très importants. Au Tonkin, ils attaquent surtout, en juin et juillet, les mạ du dixième mois. Au début, les chenilles passent inaperçues de par leur couleur et leur appétit modéré ; aux deux derniers âges, elles sont très voraces et en une nuit peuvent anéantir une parcelle entière. Les dégâts sur les riz repiqués sont les plus à craindre, car la végétation en est très retardée, et en cas d’élévation du plan d’eau, les plantes peuvent mourir. Les rizières les moins irriguées sont les plus atteintes ; c’est ce qui explique les attaques généralement localisées sur les mạ.
- Lutte : le meilleur moyen de lutte est l’eau : les chenilles quittent leurs abris et gagnent la partie supérieure des touffes ; beaucoup se noient, surtout au moment d’une mue ou près de la nymphose. Lorsqu’elles sont en haut des plants momentanément inondés, il est facile de les récolter avec des filets râteaux pour les détruire. Sur les riz repiqués, les dégâts n’intéressent généralement qu’une partie du champ : il faut isoler par un fossé plein d’eau la parcelle atteinte pour éviter que les chenilles ne gagnent les plants encore sains ; puis on les ramasse. Le ramassage des pontes est possible comme pour tous les parasites. Après la récolte il faut labourer les chaumes et inonder les rizières atteintes pour enterrer les chrysalides.
4° Cirphis : lépidoptère Noctuidœ
12Plusieurs espèces existent au Tonkin, deux s’attaquent au riz et à diverses graminées : C. unipuncta et C. Loreyi ; elles sont répandues dans le monde entier. La première est fréquente au Tonkin et chaque année commet des ravages à la récolte du dixième mois.
- Description : « Les ailes antérieures [du papillon] ont le sommet aigu ; leur teinte est variable, gris plus ou moins jaunâtre à brun jaunâtre ; elles sont un peu striées de noirâtre ; le bord antérieur est de teinte plus claire, les taches ordinaires sont peu saillantes ; on voit quelques séries transversales de petits points noirs et surtout une ligne oblique foncée partant du sommet de l’aile jusque vers le milieu de la largeur. Les ailes postérieures sont brunes, un peu éclaircies à la base3 . » Les œufs sont très petits, blancs et de forme ronde. La chrysalide, longue de 17 à 18 mm est de couleur brun rougeâtre à maturité.
- Biologie : la femelle pond plusieurs centaines d’œufs en ligne à la face inférieure des feuilles et près de la gaine. L’éclosion se fait normalement au bout d’une dizaine de jours. Les petites chenilles se nourrissent d’abord des tissus tendres des feuilles ; puis dévorent les feuilles dures ; leur nombre est quelquefois si grand qu’elles rasent complètement les champs dans lesquels elles sont passées : les Américains les ont appelées army worm à cause de leur habitude de se déplacer en colonnes. Les chenilles sortent la nuit, le jour elles restent cachées dans les touffes à l’abri de la lumière. Leurs dégâts sont tout à fait comparables à ceux de Spodoptera mauritia, mais leurs apparitions ne coïncident pas au Tonkin : Sp. mauritia se rencontre surtout au début du dixième mois alors que les Cirphis apparaissent un peu avant la récolte ; les épis sont déjà bien développés et les épillets représentent les parties les plus tendres du plant de riz ; les chenilles les rongent faisant tomber sur le sol une bonne partie de la récolte. Les champs à sec sont les plus attaqués : les chenilles peuvent y circuler plus facilement et le sol convient à la transformation en chrysalide.
- Dégâts : ils peuvent atteindre facilement 50 % de la récolte dans les parcelles attaquées ; le paysan peut récupérer une partie des grains tombés sur le sol, lorsque celui-ci est sec, en balayant la rizière après la récolte.
- Lutte :
- Récolte des chenilles. Le matin au lever du jour, avant qu’elles ne soient redescendues au pied des touffes, les chenilles peuvent être récoltées une à une et détruites. Mais ce n’est possible que dans les riz non encore épiés.
- Emploi de pièges. On dispose de place en place des tas d’herbes : le matin les chenilles s’y réfugient ; dans la journée on les enlève et on détruit les chenilles.
- Labour après la récolte. A la récolte la plupart de ces insectes sont chrysalidés dans le sol ; le labour aussitôt la récolte, permet de les enterrer profondément. Cette opération est efficace si elle est complétée par une submersion de quelques jours.
5° Cnaphalocrocis medinalis : lépidoptère Pyralidœ
13C’est la pyrale tigrée, espèce très répandue mais peu nuisible. Vraisemblablement elle ne s’attaque qu’au riz.
- Description : le papillon a 1,5 cm d’envergure. Les ailes sont jaunes paille avec trois bandes brunes transversales sur les ailes antérieures et deux seulement sur les ailes postérieures. Une bande brune longe le bord externe cilié des ailes. La chenille est vert jaunâtre ; la tête et le premier anneau thoracique sont chitineux et saillants ; elle possède quelques poils raides sur les anneaux de l’abdomen. Adulte elle mesure environ 15 mm.
- Biologie : À leur éclosion, les petites chenilles commencent à se nourrir sur l’épiderme des feuilles dont elles replient l’extrémité souvent transversalement, parfois dans le sens de la longueur. La chenille dévore l’intérieur de ce fourreau dans lequel elle se tient ; la partie de la feuille repliée ne tarde pas à jaunir et le reste de dessèche. Après avoir habité plusieurs feuilles, la chenille adulte construit un cocon léger blanc à l’intérieur du dernier fourreau et s’y transforme en chrysalide. La nymphose dure environ huit jours.
- Dégâts : ils ne sont pas très importants. Le cultivateur constate rapidement la présence de l’insecte par la teinte générale jaune des feuilles : cet aspect fait croire à une attaque grave. Cependant même après une forte invasion le riz reprend le dessus, la diminution de récolte est peu sensible.
- Lutte : en principe, le riziculteur n’aura pas à s’inquiéter de la présence de ce petit papillon. Il est rare que deux invasions importantes se suivent, il disparaît d’ordinaire à la génération suivante, sans doute grâce à ses ennemis naturels. Ce papillon est attiré par la lumière qui peut être employée pour la lutte. Mais pour éviter de concentrer au même point tous les insectes, on disposera les pièges lumineux dans des endroits incultes ou inondés.
6° Nymphula fluctuosalis : lépidoptère Pyralidœ
14Cette espèce existe au Tonkin où ses dégâts ne sont pas très importants ; en Cochinchine elle semble plus nuisible.
- Description : le papillon est blanc avec quelques taches brun clair sur les ailes. Son envergure est d’environ 15 mm. La chenille est semi-aquatique et possède des sortes de branchies filiformes. Elle est blanchâtre. Adulte elle mesure de 12 à 15 mm.
- Biologie : les petites chenilles se construisent un fourreau avec un morceau de feuille, semblable à celui de la pyrale à deux points quand elle change de tige. La chenille se tient au niveau du plan d’eau et circule à la surface pour passer d’une tige à une autre ; lorsque l’eau monte, elle supporte la submersion. Elle ronge les tiges tendres et les feuilles. Adultes, les chenilles fixent solidement leur fourreau contre la tige et en font un cocon à l’intérieur duquel elles se transforment en chrysalide.
- Dégâts : ils se traduisent par le jaunissement et le dessèchement des plants atteints.
- Lutte : l’assèchement de la rizière gêne considérablement les chenilles dont beaucoup meurent ne pouvant nager ; les dégâts sont limités aux pieds déjà attaqués. Il faut récolter les fourreaux et les chenilles qui se déplacent dans une petite poche en tissu lâche.
B. COLÉOPTÈRES
15Hispa œnescens, Graptodera coerulea, Heteronychus interruptus et des lamellicornes, sont nuisibles au riz en végétation.
1° Hispa œnescens : chrysomélide Hispinœ
16C’est un petit insecte connu sous le nom de coléoptère épineux du riz. Il s’est multiplié rapidement sur de grandes superficies à Thai-Binh, Nam-Dinh, Kiên-An, HaNam. En 1932, les riz du cinquième et dixième mois en ont beaucoup souffert : presque toutes les rizières étaient attaquées. L’année suivante fut sans doute moins favorable au développement de l’insecte car il ne s’est multiplié intensivement qu’en très peu d’endroits.
- Description : l’adulte a 5 à 6 mm de longueur ; il est noir avec des reflets allant du bleu au vert ; Le thorax et les élytres sont armés d’épines caractéristiques : celles du thorax sont réunies en deux masses latérales, chacune composée de quatre épines partant d’un même tronc ; en outre une petite épine isolée se trouve un peu en arrière et sur les côtés du thorax ; celles des élytres sont surtout sur les bords. Les élytres sont ponctuées très fortement. Les pattes sont brunâtres. L’œuf est petit (1 mm de long environ), elliptique et blanc. La larve, très plate, est presqu’entièrement blanchâtre à la naissance. Sa couleur fonce peu à peu ; la tête et la partie anale sont brunes. Elle atteint 4 à 4,5 mm.
- Biologie : l’adulte pond ses œufs quelques jours après l’accouplement à la face inférieure des feuilles, dans des parties de l’épiderme qu’il a rongées. Les pontes sont très difficiles à découvrir. La petite larve sort de l’œuf au bout de sept à huit jours ; elle s’introduit presque tout de suite sous l’épiderme, dans le tiers terminal de la feuille, cheminant vers la base en dévorant le parenchyme. La galerie se reconnaît à la tache claire formée sur la feuille ; par transparence on voit distinctement la petite larve. Au bout de dix à quinze jours, elle se transforme en nymphe dans la partie terminale de sa galerie. L’adulte en sort après trois ou quatre jours, ronge l’épiderme et le tissu de la feuille entre les nervures. Le cycle évolutif de l’insecte est de vingt à vingt-sept jours.
- Dégâts : ils sont très variables, les circonstances atmosphériques agissent sur le développement de l’insecte : au Tonkin la grande multiplication des Hispa a lieu quand de fortes chaleurs succèdent à une période pluvieuse. Il y en a tous les ans, mais trop peu pour nuire. Il y a jaunissement et dessiccation des feuilles ou parties de feuilles atteintes, d’où ralentissement ou arrêt de végétation, et diminution de récolte, qui en très forte attaque, peut atteindre 30 % mais généralement ne dépasse pas 10 à 15 %.
- Lutte : la lutte contre les Hispa est très difficile. Il est impossible d’atteindre la larve à l’abri dans sa galerie et l’adulte est protégé par sa carapace chitineuse contre les insecticides de contact. De plus, l’étendue des rizières attaquées rend le traitement prohibitif. On pourrait cependant essayer les quatre techniques suivantes :
- Récolte des feuilles possédant des galeries larvaires. Les galeries de larves se trouvant dans le tiers supérieur de la feuille, on peut aisément récolter et brûler cette partie atteinte ; ce travail est long, mais, fait au début, il peut entraver la multiplication de l’insecte.
- Récolte des adultes. Avec des filets-fauchoirs en bambou et toile d’emballage, un coolie peut récolter jusqu’à 2 l d’Hispa dans une journée, mais ce n’est qu’une faible proportion de ce qui existe.
- Pétrolage de la rizière. Quand la rizière a au moins 5 à 6 cm d’eau, on répand à la surface de l’eau du pétrole ou mieux du mazout. Les touffes de riz sont ensuite secouées à l’aide d’un bambou promené vigoureusement sur les feuilles : les Hispa se laissent tomber, sauf quelques-uns qui s’envolent ; leur corps s’imprègne de pétrole ou de mazout et une bonne partie meurt. Il faut repasser le bambou plusieurs fois pour un résultat appréciable. C’est peu coûteux : 6 à 10 l/ha de mazout suffisent. Il ne faut pas verser le mazout sur les feuilles de riz.
- Pièges lumineux. Les pièges simples ne permettent pas de capturer beaucoup d’insectes. On pourrait essayer les pièges perfectionnés avec aspiration. Mais il faut traiter en même temps de grandes superficies, sinon les pièges attireront dans les parcelles environnantes une multitude d’insectes dont les dégâts pourraient être plus importants que ceux de l’Hispa dont on cherche à se préserver. De plus, ils détruisent une foule d’insectes utiles que la lumière attire particulièrement.
2° Heteronychus interruptus : lamellicornes Dynastidœ
17C’est un insecte assez commun au Tonkin dans les rizières peu irriguées et dans les cultures sèches.
- Description : l’adulte, massif, noir brillant a 1,5 cm de longueur environ, avec des stries plus ou moins marquées sur les élytres. La tête ne porte pas de cornes. La larve est un ver blanc de 20 à 25 mm de long, en arc de cercle comme celle du hanneton.
- Biologie : l’adulte pond rarement dans les rizières, trop humides pour la larve ; les terres hautes à mạ lui conviennent parfaitement. Les œufs sont pondus dans le sol et la larve chemine comme les vers blancs, dévorant les racines qu’elle rencontre, surtout celles des graminées. L’adulte préfère les terrains plus humides dans lesquels il s’enfonce facilement. Il sort de temps à autre à la surface du sol et se nourrit des tiges du riz.
- Dégâts : ils se traduisent par des plaques jaunes dans les rizières atteintes : les touffes ne se développent plus ou meurent. En creusant on découvre les vers blancs et les adultes. Ils ne sont à redouter que les années sèches pendant lesquelles les insectes recherchent les terrains humides, c’est-à-dire les rizières.
- Lutte : il suffit de submerger les parcelles atteintes pour asphyxier les larves ; les adultes s’échappent. Si l’eau manque, on pioche l’emplacement des taches et on récolte les vers blancs, souvent très nombreux, afin d’éviter l’extension du mal.
3° Graptodera coerulea : chrysomélides Halticinœ
18Ce petit chrysomélide, très commun certaines années, s’attaque rarement au riz, mais à des plantes aquatiques de la rizière, principalement Jussia repens.
- Description : l’adulte de 6 à 7 mm de long est bleu foncé avec des reflets métalliques allant du bleu au vert. La larve est caractéristique des chrysomélides, de couleur brunâtre ; elle atteint de 7 à 8 mm ; les téguments de l’abdomen sont plissés et les protubérances charnues correspondant aux plis portent des poils.
- Biologie : l’adulte pond ses œufs sur les feuilles de Jussia repens. Les larves restent généralement sur cette plante jusqu’à leur transformation en adulte. A ce stade, on les voit voler et se poser sur le riz, sans y rester. Lorsque la plante-hôte n’est pas suffisamment abondante, les Graptodera peuvent passer sur le riz qui n’est qu’une plante-hôte de fortune.
- Dégâts : ils peuvent alors être importants. Les larves dévorent les feuilles ; les adultes ne font que ronger légèrement le parenchyme entre les nervures.
- Lutte : le riziculteur n’a guère à lutter ; il pourra récolter les tiges flottantes de Jussia repens sur lesquelles sont réunies une multitude de larves, empêchant ainsi le passage de l’insecte sur sa récolte.
4° Coléoptères divers
19Plusieurs lamellicornes causent des dégâts sans importance au riz en végétation ; les adultes se nourrissent des feuilles. Une petite coccinelle, Verania discolor, grande destructrice de pucerons, dévorerait les anthères de la fleur épanouie ; comme à ce moment la fécondation est opérée cela n’a pas d’importance.
C. ORTHOPTÈRES
20Quelques orthoptères dévorent les feuilles du riz. Le Tonkin est à l’abri des grandes invasions de sauterelles, mais pas l’Annam où certaines années le criquet migrateur Locusta migratoria, fait son apparition. Au Tonkin, seul Oxya velox fait quelques dégâts. On rencontre dans la rizière beaucoup d’autres espèces de criquets mais elles semblent peu dangereuses.
21Oxya velox
22Espèce de la famille des Acridiidœ, elle est très répandue en Extrême-Orient. On la rencontre dans tout le Delta, certaines provinces en souffrent davantage : Kiên-An, Hai-Duong, Bac-Ninh, Hung-Yên, Nam-Dinh. Alors que le criquet migrateur n’apparaît que les années de sécheresse, lorsque l’insecte a trouvé des terrains secs favorables à la ponte, l’Oxya velox, qui ne pond pas dans le sol mais sur le riz, se rencontre aussi bien les années sèches que les années pluvieuses, cependant l’humidité favorise les maladies qui l’affectent.
- Description : l’adulte femelle mesure de 35 à 40 mm et le mâle de 28 à 30 mm en moyenne. Ils sont de couleur vert feuille pâle sur le thorax une bande latérale brune se prolongeant un peu à la base de l’aile. Les ailes sont longues et dépassent largement l’extrémité de l’abdomen dans les deux sexes.
- Biologie : contrairement à la plupart des acridiens, les Oxya pondent leurs œufs sur les tiges des plantes dont ils se nourrissent. Les pontes oblongues et de couleur brun jaunâtre sont déposées sur les tiges ou sur les chaumes. Les petites larves se tiennent sur les feuilles et les tiges avec lesquelles elles se confondent. Elles dévorent les feuilles de place en place jusqu’à la côte. Après plusieurs mues, cinq vraisemblablement, les adultes apparaissent. Les Oxya se rencontrent toute l’année dans les rizières.
- Dégâts : les dommages peuvent être importants, si ces insectes sont en bandes comme à l’ordinaire. La mal causé aux feuilles est petit, mais un peu avant la récolte les feuilles jaunes sont dédaignées et les pédoncules des épillets encore tendres sont rongés et coupés : sur le sol de la rizière tombent les épillets et les grains à peine mûrs. Les dégâts à la récolte peuvent être très élevés. Ils sont comparables à ceux des Cirphis (dixième mois) avec lesquels il ne faut pas les confondre.
- Lutte : il est beaucoup plus difficile de lutter contre les Oxya que contre les autres criquets. Les appâts empoisonnés sont difficiles et dangereux à employer, les insectes constituant un mets recherché par les habitants des campagnes.
- Ramassage : les paysans récoltent les adultes et les larves avec des paniers à manche (cái giậm) qu’ils promènent sur le riz en herbe. Ce procédé permet de récolter de grosses quantités de criquets (larves). Les adultes s’envolent très rapidement, leur capture est difficile. On emploie également de grandes poches en filet ou en tulle à moustiquaire qu’on promène sur les champs. Ces poches sont de grandes dimensions et employées judicieusement elles permettent de capturer les adultes. Les paysans pratiquent régulièrement le ramassage des criquets en vue de leur consommation, en même temps ils se débarrassent d’un ennemi de leurs cultures. Les criquets ont de nombreux ennemis naturels : coléoptères (carabes, cicindèles), certains hyménoptères, les orthoptères eux-mêmes (mantes), etc. et les araignées qui en consomment beaucoup.
D. HÉMIPTÈRES
a) Hétéroptères ou punaises
23Au Tonkin, deux espèces de ce groupe sont principalement à redouter : Leptocorisa varicornis F. et Nezara viridula Linn.
1° Leptocorisa varicomis F. : Coreidœ
24Cette espèce répandue dans tout l’Extrême-Orient est un dangereux ennemi du riz.
- Description : l’adulte a 15 à 17 mm de long, d’une couleur variant du vert glauque au vert brunâtre. L’abdomen est de teinte plus claire ; les pattes sont longues ; l’aspect général est grêle. L’œuf est ovale, brun foncé, un peu déprimé en dessus et de consistance dure ; sa longueur est à peu près 1 mm. Les jeunes larves sont vertes avec les antennes et les pattes très développées par rapport à leur taille.
- Biologie : la femelle dépose ses œufs sur les feuilles en rangées régulières de cinq à vingt, fortement adhérentes à la surface de la feuille. Au bout de quelques jours, les jeunes sortent ; comme ils sont très petits et de la teinte des feuilles, on ne les remarque pas. Ils se nourrissent sur les feuilles et les tiges tendres dont ils sucent la sève avec leur rostre. Les adultes semblent préférer les grains encore laiteux : ils les vident de leur contenu, les grains attaqués apparaissent blancs.
- Dégâts : Ces punaises dont on rencontre des adultes toute l’année sont des ennemis très dangereux du riz : un seul individu vide aisément les grains de plusieurs épis. Leur présence est révélée par l’odeur forte très désagréable qu’elles dégagent.
- Lutte : on se sert généralement de filets fins promenés au-dessus des épis, qui capturent un grand nombre de punaises. Jusqu’à présent, on ne connaît pas d’autres moyens pratiques de destruction. Les pièges lumineux attirent cependant assez bien les Leptocorisa et leur emploi rendrait peut-être des services. Comme l’insecte se nourrit sur d’autres graminées, il est bon au moment où il n’y a pas de riz dans la rizière de nettoyer les diguettes. Mais cette mesure doit être générale pour être efficace, les punaises volant très facilement. Malheureusement, la propreté des diguettes est une chose à peu près impossible à obtenir, les paysans étant dans l’obligation d’y faire paître leurs animaux ; dans certaines provinces, les diguettes sont souvent le seul endroit où les bestiaux peuvent trouver un peu d’herbe.
- Ennemis naturels : les Leptocorisa semblent n’avoir que très peu d’ennemis. Les oiseaux et les crapauds friands d’autres insectes n’y touchent pas, sans doute à cause de leur odeur. Un seul insecte prédateur a été signalé : c’est la cicindèle des rizières, Cicindela sexpunctata, qui dévore la punaise ; cette cicindèle, très abondante au Tonkin, doit en détruire beaucoup. On a trouvé des œufs parasités par un chalcidien.
2° Nezara viridula Linn. : Pentatomidœ
25Cette punaise, très commune dans les rizières, cause quelques dégâts.
- Description : l’adulte mesure de 12 à 15 mm de long sur 6 à 9 mm de large au thorax. Il est d’un vert clair uniforme ; mais certaines variétés portent une bande chamois au bord antérieur du thorax ; la tête elle-même peut porter des taches chamois. La partie membraneuse des élytres est quelquefois embrunie. Les œufs sont presque cylindriques, de couleur un peu rosée. Les larves sont presque aussi larges que longues, très plates et de couleur verte avec des taches noirâtres.
- Biologie : la punaise pond ses œufs en plaques à la face inférieure des feuilles. Les jeunes sortent au bout de quelques jours et sucent la sève des parties tendres : tige et feuilles. Plus tard, ils s’attaquent aux grains encore laiteux qu’ils vident comme le Leptocorisa. Les adultes continuent les dégâts des jeunes. Ils vivent aussi sur le sorgho et différentes graminées sauvages.
- Dégâts : ils sont importants lorsque ces punaises sont abondantes au moment où les grains de riz sont à l’état laiteux. Les dégâts causés aux tiges et aux feuilles passent inaperçus.
- Lutte : on n’a généralement pas à lutter contre ce parasite. Mais lorsqu’on capture des Leptocorisa avec des filets, on récolte aussi des Nezara. On a trouvé des pontes parasitées, sans doute par de petits hyménoptères chalcidiens.
26Autres Pentatomidœ rencontrés sur le riz :
27Au Tonkin, des punaises très voisines de Cyclopelta obscura Lepell ont été quelquefois trouvées en grand nombre dans les rizières ; mais il ne semble pas qu’elles commettent des dégâts importants.
28Les Podops très communs et redoutés en Cochinchine sont rares au Tonkin.
b) Hémiptères homoptères
29Quelques espèces de ce groupe se sont montrées très nuisibles aux riz. Au Tonkin, les dégâts sont rares : en trois ans, deux cas seulement ont été signalés (province de Hai-Duong et de Ninh-Binh). En Cochinchine et au Cambodge, ces insectes commettent tous les ans de gros dégâts. On distingue les Jassidœ, les plus répandus mais les moins dangereux, et les Delphacidœ qui se multiplient parfois dans les rizières basses au point d’anéantir la récolte.
- Description : les Delphacidœ du riz sont de petits insectes brunâtres aux ailes transparentes. Les yeux sont saillants. Leur taille est inférieure à 5 mm. Les larves sont plus pâles, aptères, ont des yeux rouges et présentent une forme moins accusée. Les Nephotettix sont de petits cicadellides de couleur vert tendre avec quelques marques noirâtres variables sur les ailes. Leur taille un peu supérieure à celle des Delphacidœ varie de 4 à 5 mm. Les larves des Nephotettix sont vert blanchâtre et aptères.
- Biologie : ces insectes se comportent de façon presque analogue. Les femelles pondent leurs œufs oblongs et blanchâtres dans l’épaisseur des feuilles. Les petites larves qui éclosent se tiennent sur les tiges dont elles sucent la sève avec leur rostre. Les Delphacidœ se rencontrent surtout dans les rizières basses, ne manquant jamais d’eau ; les larves et les adultes sont de préférence à la base des plants, juste au-dessus du plan d’eau. Les Nephotettix se rencontrent sur les tiges et sur les feuilles. Leurs larves sont plus actives que celles des Delphacidœ. Les adultes se déplacent également davantage. Le cycle évolutif des Delphacidœ qui est d’une vingtaine de jours est inférieur à celui des Nephotettix plus long d’une dizaine de jours. Les Nephotettix sont attirés par la lumière, les Delphacidœ ne le sont pas.
- Dégâts : en suçant la sève des tiges ces insectes affaiblissent considérablement la plante. Les feuilles jaunissent, puis se dessèchent. Les plaques jaunes tranchent sur le fond vert des parties encore indemnes. Lorsque ces insectes sont très nombreux, toutes les touffes du champ sont attaquées et la récolte peut être perdue : les épis qui ont pu se former ont généralement des grains vides.
- Lutte : les moyens de lutte visent surtout les Delphacidœ. Quelques procédés ont été essayés en Cochinchine et au Cambodge et certains donnent de bons résultats :
- Capture avec des filets. Avec des épuisettes en étoffe légère, on capture les insectes en secouant les touffes au dessus de leur ouverture. On peut également s’en servir comme d’un filet-fauchoir. L’emploi des filets demande beaucoup de temps.
- Traitement au mazout. Quand la rizière a au moins 8 à 10 cm d’eau, ce qui est généralement le cas des rizières attaquées par les Delphacidœ, on répand du mazout à la surface de l’eau, sans toucher les plants, de façon à former une fine pellicule de ce produit. Les essais de Cochinchine ont montré qu’il fallait 9 à 121/ha de mazout. On secoue ensuite les touffes à la main ou à l’aide de cordes ou de baguettes flexibles afin de faire tomber les insectes sur la pellicule de mazout ; ceux-ci s’en imprègnent et meurent. Il est bon de pratiquer plusieurs fois le secouage ; ainsi les insectes qui auraient pu remonter sur les tiges seront plus sûrement détruits. L’emploi du mazout en rizière peut se faire sans danger pour le riz, à condition que ni les feuilles, ni les racines n’en soient imprégnées.
- Ennemis naturels : les Delphacidœ et les Nephotettix ont deux ennemis naturels principaux : une coccinelle Coccinella arcuata F. dont la larve et l’adulte dévorent un très grand nombre de pucerons du riz, et une petite araignée très abondante dans les rizières infestées par les Delphacidœ. La cicindèle des rizières, très commune au Tonkin, se nourrirait des pucerons du riz. Ces ennemis naturels doivent être préservés car ils sont des auxiliaires précieux du cultivateur ; mais celui-ci ne voit pas l’auteur des dégâts dissimulé à la base des touffes et en rend responsable les coccinelles et les araignées qui courent nombreuses sur les feuilles et les tiges.
E. DIPTÈRES
30Pachydiplosis oryzœ : Cecidomyidœ
31C’est la cécidomie du riz. Ce diptère a été signalé quelquefois à Thai-Binh et HungYên mais ses dégâts n’ont jamais été très étendus.
- Description : l’adulte est une petite mouche aux pattes très longues et grêles. Sa taille est d’environ 5 mm. Le corps est de teinte brunâtre avec l’abdomen rougeâtre. La larve est blanche, acéphale, caractéristique de ces espèces de diptères. La nymphe de teinte rougeâtre ressemble à une petite chrysalide.
- Biologie : la cécidomie s’attaque aux très jeunes plants en pépinière. La femelle dépose ses œufs sur les feuilles. La petite larve pénètre à la base du plant qu’elle mine en se nourrissant des tissus. L’attaque provoque une sorte de galle : la pousse terminale prend l’aspect d’un tube effilé. Ce tube, formé par la feuille enroulée est blanchâtre sauf l’extrémité qui reste verte. Quand la galle apparaît, l’attaque est déjà avancée ; si on l’ouvre, on trouve une larve complètement développée ou une nymphe. Cette nymphe est capable de mouvements. Au bout d’un certain temps, l’extrémité de la galle se rompt au niveau de la ligne de séparation des deux teintes verte et blanchâtre4. A ce moment, la nymphe émerge par l’orifice de sortie et l’adulte peut éclore.
- Dégâts : les dégâts causés sont importants puisque chaque tige atteinte ne donne pas d’épi. Les pieds attaqués donnent un grand nombre de rejets qui ne tardent pas à mourir. Aux Indes et à Java on a signalé des dégâts s’élevant à 50 %.
- Lutte : elle est difficile, la présence de l’insecte ne se révélant que lorsque les dégâts sont commis. Toutefois on conseille d’arracher et de brûler tous les plants présentant des symptômes d’attaque : galle, nombreux rejets, feuilles jaunes.
II. CRABES (CRUSTACÉS)
32Sans être à proprement parler des ennemis du riz, les crabes par leur abondance dans les rizières peuvent causer des dégâts. On en trouve plusieurs espèces : le cua đồng, le cua rạm et le con cáy. Le premier, le cua đồng, est de beaucoup le plus répandu. Les femmes et les enfants le pêchent le long des diguettes pour la consommation familiale : c’est un crabe d’eau douce. Le deuxième, le cua rạm, de couleur gris foncé est un crabe d’eau saumâtre ; on le trouve dans les rizières où le flux remonte. Le troisième, le con cáy, est un petit crabe brun foncé ; on le trouve dans les eaux douces, mais il est moins répandu.
- Dégâts : on reproche aux crabes d’abîmer les diguettes : ils y creusent de nombreux trous, par où fuit l’eau que le paysan s’est donné la peine d’élever. Ces dégâts seraient négligeables si les crabes ne s’attaquaient pas aux jeunes plants de riz récemment repiqués. Ils coupent les jeunes tiges pour les grignoter. Bien que principalement carnassier, le crabe se nourrit un peu de tout ce qu’il trouve et ajoute à son ordinaire une nourriture herbacée. Cependant il ne consomme qu’une faible partie de ce qu’il détériore, comme en témoignent les tiges coupées flottant sur la rizière. Les dommages sont quelquefois si importants que le cultivateur doit recommencer son repiquage.
- Lutte contre les crabes : au Tonkin, les dégâts importants sont rares. Dans le delta surpeuplé, les nhà quê se livrent habituellement à la chasse aux crabes soit pour la vente soit pour leur consommation. On les recherche dans leurs trous avec des baguettes ou des crochets, ou simplement à la main.
- Poche en bambou. Quand l’eau est profonde, les pêcheurs se servent d’une poche de bambou tressé (cái giậm) qu’ils maintiennent au fond avec un manche vertical. Avec un bambou pourvu d’un grand arceau servant de poignée, on remue la vase et les herbes du fond ; les crabes et les crevettes chassés de leurs retraites s’enfuient devant le pêcheur et pénètrent dans la poche ouverte.
- Nasses. Les paysans au Tonkin se servent pour la pêche des crabes des mêmes nasses que pour les poissons. Comme appât, on place des mollusques (con ốc). En Cochinchine, les nasses donnent de très bons résultats.
- Produits chimiques. Il existe un moyen rapide pour débarrasser sûrement une rizière des crabes qui l’infestent : c’est l’emploi de la cyanamide ; malheureusement, cet engrais est dangereux en rizière où à faible dose, il risque d’arrêter la végétation. Il est possible de trouver le dosage qui chasse les crabes sans nuire au riz ; les résultats de l’expérience sont variables avec les sols. Mais ce procédé présente l’inconvénient de nuire aux autres habitants de la rizière, aux poissons en particulier.
III. RATS
33Les rats répandus partout causent des dégâts considérables dans les rizières. Leur nourriture principale n’est pas le riz, mais pour grignoter quelques grains, ils coupent de nombreux épis. Lorsque le riz est jeune, les rats sont friands des tiges tendres ; les champs qu’ils visitent sont jonchés de tiges coupées. Les rizières du delta souffrent moins des dégâts des rats que celles avoisinant la moyenne région. Le rat n’habite ni la rizière ni les habitations : ce sont les terrains abandonnés, plus ou moins herbeux, qu’il préfère. De là, toutes les nuits, il descend vers les champs cultivés lorsque ceux-ci portent une nourriture qui lui convient.
34Le rat commun en Indochine est très prolifique. La portée est généralement de dix à douze petits, et les jeunes peuvent à leur tour se reproduire à l’âge d’un mois et demi à deux mois. Pendant la belle saison, les portées se succèdent tous les mois, d’où vient la rapidité de multiplication de ces rongeurs.
- Agents naturels de destruction des rats : le rat a de nombreux ennemis. Parmi les animaux sauvages, les petits carnassiers en font une grande consommation, les serpents également : les couleuvres inoffensives pour l’homme, grandes destructrices de rat, sont à protéger. Enfin, les oiseaux de proie diurnes et nocturnes en font la base de leur nourriture. Parmi les animaux domestiques, le chien annamite chasse volontiers le rat ; il ne le mange pas, mais son maître l’a souvent dressé jeune à cette chasse. Les chats tuent généralement les rats mais ne les mangent que rarement.
- Lutte : a) Pièges. Les paysans pratiquent le piégeage. Le rat est très méfiant et il est assez difficile de le capturer. Cependant, il existe un grand nombre de pièges permettant la capture des rats vivants ou morts. Une sorte de piège intéressant consiste en un tas de rondins ou de bambous de 1 m de long que l’on dispose en pile : une couche de rondins pas très serrés, puis une couche de paille, une deuxième couche de rondins perpendiculaires aux premiers, une couche de paille et ainsi de suite de façon à avoir un cube de 0,8 à 1 m de haut. Ce tas est disposé dans un endroit un peu isolé des habitations, à proximité des rizières. On met un peu de grain aux alentours pour attirer les rongeurs. Ceux-ci trouvant l’habitation à leur gré, ne tardent pas à y venir nicher. Au bout de trois semaines ou d’un mois, quand on s’est assuré que des rats habitent le tas, on entoure celui-ci d’une claie et on procède à sa démolition. Les rats qui sortent sont assommés et ceux qui réussissent à s’échapper de l’enclos sont étranglés par les chiens du village qu’on a amenés spécialement. On peut capturer dans un seul tas plus de cent rats. A noter toutefois que ce piège réussit surtout dans les régions où le rat ne trouve pas de terrains incultes et secs pour faire ses terriers ou édifier son nid, comme dans les rizières du delta. Une foule de petits pièges permettant d’assommer les rats ou de les capturer vivants sont construits par les paysans. Les modèles varient avec les pays et les individus ; b) Appâts empoisonnés. Les cultivateurs se servent quelquefois d’appâts empoisonnés. Une pâte à l’arsenic est vendue sous le nom de nhân ngôn en annamite ou encore thạch tín en sino-annamite ; cette pâte est composée de riz, de graisse et d’arsenic. Les montagnards qui connaissent mieux les poisons d’origine végétale font des appâts avec des mélanges de graines ou d’herbes toxiques ; la plupart de ces préparations sont inconnues. Ces appâts empoisonnés présentent l’inconvénient d’être dangereux pour les animaux domestiques qui peuvent les consommer. Aussi est-il préférable de se servir d’appâts à base de carbonate de baryum ou de pâte phosphorée moins toxiques donc moins dangereux pour les animaux domestiques. Il est recommandé d’enlever les appâts pendant la journée et de les replacer pour la nuit ; on évite ainsi des empoisonnements ; c) Enfumage. On peut enfumer les rats dans leurs trous, dont les deux orifices permettent la circulation de la fumée. On peut insuffler des gaz toxiques comme le gaz sulfureux, le sulfure de carbone. Un procédé ingénieux, signalé en Malaisie, consiste à faire brûler des chiffons ou des feuilles au-dessus de l’orifice d’un trou sous un pot renversé ; la fumée abondante produite par la combustion lente pénètre dans le trou et circule facilement grâce aux galeries multiples existant entre les différents terriers. Les jeunes rats sont sûrement asphyxiés et peu d’adultes réussissent à s’échapper.
IV. PARASITES VÉGÉTAUX (MALADIES CRYPTOGAMIQUES)
35Au Tonkin, le riz souffre peu des maladies cryptogamiques.
1° Helminthosporium oryzœ
36Ce champignon provoque la maladie connue sous le nom d’helminthosporiose. Le champignon peut s’attaquer à toutes les parties de la plante. L’infection a généralement lieu au moment de la germination, les spores se trouvant sur les glumelles. Les plants peuvent résister en pépinière et végéter après le repiquage. Des taches brunes, caractéristiques de la maladie, apparaissent sur les feuilles et la tige. Les épis des plants malades ont presque toujours les grains vides. Sur ces grains se trouvent les fructifications du champignon. Les dégâts sont très importants : les pépinières peuvent être anéanties et sur les plants repiqués la perte à la récolte peut dépasser 60 %. On a remarqué au Tonkin qu’une fumure présentant un excès d’azote favorise la maladie.
37* Lutte : il ne faut pas repiquer de mạ présentant des taches d’helminthosporiose. Les pailles et balles de riz atteintes par la maladie ne doivent pas aller au fumier, mais être brûlées. Seule la désinfection des semences permet de se préserver de la maladie. On désinfecte les grains soit par la chaleur, soit par certains produits chimiques : bichlorure de mercure, acide phénique et formol. La désinfection doit se faire au moment du trempage des semences avant semis. Les doses et la durée du trempage sont :
Tableau 10. - Doses et durée du trempage pour la désinfection des grains contre l’helminthosporiose
Durée de l’immersion | 24 h | 48 h |
Bichlorure de mercure | 3/10 000 à 5/10 000 | 2/10 000 |
Acide phénique | 0,2 5% | 0,1 % |
Formol | – | 0,1 % |
2° Fusarium sp.
38Des riz au Tonkin ont été attaqués par un Fusarium, mais il a été difficile de discerner la part des dégâts à attribuer à ce champignon, l’helminthosporiose l’accompagnant. Sur la tige, on remarque des taches jaunes auréolées de brun. Le plant se dessèche, ou bien s’il arrive à se développer, les grains sont vides. Les fructifications se trouvent sur les glumelles. On lutte par la désinfection des semences.
3° Ustilaginoidea virens
39Ce « faux charbon du riz » est peu grave, mais très visible. Le grain attaqué se recouvre d’une masse noire verdâtre pouvant atteindre dix fois son volume. C’est un gros sclérote contenant les spores du champignon. Il n’y a qu’à les enlever avant l’égrenage pour ne pas mélanger la poussière de spores avec le paddy.
4° Maladie à sclérotes : Sclerotium oryzœ
40C’est une maladie signalée en Nord-Annam mais sans doute très rare au Tonkin. Ce champignon provoque la pourriture de la tige. Les épis ont des grains vides. On lutte par une submersion longue des sols contaminés (trois ou quatre mois). Après la récolte, il faut arracher les touffes et brûler les pailles et les chaumes.
V. PARASITES DU PADDY EN MAGASIN
41Les principaux sont le charançon du riz (Calandria oryzœ) et l’alucite des céréales (Sitotroga cerealella).
42Calandria oryzœ : Curculionidœ ou charançons
43Cet insecte est un fléau des grains stockés. Il s’attaque aussi au mais et à d’autres céréales dans le monde entier.
- Description : l’adulte mesure de 3 à 4 mm de long. La tête est pourvue d’un rostre qui chez les femelles est plus fin et légèrement plus long que chez les mâles. Sur les élytres striées, quatre taches brun rouge qui le distinguent du Calandra granaria ou charançon du blé. L’œuf ovoïde mesure 0,6 à 0,7 mm dans sa plus grande dimension. Il est blanc et brillant. La larve blanche est apode ; sa tête de couleur brune est chitinisée. A complet développement, elle mesure 3 mm. La nymphe d’abord blanche brunit un peu avant la sortie de l’adulte : elle mesure de 3 à 4 mm.
- Biologie : la femelle pond ses œufs dans une cavité qu’elle creuse dans le grain avec son rostre. L’œuf pondu, la femelle recouvre le trou d’une matière blanchâtre qui empêche de distinguer nettement l’emplacement de la ponte et qui protège l’œuf contre les parasites. La petite larve éclôt au bout de quelques jours et se nourrit du grain. Arrivée à complet développement elle se nymphose dans sa galerie qui occupe presque tout l’intérieur du grain. Après cinq jours environ, le charançon sort de l’enveloppe nymphale, mais reste à l’intérieur du grain jusqu’à durcissement de ses téguments. Il sort en creusant un trou avec son rostre. Les charançons adultes s’accouplent un à trois jours après leur sortie du grain. Les femelles qui vivent de trois à six mois, pondent deux cents œufs en moyenne à raison d’un par grain. Lorsqu’elles n’ont pas été fécondées, elles peuvent pondre des œufs donnant des larves parthénogénétiques.
- Dégâts : ils sont très importants : à chaque œuf pondu correspond un grain attaqué ; or la descendance d’un seul couple peut atteindre, au bout de trois mois, cent mille individus. Les dégâts se chiffrent vite par dizaine de tonnes en partant de la descendance d’un seul couple. Même en tenant compte de la destruction naturelle des insectes par tous les accidents, les parasites, les conditions biologiques défavorables, on se rend compte du sort réservé à une cargaison de riz même légèrement charançonnée.
- Lutte : elle comprend deux phases : 1°) La destruction des charançons ; 2°) La protection des stocks de grains non attaqués ou débarrassés des charançons, afin d’en éviter le retour.
441°) Destruction des charançons :
- Produits chimiques toxiques. On peut se servir du gaz acide cyanhydrique, du sulfure de carbone, du tétrachlorure de carbone, de la chloropicrine, du gaz sulfureux. Seul l’emploi du gaz sulfureux obtenu par la combustion du soufre soit simple, soit dans l’appareil Clayton ou un appareil similaire, peut être pratiqué sans danger pour l’homme. Le sulfure de carbone, l’acide cyanhydrique et la chloropicrine, tous très efficaces, sont très dangereux à manipuler.
- Chaleur. Les insectes sont tués au bout de quelques minutes à une température comprise entre 50 et 55° C (d’après de nombreuses expériences, en deux minutes à 52° C). Or le riz résiste facilement à une température de 60° C et au-dessus. Il existe des appareils permettant le traitement de très grosses quantités de grains. Mais, pour de petites quantités, il est possible de chauffer les grains sans les détériorer avec une installation très rudimentaire.
- Atmosphère confinée. Les charançons sont mis rapidement hors d’état de nuire quand le paddy est mis dans des locaux absolument étanches. La respiration du grain et celle des insectes amènent une augmentation rapide de la proportion de gaz carbonique. Au début les charançons ne sont pas tués, mais entrent en léthargie, alors même que la proportion d’oxygène dans l’atmosphère est encore élevée. Si cette situation se prolonge les charançons sont tués rapidement ; mais des expériences ont montré que la mort des insectes n’était pas due tant à la proportion de CO2 qu’à l’atmosphère confinée.
452°) Protection des stocks. Elle consiste à mettre le riz à l’abri de l’attaque des charançons, soit en les empêchant d’accéder à l’endroit où le grain est stocké, soit en empêchant la multiplication de ceux qui s’y trouvent. Le problème se trouve résolu par l’emploi des silos. On se trouve ainsi dans le cas de l’atmosphère confinée examinée ci-dessus. Le silo assure donc en même temps que la conservation du grain, la destruction des charançons. Quelques précautions doivent être prises pour éviter de stocker dans le silo des grains humides qui amèneraient la fermentation de la masse. Les silos peuvent être établis pour toutes les quantités de grains. Une jarre étanche et bien fermée constitue un petit silo.
46* Ennemis naturels : un petit hyménoptère chalcidien parasite du charançon est souvent rencontré dans les stocks charançonnés.
47Sitotroga cerealella
48C’est un grand ennemi du riz ; parasite cosmopolite, il s’attaque à toutes les céréales.
- Description : l’adulte est un petit papillon de 5 à 6 mm de longueur, de couleur jaune grisâtre, avec sur les ailes des points noirâtres et des reflets argentés. L’œuf est de couleur rouge. La chenille blanche mesure 6 mm à complet développement.
- Biologie : la femelle pond ses œufs sur les glumelles. La petite larve pénètre dans le grain et se nourrit de son contenu. La nymphose a lieu à l’intérieur du grain. Le papillon sort par un orifice préalablement préparé par la larve. En Europe, l’alucite n’a que deux générations par an, mais dans les pays tropicaux les générations se succèdent à peu près sans interruption.
- Dégâts : ils peuvent être très importants sans toutefois atteindre ceux occasionnés par le charançon.
- Lutte : tout ce qui a été dit plus haut pour la lutte contre les charançons s’applique à l’alucite : ce sont des procédés de lutte généraux contre les insectes des grains. Pour l’alucite, il faut cependant noter que le pelletage des grains est souvent suffisant pour tuer les chenilles5.
49A ces deux insectes, de beaucoup les plus importants, il faut ajouter les Tribolium et les Alphitobius, coléoptères presque toujours présents dans les stocks.
VI. INSECTES ET ANIMAUX UTILES DES RIZIÈRES
50* Coléoptères : Cicindela sexpunctata. C’est la cicindèle des rizières, joli insecte de couleur bleu velouté avec des reflets métalliques et six points blanc jaunâtre sur les élytres. La larve et l’adulte sont carnassiers. On les rencontre parfois en très grand nombre dans les rizières où ils détruisent les chenilles et autres larves. La cicindèle est un auxiliaire précieux de l’agriculteur.
51* Carabes divers. Insectes de couleur souvent métallique, courant vite, très carnassiers.
52Staphilinides divers. Coléoptères à très petites élytres avec un abdomen allongé. La plupart de ces insectes sont carnassiers.
53* Coccinelles. Désignées en France sous le nom de « bête à bon Dieu » les coccinelles sont presque toutes, larves et adultes, carnassières.
54* Hyménoptères. Plusieurs espèces d’Ichneumonides, de Braconides et de Chalcidiens parasitent les insectes nuisibles au riz.
55* Névroptères. Les libellules et autres névroptères, si fréquents en rizière, sont des insectes carnassiers.
56* Araignées. Les araignées sont très utiles car elles détruisent dans les rizières toutes sortes d’insectes.
57* Crapauds. Les crapauds ne se trouvent généralement pas dans la rizière mais on en rencontre quelques-uns sur les diguettes un peu élevées. Ils consomment beaucoup d’insectes et, pour cette raison, il ne faut pas les détruire.
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[Le même titre existe la même année dans la collection des « Archives de la riziculture », n° 9, (Saigon, Office indochinois du riz, 6 p., 1 tabl.). A noter également un autre article de cet auteur paru dans le Bulletin en 1934 : « Principaux cryptogames parasites du riz en Indochine et traitement à leur imposer » (37e année, p. 1180-1218, 1 ill., 14 tabl.).]
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Notes de bas de page
2 D’après F. Vincens dans le Bulletin agricole de l’Institut scientifique de Saigon, en avril 1960.
3 D’après L. Duport dans le Bulletin économique de l’Indochine en 1912 et 1913.
4 Fait observé par M. Nguyên Công Tiêu en 1922 (le Bulletin économique de l’Indochine).
5 En France, l’emploi des batteuses mécaniques et des tarares a réduit considérablement les dégâts de l’alucite.
6 Cf. la note d’Igor Besson précédant les références bibliographiques dans ce volume (p. 337).
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