Chapitre XIII. Nettoyage et autres travaux d’entretien
p. 253-263
Texte intégral
LE NETTOYAGE
Dégâts des mauvaises herbes et moyens préventifs de lutte
1Les mauvaises herbes sont nocives dans toutes les cultures et sous toutes les latitudes. Leur développement entrave celui du riz à qui elles disputent les éléments nutritifs puisés dans le sol, la lumière, même l’eau quand elle vient à manquer. Si on les laisse se développer, elles finissent par l’étouffer. Les agriculteurs tonkinois font de grands efforts pour désherber leurs rizières. Ils auraient moins de mal en labourant aussitôt la moisson, en utilisant la charrue améliorée qui, retournant bien le sol, enfouit mieux les mauvaises herbes, et en évitant de jeter au fumier les détritus renfermant des graines de plantes adventices. Le repiquage donne de l’avance au riz et l’apport d’une couche d’eau assez forte est le plus gros obstacle au développement des herbes ; cependant on entrave celui du riz en allant trop loin dans cette voie. Les canaux d’irrigation contribuent à diffuser les mauvaises herbes : ainsi le rong khêt (Utricularia) originaire des zones basses, acides et humifères a envahi tout le réseau de Kep où il devient fort gênant. L’étude des mauvaises herbes les plus répandues et de leurs conditions optima de développement rendrait de grands services : la connaissance de la biologie de ces plantes permettrait la détermination de procédés de prévention et de destruction autres que l’arrachage, toujours long et coûteux.
Nombre et époque des désherbages
2On enlève les herbes jusqu’à quatre ou cinq fois dans les rizières très envahies parce que peu ou pas recouvertes d’eau. Le cas extrême est constitué par les riz de culture sèche qui reçoivent, dans la province de Thai-Binh, un sarclage tous les huit à dix jours, de la semaine après la levée jusqu’avant l’épiaison, soit jusqu’à six et huit nettoyages pour la campagne. En rizières profondes on donne une façon rapide peu dispendieuse ou même on se dispense de nettoyer. Il faut sarcler plus au cinquième mois, les rizières manquant souvent d’eau et les basses températures retardant plus le développement du riz que celui de certaines plantes adventices. En rizières à deux récoltes normalement irriguées on donne généralement deux ou trois sarclages au cinquième mois, et un, rarement deux, au dixième mois. Le nettoyage demandant beaucoup de main d’œuvre est mieux exécuté dans les régions surpeuplées : quand le bas delta donne trois nettoyages par campagne, on se contente souvent d’un seul, dans les mêmes conditions, à la périphérie. Les rizières couvertes d’azolle n’ont généralement pas besoin de désherbage ; elles en reçoivent parfois un au début, avant le développement de l’engrais vert. Enfin, dans chaque région les agriculteurs nettoient d’autant mieux leurs rizières qu’ils sont plus soigneux.
3Au cinquième mois, le premier nettoyage est donné après le Têt, un mois à quarante-cinq jours après repiquage, même deux mois si l’on ne désherbe qu’une fois. On sarcle en premier, quand elles gardent encore un peu d’eau, les rizières les plus élevées dont on craint l’assèchement. Une fois la terre durcie le travail devient si pénible en sol assez argileux qu’on y renonce : une femme n’arrive à nettoyer, et encore, bien mal, qu’un quart de sào par jour – moins d’un are. Nous avons déjà insisté sur la nécessité de désherbages préalables au durcissement ; il vaut mieux commencer très tôt, dès qu’on a fini le repiquage, pour revenir une deuxième fois juste au moment où la rizière, qui vient d’être découverte, est encore assez humide ; mais il vaut encore mieux s’efforcer d’irriguer normalement. Une trop forte couche d’eau gênerait le sarclage mais elle suffit généralement à entraver le développement des mauvaises herbes. Quand on donne deux nettoyages, le second vient trois semaines à un mois après le premier ; si l’on en donne trois ou plus, ils se succèdent à trois semaines ou même seulement quinze jours d’intervalle, le premier venant quinze jours après la reprise (Thai-Binh). Le dernier précède parfois immédiatement l’épiaison, mais il ne faut plus descendre dans la rizière dès le début de la floraison si on ne veut pas compromettre la fécondation. D’ailleurs, à ce moment, dans une rizière bien propre, le développement du riz est suffisant pour arrêter les plantes adventices.
4Au dixième mois, le riz et les mauvaises herbes se développent plus vite, il faut désherber plus tôt pour aider le riz à prendre le dessus. Le premier nettoyage est donné trois semaines après repiquage, au début du tallage, le second à la fin, environ un mois plus tard ; si on en donne un de plus, ils se succèdent à trois semaines d’intervalle. Nous avons déjà signalé que l’apport de fumier ou d’autres fertilisants en couverture devait, sous peine de favoriser les plantes adventices, être fait après un nettoyage, et que parfois on asséchait après pour éviter la reprise des herbes.
Désherbage à la main et avec les outils annamites
5Souvent, surtout dans le haut et le moyen delta, les herbes sont arrachées à la main par des femmes qui les enfouissent dans la boue par poignées ou les déposent dans la rizière en petits tas recouverts de terre. Au dixième mois, la haute température provoque la décomposition rapide de ces plantes qui apportent de l’humus au sol : mais au cinquième, elles pourrissent mal et peuvent reprendre, aussi les agriculteurs soigneux les rejettent-ils sur les diguettes : on pourrait les mettre en petits tas couverts de terre, additionnée même d’un peu de chaux ; après décomposition, on les enfouirait au labour pour la campagne suivante. On arrache toujours à la main les mauvaises herbes qui ont pris un grand développement, pour les extirper avec leurs racines.

Figure 24. - Racloir, râteau en fer et râteau en bois pour le sarclage des rizières
6Quand le nettoyage est fait très tôt – et c’est ce qu’il faut faire – il s’adresse à de petites herbes difficiles à saisir, il est préférable de prendre des outils, surtout en eau assez profonde. Quand il y a quelques grandes herbes et un fin tapis de petites herbes, on arrache d’abord les grandes à la main, puis on passe les instruments. Il y a intérêt à généraliser l’emploi d’outils permettant les sarclages précoces : détruite toute jeune, l’herbe ne nuit pas au riz. D’autre part on se fatigue moins à travailler debout que courbé. Dans le haut et le moyen delta on emploie le plus souvent un racloir (cái nạo cὀ) en forme d’étrier, généralement dentelé, muni d’un long manche (figure 24).
7Il ne peut servir que dans la boue molle des rizières submergées. Il faut racler avec énergie, pour dégager les herbes sectionnées, qui reprendraient si elles restaient prises dans la boue. Si quelques jours après la rizière a peu ou pas d’eau les herbes qui flottaient reprennent contact avec le sol et repartent de plus belle. Aussi les ramasse-t-on parfois à la main pour les enfoncer dans la boue en petits tas.
8Racloir ni râteau ne sauraient extirper les racines des grandes herbes. En rizières simplement humides, ou en rizières sablonneuses desséchées (riz de culture sèche), on utilise dans la province de Thai-Binh la houe qui sert aux labours (figure 12), conservant le râteau pour les rizières submergées. En eau profonde on utilise parfois, pour les herbes aquatiques, un triangle dentelé et coupant sur deux côtés (cái a) que l’on pousse sur le sol devant soi (figure 25). Cet instrument peut en outre couper en eau profonde les joncs et les chaumes. Dans le moyen et le bas delta on utilise beaucoup un petit râteau en bambou (cái cào cὀ) (figure 24), large de 14 a 18 cm, muni de cinq, huit, dix ou douze dents a section carrée, en fer ou en bambou, de 4 à 5 cm de longueur. Il ne pénètre pas à plus de 3 ou 4 cm dans le sol et ne sert qu’en rizières submergées. Enfin dans les rizières trop durcies pour qu’on puisse y extirper les herbes à la main ou à la houe, on peut les couper à la faucille : c’est là un pis-aller qui réduit leur développement, leur évaporation, et retarde la montée à graines.

Figure 25. - Outil de sarclage en rizière profonde
Outils de sarclage japonais
9Les Japonais, qui attachent la plus grande importance aux nettoyages, en donnent généralement trois à quatre au cours d’une campagne. C’est pour les rendre plus faciles qu’ils repiquent en lignes, le long de bambous à encoches ou de cordes à nœuds marquant l’emplacement de chaque touffe. Même sans repères les repiqueuses tonkinoises sont capables, avec un peu plus de soin, d’écarter assez régulièrement les plants pour utiliser dans leurs intervalles les outils japonais. Le plus simple est constitué par un cadre ovale, long de 38 cm et large de 14 cm quand il est destiné à passer dans des interlignes de 20 cm. Sur des barres transversales sont fixées, inclinées dans le sens de la marche, de grosses pointes en fer (figure 26). Avec l’appareil, attaché au pied droit ou poussé avec un long manche, on gratte énergiquement la boue de la rizière, déracinant et brisant toutes les petites herbes, les seules existantes, puisque les Japonais, excellents riziculteurs, sarclent toujours avant qu’elles ne soient développées.

Figure 26. – Outil de sarclage japonais, actionné au pied ou à la main, vu en dessous ; section d’une barre et d’une dent ; la flèche indique le sens du déplacement
10Cet appareil pourrait être fabriqué aisément par les artisans tonkinois pour 25 ou 30 cents. Il rendrait de grands services dans les mêmes conditions qu’au Japon, c’est-à-dire en rizières submergées peu salies. Dans le cours d’une campagne, deux, trois ou quatre passages de cet instrument seront complétés par un ou deux arrachages des herbes poussées sur les lignes de riz.
11Un autre appareil, assez complexe, est plus couramment utilisé au Japon. Il consiste essentiellement en un cadre en bois sur lequel sont fixés un ou deux rouleaux à sections hexagonales munis sur leurs arêtes de pointes métalliques. Dans un autre modèle, les rouleaux plus petits sont munis de lames métalliques courbes et flexibles (figure 27). En poussant l’appareil devant soi avec ses deux manches, on fait tourner les rouleaux qui arrachent et enfouissent dans la boue les mauvaises herbes. A l’avant est fixé un patin qui empêche d’enfoncer trop.

Figure 27. – Outil de sarclage japonais, muni de deux rouleaux sarcleurs r, et, à l’avant, d’un patin l’empêchant d’enfoncer dans la boue. Au-dessous, deux types de rouleaux sarcleurs, en coupe et plus grossis
12Comme le précédent, cet appareil nettoie bien les interlignes d’une rizière submergée encore peu envahie. Il permet un travail plus rapide, mais il est plus difficile à construire et revient quatre ou cinq fois plus cher ; nous conseillons au petit exploitant le modèle actionné au pied, l’agriculteur aisé pouvant se permettre l’essai du second.
Procédés indirects de lutte
13Pour lutter contre les Utricularia (rong khêt ou rong sét), très envahissants dans les rizières submergées du cinquième mois, les agriculteurs annamites vident la rizière juste avant sarclage et la laissent à sec trois ou quatre jours après. D’autres jettent dans la rizière quelques paquets de moelle de rotin (lông mây1). Mais le meilleur procédé, utilisé à Bac-Giang, consiste à répandre de la chaux en poudre : 200 kg au mẫu suffisent pour faire pourrir les plantes en moins d’une semaine. Nous avons essayé ce procédé avec succès au village de Van-Phuong près de Hung-Yên : la mise à sec n’y donnait pas de résultats satisfaisants et on craignait toujours de n’avoir plus d’eau à remettre.
14Pour lutter contre le Massilia quadrifolia (cὀ bờ), surtout dangereux au dixième mois en rizières asséchées ou peu submergées, il faut l’arracher complètement et même le brûler. Il ne faut pas le jeter sur les diguettes et nettoyer fréquemment leurs bordures, d’où il repart rapidement. Des agriculteurs prétendent arrêter son invasion en mettant dans la rizière des feuilles ou des écorces pulvérisées de jacquier. Les graminées du type Panicum (cὀ mèo) ne sont pas, comme en Italie, les plus nuisibles des plantes adventices ; mais elles sont parfois assez abondantes, d’autant plus qu’au repiquage on les distingue difficilement du riz. Dans certaines circonscriptions hors du delta de Son-Tây et de Bac-Giang (régions Tho), quand le riz est déjà assez âgé et qu’il y a assez de ces graminées, on mène paître les oies ou les canards qui les apprécient. Ils binent le sol de leurs pattes et de leur bec. A Phu-Lang-Giang (Bac-Giang) on estime qu’ils font au riz plus de mal que de bien, en tout cas on ne les met qu’avec abondance d’herbes, ce qui ne devrait jamais arriver.
15Mais là où on n’a pas assez de main-d’œuvre pour sarcler il vaut peut-être mieux mener ces volailles que de laisser étouffer le riz. Quand un peu avant la floraison on voit émerger quelques épis de Panicum, il faut les enlever et les brûler, car les graines peuvent terminer leur maturité après l’arrachage. Les algues envahissent parfois la rizière mais elles sont beaucoup moins dangereuses qu’en Italie : leur invasion est plus rare et le riz repiqué en souffre moins que le riz semé en place. La présence d’algues en quantité modérée n’est pas un facteur défavorable ; comme l’azolle, elles enrichissent en oxygène l’eau de la rizière.
16Si elles se développent au point de gêner la pousse du riz, on les enlèvera facilement avec un râteau, en les déposant en tas sur les diguettes. Il y a suffisamment de main-d’œuvre pour ne pas envisager, comme en Italie, l’emploi d’une solution de sulfate de cuivre à 5 %o, qui d’ailleurs les détruit radicalement, ainsi que nous l’avons expérimenté près de Hanoï.
AUTRES TRAVAUX EN RIZIÈRE
Le hersage
17Au premier abord ce terme paraît impropre puisque la herse annamite à dents de fer n’est jamais employée sur le riz en végétation. Mais on donne une façon analogue, en remuant à la main la boue de la rizière autour des plants de riz : le sol est ameubli, aéré, et les éléments fertilisants sont plus accessibles quand les limons fins sont mis en suspension dans l’eau de la rizière.
18D’ordinaire, ce travail est accompli en même temps que le nettoyage : ainsi dans une rizière peu envahie, en arrachant les herbes on malaxe le sol autour des plants dans les places propres. De même on passe partout le racloir ou le râteau. On descend aussi en rizière dans le seul but d’en « remuer la boue ».
19Ce travail doit être fait par la famille de l’exploitant et non par des salariés, car il est impossible d’en contrôler la bonne exécution2, sauf le cas de salariés intéressés au rendement. Dans les circonscriptions de Gia-Lôc et de Thanh-Miên (Hai-Duong), de Vu-Thiên et de Duyên-Ha (Thai-Binh) on emploie une herse toute en bambou (figure 28), large de 1,2 m à 1,4 m et comportant de sept à dix dents longues de 60 à 70 cm. Cette herse est tirée dans la rizière par ses deux brancards, quelquefois avec l’aide d’une corde. Les dents peuvent rencontrer les touffes de riz, elles sont assez flexibles pour ne pas les abîmer3. On passe cette herse un mois et demi après le repiquage, quand le sol est trop tassé, pour l’aérer, l’ameublir, le soulever et faciliter ainsi le sarclage ultérieur au râteau. Dans les rizières basses très boueuses, les dents s’enfoncent plus profondément, jusqu’à 10 cm. Le paysan qui tire la herse doit s’aider d’un bâton. Ce passage brise beaucoup de racines, ralentissant une végétation trop exubérante et diminuant les chances d’une verse précoce très préjudiciable au rendement. Dans le même but on utilise d’autres procédés, que nous allons étudier.

Figure 28. - Herse en bambou
Lutte contre la verse4
20On brise aussi les racines des touffes trop exubérantes en piétinant autour ou en y passant le râteau, aussi profond que possible. On ralentit de la sorte la nutrition mais on ne sait dans quelle mesure il faut agir pour éviter une verse trop précoce et obtenir le meilleur rendement. Quand la vigueur de la végétation se manifeste tôt on peut, trente-cinq à quarante jours après le repiquage, briser des racines pour la ralentir en arrachant les touffes pour les repiquer dans la même rizière après un nivellement à la herse. A cette occasion les plus grosses touffes sont éclatées en deux. On pratique aussi l’écimage, en coupant l’extrémité supérieure des feuilles environ un mois avant l’épiaison5. Dans les rizières les plus riches en azote on pratique jusqu’à deux écimages. De même qu’au repiquage, on évite d’atteindre l’extrémité délicate de la dernière feuille qui enserre la panicule.
21Tous ces procédés plus ou moins barbares sont des expédients dont l’intensité d’action est difficilement appréciable. Les agriculteurs savent que les riz écimés donnent des épis moins longs et moins fournis. Le buttage des touffes, pratiqué à la houe par des petits propriétaires du bas delta lors du premier ou du deuxième sarclage du dixième mois, réduirait aussi la verse. Ce procédé semble préférable mais il exige beaucoup de main-d’œuvre et un repiquage à grand écartement. On emploie aussi la réduction du nombre des labours et même leur suppression, mais cette technique n’est pas toujours la meilleure : dans certaines zones basses de Thanh-Hoa, les riz résistent parfois mieux à la verse avec labour que sans. Enfin, si un assèchement de courte durée peut pousser à la verse – les Italiens le pratiquent pour donner un coup de fouet à la végétation – un à sec prolongé deux ou trois semaines ralentit le développement de la plante. On l’emploie parfois pour combattre une menace de verse, mais on remet en eau au moins trois semaines avant l’épiaison, si on ne veut pas compromettre la récolte.
22La meilleure solution consiste dans la recherche de variétés adaptées à ce milieu exagérément riche en azote organique. Les agriculteurs annamites y cultivent déjà leurs riz les plus exigeants tels les riz gluants. Il sera sans doute possible de dégager parmi les variétés existantes, d’importer ou de créer par hybridation des variétés à paille courte et raide, très résistantes à la verse en même temps que très exigeantes, capables de répondre par de hauts rendements à la grande fertilité de ces terres.
ENTRETIEN DES DIGUETTES
Rétention de l’eau
23Quand une parcelle est bordée d’un côté par une rizière de niveau inférieur, il faut venir fréquemment vérifier l’étanchéité de la diguette. Il suffit d’un petit trou pour que l’eau s’écoule et qu’on doive la remonter à l’écope. Aussi les riziculteurs prudents établissent-ils souvent dans la parcelle, entre deux lignes de riz, à 1,5 ou 2 m en avant de la diguette de retenue, une petite contre-diguette haute de 10 à 12 cm (figure 29). En cas de rupture de la diguette seule une petite bande de rizière se vide. On établit généralement une contre-diguette quand on veut, à travers une parcelle, conduire de l’eau destinée à une rizière plus éloignée ou plus haute. Le courant d’eau ne traverse pas toute la parcelle et d’autre part on ne perd pas pour la culture le terrain qui serait occupé par un petit canal.

Figure 29.- Étanchéité des diguettes a, trou de rat bouché soit en b par de la terre pilonnée (Italie), soit en c par de la terre ramenée (Tonkin) ; d, contre-diguette
24La diguette est souvent trouée de galeries d’animaux, rats ou serpents en rizières hautes, anguilles, lamproies ou hà do en rizières basses. Le passage répété des buffles peut la détériorer en un point et il vaut mieux ne pas faire passer habituellement ces animaux sur les diguettes séparant des rizières de niveaux sensiblement différents6.
25Au moment du repiquage les agriculteurs tonkinois ont l’habitude de ramener un peu de boue contre la diguette, descendant en pente douce vers la rizière, pour en consolider l’étanchéité. En cours de végétation on remet de la terre en face des trous. Cette boue est facilement perforée et il vaudrait mieux opérer comme les riziculteurs italiens qui creusent au milieu de la diguette, au niveau des déperditions, une tranchée profonde aussitôt rebouchée avec la terre énergiquement pilonnée (figure 29). Dans la province de Hai-Duong, pour éloigner les hà do, sorte de lamproies perforatrices de diguettes, on enfouit à 4 ou 5 cm de profondeur dans la rizière des feuilles de xoan (Melia azedarach ou lilas du Japon), de lim ou de cây sua, ou on épand en couverture des tourteaux de Camelia oleifera, kho dau so. Dans le même but, on introduit dans les trous qu’elles creusent dans la rizière un mélange de fiente de volaille, de chaux, de suie et de cactus pilonné ; le trou est ensuite bouché avec de la terre.
Nettoyage des diguettes
26Beaucoup de mauvaises herbes et spécialement celles qui émettent des stolons trouvent sur les diguettes un refuge d’où elles repartent après chaque nettoyage. Aussi pourrait-on en nettoyer les bordures plus souvent que la rizière en tranchant nettement les herbes à leur départ. Elles pullulent sur le pan de terre ramenée le long de la diguette bien ameublie et généralement émergée. A ce point de vue il serait préférable de couper verticalement les parois des diguettes ; à défaut on pourrait, comme en rizières desséchées, y ralentir la poussée des mauvaises herbes en recouvrant le sol après un bon nettoyage, de 2 ou 3 cm de balles de paddy, comme cela se pratique au village de Phuong-Diêm (Gia-Lôc, dans la province de Hai-Duong). Ces balles ne peuvent entraver la pousse de plantes adventices déjà développées.
27Sauf après une attaque d’insectes qu’hébergent aussi les graminées sauvages, on ne peut recommander le sarclage de la surface des diguettes qui constituent le pâturage principal des animaux du delta. Mais on pourrait en extirper beaucoup de plantes nuisibles, du type stolonifère, d’autant qu’elles n’ont généralement aucune valeur fourragère et prennent la place de bonnes herbes.
28En conclusion, insistons sur la nécessité de nettoyages précoces, donnés avant que les mauvaises herbes aient nui au riz ; ils sont absolument indispensables quand on redoute l’assèchement. Il vaut mieux supprimer un sarclage avant l’épiaison et en donner un de plus au début de la végétation, dès la reprise. Le riz ayant pris une grande avance se défendra seul quand il sera assez développé.
Surface nettoyée par jour
29En rizière assez envahie une femme ne peut guère nettoyer à la main plus d’1 sào dans sa journée - soit vingt-huit jours par hectare – tandis qu’avec un racloir ou un râteau elle peut en désherber 1,5 à 2 sào. S’il y a peu d’herbes on peut nettoyer à la main jusqu’à 2 ou 3 sào ; si on veut aussi remuer la boue autour des plants de riz, on ne dépasse guère 1,5 sào. Dans le bas delta les rizières plus propres et les touffes plus écartées permettent d’aller plus vite : on fait en moyenne 2 sào par jour. En rizière asséchée et durcie, la surface nettoyée tombe à 0,5 et même 0,25 sào.
30C’est pour les travaux de sarclage, d’irrigation, de transport et d’épandage du fumier en couverture qu’on donne les plus bas salaires : dans les régions de monoculture du riz, ce sont les seuls travaux à exécuter pendant toute la durée de la végétation.
31Il n’y a pas bien longtemps, en 1926, à la suite d’inondations la population sous-alimentée offrait en morte-saison dans plusieurs provinces son travail en échange de sa seule nourriture, nourriture sur laquelle on se privait pour en rapporter à la maison.
Notes de bas de page
1 Orthographe sans doute inexacte [NdÉ].
2 Comme le fait remarquer M. Nguyên Van Vinh.
3 On utilise une herse analogue à Java.
4 D’après une étude de M. Trinh Van Thuat, directeur de la Station rizicole de Hai-Duong.
5 Pour le blé, on estime que la meilleure époque d’écimage est l’apparition de l’épi dans la gaine des feuilles quand il commence à se différencier sans dépasser quelques millimètres de longueur.
6 Mentionnons encore la rupture intentionnelle de la diguette par un voisin désireux de se procurer de l’eau sans mal, ou même simplement malveillant.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.