Chapitre XII. Alimentation en eau de la rizière
Régime de l’eau en rizière, élévation de l’eau
p. 227-252
Texte intégral
LE RÉGIME DE L’EAU EN RIZIÈRE
1L’eau étant le premier aliment du riz1, ce n’est pas la peine de choisir une variété haute productrice, de labourer et de fertiliser convenablement sa terre, si on doit le laisser dépérir de sécheresse ou de submersion. Il faut d’abord viser à mettre de l’eau dans les rizières qui en manquent et à enlever l’excès des bas-fonds. Mais après la maîtrise de l’eau il faut rechercher son meilleur mode de distribution : hauteur optima, assèchement et renouvellement. De telles études dont l’intérêt paraît limité aujourd’hui où le premier objectif est loin d’être atteint, seront la base indispensable des progrès ultérieurs. Et comme elles demanderont de longues années, il faut les entreprendre dès à présent. A défaut d’expériences suffisamment prolongées, nous pouvons étudier et discuter l’opinion des cultivateurs annamites. Si trop souvent ils réalisent, non ce qu’ils voudraient, mais ce que permettent les circonstances2 une longue expérience leur a donné des indications sur le régime qui convient le mieux en différentes conditions.
Hauteur d’eau optima
2Au début de la végétation, on cherche couramment à maintenir sur la rizière 8 à 12 cm d’eau, ce qui entrave le développement des mauvaises herbes sans gêner la pousse du riz. Les agriculteurs prévoyants constituent une réserve importante dans les rizières élevées du cinquième mois : le niveau de l’eau baisse très vite dans les mares, et il faudrait, par la suite, l’élever davantage ; on peut même en manquer complètement. Là où on avait repiqué sous 4 à 5 cm, pour favoriser une reprise plus rapide et réduire les dégâts des crabes, on attend huit à dix jours pour élever l’eau.
3Mais dès le début du tallage, on l’abaisse, en arrêtant l’irrigation, ou même en enlevant un peu d’eau. En effet les jeunes talles qui se développent au niveau des nœuds les plus bas des tiges principales, n’arrivent pas à se développer sous une trop forte submersion : à ce moment il vaut mieux ne pas dépasser 5 à 8 cm. A Nam-Dinh les agriculteurs fixent comme maximum de niveau le point où le limbe de la plus haute feuille se détache de la gaine. Avec trop d’eau la plante ne périt pas mais ne talle pas. Cependant par les fortes chaleurs on évite une trop faible épaisseur, 1 cm par exemple, qui s’échauffant d’une manière excessive au soleil, « brûle la plante », comme disent les paysans. On préfère quelques centimètres ou rien. Du tallage à la floraison il semble qu’on ait une plus grande latitude : on peut élever peu à peu le niveau mais le riz se contente aussi d’une faible couche. Une épaisseur d’au moins 10 cm pouvant s’élever jusqu’à 20 cm, paraît la plus favorable au moment de l’épiaison et de la floraison.
4Quinze à vingt-cinq jours après la floraison, soit dix à quinze jours avant moisson, quand les grains de riz encore laiteux vont cesser de l’être, au dire des uns, ou quand les deux tiers des panicules sont jaunes, ou encore quand les panicules commencent à se recourber, prenant la forme d’un hameçon (« lúa non cau », disent les paysans) on évacue, si on le peut, l’eau de la rizière. Ce drainage favorise la maturité et facilite les opérations de récolte. Cette règle souffre quelques exceptions : on laisse l’eau plus tard pour soutenir les tiges quand on craint la verse ; on évite parfois d’assécher, pour la moisson du cinquième mois, certaines rizières argileuses à deux récoltes, pour éviter de « perdre la boue » (mât nấm), de laisser durcir la terre au soleil, ce qui rend plus pénible la préparation du sol pour la campagne suivante.
Renouvellement de l’eau et assèchements
5Les hauts rendements des rizières italiennes ne sont obtenus qu’en irriguant avec de l’eau constamment renouvelée par un léger courant, et en pratiquant, pendant la durée de la végétation, un, deux et parfois trois assèchements de quelques jours. On attache la plus grande importance à ces pratiques : elles maintiennent une forte proportion d’oxygène dans l’eau de la rizière ; les assèchements aèrent le sol et donnent un « coup de fouet » à la végétation : on règle leur durée suivant l’intensité de l’action qu’on veut provoquer. Nous avons recherché si de telles pratiques étaient suivies au Tonkin et ne les avons rencontrées que d’une manière exceptionnelle. Le paysan annamite a généralement trop de mal à se procurer l’eau et craint trop d’en manquer plus tard pour consentir à la rejeter, pour la renouveler ou pour assécher. Notons toutefois que le riz tonkinois reste à sec à la fin de son séjour en pépinière.
6Au pied des mamelons boisés dans la circonscription de Tam-Duong (Vinh-Yên), les propriétaires de rizières très acides, riches en oxyde de fer, enlèvent parfois l’eau quand ils sont sûrs d’en pouvoir remettre par gravité, en dérivant les ruisseaux qui descendent du Tam-Dao. On n’assèche pas la rizière plus de cinq à six jours : la terre durcit sans aller jusqu’au fendillement.
7Dans le réseau d’irrigation de Kep, quand il y a beaucoup de mauvaises herbes, le ou les deux sarclages sont suivis d’un assèchement de cinq jours, pour entraver la reprise des herbes arrachées, trop facile sous l’eau ou en terre très humide. On le fait à proximité des artérioles, là où on peut irriguer par gravité.
8Dans la région maritime, l’eau des arroyos domine une partie des rizières, surtout au moment des plus fortes marées, situées aux changements de lune, soit autour du 1er et du 15 de chaque mois annamite. On profite des plus bas niveaux pour vider la rizière, à nouveau irriguée au flot suivant. Parfois on ouvre les diguettes pendant les quelques jours de forte marée, laissant les parcelles en communication constante avec les arroyos, de sorte que la rizière est alternativement découverte et recouverte avec de l’eau constamment renouvelée. Quand les eaux sont chargées de terre, on peut les garder deux ou trois jours afin de laisser le limon se déposer ; on évacue à marée basse pour remettre à marée haute une nouvelle quantité d’eau limoneuse.
9Dans une basse vallée du Centre-Annam (environs de Bang-Môn, province de Thua-Thiên), la rivière Hung-Binh-Giang a été barrée à son embouchure pour empêcher la remontée de l’eau salée et régler, à l’aide d’un barrage mobile, le niveau de la rivière, suivant que l’on désire drainer ou irriguer les rizières de la vallée3. Après un repiquage sous 15 cm, on laisse l’eau déposer ses limons pendant trois jours, puis on assèche quelques heures ou une nuit pour remettre une couche d’eau moins élevée ; on vide à nouveau au bout de cinq à sept jours et on remplace par une autre couche moins forte encore pour favoriser le tallage. On vide aussi l’eau pour biner. Après une série de renouvellements, on maintient, depuis l’approche de l’épiaison jusqu’après la floraison, une couche d’eau plus forte qui soutient les tiges et empêche une verse précoce que provoquerait le vent marin très violent. Grâce au renouvellement de l’eau, à l’aération intermittente du sol pendant les assèchements de courte durée mais répétés, et au dépôt de limons, on obtient dans ces rizières un rendement qui peut excéder 40 qx/ha, dépassant tous ceux que l’on observe en Annam et au Tonkin, égal à celui des plus riches rizières de Cochinchine. Les valeurs foncière et locative atteignent des taux très élevés. On ne saurait trop recommander ces exemples aux agriculteurs dont les rizières sont placées dans les mêmes conditions. Aujourd’hui, ces pratiques peuvent se généraliser dans la moyenne région, dans les rizières basses de la zone maritime, et dans le périmètre des réseaux d’irrigation. Elles pourront s’étendre au reste du delta si, parallèlement à l’amenée de l’eau, on prévoit d’égales possibilités d’évacuation.
10Dans la province de Son-Tây, dans les environs immédiats d’Hanoï (à proximité du champ de courses) et dans les terres trop acides de la province de Hai-Duong, les agriculteurs estiment utile de renouveler l’eau cinq, dix ou douze jours après le repiquage, car, disent-ils, l’eau est devenue « acide ». Ce renouvellement paraît s’imposer plus dans les zones basses, en terres riches en matières organiques : il n’est pas possible dans les plus basses d’où on ne peut évacuer l’eau. Parfois on laisse la terre à sec cinq à sept jours avant de remettre 10 à 15 cm d’eau ; on n’attend pas, surtout en terre forte, le durcissement du sol qui entrave la pousse des racines. Dans certaines rizières sablonneuses de la province de Hai-Duong, vingt jours à un mois après le repiquage, on assèche et on bine : le sol ameubli ne se tasse pas trop tôt, et les racines, à la recherche de l’eau, se développent en profondeur, améliorant l’alimentation ultérieure de la plante.
Inconvénients d’un manque d’eau prolongé
11Le riz souffre toujours d’un assèchement trop long mais plus ou moins suivant le sol et le stade de végétation. A intensité égale, l’assèchement est plus nuisible au dixième mois, quand les chaleurs activent l’évaporation. Il est plus néfaste en terres argileuses qui retiennent l’eau si énergiquement qu’avec une teneur encore élevée elles n’en laissent déjà plus à la disposition de la plante ; d’autre part, le fendillement du sol brise beaucoup de racines et dans ces terres durcies au soleil, le sarclage devenant impossible, les mauvaises herbes envahissent le riz.
12L’assèchement est très nuisible aussitôt après le repiquage : il arrête la reprise ; le riz n’ayant pas encore développé de longues racines dépérit et meurt en terre forte si l’à-sec se prolonge plus d’une semaine après le début du fendillement. Juste avant et au début du tallage, si le riz se trouve bien d’une faible couche d’eau, ou même d’une terre humide non submergée, il ne supporterait pas la sécheresse : dès que les feuilles jaunissent l’émission des jeunes talles ne se fait plus. Par contre, c’est à la fin du tallage – certains agriculteurs disent même pendant toute la durée du tallage –, et de là jusqu’aux approches de l’épiaison, que le riz supporte le mieux une sécheresse peu prolongée. Mais c’est pendant et juste après l’épiaison et la floraison que le manque d’eau est le plus nocif : sans eau l’épiaison se fait péniblement, la panicule n’arrive pas à se dégager de sa gaine (« lùa trỗ nghẹn », disent les cultivateurs), la floraison est irrégulière, retardée, et beaucoup de grains avortent. Dans les rizières les plus hautes du cinquième mois, toujours menacées de manquer d’eau, les agriculteurs s’efforcent d’irriguer surtout à deux moments : fin février, juste avant le tallage, lors des désherbages beaucoup plus pénibles, sinon impossibles, en terre durcie, et en avril, aux environs de la floraison.
Recherche du meilleur rythme d’irrigation
13Les cultivateurs de Giai-Lê (Hung-Yên) n’assèchent pas leurs rizières en cours de végétation : mais ils ont constaté qu’après un assèchement involontaire, consécutif à une rupture de diguette, le riz une fois remis en eau repart nettement mieux que là où il est resté constamment submergé. Dans le huyện d’An-Duong un agriculteur avisé assèche sa rizière au moment du tallage puis apporte la deuxième dose de fumier : il a remarqué qu’ainsi le riz talle et se développe plus rapidement et plus vigoureusement.
14Chaque fois qu’on peut remettre de l’eau sans frais (réseau d’irrigation, jeu des marées), il y a peut-être intérêt à pratiquer l’assèchement une ou deux fois en cours de végétation4, à condition qu’il soit de courte durée, spécialement dans les terres fortes qu’il vaut mieux ne pas laisser durcir : d’un à trois jours suivant la situation. Avant de généraliser cette pratique, il faudra voir si elle est réellement utile par des essais prolongés plusieurs années, en différentes conditions de sol et de climat5. L’époque la plus favorable se situera sans doute du tallage à la quinzaine qui précède l’épiaison.
15Dans les zones impaludées l’assèchement périodique sera sans doute fort utile : en Bulgarie on assèche tous les quinze jours pendant un ou deux jours s’il y a un fort soleil, trois ou quatre jours s’il se montre peu, et cela suffit à détruire les larves d’anophèle. Au contraire, le renouvellement de l’eau sans assèchement risque de créer un milieu plus favorable au développement de ces larves, heureusement combattues, dans les rizières du delta, par de nombreux insectes prédateurs. Les premières recherches entreprises en collaboration par l’Institut Pasteur et l’Office du riz promettent des résultats intéressants ; mais ces pratiques exigent, pour être efficaces, une rizière bien nivelée, sinon les larves persistent dans les flaques d’eau. L’assèchement favorisant la pousse des mauvaises herbes devra suivre immédiatement le sarclage, exécuté aisément sous une faible couche d’eau ou en terre encore très humide, mais plus pénible dès que la surface a durci un peu : répétons qu’un à sec à ce moment entrave la reprise des plantes adventices arrachées. Si l’on doit poser comme condition préalable à la généralisation de l’assèchement le résultat favorable de l’expérimentation, on peut mieux recommander le renouvellement de l’eau ou l’irrigation par eau courante6. Les racines du riz, organes vivants, ont besoin d’oxygène pour respirer et l’eau stagnant depuis longtemps en renferme très peu : la rizière est trop souvent un milieu réducteur.
16On voit l’objection : il faudra plus d’eau, donc des ouvrages d’irrigation plus coûteux. Or l’irrigation revient déjà fort cher relativement à la valeur du produit brut de la rizière. Mais notre conception n’entraîne pas de frais supplémentaires. Les ouvrages calculés pour fournir à la rizière le minimum d’eau indispensable dans les conditions les plus défavorables (besoins maxima, hauteur d’eau minima dans les rivières) pourraient, pendant une grande partie de l’année, débiter de plus fortes quantités d’eau, permettant de la renouveler ou d’irriguer par eau courante ; étant bien entendu qu’en période de disette on abandonnera ces pratiques.
17En saison des pluies, la prévision des fortes précipitations quarante-huit heures à l’avance permettrait de vider les rizières que la pluie remplirait. Les agriculteurs préfèrent à juste titre l’eau de pluie : elle apporte de l’azote en temps d’orage et lave les feuilles, enlevant les poussières qui en obturant les stomates gênaient la respiration. Mais sa supériorité doit surtout tenir à sa grande richesse en oxygène, dissous pendant sa chute dans l’atmosphère. Elle permet à la plante de mieux résister aux maladies et nous avons vu une forte attaque d’Helminthosporium, provoquée par l’apport d’un excès d’engrais azotés, enrayée rapidement par une pluie. Il y a donc intérêt à vider la rizière quand on prévoit une assez forte pluie. On voit l’intérêt que présenterait la prévision du temps une semaine à l’avance. On pourrait, au préalable, évacuer en grande partie l’eau d’un casier menacé de submersion, garder la pluie tombée dans les parcelles si la précipitation n’est pas excessive, ou l’évacuer partiellement seulement après décantation pour éviter d’entraîner les limons ; ou, au contraire, on pourrait accumuler dans les rizières de fortes réserves d’eau en prévision d’une longue sécheresse.
18Par crainte d’entraînement des matières fertilisantes, on prendra soin d’apporter le fumier ou les autres engrais complémentaires juste après le renouvellement de l’eau.
Rizières privées d’eau et rizières submergées
19Les cultivateurs abandonnent les rizières privées d’eau trop longtemps : les mauvaises herbes s’y développent en abondance et étouffent le riz déjà affaibli par la soif. Il faut sarcler la rizière en terre encore humide, dès que l’eau est évaporée et qu’on ne peut plus en remettre. Même si l’assèchement ne doit pas durer, il vaut mieux biner par prudence : dans tous les cas le riz en bénéficiera. Ainsi les mauvaises herbes ne se développeront que beaucoup plus tard.
20Dans les terres légères, on pourra continuer les binages comme en culture sèche : ils réduisent beaucoup les pertes d’eau par évaporation. En terre forte, il devient pratiquement impossible de toucher au sol une fois durci. Le petit exploitant y pourra quand même maintenir une certaine fraîcheur en le recouvrant de paille, de balles, ou, s’il en a, de sciure de bois ou de cendres. Trois centimètres de balles sur les rizières desséchées réduisent l’évaporation et entravent le développement des mauvaises herbes. On pourra espérer sauver une partie de la récolte, surtout s’il pleut aux environs de la floraison ; le rendement ne sera nul qu’en année exceptionnellement sèche.
21A part les mesures générales d’évacuation de l’excès d’eau des casiers que nous avons signalées, le paysan annamite ne peut guère lutter contre la submersion. Cependant l’écoulement des eaux est souvent entravé par de petits barrages établis en saison sèche sur les fossés, arroyos temporaires et autres petits canaux. Les villages intéressés devraient veiller à faire disparaître ces obstacles avant les pluies. Certains villages dont les rizières sont élevées n’hésitent pas à barrer des canaux, pour y relever le niveau de l’eau, même quand ils provoquent ainsi la submersion de rizières basses placées en amont. L’Administration doit intervenir pour réprimer ces abus et rétablir le libre écoulement de l’eau. Le riz supporte une submersion de quelques jours, et ceci d’autant mieux que l’eau est à plus basse température et plus claire : noyé par un débordement de rivière, le riz peut résister une semaine. Une eau chaude7 et limoneuse, venant de rizières plus élevées, provoque une pourriture plus rapide des plants. Ils supportent parfois mieux une forte couche d’eau qui s’échauffe lentement qu’une submersion réduite. La submersion des riz versés un peu avant la moisson du cinquième mois fait germer les grains, d’autant plus vite que l’eau est plus chaude. On préfère pour les plus basses rizières certaines variétés qui résistent plus longtemps à la germination.
Irrigation à l’eau saumâtre
22Les eaux salées remontent les cours d’eau, surtout dans les défluents du Sông Thai-Binh, d’autant plus que la pente est plus petite et le débit plus faible. C’est en février-mars ou même au début d’avril, en fin de saison sèche, qu’elles remontent le plus loin. A ce moment, les rizières bordées par ces arroyos ne peuvent plus être irriguées qu’avec de l’eau trop riche en sel.
23Du côté des défluents du Fleuve Rouge, on envoie des canaux chercher l’eau assez en amont pour que la teneur en sel ne soit pas excessive ; mais au nord et à l’est de la province de Kiên-An, toute une zone de rizières est difficilement cultivable au cinquième mois à cause du manque d’eau douce.
24A la limite, on tente la mise en culture de rizières dont la récolte est sous la dépendance étroite de l’intensité de la sécheresse hivernale. On peut y accroître les chances de succès en choisissant les variétés de riz qui résistent le mieux à l’eau salée : les essais sont commencés et l’Office du Riz pourra bientôt donner des indications à ce sujet. De plus, on pourra surélever les diguettes des parcelles et y planter des mạ assez hauts, pour pouvoir constituer dans la rizière même des réserves d’eau assez importantes, de 20 à 25 cm d’épaisseur, fin décembre ou au début de janvier, alors que la teneur en sel est encore peu élevée.
25Dans la période suivante, on élèvera le complément d’eau nécessaire non pas à haute mer, mais à la fin de la décrue, au plus bas niveau de l’eau : la hauteur d’élévation est plus grande mais la salure est minima8. L’eau la moins salée, plus légère, se trouve en surface : on la prélève à l’aide de l’écope à trépied, qui enlève une lame d’eau superficielle, et non avec le panier à cordes qui puise trop profond. S’il faut l’élever beaucoup, on pourra reprendre au panier dans une cuvette intermédiaire l’eau prélevée à l’écope. Enfin, il vaut mieux irriguer avec de l’eau saumâtre, tant qu’il n’y a pas excès de sel9 ; si on laisse à sec, la teneur en sel des solutions du sol se concentre au fur et à mesure de l’évaporation à la surface de l’eau salée remontée du sous-sol.
26A chaque saison des pluies, on lessivera abondamment la terre pour descendre le plus bas possible le plan d’eau salée et retarder cette remontée. On ne se contentera pas des eaux pluviales, on complétera le dessalement par l’amenée d’eau douce venant d’amont, renouvelée le plus souvent possible. Il ne faudra pas seulement mettre de l’eau, mais drainer pour en faire circuler la plus grande quantité possible et l’enlever chargée de sel.
27Dans les rizières les plus proches de la mer, le sel peut entraver même la culture de saison des pluies. Il est plus aisé à ce moment de faire venir de l’eau douce, dans un casier protégé de la mer par des digues. Mais si ce casier est à demi-submergé il ne faut pas se contenter, comme nous l’avons vu faire, de mélanger l’eau amenée à celle qui baigne déjà les terres. On doit la déverser sur les terres les plus hautes, et la faire descendre peu à peu sur les rizières de niveau plus bas : elle s’enrichit ainsi progressivement en sel et on profitera de la basse mer pour l’évacuer.
28Même au bord de la mer, il est souvent possible de prélever dans les fleuves de l’eau d’irrigation, à condition de prendre, si l’on irrigue par gravité, une lame superficielle, à l’aide d’une prise de grande largeur. Sur le littoral de la province de Ninh-Binh, on prélève l’eau au début du flot, quand elle est déjà assez haute pour pénétrer par gravité sans être encore trop salée : sur une barque placée à l’aval de la prise d’eau un homme la goûte de temps en temps, de façon à prévenir à temps du moment où la salure devient trop forte. Dans de telles terres, les engrais chimiques peuvent être nocifs en élevant la pression osmotique déjà trop forte des solutions du sol ; les plus dangereux sont les chlorures (chlorure de potasse ou chlorure d’ammoniaque), les terres salées ayant déjà un excès de chlore.
ÉLÉVATION DE L’EAU
29Si, dans la moyenne région et dans la zone maritime, une partie des rizières peut ou pourra être irriguée par la seule gravité, dans la grande majorité du delta, il faut encore élever l’eau pour arroser presque toutes les rizières du cinquième mois et une partie de celles du dixième dès que les pluies sont insuffisantes. L’aménagement hydraulique réduira ce travail, sans jamais le supprimer ; il gardera assez d’importance pour qu’on cherche à l’améliorer. Nous allons étudier les facteurs du rendement et la propulsion des appareils d’élévation, puis les instruments dont se servent les agriculteurs annamites qui utilisent généralement l’énergie humaine ; nous proposerons ensuite d’autres appareils, pouvant être actionnés par l’homme ou les animaux : enfin, nous signalerons les possibilités d’utilisation de l’énergie éolienne et, pour en montrer le peu d’intérêt, celles du pompage mécanique.
Rendement et propulsion des appareils d’élévation
30L’eau est puisée au niveau inférieur, en A, dans un cours d’eau, une mare, une parcelle de rizière, ou simplement un petit bassin de réception où on l’a déjà élevée pour la reprendre ensuite. Elle est déversée en B, dans la rizière à irriguer, dans un canal qui la conduira à cette rizière ou dans un relais pour une élévation ultérieure. En B, l’eau est retenue par une diguette D (figure 14).

Figure 14. - Rendement des appareils d’élévation
31L’énergie pratiquement absorbée est supérieure à l’énergie utile, dépensée pour élever la masse d’eau m à la hauteur utile h, différence des deux niveaux. L’énergie humaine est précieuse, il faut en éviter le gaspillage et chercher à réduire au minimum les absorptions parasites d’énergie.
- L’eau est en réalité élevée à une hauteur H, du niveau inférieur en G, centre de gravité de la masse qui va se déverser. On cherchera à réduire au minimum H-h, en élevant juste assez pour que l’eau se déverse. Pour éviter que l’eau de B mise en mouvement à chaque déversement ne retombe en A, la diguette D doit cependant dépasser de quelques centimètres le niveau de l’eau10.
- En réalité, on élève une masse M comprenant m l’eau utile, plus l’appareil d’élévation, plus l’eau retombée au cours du trajet, soit par le manque d’étanchéité du récipient, soit par la brusquerie des mouvements : on cherchera à réduire le poids mort de l’appareil et les fuites.
- En arrivant au sommet de sa course, la masse M, animée d’une vitesse v, a absorbé inutilement une force vive égale à 1/2 Mv2. En réduisant ν au minimum, c’est-à-dire en élevant l’eau d’un mouvement lent on diminuera, outre la force vive, les pertes d’énergies dues à la résistance opposée par l’eau et par l’air au déplacement de l’appareil. De plus l’eau qui arrive lentement fait moins de vagues, permettant d’abaisser la diguette de retenue, ce qui diminue H.
32On peut diminuer la vitesse d’élévation des appareils intermittents sans réduire leur débit en augmentant leur capacité. Les appareils d’élévation sont mus soit à bras, soit avec les pieds. On préférera ce deuxième mode de propulsion, qui, faisant intervenir tout le poids du corps, fatigue beaucoup moins à égalité d’énergie fournie.
Instruments annamites d’élévation11
33L’écope à trépied et le panier à cordes sont, avec la noria à pédales, les plus répandus. Dans les lais de mer de la province de Nam-Dinh, on utilise un appareil spécial et en bordure du delta quelques norias actionnées par le courant.
— Écope à trépied (cái gầu sòng)
34L’écope en fibre de bambou tressée, longue de 70 cm et large de 23 cm à son ouverture, est munie d’un manche de 1,5 à 2 m (figure 15).
35A l’extrémité antérieure de l’écope, ce manche est suspendu à un trépied de bambous par une corde de longueur telle que, maintenue horizontale, elle soit à quelques centimètres au-dessus du niveau de l’eau. La corde est attachée d’autant plus loin de l’écope que l’on doit élever plus haut. Pour puiser l’eau on ramène le manche en arrière en le soulevant assez pour que l’extrémité de l’écope plonge ; puis on pousse en avant, pour remplir et abaisse le manche pour retenir l’eau ; en continuant, l’écope attachée au trépied suit un mouvement pendulaire qui la soulève.
36Arrivée au point de déversement, on l’arrête et l’eau entraînée par sa force vive se vide. Si c’est nécessaire on soulève un peu le manche pour faciliter cette évacuation (figure 16). Pour une élévation de 10 à 30 ou 40 cm l’écope à trépied est un bon instrument. On élève l’eau en poussant doucement. La masse répartie horizontalement n’est pas trop soulevée ; ν et (H-h) restent faibles. Pendant le trajet, le poids supporté par le trépied est seulement poussé en avant, sans être soutenu comme dans le pelletage.

Figure 15 - Écope à trépied (à gauche) et panier à cordes
37L’inconvénient de son mode de propulsion est atténué : les deux bras coopèrent également au travail, l’effort est donné de haut en bas, et surtout la dépense d’énergie se trouve réduite par la faible hauteur d’élévation. Par contre, au-dessus de 40 cm son rendement diminue beaucoup : la corde est attachée plus courte, l’ouvrier puise avec le manche presque vertical et pousse vite, l’eau devant par son élan remonter l’écope pour se déverser (figure 16). Dans ce cas (H-h) et surtout ν atteignent des valeurs excessives, et l’appareil mu à bras exige des ouvriers très vigoureux pour élever à 50 ou 60, exceptionnellement 70 cm12.
38A chaque coup d’écope, l’ouvrier déverse couramment de 6 à 101 d’eau (extrêmes 4 et 151). On élève en moyenne 20 à 25 écopes par minute (extrêmes 15 et 35). Quand la hauteur diminue, la quantité d’eau puisée et la cadence augmentent : un même ouvrier élevait à 13 cm de hauteur 32 fois 131 d’eau par minute, et à 45 cm seulement 24 fois 8l13.

Figure 16. - Écope à trépied élevant l’eau à 20 cm (h) et à 50 cm (H). De O part la corde qui suspend l’écope au trépied de bambous (pour la clarté du dessin le manche de l’écope a été réduit au tiers de sa longueur)
39Dans une journée de neuf à dix heures, un bon ouvrier actionne l’écope sept heures effectives. Quand il n’est pas pressé, le paysan annamite n’y travaille qu’une partie de la journée. En exemple de travail modéré fourni dans une journée, nous pouvons citer :
Hauteur d’élévation | 0,3 m |
Cadence par minute | 22 |
Eau élevée chaque fois | 101 |
Durée du travail effectif | 7 h |
Soit pour la journée d’une personne : | 92 m3 élevés à 0,3 m |
40Des ouvriers vigoureux peuvent dépasser ces chiffres de beaucoup quand le travail presse.
— Panier à cordes (cái gầu dai)
41En bambou tressé, ce panier (figure 15) est attaché par quatre cordes, deux de chaque côté, en haut et en bas. Au bord de la réserve d’eau deux ouvriers saisissent chacun les cordes de leur côté, laissent tomber le panier en se penchant en avant, et le soulèvent plein en le tirant à eux avec ensemble par les cordes du haut : quand il arrive au-dessus de la rizière ils le culbutent en soulevant les cordes du bas.
42Comme l’écope, cet instrument a l’avantage d’être très peu coûteux (quelques cents), léger et facilement transportable d’une rizière à l’autre ; il permet d’élever l’eau d’un seul coup jusqu’à 1,6 m, même 1,8 m avec deux ouvriers forts ; en service normal les élévations ne dépassent guère 1,2 m. Il présente de nombreux inconvénients : le panier est élevé, pour un trajet beaucoup plus grand que celui de l’écope, à une cadence à peu près égale, 15 à 3014, en moyenne dix-huit à vingt-deux paniers à la minute, donc à une vitesse plus grande. Il est soulevé d’un coup brusque, trop haut : υ et (H-h) atteignent des valeurs excessives. Mu à bras, la propulsion est plus pénible que celle de l’écope : il exige des efforts dissymétriques, on tire la corde de côté, en se redressant ; le bras qui soulève fatigue plus que l’autre. Le panier à cordes ne peut puiser dans moins de 30 ou 35 cm d’épaisseur d’eau, tandis que l’écope sert encore avec 7 ou 8 cm.
43Pour se procurer de grandes quantités d’eau, on met quelquefois au même point deux ou même trois paniers, actionnés simultanément : c’est une pratique néfaste, les paniers étant élevés les uns au-dessus des autres pour éviter qu’ils ne se heurtent au déversement. Dans ce cas H atteint et même dépasse 2 h. L’économie d’effort réalisée en actionnant un seul panier au même endroit est bien supérieure au travail d’aménagement de la muraille de terre aux nouveaux points d’élévation.
44Ce panier est quelquefois utilisé à tort, dans le bas delta, pour des hauteurs inférieures à 0,4 m ; dans ce cas H dépasse encore 2h et l’écope à trépied donnerait, par ouvrier, un rendement bien supérieur. Pour 0,7 à 0,8 m, on peut même remplacer le panier par deux coups d’écope, avec un relais à mi-hauteur. Il y a des récipients de toutes dimensions dont la hauteur et le diamètre oscillent autour de 35 cm. On puise de 5 à 20 l suivant la hauteur d’élévation et la force des ouvriers, mais, comme pour l’écope, les chiffres les plus courants sont 6 à 10 l. La cadence d’élévation et la durée effective du travail dans une journée varient en raison inverse de la hauteur. Comme exemple de travail modéré nous citerons :
Hauteur d’élévation | 0,9 m |
Cadence par minute | 20 |
Eau élevée chaque fois | 71 |
Travail effectif | 7 h |
Soit pour la journée de deux personnes : | environ 60 m3 élevés à 0,9 m. |
— Noria à pédales (ou à chapelets) (máy đạp nu’ó’c)
45L’eau est élevée dans une auge rectangulaire en bois, dont la base est immergée, au moyen de palettes de même forme placées de distance en distance sur une chaîne sans fin en bois, articulée, supportée par deux axes : l’un, placé à la partie inférieure, tourne librement ; l’autre, placé à la partie supérieure, est mu par des pédales actionnées par deux ou plusieurs ouvriers qui maintiennent leur équilibre en s’accoudant à une barre d’appui (figure 17).

Figure 17.-Noria à pédales
46L’auge a de 0,8 m à 2,5 m de long, et peut, suivant son inclinaison, élever l’eau depuis 10 cm jusqu’à 1 m ou 1,5 m. Le rendement est optimum avec une inclinaison voisine de trente degrés. Le transport et la mise en place exigeant beaucoup de peine, on la réserve pour les élévations massives d’eau : irrigation de surfaces importantes de rizières et assèchement de mares pour la pêche.
47Introduite de Chine il y a plusieurs siècles, la noria à chapelet est un instrument complexe, de prix assez élevé, 12 à 13 $ pour une durée de quatre à cinq ans, accessible seulement à l’agriculteur aisé. Aussi n’est-elle pas répandue dans tout le delta : on en rencontre de petits modèles (1 m en moyenne) dans le bas delta, pour de faibles élévations (10 ou 20 cm)15 ; dans le moyen delta (environs de Hanoï), de grandes norias servent surtout à l’assèchement des mares pour lequel on les groupe parfois en batteries. Quand elle est bien construite et que les frottements ne sont pas excessifs, la noria est un très bon instrument, de rendement satisfaisant ; υ et (H-h) sont peu élevés ; elle présente le gros avantage d’être mue par le poids du corps de l’ouvrier, donc avec le minimum de fatigue relative. Mais présentant beaucoup d’articulations et de points de friction, il suffit d’une légère faute dans la construction, de l’emploi de bois mal séchés ou convenant mal, pour que l’énergie absorbée par les frottements atteigne une valeur excessive. C’est à ce fait qu’est due la légende que certains ouvriers possédaient seuls le secret de fabrication d’une bonne noria : il n’y a pas de secret mais sa construction ne souffre pas la médiocrité. On ne peut conseiller la généralisation de son emploi pour de petites élévations, comme dans le sud de la province de Nam-Dinh : l’écope si peu coûteuse présente un rendement satisfaisant jusqu’à 0,4 m.
48Au-dessus de ce chiffre, la noria présente sur le panier à cordes une telle supériorité que nous en conseillons l’emploi : deux ou trois petits cultivateurs peuvent s’associer pour en acheter une. De à 0,5 à 1 m, deux hommes actionnant une bonne noria élèvent, dans les mêmes conditions, presque autant d’eau que quatre hommes avec deux paniers à cordes. Quand on a de grandes quantités d’eau à élever, deux équipes de deux hommes se relayent toutes les demi-heures, travaillant chacune cinq à six heures par jour : il y a intérêt à ne pas arrêter un appareil qui immobilise un capital important. Certains cultivateurs n’attribuent pas à la noria un rendement supérieur à celui du panier, mais nous sommes persuadés que c’est à cause de frottements excessifs et nous ne saurions trop recommander l’achat de la noria à un artisan ayant déjà fait ses preuves. On pourra se rendre compte de l’importance des frottements en la faisant tourner à vide, la base hors de l’eau. Au Yunnan, on se sert d’une noria actionnée à bras et on trouve les deux types d’instruments dans la vallée du Si Kiang. On nous a signalé près de Thai-Binh16 cette noria à manivelle. Ce modèle ne présente aucun intérêt puisque nous avons déjà dit qu’il faut préférer la propulsion par le poids du corps. Les Yunnanais feraient bien d’adopter le modèle annamite.
— Appareil des lais de mer de Nam-Dinh
49Dans le huyên de Hai-Hâu, on utilise fréquemment un récipient (figure 18) immergé dans l’eau, ouvert du côté qui glisse le long d’une paroi de terre bien lisse et inclinée. L’ouvrier assis le tire à lui, l’eau remontée le long de la paroi se déverse dès qu’elle arrive au-dessus de la diguette de retenue.
50Cet appareil élève, à 10 ou 20 cm, 201 à la cadence de vingt élévations par minute, soit 144 m3 par journée de six heures de travail effectif. Il ne peut servir que pour les élévations inférieures à 25 cm. Avec une trajectoire plus courte sa cadence est égale à celle de l’écope ; l’eau se déverse dès qu’elle atteint la diguette : ν et (H-h) étant très réduits, le rendement est satisfaisant. On peut le recommander aux agriculteurs du delta, concurremment avec l’écope, pour les petites élévations. Il est peu coûteux, facilement transportable ; mais pour en obtenir un bon rendement il faut bien lisser la paroi de glissement : sinon il y a frottement et retombée d’une partie de l’eau.

Figure 18. - Appareil des lais de mer de Nam-Dinh, vu de profil. L’eau n’étant retenue par aucune paroi le long du plan incliné A-B sur lequel il glisse, se déverse par-dessus la diguette en arrivant en A
— Noria actionnée par le courant17
51Elle est plus couramment utilisée dans la moyenne région du Tonkin et de l’Annam, le Quang-Ngai, etc. Cependant quelques-unes fonctionnent à la périphérie du delta.
52On ménage sur le cours d’eau alimentateur un petit barrage pour que l’eau se déversant sur les aubes d’une grande roue la mette en mouvement. Cette roue porte sur sa périphérie une série de godets en bambou femelle inclinés de telle façon qu’ils se remplissent dans la rivière et se déversent à la partie supérieure dans une auge parallèle à son plan vertical. La hauteur d’élévation est un peu inférieure au diamètre de la roue qui varie de 3 à 10 m.
53On en trouve quelques-unes dans la circonscription de Tung-Thiên (Son-Tây). Elles ont 4 à 3 m de diamètre et peuvent irriguer 7 à 8 mẫu de rizières au cinquième mois et 12 à 15 mẫu au dixième mois où le courant est plus fort. Elles coûtent une vingtaine de piastres et doivent être changées ou complètement révisées tous les ans. On en voit aussi sur le Sông Ca-Lo, près de Phuc-Yên, qui servent essentiellement à alimenter en eau des briqueteries, accessoirement une petite parcelle de rizière voisine.
54Ces norias pourraient être plus largement utilisées à la limite de la moyenne région, surtout dans les moyennes vallées du Sông Câu, du Sông Thuong et du Sông Luc-Nam, et dans beaucoup de rizières tropicales de régions un peu accidentées18 ; elles rendraient de grands services pendant la saison sèche et au cours des périodes sèches de la campagne de saison des pluies. Dans le delta, la présence de digues est souvent un obstacle à leur emploi.
— Utilisation de ces instruments
55Dans l’utilisation de ces appareils on ne peut guère proposer que des améliorations de détail. On n’est pas obligé d’écoper les pieds dans l’eau froide, il vaut mieux les mettre sur un petit support en bois ou une traverse de bambou. Comme on a toujours trop chaud en travaillant, il faut, si on reste assez longtemps au même emplacement, s’abriter du soleil estival par une petite toiture en paillote, montée sur deux bambous ; on le fait souvent avec la noria, pourquoi pas avec les autres instruments d’élévation ?
56On aménagera avec soin les points d’élévation, la muraille de terre bien droite sera protégée de la dégradation par les éclaboussures au moyen d’une natte en bambou. Enfin on cherchera à réduire la hauteur d’élévation, ce qui est souvent possible au prix d’un terrassement minime : par exemple en dérivant de l’eau prise en amont à un niveau supérieur, ou en creusant un canal qui évite d’élever l’eau dans une rizière pour la faire descendre, de l’autre côté d’une crête, dans une parcelle de niveau inférieur.
57Il est évident que l’écope et le panier à cordes resteront encore de longues années les appareils d’élévation essentiels du delta. Si l’écope convient bien aux petites élévations, le panier à cordes, économique et pratique mais d’un mauvais rendement, devrait être réservé aux petits exploitants, pour l’irrigation de petites parcelles dispersées et plus élevées. Si on veut élever au même point des quantités appréciables d’eau à une hauteur moyenne (0,4 à 1,2 m et même 1,5 m) il y a intérêt à généraliser l’emploi de norias à pédales bien construites. Mais l’appareil étant coûteux et embarrassant, on peut chercher mieux en conservant la propulsion par le poids du corps : nous proposons l’utilisation de la noria japonaise, du tympan Lafaye et d’un nouvel appareil à bascule. Pour les grandes élévations, de 2 à 3 m et plus, on peut proposer, suivant les situations, la noria actionnée par le courant ou l’emploi d’un appareil à traction animale, couramment utilisé aux Indes. Des pompes aspirantes rustiques reviennent au prix d’une noria mais leur construction n’est pas à la portée des artisans du pays. Les types ordinaires sont mus à bras et prévus pour de trop faibles débits et de trop fortes élévations. Des modèles spéciaux mieux adaptés seraient trop coûteux, car on n’en pourrait vendre beaucoup.
Noria japonaise19
58Elle consiste en une roue munie d’une série de palettes qui se déplacent dans une auge circulaire en bois immergée dans l’eau à puiser. L’intérêt de cette noria est sa grande simplicité : elle est actionnée directement à la façon d’une cage d’écureuil, par un homme qui monte d’une palette à l’autre sur les rebords ménagés à cet effet ; il maintient son équilibre à l’aide d’un bambou appuyé sur le sol (figure 19).

Figure 19. - Noria japonaise
59Cette noria a un rendement élevé : les déperditions d’énergie sont réduites, si les palettes sont bien adaptées à l’auge. Il faut laisser entre elles un intervalle tel que les frottements soient évités sans qu’il retombe trop d’eau. Puissance et résistance sont appliquées à la périphérie de la même roue, il n’y a qu’un axe qu’il faut bien graisser.
60La hauteur maxima d’élévation est un peu inférieure au rayon de la roue : comme au delà de 2,5 m de diamètre sa construction deviendrait onéreuse, elle ne peut guère élever l’eau à plus de 1,2 m et, pratiquement, c’est pour des élévations inférieures à 0,8 ou 0,9 m qu’elle est appelée à rendre les plus grands services. Cependant en disposant des godets sur sa périphérie, comme dans la noria actionnée par le courant, la hauteur d’élévation pourrait n’être inférieure au diamètre de la roue que d’une trentaine de centimètres. En bambou, la roue pourra être établie par un artisan entraîné à des prix inférieurs à ceux de la noria à pédales.
61Quand on a en un point de grosses quantités d’eau à élever pendant une grande partie de l’année, on y peut installer une noria à poste fixe. Des agriculteurs dont les rizières peuvent être desservies du même point pourraient acheter à frais communs une noria, payée et entretenue au prorata de la surface cultivée ; ils s’en serviraient à tour de rôle pour alimenter leurs rizières.
62Au Tonkin, où la noria doit pouvoir être déplacée, il faudra soit aménager un canal circulaire en chaque point d’élévation, soit transporter chaque fois le canal, avec la roue que deux hommes portent sur un bambou. De toute façon on ne pourra pratiquement l’utiliser qu’en un nombre limité de points et on ne devra pas la déplacer pour moins d’une journée d’irrigation.
63L’ouvrier pourra régler l’intensité de son effort suivant la hauteur d’élévation : il augmente l’effort tangentiel moteur en s’écartant du sommet de la roue. Il y a là une pratique qui doit s’acquérir facilement. La largeur des palettes, donc la quantité d’eau élevée, sera en raison inverse de la hauteur moyenne d’élévation. S’il y a du courant dans la rivière où l’on puise l’eau, on veillera à faire tourner la noria dans le sens de ce courant, sinon le rendement diminuerait beaucoup.
64On peut se rendre compte du rendement de cette roue. Soit un homme du poids moyen de 40 kg ; son déplacement périphérique correspondant à une élévation verticale de 10 cm/s (soit 360 m/h, ce que peut gravir verticalement, quoique plus lourd, un alpiniste européen peu entraîné) donne une puissance de 4 kg.m/s (kilogrammètre par seconde ou Watt). Avec un axe frottant bois sur bois, bien rond et bien graissé, le rendement peut atteindre 35 % : la roue élèverait à un mètre 35 m3 en sept heures de travail effectif (1,41/s), ce qui est déjà nettement supérieur au panier à cordes. Mais le rendement pourrait dépasser 50 % si on faisait tourner l’axe sur roulement à galets, ce qui réduit de dix à un les frottements en ce point essentiel20. On pourra se servir de vieux roulements à billes d’autos, inutilisables dès qu’il sont très peu abîmés, mais encore excellents pour la noria qui tourne lentement. Ainsi un homme pourrait élever 50 m3 par jour à 1 m. Plutôt que d’acheter quelques machines très onéreuses, telles que tracteurs, camions ou pompes à moteur, il vaut mieux, avec une dépense moindre, améliorer l’équipement de très nombreux petits instruments de transports (charrettes, pousse) ou appareils d’élévation, par des perfectionnements de ce genre.
Tympan Lafaye21
65Cette roue élévatoire est formée d’un tambour cylindrique divisé en six compartiments par des cloisonnements en développante de cercle (figure 20). L’arbre horizontal est mu par des pédales, comme la noria annamite. Le tambour immergé à la partie inférieure, étant mis en mouvement, l’eau qui pénètre successivement dans chaque compartiment est élevée progressivement jusqu’à la hauteur des ouvertures latérales f' ménagées dans une joue du tambour et s’écoule dans une gouttière formant manchon autour de l’arbre. Le rendement mécanique de cet appareil est encore supérieur à celui de la noria japonaise. Les cloisons attaquant l’eau tangentiellement, il n’y a pas de heurts, et la vitesse de l’eau en arrivant au centre est presque nulle ; l’écoulement se fait aisément, sans qu’on doive ménager une grande différence de niveau entre les ouvertures f' et le canal ; H-h et ν sont réduits au minimum. Cette roue peut élever l’eau à une hauteur égale au tiers de son diamètre ; ne nécessitant pas de canal extérieur, comme les norias japonaise et annamite, elle est plus aisément transportable.

Figure 20. - Tympan Lafaye
66D’autre part, plus la roue plonge plus elle élève d’eau mais à une hauteur moindre : on peut faire varier en relation inverse le débit et la hauteur d’élévation sans modifier beaucoup le rendement. M. H. Régère a eu le grand mérite de révéler aux riziculteurs tropicaux l’intérêt de cet appareil, le meilleur utilisateur de l’énergie humaine pour les petites et moyennes élévations : on peut obtenir un rendement de 40 % avec un axe frottant bois sur bois, et dépasser 60 % avec roulement à galets.
67Un modèle léger tout en bambou (sauf l’arbre) tressé en caiphên22 et calfaté avec un mélange de sciure de bois et de goudron a été construit à l’École supérieure d’agriculture de Hanoï. Le prix de revient fut de 7,5 $ (pour une roue large de 0,35 m et haute de 1,2 m) donc inférieur à celui d’une noria à pédales ; aux essais, il se révéla bien supérieur. Nous ne saurions trop recommander l’utilisation de cet appareil élévatoire.
Appareil à bascule
68Nous avons recherché un appareil plus simple et moins coûteux que les norias, donc accessible à un plus grand nombre d’agriculteurs, en gardant leurs avantages essentiels : propulsion par le poids du corps et rendement satisfaisant. N’ayant pu le mettre au point nous nous contentons d’en proposer le principe : une fois construit et expérimenté, on pourra y apporter les modifications suggérées par la pratique.
69Il se compose essentiellement (figure 21) d’un grand axe porteur en bambou bien durci, non flexible (ou en bois, ou fait d’un tronc de palmier), chevillé à un petit bambou horizontal logé dans deux tourillons, dont la hauteur est en relation avec l’amplitude des oscillations de l’axe porteur. A une de ses extrémités est suspendu un récipient en bambou tressé, fixé suivant un angle tel qu’en abaissant la tige basculante il se remplisse d’eau et se vide automatiquement au moment où il atteint le niveau de la rizière à irriguer. Cet angle étant variable avec les hauteurs d’élévation, on suspendra la partie antérieure du récipient par une tige fourchue dont l’extrémité percée de trous très rapprochés s’engagera dans une fente ménagée dans l’axe porteur ; une clavette engagée dans un de ces trous soulèvera plus ou moins, suivant les besoins, cette extrémité de l’écope, l’autre étant suspendue toujours à la même hauteur. D’autre part le support autour duquel bascule le bambou est placé à une distance telle qu’au déversement la partie antérieure du récipient se trouve écartée de 1 ou 2 cm de la muraille du bassin de réception ; la lame déversante décrivant une parabole tombe sur la diguette de retenue qui descend en pente douce vers la rizière (figure 21).

Figure 21. - Schéma d’ensemble et détails (récipient, tourillons) de l’appareil à bascule ; b, butoir
70On pourra utiliser à son gré deux modes de propulsion. Un ouvrier assez souple pourra se déplacer sur l’axe d’un côté à l’autre du support. A l’extrémité opposée à celle du récipient on équilibre avec un panier de terre de poids tel que l’ouvrier doive appuyer autant d’un côté pour faire descendre le récipient dans l’eau que de l’autre pour le relever. L’ouvrier se maintient en équilibre en s’appuyant sur une tige de bambou.
71Un appareil à bascule analogue existe aux Indes, à la différence que le récipient plein d’eau est renversé par un aide quand il arrive au niveau de la rizière. L’aide a été supprimé ici en imitant un appareil cambodgien fait d’un tronc d’arbre évidé d’une courbure telle qu’il se vide juste quand il arrive en face du canal de déversement.
72On peut imaginer un second mode de propulsion. Le récipient est équilibré de telle façon qu’à vide il redescende seul, d’un mouvement assez lent pour qu’il ne se détériore pas tout en enfonçant dans l’eau. Mais pour éviter qu’il ne descende trop bas, et que la plate-forme ne remonte trop, on l’arrêtera par un butoir en bambou (figure 21, b) planté le plus près possible de la réserve d’eau. A l’autre extrémité de l’axe porteur on met une petite plate-forme sur laquelle un ouvrier monte à l’aide d’un léger escabeau en bambou muni de marches tous les 20 cm, la dernière pouvant être à 20 cm en dessous du plus haut niveau de la plate-forme. Par son poids l’ouvrier soulève l’eau, toujours d’un mouvement lent ; arrivé en bas il laisse redescendre le récipient, puis remonte sur la plate-forme avec son escabeau. Il se maintiendra avec une canne, plus aisément si la plate-forme est assez large pour lui permettre d’écarter les jambes et si elle a des encoches où il posera ses pieds. On pourra faire varier, dans une certaine mesure en relation avec la hauteur d’élévation et le poids de l’ouvrier, la longueur de l’axe porteur de chaque côté des supports ainsi que la contenance du récipient. Pour donner un ordre de grandeur, un appareil destiné à élever l’eau à 0,9 m de hauteur pourrait avoir :
Longueur de l’axe | 5 m |
Longueur du côté du récipient | 2,75 m |
Longueur de l’autre côté | 2,25 m |
Poids de l’ouvrier | 40 kg |
Eau élevée chaque fois | 25 à 27 l |
73Avec des bras de levier d’égale longueur, un ouvrier du poids de 40 kg pourrait soulever 32 à 35 l. Mais, même avec 25 l, il suffira de la cadence très lente de cinq élévations à la minute pour élever sans grande fatigue 45 m3 à 0,9 m par journée de six heures (au lieu de 30 m3 par ouvrier dans le cas du panier à cordes)23 L’intérêt de cet appareil est d’élever à une cadence lente une grande quantité d’eau. A cette allure ν aura une valeur très réduite et si l’appareil est bien réglé (H-h) sera très faible. On aurait des résultats analogues avec la propulsion par déplacement sur l’axe porteur. Cet appareil à balancier mu par le poids du corps doit avoir un très bon rendement, bien que moins coûteux et plus facile à déplacer que les norias, surtout si l’on installe un support à poste fixe en chaque point d’élévation. On renoncera à le mettre en chantier pour de trop petites parcelles.
Appareil hindou à traction animale
74Dans la périphérie du delta, et notamment dans les vallées du Sông Luc-Nam, du Sông Thuong et du Sông Câu, on doit parfois élever l’eau à 2,3 ou même 5 ou 6 m de hauteur, par plusieurs relais au panier à cordes, ce qui devient si onéreux qu’on hésite à cultiver les rizières. Dans ces régions, la main-d’œuvre est clairsemée, mais il y a du bétail, que l’on devrait employer à ce travail. Si aux labours les animaux ne sont pas disponibles, ils le deviennent pendant la végétation du riz, c’est-à-dire pour la fourniture des trois quarts de l’eau nécessaire.
75Les Services agricoles ont les premiers essayé la traction animale. Une noria à palettes était mise en mouvement par l’intermédiaire d’un manège actionné par un buffle. Mais manège-noria et installation sont trop coûteux et non transportables. Dès qu’ils sont un peu déréglés, le rendement devient déplorable : les frottements sont tels qu’un bœuf peine pour tirer à vide.
76Aux Indes, on utilise un appareil plus simple, qui semble beaucoup plus intéressant. Il consiste essentiellement (figures 22 et 23) en un récipient métallique portant à sa partie inférieure une ouverture à laquelle s’adapte un tuyau souple, généralement en cuir. L’appareil est soutenu par une corde qui passe sur une poulie folle et que tire un animal avançant sur une piste de longueur égale à la hauteur à soulever.

Figure 22. - Profil et plan de l’appareil hindou à traction animale ; 1. corde soulevant le récipient plein d’eau ; 2. ficelle soulevant le tuyau de déversement ; 3. canal de déversement

Figure 23. - Appareil hindou à traction animale
77Le tuyau en cuir porte à son extrémité une corde plus petite attachée de manière qu’à la remontée il soit recourbé, l’ouverture étant plus haute que celle du récipient. Le rouleau de bois où s’engage cette corde est placé en contrebas de la poulie, de telle sorte qu’au moment où le récipient domine le canal de déversement le tuyau se trouve au-dessous et l’eau s’y vide. On fait aussitôt reculer le buffle – le dressage ne présente pas de difficultés particulières – jusqu’à ce que le récipient soit immergé, et on recommence. On peut atteler à cet appareil un bœuf, un buffle, ou même deux de ces animaux, si la contenance est proportionnelle à leur force.
78D’après ce que nous avons vu aux Indes et les données moyennes admises en Europe (80 à 100 kg de traction pour un cheval pesant 500 kg), on pourrait élever 30 à 35 1 avec un bœuf de 225 à 250 kg et 50 à 601 avec un buffle de 400 à 500 kg, la cadence d’élévation étant moins rapide avec ce dernier. De rendement excellent, nous estimons que cet appareil est très intéressant dès que la hauteur d’élévation dépasse 1,5 m ou 2 m, là où il est difficile d’établir une noria actionnée par le courant. Il pourrait être construit sans difficulté par les artisans du delta ; avec récipient en zinc ou en tôle galvanisée, il devrait coûter moins cher qu’une noria.
Utilisation du vent
79Il ne faut pas songer à établir dans le delta des éoliennes montées sur pylône : quelques précautions qu’on prenne, les typhons qui brisent même les fers à Τ des poteaux télégraphiques arriveraient à les démolir. Mais on peut concevoir de petites installations entièrement démontables, actionnant des appareils d’élévation du type noria : on les enlèverait quand elles ne servent pas et à la moindre menace de typhon24.
Pompage mécanique
80Il existe au Tonkin quelques installations de pompage mécanique appartenant à de grands propriétaires ou à des entrepreneurs de pompage, prélevant une taxe d’irrigation à l’unité de surface : 3$ par mẫu pour la campagne du cinquième mois près de PhucYên (en 1930-1931). Depuis la crise, on n’en aménage plus de nouvelles et il semble que ce ne soit pas à encourager : si intéressant qu’en soit le rendement, l’achat de telles machines représente une dépense excessive dans ce pays où il n’y a pas de capitaux accumulés. Il vaudrait bien mieux généraliser à moindre frais les appareils que nous venons de proposer : une pompe centrifuge et son moteur à huile lourde de 9 C.V.25 coûte autant que cent norias à pédales. Or si quatre coolies se relayent deux à deux sur chaque noria, il en suffit de vingt pour élever autant d’eau que la pompe. La noria japonaise, l’appareil hindou à traction animale et surtout le tympan Lafaye à rendement élevé et l’appareil à bascule si peu coûteux, ont une supériorité encore plus marquée. Beaucoup d’installations actuelles sont défectueuses, les pompes importées de France par des maisons de commerce vraiment ignorantes des besoins locaux sont construites pour des hauteurs d’élévation beaucoup trop grandes : ainsi un modèle proposé peut élever l’eau jusqu’à 36 m, alors qu’au Tonkin les élévations de plus de 3 m sont exceptionnelles. Aussi la tuyauterie est-elle de dimension trop faible et le débit bien inférieur à celui qu’on devrait avoir avec la puissance utilisée. Un exemple d’installation à trop petit débit se trouve sur la route qui vient de Hanoi, quelques kilomètres avant d’arriver à Hai-Duong, à droite. Par contre, on trouve sur la concession de Xuan-Thuy une installation exécutée d’une manière très satisfaisante, par une maison de Haïphong, avec des pompes axiales bien adaptées aux élévations inférieures à 1 m26. Dans beaucoup de cas, ces pompes élèvent inutilement l’eau à une trop grande hauteur : on pourrait, tout au moins, en profiter pour y accroître la teneur en oxygène dissous en faisant tomber l’eau sur une planche qui éparpillerait le jet en lame mince.
Notes de bas de page
1 Cf. le proverbe annamite placé en tête de l’avertissement.
2 En agriculture, il est rare qu’on puisse réaliser les conditions optima : on aboutit à des compromis qui s’en rapprochent plus ou moins.
3 Cette technique a été signalée par M. Trân Trong Khoi, agent technique des Services agricoles de l’Annam. Elle aurait été conçue, il y a une cinquantaine d’années, par un notable M. Lê Van Dong, qui est le bienfaiteur de cette vallée (cf. Riz et riziculture, vol. VIII, n. 1, février 1934).
4 A Java on retire parfois l’eau cinq à sept jours peu avant l’épiaison.
5 De même qu’à Ceylan, les premiers essais réalisés dans le Delta révèlent plutôt la nocivité d’assèchements un peu prolongés ; dans les pays tropicaux il faudra sans doute s’orienter vers des à sec de très courte durée.
6 Les rizières en gradins de Java – soit la moitié des rizières de cette île – sont ainsi irriguées par de l’eau vivante dès l’enracinement des plants, quelques jours après le repiquage.
7 Dans des essais faits au Japon, la durée limite de submersion, au delà de laquelle la reprise des plants était difficile, fut de huit jours dans l’eau à 20 ° C, de six jours à 25° C, de quatre jours à 30° C et seulement de deux jours à 35-40° C. Au Tonkin l’eau de la rizière dépasse parfois 40° C.
8 En face de Saigon la différence de salure atteint 20 % en saison sèche dans l’Arroyo de l’Avalanche. Cf. l’étude de M. Tkatchenko dans le Compte rendu des travaux effectués en 1932-1933 de l’Institut des recherches agronomiques de l’Indochine (1934).
9 Il faudra déterminer par essais la teneur limite, qui ne sera sans doute pas la même en différents sols et aux différents stages de la végétation.
10 On peut souvent rabattre un peu la diguette au début de l’élévation, quand il y a peu d’eau en B, pour la relever ensuite à mesure de la montée de l’eau. On réduirait ainsi H de 10 à 20 cm, ce qui vaut la peine, surtout avec de grandes rizières ; ce procédé se recommande surtout quand on emploie l’écope.
11 Cf. « Le matériel de ferme au Tonkin » par P. Pouchat (Bulletin économique de l’Indochine, 1906) et L’Irrigation dans le delta du Tonkin par E. Chassigneux (1912).
12 M. E. Chassigneux cite avec cette écope des élévations à 80 cm que nous n’avons jamais observées et qui doivent être tout à fait rares.
13 Ce sont là des cadences assez vives qu’il serait difficile de soutenir toute la journée ; elles n’ont qu’une valeur relative.
14 Exceptionnellement trente-cinq paniers à la minute pour des élévations de 10 à 15 cm.
15 Dans cette région la multiplicité des arroyos permet de transporter la noria en barque.
16 Cet agriculteur possède une noria à pédales et une à manivelle, prétendant que les ouvriers se reposent de l’une en actionnant l’autre ; évidemment elles n’intéressent pas le même groupe de muscles, mais il vaut mieux utiliser le meilleur instrument, en coupant avec du repos complet.
17 Cf. la description de cette noria et son schéma dans les « Notes sur l’agriculture chez les Tays du Nghê-An » par M. Trân Trong Khoi, Bulletin économique de l’Indochine, 1931.
18 Près de la mer, de petits modèles pourraient être actionnés par les courants provoqués par les marées.
19 Au Japon cet appareil a presque complètement remplacé un tonnelet de bois mû comme le panier à cordes du Tonkin.
20 Cette noria est en somme la « roue à eau » des moulins à vents hollandais qui atteint dans les meilleures conditions un rendement de 60 et même 62 %.
21 D’après une notice de M. H. Régère, directeur de l’École supérieure d’agriculture de Hanoï, publiée dans L’Annam nouveau du 28 octobre 1934.
22 Le terme caiphên, du vietnamien cái phên (« bambou »), est de l’argot français d’Indochine et désigne les treillis de bambous utilisés comme parois de maisons [NdÉ].
23 Il est évident que dans les deux cas ces données peuvent être largement dépassées par des ouvriers très vigoureux. Nous donnons à dessein des exemples de travail modéré.
24 Au Japon, d’après Cramer, on utilise de petits moulins à vents avec ailes en tôle galvanisée, un peu recourbées pour donner plus de prise au vent. Les moulins à vent qui évacuent l’excès d’eau des bas polders de Hollande étaient jusqu’à ces dernières années progressivement remplacés par des machines à vapeur. Mais la mise au point d’une aile nouvelle, inspirée des remarques faites sur l’aile d’avion, a permis d’accroître par trois ou quatre le rendement des moulins à vent qui luttent aujourd’hui contre la machine à vapeur. On pourrait peut-être adapter au Tonkin ce nouveau mode de propulsion éolienne.
25 Le moteur électrique semble préférable car il utilise le combustible local (usines thermiques) ; il a moins de pannes que les moteurs à huile lourde ; le nombre de tours-minute étant du même ordre de grandeur on peut souvent le brancher directement sur la pompe, ce qui donne un meilleur rendement. Mais l’achat des moteurs et du matériel d’électrification constitue une charge trop lourde pour le pays.
26 Jusqu’à 1,20 m d’élévation on doit préférer les pompes axiales et les vis d’Archimède, dont le rendement atteint 55 à 58 %. Les pompes centrifuges sont préférables au-dessus de 1,50 m.
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