Chapitre VIII. Préparation du sol
Aménagement du terrain, labour à la charrue, labour à la houe et à la bêche, hersage et nivellement
p. 121-143
Texte intégral
AMÉNAGEMENT DU TERRAIN
1Le delta en culture est déjà aménagé. Ce travail ne s’impose que lors de la création de nouvelles rizières. Le terrain doit être nivelé en parcelles élémentaires horizontales, entourées d’une diguette pour retenir au moins 20 cm d’eau. Le problème se pose différemment pour les rizières conquises sur la mer et pour les terrains défrichés en bordure du delta.
Lais de mer
2Le nivellement est effectué d’ordinaire après la culture des joncs, quand on estime le terrain suffisamment dessalé. Les dénivellations, irrégulièrement réparties, sont de quelques décimètres : le plan d’eau est voisin de la surface du sol ; le terrain est plus ou moins vaseux, généralement inondé l’été. Le nivellement s’exécute en période sèche, dans la morte-saison de février à avril. Les mottes de terre enlevées des points hauts à la bêche sont placées sur des traîneaux bas (plancher de bois reposant sur deux glissières) tirés à bras. La main-d’œuvre est abondante et on ne craint pas de faire de grandes parcelles carrées, ce qui entraîne parfois des transports un peu longs mais permet de labourer aussi aisément dans un sens que dans l’autre. Les buffles pourraient tirer les traîneaux chargés de terre quand le terrain est assez ferme. En zone basse, si les arroyos qui desservent le casier communiquent avec la mer, le plan d’eau varie avec la marée et on peut choisir la hauteur d’eau la plus favorable au transport par barques. Quand la surface moyenne du sol n’est pas loin du plan d’eau, on pourra aménager sur la parcelle des petits canaux de 50 à 60 cm laissant passer, chargés de terre, les petits bateaux en bambou tressé. Les canaux ne seraient creusés que dans les directions où l’importance des déblais à transporter les justifierait. Ces améliorations peuvent être retenues pour l’exécution de travaux de remblai, si fréquents dans la zone côtière de la province de Nam-Dinh (Truc-Ninh, Hai-Hâu, etc.). Pour irriguer sans élever l’eau et disposer de surfaces exondées aptes à recevoir en tout temps des cultures sèches (mûrier, patates, tabac, légumes divers), on abaisse le niveau moyen du sol en édifiant, sur les points hauts de la parcelle et dans le sens de la plus grande longueur, des « talus » de plusieurs dizaines de mètres, larges de 2 à 6 m, dominant la rizière de 50 cm, 60 cm ou plus. Ces talus couvrent de 5 à 30 % de la surface du sol, suivant la différence de niveau recherchée. On les arrose par aspersion à la pelle d’eau puisée dans des fossés ménagés à leur pied. Dans les concessions accordées à de grands propriétaires, nivellement et confection des talus sont effectués par les fermiers et métayers, rémunérés par l’exemption de toute redevance durant trois à sept années suivant l’importance du terrassement exécuté.
Bordure du delta
3Ici les terrains défrichés présentent souvent une pente sensible. La main-d’œuvre est plus rare mais il y a plus de cheptel et son utilisation s’impose. Pour réduire le volume des terrassements on fait de petites parcelles. Lorsque la pente est assez régulière dans un sens, on peut tracer les diguettes suivant les courbes de niveau ; les parcelles seront d’autant moins larges que la pente est plus forte, la dénivellation ne dépassant pas 50 à 75 cm ; leur longueur pouvant atteindre 50 ou même 100 m. Le labour sera aisé, au moins dans un sens. Les transports seront faits dans le sens de la largeur, à faible distance. On pourra porter la terre, arrachée à la pioche ou à la bêche, avec une « pelle à cheval » traînée par un bœuf ou un buffle (figure 7).

Figure 7. - « Pelle à cheval » pour courts transports, traînée par un buffle ou un bœuf. Le trait interrompu indique le tracé des dentures quand on se sert de l’instrument pour creuser des sillons dans le paddy étalé sur l’aire de séchage
4Quand la pente est plus forte, et en tous sens (par exemple, aux environs de Vinh-Yên), il arrive un moment où l’aménagement est trop pénible et où les parcelles trop petites (inférieures à deux ou trois thu’ở’c1) seraient trop coûteuses à cultiver. Il vaut mieux alors laisser le terrain en pacage, ou y faire des ananas ou du manioc, mais renoncer à la rizière.
LABOUR À LA CHARRUE
Méthodes actuelles de labour
—Rizières à une seule récolte du cinquième mois
5Couvertes d’eau tout l’été, ces terres ne sont généralement pas asséchées avant le repiquage. Les travaux de préparation ont lieu sous l’eau. Les agriculteurs annamites estiment que si on ne peut les amener à un fort degré de dessiccation, il est préférable de les maintenir submergées ; un assèchement de courte durée risquerait de compromettre la récolte. Nous verrons plus loin que les recherches de M. Lebediantzeff sur la dessiccation incomplète confirment cette opinion. Dans les rizières vaseuses où les animaux enfoncent trop et se déplacent péniblement (Hai-Duong, Thai-Binh), on donne deux piochages à trois semaines d’intervalle, suivis chacun d’un piétinement2 qui enfouit les mauvaises herbes ; aussitôt après le deuxième, plus soigné, on repique.
6Quand les animaux peuvent descendre dans la rizière où ils ont de l’eau jusqu’au ventre, on s’efforce de donner les façons de bonne heure (septembre-octobre) pour leur éviter le froid ; à l’exception du hersage avant repiquage. On emploie de préférence pour ce travail les buffles mâles plus résistants. La terre submergée porte peu de mauvaises herbes, aussi suffît-il d’un labour suivi de trois ou quatre hersages (Son-Tây, Ha-Dong, bas delta et Thanh-Hoa) ou de plusieurs hersages énergiques (Vinh-Yên). A Phu-Lang-Thuong, on se contente souvent de deux hersages, le premier pour enfouir les prêles (giống), le deuxième juste avant repiquage.
7Le labour est parfois précédé d’un hersage destiné à arracher les vieux chaumes et les mauvaises herbes, que la charrue enfouira plus facilement. Dans certains sols du Thanh-Hoa on ne se contente des hersages que là où la profondeur de l’eau gêne le labour, car on estime qu’il atténue le développement exagéré du feuillage (dû à une alimentation déséquilibrée, excessivement azotée) et favorise la formation des panicules. Ailleurs au contraire on prétend qu’il vaut mieux herser sans labourer, pour éviter la verse, en rizières constamment submergées ; le riz aimerait y trouver un fond solide à une faible profondeur. On se fiera à l’expérience locale.
— Labour au cinquième mois des rizières à deux récoltes
8Les rizières trop basses, qui restent submergées ou que l’on ne peut dessécher convenablement, et les rizières où l’on cherche à garder l’eau parce qu’on craint de ne pouvoir s’en procurer d’autre au repiquage, sont traitées comme les précédentes par le làm đầm ou labour sous l’eau. Pour les autres, le cultivateur, craignant une récolte inférieure au cinquième mois, s’efforce d’y parer par une préparation soignée du sol. La vigueur végétative est réduite, les racines de la plante ont moins de force pour se frayer leur chemin dans une terre mal préparée3. Ce travail est particulièrement bien fait dans une partie du bas delta, où l’on emploie couramment ce qu’on peut appeler la méthode des murets : on laboure aussitôt terminée la récolte du dixième mois, le sol n’étant généralement pas trop durci dans ces terres de niveau intermédiaire. Si les pluies se sont prolongées tardivement, ou si la rizière est assez basse, on vide l’eau dix ou quinze jours avant la moisson, qui est plus facile dans un sol moins boueux ; la paille et le grain sont plus propres, le labour plus aisé et la dessiccation plus rapide.
9Dans la province de Nam-Dinh, on parfait le drainage des rizières basses en creusant, après la récolte, des fossés sur le pourtour des parcelles, le long des diguettes et au milieu des dépressions quand le nivellement n’est pas régulier. On laboure la terre quand elle n’est pas trop humide, sinon la dessiccation ultérieure serait trop difficile, la terre trop plastique se retournant en bandes que le soleil durcit. Le praticien juge bien quand une terre est à point : elle se brise au labour en petits fragments. La teneur en eau optima n’est pas la même dans les différents sols. Comme en Europe, les terres argileuses ne peuvent être labourées exondées dans de bonnes conditions que pendant un laps de temps très court. S’il fait sec elles sont trop vite durcies pour qu’on y puisse mettre la charrue. On attaque à la houe, travail pénible et long : un homme ne peut guère faire plus de trois ares (5/6e de sào) par jour.
10Après labour les mottes sèchent au soleil : cinq à six jours suffisent par beau temps. Les cultivateurs soigneux donnent un deuxième labour à sec, croisant le premier, dès que la terre est ressuyée. Quand la surface des mottes prend une teinte gris clair, presque blanchâtre, on les entasse à la main en petits murs, la face sèche en bas, l’autre exposée au soleil ; c’est le xếp ải. On ménage entre les mottes de grands intervalles, pour que l’air circule. S’il fait beau la dessiccation est terminée en vingt-cinq à trente-cinq jours : les mottes, fendillées sur toute leur surface, se brisent alors facilement sous le choc, le cultivateur dit que la terre est bien cuite (ải mục).
11Quand une petite pluie a réduit la dessiccation, ou pour la parfaire, on recommence les murets en retournant les mottes, au bout de dix ou quinze jours, mettant celles du haut en bas et vice versa. Les plus soigneux attaquent à la pioche les points qui n’ont pas été labourés, coins de la parcelle ou bandes de terre que la charrue a sautés, ou même bêchent le sous-sol dans l’intervalle des murets, puis bêchent leur emplacement après déplacement. Les murets qui ont 0,5 à 0,7 m de haut et 30 à 40 cm de large recouvrent une faible surface ; dans les intervalles, le sous-sol, quand le soleil est fort, se crevasse et s’aère profondément. Les Annamites qui appellent ce phénomène nứt chân ải le considèrent à juste titre comme très utile. Quand on amènera l’eau d’irrigation, elle entraînera en profondeur les éléments nuisibles des terres salées ou trop acides, qui ne pourraient être assainies sans le crevassement du sous-sol imperméable. La terre gonflée par l’eau refermera ces fentes sans ajuster les bords, ce qui renouvellera la provision d’oxygène du sol et permettra aux racines du riz d’aller puiser profondément leur nourriture.
12Fin décembre ou début de janvier, on remet la terre en place, amène l’eau et donne immédiatement plusieurs hersages pour émietter les mottes qui « fondent dans l’eau comme du sucre » ; si on attendait quelques jours la terre deviendrait glaiseuse, plastique, beaucoup plus difficile à déliter. Cinq ou six jours après, on donne un labour qui sert le cas échéant à enfouir le fumier, puis quatre ou cinq hersages, et on repique. Quand on a beaucoup d’animaux on peut même donner un troisième labour également suivi de hersages. La confection de ces murets demande quinze à vingt journées de travail par mẫu, soit environ cinquante journées par hectare ; leur déplacement en demande autant et il faut compter cinq à six journées pour les abattre avant le hersage. Aussi cette technique suivie par les agriculteurs les plus soigneux, n’est-elle praticable que là où abonde la main-d’œuvre familiale, femmes et enfants pouvant y collaborer.
13Dans la province de Thai-Binh, on emploie souvent une méthode un peu plus grossière mais plus rapide. La rizière labourée en billons, on agrandit les dérayures en jetant pêle-mêle les mottes de leurs bords au milieu des billons qui, ainsi surélevés atteignent 0,7 à 0,8 m de large et 0,4 m de haut en leur milieu. Une dizaine de journées de travail par mâu suffit pour élever ces billons, mais si on veut les déplacer il faut alors manipuler toutes les mottes ce qui prend quinze jours.
14L’utilité de cette pratique, très ancienne au Tonkin, n’a été portée à la connaissance des agronomes européens que par les toutes récentes recherches de Lebediantzeff en Ukraine. Celui-ci a montré que si une dessiccation insuffisante (jusqu’à 10 % d’eau) déprime plutôt les rendements, une dessiccation poussée plus loin (3 %) les augmente notablement, en moyenne de 20 à 30 %. On l’explique par un accroissement de la concentration des solutions du sol et peut-être une diminution du nombre des microorganismes. Il y a en outre aération et action du soleil sur le sous-sol. Et MM. Muntz et Gaudechon ont montré que l’humectation d’une terre argileuse fortement desséchée en élevait sensiblement la température ; il y aurait une hydratation de constitution exothermique. Au cinquième mois une élévation de température du sol assure un meilleur départ de végétation. Les agriculteurs de la province de Thai-Binh mettent en culture cinq ou six jours plus tard les terres desséchées car ils estiment qu’un même riz y évolue plus rapidement. On sait que l’acide phosphorique accroît la précocité, or la dessiccation amène un accroissement de la concentration en P2O5 des solutions du sol. Les mottes largement offertes au vent et au soleil peuvent, d’après MM. Schlœsing et Leroux, se dessécher facilement jusqu’à 3 ou 4 % d’eau.
15Au Tonkin, le gros supplément de travail est payé par un excédent de récolte qui oscille également de 20 à 30 %, même plus dans les meilleures conditions. Avec une dessiccation parfaite de terres très argileuses, on note dans la province de Nam-Dinh 3 qx/mẫu de plus soit 8 à 9 qx/ha de plus. Les agriculteurs annamites connaissent aussi les inconvénients d’une dessiccation incomplète : les mottes, au lieu de se déliter dans l’eau, se divisent en petits morceaux très durs que les Annamites appellent mảnh cú’ng ou « morceaux de jarre cassée »4. Quand les pluies empêchent de parfaire la dessiccation, l’agriculteur s’est donné une peine bien inutile. Sa terre eût été mieux préparée si toutes les façons avaient été données en terre humide ou submergée. De même les mottes qui émergent d’une rizière à demi submergée, imprégnées d’eau et exposées au soleil, durcissent rapidement. Mais la terre ainsi traitée exige avant le repiquage beaucoup plus d’eau ; aussi dessèche-t-on de préférence les terres proches d’un point d’eau et plus volontiers encore celles de la zone maritime que les hautes marées permettent d’irriguer par gravité.
16Les agriculteurs qui ne veulent pas s’astreindre à ce long travail donnent, trois ou quatre semaines après le premier, un deuxième labour à sec (cầy ou cầy rang) qui retourne les mottes pour les sécher sur les deux faces. En terres argileuses on choisit le lendemain d’une pluie, sinon les mottes très dures rendent le travail pénible au laboureur et à sa bête. Dans le haut et dans le moyen delta, le premier labour est donné à sec, la terre laissée « en labourés » un bon mois si possible ; on complète parfois par un deuxième labour croisé à sec ; l’eau est amenée, on laboure à nouveau puis herse et repique immédiatement.
17Dans le Nghê-An, si on est en retard pour le cinquième mois et que l’on manque d’eau la préparation du sol est réduite à sa plus simple expression : la charrue passe entre les lignes de chaume du dixième mois, laissées en place de crainte que leur enfouissement ne produise une terre creuse, trop perméable. Les nouvelles lignes de riz sont repiquées dans l’intervalle des anciennes. Il vaudrait peut-être mieux, dans ce cas, établir de bonnes cultures sèches.
— Rizières du dixième mois après jachère
18Ce sont en général des terres hautes, que l’on ne peut irriguer suffisamment pour y faire un riz, souvent trop argileuses pour recevoir des cultures sèches. Après la récolte du dixième mois on les abandonne, le déchaumage y est exceptionnel.
19Au dire des agriculteurs il serait même nuisible de labourer si tôt, la terre lessivée par les pluies s’appauvrirait. Le premier labour est donné en mars-avril et même mai, quand les pluies ont assez humecté le sol. Les premières ondées s’engouffrent par les profondes crevasses de ces terres fortes sans les amollir.
20Le deuxième labour est donné un mois après perpendiculairement au premier, parfois à sec, ce qui permet l’aération du sol, sous l’eau si les pluies ont été abondantes. Dans ce dernier cas la charrue fait des billons, pour enfouir le mieux possible les plantes adventices et les faire pourrir – elles serviront d’aliment hydrocarboné aux microorganismes du sol ; si le labour est donné à sec, on obtient le même résultat en amenant de l’eau. Cette catégorie de rizières porte quelques mauvaises herbes ; les autres, restant moins longtemps incultes ou exondées, se salissent peu.
21Cependant leur développement est moindre que dans les autres pays tropicaux. A Ceylan, où les terrains sont si pauvres que le rendement moyen est inférieur à celui du Tonkin, l’enfouissement des plantes adventices donne assez d’humus pour dispenser de l’apport d’engrais vert dans les rizières à une récolte. La maigre végétation tonkinoise n’y suffirait pas ; cette différence est plutôt due au climat (absence d’hiver à Ceylan) qu’à la fertilité du sol.
22Le premier hersage (bừa ngả) suit le deuxième labour si celui-ci a été effectué sous l’eau et si on a pu maintenir la parcelle submergée. Le troisième labour, suivi toujours de plusieurs hersages donnés quand la terre s’est bien amollie dans l’eau, précède le repiquage. Si la rizière a été asséchée quinze jours ou trois semaines après le deuxième labour, les mauvaises herbes se sont développées et on doit donner un labour d’enfouissement supplémentaire.
23Les cultivateurs soigneux donnent quatre labours même quand ce n’est pas indispensable ; mais beaucoup se contentent de deux : le premier à sec, le second sous l’eau juste avant repiquage. Dans les points hauts où l’on craint toujours le manque d’eau (Vinh-Yên), on ne donne les façons aratoires en terre submergée que si l’on est sûr de la maintenir sous l’eau jusqu’au repiquage.
24On estime que le rendement d’une rizière qui s’assécherait jusqu’à se fendiller après cette préparation diminuerait sensiblement. Parfois, quand on a emmagasiné une certaine hauteur d’eau et que les pluies ne sont pas encore établies, on achève vite la préparation du sol et le repiquage pour que les plants, bien enracinés, résistent mieux à une sécheresse éventuelle.
— Rizières du dixième mois après cultures sèches
25La préparation de ces terres, souvent plus légères, ne comporte généralement que deux labours, surtout si la culture sèche a été enlevée tard (taro ou sésame). Le premier est donné en mai ou au début de juin, sous l’eau, sauf impossibilité, et le deuxième précède immédiatement le repiquage. Ils sont suivis tous deux de plusieurs hersages croisés. Les cultivateurs soigneux peuvent donner trois labours, surtout s’il y a beaucoup de mauvaises herbes ; dans ce cas le premier, donné à sec, défait les billons et enfouit les fanes et les plantes adventices.
— Labour au dixième mois des rizières à deux récoltes
26Le mode de préparation est analogue, sauf que le manque d’eau est plus rare. Dans le moyen et le bas delta, où la préparation est plus soignée, on laboure aussitôt la moisson en cherchant à enfouir convenablement les chaumes de riz coupé à mi-hauteur et les mauvaises herbes. Ce déchaumage est moins pénible qu’après un dixième mois : la terre généralement humide n’est pas dure et les touffes de riz sont moins grosses.
27A Vinh-Yên cette façon est donnée d’aussi bonne heure surtout par crainte du vol des chaumes. Le labour sous l’eau est préféré en cette saison où les pluies sont trop fréquentes pour qu’on puisse aérer convenablement ces rizières peu élevées ; il a l’avantage de demander une plus faible traction ; à Nam-Dinh, on estime qu’un laboureur travaille deux fois plus vite sous l’eau qu’à sec.
28Un deuxième et parfois un troisième labour sont donnés peu avant le repiquage ; on les exécute au dernier moment pour laisser décomposer les chaumes et les mauvaises herbes, sinon on aurait une terre creuse, et la rizière serait vite envahie par les plantes adventices.
29Dans la province de Thanh-Hoa, la préparation du sol est plus sommaire : les rizières à deux récoltes ne reçoivent au dixième mois qu’un labour et trois hersages ; au repiquage, les mauvaises herbes sont déjà développées, les agriculteurs soigneux les enlèvent. Comme au Tonkin, la préparation est mieux soignée au cinquième mois.
La charrue tonkinoise et son perfectionnement5
30Schématiquement, la charrue tonkinoise est un crochet traîné par une tige (l’âge). Dans la classification des charrues primitives de Paul Leser, elle se rattacherait au type Krumel, comme l’ancienne sokha russe. Il en existe dans le delta un grand nombre de modèles qu’on peut classer en deux groupes :
31a) Charrues pour terres hautes et sèches du haut et du moyen delta (figure 8). Le soc étroit a la forme d’un triangle isocèle allongé ; le versoir, qui fait souvent un angle avec le soc, est une plaque de fer protégeant le sep en bois ; mais sa courbure est trop peu accentuée pour bien retourner les mottes6. Le sep-mancheron, très étroit, est en bois lourd et dur (nghiến ou lim) et ne présente pas de talon. Cette charrue laboure tantôt à plat, tantôt en planches ou en billons, en versant à droite. A plat elle fait le travail d’une dent de scarificateur : « C’est un cultivateur », nous disait Ringelmann.

Figure 8. - Charrue du haut delta (Son-Tây)
32b) Charrues pour terres basses et humides du bas delta (figure 9). Le soc a la forme d’un triangle équilatéral, muni sur les côtés de dents qui coupent les herbes et surtout les chaumes, en grosses touffes dans ces régions où on repique à grands intervalles. Le sep-mancheron, beaucoup plus volumineux sans être plus lourd, est le plus souvent en bois de jacquier. Il a un talon assez large, qui glisse dans le fond de la raie et empêche la charrue d’y enfoncer trop en sols vaseux. Un type, moins répandu, employé en sols submergés, ne comporte qu’un soc, recourbé à l’extrémité pour attaquer la terre horizontalement. L’age est en bambou mâle, rarement en bois ; le palonnier, en bois ou en bambou, est relié au joug simple de garrot7 de l’animal par une corde, en bambou tressé. Le buffle est guidé par la voix et par une corde attachée à un anneau fixé à son nez. Une tringle, en fer ou en bois, fixée dans le sep-mancheron et entrecroisée avec lui par une tringle de fer ou un lien de rotin tressé, munie à sa partie supérieure d’une mortaise et traversant l’age, avant un nœud quand il est en bambou, assure le réglage en profondeur. Dans la mortaise glisse une clavette munie de dents en escalier, qui fait varier, mais dans des limites étroites, l’angle de l’age et du sep, c’est-à-dire la profondeur du labour. Les sep-mancherons sont ébauchés à la scie, puis façonnés par les artisans de village et vendus au marché sous ces deux formes ; mais le bon cultivateur choisit son ébauche et la fait façonner par un spécialiste. On obtient les socs et les versoirs en brûlant dans de petits hauts-fourneaux du charbon de bois mélangé à des morceaux de ferraille qui ainsi fondue, est versée dans des moules, de forme appropriée, en terre réfractaire. La matière première, ramassée dans les villes, est très économique ; les socs usés sont revendus au forgeron pour être fondus à nouveau. Le produit obtenu est une fonte très dure, mais cassante, ce qui n’a pas grand inconvénient dans ces sols totalement dépourvus de cailloux. Cependant, le sa : se brise parfois dans les terres durcies par la sécheresse.

Figure 9. - Charrue du bas delta
33La charrue est très légère (5 à 8 kg), condition nécessaire puisque l’ouvrier la porte au champ sur son épaule. Elle présente sur les araires européens l’avantage de pouvoir labourer à plat ; ce qui est indispensable, soit pour les labours sous l’eau, soit pour travailler à sec les terres de sable très fin, se tassant très vite, et où on ne veut faire ni planches ni billons, pour n’avoir pas à herser trop souvent. Si dans chaque cas particulier elle n’est pas l’instrument le meilleur, elle a l’avantage de pouvoir labourer le sol sec, humide et sous l’eau ; eu égard à la faiblesse des moyens mis en jeu : petit instrument, faible traction, elle exécute un travail convenable en terrain submergé. Elle est satisfaisante en rizières basses.
34Mais pour le labour à sec, la charrue du haut delta, sans talon, est très instable : elle tend constamment à mordre trop ou trop peu profond, et fatigue le laboureur qui cherche à la maintenir dans la raie et à la même profondeur. Dans les terres dures, elle saute hors de la raie, laissant des bandes non labourées, que seuls les cultivateurs soigneux reprennent à la bêche. Cela arrive si souvent qu’après labour sous l’eau le propriétaire ou le contremaître traverse la parcelle perpendiculairement au labour, pour sentir avec le pied les zones non travaillées. Les à-coups de traction fatiguent l’homme et l’animal. La profondeur du travail est si inégale qu’un bon ameublissement ne s’obtient que par plusieurs labours croisés. Enfin la motte de terre monte le long du sep et vient bourrer contre l’age ; puis elle retombe à droite ou à gauche, parfois dans sa position primitive, d’autre fois complètement retournée, le plus souvent sur le côté ; les mauvaises herbes ou les chaumes sont très mal enfouis quand on ne laboure pas en billons. Pour verser de côté le laboureur doit tenir la charrue inclinée et donner des secousses au mancheron, d’autant plus pénibles que le labour est plus profond ; normalement il va de 6 à 10 cm ; il faut un fort animal et un bon ouvrier pour aller à 12 cm. La qualité et la profondeur du travail dépendent du courage et de l’habileté du laboureur.
35Devant ces difficultés, M. R. Jeannin a cherché et réalisé un instrument perfectionné. La charrue primitive du Japon étant voisine de la tonkinoise, on s’est inspiré d’un araire japonais amélioré à l’européenne ; mais après les premiers essais, on s’est rapproché plus encore de la charrue tonkinoise traditionnelle, afin que le cultivateur ne soit pas rebuté par l’aspect trop inaccoutumé du nouveau modèle, selon le conseil de notre maître Ringelmann. Pour que son prix soit accessible à la masse des agriculteurs, il devrait être construit dans le pays, par les mêmes artisans que l’ancien outil. On recherchait un instrument retournant convenablement la terre, comme le font les instruments traditionnels des contrées qui entourent le Tonkin. Dans le Centre et le Sud-Annam, la charrue, sans doute dérivée de l’ancienne charrue cham8, retourne la terre ; à Hué, les versoirs sont constitués par une simple planche plate9, mais dans la province de Qui-Nhon leur courbe rappelle le versoir hélicoïdal d’Europe ; elle est bien étudiée puisque sans bourrage, la bande de terre plastique est parfaitement retournée. Aux environs de Canton, à un soc symétrique succède un versoir rejetant la terre à droite. Au point de vue du retournement des mottes dans le labour à sec, la charrue tonkinoise est inférieure à celle des pays environnants (Cambodge, Java). Elle est pourtant supérieure à la charrue du sud de l’Inde, simple trièdre pénétrant dans la terre comme un coin, sans jamais la retourner quelle que soit l’habileté du laboureur, et surtout à celle de Ceylan, qui fait le travail d’un couteau. Mais les rendements des rizières de ces pays sont les plus bas de toute l’Asie. Une charrue qui ne retourne pas bien enfouit mal les chaumes, augmentant les pertes d’eau par infiltration, et favorisant le développement des mauvaises herbes, si visible au début et à la fin des sillons.
36La modification a porté essentiellement sur la forme du soc et du versoir. Après de nombreux essais en différentes conditions de travail10, le modèle suivant a été adopté (figure 10). Le soc n’est plus symétrique, il est plus vertical du côté de la zone non encore labourée de façon à laisser une muraille à peu près droite. Sa surface est incurvée, et le versoir continue sa courbure sans discontinuité, pour éviter le bourrage, mais en l’accentuant pour retourner les mottes ; il est établi pour rejeter la terre d’un seul côté, à droite, les animaux du delta étant habitués à tourner de ce côté en fin de raie.

Figure 10. - Charrue améliorée (convient mieux aux rizières hautes et aux cultures sèches)
37Les fondeurs indigènes fabriquent aisément ces socs et ces versoirs ; au début ils les faisaient un peu épais, donc trop lourds et trop coûteux, craignant dans la plus grande surface du versoir des trous par retrait au refroidissement. Aujourd’hui, ils arrivent à une épaisseur normale. Ils établissent l’ensemble soc-versoir amélioré à un prix tel qu’il pouvait être vendu (en 1933) par le détaillant à 0,35 $ (3,5 francs) ; alors que les deux pièces traditionnelles, dont la dimension et le prix varient un peu suivant les régions, coûtaient en moyenne 0,3 $11. La différence est trop minime pour empêcher la propagation du nouvel instrument. Le sep-mancheron en bois n’est modifié que dans la façon de profiler l’ébauche en suivant la courbure des nouveaux socs et versoirs ; tous les artisans qui façonnent ces ébauches peuvent suivre la ligne nouvelle, si on leur fournit un modèle. L’age, le palonnier et le joug de garrot sont conservés tels quels. Ce dernier est bien préférable au joug double de tête de France12, l’animal est plus libre de ses mouvements et ne comprime pas en tirant ses vertèbres cervicales. Le régulateur de profondeur peut être remplacé par une tringle courbe, percée de trous, qui permet un réglage dans des limites assez étendues ; mais l’ancien peut être conservé sans grand inconvénient. On n’a pas jugé utile d’adapter un régulateur de largeur. Au début de la propagande pour l’emploi de la nouvelle charrue, on incitait les artisans indigènes à construire pour la vente des charrues entières ; mais leur prix de revient dépassait sensiblement celui des anciennes, tandis que l’excédent de prix est presque nul pour l’ensemble soc-versoir. On conseille maintenant la fabrication des seules pièces métalliques modifiées, et on répand quelques charrues modèles montrant aux ouvriers du bois comment adapter les nouveaux socs et versoirs au sep-mancheron.
38La charrue nouvelle retourne bien la terre, aussi convient-elle aux terres sales, ou couvertes de chaumes coupés à mi-hauteur. L’enfouissement des plantes adventices favorise leur destruction, et diminue le sarclage. Toutes les mottes étant retournées, le sol est mieux aéré et exposé au soleil dans toutes ses parties. Elle permet d’enterrer convenablement le fumier et les engrais verts dont le pouvoir fertilisant diminue rapidement quand ils restent exposés au soleil. Elle convient bien aux labours en terres exondées, sèches ou plus ou moins humides, et même au premier labour effectué sous l’eau. C’est encore dans la préparation du sol pour les cultures sèches qu’elle est susceptible de rendre les plus grands services. Elle remonte la terre et peut, sans grand effort de la part de l’ouvrier, dresser des planches ou des billons mieux que la charrue traditionnelle ; avec un laboureur habile il ne reste presque rien à faire à la main. La charrue étant plus stable dans le sol, il y a moins d’à-coups dans la traction. L’ameublissement est réalisé sur tout le champ à la même profondeur, un bon laboureur ne laisse plus de bandes de terre non travaillées. On obtient la même préparation avec un labour de moins. Le soc peut prendre une bande de terre plus large, sans augmenter sensiblement l’effort nécessaire dans des conditions normales. Mais dans les sols trop durs le tirage est plus élevé à cause de la largeur du soc ; elle bourre parfois dans les terres boueuses, labourées sous l’eau pour la deuxième fois, après hersage. Il est vrai que dans de telles conditions toutes les charrues en font autant. Ces inconvénients peuvent être atténués en diminuant la largeur du soc et du versoir, tout en gardant la forme générale. Ce nouvel instrument ne sera pas employé dans tous les cas ; il sera le plus utile dans les terres hautes pas trop argileuses. L’avantage essentiel de la charrue traditionnelle est de s’adapter à des conditions variées, parfois au prix d’un travail imparfait ; un instrument supérieur dans un cas particulier ne saurait l’être partout. Les agriculteurs qui ne possèdent qu’une charrue ne choisiront le modèle amélioré qu’en rizières hautes. Les cultivateurs des rizières à deux récoltes peuvent l’adopter aussi, ceux qui ont une surface plus importante auront une charrue nouvelle pour les labours à sec et une ancienne pour labourer sous l’eau. Dans les rizières basses du cinquième mois la substitution n’est pas utile.
L’amélioration du travail
39Nous avons montré avec quelle précision l’agriculteur annamite a su mettre au point les détails d’exécution du labour en diverses conditions, et comment ses techniques sont conformes aux dernières données de l’Agronomie. Les pratiques sur lesquelles nous avons insisté sont celles des meilleurs praticiens et nous ne pouvons que recommander leur généralisation.
40On a souvent des difficultés à labourer à sec si la terre est trop durcie. Pourtant la possibilité de le faire de bonne heure a une influence primordiale sur la récolte. Les rizières à deux récoltes pas trop humides doivent être labourées aussitôt la moisson du dixième mois. Si la terre est déjà sèche, on y mènera la charrue le matin du début de la moisson ; les javelles coupées en bordure sont posées sur les diguettes et les autres alignées sur des bandes de terre labourées, ou transportées à mesure sur la zone déjà travaillée. Quand le soleil est fort, la dessiccation est extrêmement rapide, un ou deux jours de retard suffisent à rendre le travail bien plus pénible. La moisson du dixième mois est étagée sur une période assez longue pour que l’on puisse disposer d’un laboureur. On s’efforcera d’arroser peu avant la moisson les terres assez hautes – les réseaux d’irrigation doivent veiller à ne pas couper l’eau trop tôt, surtout dans les zones argileuses – et même, si on n’a pu labourer avant le durcissement, on remettra juste assez d’eau pour permettre ce premier labour à sec dans de bonnes conditions. On a un grand intérêt à labourer le plus tôt possible et à ne pas attendre comme on le fait trop souvent la mise en eau qui précède le repiquage. L’importance du labour d’aération est bien connue des agriculteurs annamites, plusieurs proverbes l’attestent :
« Thứ nhất cày ải, thứ nhì dải phân : le labour d’aération vient en premier lieu, l’épandage du fumier en second », ou encore cet autre : « laisser bien aérer la terre vaut mieux que la laisser en boue ».
41Elle a été fortuitement mise en valeur sur un de nos champs d’essais d’engrais (concession Vu Van An). Une moitié du champ fut labourée fin décembre et resta ainsi deux mois en grosses mottes sans autres façons ; mais on ne put terminer, le sol étant devenu trop dur ; l’autre ne put être attaquée avant la mise en eau, fin février. Chaque partie comportait de nombreuses parcelles témoins, non fertilisées. Dans la première moitié, leur rendement moyen fut de 14,7 qx/ha et dans la seconde de 9,3 soit un excédent de 5,4 qx/ha, ou de 58 % en faveur du labour de déchaumage.
42Une fois le premier labour donné, il faut laisser la terre se dessécher le plus longtemps possible. Dans les réseaux d’irrigation, les rizières proches des canaux sont parfois submergées trop tôt et le deuxième labour est donné sous l’eau, dans de moins bonnes conditions. Si par crainte de manquer d’eau pour le repiquage on veut l’échelonner sur une longue période, on pourra commencer à irriguer au début de décembre les rizières hautes récoltées les premières mais on ne doit guère mettre en eau des surfaces importantes avant le 15. La submersion n’est utile qu’après une attaque d’insectes. Ce sont les disponibilités en cheptel de trait qui commandent le déchaumage. On pourra aller plus vite en se servant de la charrue améliorée qui, en terres pas trop dures, permet de labourer très superficiellement une plus grande surface. A la station de Son-Tây nous avons fait un essai de murets édifiés en février 1931 et démolis, les pluies étant venues tard, au début d’août, avec des blocs enlevés à la bêche. Après démolition des murets on n’eût besoin que de herser, la terre se délitant facilement dans l’eau. Le travail exécuté par un ouvrier non exercé n’a sans doute pas été conduit selon toutes les règles de l’art ; cependant nous avons obtenu 29 qx/ha contre 22 sur la parcelle voisine labourée suivant les habitudes locales. Dans les provinces où cette pratique n’est pas généralisée, on en connaît déjà l’efficacité : à Vinh-Yên, Kiên-An, etc., les agriculteurs qui font des cultures sèches en bordure de jachères protègent leur récolte de la dent des bestiaux en édifiant des petits murs avec des mottes de terre prises dans les parcelles attenantes, à la seule condition de remettre ensuite toutes les mottes en place, les propriétaires voisins sachant qu’ils tireront profit de ce travail.
43L’édification des murets n’est possible que dans les régions où la main-d’œuvre abonde ; la généralisation de cette pratique y procurera du travail utile. Mais ailleurs il faudra toujours faire le labour de déchaumage, et si possible le recouper quinze jours ou trois semaines après, quand la surface a été desséchée, par un deuxième labour à sec cầy rang. Ces pratiques sont observées volontiers dans les rizières à deux récoltes dont on redoute la baisse de rendement au cinquième mois.
44Sur les terres ainsi labourées se développera une végétation adventice plus abondante : les graines de mauvaises herbes germant à ce moment n’infesteront pas la rizière plus tard ; si les plantes sont convenablement enfouies avant floraison, c’est-à-dire si la charrue retourne bien le sol, elles seront détruites et constitueront un apport d’humus. Les rizières à deux récoltes seront labourées aussitôt après la moisson du cinquième mois, pour que les chaumes aient le temps de se décomposer. Les rizières basses à une seule récolte peuvent attendre l’automne ; si elles sont trop submergées, il ne faut pas mettre en suspension les limons fins que les mouvements de l’eau peuvent entraîner dans les parcelles voisines. La charrue annamite laboure à plat, en billons de 30 à 40 cm de large, ou en planches d’environ un mètre. La pratique du billon doit être conservée pour l’enfouissement des mauvaises herbes ou des chaumes ; dans les autres cas le labour en planches plus larges aurait le double avantage de faire tourner l’animal sur un plus grand rayon et de laisser moins d’ondulations à combler par la herse. Avec la charrue améliorée qui remonte la terre pour la retourner, l’adoption de planches plus larges (3 à 5 m) s’impose absolument.
45Quand deux petites parcelles voisines sont au même niveau et appartiennent au même propriétaire, il y a souvent intérêt à les réunir pour faciliter le travail. Cette pratique ne peut plus être conseillée dès que la différence de niveau approche de 10 cm, le nivellement réduisant pour de longues années le rendement de la surface décapée. Il ne faut pas viser les trop grandes parcelles, surtout là où l’alimentation en eau est onéreuse. La rupture fortuite d’une diguette par un trou de rat, de crabe ou de serpent, ou son ouverture par un voisin désireux d’irriguer à peu de frais sa parcelle plus basse, entraînerait une perte d’eau trop considérable.
46Mais on pourra toujours aller au moins jusqu’à cinq ou six sào (une vingtaine d’ares) chaque fois que possible. Dans les grandes et les moyennes propriétés, et chaque fois que deux parcelles voisines appartiennent au même propriétaire, on gagnerait du temps à chaque labour en rectifiant le tracé souvent sinueux des diguettes. Deux propriétaires voisins pourraient aussi rectifier un tracé en s’arrangeant pour ne pas modifier la surface des parcelles primitives.
47On hésite à donner aux parcelles, comme en Europe et comme le conseillent les Hollandais à Java, la forme de rectangle allongé, les labours étant effectués dans les deux sens, pour obtenir un meilleur ameublissement avec un outil imparfait. Si la charrue a sauté une bande de terre dans un sens, elle la recoupera dans l’autre, alors que dans le même sens elle risquerait de sauter encore cette zone plus dure. Mais quand ces rectangles existent ou sont imposés par la configuration du terrain, le labour peut être repris obliquement, suivant un angle de quinze à trente degrés selon la largeur de la parcelle.
48Le buffle ou le bœuf qui tire la charrue s’arrête en arrivant à la diguette ; la raie se termine donc à 3 m de la bordure. Pendant que l’animal tourne, le laboureur consciencieux ramène la charrue en arrière de façon à reprendre la raie suivante le plus près possible de la bordure. Il reste tout de même à chaque extrémité une fourrière partiellement travaillée, qui est reprise dans l’autre sens ; mais l’animal s’arrêtant toujours à la diguette, il reste à chaque coin une surface non travaillée qui atteint souvent 10 m2, en tout 40 m2, soit 10 % d’une parcelle de quatre ares. Le cultivateur soigneux bêche ces coins, une seule fois après le premier labour. On ne saurait trop conseiller la généralisation de ce bêchage, qui rendrait leur productivité aux angles des parcelles, trop souvent couverts d’une maigre végétation.
49Dans la plupart des cas, on peut habituer le buffle, comme on le fait sur les champs d’essais de l’Office du riz, à franchir la diguette et à tirer la charrue jusqu’à ce qu’elle atteigne la limite de la parcelle. On réduit le travail des fourrières à quelques raies de charrue, et le coin non labouré à une surface infime. Le dressage de l’animal serait aisé. On ne le fait pas si le champ voisin est en culture, la diguette trop haute ou la différence de niveau trop élevée. Les à-coups de traction pourraient être atténués par l’intercalation d’un ressort entre l’age et le palonnier. Au démarrage et à la rencontre d’un obstacle, d’une terre durcie par la sécheresse, l’effort de l’animal serait moindre, et plus régulier. On ne peut conseiller l’achat, trop onéreux, d’un ressort neuf, mais les agriculteurs ingénieux utiliseront les vieux qu’ils pourront se procurer.
La profondeur du labour
50La charrue atteint de 5 à 10 cm. La plante ne peut envoyer loin ses racines et se nourrit dans une faible épaisseur de terre, ce qui limite son développement. L’augmentation de l’épaisseur de la couche travaillée demandera un plus grand effort aux animaux qu’il faudra mieux alimenter. Les progrès dans ce sens seront très lents, mais nécessaires ; comme en Europe, il faudra aller chaque année un peu plus profond, sans gagner plus d’un centimètre par an. La terre du sous-sol a besoin d’être divisée et aérée de longues années avant que l’intensité de la vie microbienne y permette une productivité normale. La diminution de rendement des rizières décapées nous permet de penser qu’il en serait de même si on ramenait brusquement une forte épaisseur de sous-sol à la surface. Mais le rendement décroît dans de fortes proportions là où l’on diminue légèrement l’épaisseur de la couche de terre travaillée, en prélevant un peu de boue pour la confection ou la réfection des diguettes. On lit sur la végétation l’emplacement des planches du labour si la herse a mal nivelé. Donc actuellement cette couche est au minimum compatible avec un développement normal de la plante : il est fort probable que l’augmentation de cette épaisseur provoquerait un accroissement de production. Le proverbe dit :
« Ăn nhiểu no lâu, cây sâu tõt lúa : manger beaucoup rassasie pour longtemps, labourer profond donne de beaux riz ».
51Les Annamites apprécient les heureux effets du fendillement du sous-sol après confection des murets, sous-solage effectué par l’énergie solaire. L’accroissement de la profondeur du labour provoque une augmentation des besoins en eau des rizières sablonneuses ; ce sera moins gênant après l’exécution des travaux d’aménagement hydraulique. Le sous-sol peut avoir une constitution physique ou une composition chimique défectueuses, par exemple excès d’argile ou terrain saumâtre, acide ou aluné (les Annamites disent : thoi chua) qui contre-indiquent son mélange avec le sol. On devra essayer plusieurs années le labour plus profond sur quelques parcelles avant de le généraliser. Mais le travail du sous-sol en place, dans la raie, sans le ramener à la surface, ne peut provoquer d’autres inconvénients qu’un accroissement de la perméabilité. A la station de Tuyên-Quang, on adaptait à la charrue annamite un crochet pénétrant dans le fond de la raie. La charrue annamite peut aussi sous-soler le fond de raie bien dégagée d’une charrue améliorée13 ; mais la diffusion du labour profond ou du sous-solage est liée à l’augmentation des disponibilités en énergie animale. Si la charrue actuelle n’a pas une grande latitude de réglage en profondeur du labour c’est que ni les animaux, ni les instruments fragiles n’y sont adaptés. La traction de charrues labourant plus profond pourrait d’ailleurs s’effectuer avec deux animaux, comme dans le Sud-indochinois.
LABOUR À LA HOUE ET À LA BÊCHE
Labour à la houe
52Nous avons déjà signalé l’utilisation de la houe (figure 11) dans les sols vaseux où les animaux enfoncent trop14.

Figure 11.— Houe en bois doublée de fer
53Le piochage y est aisé, l’instrument employé est à large tranchant on estime qu’un homme travaille un mẫu en sept jours. En décembre, dans les rizières durcies par la sécheresse, les animaux fatigueraient trop et on risquerait de briser les socs ou même la charrue ; aussi préfère-t-on les attaquer à la houe et à la bêche, si on veut y faire un riz du cinquième mois ou une culture sèche.
54Le travail est beaucoup plus pénible et demande dix à douze journées d’homme par mẫu. Enfin dans le bas delta les paysans qui cultivent de faibles surfaces et n’ont même pas d’argent pour louer un buffle labourent à la houe dans les mêmes conditions qu’à la charrue. Un homme pioche alors un mẫu en huit à dix jours. La profondeur du travail est irrégulière, tous les coups n’étant pas donnés sous le même angle, avec la même énergie, et la résistance du sol variant d’un point à l’autre. Les paysans annamites reprochent à la houe de faire des mottes dures, tassées par l’ouvrier qui piétine sur la terre déjà travaillée.
Labour à la bêche
55A Nam-Dinh on attaque de préférence à la bêche (figure 12) les terres asséchées et durcies ; on ne pioche que les terres meubles ou submergées. La bêche travaille jusqu’à 15 cm donc plus profond que la charrue mais on lui reproche aussi de faire des mottes dures, difficiles à émietter. Dans la zone littorale surpeuplée où la remontée du sel, à défaut d’eau douce, empêche de faire un cinquième mois (par exemple, dans le huyện de Hai-Hâu) les rizières reçoivent, pour le dixième mois, un labour en avril et un bêchage en juin, suivi de nombreux hersages. Le bêchage qui augmente l’épaisseur de la couche travaillée, accroît la production, témoignant en faveur du labour plus profond.

Figure 12. - Bêches en bois doublées de fer
56Le bêchage demande 12 à 15 journées par mẫu en terres dures, un peu moins ailleurs. Il est peu répandu, sauf en bordure de mer.
57Ces deux modes de labour par énergie humaine, moins rapides que la charrue, conviennent aux tout petits exploitants qui ont du temps et doivent faire rendre le maximum à leur trop petit lopin de terre. Ils travaillent avec soin l’intégralité du sol tandis que la charrue oublie trop souvent des bandes de terre et n’ameublit pas les coins. Mais ils font de grosses mottes carrées, difficiles à réduire et laissent la surface du sol irrégulière. Bien que le hersage soit plus pénible qu’après charrue, il faut, si l’on veut retirer tout le profit possible de sa peine, que la terre soit entièrement réduite en boue.
HERSAGE ET NIVELLEMENT
La herse annamite et son travail
58Cet instrument (figure 13) comporte une rangée de neuf à onze dents15 (neuf pour un bœuf, dix ou onze pour un buffle) en fer forgé, pointues, écartées de 9 à 10 cm, mesurant de 30 à 35 cm de long. Sa largeur va de 80 à 110 cm. La profondeur du travail est réglée par l’inclinaison : elle est d’autant plus grande qu’on la maintient plus près de la verticale, l’ouvrier qui veut aller plus profond appuie dessus, ce qui est fatigant. Dans le Sud-indochinois l’ouvrier se tient debout sur la herse16 dont les dents de bois ont 6 à 10 cm de long.
59Il est de la plus grande utilité d’atteindre toute la couche de terre travaillée par la charrue pour la réduire en une boue liquide. La surface d’absorption des matières nutritives par les racines des plantes augmente dans un sol finement divisé. La herse à pointes ne malaxe pas la terre, les petites mottes peuvent être rejetées de côté non brisées, et il faut de nombreux passages pour un ameublissement parfait. Ainsi dans les pépinières certains cultivateurs soigneux donnent jusqu’à douze hersages. Un autre inconvénient des dents pointues est de traîner tous les débris végétaux, même de ramener à la surface ceux qui avaient été enfouis. C’est pour cela que les agriculteurs annamites évitent de herser tant que les chaumes ne sont pas décomposés. De temps en temps, l’ouvrier doit soulever la herse pour en dégager les débris et les laisser tomber, de préférence en bordure des diguettes, sinon dans un creux, une ancienne dérayure quand le hersage suit un labour en planches. S’il est soigneux, il les enfonce avec ses pieds pour éviter de les reprendre à un prochain passage.

Figure 13. - Herse tonkinoise
60Nous avons indiqué, à propos du labour, le nombre de hersages et le moment de leur exécution. Si la herse annamite arrive, au prix de nombreuses façons, à réaliser sous l’eau un travail satisfaisant, elle ne convient guère à la culture sèche : les mottes y sont généralement brisées à la main. Les herses italiennes (types Vasino, Sargenti, Cantoni, etc.) malaxent bien le sol et travaillent aussi bien à sec que sous l’eau. Dans leur pays d’origine on leur reproche de ne pas aller assez profond et de ne pas travailler toute la couche atteinte par la charrue. Mais au Tonkin la profondeur du labour est si faible qu’on ne pourrait en dire autant. Ces modèles méritent d’être essayés ; ils seraient également utilisables à l’ameublissement du sol pour les cultures sèches. Mais il semble difficile d’en construire à bon marché.
61Dans les terres de sable fin, qui manquent de cohésion et ont tendance à se tasser, à devenir difficilement pénétrables, on donne de nombreux labours qui ameublissent et soulèvent la terre, mais peu de hersages qui comblent les vides en déplaçant le sol latéralement et favorisent le tassement. On donne souvent quatre labours, et seuls le deuxième et le quatrième sont suivis d’un hersage. L’apport massif d’humus devrait atténuer ce défaut.
62Dans les terres argileuses au contraire on cherche à bien délayer la terre dans l’eau, pour former une boue très liquide. On ne donne que deux ou trois labours, peu profonds si le sous-sol présente une composition défectueuse. Chacun d’eux est suivi de nombreux hersages, soigneusement exécutés. C’est à ces terres que s’applique le proverbe : « cầy thu’a, bù’a ky : labourer grossièrement, herser soigneusement ».
Hersage à traction humaine
63Cette pratique existe un peu partout dans le delta, mais n’est généralisée que dans la zone maritime de la province de Nam-Dinh (huyện de Truc-Ninh et de Hai-Hâu). La herse, tenue par un ouvrier, est tirée par deux, trois ou quatre hommes ; exceptionnellement par un seul. Elle travaille d’autant plus profond qu’il y a plus de tireurs. Un homme et un buffle travaillent deux fois plus vite que cinq hommes. Quatre hommes travaillant ensemble mettent six jours à ameublir un mẫu (plusieurs passages) moins bien qu’un homme et un buffle en quatre jours. Cette pratique est l’apanage de ces très petits exploitants, véritables prolétaires ruraux, qui ont ameubli leur terre à la bêche et à la pioche, parfois à la charrue17 s’ils ont pu louer une journée de buffle. Ils s’associent à trois, quatre ou cinq, hersant leurs champs successivement : celui pour qui on travaille nourrit les autres. Cette coutume semble plus répandue au cinquième mois, période de disette de cheptel ; pour la campagne plus importante du dixième mois, on achète des animaux et on les revend après la préparation du sol. Ce hersage est d’autant plus pénible qu’il succède d’ordinaire à un bêchage ou à un piochage.
64L’emploi des hommes comme véritables « bêtes de somme » à la traction de la herse dans l’eau glacée l’hiver, ou à celui de lourds fardeaux sur les routes, sous le soleil torride de l’été, exprime bien l’état de misère extrême des dernières classes laborieuses du delta.
Le nivellement
65Cette opération est plus difficile à réaliser dans les terrains labourés en planches, et surtout en billons, qu’à plat. Pour combler les dépressions, on passe entre les dents de la herse plusieurs lamelles de bambou, de façon à ce qu’elle transporte de la terre, et on la manœuvre comme une pelle à cheval, enlevant de la terre sur les points hauts, culbutant en avant pour la déposer dans les points bas. Le hersage d’aplanissement est donné perpendiculairement au labour ; c’est pour n’avoir pas à le recommencer que les derniers labours, effectués sous l’eau, sont toujours donnés à plat.
66Le nivellement est réalisé d’une façon parfaite dans les pépinières. Le dernier coup de herse est donné en piquant les dents dans un bambou bien droit, de 2 à 3 m de long, qui lisse la surface du sol ; le travail ressemble à celui de la spianone italienne. Certains cultivateurs cochinchinois vont même jusqu’à traîner cette fois la herse, pour laisser moins de traces que le buffle. En rizières repiquées, par contre, une surface aussi parfaitement horizontale que pour la pépinière ou pour le semis en place n’est pas nécessaire. Mais entre les différents points d’une parcelle la différence de niveau ne devrait pas dépasser 5 ou 6 cm et ne jamais approcher de 10 cm. C’est là un inconvénient des grandes parcelles, plus difficiles à niveler.
67L’agriculteur doit avoir la possibilité de régler, suivant les circonstances, la hauteur d’eau dans la rizière ; il y a parfois intérêt à en élever le niveau, à n’en mettre qu’une faible couche, ou même à assécher complètement. Mais le niveau de l’eau, et le bénéfice qu’il procure, ne sera le même en tous les points de la parcelle que si elle est bien horizontale.
68Dans le cas de disette d’eau, les points hauts émergeront les premiers et se couvriront rapidement de mauvaises herbes, difficiles à enlever. Si au repiquage on veut retenir dans la parcelle une forte couche d’eau en réserve pour la saison sèche (cinquième mois) dans les points les plus bas les plants seront submergés et périront, ou leur développement sera retardé et ils devront « filer » en hauteur. A la récolte il est plus difficile de drainer une parcelle mal nivelée ; on devra creuser des rigoles du centre des dépressions vers la périphérie. Beaucoup d’agriculteurs devraient mieux soigner le nivellement. On ne peut le faire qu’avec un repère, en maintenant sur la parcelle une très faible couche d’eau (quelques centimètres). On se rend alors bien compte des irrégularités et on transporte avec la herse garnie de son treillis de bambous la terre des points où elle émerge vers ceux où elle n’apparaît pas. Dans les rizières étagées de Java où l’on irrigue par gravité, on nivelle en provoquant dans la parcelle couverte d’une forte couche d’eau un léger courant par une évacuation lente de l’eau ; mais il faut veiller à évacuer de l’eau claire, ayant déposé les limons en suspension. En Italie et à Java, on promène à la surface de la rizière une planche pour parfaire le nivellement ; ce raffinement n’est pas nécessaire au Tonkin où les rizières sont repiquées.
Surface travaillée par jour
69Elle est très variable suivant l’état de la terre, la force des hommes ou des animaux. Dans des conditions normales de travail, en une journée de cinq ou six heures, un homme et un bœuf labourent une moyenne de trois sào et jusqu’à quatre ou cinq sào avec un buffle qui déplace la charrue de 0,7 à 0,8 m/s, tandis que le bœuf moins fort ne dépasse pas 0,5 à 0,6 m d’après M. Angladette. La surface travaillée est plus grande si les animaux sont bien nourris et les hommes capables d’effort. En employant un buffle le matin aux heures fraîches, et un bœuf au milieu du jour, un laboureur peut arriver, en terre meuble, humide ou peu submergée, à travailler cinq à six sào (une vingtaine d’ares). Mais ce chiffre est un maximum ; on ne le dépasse qu’au détriment de la qualité du travail. La surface travaillée est plus petite lors du premier labour ou des autres façons données à sec ; en terre durcie, elle peut tomber à deux sào ; en dessous, on a intérêt à employer la pioche. Un homme et un buffle peuvent aisément herser, en comptant pour un hersage l’aller et le retour sur la même bande de terre, un à deux mẫu par jour. Quand l’agriculteur annamite dit qu’il ne peut herser que trois ou quatre sào par jour, 0 évalue le temps nécessaire à un bon ameublissement ; pour une terre nécessitant de nombreux passages, il faut deux à quatre journées par mẫu selon que le sol est plus ou moins argileux.
70Le maniement de la charrue annamite est un travail pénible, assez délicat ; le bon laboureur est assez rare et bien payé. Les femmes et les vieillards, les moyens propriétaires, les commerçants ou les artisans qui exploitent quelques rizières, engagent d’ordinaire un laboureur pour une saison, par exemple pour la campagne du dixième mois depuis les premiers labours pour la préparation des pépinières jusqu’à la fin du repiquage, soit de deux mois et demi à trois mois et demi, entre mai et août.
Notes de bas de page
1 Un thu’ở’c équivaut à 1/15e de sào ou 24 m2.
2 Cela évoque le piétinement par les bœufs des rizières de Madagascar.
3 Nous avons déjà signalé le proverbe annamite : « On remarque la bonne végétation du riz du dixième mois repiqué un jour à l’avance, et celle du riz du cinquième mois repiqué dans une rizière bien préparée ».
4 Le cultivateur français dirait qu’on a « fait des briques ».
5 Cf. « La charrue de la rizière tonkinoise et son amélioration » par R. Jeannin (Riz et riziculture, vol. VII, fasc. 1,1933).
6 Le versoir de la charrue des rizières sablonneuses au nord de Vinh (Nghê-An, Nord-Annam) est plus courbé et retourne mieux la terre.
7 Le joug est maintenu par une corde qui passe sous le cou de l’animal et parfois le blesse. Le riziculteur chinois toujours soigneux le garnit d’un treillis de rotin augmentant sa largeur et l’empêchant de pénétrer dans les chairs de l’animal.
8 Le peuple cham, malheureusement en voie de disparition, semble avoir été un agriculteur industrieux. Il a laissé des vestiges de réseaux d’irrigation fort bien étudiés ; c’est lui qui aurait conçu les norias élévatrices d’eau de la région de Quang-Ngai.
9 Comme la charrue pour rizière dans le nord du Portugal.
10 Les prototypes ont été établis avec l’aide fort complaisante de M. Mercier, professeur technique à l’École des arts appliqués de Hanoï.
11 Un peu moins près des villages de fondeurs.
12 On retrouve le joug de garrot simple en Allemagne du Sud.
13 Amélioration proposée par les Services agricoles du Tonkin.
14 Cette catégorie de terres qui couvre de grandes surfaces en Cochinchine (Plaine des Joncs, etc.) est plus rare dans le Delta du Tonkin.
15 Rarement sept ou douze.
16 A un rang en Cochinchine et deux rangs en Annam.
17 La charrue demande une plus forte traction : on nous a signalé qu’exceptionnellement elle est tirée par l’homme mais nous ne l’avons jamais vu.
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