Odessa et les confins de l’Europe : un éclairage historique
p. 107-124
Texte intégral
1Notes portant sur l’auteur1
2Depuis la « révolution orange » de l’automne 2004, la question de la position d’Odessa et de l’Ukraine par rapport à l’Europe, et par conséquent vis-à-vis de la Russie, est d’une actualité plus brûlante que jamais. Dans cette véritable crise d’identité régionale et nationale, Odessa et sa région semblent à vrai dire pencher davantage pour le camp pro-russe, comme d’ailleurs la région de Donetsk, également russophone. En novembre 2004, des milliers de manifestants ont ainsi adopté à Odessa une résolution demandant l’organisation d’une Assemblée des députés de toutes les régions du sud et de l’est de l’Ukraine, afin de discuter de la création d’un « Territoire de la Nouvelle Russie » indépendant à la fois de l’Ukraine et de la Russie2. Face aux partisans d’une Ukraine pro-occidentale, qui semblaient devoir l’emporter à Kiev et entraîner le pays vers l’Union européenne, les tenants d’une Ukraine orientale, voire d’une nouvelle « alliance slave », ont paru un moment en mesure de faire d’Odessa l’une de leurs places fortes, ou du moins une ville où ils représentent une force avec laquelle il faut compter. S’agirait-il d’un contresens historique ou Odessa est-elle effectivement l’une des villes-frontières de l’Europe ? La courte histoire de la ville entre le moment de sa fondation (1794) et le début de la Première Guerre mondiale est-elle en mesure d’apporter une réponse à cette question ? C’est ce que nous allons examiner dans ces pages.
Imaginaires et réalités
3En 1823, Pouchkine, qui venait de passer un triste séjour à Kichinev, déclara à propos d’Odessa qu’on y « respire l’Europe ». D’un autre côté, Balzac écrivit en 1847 que « de la frontière européenne à Odessa, c’est comme un même champ de la Beauce3 ». Odessa se situerait par conséquent au-delà de la frontière européenne, mais reliée à elle, comme à une forme de terre promise, par d’interminables champs de blé. La situation équivoque de cette ville est donc posée par ce double regard d’écrivains. Une ambivalence que l’on retrouve déjà dans ses origines. L’impératrice Catherine II l’avait conçue comme un avant-poste de la Russie – à ses yeux partie intégrante de l’Europe – face à l’Empire ottoman. Elle lui avait donné un nom inspiré de la Grèce ancienne – Odessos – en référence à une antique « ville d’eau » qui avait existé dans les environs, croyait-on, au vie siècle avant J.-C.4. Comme Kherson, nommée d’après le port hellénique de Chersonesos, Odessa devait être l’une des pierres angulaires permettant de concrétiser à plus long terme le « projet grec » élaboré par l’impératrice en 1780. Celui-ci ne prévoyait rien de moins que l’anéantissement de l’Empire ottoman et le rétablissement de l’Empire byzantin d’Orient, avec Constantinople comme capitale et Constantin – l’un des petits-fils de Catherine II – comme souverain… Après avoir supprimé l’hetmanat cosaque qui dominait l’Ukraine, l’impératrice avait étendu l’influence russe en direction de la Crimée5 et de l’embouchure du Dniepr, à la suite d’une guerre victorieuse sur les Turcs (1768-1774). Une nouvelle guerre, menée de 1787 à 1792, lui permit cette fois d’annexer la Crimée, de s’emparer de Kherson et Nikolaïev, de contrôler tout le territoire avoisinant entre le Boug et le Dniestr, sans oublier l’établissement d’un protectorat sur la Géorgie. Odessa elle-même fut fondée en 1794 sur l’emplacement d’une ancienne forteresse ottomane – Hadji-bey – entourée, aux dires du Français Charles Sicard (1809 : 248), de steppes « désertes et incultes ». Sa fonction était de servir de capitale à la Nouvelle Russie (Novorossija), tout en élargissant la « fenêtre » de la Russie sur la mer Noire (King 2004 : 161-168).
4Le projet initial de Catherine II était donc de faire d’Odessa une étape sur la route de Constantinople, elle-même destinée à devenir la capitale d’un nouvel espace russe et orthodoxe, conçu comme successeur de l’idéal gréco-byzantin. Alors que Sébastopol avait été fondée en 1783 pour y établir la marine de guerre, Odessa devait surtout servir de port marchand sur la mer Noire et de débouché vers les Détroits et la Méditerranée, ouvrant ainsi de nouvelles routes commerciales vers l’Occident. Et de la même façon que Saint-Pétersbourg avait naguère été conçue par Pierre le Grand comme la capitale moderne, à l’européenne, d’un empire qu’il s’agissait d’arracher à ses pesanteurs archaïques et orientales, Odessa fut rapidement planifiée comme une ville du siècle des Lumières, avec un urbanisme en damier confié à des architectes français. Lien supplémentaire avec Saint-Pétersbourg, parfois surnommée la « Palmyredu Nord », on ne tarda pas à qualifier Odessade « Palmyre du Sud » (Južnaja Pal’mira), sans se préoccuper autrement de la ville de Syrie qui avait originellement porté ce nom. Comme toujours lorsqu’il s’agit d’Odessa, l’imaginaire importe autant que la réalité.
5À ce sujet, Marie-Paule Vial (1989 : 7-9) a noté que, pour son pouvoir de séduction et pour la magie qu’elle a exercée sur les créateurs, Odessa mériterait de figurer sur une carte de l’imaginaire et avec le titre de capitale. Sur cette carte dessinée par les écrivains, les peintres et les cinéastes, la ville des bords de la mer Noire occupe en effet une place à part. Dans cette géographie abstraite, elle est un espace romanesque au fort pouvoir d’évocation. Par la grâce d’un nom entré très tôt dans la littérature, elle est devenue un lieu mythifié, idéalisé, une terre rêvée tout au long du xixe siècle.
6Pourtant Odessa est à bien des égards une ville artificielle, qui ne plonge pas ses racines dans l’histoire antique, médiévale ni même moderne, au contraire de la quasi-totalité des villes européennes. Sa naissance, près d’un siècle après Saint-Pétersbourg, apparaît comme une sorte de fruit tardif du siècle des Lumières, une période où l’Europe rêve encore de fonder des villes idéales. Pour la peupler, Catherine II et surtout Alexandre Ier n’hésitent pas à faire appel à des commerçants qu’ils dotent de maints privilèges, ainsi qu’à de nombreux colons étrangers, notamment allemands. Ceux-ci s’installent dans l’arrière-pays en favorisant un développement rapide de l’agriculture, puis de l’artisanat. Le peuplement très cosmopolite de la ville fut sans doute le premier facteur constitutif de son mythe. Même dans la seconde moitié du xixe siècle, les tsars ne purent jamais en faire une ville russe tout à fait comme les autres, en raison de sa variété ethnique, de son caractère portuaire et frondeur, des franchises dont elle a longtemps joui et du grand nombre d’entrepreneurs et d’aventuriers qui y vivaient. Périphérique par rapport à la Russie tsariste – tout au long du xixe siècle, on y exile les intellectuels exclus de Pétersbourg et de Moscou – elle se situe aussi aux confins réels et imaginaires de l’Europe. La ville prospère certes, mais tout de même en marge de l’Europe urbaine et culturelle centrée sur Paris, Londres ou Berlin. Port ouvert sur la Méditerranée et sur le Proche-Orient, voire sur l’Asie, c’est pour les Russes une ville du Sud, et une ville qui annonce l’Orient pour les Européens. Pour les Grecs ou les Turcs, c’est probablement une ville du Nord. Dans tous les cas cependant, et quel que soit le lieu où l’on situe le centre, Odessa apparaît comme ailleurs, ou aux confins (fig. 18).

Fig. 18 : L’Europe au xixe siècle et ses confins. Odessa (à droite sur la carte) est très à l’est des capitales européennes, mais au sud par rapport à la capitale Saint-Pétersbourg (d’où son surnom de « Palmyre du Sud »). Pour les Grecs ou les Turcs, c’est plutôt une ville du nord. Tout dépend où chacun situe son centre.
7Vue depuis l’Europe, cette appréciation est-elle justifiée ? La question de l’appartenance de cette cité à la civilisation européenne du xixe siècle peut être abordée à la fois sous l’angle de l’architecture, de la population, de la culture, voire de l’économie et de la politique. Cet examen, que nous mènerons sur le double plan de la géographie et de l’histoire réelles, ainsi que des topographies mentales, sera aussi l’occasion de mieux comprendre les différents sens qu’on accorde à l’« Europe », ainsi que les multiples déchirements que cette notion continue de subir ou de susciter.
Une architecture européenne, mais sans ancienneté
8Les architectes d’Odessa voulurent en faire une ville typiquement européenne. Conçue à l’heure des grandes utopies urbaines des Lumières, elle fut en effet dessinée comme une ville idéale : la structure des rues et des places révèle une géométrie mathématique. Le duc Armand-Emmanuel de Richelieu en particulier, gouverneur de la Nouvelle Russie de 1803 à 18146, l’avait voulue avec un plan en damier tout à fait classique à larges artères, qui empruntait ses modèles à l’Italie du xvie siècle comme à la France du xviiie, à Alberti comme à Alexandre Lemaître.
9Dans les faits, Richelieu reprit les plans primitifs de l’architecte français François de Voland7 en les modifiant sensiblement : les rues orientées est-ouest et nord-sud se recoupent à angle droit ; deux axes centraux structurent l’ensemble et s’ouvrent sur un vaste quadrilatère bordé de boutiques à colonnades. La largeur des rues principales et secondaires est fixée de façon stricte. Quatre grandes portes au centre des quatre côtés du damier permettent d’accéder à la cité8 (fig. 19). Deux architectes français travaillèrent à ce projet sous le gouvernement de Richelieu : François Schaal et Jean-François Thomas de Thomon. Le premier dessina les plans de la Bourse d’Odessa, le second ceux du théâtre et de l’hôpital militaire. Quant à la construction des bâtiments publics, elle fut supervisée par le Russe Avraam I. Melnikov. L’opéra fut bâti entre 1803 et 1809 par un Italien, Francesco Frapolli, selon le modèle de l’Opéra de Paris. Détruit en 1873 par un incendie, il fut reconstruit entre 1883 et 1887 dans un baroque italien calqué sur le modèle de l’Opéra de Vienne. Par ailleurs, les palais et les églises de style italien étaient si nombreux qu’un visiteur de 1835 estimait être dans une ville italienne, avec bien peu de caractère russe (Wikoff 1880 : 231).

Fig. 19 : Odessa au milieu du xixe siècle, avec son plan en damier conçu par des architectes français. Au premier plan, le port et la ville basse, ainsi que l’escalier monumental rendu célèbre par le film Le Cuirassé Potemkine (lithographie de Carl Hohfelder, Munich, vers 1850).
10Pour Richelieu donc, comme pour la plupart des architectes français de la fin du xviiie siècle, « la beauté des villes consiste dans la rectitude des rues ». Bien entendu ce choix est aussi fonctionnel, car il facilite la planification et l’allocation des parcelles. De plus, Odessa est construite en pierre, alors que la majorité des villes de Russie du xixe siècle sont encore en bois ; elle se veut ainsi synonyme de la richesse de la civilisation européenne9. Elle compte bientôt plusieurs palais de style néo-classique ou baroquisant, un lycée, un théâtre, une bibliothèque, un musée, un jardin botanique et d’innombrables écoles.
11Détail significatif, l’importance des quarantaines portuaires suscita la construction d’hôtels où l’on trouvait un mélange saisissant de populations. Dès les années 1820 étaient même apparus des hôtels de luxe10, qui firent rapidement d’Odessa la première ville touristique de la Russie11. On y trouvait manifestement tout ce que les voyageurs pouvaient désirer et tout ce qu’une ville à l’européenne pouvait offrir : palais, jardins, églises, hôtels, magasins, etc. Odessa devait même participer, vers 1900, à la vie de la Belle Époque européenne : hôtels, bars, cafés et boutiques lui donnaient un petit air austro-hongrois. Le mélange d’activités et de plaisirs caractéristique de la cité est décrit par Valentin Kataïev en 1912 :
L’esprit du capitalisme européen régnait au centre de la ville, il y avait des enseignes de verre noir avec d’impressionnants lettrages d’or dans toutes les langues européennes à l’entrée de banques et de bureaux de compagnie, il y avait des produits de grand luxe dans les vitrines de magasins anglais et français. Les linotypes cliquetaient et les rotatives vibraient dans les entresols occupés par les imprimeries de journaux quotidiens. (Kataïev 1957 : 84)
12Tout cela ne devait pas cacher le fait qu’Odessa était une ville nouvelle, plus proche des métropoles coloniales ou des villes-champignons de l’Ouest américain que d’une ville européenne forgée par une histoire pluriséculaire. Débarquant à Odessa en 1886, le vicomte de Vogüé juge la ville d’un mot : régulière. Et il ajoute :
Des rues, des boulevards en damier, larges, propres, plantés d’acacias. On reconnaît au premier coup d’œil une cité qui a surgi par ordre administratif, tout d’une pièce, sur les dessins des géomètres. La fantaisie populaire et le travail curieux des siècles n’y ont eu aucune part. (Vogüé 1987 : 255-256)
Une population européenne, mais sans homogénéité
13Le second caractère d’Odessa est sa croissance considérable et sa population bigarrée, deux facteurs qui évoquent encore le Nouveau Monde plutôt que le Vieux Continent. Sa population augmenta en effet très rapidement au point qu’elle devint en moins d’un siècle la troisième ville de l’Empire russe, après Saint-Pétersbourg et Moscou, la quatrième si l’on compte Varsovie, qui en faisait alors partie (Mironov 1992). La diversité culturelle était cependant commune à plusieurs autres villes de la région : à la différence des métropoles occidentales, où la mixité linguistique, religieuse, culturelle et ethnique des populations est considérée (à tort ou à raison) comme un effet de la mondialisation récente, les villes de l’est de l’Europe ont connu une forme de multiculturalité dès le Moyen Âge, notamment en raison des migrations des populations allemandes et juives. Odessa, ville nouvelle, hérita d’un état de fait préexistant.
14D’autre part, pour favoriser le développement commercial de la ville, Richelieu avait obtenu du tsar Alexandre Ier une série de privilèges et d’exemptions qui rendirent la place particulièrement attrayante pour les marchands, les armateurs et les spéculateurs de tout poil. Le blé a fait la richesse d’Odessa et les trois quarts de ses exportations. Après l’occupation de Trieste par la France en 1805, le port d’Odessa devint en outre une étape importante du commerce entre l’Europe et l’Orient. Il fut d’abord tenu par les Italiens, de sorte que la langue commerciale, et même la langue d’usage de la ville, était l’italien comme d’ailleurs dans beaucoup de cités portuaires de la Méditerranée orientale12. Il fut ensuite repris par des Grecs, dont la langue supplanta peu à peu l’italien à partir des années 1820-1830 (Mazis 2004). Les colons qui peuplaient l’arrière-pays agricole de la Nouvelle Russie étaient quant à eux en majorité allemands. Les Français, moins nombreux, étaient bien placés dans l’administration à l’époque de Richelieu et de Langeron, qui gouvernèrent la Nouvelle Russie de 1803 à 1822. La culture française continua d’ailleurs d’influencer les élites jusque vers la fin du xixe siècle. Enfin, les Juifs venus de Pologne, d’Allemagne ou de Russie constituèrent à eux seuls 10 %, puis 20 %, puis plus du tiers de la population.
15Grâce au statut de port franc d’Odessa, sa population se joua d’ailleurs des circonstances politiques. Pendant les guerres russo-ottomanes (18061812, 1828-1829, 1853-1856 et 1877-1878), les commerçants turcs y restèrent pour commercer avec les Grecs et les Russes. Une situation heureuse en somme que résument à merveille ces quelques vers de Pouchkine, tirés d’Eugène Onéguine :
J’étais à Odessa la belle.
Le ciel là-bas est longtemps clair
Le commerce hisse ses voiles :
Il est actif et opulent.
Là-bas tout a un air d’Europe.
On sent qu’on est dans le Midi.
On voit briller mille couleurs.
On entend sonner dans les rues
La belle langue d’Italie ;
On voit passer des Slaves fiers,
Des Français, des Grecs, des Moldaves,
Des Arméniens, des Espagnols,
Et Maure-Ali, vieil Égyptien,
Corsaire aujourd’hui retiré13.
16Daniel Wegelin, un Suisse de passage en 1845, remarque « qu’on parle vingt langues à Odessa, et qu’on y dessert dix cultes ». Il ajoute : « Ici, le Russe se frotte au Turc, l’Allemand au Grec, l’Italien au Persan et au Boukharien. Tout se mélange : la redingote et la jaquette des Européens avec le caftan et la robe des Orientaux, le haut-de-forme des Français avec le fez du Maure. » (Wegelin 1845 : 177)
17Culturellement, Odessa était plutôt bien dotée, puisqu’elle posséda dès 1809 une troupe italienne et une troupe française qui se partageaient la scène du théâtre local, ainsi qu’un théâtre grec fondé en 1814. Elle eut un lycée dès 1817 – le lycée Richelieu, du nom du gouverneur –, transformé en université en 1865, une école commerciale grecque fondée en 1817, une imprimerie et une librairie dès 1814, une imprimerie grecque à partir de 1817. Dans les années 1820-1830, elle compte un salon francophile et un autre germanophile, des sociétés savantes comme la « Société d’histoire et d’antiquités » ou la « Société agricole du sud de la Russie » et une bibliothèque publique, l’une des premières de l’Empire. Centre du commerce du livre, Odessa produit ou importe au milieu du siècle des ouvrages en russe, en français, en yiddish, en grec (Borovoj 1967). Dès 1824, deux journaux y sont imprimés en français : le Journal d’Odessa et le Messager d’Odessa. D’autres en russe, comme l’Almanach d’Odessa (Odesskij al’manah) et le Calendrier de la Nouvelle Russie (Novorossijskij kalendar’).
18Malgré tout, le comte russe Golovine devait remarquer en 1854 que le cosmopolitisme d’Odessa avait surtout eu pour effet de multiplier les cercles et les coteries, sans créer de société ni de culture d’ensemble (Golovine 1854 : 26). En d’autres termes, le melting pot ne fonctionnait pas si bien, chaque communauté vivant plus ou moins repliée sur elle-même. Plutôt que de mixité, il faudrait donc parler de juxtaposition.
19Les nationalismes eurent néanmoins du mal à s’implanter, y compris le nationalisme russe. La quête d’identité d’un Alexandre Stourdza (17911854), établi à Odessa à partir de 1822, peut probablement servir d’illustration de cet état de fait. Ce diplomate au service du tsar était issu d’une famille moldave par son père et grecque phanariote par sa mère et parlait couramment cinq langues vivantes, sans parler de sa maîtrise du grec ancien et du latin. Après avoir fréquenté les cercles littéraires de l’« Entretien des amis de la langue russe » (Beseda ljubitelej russkogo slova) et surtout de l’« Arzamas » à Saint-Pétersbourg, il était devenu un familier des salons francophiles et germanophiles d’Odessa. Sa recherche identitaire, qui ne prit jamais un tour nationaliste, passa notamment par un approfondissement philosophique de la religion orthodoxe. Et malgré les sympathies que les slavophiles devaient lui témoigner, Alexandre Stourdza chercha toujours à maintenir le contact avec l’Occident, où il voulait se faire connaître, n’hésitant pas d’ailleurs à fréquenter l’université de Berlin à un âge assez avancé. Il fut également un pilier de la « Société d’histoire et d’antiquités » d’Odessa, qui se donna pour but premier la préservation des chartes médiévales de la région, Moldavie comprise14.
20Comme tout port florissant, Odessa fut donc, tout au long du xixe siècle, une sorte de Babel linguistique, culturelle et religieuse, jusqu’à ce que l’accentuation de la russification, plus marquée à partir de 1874, ne finisse par inverser la tendance. En 1897, la pluriethnicité et la multiculturalité de la ville se reflétaient toutefois encore dans la répartition des langues maternelles : seule la moitié de la population déclarait alors le russe comme langue maternelle, contre un tiers le yiddish, un vingtième l’ukrainien et un autre vingtième le polonais, le reste se partageant entre l’allemand, le grec, le tartare, l’arménien, le français et le biélorusse (Trojnickij 1905). La proportion de russophones à Odessa restait ainsi très inférieure à celle de Moscou et Saint-Pétersbourg, mais les langues occidentales avaient presque disparu : on n’entendait désormais plus « la belle langue d’Italie » dans les rues.
21Son mélange de populations et son expansion caractéristiques des pays neufs rendaient Odessa en quelque sorte étrangère à l’Europe des nations qui prenait alors son essor en Occident. À la vérité, elle demeurait une sorte de terre d’exil pour beaucoup de ses habitants, qui ne s’y sentaient pas vraiment chez eux.
Une économie plus commerciale qu’industrielle
22Économiquement Odessa servait de débouché à un arrière-pays fertile, traversé par le Dniepr, le Boug et le Dniestr qui étaient autant de grandes voies de communication. La Nouvelle Russie (Novorossija), ce vaste territoire de quelque 400 000 km2, faisait l’objet depuis le début de sa conquête en 1762 d’un important effort de développement et de peuplement. Grâce à des colons étrangers, elle connut une croissance rapide de l’agriculture, puis de l’artisanat, qui fit passer la population de 200 000 habitants à 1,6 million (dont 300 000 Allemands) en 1813, une multiplication par huit en l’espace d’un demi-siècle. La ville elle-même en comptait 25 000 en 1815, 78 000 en 1844, 116 000 en 1861 et 630 000 en 1914, ce qui représente une croissance moyenne d’environ 2,8 % par année15.
23Odessa bâtit ainsi sa prospérité sur la fourniture de blé aux nouveaux centres industriels d’Europe, à des prix inférieurs à ceux de ses concurrents occidentaux (trois fois moins cher qu’en France). Cette réussite commerciale explique aussi le caractère composite de sa population, faite d’émigrants de l’intérieur (Ukrainiens, Russes, Juifs, Arméniens, Moldaves) et d’émigrants de l’extérieur (Grecs, Français, Italiens, Allemands, mais aussi Bulgares et Maltais). Cependant, par rapport à l’Occident en voie d’industrialisation, son économie demeure périphérique, voire subordonnée, et de surcroît fragile en raison de la faiblesse de ses infrastructures techniques et commerciales. Pour cette raison, les Italiens, qui étaient 30 000 dans les années 1840-1850, désertent ensuite peu à peu la ville pour les États-Unis : ils ne sont plus que 1 000 dans les années 188016. Les Grecs, qui ont pris le relais, cèdent à leur tour du terrain dans les années 1860, au profit des Juifs, moins riches, qui constituent environ le tiers de la population dix ans plus tard (Herlihy 1977). La présence allemande, due à des paysans venus des colonies saxonnes de l’Empire austro-hongrois, devient également plus importante vers la fin du siècle.
24Sur le plan des infrastructures urbaines, Odessa est à la fois moderne par rapport à la Russie et en retard par rapport aux métropoles européennes. Les voyageurs occidentaux qui la visitent au milieu du xixe siècle trouvent en effet que les équipements publics y sont assez déplorables. Pouchkine se plaignait déjà en 1823 de patauger dans la boue. Vers 1860, l’eau courante et même l’eau potable y manquent encore cruellement. Ce n’est qu’en 1867 que le nouveau maire de la ville, Nikolaï Novosselski, décide de paver les rues, d’établir un système d’adduction d’eau à partir d’un aqueduc et de lancer l’éclairage au gaz. En 1874, il dote Odessa d’un système d’égouts sans équivalent en Russie ; bien qu’il demeure assez loin des normes occidentales, il contribuera à réduire les maladies, notamment le typhus17.
25Mais ces grands travaux, complétés par une meilleure connexion ferroviaire, provoquèrent la colère des conservateurs et des propriétaires terriens, déjà hostiles à la libération des serfs dans les campagnes. En 1879, ils obtinrent le départ de celui qui était surnommé « le baron Haussmann d’Odessa ». À partir de cette époque, Odessa commença à payer très cher ses carences, qui étaient aussi celles de l’Empire russe, en matière de transports intérieurs, de mécanisation de l’agriculture et de productivité industrielle. Elle aurait en effet eu besoin de ces atouts pour maintenir sa position face aux nouveaux producteurs américains, qui surent bénéficier de l’amélioration des techniques de production et de transport.
26Après 1914, le ralentissement économique influera sur la croissance démographique, de sorte qu’Odessa, qui dépasse aujourd’hui à peine le million d’habitants, n’est plus que la quatrième ville d’Ukraine.
De l’autonomie politique à la russification
27Sous Alexandre Ier, Odessa jouissait en fait d’une relative autonomie, grâce à ses franchises portuaires et commerciales, ainsi qu’au pouvoir accordé au gouverneur de la Nouvelle Russie. Les sociétés secrètes ne furent pas les dernières à en profiter, notamment celles qui dans les années 1820 furent à l’origine du soulèvement des Grecs contre la tutelle ottomane (Philiki Eteria) et de la rébellion des décembristes russes. Dès 1823, avec la nomination du gouverneur Vorontsov, qui resta en place jusqu’en 1845, les autorités centrales espéraient, selon le mot de Fiodor Viegel, « que la Nouvelle Russie soit enfin russifiée » (Vigel’ 1928). En réalité, Odessa ne perdit pas ses spécificités, et ce n’est pas sans raison que Nicolas Ier la considérait comme un nid de conspirateurs. Elle servit aussi de refuge pour un certain nombre d’intellectuels de la génération de Pouchkine, tels que Joukovski, Mickiewicz, Gogol ou Pogodine, qui y créèrent une partie de leurs œuvres. Plus tard, elle abrita des nationalistes bulgares, ukrainiens ou polonais, des Italiens partisans de Garibaldi ou des Juifs sionistes, mais sans que la fermentation politique ne crée de mouvement d’ensemble sur un plan local. Alors que la ville faisait figure, vis-à-vis de l’extérieur, d’asile pour les partisans des nationalités émergentes de la région, elle ne fut jamais nationaliste pour elle-même.
28En 1874, la volonté de centralisation et de russification se traduisit par l’abolition du poste de gouverneur de Nouvelle Russie et celle du statut de port franc. Malgré cette reprise en main du pouvoir local par le gouvernement central, les contemporains continuèrent néanmoins de trouver que l’atmosphère y restait plus libre et plus cosmopolite que celle des autres villes russes, Moscou et Saint-Pétersbourg compris. La ville conserva ainsi son caractère marchand et plutôt libéral, une situation favorisée par sa situation périphérique, aux marges de l’Empire. Avec vingt-trois églises orthodoxes en 1850, Odessa passait presque pour laïque par rapport à Moscou ou à Kiev. Il est vrai qu’elle comptait aussi des synagogues, des églises catholiques et des temples protestants. En 1897 encore, la proportion des orthodoxes n’y est que de 56 % (contre 93 % à Moscou et 86 % à Saint-Pétersbourg), celle des Juifs de 35 % (contre 0,8 % à Moscou et 1,3 % à Saint-Pétersbourg)18.
29À partir des années 1870, l’essor du sentiment antijuif accompagne le déclin de la prospérité. La communauté israélite, qui est dotée, comme d’autres, d’écoles, de synagogues, ainsi que d’un hôpital et de quelques associations philanthropiques (Zipperstein 1985), devient la cible d’attaques d’ailleurs tolérées par les autorités. Des lois qui limitent de plus en plus la mobilité des Juifs, leur possibilité d’acheter des terres ou leur droit de travailler le dimanche entrent alors en vigueur. Dès les années 1880, beaucoup d’entre eux émigrent ou embrassent le mouvement sioniste. Dix ans plus tard, leur situation est néanmoins jugée encore meilleure à Odessa qu’à Moscou ou à Saint-Pétersbourg. Cela n’empêchera pas un grand pogrom de survenir en 1905 et d’empoisonner l’atmosphère de la ville : 50 000 Juifs quitteront Odessa à la suite de ce massacre.
Le mythe et ses séquelles
30Ville nouvelle, ville libre surtout, Odessa eut donc au xixe siècle l’image d’un eldorado attractif pour tous ceux qui avaient l’esprit entreprenant. Même Balzac fait rêver le Père Goriot, sur son lit de mort, d’aller y fabriquer des pâtes (Balzac 1976 : 272-278)… À une époque où le joug du servage se faisait sentir partout ailleurs dans l’Empire, personne ne demandait de papiers et il suffisait de se choisir une activité pour pouvoir s’établir dans la capitale de la Nouvelle Russie. En parcourant la région, dans un rayon de quelques milles autour d’Odessa, le voyageur pouvait avoir l’illusion de traverser l’Europe d’est en ouest et du nord au sud, et de passer par exemple de l’Allemagne à la Grèce (Lagarde 1824 : 155-156). Avec ses bâtiments typiquement italiens, aux façades ornées de colonnades, avec ses foules bruyantes dans les rues, avec ses enseignes italiennes ou grecques sur les boutiques, Odessa, ville à la fois bon marché et plaisante, avait un air d’Europe du Sud. « Odessa, c’est notre Marseille à nous ! » s’exclamait encore l’écrivain Isaac Babel dans les premières décennies du xxe siècle (Babel 1996)19. Pour les Russes, elle devint, à partir de Pouchkine, un mythe littéraire : celui de la Palmyre du Sud, proche des villes portuaires italiennes. Son « esprit européen », allié à son climat ensoleillé, pouvait donc conquérir le cœur d’un Russe libéral, alors qu’un Européen lui trouvait au contraire le charme étrange d’un mélange d’Orient et d’Occident (Treiner 2005). Les témoignages enthousiastes des uns comme des autres ont poussé les habitants du lieu à colporter le « mythe d’Odessa », celui d’un lieu privilégié, à la fois cosmopolite et dynamique20. L’européanité apparaît d’ailleurs comme une composante essentielle de cette réputation. Et de fait, la ville attira des négociants en quête de fortune, des aristocrates désireux de changer de vie, mais aussi des serfs en fuite et des aventuriers de toutes sortes. Elle se montra longtemps plutôt accueillante envers les Juifs qui venaient s’y établir depuis la Pologne, la Lituanie et l’Ukraine (Gurfinkiel 2005). Elle apparut enfin, pour les nationalismes naissants de Grèce, de Bulgarie et d’autres pays des Balkans, comme une sorte de phare de civilisation.
31Malheureusement, Odessa n’a pas réussi à maintenir cette image éblouissante. Dès les années 1840, le gouvernement central resserra progressivement son emprise sur la ville. Malgré la persistance d’un esprit frondeur, Odessa ne réussira pas à amalgamer ses citoyens, divisés et mécontents, en une communauté cohérente, avec une identité propre qui aurait pu lui donner une représentation plus efficace face au gouvernement. Sa sujétion politique et sa marginalité au sein de l’Empire ont d’ailleurs contribué à la priver des améliorations structurelles qui lui auraient été nécessaires.
32De plus en plus concurrencée par les fournisseurs de blé du Nouveau Monde, elle a peu à peu sombré dans les conflits ethniques dans les dernières décennies du xixe siècle. Le pogrom de 1905, et ensuite le triomphe de la révolution bolchevique après la Première Guerre mondiale, introduisirent une véritable coupure dans les relations d’Odessa avec l’Europe, en la renvoyant durablement dans le monde russe. Rattaché en 1922 à l’URSS, l’ancien grenier de la Russie tsariste fut d’abord chargé de ravitailler les nouveaux centres industriels soviétiques. La ville fut ensuite victime de la famine génocidaire provoquée en 1932-1933 par la collectivisation forcée des paysans et par la réquisition de l’essentiel de leurs récoltes, qui fit entre 3 et 7 millions de victimes dans l’ensemble de l’Ukraine. Elle subit encore les purges politiques de 1937-1939, les terribles exactions des nazis de 1941 à 1944, avant de se retrouver partie intégrante de la nouvelle Ukraine indépendante, proclamée en août 1991.
33S’il a fallu attendre la première moitié du xxe siècle pour que les Odessites enfin russifiés prennent véritablement conscience d’eux-mêmes, notamment vis-à-vis du pouvoir soviétique, c’est désormais leur intégration à l’Ukraine, et d’un autre côté à l’Europe politique, qui s’annonce problématique. Le mythe de l’Alexandrie des bords de la mer Noire, où se parlaient jadis toutes les langues du monde, n’est plus qu’un lointain souvenir. Les Européens ne se rendent plus à Odessa. La ville se sent – à juste titre – délaissée, déclassée. Elle est devenue nostalgique de son éclat et de sa grandeur passés. Culturellement et politiquement, elle demeure rattachée à un espace en marge de l’Union européenne et ne parvient pas même à assurer la cohésion entre ses citoyens, déchirés entre l’Ukraine et la Russie. L’architecture et l’héritage culturel d’Odessa agissent désormais comme un décor en trompe-l’œil (Gubar’ 2004), en laissant croire que la ville serait durablement ancrée dans une Europe de l’avenir, vouée au progrès.
34Les vingt premières années passées sous deux gouverneurs français avaient sans doute auguré le meilleur de ce point de vue, ouvrant la porte à toutes les imaginations, à toutes les projections. Ensuite, la dure réalité de l’appartenance à un empire russe puis soviétique a pris le dessus, causant désillusions, départs vers d’autres horizons (notamment l’Amérique) et drames. L’histoire d’Odessa est donc celle d’une greffe européenne dans une terre russe qui a prospéré l’espace d’un siècle, mais n’a pris qu’à moitié.
35Aujourd’hui, Odessa se trouve renvoyée à sa position originelle de ville des confins de l’Europe (par une ironie de l’histoire, la Turquie, qui a remplacé l’ennemi ottoman de jadis, est dans une situation analogue). Comme hier, l’évolution d’Odessa risque de se faire sur le fil du rasoir : d’une part entre un héritage culturel qui se veut européen, mais dont les racines demeurent peu profondes, et de l’autre entre un européanisme montant et les difficiles relations russo-ukrainiennes. La liberté accordée aux spécificités culturelles d’Odessa et à son arrière-pays dans la nouvelle Ukraine, l’affirmation des valeurs européennes liées aux notions d’individu, de liberté, et la primauté de la démocratie et des droits de l’homme seront autant de révélateurs du degré d’intégration de cette ville à l’Europe. Par sa position géographique et par son destin historique, Odessa pose à nouveau – et très directement – la question des confins de l’Europe. Réactualisée par le tournant politique de l’Ukraine et par le débat sur l’adhésion de la Turquie à l’Union, cette question est à l’image des incertitudes identitaires du Vieux Continent lui-même.
Notes de bas de page
1 Cet article a été rédigé grâce au soutien du programme « Hermès » (2005-2006) de la fondation Maison des sciences de l’homme de Paris. Il fait partie d’une recherche qui porte sur « La multiculturalité au regard de l’histoire : Odessa au xixe siècle ». L’auteur remercie MM. Hinnerk Bruhns, Alain d’Iribarne, Yves Hersant, Krzysztof Pomian, ainsi que Mme Neli Dobreva pour leur accueil chaleureux à la FMSH et à l’EHESS.
2 Dépêche ATS, AP, Reuters du 27 novembre 2004. La veille en effet, plus de 3 000 manifestants avaient adopté à Odessa une résolution réclamant que la ville russophone et sa région se séparent de l’Ukraine si l’opposant pro-occidental d’alors – Viktor Iouchtchenko – devenait président. Dans la région également russophone de Donetsk, les maires de plusieurs villes, ainsi que les dirigeants de grandes industries, approuvaient pour leur part un texte similaire, provoquant une session extraordinaire du parlement de Kiev pour dénouer la crise.
3 Lettre de Balzac à sa sœur Laure Surville, datée d’octobre 1847, de Wierzchownia (Balzac 1969 : 247).
4 Les ruines de cette ville se trouvent en réalité plus au sud, à l’actuel emplacement de la ville de Varna en Bulgarie.
5 Le khanat de Crimée fut détaché de l’Empire turc et déclaré indépendant.
6 Sur les activités d’Armand-Emmanuel du Plessis, duc de Richelieu, à Odessa, voir Waresquiel 1990.
7 Voir à ce propos les souvenirs de François de Voland (2002).
8 Selon le modèle des villes romaines qui étaient généralement conçues d’après un plan en damier avec deux artères principales : le cardo et le decumanus.
9 La pierre, blanche et calcaire, est extraite des carrières creusées sur place. Les membres du tchin (fonctionnaires) et la noblesse s’installent à l’ouest de la ville, le long de la mer, dans de grandes villas qui rivalisent d’élégance.
10 Citons parmi ceux-ci l’Hôtel du Nord, bâti par le commerçant génois Venzano, l’Hôtel du Club, également en mains italiennes, et dans les années 1830-1860, l’Hôtel de Saint-Pétersbourg et celui de Nouvelle Russie.
11 Un premier guide touristique de la région a été rédigé en 1834 par le Suisse C.H. Montandon : Guide du voyageur en Crimée, précédé d’une introduction sur les différentes manières de se rendre d’Odessa en Crimée. Publié à Odessa, il contient en annexe des notices sur les colonies de la région, une liste des villes, les itinéraires possibles, un glossaire tartare-français et un index des lieux.
12 À Odessa, les premières plaques de rues et les enseignes de magasins étaient en italien et en russe. Les documents notariés, les passeports, la correspondance commerciale, les listes de prix et les affiches de théâtre étaient rédigés en italien. Voir à ce propos Makolkin 2004.
13 « Fragments du “Voyage d’Onéguine” » (Pouchkine 1996 : 277).
14 Pour plus de détails sur ce personnage et son activité à Odessa, voir Ghervas 2008, en particulier chap. VIII.
15 D’après le recensement de 1897 (Trojnickij 1905, t. XLVII). Voir également Herlihy 1986 : 121-123.
16 Culturellement, l’architecture, l’opéra et une église catholique romaine sont les derniers vestiges de la communauté italienne d’Odessa, jadis florissante.
17 Sur les réalisations de Nikolaï Novosselski à Odessa, voir Herlihy 1986 : 151-153.
18 D’après le recensement de 1897 (Trojnickij 1905, t. XXIV (Moscou) ; t. XXXVII (Saint-Pétersbourg) ; t. XLVII (Odessa)). Voir également Evrejskoe naselenie Rossii po dannym perepisi 1897 g. i po novejšim istočnikam [La population juive de Russie selon le recensement de 1897 et d’après de nouvelles sources], Petrograd, 1917, p. 70-73. Dès les années 1880 les Juifs sont interdits de séjour dans les deux capitales de l’Empire.
19 Voir également ses Contes d’Odessa (Babel 1967).
20 Des historiens locaux, nouvellistes et journalistes ont élaboré et perpétué ce mythe tout au long du xixe siècle, comme le montre l’ouvrage de Doroteja Atlas (1992).
Auteur
Institut universitaire de hautes études internationales, Genève et Institut des études sud-est européennes, Bucarest
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