Métiers du patrimoine et écritures patrimoniales
p. 59-85
Texte intégral
1En juillet 2001, fraîchement émoulu de l’École du patrimoine et nanti de mon diplôme de conservateur des Archives, je commençai mon travail de collecte et de conservation de papiers de toutes sortes, venant d’agences d’architectes, de petites ou moyennes entreprises, de militants syndicalistes ou de prêtres ouvriers, rassemblés dans un centre des Archives nationales implanté à Roubaix. Le profond désarroi que je ressentis rapidement tenait moins à l’inadéquation technique entre une théorie enseignée et une pratique dont je découvrais les aspérités quotidiennes – situation en somme courante au début de la vie professionnelle – qu’au profond hiatus entre le devoir qui m’était fait d’appliquer la norme (et notamment ce qui en découlait, le pouvoir de dire ce qui pouvait ou non être accepté, et dans ce qui avait été accepté de détruire ce qui pouvait l’être) et le foisonnement des définitions, pratiques et représentations des archives qui surgissaient lors de mes rencontres avec leurs propriétaires à l’occasion des opérations de collecte. Moins que la valeur historique finale des documents, s’imposait la valeur sociale que leur conférait leurs détenteurs. S’ils attendaient du représentant de l’institution qu’il confirme l’importance des archives par la certification de leur valeur historique, ou éventuellement esthétique, ils exprimaient surtout un attachement à leur égard qui ne se fondait sur aucun des critères enseignés. Incontestablement, si l’école édictait que le patrimoine est une cause que l’on sert, elle ne nous avait pas accoutumés à le questionner. Elle accueillit cependant dans les colonnes de sa revue, tout comme la principale publication professionnelle des archivistes, les réflexions issues de ma pratique (Hottin 2006a, 2006b). Réflexions bientôt prolongées à la faveur d’un séminaire réunissant historiens, ethnologues et archivistes1. C’est cet ensemble d’expériences qui a fondé, indirectement, l’idée de consacrer un programme de recherche à une ethnologie des métiers du patrimoine.
2On voudrait ici contextualiser de manière plus précise les conditions intellectuelles de la mise en place de ce programme et décrire l’émergence et l’articulation, au fil de sa réalisation, des différentes thématiques qu’analysent les articles qui suivent2. Leur objet, les métiers du patrimoine, est à prendre dans le sens que lui donne une institution inscrite dans une histoire récente et particulière, considérée non comme un monolithe mais comme un lieu d’interactions – parfois conflictuelles – entre différentes composantes. Bien qu’ethnologues de formation et de métier, la plupart des participants se
sont conformés à cette approche de l’institution du patrimoine qui est plutôt celle des sociologues des organisations. Ils en ont donc exploré le cœur ou les marges, jusqu’au « pas de côté final » opéré par Nicolas Adell, passant des « métiers du patrimoine » aux « métiers en patrimoine ».
3On voudrait enfin situer ces textes dans le spectre très large des écritures sur le patrimoine, depuis les plus formelles (normatives, réglementaires), jusqu’aux plus personnelles (qu’elle relèvent alors d’une démarche scientifique singulière ou d’un essai, voire de mémoires). Cet ouvrage mêle le monde du patrimoine, à l’origine du projet, qui en assure la maîtrise d’ouvrage et celui de la recherche académique, qui en a été maître d’œuvre, phénomène d’hybridation extrêmement courant dans le cadre des recherches patrimoniales3, depuis l’écriture professionnelle qui emprunte les voies de la recherche historique pour prendre ses distances vis-à-vis de la pratique, jusqu’au travail académique qui vient nourrir les publications les plus officielles. En définitive, moins que manifestation d’une science d’administration, il pourrait être un manifeste de la coopération possible entre science et administration.
L’institution du patrimoine en tant que domaine d’intervention publique
La maison patrimoine et l’esprit de patrimoine
4L’institution du patrimoine, telle qu’elle est organisée en France aujourd’hui, est très loin de concerner l’ensemble de « ce qui » (on ne saurait être plus imprécis) est susceptible de « faire patrimoine » dans la société française contemporaine. En effet, l’« esprit de patrimoine », pour reprendre l’expression forgée avec bonheur par Jean-Louis Tornatore (2010) peut s’attacher à tout type de bâtiments, d’objets, de pratiques ou d’êtres vivants. Il peut donc être mobilisé par tout type d’acteurs et relève, du reste, de l’individuel autant que du collectif. Cet esprit n’est en tout cas en rien l’apanage d’une institution, fût-elle auréolée de la transcendance supposément inhérente aux actions relevant de l’État, et pas davantage d’un corps de métier ou de quiconque. En regard du caractère essentiellement protéiforme de cet esprit de patrimoine et de sa capacité à se manifester partout, et surtout là où on ne l’attend pas, l’institution du même nom pourrait paraître une pure représentation formelle, comme une fête folklorique minutieusement réglée face à une explosion de joie spontanée. On ne devrait l’étudier, à tout le moins, que comme l’une des incarnations de ce phénomène, imposante certes car disposant des moyens humains, réglementaires et financiers d’influencer une large part des autres manifestations patrimoniales. Reste que le patrimoine tel que le produit et le promeut l’État est surtout façonné par la représentation qu’il s’en fait.
5C’est toutefois de cette institution et des professions qui en relèvent, prises dans des rapports de compétition, d’émulation ou d’imitation, qu’il sera question ici, dans le cadre plus restreint de cette recherche collective qui leur est consacrée.
6Il faut poser d’emblée que si les différents domaines et métiers aujourd’hui considérés comme patrimoniaux sont pour nombre d’entre eux beaucoup plus anciens que l’institution patrimoniale elle-même ; quand celle-ci s’est structurée et a étendu progressivement son périmètre d’intervention au cours des récentes décennies, ils ont commencé à interagir entre eux, à faire progressivement système et à relever spontanément de cette qualification « patrimoniale ».
Désignation
7Cette évolution a connu quatre moments charnière. Le premier est celui de l’imposition du nom : 1980 est l’« année du patrimoine » deux ans après la création de la direction du Patrimoine au ministère de la Culture. Si l’idée en avait été avancée dès 1971 par Michel Denieul (Leniaud 2001a), il faut attendre le départ des services de l’Architecture au ministère de l’Équipement, en 1978, pour qu’elle aboutisse, avec un périmètre d’action toutefois bien plus restreint que celui que dessineront les évolutions ultérieures. En 1980 cette institution se limite en effet à quatre services : Monuments historiques, Archéologie, Inventaire général et Patrimoine ethnologique. S’agissant de ces trois derniers domaines, qui partageaient alors bien des caractéristiques institutionnelles et socioprofessionnelles (faible inscription de leurs activités dans le cadre législatif et réglementaire, importance numérique et rôle moteur du secteur associatif dans leur composition, implication des personnels dans la recherche scientifique sans qu’ils en détiennent toutefois systématiquement les titres fondant la légitimité académique), il faudra un jour décrire leurs trajectoires divergentes et en faire l’histoire comparée, en regard de ce point de référence que n’a jamais cessé d’être l’administration des Monuments historiques : mimétisme (pour l’archéologie)4, concurrence (pour l’Inventaire général)5, inclusion6 et pour finir objectivation (pour l’ethnologie)7.
Professionnalisation
8Le second moment est celui de la professionnalisation des cadres à travers un outil de normalisation unique d’apprentissage des savoirs et savoir-faire techniques et gestionnaires, indissociable de la mise en place d’un corps de fonctionnaires dont il est supposé former la matrice : soit une école d’application, d’abord dénommée École nationale du patrimoine (ENP) puis rebaptisée Institut national du patrimoine (INP) et des conservateurs du patrimoine, ce terme désignant tout à la fois un corps de la fonction publique d’État et un cadre d’emploi de la fonction publique territoriale. Est alors entériné un premier et spectaculaire élargissement de l’acception du terme « patrimoine », puisque musées (sous la double forme de la spécialité « musées » et de la spécialité « patrimoine scientifique, technique et naturel ») et archives font partie du périmètre de formation de l’institut et constituent des spécialités, à côté de l’archéologie, des Monuments historiques et de l’Inventaire général – l’ethnologie étant déjà absente de ce nouveau regroupement.
9Notable est en outre l’absence des bibliothèques8, tout autant que la volonté affichée d’associer – au sein de la formation seulement – conservation et restauration du patrimoine : l’Institut français de restauration des œuvres d’art (Ifroa), créé en 1977, est en effet intégré à l’ENP, avant de devenir le « département des restaurateurs » de l’INP. La formation des professionnels de la restauration y gagne un surcroît de légitimité… en même temps que restent ancrées les différences de statut associées aux diplômés de l’un ou l’autre département : fonction publique d’État, de la Ville de Paris ou des collectivités territoriales pour les uns, profession libérale pour les autres.
10La création d’un moule unique de formation – avec la volonté exprimée par son premier directeur de fonder une « ENA de la Culture » – ne saurait occulter le phénomène, autrement plus important quantitativement, de la professionnalisation de l’ensemble des acteurs de la filière patrimoniale (avec une grande attention au développement des activités liées à la médiation) via la création et l’enracinement des formations dispensées par les universités9. Si certaines visent une filière professionnelle particulière (s’agissant des archives par exemple elles passent de trois dans les années 1980 à seize au début des années 2010) (Hottin, Potin & Sablon du Corail 2014 : 44), un grand nombre concerne tous les domaines du patrimoine.
Codification
11Passé l’année 1997, qui voit la fin de la « captivité de Babylone » (Leniaud 2001b : 257) pour les services d’architecture, de retour au ministère de la Culture, et la création d’une direction de l’architecture et du patrimoine10, la troisième étape est celle de la codification, avec la mise en place en 2003 du Code du patrimoine11. Il ne s’agit que d’une codification « sèche » dans la mesure où le législateur se contente de reprendre les principaux textes de loi qui existent en les plaçant sous un chapeau commun, qui contient notamment la définition – désormais célèbre pour tout membre de l’institution – qui figure à l’article L1 dudit code12. Le périmètre du Code du patrimoine est pratiquement semblable à celui des spécialités de formation de l’inp. Il comporte en outre un livre – très bref – dédié aux bibliothèques et, comme on peut s’y attendre, l’ethnologie en est absente. Si l’on tient compte du fait que ces années 2003-2004 sont celles qui voient la décentralisation de l’Inventaire général (service riche en hommes autant qu’en travaux, mais dépourvu d’ancrage législatif et au sein duquel l’action patrimoniale se confondait pratiquement avec l’activité de recherche scientifique) au profit des régions, on comprend que cette codification est tout autre chose qu’une compilation de textes : après cette opération, au sein de l’appareil d’État, la légitimité des objets, des actions et des métiers patrimoniaux est désormais corrélée au droit13.
Intégration
12La dernière étape à ce jour, à savoir la création en janvier 2010, à la suite de la Révision générale des politiques publiques (rgpp), d’une direction générale des Patrimoines, parachève l’évolution du système, la désignation administrative du patrimoine (avec la coquetterie du pluriel, en sus) rejoignant désormais son appellation juridique et sa nomenclature professionnelle. Elle constitue plutôt une étape d’intégration toujours plus forte, notamment grâce à l’application d’un management commun, en presque parfaite cohérence avec les outils budgétaires mis en place à la suite de la loi organique relative aux lois de finances (lolf) en 2002 : le programme 175, dédié aux patrimoines, est en effet piloté par la direction générale des Patrimoines. L’intégration, dans la suite conséquente des étapes antérieures, concerne l’architecture mais non les bibliothèques, tout en escamotant la référence à l’ethnologie. Plus forte est l’injonction d’intégration pour les secteurs qui se trouvent au sein de l’institution, plus forte est la capacité de celle-ci à exclure ce qui se trouve en dehors d’elle. Ses membres ramènent spontanément et pour ainsi dire naturellement le patrimoine – dont ils sont les garants légitimes – à ce qui trouve place dans l’organigramme, se réfère à un certain nombre d’articles du code et relève d’une expertise scientifique propre aux disciplines présentes au sein de l’institution. Peu importe en définitive que les manières de faire, de dire et de susciter le patrimoine soient – à l’extérieur de l’institution – aussi variées que les acteurs contribuant à cette désignation : à l’intérieur de celle-ci, règles budgétaires, textes juridiques et normes professionnelles se répondent et font système14.
13Les analyses présentées dans ce volume éclairent les mécanismes de ce système. Encore faut-il les mettre en perspective afin de saisir leur singularité, avec les autres formes de discours produites par et sur les métiers en question.
Dire et décrire les métiers du patrimoine à travers l’expérience : de la norme professionnelle à l’analyse scientifique
Décrets, normes et règlements
14Contrairement à ce que pourrait laisser croire une représentation « fixiste » des corps de métiers, dans le champ du patrimoine ou ailleurs, l’identité d’une profession se construit moins à partir du statut des corps de fonctionnaires, des référentiels des métiers et des normes professionnelles qu’elle ne résulte de discussions internes et externes visant à établir le périmètre d’action des métiers et leurs relations avec les autres professions, ce qu’établirait l’analyse des archives des organisations professionnelles (ou syndicales) tout autant que celles du ministère de la Fonction publique.
15En outre, le droit ou la norme sont eux-mêmes sujets par la suite à interprétation15. L’institution du patrimoine compte en son sein des « corps de recherche » (assistants ingénieurs, ingénieurs d’étude ou ingénieurs de recherche) qui sont distincts des « corps scientifiques » (conservateurs et chargés d’études documentaires). Cette distinction renvoie à deux formes de rapport à la recherche scientifique au sein d’une même institution, l’une qui s’y inscrirait pleinement, l’autre plus indirectement, la possession d’une compétence scientifique n’impliquant pas nécessairement la production de travaux de recherche. Ambiguïté qu’entretient du reste le texte du décret portant création du corps des conservateurs du patrimoine qui indique que ceux-ci « participent au développement de la recherche »16, désignation très floue qu’ils interprètent soit comme un mandat très restrictif (nous ne sommes pas des chercheurs, mais notre mission est d’aider de manière désintéressée la recherche des autres), soit au contraire comme une invitation à prendre part à toutes les activités de recherche, de manière individuelle et collective, en situation de production directe autant qu’à travers le pilotage ou la coordination.
Revues et rencontres
16Si elles coexistent désormais avec les réseaux sociaux, les blogs, forums et autres listes de diffusion, les revues professionnelles officielles (BBF, Gazette des Archives) ou officieuses (Monumental) demeurent un des lieux privilégiés de la fabrique d’une identité professionnelle partagée, construite et entretenue de multiples façons : le pur et simple retour d’expérience (Monnier 1956) comme le questionnement existentiel (Gazette 2007, 2011), en passant par l’actualisation des connaissances techniques (Gazette 1972). Si les revues visent avant tout à renforcer la cohésion interne du métier et à rendre compte des controverses qui peuvent le traverser, elles ne manquent pas de le comparer à d’autres professions : reste exemplaire à ce titre – tant pour sa virulence désespérée que pour ses erreurs de perspectives historiques – le texte d’Yves Pérotin, publié en 1970, qui mettait en regard le déclin supposé irrémédiable de la profession d’archiviste et la relative stabilité de celle de bibliothécaire, ainsi que la croissance dynamique des fonctions de documentation (Pérotin 1970).
17Pour demeurer dans le secteur des archives, le colloque organisé en janvier 2003 à la Sorbonne par l’Association des archivistes français et l’École nationale des chartes avait, en dépit de son questionnement en apparence désintéressé et de sa supposée dimension strictement professionnelle, une semblable visée comparative : « L’archivistique est-elle une science ? ». Vaste question qui appelait – de fait – des réponses positives de la part des archivistes intervenants, mais en attendait aussi des historiens – au premier chef, compte tenu des rapports anciens entretenus par les deux professions –, ethnologues, sociologues, spécialistes des sciences de l’éducation ou de l’information sollicités pour prendre la parole. Les réponses ne furent pas unanimes et les actes ne furent jamais publiés (Hottin 2003).
Essais, chroniques et histoires : à l’épreuve du débat public
18Au-delà du cadre relativement confidentiel des séminaires et publications professionnels, ces débats sur les métiers peuvent aussi viser un public plus large, voire s’inscrire dans le débat public.
19L’essai sera volontiers polémique17, éventuellement contre son propre métier ou contre l’institution dans son ensemble. À défaut d’objectivité, il peut prétendre à l’élégance du style, d’autant plus enlevé que la charge est violente. Mais il reste rare : outre le fait qu’il suppose un éditeur, il comporte une part de risque18. Critiquer la profession ou l’institution exige souvent que l’auteur s’en distancie. Il peut recourir à un regard disciplinaire autre19, à l’image de Montesquieu confiant aux Persans la tâche de commenter sa société. « Pour l’ethnologue administratif, la rue de Valois offre décidément un inépuisable champ d’investigation » (Leniaud 2001c). Si « ethnologue » indique la distance prise par l’auteur, « rue de Valois » suggère la connivence avec le lecteur. Lorsque la distance scientifique ne suffit pas, le recours au pseudonyme s’impose, fût-il transparent, que ce soit pour critiquer la politique des monuments historiques quand on est soi-même inspecteur (Ollivier 1987) ou celle des musées quand on y est conservateur, tout en rejetant l’identification à ces « petits fonctionnaires de l’art20 ». Le pseudonyme peut prospérer ou pas : Jean Clair a fini par s’imposer au détriment de son vrai nom, Jean-Michel Leniaud a éclipsé Eugène Ollivier, son accès au statut universitaire lui ayant donné la liberté académique qui s’y attache21.
20Mais le recours à l’histoire demeure, pour les professionnels des métiers du patrimoine, le moyen privilégié de porter un regard distancié, objectivant, sur leurs pratiques : l’éloignement chronologique et les méthodes d’administration scientifique de la preuve créent les conditions de production d’un discours savant, auquel ils ont d’autant plus volontiers recours qu’ils y ont été formés au cours de leur études et qu’ils sont amenés à le pratiquer dans l’exercice de leurs fonctions. Cette histoire des métiers s’écrit souvent dans le cadre de l’histoire des institutions22, et peut revêtir un caractère officiel ou semi-officiel, par exemple lorsque la publication est soutenue par l’institution ou abritée dans une de ses collections23. À travers la pluralité de grandes entreprises éditoriales ou des parcours professionnels de leurs auteurs24, apparaît la frontière, indécise, floue, ambigüe, mais lieu de rencontres fécondes, entre l’écriture de l’« histoire maison » du patrimoine par ses professionnels et l’écriture de l’histoire du patrimoine en tant qu’objet d’étude construit, de l’extérieur, par les chercheurs25.
Le patrimoine comme objet d’études pluridisciplinaires : quelle place pour l’étude de ses métiers ?
Vers des « études patrimoniales » ?
21S’il n’a pas jusqu’à présent donné naissance à une quasi-discipline, autonome (on pourrait alors parler d’études patrimoniales, en référence aux heritage studies anglo-saxonnes), le patrimoine est du moins devenu, depuis plus de vingt ans en France, un champ d’études qui croise un grand nombre de disciplines, rapprochements favorisés par les récentes réformes de l’enseignement supérieur et la création de différents LabEx (Patrima, CAP, Hastec et Les Passés dans le présent, pour ne retenir que les principaux). Compte tenu des nombreux facteurs de proximité existant entre les champs culturel et universitaire (instances, objets, budgets, communs d’abord dans le budget civil de recherche et développement (BCRD) puis dans le programme 186 et l’accord-cadre CNRS-Culture, échanges de personnels et interventions de chercheurs dans de nombreux programmes mis en place par le ministère), la réalité de l’institution et sa représentation scientifique se sont mutuellement construites au cours de la génération passée.
En ordre dispersé ou en rangs serrés
22Nonobstant un contexte initial favorable (les années du Bicentenaire, riches en commémorations et donc en publications sur les institutions patrimoniales issues de la Révolution), la présence de figures éminentes à la tête des « Entretiens du patrimoine » (François Furet, Jacques Le Goff et Pierre Nora) et la place faite au patrimoine par le même Pierre Nora dans son ample fresque Les Lieux de mémoire, les historiens ont peut-être moins que d’autres labouré de leurs recherches le champ patrimonial26. Trois grands ensembles se dessinent toutefois, groupés autour d’un maître et de ses élèves : l’œuvre de Jean-Michel Leniaud (construite à partir des Monuments historiques)27, celle de Dominique Poulot (marquée par un fort tropisme muséal) et celle de Philippe Poirrier (inscrite dans une histoire plus générale des politiques culturelles). De son côté si le comité d’histoire du ministère de la Culture, lieu d’hybridation entre le champ de l’enseignement supérieur et celui de la culture, a publié et financé divers travaux tant de chercheurs académiques que de professionnels du patrimoine, il ne s’est pas livré à une exploration systématique de l’histoire du patrimoine.
23L’approche juridique du droit du patrimoine culturel a en revanche été construite de manière beaucoup plus exhaustive, tant par le choix des objets de recherche que dans les modalités de leur traitement par le Centre d’études sur la coopération juridique internationale (Cecoji), aujourd’hui intégré à l’Institut des sciences sociales du politique de l’École normale supérieure de Cachan : formation professionnelle et école doctorale, programmes de recherche, colloques et constitution, pour finir, d’un savoir cumulatif à travers la création d’une collection créée en 1999 et riche de plus de quarante titres28. Ce savoir s’est nourri en outre d’une collaboration constante avec tous les secteurs du patrimoine concernés et d’une inscription des travaux des chercheurs dans les manifestations organisées par le ministère29. Dans le cas de l’économie, la co-construction de l’objet a été d’autant plus forte qu’existe au sein du ministère de la Culture un service dédié aux études et à la prospective (DEPS), souvent commanditaire, mais lui-même principal producteur et éditeur30 de recherches en économie de la culture et du patrimoine. Ces analyses socio-économiques, principalement quantitatives sur les métiers de la culture31 et sur les publics32, sont destinées à étayer les orientations stratégiques du ministère.
Sociologie des métiers du patrimoine ou des professions muséales ?
24La sociologie des publics est de loin la plus ancrée, et historiquement, la plus importante quantitativement et la plus sollicitée par l’institution33, et s’inscrit dans un courant plus vaste de sociologie des pratiques culturelles. La sociologie des métiers, plus discrète, s’inspire quant à elle de la sociologie des organisations. Ces travaux sont marqués par un fort tropisme muséal dont rend compte leur diffusion dans une collection liée au ministère et publiée par La Documentation française, « Musées-mondes »34.
25Le questionnement central de ce réseau de recherches porte sur la façon dont les différentes professions, anciennes ou plus récentes, intervenant dans la vie de cette institution ont évolué et renégocié entre elles leurs missions et positions respectives dans le contexte de profonde transformation des musées et des politiques culturelles publiques en cours depuis les années 1980 (Kletz, Hénaut & Sardat 2014). La question de la relation entre conservateurs et (conservateur-) restaurateur est ici centrale : comment les conservateurs peuvent-ils maintenir une position dominante face aux revendications des restaurateurs35 (Poulard & Tobelem 2015) ou comment les restaurateurs ont-ils pu progressivement gagner en légitimité, entre autres par l’observation et le mimétisme (Hénaut 2011), sans toutefois parvenir à s’imposer totalement, notamment en raison de la persistance d’un statut de profession libérale qui les place à l’extérieur du musée. Les évolutions divergentes observées à ce sujet en France et dans les pays anglo-saxons constituent en soi un objet de recherche particulièrement intéressant (Hénaut 2010). La place des régisseurs et des commissaires d’exposition, et leur concurrence avec les conservateurs, est également étudiée (Jeanpierre & Sofio 2015). De même que l’est la profession émergente, et d’une importance croissante, de médiateur (Peyrin 2011). Toile de fond de ces recherches sociologiques, la transformation des musées constitue en elle-même un des axes (informels) de la collection36… Mais ce sont ici les anthropologues plus que les sociologues qui interviennent, notamment pour décrire les bouleversements des musées d’ethnologie, d’une autre nature que ceux survenus dans les musées des beaux-arts, puisque la figure de la croissance vers l’infini est ici remplacée par celle de la mort et de la résurrection : de cette restructuration complète de la carte des musées d’ethnologie, les ethnologues se font les analystes distanciés (Debary & Roustan 2012), certains en ayant été en même temps les acteurs, tantôt enthousiastes, tantôt rétifs (Chevallier & Fanlo 2013 ; Mazé, Poulard & Ventura 2013).
L’ethnologie et le patrimoine : une rencontre particulière
26Certains de ces travaux consacrés aux musées rejoignent ceux, plus nombreux et organisés, qui ont été développés, à partir de la seconde moitié des années 1990, par des ethnologues chargés de mission de la Mission du patrimoine ethnologique ou conseillers pour l’ethnologie des Drac, ou proches de celle-ci par leur participation à différentes instances ministérielles (au premier rang desquels on trouve Daniel Fabre, depuis sa participation au groupe de travail ministériel qui donna naissance en 1980 à la Mission du patrimoine ethnologique). Les circonstances de l’émergence de cette ethnologie du patrimoine liée à l’institution sont connues, et partie prenante, notamment, des difficultés objectives et aux interrogations répétées des ethnologues quant à la légitimité de leur insertion dans le dispositif patrimonial37. Ce courant de recherches, d’abord développé dans un cadre associatif, s’est ensuite institutionnalisé avec la création en 2001, sous l’impulsion de Daniel Fabre, avec le concours de Jean-Marie Jenn et l’accord de François Barré, d’une unité mixte de recherche, le Laboratoire d’anthropologie et d’histoire de l’institution de la culture (Lahic). Le caractère hybride du dispositif est apparu pour le coup très poussé, puisque dans la première version de l’organisation du laboratoire, le chef de la mission du patrimoine ethnologique occupait les fonctions de directeur-adjoint38, et que nombre de travaux issus du laboratoire sont publiés dans les collections « Ethnologie de la France » et « Cahiers d’ethnologie de la France », historiquement attachées à la Mission du patrimoine ethnologique, renforçant encore ce lien39.
27De fait, au sein du programme d’anthropologie de la culture que s’était initialement donné le laboratoire, les thématiques patrimoniales ont toujours été très présentes, couvrant les différentes composantes de l’institution, de l’archéologie aux archives, en passant par les musées et les monuments historiques, et en croisant ces approches sectorielles avec des thématiques plus transversales, telles que les médiations ou les émotions patrimoniales (Fabre 2013). Toutefois, privilégiant le plus souvent une approche sociale et non institutionnalisée des phénomènes patrimoniaux, l’attention des ethnologues s’est plus volontiers portée vers les marges de l’institution, ses secteurs les moins professionnalisés, ou sur les points de contacts entre celle-ci et le reste de la société40, voire en abordant le patrimoine au prisme des imaginaires (Voisenat 2008) ou des pratiques ordinaires41.
28Aussi, sans être absentes42, les questions touchant aux pratiques professionnelles du patrimoine sont relativement peu présentes dans les productions du Lahic, à la notable exception de l’ouvrage de Nathalie Heinich, sociologue associée au laboratoire, consacré à l’Inventaire général du patrimoine, et publié sous le titre, promis à de nombreuses copies, de La Fabrique du patrimoine (Heinich 2009)43. Inscrit dans un parcours de recherche personnelle orienté notamment vers la sociologie des valeurs (littéraire, artistique) et non des organisations, conduit selon la méthode propre aux ethnologues de l’observation participante et en outre issu, à l’origine, d’une commande de l’administration, ce livre atypique, au croisement de différentes disciplines analyse la construction du regard collectif des chercheurs de l’Inventaire tout en mettant à nu les critères qu’ils mobilisent dans leurs opérations de sélection, qu’ils soient explicites ou implicites, prescrits ou proscrits. Il a reçu un accueil critique et médiatique des plus favorables, à la mesure des silences et des crispations qu’il a suscités au sein du monde de l’Inventaire.
Un programme de recherches sur les métiers du patrimoine
Une naissance sur fond de tensions administratives
29La parution en 2009 de l’ouvrage de Nathalie Heinich tout autant que la mise en « surplomb » de l’ethnologie sur l’ensemble des domaines patrimoniaux44, ont été déterminantes pour le lancement d’un programme de recherches dédié à une ethnologie des métiers du patrimoine. Son origine directe est toutefois plus anecdotique, encore que non dénuée d’intérêt : alors que s’achevait la RGPP, une ethnologue devait réaliser grâce à la Mission du patrimoine ethnologique une recherche sur la vie des agents du ministère dans l’immeuble dit des « Bons-Enfants », principale implantation de l’administration centrale. Jugeant le contexte social trop sensible, la direction de l’Architecture et du Patrimoine refusa in fine d’accueillir la chercheuse, alors que les crédits étaient disponibles. L’opportunité de transformer ce projet en ethnographie de la vie quotidienne d’un service d’archives étant apparue, la direction des Archives de France lui donna son plein accord, permettant ainsi la mise en place de la recherche pilote45 dont le principe fut étendu finalement à treize projets46, retenus à la suite de la publication de deux appels à projets en 2010 et 201147.
Persistance du tropisme muséal, sensibilité aux évolutions sur le long terme
30Le tropisme muséal, déjà signalé, des recherches en sciences sociales sur le champ patrimonial, est encouragé par l’existence de circuits de publication dédiés (notamment la collection « Musées-mondes »), mais aussi par la proximité disciplinaire entre ethnologues et musées de société. Les études rassemblées ici n’échappent pas à ce tropisme, puisque sur dix contributions, cinq concernent les métiers des musées48.
31En revanche, toutes sont parcourues par une question commune : comment les professionnels du patrimoine appréhendent-ils les changements survenus dans leur domaine depuis une à deux générations ? Ce questionnement peut être celui auquel sont en butte des acteurs solidement installés dans le paysage des institutions culturelles (tels les archivistes étudiés par Richard Lauraire face à l’accroissement des volumes à traiter et à la dématérialisation des documents), aussi bien que des professions nouvelles, en voie de légitimation et de construction de leur identité spécifique (les chargés d’action culturelle des remparts de Carcassonne). Il peut porter sur le rapport aux objets, question particulièrement sensible (outre les archivistes déjà cités, voir les restaurateurs étudiés par Anne Both ou les conservateurs du musée des Arts africains et océaniens passés au musée du quai Branly approchés par Mélanie Roustan), tout autant que sur la relation au public (les « gardiens » anciens et nouveaux du Palais de la Porte Dorée, rencontrés par Anne Monjaret). Il prend en compte les métiers tout en débouchant sur une analyse plus englobante des mutations de « ce qui fait aujourd’hui patrimoine (Nicolas Adell ou Véronique Dassié). Il se rapporte enfin aux concurrences professionnelles, notamment celles qui caractérisent la triade désormais bien identifiée : conservateurs (ici : de musées avec Mélanie Roustan, d’archives avec Anne Both), restaurateurs et régisseurs. Toutefois, l’attention portée à l’analyse du fonctionnement particulier de chaque profession laisse moins apparaître les tensions interprofessionnelles et les rend moins prégnantes.
Les enjeux de la recherche : questions sur le primat des savoirs
« Tout nous éloigne de la recherche, mais pas des chercheurs. »
32La recherche et l’écriture scientifique sont deux des composantes de l’activité des professionnels du patrimoine. Pour autant, en dépit de cette pratique bien ancrée et de la reconnaissance officielle de son caractère scientifique, le rapport à la recherche ne va pas de soi49 dans les métiers du patrimoine, et se pose en des termes différents de celui qui caractérise l’activité des chercheurs académiques : rapport au temps, à la reconnaissance, à la hiérarchie50. Cette question de la spécificité des pratiques de recherche et de ses enjeux est au cœur de l’étude menée par Christophe Apprill, Aurélien Djakouane et Manuel Fadat51. En écho à leurs travaux, on pourra s’interroger sur le positionnement général des activités de recherches dans les institutions culturelles (et notamment sur la création de « chargés de mission » dédiés à la politique scientifique, voire de départements de la recherche dans les organigrammes des grands musées (Joudrier 201652) ou suivre les réflexions en cours de certains corps autour de la question du doctorat, posée par Anne-Solène Rolland : « Faut-il un doctorat pour tous les conservateurs ? » (Rolland 2016).
Toucher ou ne pas toucher le patrimoine
« On a effectivement un contact beaucoup plus distant qu’on avait avec les objets. »
33Si le rapport direct, sensible, aux objets et aux documents patrimoniaux a pu fonder la légitimité de certains groupes professionnels (véritable privilège, attaché à la conscience de l’importance et de la fragilité des pièces tenues en main propre, et garantissant la validité de l’expertise), cela n’est plus – toujours – le cas aujourd’hui, comme le montrent les analyses de Mélanie Roustan (sur les conservateurs de musées) et de Richard Lauraire (sur les archivistes de différents statuts). Les ressorts de cette mise à distance sont toutefois quelque peu différents : en effet, l’analyse de Mélanie Roustan rejoint celles qui mettent à jour les tensions entre restaurateurs, conservateurs et régisseurs53 autour du contrôle, de l’accès aux objets et du droit d’exégèse. Au contraire, pour les archivistes étudiés par Richard Lauraire, non confrontés à des régisseurs, la mise à distance des fonds relève davantage d’une évolution interne de la profession, et de la transformation de l’archiviste historien en record-manager54. On pourra toutefois objecter que, pour les archivistes comme pour les bibliothécaires, le contrôle du document et le monopole de sa description sont parfois allés de pair avec le refus revendiqué d’en faire l’exégèse : « Un bon bibliothécaire n’ouvre jamais un livre », écrit Robert Musil dans L’Homme sans qualités, comme en écho à l’injonction des modernes archivistes étudiés ici : « Ne plus entrer dans les fonds » (voire ne plus les toucher)…
34Les tensions entre conservateurs et restaurateurs, liées à la professionnalisation désormais bien établie de ces derniers55, ne sont pas complètement absentes de l’analyse proposée par Anne Both, mais on n’est pas ici dans le domaine des œuvres d’art. Dans la continuité de ses recherches antérieures sur les archives, mettant en avant la construction d’un rapport particulier de cette profession au temps comme à l’espace56. Elle concentre ici avant tout son attention sur la temporalité propre au restaurateur dans son rapport à l’objet. De même, la démarche scientifique des restaurateurs contemporains, loin d’être mise au service d’une revendication professionnelle, se révèle ici sous la forme du questionnement, du doute systématique, et, parfois, de la désillusion goguenarde : « Aujourd’hui, ils ont entre vingt et trente ans, et ils ricanent de ce qui a été fait […]. Mais ce qu’ils savent pas, c’est que ce qu’ils sont en train de faire, ils prendront la même douche dans la gueule dans trente ans… »
Un contrepoint aux discours des dominants : le métier de gardien, entre analyses et représentations
« C’est sûr, la nuit, dans le silence total, il y a beaucoup de bruits qu’on ne peut pas imaginer. »
35À rebours d’une histoire des métiers du patrimoine souvent écrite par les conservateurs et de leur point de vue, la recherche ethnologique favorise la prise de parole de ceux qui n’y ont pas ordinairement accès, tout en participant de la vie du musée ou du rapport à l’œuvre d’art57. En l’occurrence, les gardiens dont il sera question ici sont eux aussi confrontés au changement, subissant dans leur travail des mutations différentes mais comparables à celles des autres corps de métiers, car toutes sont liées au bouleversement que constitue la conversion du musée des Arts africains et océaniens (maao) en Cité nationale de l’histoire de l’immigration58. En ce cas, c’est la relation directe au public qui crée un terrain de concurrence, avec l’émergence de nouvelles figures de médiateurs. Comme en contrepoint de cette approche fondée sur l’observation et l’entretien, Véronique Moulinié montre que parallèlement aux transformations institutionnelles qui ont affecté le monde des musées dans les années 1980, le gardien devient le personnage central dans des récits de fiction ; cette mise en avant du grand perdant d’une telle évolution interroge l’identité du médiateur, sa place, et in fine la pertinence de la notion même de médiation59.
Entre affects et innovations, explorer les voies de la médiation de la culture
« Nous on est dans le monument. On fait partie du monument. »
36Alors que jouissance et délectation sont pour le public au cœur de la pratique du patrimoine, ce sont souvent les contraintes, les freins et les mutations éprouvantes que font ressortir discours et postures professionnelles. On a vu avec l’étude de Nathalie Heinich (2009) combien l’aveu du sentiment esthétique, tel une faiblesse, pouvait peser aux chercheurs de l’Inventaire. Véronique Dassié aborde ce thème de l’émotion à travers la conservation des objets de l’ordinaire, dans le prolongement de son travail majeur sur les objets d’affection (Dassié 2010). Les objets mêmes de son étude la conduisent à explorer un monde où voisinent professionnels patentés, estampillés conservateurs, et autodidactes, collectionneurs devenus professionnels du patrimoine. Si la gestion des objets peut relever de pratiques communes, la tension entre public et privé reste néanmoins bien sensible, précisément dans la gestion et l’énonciation des affects.
37Si les professions touchant à la médiation ont suscité depuis quelques années de nombreuses études, c’est un groupe de médiateurs très particulier que nous présente Sylvie Sagnes à travers la restitution de son terrain carcassonnais : les chargés d’action culturelle du château et des remparts, qui ont obtenu – fait rare dans le monde de la médiation – des contrats à durée indéterminée de droit public, peuvent se poser désormais en guide d’un seul monument et donner à voir un métier en cours de constitution dont le ferment est la passion, véritable « norme sauvage du professionnalisme dans le domaine du patrimoine ».
38Effectuant enfin un « pas de côté », mais ô combien fructueux, Nicolas Adell explore le monde des musées du compagnonnage60 à la recherche non pas des « métiers du patrimoine », mais des « métiers en patrimoine », où l’on voit que la référence classique en la matière (le musée municipal de Tours), n’est pas la plus chargée d’affect pour les compagnons, mais que bien d’autres îlots de cette « Micronésie patrimoniale » peuvent exprimer le « métier du patrimoine » selon le compagnon. Au premier rang desquels le musée parisien de la rue Mabillon, lieu de partage d’un patrimoine sensible plus que lisible61.
Bibliographie
ABRIOUX FLORENCE, TANCHOUX PHILIPPE ET LUCILE CARRIVE, 2016
« La professionnalisation des acteurs du patrimoine vue à travers le prisme de l’offre de formation universitaire », In situ, n° 30, « Regards sur des métiers du patrimoine » https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/13617 [lien valide en mars 2016].
ADELL-GOMBERT NICOLAS, 2008
Des hommes de devoir. Les compagnons du Tour de France (XVIIIe-XXe siècles), Paris, ministère de la Culture et de la Communication / Éditions de
la Maison des sciences de l’homme, coll. « Ethnologie de la France ».
APPRILL CHRISTOPHE, DJAKOUANE AURELIEN & MANUEL FADAT, 2010-2011
« Les Métiers du patrimoine et la recherche. Rapport pour la direction générale des Patrimoines », 2 vol., Anduze, Oppic. Disponible en ligne : http://www.culturecommunication.gouv.fr/Politiques-ministerielles/Patrimoine-ethnologique/Travaux-de-recherche/Etudes/Recherche-et-metiers-du-patrimoine
[lien valide en mars 2016].
AUDUC ARLETTE, 2008
Quand les monuments construisaient la nation. Le Service des monuments historiques de 1830 à 1940, Paris, Comité d’histoire du ministère de la Culture / La Documentation française, coll. « Travaux et documents du Comité d’histoire du ministère de la Culture ».
BABELON JEAN-PIERRE & ANDRE CHASTEL, 1994
La Notion de patrimoine, Paris, Liana Levy, coll. « Opinion ».
BARBE NOËL, SEVIN JEAN-CHRISTOPHE & JEAN-LUC BOUVRET, 2015
« Courbet à Flagey. Politique et esthétique des hauts lieux » [livret], in Jean-Luc Bouvert, Le Retour des Paysans de Flagey [film DVD], Besançon, Les Éditions du Sekoya.
BOTH ANNE, 2009
« “Ce qui est fait n’est plus à faire.” Ethnographie d’un service d’archives municipales, rapport pour la mission ethnologie », Paris, ministère de la Culture et de la Communication (direction générale des Patrimoines).
BOTH ANNE, 2010
« Un travail de fonds pour l’éternité. Anthropologie comparée des pratiques archivistiques : enquête sur le terrain des archives municipales, départementales et diplomatiques », rapport de recherche pour le département du Pilotage de la recherche et de la Politique scientifique, Paris, ministère de la Culture et de la Communication (direction générale des Patrimoines).
BOTH ANNE, 2012
« Le travail archivistique en question », Culture & Recherche, n° 127, « Les nouveaux terrains de l’ethnologie », pp. 27-29.
BOTH ANNE, GLASSON-DESCHAUMES GHISLAINE, HATZFELD HELENE & CHRISTIAN HOTTIN, 2011
« Archives et ethnologie : retour sur enquête au Museum d’histoire naturelle. Paris, vendredi 7 octobre 2011 », compte rendu de la journée d’études éponyme, Paris, GIS Ipapic.
BROMBERGER CHRISTIAN, 2014
« Le “patrimoine immatériel” entre ambiguïtés et overdose », L’Homme, n° 209, vol. 1, pp. 143-151.
CHAUWIN LUDOVIC, 2016
« La régie à l’œuvre », In situ, n° 30, « Regards sur des métiers du patrimoine » [en ligne], http://insitu.revues.org/ [lien valide en mars 2016].
CHEVALLIER DENIS & AUDE FANLO, 2013
Métamorphoses des musées de société, Paris, La Documentation française, coll. « Musées-mondes ».
CLAIR JEAN, 1983
Considérations sur l’état des beaux-arts. Critique de la modernité, Paris, Gallimard, coll. « Les Essais ».
CLAIR JEAN, 2007
Malaise dans les musées, Paris, Flammarion, coll. « Café Voltaire ».
CORNU MARIE & VINCENT NEGRI (DIR.), 2010
Code du patrimoine, Paris, Litec.
COTE MICHEL (DIR.) 2011
La Fabrique des musées de sciences et de société, Paris, La Documentation française, coll. « Musées-mondes ».
COUTURE CAROL, 2016
« La discipline archivistique au Canada. État de développement et perspectives d’avenir », In situ, n° 30, « Regards sur des métiers du patrimoine » [en ligne],
http://insitu.revues.org/ [lien valide en mars 2016].
DASSIE VERONIQUE, 2010
Objets d’affection. Une ethnologie de l’intime, Paris, Éditions du CTHS, coll. « Le regard de l’ethnologue ».
DAYNES-DIALLO SOPHIE, PERREL HELENE & HELENE VASSAL, 2016
« Régisseur d’œuvres : enjeux d’un métier émergent et perspectives de professionnalisation », In situ, n° 30, « Regards sur des métiers du patrimoine » [en ligne], http://insitu.revues.org/ [lien valide en mars 2016].
DEBARY OCTAVE & MELANIE ROUSTAN, 2012
Voyage au musée du quai Branly. Anthropologie de la visite du Plateau des collections, Paris, La Documentation française, coll. « Musées-Mondes ».
DELMAS BRUNO, 2006
La Société sans mémoire. Propos dissidents sur la politique des archives en France, Paris, Bourin éditeur, coll. « Document ».
EIDELMAN JACQUELINE, ROUSTAN MELANIE & BERNADETTE GOLDSTEIN (DIR.), 2007
La Place des publics. De l’usage des études et recherches par les musées, Paris, La Documentation française, coll. « Musées-mondes ».
FABRE DANIEL (DIR.), 2013
Émotions patrimoniales, Paris, ministère de la Culture et de la Communication / Éditions des la Maison des sciences de l’homme, coll. Cahiers d’ethnologie de la France ».
FABRE DANIEL & CLAUDIE VOISENAT (DIR.), 2000
Domestiquer l’Histoire. Ethnologie des monuments historiques, Paris, ministère de la Culture et de la Communication / Éditions de la Maison des sciences de l’homme, coll. « Cahiers d’ethnologie de la France ».
FERRI LAURENT, 2001
« Le chartiste dans la fiction littéraire (XIXe et XXe siècles) : une figure ambiguë », Bibliothèque de l’École des chartes, t. 159, fasc. 2, pp. 615-629.
FERRI LAURENT, 2007
« (Men)songes archivistiques et vérités romanesques de Daniel Defoe à Hélène Cixous », in Martine Aubry, Isabelle Chave & Vincent Doom (dir.), Archives, archivistes, archivistique dans l’Europe du Nord-Ouest du Moyen Âge à nos jours. Entre gouvernance et mémoire, actes du colloque organisé par le CRHEN-O et l’Association des archivistes français (Roubaix, 2-4 décembre 2004), Villeneuve d’Ascq, IRHIS/CEGES, coll. « Histoire et littérature de l’Europe du Nord-Ouest », pp. 255-269.
GAZETTE DES ARCHIVES, 1972
n. s., n° 79, vol. 4, « L’évolution des instruments de recherche (synthèse des débats des réunions régionales de l’Association des archivistes français en 1972) », pp. 255-261.
GAZETTE DES ARCHIVES, 2007
n° 208, vol. 4, « Être un jeune archiviste aujourd’hui ».
GAZETTE DES ARCHIVES, 2011
n° 222, vol. 2, « L’archiviste dans la cité ».
GREFFE XAVIER, 2003
La Valorisation économique du patrimoine, Paris, La Documentation française, coll. « Questions de culture ».
HEINICH NATHALIE, 2009
La Fabrique du patrimoine. De la cathédrale à la petite cuillère, Paris, ministère de la Culture et de la Communication / Éditions de la Maison des sciences de l’homme, coll. « Ethnologie de la France ».
HEINICH NATHALIE, 2013
Le Travail de l’Inventaire. Sept études sur l’administration patrimoniale, Paris, Lahic / ministère de la Culture et de la Communication (direction générale des Patrimoines, DPRPS), coll. « Les carnets du Lahic » [en ligne], http://www.iiac.cnrs.fr/article1050.html [lien valide en mars 2016].
HENAUT LEONIE & ANNE-ELIZABETH ROUAULT, 2016
« La professionnalisation de la conservation-restauration et ses limites. Une analyse à deux voix », In situ, n° 30, « Regards sur des métiers du patrimoine » [en ligne], http://insitu.revues.org/lien valide en mars 2016].
HENAUT LEONIE, 2010
« La construction des groupes professionnels : le cas des restaurateurs d’œuvres d’art en France et aux États-Unis », Formation emploi, n°110 [en ligne] http://formationemploi.revues.org/3035 [lien valide en mars 2016].
HENAUT LEONIE, 2011
« Capacités d’observation et dynamique des groupes professionnels. La conservation des œuvres de musées », Revue française de sociologie, vol. 52, n° 1, pp. 71-101.
HOTTIN CHRISTIAN, 2003
« L’archivistique est-elle une science ? », Labyrinthe, n° 16 [en ligne], http://labyrinthe.revues.org/323 [lien valide en mars 2016].
HOTTIN CHRISTIAN, 2006A
« À chacun son classement ! », Patrimoines. Revue de l’Institut national du patrimoine, n° 2, pp. 97-104.
HOTTIN CHRISTIAN, 2006B
« La collecte comme enquête », La Gazette des archives, n° 202, vol. 2, pp. 69-92. Disponible en ligne : http://www.iiac.cnrs.fr/article887.html
[lien valide en mars 2016].
HOTTIN CHRISTIAN, POTIN YANN & AMABLE SABLON DU CORAIL (ED.), 2014
« Formations universitaires aux métiers des archives », Culture et Recherche, n° 129, « Archives et enjeux de société », p. 44.
JEANPIERRE LAURENT & SEVERINE SOFIO, 2015
« Chronique d’une “mort différée”. Les conservateurs de musée face aux commissaires d’exposition dans l’art contemporain », in Frédéric Poulard & Jean-Michel Tobelem (dir.),Les conservateurs de musées. Atouts et faiblesses d’une profession, Paris, La Documentation française, coll. « Musées-Mondes », pp. 111-139.
JOUDRIER AURELIEN, 2016
« Théorie et idéal de l’organisation muséale », In situ, n° 30, « Regards sur des métiers du patrimoine » [en ligne], http://insitu.revues.org/
[lien valide en mars 2016].
KLETZ FREDERIC, HENAUT LEONIE & JEAN-CLAUDE SARDAT 2014
« Nouvelle gestion publique et enjeux de métier dans les organisations culturelles : une hybridation peut en cacher une autre », Revue internationale des sciences administratives, n° 80, vol. 1, pp. 91-111.
LAURENT XAVIER, 2003
Grandeur et misère du patrimoine. D’André Malraux à Jacques Duhamel (1959-1973), Paris, École nationale des chartes / Comité d’histoire du ministère de la Culture, coll. « Mémoires et documents de l’École des chartes ».
LE PETIT KARINE, 2012
« Le laboratoire de restauration des musées de Normandie : les différentes facettes d’un métier de l’ombre », rapport [accompagné d’un DVD-R] pour la direction générale des Patrimoines, Caen, Centre régional de culture ethnologique et technique.
LEMARCHAND NATHALIE, 2012
« L’archéologie préventive contemporaine, nouveau métier, nouvelles pratiques, nouvel objet : fouilles d’un camp de prisonniers allemands à La Glacerie », rapport pour la direction générale des Patrimoines, Caen, Centre régional de culture ethnologique et technique.
LENIAUD JEAN-MICHEL, 2001A
« À propos d’un projet de scission de
la direction de l’Architecture (1971) », Chroniques patrimoniales, Paris, Norma, pp. 247-254.
LENIAUD JEAN-MICHEL, 2001B
« L’architecture à la Culture », Chroniques patrimoniales, Paris, Norma, pp. 255-266.
LENIAUD JEAN-MICHEL, 2001C
« Le mariage raté de l’architecture et du patrimoine », Chroniques patrimoniales, Paris, Norma, pp. 267-273.
LENIAUD JEAN-MICHEL, 2002
Les Archipels du passé. Le patrimoine et son histoire, Paris, Fayard.
LEVEAU PIERRE, 2016A
« Métiers de la restauration et professionnels de la conservation-restauration : deux idéaltypes », In situ, n° 30, « Regards sur des métiers du patrimoine » [en ligne], http://insitu.revues.org/ [lien valide en mars 2016].
LEVEAU PIERRE, 2016B
« La discipline archivistique au Canada : état de développement et perspectives d’avenir », In situ, n° 30, « Regards sur des métiers du patrimoine » [en ligne], http://insitu.revues.org/[lien valide en mars 2016].
MAZE CAMILLE, POULARD FREDERIC & CHRISTELLE VENTURA (DIR.), 2013
Les Musées d’ethnologie. Culture, politique et changements institutionnels, Paris, Éditions du CTHS, coll. « Orientations et méthodes ».
MELOT MICHEL, 2004
La Sagesse du bibliothécaire, Paris, L’Œil neuf éditeur, coll. « Sagesse d’un métier ».
MIRONER LUCIEN (DIR.), 2003
Les Publics des archives départementales et communales. Profils et pratiques, Paris, ministère de la Culture et de la Communication (département des Études et de la Prospective), coll. « Les travaux du DEP ».
MONJARET ANNE, 2013
« La repatrimonialisation du palais de la Porte-dorée : du musée des Colonies à la Cité nationale de l’histoire de l’immigration », in Camille Mazé, Frédéric Poulard & Christelle Ventura (dir.), Les Musées d’ethnologie. Culture, politique et changements institutionnels, Paris, Éditions du CTHS, coll. « Orientations
et méthodes », pp. 101-126.
MONJARET ANNE, ROUSTAN MELANIE & JACQUELINE EIDELMAN, 2005
« Fin du MAAO : un patrimoine revisité », Ethnologie française, vol. 35, n° 4, « Fermetures, crises et reprises », pp. 605-616. Disponible en ligne, https://0-www-cairn-info.catalogue.libraries.london.ac.uk/revue-ethnologie-francaise-2005-4-page-605.htm [lien valide en mars 2016].
MONNIER LOUIS, 1956
« Bilan de l’utilisation d’une 2 CV Citroën affectée au service des Archives du Loiret », Gazette des archives, juillet, n. s., n° 20, pp. 44-50.
OLLIVIER EUGENE [LENIAUD JEAN-MICHEL], 1987
« Les monuments historiques demain… », Terrain, n° 9, « Habiter la maison », pp. 124-127. Disponible en ligne,
http://terrain.revues.org/3196 [lien valide en mars 2016].
PEROTIN YVES, 1970
« Les archivistes et le mépris », Gazette des archives, n. s., n° 68, vol. 1, pp. 7-25.
PEYRIN AURELIE, 2010
Être médiateur dans un musée. Sociologie d’un métier en trompe l’œil, Paris, La Documentation française, coll. « Musées-mondes ».
PIKETTY CAROLINE, 2005
« Je cherche les traces de ma mère. » Chronique des archives, Paris, Autrement, coll. « Passions complices ».
POULARD FREDERIC, 2010
Conservateurs de musées et politiques culturelles. L’impulsion territoriale, Paris, La Documentation française, coll. « Musées-mondes ».
POULARD FREDERIC & JEAN-MICHEL TOBELEM (DIR.), 2015
Les Conservateurs de musées. Atouts et faiblesses d’une profession, Paris, La Documentation française, coll. « Musées-mondes ».
POULOT DOMINIQUE, 1997
Musée, nation, patrimoine. 1789-1815, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des histoires ».
ROLLAND ANNE-SOLENE, 2016
« Entre concurrences professionnelles et malentendus conceptuels. Réflexions sur les métiers de la conservation et de la recherche dans les musées nationaux en France dans les années 2000 », In situ, n° 30, « Regards sur des métiers du patrimoine » [en ligne], http://insitu.revues.org/ [lien valide en mars 2016].
SAGNES SYLVIE (DIR.), 2015
L’Archéologue et l’Indigène, Paris, Éditions du CTHS, coll. « Orientations et méthodes ».
TORNATORE JEAN-LOUIS, 2004
« La difficile politisation du patrimoine ethnologique », Terrain, n° 42, « Homme / femme », pp. 149-160. Disponible en ligne, http://terrain.revues.org/1791 [lien valide en mars 2016].
TORNATORE JEAN-LOUIS, 2010
« L’esprit de patrimoine », Terrain, n° 55, « Transmettre », pp. 106-127. Disponible en ligne, http://terrain.revues.org/14084 [lien valide en mars 2016].
VOISENAT CLAUDIE, 2008
« L’Archéologie comme affect. Les Hétéroclites de la sous-direction de l’Archéologie », in Claudie Voisenat (dir.), Imaginaires archéologiques, Paris, ministère de la Culture et de la Communication / Éditions de la Maison des sciences de l’homme, coll. « Cahiers d’ethnologie de la France ».
Notes de bas de page
1Le séminaire « Enquête sur la collecte », co-organisé par la direction de l’Architecture et du Patrimoine, le Lahic et les Archives nationales a été animé avec Yann Potin entre 2008 et 2012.
2Une fois effectuée la sélection des projets, la conduite d’un programme de recherches passe par plusieurs étapes que sanctionnent des échanges écrits ou oraux : remise et acceptation du rapport intermédiaire, puis du rapport final, entre lesquelles se placent des séances de séminaire permettant aux différents protagonistes de nourrir leurs réflexions au moyen d’échanges de vues. Le présent programme a été conduit entre 2010 et 2014 avec Claudie Voisenat, qui a animé les séminaires. Dans son déroulement formel comme dans son esprit, il témoigne de la revitalisation d’un « métier perdu », celui de chargé de mission en ethnologie en administration centrale, dont les participants au séminaire de Noël Barbe et Jean-Louis Tornatore dédié à l’instauration du patrimoine ethnnologique ont volontiers évoqué la teneur. Voir en ligne : http://www.iiac.cnrs.fr/article887.html.
3Parallèlement à ce projet, en 2014, l’université Paris 8, associée à celle de Paris-Ouest – Nanterre, aux Archives nationales et à la direction des Patrimoines du ministère de la Culture, consacrait un colloque aux métiers du patrimoine. Cette introduction se nourrit en partie des actes en préparation, certains travaux étant du reste le fruit d’une écriture commune entre chercheurs et professionnels du patrimoine. Signe d’une hybridation réciproque, les travaux lancés par l’université sont publiés par une revue du ministère, In situ, tandis que le projet ministériel trouve ici son aboutissement aux Éditions de la Maison des sciences de l’homme.
4Même si le Conseil national de la recherche archéologique n’a pu, en définitive, devenir une instance de classement autonome, c’est le service en charge de l’archéologie qui assure le secrétariat des sections de la commission des Monuments historiques en charge des objets relevant d’une expertise scientifique détenue par les archéologues.
5Il faudrait à ce propos retrouver le sens très politique et très polémique de l’essai publié en 1980 de Jean-Pierre Babelon et André Chastel, trop souvent ramené à une introduction historique du concept : opposer, au moment où Inventaire et Monuments historiques sont réunis dans la même organisation administrative, ère « administrative » (le XIXe siècle et les MH) et ère « scientifique » (le XXe siècle et l’Inventaire) du patrimoine, voilà qui avait tout d’une déclaration de guerre (Babelon & Chastel 1994). Le texte avait d’abord été publié dans la très respectée Revue de l’art (n° 49).
6L’examen des demandes de protection au titre des Monuments historiques se fait au sein des commissions régionales du patrimoine historique, archéologique et ethnologique (COREPHAE).
7Les premières recherches en ethnologie du patrimoine, à la suite d’un séminaire de l’ethnopôle Garae en 1997, ont porté sur l’ethnologie des monuments historiques, notamment à partir de l’exemple de la cité de Carcassonne (Fabre & Voisenat 2000). On peut imaginer que les ethnologues souhaitaient apprivoiser les Monuments historiques…
8Une histoire de l’éphémère spécialité « bibliothèques du patrimoine » dans le corps de conservateurs mériterait à ce titre d’être conduite, les controverses qu’elle a suscitées ayant joué un rôle non négligeable dans l’affirmation de certains traits distinctifs de l’identité professionnelle des métiers des bibliothèques. Les versements du ministère de la Culture aux Archives nationales permettront de documenter cet épisode.
9Le nombre de diplômes créés dans le champ des métiers de la culture augmente notablement à partir de la fin des années 1980 (9 sur la période 1988-1992) : 12 entre 1992 et 1997, 16 entre 1998 et 2002, et 17 entre 2007 et 2007. Il connaît un pic spectaculaire avec la mise en place des réformes de l’enseignement supérieur conduites sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy : 22 nouvelles formations sont implantées de 2008 à 2012. La part des formations dédiées au patrimoine reste stable sur la période (environ un quart du total) (Abrioux, Tanchoux & Carrive 2016).
10Le nombre de diplômes créés dans le champ des métiers de la culture augmente notablement à partir de la fin des années 1980 (9 sur la période 1988-1992) : 12 entre 1992 et 1997, 16 entre 1998 et 2002, et 17 entre 2007 et 2007. Il connaît un pic spectaculaire avec la mise en place des réformes de l’enseignement supérieur conduites sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy : 22 nouvelles formations sont implantées de 2008 à 2012. La part des formations dédiées au patrimoine reste stable sur la période (environ un quart du total) (Abrioux, Tanchoux & Carrive 2016).
11Pour une édition commentée, voir Cornu & Négri (2010 : XXXIII).
12« Le patrimoine s’entend, au sens du présent code, de l’ensemble des biens, immobiliers ou mobiliers, relevant de la propriété publique ou privée, qui présentent un intérêt historique, artistique, archéologique, esthétique, scientifique ou technique. »
13L’exclusion presque complète de l’Inventaire général de l’organisation administrative de l’État en 2003-2004 est à considérer en contrepoint du développement de l’Archéologie, tant au sein du ministère que des collectivités territoriales, le secteur se voyant notablement renforcé en 2001 par la loi sur l’archéologie préventive devenue depuis le livre V du Code du patrimoine.
14Les discours produits par l’institution lui permettent de donner à voir le « patrimoine » comme formant un ensemble cohérent, tout en justifiant par son histoire les aspérités du système – telle la présence de l’architecture, que ses agents eux-mêmes conçoivent spontanément comme relevant plus d’une activité de création que de conservation.
15our une vision d’ensemble, voir Apprill, Djakouane & Fadat (2010-2011).
16Voir le décret 90-404 du 16 mai 1990, portant statut particulier du corps des conservateurs du patrimoine.
17Mais pas toujours, on en veut pour contre-exemple le récit sensible et pénétrant de Caroline Piketty (2005), véritable réflexion sur la fonction sociale de l’archiviste dans une société en proie aux questionnements mémoriels. Voir aussi, sur un mode beaucoup plus serein, Michel Melot (2004).
18Il y aurait beaucoup à dire sur la place du devoir de réserve dans l’exercice des métiers du patrimoine qui agit moins en tant que règlement administratif que comme contrainte intériorisée voire comme outil de protection, parfois invoqué a priori face à toute situation un tant soit peu perturbante par rapport à la norme.
19Une autre possibilité est d’attendre le retrait de la vie professionnelle qui autorise alors une certaine liberté de parole qu’on ne se serait pas octroyée antérieurement (Delmas 2006).
20Une autre possibilité est d’attendre le retrait de la vie professionnelle qui autorise alors une certaine liberté de parole qu’on ne se serait pas octroyée antérieurement (Delmas 2006).
21Il s’agit ici notamment de l’article L 952-2 du Code de l’Éducation : « Les enseignants-chercheurs, les enseignants et les chercheurs jouissent d’une pleine indépendance et d’une entière liberté d’expression dans l’exercice de leurs fonctions d’enseignement et de leurs activités de recherche, sous les réserves que leur imposent, conformément aux traditions universitaires et aux dispositions du présent code, les principes de tolérance et d’objectivité. »
22 Voir par exemple les volumes de l’Histoire des bibliothèques françaises parus aux éditions du Cercle de la librairie. On ne dispose pas d’une semblable somme sur les archives.
23insi, l’ouvrage d’Arlette Auduc (2008) est indissolublement une histoire du service des Monuments historiques de 1834 à 1940 et une histoire de la professionnalisation progressive de cette institution, donc des différents métiers qui la composent.
24Voir par exemple Jean-Michel Leniaud (2002).
25Voir par exemple Dominique Poulot (1997).
26 C’est en tout cas la conclusion que semble en tirer la revue XXe siècle, qui a décidé de consacrer un numéro spécial au patrimoine en 2016.
27Outre la thèse d’Arlette Auduc déjà citée, voir Xavier Laurent (2003).
28Collection « Droit du patrimoine culturel » aux éditions L’Harmattan, fondée et dirigée par Marie Cornu et Jérôme Fromageau.
29Voir par exemple les publications, événements et projets (Mémoloi) liés au centenaire de la loi de 1913 sur la protection des monuments historiques.
30 Voir à ce propos les publications du DEPS, notamment Xavier Greffe (2003).
31Voir notamment à ce propos la collection « Culture chiffres ».
32Par exemple : Lucien Mironer (2003).
33Au point que ce recours a fait l’objet d’un travail collectif spécifique (Eidelman, Roustan & Goldstein 2007).
34L’hybridation est ici inscrite dans la personnalité même des acteurs qui ont porté la collection, puisque sa créatrice, Jacqueline Eidelman, sociologue rattachée au Centre de recherches sur les liens sociaux (Cerlis) est devenue par la suite chef du département des Publics de la direction générale des Patrimoines, héritier direct, via sa première responsable, Françoise Wassermann, du département des Publics de l’ancienne direction des Musées de France. Il a, du reste, été envisagé, dans certains scénarios intermédiaires de configuration de la direction générale des Patrimoines, que le département transversal des Publics conserve un lien hiérarchique avec le directeur qui aurait eu la charge du service des musées de France.
35Voir l’étude d’ensemble de Frédéric Poulard (2010).
36Voir par exemple Michel Côté (2011).
37Cette évolution de l’ethnologie au sein du ministère a été décrite et analysée comme le « tournant réflexif de la Mission du patrimoine ethnologique » (Tornatore 2004).
38Cette naissance sous les auspices de l’institution patrimoniale, jointe à la forte présence d’ingénieurs de la direction du Patrimoine au sein de l’équipe, a pu à l’occasion valoir au laboratoire le titre officieux de « bureau d’études » pour le ministère. C’était méconnaître les intentions de ses représentants, puisque l’administration escompte en général d’une étude une réponse à la question qu’elle se pose, or ce sont de nouveaux questionnements que lui apportent les ethnologues du Lahic.
39Ce qui n’a pas été, là encore, sans irritation pour certains, cette orientation des collections sur les questions patrimoniales étant probablement une des manifestations, parmi d’autres, de l’intérêt devenu trop exclusif selon Christian Bromberger (2014) des ethnologues pour les questions patrimoniales.
40Par exemple à travers la question des relations entre archéologie et autochtonie (Sagnes 2015)
41Voir Véronique Dassié (2010).
42Signalons l’étude de Claudie Voisenat (2008) sur le traitement par les fonctionnaires de la sous-direction de l’Archéologie des « lettres de fous » reçues, et leur mise en archives comme « hétéroclites ».
43Voir également le recueil d’articles consacrés au même sujet par Nathalie Heinich (2013).
44Création du département du Pilotage de la recherche et de la Politique scientifique, au prix – élevé – de l’abandon de la dénomination historique de « mission » dédiée à l’ethnologie.
45La direction de l’Architecture et du Patrimoine demeurait toutefois très réservée quant à la conduite de ce projet de substitution, en raison des tensions existant entre les deux directions dans le cadre de la réforme alors en cours (Both 2009).
46Voir en fin de volume la liste de l’ensemble des rapports de recherche remis à la direction générale des Patrimoines. Sauf exception, les rapports de recherche sont consultables au centre de documentation de la direction générale des Patrimoines. Un exemplaire de chaque rapport est déposé à la Bibliothèque nationale de France.
47Le texte de l’appel à projets est reproduit en fin de volume. La recherche menée par Aurélien Djakouane, Christophe Apprill et Manuel Fadat a été financée en dehors du cadre des appels à projets, sur des crédits spécifiques (programme 224 et non 186), tout en s’intégrant dans la problématique générale du programme.
48Le panel complet des recherches menées dans le cadre du programme faisait apparaître une plus grande diversité, avec trois rapports finaux sur les Archives (dont l’un fera l’objet d’une publication indépendante : Both 2010) et un sur l’archéologie préventive (Lemarchand 2012). En outre, un travail consacré à un laboratoire de restauration commun à plusieurs musées donnera lieu à une publication multimédia spécifique dans la collection « Carnets du Lahic » (Le Petit 2012). Une recherche envisagée sur l’engagement syndical dans les métiers du patrimoine n’a finalement pas été conduite.
49 La reconnaissance du caractère « scientifique » de l’activité et du corpus de références professionnelles pouvant être dans certains cas un enjeu fortement mobilisateur, comme dans le cas du colloque consacré à l’archivistique déjà cité.
50On notera toutefois que leur enquête n’a pas fait ressortir la question de la liberté de jugement et de parole centrale selon nous pour expliquer la spécificité de la recherche menée par les professionnels du patrimoine, notamment dans l’intériorisation des limites qu’ils fixent à leurs activités de recherche, soit par le choix d’objets politiquement refroidis soit par la neutralisation ou l’omission des questions sensibles, lorsque l’objet étudié met en cause le politique.
51Les travaux rassemblés ici ont été principalement conduits selon une approche ethnographique faisant largement appel à l’observation participante. L’étude d’Aurélien Djakouane, Christophe Apprill et Manuel Fadat (2010-2011) s’en distingue par l’usage du questionnaire (pour le volet quantitatif) et de l’entretien (pour la partie qualitative).
52Voir à ce propos Aurélien Joudrier (2016).
53Les analyses professionnelles rendent bien compte, dans ce dernier cas, de l’importance prise par la fonction de restaurateur et la force que permet de revendiquer un positionnement qualifié de « transversal », donc un dispositif de contrôle (Chauwin 2016).
54Les analyses professionnelles rendent bien compte, dans ce dernier cas, de l’importance prise par la fonction de restaurateur et la force que permet de revendiquer un positionnement qualifié de « transversal », donc un dispositif de contrôle (Chauwin 2016).
55Pour une esquisse historique de celle-ci, voir Pierre Leveau (2016a, 2016b). Signalons en outre l’expérience – réussie – d’analyse à deux voix des limites de cette professionnalisation, entre récit professionnel et approche sociologique (Hénaut & Rouault 2016)
56Pour une esquisse historique de celle-ci, voir Pierre Leveau (2016a, 2016b). Signalons en outre l’expérience – réussie – d’analyse à deux voix des limites de cette professionnalisation, entre récit professionnel et approche sociologique (Hénaut & Rouault 2016).
57Voir par exemple à ce propos le travail conduit par Noël Barbe autour du retour des Paysans de Flagey (Barbe, Sevin & Bouveret 2015).
58La recherche s’inscrit dans le prolongement de travaux antérieurs d’Anne Monjaret, portant notamment sur le rapport que les agents entretiennent aux lieux en situation de crise (fermeture, déménagement) (Monjaret, Roustan & Eidelman 2005 ; Monjaret 2013).
59Construite en situation d’extériorité avec l’objet de l’étude, l’analyse de Véronique Moulinié peut toutefois être rapprochée de certains travaux conduits selon la même méthode par des professionnels du patrimoine attachés à l’étude des représentations de leur corporation (Ferri 2007, 2001).
60Cette nouvelle recherche prend appui sur les travaux antérieurs de Nicolas Adell-Gombert (2008).
61Les textes rassemblés ici relèvent de la responsabilité de leurs auteurs. Aucune forme de censure n’a été exercée par les agents de la direction générale des Patrimoines quant au contenu des textes, les rectifications apportées n’ont concerné que des questions purement factuelles (dates ou intitulés de fonctions).
Auteur
IdRef : 057648816
Christian Hottin est conservateur en chef du patrimoine (archives), il est depuis 2006 responsable de la politique en ethnologie de la France et du patrimoine culturel immatériel au sein de la direction des Patrimoines du ministère de la Culture et de la Communication. Chargé de conférences à l'EHESS, et chargé de cours aux universités Jules-Vernes d'Amiens et François-Rabelais de Tours, ses recherches portent principalement sur l'architecture et les représentations des institutions publiques, notamment dans le monde de l'enseignement supérieur.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Le triangle du XIVe
Des nouveaux habitants dans un vieux quartier de Paris
Sabine Chalvon-Demersay
1984
Les fruits de la vigne
Représentations de l’environnement naturel en Languedoc
Christiane Amiel
1985
La foi des charbonniers
Les mineurs dans la Bataille du charbon 1945-1947
Evelyne Desbois, Yves Jeanneau et Bruno Mattéi
1986
L’herbe qui renouvelle
Un aspect de la médecine traditionnelle en Haute-Provence
Pierre Lieutaghi
1986
Ethnologies en miroir
La France et les pays de langue allemande
Isac Chiva et Utz Jeggle (dir.)
1987
Des sauvages en Occident
Les cultures tauromachiques en Camargue et en Andalousie
Frédéric Saumade
1994