L’ordinaire, le familier, l’intime… loin du monument
p. 48-58
Texte intégral
1Je remercie du fond du cœur votre association pour cette invitation à laquelle j’ai répondu aussitôt positivement sans trop réfléchir et sans vraiment savoir à quoi je m’engageais1. Et puis je me suis reporté aux archives de votre site et j’ai trouvé impeccablement et scrupuleusement édités vos deux premiers colloques. J’ai lu les interventions des collègues qui m’ont précédé à cette tribune, dont quelques-uns sont des amis, et je n’ai pas été davantage rassuré. Mais je crois avoir compris une chose : la question du patrimoine est devenue une interrogation cruciale pour les médiateurs, c’est évident – un certain nombre d’entre vous viennent d’institutions bien identifiées où la question de la médiation patrimoniale est centrale –, mais aussi pour les professeurs d’aujourd’hui, quel que soit le niveau des élèves qu’ils enseignent. Mon travail d’ethnologue et d’anthropologue me l’avait bien sûr confirmé depuis longtemps, mais le fait qu’un lieu central de la transmission sociale, l’école, soit à ce point soucieux de penser ce mouvement de fond dans lequel il est lui-même pris, je n’en avais qu’une trop vague idée. J’ai moi-même dans ma jeunesse, maintenant lointaine, professé la littérature auprès de jeunes gens de 15 à 18 ans, et ce pendant six années, qui plus est, à Carcassonne, ville pour laquelle la question patrimoniale ou plutôt monumentale est devenue centrale, vers 1840, après qu’une visite de Prosper Mérimée avait identifié une partie de la cité médiévale comme monument national. Mais, dans ces années-là, autour de 1970, entre 1967 et 1973 pour être très précis, d’autres mots d’ordre et de désordre créatifs étaient dans l’air et dans les cœurs. Comment en suis-je donc venu à approfondir la question patrimoniale et à en faire depuis une quinzaine d’années un des centres d’intérêt non seulement de ma recherche personnelle, mais d’une réflexion collective permanente ? Ce sera le premier pas de mon exposé.
2Disons tout de suite que la réflexion sur le patrimoine n’était pas pour le jeune ethnologue que j’étais l’exigence première. Elle est née d’une longue expérience et d’un engagement – engagement qui fut largement collectif. Je suis à l’origine un ethnologue de la France et, plus précisément, comme beaucoup de ma génération, de la France rurale, des dernières sociétés paysannes, observables dans notre pays au début des années 1970. La fin du Néolithique, tel était le sujet des recherches collectives que j’animais alors dans les Pyrénées. Mon ami et complice, Jean Guilaine, archéologue qui devait plus tard enseigner au Collège de France, s’occupait des premiers agriculteurs et bergers d’Occident, et moi et mes collègues tentions d’en saisir la disparition, parfois discrète, parfois tumultueuse, aux couleurs de ce que Robert Jaulin, un collègue disparu, appelait alors « ethnocide ». Pour ma part j’essayais aussi de théoriser la généralisation du modèle interprétatif que Claude Lévi-Strauss, alors en pleine créativité, avait mise en mouvement pour les sociétés amérindiennes. Le symbolique était mon territoire d’analyse et, plus précisément, j’étudiais pour les garçons et les hommes ce que ma chère amie trop tôt disparue, Yvonne Verdier, avait fait pour les jeunes filles et les femmes : comment se construit, symboliquement et socialement leur virilité.
3En 1979 le ministère de la Culture lance une réflexion sur le patrimoine ethnologique ; c’est une expression nouvelle, à l’initiative de l’ethnologue Isac Chiva qui est à ce moment-là le bras droit de Lévi-Strauss dans son Laboratoire d’anthropologie sociale. J’étais alors jeune maître-assistant d’anthropologie à Toulouse, et je me suis trouvé embarqué dans cette aventure. Un Conseil et une Mission du patrimoine ethnologique seront créés, et bientôt une revue, Terrain, des collections d’ouvrages, et surtout plus de six cents rapports de recherche vont, en vingt ans, dessiner un portrait ethnographique de la France. J’ai participé à toutes les étapes de cette équipée avec de nombreux collègues. En 1993 ce fut mon tour de prendre la place de pilote, et donc de présider ce Conseil, aujourd’hui disparu, ou transformé, du patrimoine ethnologique. Depuis plusieurs années déjà, j’étais convaincu qu’il fallait ajouter au grand chapitre de notre approche des sociétés françaises, la parenté, les savoirs, le travail, l’urbanité, etc., sur lesquels étaient lancés régulièrement des appels d’offres, une réflexion sur le phénomène patrimonial lui-même. Phénomène largement déployé : en ces années naissent de multiples missions officielles, patrimoine industriel, patrimoine photographique…, où se redéfinissent d’anciens objets ; on commence à parler de patrimoine écrit, patrimoine oral, patrimoine rural, etc. J’ai été, je crois, au sein de notre communauté savante, dans la minorité de ceux qui appelaient à une réflexivité sur les manières dont notre société et l’Occident en général se reproduisaient et se produisaient comme patrimoine. Je me trouvais donc à la tête d’un espace de recherche en plein développement au ministère de la Culture, et j’allais pouvoir manœuvrer le tournant que j’espérais.
4Or, en ce début des années 1990, des événements allaient solliciter de manière très dramatique notre réflexion. Et aussi de façon très contrastée. D’un côté Pierre Nora achevait son monument dédié aux diverses facettes de l’identification nationale, Les Lieux de mémoire, auquel j’avais d’ailleurs donné deux chapitres (Fabre 1997a, 1997b). Les Lieux de mémoire m’apparaissent comme un tombeau ou un cénotaphe du principe central d’organisation du savoir historique, décliné et partagé, que fut la nation pendant deux siècles. En effet, entre le familier et l’universel, il y a une entité majeure et qui n’a pas disparu, qui est la nation. De la nation-histoire à la nation-mémoire, un grand cycle s’achevait, dont Pierre Nora – ce sont ses formules – nous invitait à dresser un inventaire. Mais par ailleurs, au début des années 1990, au même moment, au cœur de l’Europe, éclatait une terrible guerre où la question du patrimoine ressurgissait avec des couleurs autrement dramatiques. Je me souviens, par exemple, de la couverture de la revue Monuments historiques qui montrait sous un ciel clair une église – croate peut-être – éventrée par les bombes. La destruction délibérée du pont de Mostar suscitait une très vive émotion, pour ne rien dire de celle qui accompagna le bombardement ciblé de la bibliothèque de Sarajevo pendant l’interminable siège de cette ville. Il n’était pas possible que les anthropologues n’analysent pas cette situation qui remettait la nation et les nationalismes au centre du jeu et qui reconnaissait surtout dans cette entité, la nation, la communauté des natifs, le grand opérateur irrationnel de notre modernité politique. Donc à la morosité interrogative de l’âge post-national, dont Pierre Nora et Les Lieux de mémoire dressaient le constat, s’opposait l’évidence des passions nationalistes collectives dans l’ex-Yougoslavie, mais aussi dans d’autres parties du monde post-colonial, et également à l’intérieur de la société française où le dernier populisme, celui du Front national, exaltait le fantasme d’un patrimoine bien français à protéger de toute contamination étrangère. Notre réflexivité sur les passions patrimoniales se trouvait donc d’emblée, et de façon inattendue, sollicitée par la plus chaude des histoires politiques, et nous dûmes répondre à ce défi.
5Un colloque, à Tours, en décembre 1993, que nous avons conçu avec Claudie Voisenat (ma complice dans cette histoire), un atelier européen, nous conduisirent à revisiter en profondeur l’énorme fabrique nationale des cultures2. Le mouvement était lancé pour la première fois en France, relayé par un appel d’offres de la Mission du patrimoine ethnologique. Des collègues américains avaient déjà commencé en Grèce et des collègues italiens étaient au travail dans le Mezzogiorno : les monuments historiques, leur condition d’apparition, ses effets sociaux, ses usages, ses publics, devenaient objet de l’enquête ethnologique, et une série dense de recherches collectives interrogeaient les transformations des passions populaires et institutionnelles pour l’histoire. Deux ouvrages en sortirent, Domestiquer l’histoire (Fabre 2000) et Une histoire à soi (Bensa & Fabre 2001). J’avais intitulé l’introduction du second « L’histoire a changé de lieu », qui est une espèce de réplique au modèle de Pierre Nora, essayant de démontrer comment des formes d’appropriation tout à fait inédites et complètement inattendues étaient en cours. Les appropriations du monument devaient d’ailleurs, par la suite, faire l’objet d’une nouvelle publication collective, Les monuments sont habités, tout comme, pour finir, les Émotions patrimoniales suscitées par le patrimoine, entendues à la fois au sens adouci de la psychologie, nos émois, nos transports, et au sens fort de la police au XVIIIe siècle, pour laquelle une émotion est une émeute, une mobilisation, un mouvement. Je peux dès maintenant vous annoncer les deux prochains volumes de cet ensemble ; j’en signerai un qui s’intitulera sans doute Instaurer la culture, et qui tentera de clarifier la théorie anthropologique de ce qui est aujourd’hui l’instance de production de valeurs collectives culturelles sans lesquelles aucune société, aucun groupe humain, ne peut se penser comme tel. Il n’y a pas de groupe au monde, pas de tribu perdue de la forêt amazonienne, qui ne sache très bien ce qu’elle revendique comme culture. Non pas au sens des anthropologues, ni au sens reçu de la haute culture, ni au sens de la culture scolaire, mais comme l’ensemble des valeurs qui sont absolument à exclure du marché – mais certainement pas de la communication –, valeurs dans lesquelles le groupe reconnaît et projette quelque chose d’une construction identitaire indéfinie. Le second ouvrage, son jumeau, collectif, présentera des cas très fouillés choisis dans tous les continents, de processus locaux et globaux d’institution de la culture. Une douzaine de collègues, jeunes et d’autres plus aguerris, ont accepté ce défi. Et j’espère que l’année 2015 sera celle de la parution de ces deux ensembles, qui pour moi, clôtureront une vingtaine d’années de réflexion ; mes successeurs sont déjà depuis longtemps au travail et je leur laisserai le chantier avec le sentiment du devoir accompli3.
6Vous aurez compris que cette longue carte d’identité narrative nous introduisait directement dans notre sujet, celui de la grande mutation patrimoniale, que le titre de notre réunion énonce à sa façon. Il y a bien des années, nous avions imaginé avec mon vieil ami Roger Chartier de ne plus présenter nos interventions en colloque public que sous la forme luthérienne de thèses, de propositions claires, synthétiques, affichées et offertes au débat. C’était comme un défi au discours flou et filandreux, particulièrement en matière de patrimoine, sujet qui à bien des égards est toujours un ventre mou de la pensée des sciences sociales. Cela tient à une certaine cacophonie où la raison analytique a bien du mal à se dégager des raisons plus corporatistes, raisons qui ont conduit à inventer récemment ce pluriel, « sciences du patrimoine », symptôme très intéressant d’une crise larvée et très profonde des administrations et des savoirs au cœur du dispositif patrimonial. Car le patrimoine, pour moi ce n’est pas un concept, ça n’est même pas exactement un champ, c’est exactement un dispositif au sens que Michel Foucault a donné à ce terme. Je ne vais pas vous infliger 95 thèses, ni 120 dispositions, 6 me suffiront. Mais Luther avait aussi prévu une concentration de sa liste. Je suis donc ses traces.
Thèse n° 1
7Il est urgent d’historiciser le « patrimoine », comme mot et comme fait. Le terme n’entre dans le vocabulaire français et international, sous la forme anglaise « heritage », que dans les années 1960. On parlait auparavant d’art, parfois au pluriel, de « trésors » – la loi Carcopino sur l’archéologie en 1942 parlait de l’archéologie comme « trésor » – surtout de monuments, terme qui fut, comme vous le savez, longtemps polysémique : au tournant des xviiie et xixe siècles on parlait de « monument » aussi bien pour la langue, la littérature et les lois que pour le bâti. Tous ces mots étaient donc utilisés avant que le terme « patrimoine » surgisse avec un très fort effet de concentration, l’associant à toute production reconnue comme porteuse de valeurs culturelles. En fait il n’est plus aujourd’hui d’institution ou de pratique qui n’ait sa composante patrimoniale. L’opposition qui fonctionne par exemple à l’intérieur du ministère de la Culture aujourd’hui, entre patrimoines au pluriel, création et spectacle vivant, industries culturelles, n’a aucun sens. Qui se soucie plus qu’à la télévision ou dans la création chorégraphique de sa propre patrimonialisation ? Il n’est aucune institution culturelle, quelle que soit la finalité de son existence, qui n’ait une préoccupation patrimoniale. Je propose donc de réserver le terme « patrimoine » et ses dérivés, « patrimonialiser », « patrimonialisation », etc., à un état contemporain de la relation du présent au temps antérieur, faisant suite au dispositif monumental qui était très clairement articulé au fait national.
Thèse n° 2
8Ce changement patrimonial se marque par un phénomène très sensible, qui est au centre de vos réflexions ces jours-ci, qui est l’élargissement du classement patrimonial, ou tout simplement de la désignation patrimoniale, puisque ce classement peut présenter tous les degrés de formalité : de la décision quasi individuelle jusqu’à l’onction que dépose sur tels sites, tels lieux, tels objets, un classement en bonne et due forme enregistré par la loi ou ce que j’appelle un « surclassement » distribué aujourd’hui par l’Unesco. C’est devenu une tarte à la crème, c’est parfois une source d’angoisse administrative et gouvernementale – tout devient patrimoine, notre société devient musée, etc. – c’est aussi un stimulant pour des essais au ton situationniste : on passe de la société du spectacle à la société du patrimoine sans l’étrange génie visionnaire de Guy Debord.
9L’intéressant dans cette affaire est du côté des conflits de frontière et de définition. Je vous en donne un exemple, qui se situe exactement il y a vingt ans, celui de mon vieux camarade Philippe Lejeune, qui dans les années 1990, a l’idée de sauvegarder ce qu’il appelle le « patrimoine autobiographique », c’est-à-dire les souvenirs des gens ordinaires qui ont raconté leur vie, tenu un journal. Lejeune est angoissé, à juste titre, par la perte des documents qui sont aussi des œuvres, et il l’a raconté dans plusieurs textes réunis dans un ensemble titré Pour l’autobiographie (Lejeune 1998), mais aussi dans Le Moi des demoiselles (Lejeune 1993). C’est un livre très original, où il travaille sur le journal des jeunes filles, et où il accompagne son analyse de la publication du journal de sa recherche où on trouve trace de ses démarches auprès des archives. Lejeune arrive aux Archives nationales, il demande à rencontrer les personnes idoines, à qui il explique qu’il faudrait créer un espace pour recueillir les mémoires des gens ordinaires. Alors on lui dit : « Écoutez, il y a la série 2J – documents personnels entrés par voie directe etc. –, et puis les gens peuvent arriver, on les mettra dans la série 2J. » Lejeune dit : « Oui mais il y a un peu de tout dans cette série, il suffit de regarder et de voir : les comptes d’une usine, des papiers familiaux de tous ordres, etc. Moi c’est l’autobiographie qui m’intéresse, c’est-à-dire la projection de la personne dans un texte. »
10Il n’y est pas arrivé, l’ordre archivistique interdisait l’identification de ce type de documents ; et Lejeune a donc créé l’APA, l’Association pour le patrimoine autobiographique, dont le siège est à Ambérieu, près de Lyon, qui a son bulletin, La Faute à Rousseau, ses réunions nationales, etc. Je suivais de près cette affaire puisqu’à l’époque je m’intéressais justement à la question des écritures ordinaires4. Compagnon de route et de lutte de Philippe Lejeune, j’étais arrivé comme lui au même diagnostic : le phénomène d’élargissement de l’identification patrimoniale était conduit à se heurter à des formules d’organisation et d’administration du patrimoine, qui datent du temps du monument et qui sont accrochées à la production du corps monumental de la nation. Une production typiquement politique puisque c’est à travers ce corpus monumental très diversifié et très complexe que la nation se donne à voir et à partager par les citoyens ordinaires, avec la médiation de l’école, détentrice du grand récit historique national qui permet à tous de se repérer et qui s’offre justement à la localisation puisque la petite patrie n’est jamais que le reflet de la grande. Tout ce système, que l’État français – mais en réalité tous les États du monde – a mis en place de manière remarquable, a du mal à accepter un nouveau régime d’identification des biens patrimoniaux. Donc, en soi, le constat de l’extension du patrimonial au-delà du monumental a sans doute une bonne valeur descriptive mais certainement pas analytique ; il faut aller plus loin. D’où la thèse suivante.
Thèse n° 3
11Le tournant patrimonial, que je saisis dans sa contemporanéité, contient en germe un renversement des fondements de l’expertise, autrement dit de l’identification de l’acteur qui décrète le patrimoine, qui dit « Ça c’est du patrimoine », avec tout ce que cela comporte ensuite de préservation, restauration, publicisation…, toute la chaîne. Le cas précédemment évoqué du patrimoine autobiographique intime en est la démonstration. Que se passe-t-il dans ce cas ? Ce sont des acteurs, auteurs de textes intimes, qui proposent ce qui fait patrimoine pour eux. Philippe Lejeune lui-même est depuis son adolescence l’auteur d’un journal intime absolument colossal et ce n’était pas tellement en tant que chercheur qu’il se posait la question, c’était aussi en tant que producteur, en tant qu’acteur.
12On peut mettre cette posture en regard d’un texte tout à fait fascinant, Le Voyage en France de Prosper Mérimée. Prosper Mérimée, nommé par François Guizot inspecteur des monuments historiques, déboulait dans un patelin, visitait, s’apercevait qu’un monument qui évoquait pour lui tel ou tel épisode historique était en train de se dégrader ; il notait ça dans son journal, remontait à Paris, où il lui fallait convaincre que ce monument était digne de s’inscrire comme témoin du passé national. Il arrive ainsi à Vézelay, manque de recevoir une pierre sur la tête parce que la basilique est en train de s’effondrer, rentre à Paris, et dit : « Il faut sauver, il faut restaurer Vézelay, lieu où fut prêchée la croisade, lieu aussi d’une lutte communale médiévale » – Augustin Thierry (1827) le lui avait appris. Il prend un très jeune architecte qui n’a aucune expérience, Eugène Viollet-le-Duc, et l’envoie à Vézelay, qui sera son premier grand chantier. Vous avez là le prototype de l’expertise descendante : c’est un chargé de mission qui va décider, dans une marée d’ignorance, celle des gens qui ne savent pas ce qu’ils ont dans les mains, qui ne savent pas ce que signifie le cadre le plus familier de leur existence ; et dans cette marée d’ignorance, les lumières de l’État-nation vont élire ce qu’il convient de conserver au nom même de la continuité nationale. Je prends l’exemple des monuments mais cela vaut pour tout, pour les archives comme pour les collections de livres largement dispersés sous la Révolution ; à l’échelle nationale dans le cas de Mérimée, mais ça s’est fait aussi à l’échelle plus réduite des départements avec les commissions d’art, de science…
13La nouvelle posture, le fait que le patrimoine soit devenu une projection directe de l’intérêt des gens, est particulièrement évidente dans le cas du patrimoine industriel. Faites un tour de France ou d’Europe du patrimoine minier par exemple, qui prend souvent la forme d’un musée. La mine, c’est un monde qui était très hiérarchisé : vous avez des musées qui sont des musées d’ingénieurs, qui vous expliquent exactement les mécanismes d’extraction, les inventions, les machines, etc. Vous avez des musées de mineurs, qui sont souvent accrochés à de grands événements de la vie ouvrière, les grèves, les catastrophes, les coups de grisou. Et puis vous avez – et ça c’est un phénomène récent, dont témoigne en particulier le classement du paysage minier du Nord – les paysages familiers auxquels les descendants sont attachés. Ce ne sont plus les acteurs directs du travail de la mine, ce sont leurs petits-enfants qui ont construit, dans une opération d’identification particulièrement intéressante, à la fois sur le plan psychologique et sociologique, une partie de leur appartenance sur ces objets qui les inscrivent d’une certaine façon dans le temps, manière de répondre évidemment à ce qui sera, point d’interrogation final, la question cruciale du rapport de notre modernité au temps.
14Plus radicalement sans doute, une mutation essentielle fait passer d’une relation d’objet au patrimoine à une relation de sujet : « Le patrimoine c’est à nous » devient « Le patrimoine c’est nous ». La reconnaissance par l’Unesco des communautés comme garantes de leur propre patrimoine culturel immatériel dans la Convention du patrimoine culturel immatériel de 2003 est très significative de ce renversement des fondements de l’expertise. Qui énonce la valeur patrimoniale ? Cette simple question suffit à faire vaciller tout le système, d’abord national, construit autour de la monumentalité. Et si on pousse la logique comme le font par exemple aux États-Unis et au Canada les personnes qui administrent ce que le gouvernement fédéral appelait autrefois les « affaires indiennes », on finit par renverser complètement le rapport : les communautés reconnaissent leur patrimoine et les experts sont au service de ces communautés pour accorder les différents métiers du patrimoine à la finalité nouvelle intégralement définie par ceux qui se reconnaissent comme héritiers. Aux États-Unis c’est encore plus spectaculaire, car il est possible de se reconnaître comme appartenant à telle ou telle tribu indienne, y compris totalement disparue, sans avoir à prouver génétiquement ou culturellement son appartenance ; celle-ci étant un fait de décision. Cette thèse n° 3 sur le renversement est particulièrement importante.
Thèse n° 4
15L’identification des collectifs et des personnes au patrimoine n’est plus fondée nécessairement sur un savoir historique homologué, savoir historique universitaire ou popularisé, comme le faisait l’école. C’est ce que nous ont révélé les travaux sur les monuments habités ou sur les émotions patrimoniales. Prenez par exemple l’incendie du château de Lunéville qui fait disparaître en partie ce qui est considéré par les habitants de Lunéville comme un patrimoine de la cité ; les gens vont dans la rue, pleurent devant ce qui disparaît. L’enquête ethnologique (Tornatore & Barbe 2011) démontre quoi ? Que ce n’est pas du tout le palais incarnant l’autonomie du pouvoir lorrain, le temps des Lumières que les gens pleurent ; ils pleurent leur familiarité avec ce lieu qu’ils ont fréquenté ; ils pleurent le fait que quand ils se sont mariés ils ont fait des photos dans la salle d’apparat, certains ont même passé leur conseil de révision, quand celui-ci existait, dans une des salles puisqu’une partie du palais avait des fonctions administratives municipales. C’est dire que la question du familier, évoqué dans le titre de cette communication, ne correspond pas nécessairement – ou pas seulement – à un objet nouveau, mais à un usage du trésor monumental accumulé depuis deux siècles à l’intérieur de l’État-nation. Et plus largement, en travaillant sur les émotions patrimoniales, nous avons, je crois, réussi à définir la densité des émotions de tous ordres – émotions douces, émotions spectaculaires, débats, querelles, disputes, à propos des biens patrimoniaux – comme les indicateurs de la conversion patrimoniale. L’objet élu n’a plus une autorité en soi, cette autorité doit être appropriée singulièrement et elle fait toujours l’objet d’une série de controverses : on n’est jamais d’accord tout à fait sur la manière de gérer, sur les usages, etc. et ce bouillonnement émotionnel remplace très largement la relation entre l’objet patrimonial et le savoir qui, en le contextualisant, le légitimait.
Thèse n° 5
16Le tournant patrimonial se déploie en un renversement de l’idée même de pérennisation du bien patrimonial. Qu’est-ce qu’un bien patrimonial ? C’est un bien pour lequel il faut résoudre une contradiction essentielle qui est la contradiction entre le temps et l’identité. L’identité appliquée à un objet est contredite par le passage du temps ; le temps détruit les objets. Les monuments font des ruines ; de la mémoire écrite si on l’abandonne aux aléas du temps, tout disparaît. Mais déjà l’art s’était préoccupé de ces choses. C’est une affaire très ancienne, qui consiste à résoudre un très puissant paradoxe dont les Anciens et les sophistes athéniens débattaient et qu’ils appelaient le paradoxe de Thésée. Il y avait dans le port d’Athènes un bateau sur lequel le légendaire héros Thésée était censé avoir fait la traversée jusqu’en Crète pour couper la tête du Minotaure. Les Athéniens avaient gardé ce bateau et on faisait remarquer que depuis le temps mythique où ce bateau avait été conservé, on avait changé les planches, il avait été constamment modifié. Et les philosophes se disaient : mais est-ce que c’est toujours le bateau de Thésée ? Est-ce qu’il a gardé son identité ? C’est un thème qui traverse toute la philosophie occidentale ; il est repris par Hume, Wittgenstein… Et il y a ceux qui complexifient la chose : les vieilles planches qu’on enlève du bateau pour le rendre toujours navigable, pour éviter qu’il coule car il est dans l’eau, si on les met dans un musée et si, progressivement on reconstitue un bateau, est-ce que ce sera toujours le bateau de Thésée ? Un bateau patrimonial5…
17Cette question de la pérennisation a été résolue au XIXe siècle en Occident. Je vous renvoie à un texte, que j’ai relu et remédité récemment, le début de l’article « Restauration » de Viollet-le-Duc dans son grand Dictionnaire de l’architecture, volume de 1866. En Asie, en Orient, quand un temple subit les assauts du temps, on le laisse pourrir sur place et, à côté, on en construit un autre, le même, en matériaux neufs. En substance, Viollet-le-Duc dit : « Quels barbares d’agir ainsi ! » Nous en Occident, nous nous donnons les moyens scientifiques – science historique, science archéologique, sciences physiques – pour conserver voire restituer les objets dans leur intégrité, ou en tout cas pour les maintenir tels quels à travers le temps. On a là le moment où la notion de pérennité est associée à la conservation, à travers le temps, de la forme et de la matière. C’est le couple de la forme et de la matière qui est à conserver, qui devient le support de la pérennisation – ce qui est un défi évidemment. Quand je dis que le tournant patrimonial renverse les fondements mêmes de l’idée de pérennisation, je m’appuie tout simplement sur ce grand bouleversement que la notion de patrimoine culturel immatériel a introduit et qui consiste à dire : l’essentiel n’est pas l’objet, l’essentiel ce sont les savoir-faire capables de produire l’objet. En conséquence, le paradoxe du bateau de Thésée serait résolu si les charpentiers de marine, mainteneurs de la tradition de la construction navale du temps où le bateau de Thésée naviguait, étaient là pour rebâtir l’objet. Donc le faire, le savoir-faire, et ce que les Japonais appellent les « trésors nationaux », des gens qui ont la capacité de faire et de transmettre – pas seulement des objets mais aussi des œuvres, danse, théâtre, musique, conte oral, chanson, etc. : ce sont ces dimensions-là qui sont support de pérennisation. Il y a là, dans ce déplacement central sur le faire, beaucoup d’ambiguïtés. Mais je n’ai pas le temps de m’y arrêter.
Thèse n° 6
18Le tournant patrimonial est au cœur d’un régime d’historicité tout à fait inédit. J’emploie le terme « régime d’historicité » en me référant aux propositions de mon collègue François Hartog. Je crois qu’on est très embarrassé pour désigner la trame, le support intellectuel, l’assise du patrimoine. La commodité voudrait que ce soit l’histoire. On dit : tout ça ce sont des témoins de l’histoire. Une autre manière de faire consiste à parler de mémoire. Je crois que le noyau du tournant patrimonial c’est autre chose, quelque chose d’assez inédit et qui reste à penser. Le tournant patrimonial met au premier plan non un rapport historique, non un rapport mémoriel à l’antériorité, mais un rapport expérientiel au passé. Le patrimoine c’est une expérience du passé, c’est un passé que l’on voit, c’est un passé que l’on touche, c’est un passé que l’on revêt, dans les fêtes historiques. C’est un passé que l’on écoute, c’est un passé que l’on mange : pensez aux repas de gastronomie médiévale. C’est un passé que l’on parcourt, dans lequel on marche, on se fatigue, que l’on éprouve corporellement : les chemins de Saint-Jacques, etc.
19Nous sommes tous des médiateurs, nous avons sans arrêt le souci de créer des conditions de participation qui sont des conditions d’expérience du passé. Cette expérience du passé dialogue fortement dans certaines disciplines avec le projet scientifique lui-même – et je pense en particulier à l’archéologie. Il y a un lien très fort entre expérience et expérimentation, quand l’archéologue refait des gestes pour comprendre le fonctionnement des outils, quand il reconstitue les œuvres disparues, par exemple en 3D, comme pour Cluny, où avec sur la tête un casque et un écran vous visitez l’abbaye comme elle existait au XIIIe siècle, alors que, comme vous savez, il en reste peu de choses. Je pense que l’archéologie a un rôle moteur dans cette affaire6. Le passé entre dans nos exotismes contemporains. Il est devenu une ressource, et quand je parle de passé, je parle d’un passé qui n’est plus nécessairement articulé chronologiquement, d’un passé sensible. Le choc qu’on peut avoir quand on ouvre des boîtes où un poilu a mis ses plaques, c’est le choc d’un court-circuit dans notre rapport au passé, ce n’est pas autre chose. Ensuite évidemment, on peut élaborer, réfléchir historiquement, refroidir l’émotion, l’expliciter et la rendre intellectuellement opératoire, mais au départ il y a bien ce court-circuit dans le temps.
20On a là un phénomène, que François Hartog appelle « présentisme » – ce qu’on pourrait discuter –, qui peut aller jusqu’à la sortie de l’histoire comme référent, comme arrière-plan de l’intérêt patrimonial. Sortie de l’histoire que nous sommes collectivement en train d’étudier en ce moment, en analysant certaines formes nouvelles de médiation autour des monuments historiques. Si vous allez à Vézelay, on va vous parler de la lumière qui entre dans la basilique, d’une certaine façon, selon un certain angle, au solstice, sculptant un monument qui n’est visible que ce jour-là, un monument de lumière ; on va vous parler du sous-sol, de la terre, vous expliquer que ce haut lieu historique, qui captive une foule de touristes, est en réalité un lieu déjà marqué par sa nature, par des courant souterrains, etc. Entre naturalisme et ésotérisme le pont est facile et il est constamment fait7. C’est une échappée radicale au discours historique, qui fait appel à des formes d’expérience corporéisées, extrêmement intimes, un discours de l’irrationalité du sujet.
21Dans cette affaire, qu’est-ce qui est en jeu ? C’est toute la question du familier et de l’intime qui est ici posée, c’est l’expulsion des récits communs. Le récit devient singulier, il a tendance à se privatiser, à se singulariser. Le récit lorsqu’il entre dans le champ public entre dans un champ concurrentiel. Il y a une concurrence des récits autour des monuments historiques, et notre problème c’est évidemment d’articuler cette forte individualisation du récit patrimonial à tous les phénomènes que je viens de décrire. Au point que je pense que nous sommes aujourd’hui dans une situation où, le récit national s’effaçant, au moins dans notre Occident, l’enjeu est ce que j’appellerais presque « une reformulation militante du récit ». Parce que ce qui est en jeu dans la perception patrimoniale c’est évidemment qu’elle soit resituée, partagée, et pas simplement sur le mode de l’émotion élémentaire, naturalisée ou ésotérisée. Je crois qu’il faut – et c’est la première fois que j’emploie ce terme qui est évidemment une proposition, qui n’est plus de l’ordre de l’analyse scientifique – un engagement collectif dans cette militance du récit. Sinon, effectivement, on assistera à un incroyable éparpillement des initiatives patrimoniales, qui seront, d’une certaine façon, justes du point de vue de la participation démocratique, mais qui, en même temps, pourront générer une interrogation sur l’existence d’un sens commun du nouveau familier patrimonial.
Bibliographie
BENSA ALBAN & DANIEL FABRE (DIR.), 2001
Une histoire à soi. Figuration du passé et localités, textes réunis par Claudie Voisenat, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme / ministère de la Culture, coll. « Cahiers d’ethnologie de la France ».
CENTLIVRES PIERRE, FABRE DANIEL & FRANÇOISE ZONABEND, 1999
La Fabrique des héros, textes réunis par Claudie Voisenat & Eva Julien, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme / ministère de la Culture, coll. « Cahiers d’ethnologie de la France ».
COYE NOËL & SYLVIE SAGNES (DIR.), à paraître
L’Archéologie partagée. Regards sur les médiations du passé, Charenton / Paris, Lahic / ministère de la Culture et de la Communication (DPRPS), coll. « Les Carnets du Lahic ».
FABRE DANIEL (DIR.), 1993
Écritures ordinaires, Paris, Bibliothèque publique d’information, Centre Georges-Pompidou / POL.
FABRE DANIEL (DIR.), 1996
L’Europe entre cultures et nations, actes de colloque (Tours, 1993), textes réunis par Claudie Voisenat & Eva Julien, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme / ministère de la Culture, coll. « Cahiers d’ethnologie de la France ».
FABRE DANIEL (DIR.), 1997a
« Proverbes, contes et chansons », in Pierre Nora (dir.), Les Lieux de mémoire, vol. 3, Les France, Paris, Gallimard, coll. « Quarto », pp. 3555-3583.
FABRE DANIEL (DIR.), 1997b
« Le “Manuel de folklore français” d’Arnold Van Gennep », in Pierre Nora (dir.), Les Lieux de mémoire, vol. 3, Les France, Paris, Gallimard, coll. « Quarto », pp. 3583-3614.
FABRE DANIEL (DIR.), 1997c
Par écrit. Ethnologie des écritures quotidiennes, textes réunis par Martin de La Soudière et Claudie Voisenat, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme / ministère de la Culture, coll. « Cahiers d’ethnologie de la France ».
FABRE DANIEL (DIR.), 2000
Domestiquer l’histoire. Ethnologie des monuments historiques, textes réunis par Claudie Voisenat, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme / ministère de la Culture, coll. « Cahiers d’ethnologie de la France ».
FABRE DANIEL (DIR.), 2014a
« Pérennité », in Nathalie Heinich, Jean-Marie Schaeffer & Carole Talon-Hugon (dir.), Au-delà du beau et du laid. Enquête sur les valeurs de l’art, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Aesthetica ».
FABRE DANIEL (DIR.), 2014b
« Conquérir Vézelay. Territoires, culture, spiritualités », rapport au ministère de la Culture et de la Communication (direction générale des Patrimoines, département du Pilotage de la recherche et de la Politique scientifique).
LEJEUNE PHILIPPE, 1998
Pour l’autobiographie. Chroniques, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Couleur de la vie ».
LEJEUNE PHILIPPE, 1993
Le Moi des demoiselles. Enquête sur le journal de jeune fille, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Couleur de la vie ».
TOURNATORE JEAN-LOUIS & NOËL BARBE (DIR.), 2011
Les Formats d'une cause patrimoniale. Agir pour le château de Lunéville, Charenton / Paris, Lahic / ministère de la Culture et de la Communication (DPRPS), coll. « Les Carnets du Lahic » [en ligne], http://www.iiac.cnrs.fr/article936.html [lien valide en juin 2016].
VOISENAT CLAUDIE (DIR.),2009
Imaginaires archéologiques, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme / ministère de la Culture, coll. « Cahiers d’ethnologie de la France ».
VOISENAT CLAUDIE (DIR.), à paraître
« L’Éloge du ressenti. Le patrimoine entre médiations spirituelles et lectures ésotériques », rapport au ministère de la Culture et de la Communication (direction générale des Patrimoines, département du Pilotage de la recherche et de la Politique scientifique).
THIERRY AUGUSTIN, 1827
« Histoire de la commune de Vézelay » [lettres XXIII à XXV], Lettres sur l’histoire de France, Paris, Sautelet.
Notes de bas de page
1Ce texte est la transcription à peine remaniée de l’intervention de Daniel Fabre lors de la séance du 12 décembre 2013 du séminaire « Patrimoines familiers, patrimoine universel : quelles démarches d’appropriation ? », organisé par le Pôle de ressources pour l’éducation artistique et culturelle (Préac) et le Centre national de documentation pédagogique (CRDP) de l’Académie de Paris. Une transcription intégrale ainsi qu’une capture vidéo de la conférence sont en ligne sur le site internet « Patrimoines et diversité » du Préac : http://preac.crdp-paris.fr/ressources/patrimoines-familiers-patrimoine-universel/lordin aire-le-familier-lintime-le-patrimoine-loin-du-mo nument/(lien valide en juin 2016). Nous tenons à remercier le réseau Canopé Île-de-France de nous avoir autorisés à reproduire ce texte. [Cette note, ainsi que les suivantes, est des éditeurs.]
2Colloque « Ethnologie et patrimoine en Europe, identités et appartenances du local au supranational », Tours, 8-11 décembre 1993, et séminaire européen de 1995 et 1996, « Constructions et déconstructions des héros nationaux », en collaboration avec le Deutsches Hygienemuseum de Dresde et le Verein für Volskunde de Vienne. Deux ouvrages en sont issus : L’Europe entre cultures et nations (Fabre 1996) et La Fabrique des héros (Centlivres, Fabre & Zonabend 1999).
3Daniel Fabre n’aura pas eu le temps de mener ces projets d’édition à leur terme. Les séminaires étaient pour lui l’occasion de mûrir longuement sa pensée ; ses idées y étaient versées au pot commun du laboratoire où elles infusaient. Sur le thème du patrimoine, pour ne citer que celui-là, nombre des travaux menés au sein de l’équipe sont le produit de cette « infusion ». Il est probable que la très dense matière du séminaire sur l’institution de la culture, mené entre 2006 et 2009, fera l’objet d’une ou plusieurs formes de restitution : ouvrages à titre posthume ou mise en ligne des enregistrements.
4Voir Daniel Fabre (1993, 1997c). À propos de ces deux ouvrages, Daniel Fabre précisait : « Le mot “ordinaire” était pour moi équivalent de “familier”, et cet ouvrage a été prolongé par un autre, Par écrit, où pour changer un peu (l’éditeur me le suggérait) “écritures ordinaires” sont devenues “écritures quotidiennes”. »
5Le paradoxe de Thésée a été plus longuement développé par Daniel Fabre (2014a : 83-104).
6Sur la question de l’archéologie comme discipline en laquelle la dimension d’expérience du passé s’incarne, voir Claudie Voisenat (2009) et Noël Coye & Sylvie Sagnes (à paraître.).
7À propos de Vézelay et des recherches dont il est ici question, voir Daniel Fabre (2014b) et Claudie Voisenat (à paraître).
Auteur
IdRef : 026856166
Daniel Fabre (1947-2016) était directeur d’études à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales où il a enseigné l’ethnologie de l’Europe. Il a également dirigé à Toulouse le Centre d’Anthropologie des Sociétés Rurales (EHESS-CNRS), et a consacré une partie de ses recherches à la « prise de l’écriture » et aux relations entre ethnologie et littérature.
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