Les métamorphoses du témoin « ordinaire » dans l’historiographie du premier conflit mondial
p. 111-129
Texte intégral
1« Il n’y a plus, pourrait-on dire, d’anonymat des humbles » (Pénicaut 2016 : 18), a affirmé l’un des conservateurs du patrimoine en charge de la « Grande Collecte » lancée en 2013. À l’occasion du centenaire de la Première Guerre mondiale, une masse considérable de documents inédits a été recueillie et classée pour accéder au statut d’archives conservées dans des dépôts publics et consultables par tous. Parmi ces documents, beaucoup de lettres, de carnets, d’écrits du for privé relatant une guerre vécue par des individus issus de tous les milieux sociaux, et notamment des classes les plus modestes, échappaient à la destruction du fait de l’intérêt porté, depuis la Première Guerre mondiale elle-même, au témoignage considéré comme porteur d’une « vérité » que nul autre récit ne serait susceptible de détenir au même titre. Avec ces entreprises de recueil et de numérisation de sources1, le spectre social du témoignage semble s’être ouvert plus largement que jamais, au point de questionner la hiérarchisation implicite à l’œuvre dans l’emploi, notamment par les historiens, des expressions de témoin « ordinaire », de témoin « modeste », de « simple » témoin ou encore de « sans-grade2 », appliquées aux individus situés à l’extérieur du cercle étroit des élites sociales et culturelles.
2Or, c’est au cœur de la Première Guerre mondiale, notamment en raison de la profondeur sociale d’une mobilisation qui mit en présence des individus susceptibles de laisser des traces écrites de leur expérience grâce aux progrès constants de l’alphabétisation au cours du xixe siècle, que fut posée la question du témoignage « ordinaire », de sa valeur et de son utilité pour l’intelligibilité de l’événement guerrier. Le premier à formuler cette question, ou du moins à lui donner une grande visibilité, fut Jean Norton Cru. C’est avec son ouvrage Témoins, paru en 1929, qu’une première révolution épistémologique s’opéra, grâce à la mise au premier plan de la dimension sociale du témoignage combattant qui eut pour effet de donner aux « simples » (Cru 2006 [1929] : 333) un statut ambigu, entre reconnaissance et méfiance. Cette première configuration détermina le regard posé par les historiens sur les témoins « ordinaires », jusqu’à la publication des mémoires du tonnelier Louis Barthas en 1978 qui marqua un fléchissement sensible vers la prise en compte de récits produits à l’extérieur du monde confiné des élites, principalement parisiennes (Barthas 1997 [1978]). Enfin, à partir des années 1980 et de l’affirmation d’une histoire sociale et culturelle de la guerre, l’analyse de ce corpus « populaire », en cours d’élargissement, a permis de reconsidérer les formes du témoignage à la lumière d’autres disciplines, notamment à celle des sciences du langage et des études littéraires, et de rendre moins intangible cette partition entre culture savante et culture « populaire » qui structurait l’usage historien de l’ordinaire comme catégorie d’analyse.
Jean Norton Cru et « la vérité des simples »
3La Première Guerre mondiale n’a pas initié le témoignage combattant, ni même celui des hommes de troupe, soldats et sous-officiers situés au bas de la hiérarchie militaire et acteurs principaux des conflits, qui avait déjà cours au xixe siècle. La guerre franco-allemande de 1870-1871, notamment, qui s’était appuyée sur une vaste mobilisation des deux côtés de la frontière, avait déjà suscité une abondante prise de parole, y compris chez les hommes du rang et chez les civils. La somme bibliographique du commandant Palat (Palat 1896) recensait, parmi l’ensemble des ouvrages publiés sur le conflit – environ 7 500 principalement français et allemands –, beaucoup de textes, de souvenirs, de carnets et de notes produits par des acteurs anonymes désireux d’apporter leur témoignage. Mais avec la Première Guerre mondiale, l’écriture du conflit par ses acteurs prit une tout autre dimension, du fait de sa démocratisation bien sûr, mais aussi de la valeur alors reconnue à ces textes. C’est à Jean Norton Cru qu’il convient d’attribuer ce déplacement du regard. En 1929, après près de six années passées à repérer, lire puis classer les écrits publiés des combattants français (Gilles 2016) selon les critères de véracité et « d’objectivité » empruntés à l’école méthodique qu’il révérait (Prochasson 2001 ; Rousseau 2003 ; Smith 2005), ce professeur de littérature hisse le témoignage combattant au cœur de l’épistémologie de la guerre. En premier lieu, Jean Norton Cru entreprend de replacer le combattant au cœur de tout discours sur le conflit. Dans les chapitres introductifs de Témoins, il revient sur la généalogie de cette démarche, en soulignant combien son expérience personnelle du front, vécue d’octobre 1914 à janvier 1917 (Cru 2007)3, a contribué à ruiner toute forme d’illusion romantique sur la guerre :
« Le contact, le choc brutal des formidables réalités de la guerre, réduisit en miettes ma conception livresque des actes et des sentiments du soldat au combat, conception historique que, naïvement, je croyais scientifique » (Cru 2006 [1929] : 2).
4Cette soudaine démonétisation, beaucoup de soldats lettrés et familiers des récits aseptisés et idéalisés qui structuraient l’imaginaire de guerre occidental avant 1914 l’ont ressentie. Songeons par exemple à la cuisante désillusion du combattant et futur écrivain Céline devant le déploiement de la guerre réelle en 1914 (Roynette 2015 : 61-69). Cru, pour sa part, forge une critique de l’histoire militaire et du récit littéraire renvoyés dos à dos au rang de « récits suspects » (Cru 2006 [1929] : 27). Conformément à l’antimilitarisme répandu chez les anciens combattants, l’histoire militaire ne serait, selon lui, qu’une reconstruction tronquée visant à conforter l’autorité de ceux qu’il appelle « les chefs » (ibid. : 19). La seconde catégorie de récits – littéraires – ne serait capable que de produire des inventions dont l’influence sur les imaginaires européens aurait été délétère. Cru épingle le rôle joué selon lui par des écrivains comme Maupassant et, à un moindre degré, Zola. En mettant en valeur la lutte sans pitié livrée par certains civils français contre les troupes allemandes en 1870-18714, leurs textes auraient motivé, en retour, les violences perpétrées contre les civils français lors de l’invasion de l’été 1914. Ils ont, écrit-il, « une part de responsabilité dans les atrocités d’août 1914 » (ibid. : 49).
5La promotion du témoin chez Cru vise précisément à contourner ces récits falsifiés de l’histoire pour atteindre une forme de vérité que seuls les acteurs de l’événement, selon lui, posséderaient. Au cœur de ce renversement se situe, non sans quelque paradoxe pour un intellectuel positiviste, l’émotion. Le combattant, explique Cru, est à la source d’un savoir sur la guerre parce qu’il a vu, senti par lui-même, parce que, loin des reconstructions fausses de l’intelligence, il demeure sous le coup des émotions ressenties pendant son séjour sur le front. Elles mettent un frein à son imagination. Il est, insiste-t-il, « maintenu dans le concret, le souvenir de ses émotions réfrène la fantaisie de son esprit » (ibid. : 9). Il peut ainsi mieux exprimer, grâce à ses souvenirs personnels, les véritables sentiments des combattants, leurs peurs et leurs haines, leurs motivations et leurs affects. Leur témoignage donne accès aux « faits psychologiques » qui, martèle Cru, sont « l’essence même de la guerre » (ibid. : 25). S’appuyant sur les écrits de Georges Kimpflin – un « officier de troupe cultivé », précise-t-il –, auteur du Premier Souffle, récit publié en 1920 dont il loue la perspicacité, Cru scinde le monde de la guerre en deux entités, les « chefs » d’un côté et les combattants de l’autre, dont les textes sont les seuls à enregistrer les menus faits du quotidien, les détails qui conditionnent l’existence et expriment « la vérité des simples » (ibid. : 333) – expression de Kimpflin que Cru reprend à son compte. Mais qui sont ces « simples » distingués par Cru comme les seuls témoins dignes de foi ? Appartiennent-ils à la grande masse des combattants ? Font-ils partie des hommes du rang, et, parmi eux, des hommes issus des classes populaires ? Inclut-il dans cette définition du « bon » témoin des gradés et lesquels ?
6Là réside précisément l’ambiguïté de la promotion du témoin dans Témoins et, comme nous en formulons l’hypothèse, telle qu’elle va déterminer dans un premier temps le rapport des historiens de la Première Guerre mondiale au témoignage. Si les « simples » sont porteurs d’une vérité, tous n’ont pas la même capacité à exprimer avec justesse l’expérience vécue. Ainsi, soutient Cru, « si quelqu’un connaît la guerre, c’est le poilu, du soldat au capitaine » et d’ajouter : « ce que nous voyons, ce que nous vivons est ; ce qui contredit notre expérience, n’est pas » (Cru, 2006 : 14). Le spectre social du témoignage pertinent est ainsi élargi du soldat de deuxième classe aux officiers de contact, capitaines compris, qui ont partagé l’existence ordinaire de la troupe et ont joué, comme l’historiographie récente l’a montré (Saint-Fuscien 2011), un rôle décisif dans le maintien de la cohésion à l’intérieur des unités. Jean Norton Cru emploie ici, comme souvent dans son ouvrage, le mot « poilu », ainsi que le pronom personnel « nous » pour s’inclure lui-même dans cette communauté des combattants qui détiendraient la capacité à témoigner avec à-propos.
7Mais l’expérience du front ne suffit pas. Pour Cru, qui travaille à partir d’écrits publiés principalement à Paris (Cru 2006 [1929] : 10), ce qui n’est pas sans introduire un biais sociologique, le témoin idéal est un lettré, âgé d’une trentaine d’années, passé par les bancs du lycée et de l’université. Selon lui, « ce sont les hommes faits qui s’analysent et se racontent plutôt que les Marie-Louise » (ibid. : 37), empruntant à nouveau au répertoire de l’argot militaire à fonction inclusive5. Leur formation intellectuelle les a pourvus des outils d’intelligibilité nécessaires, notamment de la culture générale et de l’esprit critique, et, si tous n’en ont pas fait bon usage (ibid. : 52), ils forment un garde-fou indispensable. Parmi les quelque 250 auteurs utilisés dans Témoins et classés selon leur profession, la proportion d’intellectuels est écrasante : « Il n’y en avait que 2 (peut-être 3) qui n’étaient pas bacheliers lorsqu’ils ont écrit » (ibid.). Chez les 54 auteurs âgés de moins de 24 ans, distingués des autres en raison de leur jeunesse, « presque tous étaient étudiants » (ibid. : 666). Parmi eux, plusieurs normaliens comme Maurice Genevoix ou André Pézard, des diplômés d’études supérieures comme André Galtier-Boissière ou Paul Lintier qui, tous, font partie des meilleurs témoins distingués par Cru dans son classement final.
8En d’autres termes, le témoin, défini en 1929 dans cet ouvrage qui « s’adresse en particulier aux historiens » (Cru 2006 [1929] : 22), est un intellectuel et, bien que l’on puisse supposer que son expérience du front l’a mis en présence de soldats qui écrivaient et lisaient dans la tranchée sans nécessairement être des lettrés (Gilles 2013), ces scripteurs-là n’y ont aucune visibilité. Cette absence, au demeurant, ne s’explique pas seulement par le choix de ne traiter que des textes publiés. Elle tient aussi au malaise ressenti vis-à-vis de la figure du témoin « populaire », telle qu’elle a surgi dans la tradition des mémorialistes du xixe siècle (Petiteau 2012). Évoquant plusieurs d’entre eux, en particulier le capitaine Coignet, auteur de souvenirs relatifs aux campagnes de la Révolution et de l’Empire dont Cru exècre le ton grandiloquent et belliqueux (Coignet 1968 [1851]), il attribue leurs travers au faible niveau culturel de leur auteur. De Coignet il écrit qu’il était « illettré » et qu’il vivait à une époque où « l’on pouvait se faire écrire ses mémoires et passer devant la postérité pour un témoin qui dépose en personne » (Cru 2006 : 666). Cru justifie sa condamnation en insistant sur la fragilité d’une écriture qui serait nécessairement dominée, dépourvue d’autonomie, car manipulable par les élites, seules capables de discerner les enjeux véritables à l’œuvre dans le témoignage « éclairé ». En somme, l’homme peu éduqué demeurerait fatalement étranger à sa propre histoire, car dépourvu de la clairvoyance et de l’indépendance d’esprit acquises seulement au terme de longues études. Cette disqualification si nette du « témoin populaire », compte tenu de l’audience acquise par Témoins lors de sa publication, a probablement influencé en profondeur le regard des historiens du premier conflit mondial sur l’écriture populaire.
Des hommes « simples » aux témoins « ordinaires » de la Grande Guerre
9Les témoignages populaires publiés sont restés très longtemps à l’état de trace, notamment pour la période de l’entre-deux-guerres. De 1921 à 1939, ils ne représentent que 4 % des ouvrages du corpus de l’historien Nicolas Mariot et cette proportion tend même à baisser légèrement entre 1940 et 1977 pour atteindre 3 % (Mariot 2013 : 387). Cette quasi-absence est confortée par le discours historien déployé jusqu’au milieu des années 1970. Aux lendemains de la Première Guerre mondiale triomphe une histoire diplomatique du conflit, construite par son chef de file Pierre Renouvin6, dans la filiation de l’histoire positiviste qui tend à éliminer toute subjectivité et qui débouche sur une histoire des relations internationales. Après la Seconde Guerre mondiale et l’émergence d’un second moment historiographique, ancré dans une approche résolument sociale (Prost & Winter 2004 : 30-42), on aurait pu s’attendre à un mouvement de publication et d’analyse de témoignages étrangers au monde de la bourgeoisie intellectuelle, restée dominante dans l’écriture combattante. Mais le « retour des exclus » (ibid. : 30) s’effectue en réalité sur la pointe des pieds.
10On le comprend mieux à la lecture de Vie et Mort des Français (Ducasse et al. 1959), sous-titré Simple histoire de la Grande Guerre et considéré comme un point d’inflexion majeur dans l’historiographie du conflit. Publié par trois anciens combattants, normaliens et agrégés de l’université comme le précise la première de couverture, l’ouvrage se situe dans la filiation directe de celui de Jean Norton Cru auquel les auteurs, tout comme leur préfacier Maurice Genevoix, rendent hommage. L’un d’entre eux, Jacques Meyer, est d’ailleurs l’auteur d’un carnet de route, La Biffe, publié en 1928 et considéré par Cru comme « un témoignage de premier ordre » (Cru 2006 [1929] : 210), précisément parce que son auteur possède les exigences d’objectivité et de concision caractéristiques d’une formation intellectuelle d’excellence. Les auteurs de Vie et Mort des Français introduisent le témoignage combattant au cœur du récit de la guerre en opérant une sélection de textes considérés comme « fiables ». Issus principalement du corpus établi par Cru et enrichi de romans publiés après la sortie de Témoins, notamment quelques œuvres phares de la littérature pacifiste7, ces textes sont tous écrits par des intellectuels combattants, à l’exception de Jules Romains, qui, dans Les hommes de bonne volonté, fut « le seul civil qui soit parvenu dans son Verdun (1938), à décrire la guerre correctement ». Pour le reste, seuls les soldats sont « capables de bien voir et d’écrire », comme le rappelle Maurice Genevoix dans la postface de l’ouvrage (Genevoix 1959 : 491).
11Deux références à des textes différents émergent toutefois de l’analyse. La première, reproduite dans les documents annexés au chapitre v, chapitre central intitulé « Vie et mort dans les tranchées », est formée de deux poèmes écrits en dialecte angevin, La passion de notre frère le poilu (mars 1916) et Ode au pinard, non daté, tous deux attribués à Marc Leclerc. La première strophe de La passion de notre frère le poilu donne la parole à un « sans grade », présenté comme un « pauvr’bougre » résigné à souffrir :
« C’était un pauvr’bougre d’Poilu,
Qui s’en allait sous la mitraille…
Vantié ben qu’î n’aurait voulu
Etre en aut-part qu’en la bataille ;
Mais du moment qu’fallait qu’i n’y aille,
Ben, î n’y allait, tout simplement,
Sachant ben que, contr’sa misère,
Y a point à faire’ de raisonn’ment,
Et qu’les gâs qui cultiv’ la terre,
C’est leur devoir ed’ la défendre,
S’raient-is territoriaux fourbus… » (Ducasse et al. 1959 : 100).
12Si l’apparition d’un français non conforme à la langue académique dans le témoignage combattant constitue une nouveauté en 1959, elle ne signifie nullement que la parole ait été donnée ici au peuple. Nous savons que les substrats dialectaux furent le plus souvent présents, spécialement dans les correspondances des soldats, à l’état de traces (Roynette 2013 : 161-173 ; Géa 2015 : 53-66) et que leur usage fut surtout le fait de militants cultivés, engagés dans un combat culturel, et parfois politique, au sein des mouvements régionalistes (Thiesse 1991 ; Lagadec 2017 : 5-66). Il en va ainsi de Marc Leclerc, écrivain d’origine saumuroise, déjà connu avant-guerre pour ses « rimiaux » d’Anjou, ces poèmes ou contes rimés en parler angevin (Leclerc 1913). Avant-guerre, il était membre de la Fédération régionaliste française, fondée en 1900 à Paris afin de promouvoir la décentralisation et les identités régionales (Thiesse 1991 : 79). Mobilisé à l’âge de quarante ans comme lieutenant de réserve, promu capitaine en juin 1915, Marc Leclerc aurait recueilli les dernières paroles d’un soldat mourant, angevin comme lui, sur le champ de bataille de Verdun et aurait composé ce poème, publié d’abord dans L’Écho de Paris avec la caution de l’écrivain René Bazin, puis dans un ouvrage éponyme paru en 1917.
13Toutefois, cette Passion de notre frère le poilu est bien le texte d’un intellectuel dont la guerre va faciliter l’insertion dans le champ littéraire. Auteur de plusieurs récits publiés pendant et après le conflit, il devient vice-président de la puissante Association des écrivains combattants, fondée en 1919 afin de défendre la mémoire des écrivains mobilisés. Le texte cité par Ducasse, Meyer et Perreux n’est en aucun cas celui d’un soldat du rang n’ayant d’autre possibilité pour s’exprimer que le dialecte de sa région natale, et sans doute n’a-t-il qu’un rapport très lointain avec des paroles réellement prononcées par un combattant mortellement blessé sur le champ de bataille de Verdun. L’ambiguïté pourtant est forte dans Vie et Mort des Français, puisqu’à aucun moment l’identité de Marc Leclerc n’est précisée, si bien que le lecteur peut avoir le sentiment, illusoire, d’entrer par ce poème dans le monde « d’en bas », celui des combattants anonymes, alors qu’il n’a en réalité accès qu’à la représentation que veut bien en donner cet écrivain. Celle-ci est caractéristique du regard des élites sur l’homme des classes populaires, particulièrement sur le paysan, qualifié dans un des paragraphes du chapitre v de « cul-terreux » (Ducasse et al. 1959 : 89). Courageux mais résigné, il ne serait jamais un sujet autonome, mais plutôt le produit d’une série de déterminations qui agissent sur lui, sans qu’il soit capable d’en juger l’utilité ou la pertinence. D’autres passages du chapitre confirment cette vision, empreinte de condescendance :
« Pour oublier le pire, les soldats se contentaient de peu : le sommeil, un ordinaire meilleur, du tabac en abondance, une bonne cuite pour ceux qui aimaient ça, le repos qui se prolonge au milieu d’une population pas trop « vache », des séances de « rigolade » entre copains de même origine, pour des histoires bien simples […] » (ibid. : 90).
14Homme de « peu », à la différence de l’intellectuel qui, lui, s’inquiète et écrit, le soldat « ordinaire » ne chercherait pas à comprendre et sombrerait dans un fatalisme (Mariot 2014 : 157-192) résumé par cette expression : « La sagesse, c’est de s’en foutre ! » Les auteurs insistent sur ce point : « Même s’ils en avaient le loisir, la plupart ne voulaient8 guère penser sérieusement », s’appuyant, pour justifier cette affirmation, sur une citation empruntée au roman de Gabriel Chevallier, La Peur (1930), qui opère un partage entre le « je » du narrateur, sorte de double de l’auteur, et le « ils », utilisé par l’écrivain pour désigner ses camarades :
« Je vis comme une bête, une bête qui a faim, qui est fatiguée. Jamais je ne me suis senti si vide de pensées… Je comprends cette sorte de fatalisme auquel s’abandonnent mes camarades dans cette guerre sans fantaisie, cette guerre de factionnaires et de terrassiers, où l’on ne se défend pas, où l’on attend l’obus aveugle. Je comprends qu’ils aient renoncé à se poser des questions » (cité par Ducasse et al. 1959 : 94).
15La passivité, attribuée au faible, le rendrait inapte au témoignage si bien que l’on ne le voit jamais en train d’écrire, ni même de lire dans Vie et Mort des Français. C’est « l’intellectuel qui rédige le rapport du gradé, la lettre difficile du paysan » (ibid. : 96) dans les moments d’entraide et de partage, tandis que les tâches plus répétitives, comme les écritures de la compagnie, peuvent être déléguées à des hommes dotés d’un niveau d’instruction beaucoup plus modeste.
16Présent à l’état de fragment cité en note infrapaginale, le second extrait cité dans Vie et Mort des Français provient du refrain de la chanson de Craonne, légèrement modifié par rapport à la version originale, qui aurait été publiée en 1919 par Raymond Lefebvre et Paul Vaillant-Couturier, deux anciens combattants et militants socialistes, dans leur ouvrage La Guerre des soldats (Brécy 1978 : 235) :
« C’est à Craonne
sur le plateau
qu’on va laisser sa peau.
Car nous sommes tous des condamnés
Nous sommes des sacrifiés ! » (cité dans Ducasse et al. 1959 : 90).
17La citation de cette strophe constitue une petite révolution, puisqu’elle fait passer, semble-t-il pour la première fois, un fragment de ce texte contestataire issu de la tradition orale, du côté du discours savant sur la Grande Guerre, contribuant à mettre en évidence une attitude qui n’a rien de passive. Mais ce glissement s’opère avec une infinie prudence. Outre leur position marginale en note de bas de page, ces paroles ont subi de légères modifications – sont-elles volontaires ? – qui atténuent leur charge critique. « On doit laisser sa peau » devient « on va laisser sa peau », ce qui permet de diminuer l’insistance sur la contrainte. Les « condamnés », « les sacrifiés » deviennent « des condamnés », « des sacrifiés » et ce passage de l’article défini à l’article indéfini contribue à minimiser la singularité des mutins, fondus ainsi dans la masse des combattants.
18L’écriture populaire dans la tranchée, si elle acquiert dans Vie et Mort des Français une timide visibilité, demeure par conséquent étroitement assujettie à un système de représentations qui consolident la médiatisation dont elle est l’objet par les classes dominantes, notamment par les intellectuels. Cet ouvrage, qui va diffuser une image de l’expérience combattante plus réaliste au cours des années 1960-1970, contribue ainsi à ancrer dans les imaginaires collectifs le statut éminemment second du soldat « ordinaire » par rapport à sa propre histoire. Aussi la publication en 1978 des carnets de guerre du tonnelier audois Louis Barthas introduit-elle une forme de séisme.
Le moment Barthas et ses héritages
19Avec ces dix-neuf cahiers d’écolier, rédigés du 4 août 1914 au 14 février 1919 – fait en lui-même déjà exceptionnel – par un fantassin audois resté sur le front sans avoir jamais dépassé le grade de caporal, un autre récit surgit qui non seulement constitue un événement éditorial, mais surtout qui ouvre la voie à une autre historiographie. La publication de ces cahiers à l’initiative de Rémy Cazals chez François Maspero, dans la collection « Actes et mémoires du peuple », s’inscrit, notamment grâce à cet éditeur engagé, dans un contexte éditorial favorable à la réédition d’autobiographies ouvrières qui vont transformer le paysage de l’histoire sociale contemporaine (Dumay 1976 ; Perdiguier 1977 ; Nadaud 1976). Les auteurs ont pour point commun, outre leur origine populaire et leur niveau d’instruction rudimentaire, de s’être élevés dans la hiérarchie sociale par l’instruction et par le militantisme politique au sein du mouvement ouvrier. Louis Barthas, quant à lui, appartient aux générations suivantes, qui ont pu bénéficier de l’instruction primaire gratuite et obligatoire. Si son parcours engagé du côté du socialisme et du syndicalisme reste inscrit dans l’espace régional, contrairement à Dumay, Perdiguier ou Nadaud, il se définit comme eux en tant que porte-parole. Il écrit pour ses camarades, et en cela, il s’inscrit aussi dans la tradition du témoignage combattant :
« Souvent je pense à mes très nombreux camarades tombés à mes côtés. J’ai entendu leurs imprécations contre la guerre et ses auteurs, la révolte de tout leur être contre leur funeste sort, contre leur assassinat. Et moi, survivant, je crois être inspiré par leur volonté en luttant sans trêve ni merci jusqu’à mon dernier souffle pour l’idée de paix et de fraternité humaine » (Barthas 1997 : 552).
20Ce testament spirituel, qui clôt le témoignage, est fidèle à l’ensemble du récit écrit après coup, à partir de ses notes personnelles, dans une facture très littéraire9. Cette forme-là, outre l’étonnement et l’admiration qu’elle a pu susciter chez les lettrés, a vraisemblablement participé à l’intérêt soulevé immédiatement par ce texte ainsi qu’à son succès commercial. En outre, son message pacifiste et antimilitariste a rencontré, dans une société française qui avait connu une guerre d’Algérie menée par les appelés, une audience particulière, propice à sa réception positive. Enfin, les lecteurs de Barthas découvrent un homme qui se pose en acteur lucide et décidé, malgré la somme des injonctions qui pèse sur lui. Là se situe probablement le point nodal qui modifie le regard posé sur les combattants anonymes et encourage le mouvement en faveur de la publication de leurs écrits.
21À partir des années 1980, en effet, la publication de souvenirs ou de carnets rédigés par des hommes issus des classes populaires se multiplie. Ils représentent 91 % de l’ensemble des 140 publications de ce type retenues par Nicolas Mariot (Mariot 2014 : 161), et cette tendance, sous réserve d’un inventaire plus précis, s’accentue de jour en jour (voir Cazals 2013).
22Ce dévoilement progressif d’un corpus populaire rencontre de nouvelles manières de concevoir les pratiques d’écriture. Elles transforment l’analyse des textes et font émerger de nouvelles questions. L’écrit est alors envisagé selon une histoire culturelle transformée grâce aux sciences sociales, la philosophie ou l’ethnologie principalement (Certeau 1990 ; Fabre 1993), moins comme un miroir plus ou moins fidèle du « réel » que comme un objet produit par des scripteurs selon des contextes et des modalités qui lui donnent sens et efficacité. La lettre, en particulier, s’inscrit désormais dans des stratégies d’écriture, dans des rituels sociaux et dans des dispositifs de reconnaissance (Dauphin 2002) : elle est un acte plutôt qu’un résultat, et son analyse met en valeur les intentions de son auteur et la manière dont il entend donner sens au monde qui l’entoure, notamment en l’investissant de représentations plurielles. La lettre devient une « prise d’écriture », selon la formule de l’historien Philippe Artières, qui permet « de comprendre pourquoi il y a prise de parole à un moment donné, pourquoi, tout d’un coup, des individus ordinaires, qui n’ont pas commis de choses extraordinaires, prennent la plume » (Artières et al. 2002 : 203). Devenue échange, elle dévoile aussi le ou les destinataires, longtemps absents de l’analyse, et contribue à en rechercher la production écrite, lorsqu’elle a pu être conservée. Concernant les combattants, c’est le monde de l’arrière qui s’ouvre ainsi à de nouvelles possibilités de compréhension, ce sont les femmes, principales destinataires des lettres de soldats, qui acquièrent une visibilité nouvelle dans les correspondances conjugales notamment (Vidal-Naquet 2014).
23Cette prise de plume fut longtemps envisagée, à l’intérieur des milieux populaires, au sein du cercle des individus dotés d’un bon niveau d’instruction élémentaire, reconnu sous la IIIe République par l’obtention du certificat d’études. Tous les autres, ceux qui ne disposaient pas de ce bagage minimal, restaient invisibles. C’est ici que l’apport des linguistes fut déterminant, notamment lorsque, à partir des travaux menés sur la période révolutionnaire, ils ont attiré le regard sur les pratiques d’écriture de ceux qu’on appelait les « peu-lettrés », étudiées sous l’angle de la grammaire textuelle et de l’analyse du discours (Branca-Rosoff & Schneider 1994 ; Branca-Rosoff 2017). Ces travaux ont permis d’ouvrir plus largement le champ du témoignage combattant, en transcrivant des écrits peu lisibles, et en les analysant. À cet égard, le projet « Corpus 14 » mené par une équipe montpelliéraine nous semble exemplaire et permet de nuancer ou d’infirmer plusieurs clichés du discours historien. Nous voudrions introduire cette discussion en prenant l’exemple de la correspondance échangée entre le soldat Laurent Pouchet, son épouse, Joséphine, et sa belle-sœur, Louise, publiée partiellement (Steuckardt 2015).
24Laurent Pouchet est vigneron à Baillargues, près de Montpellier. Âgé de trente ans, père d’un petit garçon, Albert, né en mars quelques mois avant l’entrée en guerre, il est mobilisé le 2 août, incorporé au 281e régiment d’infanterie qui combat dans le Pas-de-Calais, puis en Belgique près d’Ypres où il trouve la mort, le 5 avril 1916. La citation qui accompagne la remise de sa croix de guerre à titre posthume – « A toujours été un vaillant caporal faisant constamment preuve de courage et de dévouement. Tombé glorieusement pour la France le 5-4-1916 devant Boésinghe (Belgique). Croix de Guerre étoile bronze » (ibid. : 269) – atteste de son attitude irréprochable pendant son séjour sur le front.
25Ses lettres, écrites dans un français malhabile et adressées généralement au cercle des proches – femme, enfant, parents –, témoignent d’abord du souci de se situer à la hauteur de l’événement traversé, par l’emploi d’une langue digne de son statut de soldat et de citoyen. Ainsi peut-on également comprendre l’emploi de tournures ampoulées dans les formules d’ouverture de ses missives où il s’inscrit dans le modèle de la « bonne lettre » qui rassure doublement, sur son état de santé et sur le maintien de la relation épistolaire. Celle utilisée le 20 mars 1915 est typique de l’ensemble :
« Je fais réponse à votre aimable lettre que j’ai reçue avec plaisir surtout en apprenant que vous êtes tous en bonne santé car il en est de même pour moi » (ibid. : 231).
26Et il en va de même pour son épouse comme pour sa belle-sœur.
27Ses lettres possèdent la redondance et la factualité caractéristiques de l’écriture des soldats les plus démunis sur le plan culturel (Mariot 2014 : 178). Laurent Pouchet raconte son existence quotidienne, comme s’il voulait recréer sa présence dans une écriture qui s’apparente à un flux verbal (Steuckardt 2015 : 91), c’est-à-dire à une imitation du rythme de l’oral dans l’écrit qui recrée quasi charnellement la présence du scripteur dans sa lettre. Mais cette monotonie ne signifie nullement que le combattant ne soit pas capable d’une réflexivité et d’une mise à distance et de sa propre expérience. Dès le début du mois de décembre 1914, il évoque sa « languitude » (ibid. : 213), un occitanisme qui lui permet d’exprimer le regard déjà désabusé qu’il porte sur son existence. Au fil des mois, l’analyse se fait plus incisive, marquée par l’usure morale et physique, évoquée par exemple le 12 juillet 1915, lorsque, dans l’attente de sa première permission, il fait part à son épouse de son inquiétude vis-à-vis du lien conjugal malmené par la séparation : « On ne va plus se reconnaître en rentrant » (ibid. : 251). C’est un homme pleinement conscient des conséquences du conflit sur les survivants qui se dessine ici, devenant ouvertement critique vis-à-vis du commandement et des discours mobilisateurs mensongers. Le 9 juin 1915, il répond à l’inquiétude suscitée chez sa femme par sa promotion au rang plus exposé de caporal, par une critique directe de l’obéissance passive qui pèse encore de tout son poids dans la conception de la relation d’autorité au sein de l’armée :
« Tu me dit que ceula te donne du souçi que je soi nommer caporal que les boches tue au galons, ta raison est bien bonne car çe n’est quaud superrieur prinçipale mand, qu’ils tirre, mai comme les galons de caporal, sont comme gris a laur il ne peuve pas les voir, mais puis qu sela n’est inçi pour ne pas te contrarier je vais les refuser, ou a moins qu’il me les façe prendre par forçe, car tu peut croire que lon ne fait pas çe que lon veut au régiment » (ibid. : 243).
28Le passage du « on » au « ils » marque le fossé qui sépare les simples soldats des gradés et démontre la capacité du scripteur à analyser sa position de dominé, chaque jour plus insupportable. Au cours de la deuxième partie de l’année 1915, les remarques de plus en plus acerbes se multiplient et culminent le 2 novembre 1915 dans une lettre où il évoque clairement un refus d’obéissance, en pleine bataille d’Artois. L’usure devient colère dans ces quelques mots : « nous sommes où nous sommes en train de nous faire démolir la garle gueule » (ibid. : 255). L’hésitation relative à l’orthographe du mot « gueule », d’abord écrit « garle » puis barré, suggère le caractère inhabituel du recours écrit au registre trivial, sans doute révélateur du niveau d’exaspération atteint ce jour-là. L’homme prend d’ailleurs de l’assurance – peut-être au contact d’autres soldats dans la tranchée – et il n’hésite pas, par exemple, à dénoncer les mensonges de la presse qui, à l’occasion de l’entrée en guerre de l’Italie au printemps 1915, annonce la fin prochaine du conflit : « il ne faut pas se fier aux journaux parce qu’ils disent pas toutes les choses qui sont réelles. Ils ne portent la plupart que des mensonges » (ibid. : 245).
29C’est donc un individu en quête d’autonomie qui se construit progressivement au fil de ces lettres. Ce constat, s’il doit bien sûr être mis en relation avec un nombre beaucoup plus conséquent de témoignages comparables pour pouvoir être généralisé, nous met sur le chemin d’une histoire différente de celle qui, longtemps, a caractérisé la manière historienne de regarder ces textes. Restituer aux plus humbles une capacité d’agir et de penser au milieu de la contrainte la plus implacable, tel est, parmi d’autres, l’horizon d’une approche renouvelée des comportements des combattants. Son enjeu est de restituer des trajectoires qui, pour être communes, ne sont en rien ordinaires.
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Notes de bas de page
1La plateforme Europeana 14-18 (www.europeana.eu) regroupe plus de 500 000 textes, images et vidéos numérisés à l’échelle européenne. Voir Nicolas Patin (2018), voir aussi la numérisation des correspondances des familles peu lettrées disponibles sur <www.univ-montp3.fr/corpus14> et <https://www.ortolang.fr/market/corpora/corpus14/>.
2Les synonymes abondent, « petites gens », « petit peuple », « sans voix », « gens obscurs », « pauvres gens » notamment. Plus ou moins condescendants, ils sont toujours le produit d’un regard extérieur au groupe qu’ils désignent.
3Jean Norton Cru reste en première ligne d’octobre 1914 à la fin du mois de janvier 1917. Il est alors affecté comme interprète auprès des armées anglaise et américaine. En septembre 1918, il est nommé conférencier en mission aux États-Unis et il est démobilisé fin août 1919.
4Cru cite les nouvelles recueillies par Zola dans Les soirées de Médan (1880), plusieurs nouvelles de Maupassant consacrées à la guerre de 1870-1871, Le père Milon (1883), Tombouctou (1883), La mère Sauvage (1884), ainsi que le roman de Zola, La Débâcle (1892).
5Les Marie-Louise désignaient des jeunes conscrits, en référence aux recrues de la classe 1813 levée par anticipation en 1814 à la suite d’un ordre de réquisition signé par l’impératrice Marie-Louise, la seconde épouse de Napoléon Ier.
6Le maître ouvrage de Pierre Renouvin – La Crise européenne et la Grande Guerre, 1934, Paris, Félix Alcan – paraît dans la collection « Peuples et civilisations » dont il assure ainsi la notoriété.
7Notamment Erich Maria Remarque, À l’ouest rien de nouveau (1929), Gabriel Chevallier, La Peur (1930).
8Souligné par les auteurs.
9Voir à ce propos la remarque de François Mitterrand, en visite à Carcassonne : « Ah, les Carnets de Louis Barthas ! Ce livre a une haute valeur historique, et aussi c’est une véritable œuvre littéraire », citée par Rémy Cazals (Barthas 1997 : 557).
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Gens ordinaires dans la Grande Guerre
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