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Les archives sonores des prisonniers de guerre français en Allemagne

p. 49-64


Texte intégral

1Les témoignages de gens ordinaires de la Première Guerre mondiale ne se limitent pas à des documents écrits. Les avancées techniques au début du xxe siècle ont également permis de réaliser des enregistrements sonores. Contrairement à la correspondance épistolaire, ces documents acoustiques n’ont pas été produits spontanément par les soldats, mais réalisés dans un contexte politique, journalistique ou scientifique particulier. L’objectif de cet article est de faire connaître la plus grande collection d’enregistrements de prisonniers de guerre réunie à ce jour et de faire valoir l’intérêt de ces archives orales pour la recherche linguistique comme interdisciplinaire.

La collection des archives sonores

Histoire des recherches et des collectes menées auprès des prisonniers

2Les documents acoustiques ici décrits ont été recueillis auprès de prisonniers de guerre retenus dans des camps allemands pendant la Première Guerre mondiale. Aujourd’hui conservés dans les archives sonores (Lautarchiv) de l’université Humboldt de Berlin1, ils font partie des « collections sensibles » (Lange 2011 ; 2016)2.

3Ces productions peuvent être envisagées dans des cadres d’analyse divers : le camp de prisonniers peut lui-même être un objet de recherche, les archives peuvent servir l’étude des dialectes « vivants » ou du répertoire national des chansons, elles peuvent contribuer à la comparaison des cultures française et allemande ou être révélatrices de la biographie de ces locuteurs. Dès la première année de guerre, des études auprès de prisonniers du front de l’Est ont été menées dans les camps de la monarchie austro-hongroise, sous la direction de l’anthropologue et ethnographe Rudolf Pöch, afin d’identifier et de décrire des « caractéristiques raciales » (Lange 2013).

4Initialement, les enregistrements sonores des détenus n’en constituaient qu’un sous-produit, mais ce rapport s’est très vite inversé car nombre de scientifiques allemands se sont intéressés à la variété des langues parlées par les prisonniers de guerre. Sous la direction de Carl Stumpf et avec la participation de scientifiques nombreux et renommés, tel l’angliciste Wilhelm Doegen, la Commission phonographique prussienne, instituée à la fin d’octobre 1915, a enregistré plus de 2 500 phonogrammes dans des camps allemands jusqu’à la fin de l’année 1918 pour documenter acoustiquement la musique et les langues de peuples divers3, les études anthropologiques n’étant alors qu’annexes. En février 1916, Carl Stumpf, professeur de psychologie à l’université Humboldt de Berlin et directeur de l’archive phonographique, a ainsi rédigé son rapport pour le ministère de la Culture :

« Les premiers enregistrements grammophoniques et phonographiques ont été effectués le 29 décembre 1915 auprès des prisonniers russes à Döberitz. Depuis lors, 50 disques grammophoniques et 48 cylindres phonographiques ont été enregistrés à Döberitz et à Dyrotz, principalement des enregistrements de Russes et de Français, et seulement de quelques Anglais. Selon l’évaluation de la plupart des spécialistes, ces résultats sont tout à fait satisfaisants et intéressants4 » [notre traduction].

5Dans les années qui suivirent, de 1916 à 1918, de nombreux enregistrements de locuteurs français furent réalisés dans d’autres camps allemands : à Chemnitz, à Parchim ou à Münster, ainsi que dans le camp des prisonniers civils à Ruhleben près de Berlin. Les scientifiques ont sélectionné les camps sur la base de listes fournies par le ministère de la Guerre et en fonction de demandes concernant les langues représentées auprès des commandements militaires.

6Malgré les difficultés, la campagne de collecte s’est avérée « fructueuse » : de la fin de 1915 à celle de 1918, les employés de la commission ont visité au total 31 camps de prisonniers de guerre allemands (Mahrenholz 2012 : 18) pour y mener des recherches linguistiques et musicologiques.

De la recherche autour des archives sonores

7Les enregistrements de la Commission phonographique n’ont pas été diffusés pendant la guerre, leur production est donc restée inconnue. En 1920, la collection fut divisée en deux lots : les cylindres phonographiques ont été transmis aux archives phonogrammiques (qui relèvent aujourd’hui du Musée ethnologique de Berlin), les disques, eux, sont passés à la Bibliothèque d’État de Berlin (Staatsbibliothek Berlin), puis, au début des années 1930, à l’université de Berlin où ils sont encore conservés au sein des archives sonores de l’université Humboldt à Berlin. C’est dans les années 1920 que les enregistrements ont été copiés sur des négatifs de cuivre : plusieurs des disques 78 tours ont été reproduits et les transcriptions ont été partiellement complétées. Entre 1928 et le milieu des années 1930, quelques-uns ont été publiés sous la forme d’un disque 78 tours assorti d’une brochure dans la série « Lautbibliothek (bibliothèque sonore) ». Certains des scientifiques impliqués dans le recueil des données durant la guerre ont participé au traitement de ces enregistrements, mais d’autres les ont rejoints.

8Ernst Gamillscheg, professeur de philologie romane à Vienne, puis à l’université Humboldt de Berlin à partir de 1925, fut dans le cadre de la Bibliothèque sonore le responsable des publications portant sur les langues et dialectes parlés en France. Le scientifique a retenu douze exemples pour la publication (Gamillscheg 1927a-f) parmi les nombreux enregistrements liés au français parlé en France, dans les colonies françaises ou dans l’espace francophone. La majorité des exemples retenus concernent les dialectes ou les langues parlés au nord de la France ou en Belgique comme le wallon ou le picard. Mais le philologue a aussi sélectionné deux exemples de langues créoles, à base française, parlées en Martinique et en Guadeloupe.

9La structure des articles publiés dans la Bibliothèque sonore est dans l’ensemble toujours la même : une introduction générale sur la collection est donnée par Wilhelm Doegen, puis Gamillscheg lui-même explique les modalités de la transcription et le recours aux critères choisis par Gilliéron-Edmont pour L’Atlas linguistique de France. Gamillscheg rend également compte de quelques contraintes propres à la transcription, le fait notamment que la technique d’enregistrement par phonographe empêche de percevoir la légère nasalisation des voyelles. Il avertit également le lecteur de la présence possible, dans certains cas, d’une correction de la transcription déjà existante. L’article donne, après la transcription en tant que telle, une traduction en français standard. La variation linguistique n’est donc documentée que pour peu d’enregistrements, et l’analyse des documents tout comme leur contextualisation, faisaient (et font encore aujourd’hui) défaut. On ignore si ce matériau a fait l’objet de travaux de recherche publiés par les scientifiques de l’époque, mais cette éventualité reste peu probable. Aujourd’hui ces archives orales inédites ne sont pas seulement intéressantes pour la linguistique historique et pour l’historiographie des sciences, elles sont, selon nous, tout aussi importantes pour la mémoire collective et le patrimoine culturel.

L’organisation scientifique des enregistrements en langues romanes

10L’organisation et le traitement linguistique des enregistrements pour les langues romanes se sont déroulés sous la responsabilité de deux dialectologues de Berlin : Heinrich Morf et Hermann Urtel.

11Morf, franco-romaniste, est tout d’abord professeur en Suisse avant de devenir en 1911 professeur à l’Institut des langues romanes de l’université de Berlin. Durant la Première Guerre mondiale, il devient responsable de l’enregistrement des voix des prisonniers de guerre français dans le cadre du projet d’enregistrement de Doegen, « Stimmen der Völker » (Bott 2010 : 357), et se familiarise avec la phonétique expérimentale qui se développe fortement à cette époque (ibid. : 369)5. Le nombre élevé de prisonniers de guerre français en Allemagne (environ un quart des internés) lui a permis d’enregistrer de nombreux dialectes et variétés provenant de diverses régions et colonies de France (Kaplan 2013 : 285). À sa mort en 1921, son élève Urtel se chargera alors des enregistrements français (Lommatzsch 1921)6.

12Urtel travaillait comme professeur de lycée, mais donnait également des cours à l’université Humboldt de Berlin. Il était membre du groupe de travail de Morf dans la Commission phonographique.

13Les enregistrements des langues et dialectes romans font aujourd’hui partie des sous-collections les plus importantes des archives sonores de Berlin. En ce qui concerne les langues de la France, de nombreuses variétés de français, mais aussi l’occitan, le franco-provençal et le basque ont été enregistrés dans les camps de prisonniers de guerre.

14Pour un enregistrement, différents types de textes sont produits : une fiche personnelle et un texte phonétique.

15La fiche personnelle fournit des informations liées à l’enregistrement : le lieu du camp de prisonniers de guerre, la date et l’heure de l’enregistrement, le lieu de l’enregistrement, le type de l’enregistrement – voix, chant, orchestre, etc. Elle comprend également des informations socio-biographiques : le nom du prisonnier, son prénom, sa date de naissance et son âge, son lieu de naissance, celui où il a passé les six premières années de sa vie, où il a vécu entre sa septième et sa quatorzième année, le type de formation scolaire reçu, le lieu de sa formation scolaire, l’origine géographique de son père et de sa mère, son appartenance ethnique, sa langue maternelle, le fait qu’il connaisse ou non d’autres langues, qu’il sache lire ou non et en quelles langues, qu’il sache écrire ou non et en quelles langues, sa profession, sa religion7.

16Le texte phonétique rassemble des informations sur l’enregistrement et sur le locuteur. On y trouve tout d’abord le numéro de l’enregistrement, le type de l’enregistrement, le nom du locuteur, du chanteur, ou du musicien, le nom de la langue ou du dialecte enregistré, le nom du transcripteur. Figure ensuite la retranscription phonétique de la production du locuteur8.

17Sur les fiches personnelles de chaque enregistrement d’un prisonnier de guerre est d’ordinaire notée la variété parlée du locuteur (par exemple « Delphinatisch», dauphinois). Dans certains cas, les indications s’avèrent imprécises : seule la langue du locuteur est mentionnée ou simplement sa ville d’origine. Ce type de spécification dialectale ou variationnelle représente un premier défi méthodologique dans l’analyse et l’attribution des documents de la collection. Il rend difficile la détermination du nombre exact de documents sonores pouvant effectivement être attribués aux différentes langues. Une telle distribution ne peut se faire sans un examen critique.

18On ignore aussi de qui provenait la mention de la langue ou du dialecte utilisé figurant sur la fiche du texte phonétique : est-ce le fait du scientifique, du transcripteur ou de Doegen lui-même ? Dans l’ensemble, les relevés notifiant la langue ou le dialecte du prisonnier suivent des principes différents dans le catalogue que nous avons examiné.

19Tout d’abord, nous ne trouvons pas seulement des enregistrements concernant le français ou l’occitan et leurs dialectes, voire des variétés diatopiques, mais aussi de nombreux enregistrements portant sur le basque et ses variétés parlées en France9. Pour l’occitan, nous avons de nombreuses spécifications quant à la dénomination de cette langue parlée, mais nous trouvons également un enregistrement sans aucune précision géographique ou dialectale. Il est intéressant de noter que la distinction entre l’occitan et le gascon est faite dans la description des enregistrements et que le corse est traité indépendamment. Le franco-provençal est enregistré sous deux formes : soit sans spécification dialectale, soit avec une circonscription dialectale assez fine comme « un locuteur de Lyon ». En outre, un bon nombre d’autres variétés diatopiques se trouvent dans les archives sonores. Elles englobent tout le territoire de la partie est et nord de la France : « Savoyardisch, Vogesisch, Auvergnatisch (Cantal), Burgundisch (Bressan), Lothringisch (Französisch) – Lothringisch (Deutsch), PikardischNördliches Pikardisch, Pikardisch ohne weitere Spezifizierung, WallonischBelgien ».

20Dans les archives se trouvent également des enregistrements caractérisés par la mention « français » général ou « français + l’indication précise de la région ». Cette annotation ne concerne pas seulement les variétés de l’Hexagone, mais aussi les Caraïbes : « Französisch, FranzösischKatalanisch (Frankreich), Französisch – Guadeloupe et Martinique, FranzösischLuxemburg ». La dernière catégorie rassemble des enregistrements dont la fiche du texte phonétique ne donnait que l’indication d’une ville. C’était le cas notamment pour Bordeaux et « Montpellier – Dialekt Frankreich10 ».

21Cette collection comporte également des documents enregistrés après la guerre, dans les années 1920, notamment des enregistrements en alsacien dans lesquels les locuteurs parlent de l’entrée des Français dans Mulhouse et dans Strasbourg.

22Quant à l’enregistrement vocal proprement dit, il faisait l’objet de toute une procédure.

23Le domaine principal de la recherche du romaniste Morf était la dialectologie, que l’on travaillait depuis les enquêtes de Charles Étienne Coquebert de Montbret au début du xixe siècle. Morf avait choisi un extrait du chapitre 15 de l’Évangile selon saint Luc, la parabole de l’enfant prodigue, comme texte de base de la comparaison dialectale (voir Ködel 2014a : notamment 341, 407)11 afin de développer le matériau déjà collecté dans d’autres contextes12 et de créer une nouvelle base d’études dans le domaine des langues romanes (Urtel 1925 : 340). La lecture ou la récitation de la parabole qui durait à peu près trois minutes se prêtait parfaitement à l’enregistrement d’un disque grammophonique. Quant à la transcription, les responsables utilisèrent pour tous les textes le système de la Société internationale de phonétique (Urtel 1917)13 comme standard de la transcription phonétique (voir Gamillscheg 1927a : 5).

24Le locuteur produisait d’abord une version écrite du texte à enregistrer ; il arrivait parfois que le prisonnier s’écarte de cette version écrite préétablie lors de l’enregistrement (ibid. : 6). En 1925, Urtel, décrivant le procédé concret de l’enregistrement dans sa publication, rappelait que ses collègues romanistes choisissaient des locuteurs et des chanteurs pour leur demander individuellement d’écrire des textes dans leur propre dialecte, ce qui représentait une performance cognitive et perceptive exceptionnelle :

« […] plus tard cette transcription servait de base à la récitation de l’œuvre en question devant l’enregistreur. Le spécialiste étudiait le texte avec l’élu, le transposait par écrit et y ajoutait un protocole transcrit précis14 » (Urtel 1917 : 339) [notre traduction].

25Sur le disque se trouvait en fin de compte une lecture – méticuleusement préparée – ou une récitation des textes – antérieurement transcrits ou non (Lange 2019b : 374), ce qui amène Friedrich Balke à qualifier cette procédure de verbalisation du « dispositif de l’enregistrement vocal » (Sprechaufzeichnungsdispositiv) (Balke 2009 : 70)15.

26Au début du siècle, la verbalisation du texte écrit s’inscrit dans une longue tradition propre à la recherche linguistique effectuée sur l’écrit, mais son utilisation résulte également des expériences de l’archive phonogrammique de Vienne (Phonogrammarchiv der Kaiserlichen Akademie der Wissenschaften in Wien), qui révèlent à quel point il était difficile d’écouter les disques et de transcrire les textes en langue étrangère sans texte de base (Lange 2019b : 374).

27Par conséquent, la réalisation préalable d’une version écrite garantissait à la commission phonographique l’utilisation scientifique de l’enregistrement par sa correspondance exacte avec la transcription. Le but poursuivi par la commission était même de faire trois transcriptions pour chaque enregistrement : une dans la langue du pays (ici le français), une transcription phonétique et, en fonction des possibilités, une traduction en allemand (ibid.).

28Dans la perspective linguistique, cette verbalisation préalable du texte dans une des variétés régionales doit être soulignée. Pour cette forme de verbalisation, les prisonniers de guerre ou les responsables linguistiques du projet ne pouvaient s’appuyer sur des modèles existants, car la plupart des variétés n’avaient pas de forme écrite « standardisée ». La perception et la transcription de la différence linguistique entre la norme standard du français et la variété respective représentent donc un résultat linguistique considérable.

29Les prisonniers ont lu ou bien récité un deuxième texte préétabli, par exemple un conte de fées, une chanson, une narration d’anecdote (comme dans le cas d’un prisonnier picard)16, un poème (par exemple Mon vieux violon)17, des chansons créoles18 ainsi que parfois des listes de mots. Il est très surprenant de trouver parmi les enregistrements des descriptions biographiques, telles que celle de Jean Beauseigneur19.

Deux exemples : Jean Indergand et Jean Beauseigneur

30Notre premier exemple est un enregistrement répertorié en tant que dialecte de Montpellier. Il a été réalisé le 6 mai 1916 dans la salle de lecture du camp de prisonniers de Göttingen20. Le prisonnier et locuteur est Jean Indergand. Il est né à Montpellier, comme ses parents21. Il a suivi l’école primaire et a travaillé jusqu’au début de la guerre comme droguiste. Il récite le texte Las peras – Les poires dont nous possédons, en plus de la transcription phonétique, la version écrite en français suivante :

« Les poires
Un curé de Pignan était un parfait gourmand ;
bien qu’il soit si gros qu’avec peine il pouvait marcher,
pour un poulet il aurait fait cent lieues de chemin,
il aurait dit cent pater pour un seul coup de vin.
Mais ce qui chez le curé dépassait tout le reste
que pour en avoir un peu il aurait donné sa tête
c’est qu’il aimait les poires, et dans tout le pays
il n’y avait qu’un poirier qui était à Jean Denis.
Et notre curé à propos d’une discussion
avait traité Denis de fou et d’imbécile.
Et il s’en mordait les doigts, car le flibustier
lui montrait de loin le si fameux poirier.
Pourtant un jour, las d’attendre, il dit à son clerc Théophile :
De tant m’inquiéter, mon ami, je vois que c’est inutile. »

31Comme la transcription phonétique, la transcription en français est malheureusement incomplète et ne correspond qu’à une minute d’enregistrement environ.

32Sur la fiche personnelle correspondant à l’enregistrement se trouve la catégorisation « languedocien », mais, dans une copie de la fiche personnelle manuscrite, cette catégorisation a été changée en « Provenzalisch » (provençal). Cet exemple illustre l’attribution non conforme du statut dialectal et d’une dénomination pour identifier l’origine linguistique des enregistrés. L’enregistrement du prisonnier Indergand comporte peu de renseignements socio-biographiques et ne comprend aucun témoignage personnel sur la guerre, ce qui n’est pas le cas du suivant.

33Le deuxième exemple est en effet bien différent. Il s’agit de l’enregistrement du prisonnier Jean Beauseigneur – classé comme locuteur du franco-provençal dans les archives –, qui donne dans son récit quelques détails de sa biographie ne figurant pas sur sa fiche personnelle22. Ainsi il raconte sa jeunesse : il est originaire des alentours de Belfort. Son père était berger (« mojoné de pourc23»), mais celui-ci est mort jeune, trop jeune pour que Beauseigneur ait pu reprendre le travail de son père. Il a donc travaillé dans divers emplois avant de devenir soldat, comme il le raconte. Au moment de l’enregistrement, dans le camp de prisonniers de Parchim à 100 kilomètres au nord de Berlin, il a 27 ans et il raconte « sa dernière journée » avant sa détention au front de l’Ouest. L’examen de la fiche personnelle de Beauseigneur révèle que deux personnes ont participé à la production de la documentation écrite : Wilhelm Doegen, comme commissaire de la mission, qui a écrit son propre nom à l’encre bleue avec des lettres penchées à droite et qui a rempli la fiche ; Hermann Urtel, en tant que spécialiste, qui, lui, a écrit à l’encre noire et qui a ajouté quelques détails sur la biographie de Beauseigneur, il a également donné son avis sur l’enregistrement en bas de la fiche : « Bien ».

34De façon tout à fait exceptionnelle, on retrouve sur la transcription du texte parlé à nouveau deux écritures manuscrites : la première étant sans doute celle du prisonnier lui‑même. Il se peut que Beauseigneur ait réalisé une version écrite en « patois » comme modèle à prononcer devant le gramophone et qu’Urtel ait ajouté quelques explications en français24.

35La transcription25 qui contenait donc deux versions peut être considérée comme une transcription hybride – hybride au niveau linguistique, mais également au niveau des acteurs scientifiques. Sur la base de l’enregistrement et des suppléments d’Urtel, on pourrait arriver à une version française qui se lirait de cette façon :

« Voici ma dernière journée avant d’être pris. J’étais avec ma section dans une tranchée de première ligne, pas très loin des Prussiens. En arrivant au sergent on prit les consignes et puis nous avons commencé à faire une tranchée un peu plus profonde. Cela allait très bien. Nous n’étions pas trop embêtés, à condition de ne pas nous montrer car nous étions sur un plateau. Donc la journée se passe bien. Quand il y avait la nuit les cuisiniers en apportant la soupe et en même temps des ordres pour le sergent. Il s’en va trouver le commandant mais pendant ce temps-là je me suis couché. Un moment après le voici qui revient avec l’ordre de changer de place. Sans dire un mot nous prenions les pièces et en avant ! Il faisait déjà nuit. La marche était difficile parce que nous ne connaissions pas le chemin. Cela fait que nous nous sommes perdus. Nous avons fait une pause, quand tout à coup une pluie de balles nous fait coucher, cela sifflait de tous les coins. Tout le monde était en colère car nous croyions que c’étaient les Français. Nous nous faisons reconnaître, quand on nous envoya des boules lumineuses. C’est dans ce moment-là qu’on a entendu causer allemand » [notre traduction]. 

36Beauseigneur souligne dans son récit que lui et ses camarades ont cru être capturés « par erreur » par d’autres Français et qu’ils ne s’en sont rendu compte qu’en entendant parler allemand. La langue signale ici l’ennemi.

37Le témoignage de Beauseigneur constituait un objet de connaissance scientifique pour les chercheurs romanistes, mais sur le plan linguistique exclusivement, et non sur celui du contenu. Dans la narration de Beauseigneur, la capture est décrite sous une forme qui nous semble familière, rappelant d’autres archives de la Grande Guerre, mais en même temps, elle reste singulière et personnelle. Pourtant, cette narration n’a pas été catégorisée comme source ou comme témoignage individuel (ego-document). Le locuteur, le prisonnier, n’appartenait pas, comme beaucoup d’autres soldats « ordinaires » d’ailleurs, au groupe de personnes interrogées par des journalistes, auxquels des historiens demandaient de raconter la guerre selon leur point de vue. L’origine sociale des locuteurs prisonniers et l’usage de la première personne dans quelques enregistrements peuvent être caractérisés comme singuliers par rapport à d’autres sources de la Première Guerre mondiale présentées dans les archives officielles.

38Dans la perspective du romaniste Urtel, l’enregistrement de Beauseigneur constitue l’exemple linguistique d’un « patois » parlé dans la région de Belfort et la production du prisonnier a donc été « exploitée » linguistiquement (voir Urtel 1925 : 347).

39Dans une perspective actuelle, il serait facile de faire de l’enregistrement de Beauseigneur, le témoignage individuel et autodéterminé d’un soldat ordinaire pendant la guerre. Mais la situation de prisonnier, et aussi celle de l’enregistrement, nous indiquent que sa propriété intellectuelle a été soumise à l’autorité militaire et scientifique. Cependant son texte parlé constitue un témoignage important. La narration décrit la capture comme un lieu de passage entre les mouvements troublés de la guerre et l’immobilité dans le camp – les deux étant la condition requise pour l’enregistrement.

40Les documents sonores de la Bibliothèque sonore, en transformant des prisonniers de guerre en objets ou sujets d’études, témoignent d’une volonté de recherche qui a débordé les limites d’une étude anthropologique et ethnique. Tout document produit sous de telles conditions doit être considéré comme objet d’une « collection sensible ».

41Les documents français, occitans, franco-provençaux, picards, créoles, etc., contenus dans ces archives sonores n’ont pas encore été exploités par les linguistes d’aujourd’hui. Un tel travail scientifique serait-il adéquat ou raisonnable ? Nous pensons que oui, mais à condition de ne jamais cacher, négliger ou oublier le contexte spécifique de leur production. Le travail scientifique qui exploiterait ces enregistrements sonores promettrait de révéler nombre d’informations sur les dialectes parlés pendant la Première Guerre mondiale et sur la relation entre la langue écrite, récitée et parlée. Ces enregistrements oraux sont également à traiter comme des souvenirs familiaux et participent du patrimoine culturel. Ils invitent à de multiples ré-appropriations.

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Morf Heinrich, 1977 [1887]. « Die Untersuchung lebender Mundarten und ihre Bedeutung für den akademischen Unterricht », in Christmann H. H. (dir.), Sprachwissenschaft des 19. Jahrhunderts, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, p 260-267.

Urtel Hermann, 1917. « Zum Iberischen in Südfrankreich », Sitzungsberichte der Königlich Preußischen Akademie der Wissenschaften, II, p. 530-554.

Urtel Hermann, 1925. « Romanische Völker », in Doegen W. (dir.), Unter fremden Völkern – Eine neue Völkerkunde, Berlin, Stollberg, p. 338-349.

Vautherin Auguste, 1896. Glossaire du patois de Châtenois avec vocables des autres localités du Territoire de Belfort et des environs, Belfort, Devillers.

Ziegler Susanne, 2006. Die Wachszylinder des Berliner Phonogramm-Archivs, Berlin, Ethnologisches Museum / Staatl. Museen zu Berlin.

Notes de bas de page

1Voir Lautarchiv der Humboldt-Universität zu Berlin, <http://www.lautarchiv.hu-berlin.de>.

2Cette terminologie se base sur le concept de culturally sensitive material (Lange 2011 : 17). Lange (2016 : 295) souligne à ce propos que « ce sont donc leurs histoires qui font de ces objets des collections sensibles. Ce n’est pas seulement la relation à ces objets, la manière de les présenter qui est aujourd’hui sensible, mais encore leur provenance, leur transfert, leur circulation, leur décontextualisation qui, finalement, les constituent en objets de collection ».

3Sur la Commission phonographique (Phonographische Kommission), voir par exemple Ziegler (2006 : 24s).

4Archives de l’université Humboldt de Berlin, documents de l’Institut für Lautforschung (IFL), protocole de la Commission phonographique du 20 février de 1916, casier 12, Carl Stumpf au Ministère de la Culture.

5Urtel a également effectué des enregistrements sonores avec des prisonniers de guerre italiens. Voir le volume d’Ignazio Macchiarella et Emilio Tamburini (2018).

6Voir pour la biographie d’Heinrich Morf le site en allemand <http://lexikon.romanischestudien.de/index.php?title=Morf,_Heinrich>, ou Macchiarella et Tamburini (2018 : 107-111).

7Archives sonores de l’université Humboldt à Berlin, PK 1132.

8Archives sonores de l’université Humboldt à Berlin, PK 179.

9« BaskischLabourdinisch ; Souletinisch, NiedernavarrischNiederbaskisch ».

10Dans la fiche personnelle correspondante du locuteur, en revanche, nous trouvons la spécification : Montpellier-Languedocien, archives sonores de l’université Humboldt à Berlin, PK 174, 175 – Paul Bousquet.

11Alois Brandl, responsable des enregistrements avec des prisonniers anglais, a également utilisé cette parabole dans ses recherches (Brandl 1925 : 366).

12Le lien avec les enregistrements réalisés en France avant la Première Guerre mondiale sous la direction du célèbre linguiste et historien des langues de l’université Paris-Sorbonne, Ferdinand Brunot, n’est toujours pas établi aujourd’hui. La méthode de transcription qui correspond dans les deux collections (Léonard 2017 : 88 ; Gamillscheg 1927a) pourrait en être une indication, sans être suffisante.

13Archives phonogrammiques du Musée ethnologique de Berlin, récit sur les travaux de la commission phonographique prussienne dans les camps de prisonniers (Romanisch-baskische Abteilung), le 20 février 1919, Hermann Urtel, feuille/folio 1

14Ibid., p. 339.

15Selon lui, dans cet ensemble d’appareils et de procédés « interagissent différentes procédures de restriction de ce qu’il est licite de dire avec des procédures qui choisissent et positionnent le locuteur » (Balke 2009 : 70) [notre traduction].

16Archives sonores de l’université Humboldt à Berlin, PK 179.

17Archives sonores de l’université Humboldt à Berlin, PK 191.

18Archives sonores de l’université Humboldt à Berlin, PK 743a et b.

19Archives sonores de l’université Humboldt à Berlin, PK 1132.

20Archives sonores de l’université Humboldt à Berlin, PK 182 ; Jean Indergand, enregistré le 6 mai de 1918 dans le camp de prisonniers à Göttingen, l’enregistrement, la fiche personnelle et la transcription.

21Montpellier : Malbot et Indergand, droguistes – source : 6 U 5/1-526 Tribunal de commerce de Montpellier. 1796-1944, source : <http://archives-pierresvives.herault.fr/archives/archives/fonds/FRAD034_6_U/view:all/page:24?pagination=50>.

22En ce qui concerne l’enregistrement de Jean Beauseigneur, voir aussi Britta Lange (2019a et b)

23Mojoné : « berger de génisses » et pourc : « porc ». Voir : Lexique francoprovençal – français, <http://notre.savoie.free.fr/fplex.htm>.

24. Archives sonores de l’université Humboldt à Berlin, PK 1132, deuxième partie, Jean Beauseigneur « Meine Gefangennahme / aus Châtenois », enregistré le 14 janvier de 1918 dans le camp de prisonniers à Parchim, l’enregistrement, la fiche personnelle et la transcription.

25La circonscription linguistique de cet enregistrement n’est pas facile à établir : originaire de Belfort, Beauseigneur parlait apparemment châtenois, un dialecte du franc-comtois. Dans le glossaire du châtenois de Vautherin (1896), il y a des formes attestées de l’enregistrement comme mai (adj. pos. « ma ») (ibid.: 252), louë (« loin ») (ibid.: 245), neu (« nuit ») (ibid.: 297), grigne (« colère intérieure ») (ibid.: 190), qant (« quant ») (ibid.: 363).

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