Suzette au concert Feydeau (1797) ou la vertu déconcertée
p. 403-425
Texte intégral
1Suzette est l’héroïne d’un roman de Joseph Fiévée paru en l’an VI (1798) et intitulé : La dot de Suzette. Histoire de Madame de Senneterre racontée par elle-même1. Son succès immédiat est connu. Il est attesté, notamment, par une adaptation à la scène lyrique survenue quatre mois seulement après sa sortie2. Cette gloire instantanée est traditionnellement expliquée par le contenu politique de l’ouvrage : par la voie du roman, Fiévée apostrophait la société des parvenus du Directoire et menait campagne en faveur d’une restauration de la monarchie sur la base de principes constitutionnels, opinion qui retrouvait un certain crédit après la chute de Robespierre. Au gré des rééditions, le roman, d’abord politique, a pris peu à peu valeur de témoignage historique, ce qui a valu à son auteur le titre de « témoin lucide de la lutte des classes sous la Révolution » lors d’une réédition en 19643.
2Or une cause moins insignifiante que le simple hasard de l’invention littéraire fait de ce texte une source pour l’histoire du public de concert sous la Révolution : une scène cruciale du roman, peut-être même la scène principale, se déroule au sein du théâtre Feydeau où se tenaient les concerts les plus cotés de l’élite directoriale en 1797. Cette source, qu’il faut manier avec discernement puisqu’il s’agit d’une fiction, est toutefois précieuse. Elle éclaire un versant de l’histoire du concert généralement obscur sur lequel s’établissent des connexions entre musique, société et idéologie.
3Situer les concerts Feydeau dans le contexte général de la vie musicale parisienne sous la Révolution impose des choix préliminaires. Cherchera-t-on à évaluer leur part quantitative dans l’ensemble des concerts en tout genre qui ont eu lieu sous la Révolution ? Elle paraîtra bien mince. La cinquantaine de séances données entre 1791 et 1800 est faible, comparée aux vingt-quatre proposées par le Concert spirituel pour la seule année 1789 ; elle est presque insignifiante en regard de l’étonnante activité du Cirque du Palais-Royal, pour lequel on dénombre le record de 190 concerts répartis sur deux saisons (1789-1791)4. Une recherche systématique montrerait que les lendemains de Thermidor ont été l’époque d’une nouvelle floraison et viendrait confirmer les observations de Jean Mongrédien5 et d’André Tissier6 qui ont mis au jour une vie de concert intense pendant la Révolution. Certaines affirmations apparues dans une historiographie qui débute juste après la Révolution doivent donc être sérieusement réestimées : formulée en 1811, la vision d’Alexandre Choron7 selon laquelle « à l’époque de la révolution, tous les concerts ont cessé » ne tient plus. L’hypothèse d’une transformation s’impose à l’historien avec de plus en plus de force face à celle d’une interruption.
4Si, tenant compte de cette réévaluation, l’on s’efforce de définir plus finement le rôle que le théâtre Feydeau a joué dans cette vie de concert, la vision de Choron retrouve une certaine crédibilité. Elle présente une vérité moins objective que celle des historiens, mais plus proche de l’idée même que les contemporains se sont faite du cours des choses. Car, si les premiers ont retrouvé les traces d’une vie de concert moins morose qu’on n’a voulu le dire dans le sillage de Choron, certains acteurs ont vécu les années noires de la Révolution comme une parenthèse. Les principales institutions de concert de l’Ancien Régime – Concert spirituel et Concert de la Loge olympique, pour ne citer que les plus prestigieuses – ont périclité dès 1790, signe que leur existence était fondée en grande partie sur les structures de l’Ancien Régime : le privilège pour le premier, l’aristocratie libérale d’obédience maçonnique pour le second. Et il n’est pas rare de lire dans la presse du début du XIXe siècle des évocations du théâtre Feydeau où les concerts donnés en ses murs sont érigés en symbole du retour des plaisirs et, plus particulièrement, de la renaissance du concert après Thermidor. Sur ce point, on peut compléter la remarque de Choron :
[...] mais au sortir du régime de la terreur, l’administration du théâtre Feydeau entreprit de donner [de nouveaux concerts]. Un plein succès couronna son zèle : jamais concerts n’ont égalé ceux-ci pour l’exécution et le choix des artistes dans la musique vocale tant qu’instrumentale. Ils furent l’époque de la gloire du célèbre Garat et de madame Barbier Walbonne8.
L’union de ces deux artistes rappelait tout ce que l’on avait entendu de plus parfait sous le règne de l’excellente troupe de Bouffons Italiens, que le 10 août 1792 avait dispersée. Le plaisir de se réunir après de si longs et de si terribles orages, y ramenait une société brillante qui en augmentait encore le charme. Le 18 fructidor an 5 vint encore y mettre un terme9. Après quelques moments d’agitation, les artistes qui composaient l’ancienne société Olympique se réunirent à la salle de la rue de Cléry, et y surpassèrent leur ancienne réputation ; mais cette association dura peu10. Toutes les entreprises faites depuis en ce genre n’ont point eu de succès durables, et les seuls concerts que l’on entende régulièrement à Paris, sont ceux du Conservatoire.
5C’est dans le champ de cette histoire subjective, produite par une élite qui n’a pas prétention à rendre compte de la totalité des lieux de sociabilité suscités par la musique, que la mésaventure de Suzette vient prendre place et livrer tout son sens. Sur les concerts Feydeau eux-mêmes, le roman de Joseph Fiévée ne nous apprend rien de très nouveau en regard de ce que nous trouvons par ailleurs dans les sources habituelles de l’histoire des concerts. Mais il attire notre attention sur deux dimensions qui seraient sans cela invisibles et qui touchent à la manière dont les contemporains ont vécu cette transformation : d’une part, les modes d’appropriation d’un répertoire par un public ; d’autre part, les connexions entre ces modes d’appropriation de la musique et les idéologies.
Les concerts Feydeau : concerts des élites
6Les concerts Feydeau ont connu un mode de fonctionnement qui est celui du concert public. Les programmes sont annoncés par voie de presse, le jour même ou, parfois, avec quelques jours d’avance. Certains débuts de saison sont marqués par l’annonce d’une périodicité, calquée sur le calendrier révolutionnaire (tous les dix jours), qui est ensuite plus ou moins observée. On est admis à la seule condition d’avoir acheté son billet vendu le jour même à l’entrée du théâtre, ce qui provoque parfois quelques difficultés dont la presse se fait l’écho :
Depuis trois décades, on donne, tous les nonidis, sur le théâtre de la rue Feydeau, un concert qui attire une si grande affluence, que, pour parvenir à se procurer des billets d’entrée, il faut se morfondre sous le portique pendant trois ou quatre heures au moins11.
7D’après certains placards exceptionnels, il est établi qu’au moins une partie des loges était louée ponctuellement pour chaque concert et, par conséquent, que les places les plus chères n’étaient pas forcément occupées par les abonnés du théâtre. Les concerts Feydeau ont donc bien été à la fois les plus réguliers entre 1794 et 1800 et les plus complètement publics dans le sens où l’accès n’était pas limité à des personnalités invitées ou à un cercle de connaisseurs.
8Pour autant, ils n’étaient pas accessibles au plus grand nombre. L’éventail des prix trahit en effet une orientation assez peu démocratique. Si l’on excepte la saison de l’an IV où ces prix n’ont plus aucun sens en raison de l’inflation galopante, ils sont les plus élevés dans cette décennie. En 1791-1792, c’est déjà une fourchette assez large qui est proposée, avec pour tarif le plus élevé six livres, équivalant à celui du Concert spirituel fermé l’année précédente. Dès l’automne de 1794, l’éventail a progressé considérablement. L’orchestre et le premier balcon sont accessibles pour dix livres, ce qui représente un tarif tout à fait nouveau dans le secteur du concert public. Les prix suivants sont de cinq, trois et deux livres, et il faut immédiatement préciser qu’aucun phénomène inflationniste ne vient justifier de tels tarifs pendant cette première saison où ils ne varieront pas d’octobre 1794 à avril 1795. Tout au long de la décennie, les concerts ont maintenu une échelle des prix qui les range dans la continuité des anciennes institutions privilégiées et qui les distingue au sommet de la pyramide. Le large éventail des tarifs situés dans une tranche élevée et l’impossibilité de faire évoluer le public vers un système de souscription laissent croire à une fréquentation par des auditeurs infidèles et imprévisibles, différents en cela d’abonnés exigeants. Le Courrier des spectacles nous conforte dans cette opinion, qui rapporte, inlassablement pendant l’hiver 1797, les impressions suivantes : « Ce spectacle est toujours très nombreux et très brillant » ; « Toujours grande affluence, toujours beaucoup de luxe à ce spectacle enchanteur ».
9Les concerts du théâtre peuvent se répartir en deux périodes : avant et après Thermidor. La première s’étend de Pâques 1791 à la fin de la Semaine sainte (avril) 1792, c’est-à-dire quelques mois avant la chute de la monarchie. Les concerts sont alors organisés en séries, le plus grand nombre des soirées étant concentré, comme pour le Concert spirituel, pendant la clôture pascale. La seconde période correspond à ce que l’historiographie, depuis Choron, appelle les « concerts Feydeau ». Il n’y en eut que trente-quatre, répartis sur trois saisons entre 1794 et 1800, saisons d’importance inégale en ce qui regarde le nombre de concerts12. En l’an ÜI, quelques mois après Thermidor (juillet 1794), quatorze concerts sont proposés entre le 28 octobre 1794 et le 8 avril 1795. Ils furent précédés de deux autres concerts dont nous ignorons les dates et les programmes, car il n’en a été fait aucune publicité dans les journaux13 : les concerts du théâtre Feydeau – théâtre connu pour ses sympathies monarchistes – ont débuté dans la discrétion avant de se montrer au grand jour à partir de la troisième soirée. En l’an IV, pendant la saison qui suit l’insurrection royaliste du 13 vendémiaire, le théâtre est entièrement réservé aux représentations et ne programme pas de concerts. Ceux-ci reprennent en l’an V : quatorze sont proposés entre le 29 novembre 1796 et le 8 mai 1797, la majeure partie étant concentrée sur les mois de janvier et février. Après le coup d’État de Fructidor qui inaugure le second Directoire, les concerts Feydeau sont de nouveau interrompus, cette fois pendant deux saisons. La dernière, celle de l’an VIII, est la plus courte. Suivant de quelques mois le coup d’État du 18 brumaire (8 novembre 1799), elle consiste en six concerts répartis sur trois mois, du 11 février au 11 avril 1800. On peut émettre l’hypothèse qu’elle est interrompue en raison d’un moindre succès. On observe cette année-là que la vie musicale parisienne est marquée par la concurrence du très prestigieux Concert de la rue de Cléry, à propos duquel des comptes rendus laissent croire qu’il s’agit d’une résurgence véritable de la Loge olympique – comme l’affirme Choron – et d’une reconstitution d’un public de connaisseurs, c’est-à-dire de mélomanes avertis et passionnés (six cents souscripteurs dès l’ouverture), différent, comme on va le voir, de celui des concerts Feydeau.
10Ces remarques conduisent à penser que les publics successifs des concerts Feydeau sont le reflet fidèle du renouvellement des élites pendant la Révolution. Le dossier de presse pour la décennie est une accumulation d’anecdotes et d’incidents qui fondent l’hypothèse de Michael Ε. McClellan selon laquelle les « concerts Feydeau ont constitué un champ culturel sur lequel des batailles politiques ont été menées14 ». Avant la proclamation de la République, leur public se recrute au sein de la bonne société aristocratique qui jouit en exclusivité des concerts italiens donnés par la troupe d’opera buffa du théâtre. Après Thermidor, ils sont le terrain d’élection de la jeunesse dorée, c’est-à-dire des plus virulents royalistes, chasseurs de Jacobins. Pendant l’an IV où il n’y eut aucun concert, les représentations dramatiques sont le théâtre de la fameuse « guerre des chansons ». Les partisans respectifs de la Marseillaise, entre autres hymnes républicains, et du Réveil du peuple, chanson contre-révolutionnaire, s’affrontent à coups d’acclamations et de sifflets, voire physiquement. Les affrontements idéologiques pendant la première saison de concerts, celle de l’an III, sont d’une telle intensité qu’ils donnent lieu à des prolongements dans d’autres théâtres où ils forment la trame d’ouvrages dramatiques aux titres éloquents : Le concert de la rue Feydeau ou la folie d’un jour, comédie en un acte de René Périn et Cammaille, créée à l’Ambigu-Comique le 3 février 1795 (Paris : s.l, an III) ; Le concert de la rue Feydeau ou l’agrément du jour, vaudeville d’Hector Chaussier et Martainville, créé au théâtre des Variétés le 19 février 1795 (Paris : Barba, an III)15.
11La notoriété de Feydeau et l’importance symbolique de son activité semblent bien avoir ébloui la mémoire des élites. Dans cette subjectivité de leur regard, la saison de l’an V, à laquelle l’article de Choron fait implicitement référence, a joué un rôle essentiel. Le roman de Fiévée est sans doute l’unique source susceptible d’éclairer ce versant symbolique dont McClellan a parfaitement résumé les enjeux :
Les deux séries du théâtre Feydeau, séparées par la guerre des chansons, reflétaient les transformations de la société parisienne qui se produisirent durant la Réaction thermidorienne et le premier Directoire. Ce qui avait débuté sous la forme d’une querelle d’opinion politique devint en 1797 un moyen d’affirmation du statut social.
12Notre hypothèse, après analyse du roman, est que cette démarche en l’an V n’était pas dénuée de signification idéologique.
Fiévée, Suzette et les parvenus
13En 1789, Joseph Fiévée fréquente les orléanistes et se situe politiquement dans l’entourage du parti constitutionnel qui condamne les excès tout en défendant la nécessité des réformes. Puis, en 1791, il rallie les Feuillants qui souhaitent le maintien de la monarchie dans un cadre constitutionnel. Pendant ces années, il est journaliste et auteur dramatique. Il écrit deux comédies pour le théâtre de Monsieur – appellation du théâtre Feydeau conservée jusqu’en 1791 – et un livret d’opéra anticlérical pour Henri-Montan Berton16. Après Thermidor, il est engage du côté royaliste et participe à l’insurrection du 13 vendémiaire an IV (5 octobre 1795), dont une conséquence indirecte est la suspension des concerts au théâtre Feydeau pendant l’an IV. Fiévée est actif encore dans la préparation des élections de mars 1797 (an V) qui sont un succès pour son parti (royaliste), celui des Clichyens. Le Directoire répond par un coup d’État le 4 septembre 1797 (18 fructidor an V) et Fiévée part en Champagne pour se faire oublier quelque temps de la capitale. Il commence alors la rédaction de Suzette, qui devra servir sa cause dans la préparation des élections de l’an VI, marquée par l’interdiction des journaux monarchistes.
14Ouvrage de propagande, Suzette est aussi la profession de foi d’un roturier conscient de son état, mais fidèle à la société d’ordres. De la même façon, l’héroïne est une orpheline élevée au sein d’une famille aristocratique de l’Ancien Régime où elle reçoit une éducation au-dessus de sa naissance. Une idylle se forme entre elle et l’héritier de la lignée, Adolphe de Senneterre, qui est rendue impossible par la différence de condition. Par respect pour la mère d’Adolphe, sa bienfaitrice, Suzette accepte le mariage avec un métayer des environs nommé Chenu. Ce dernier se révèle déjà un talentueux négociateur : il obtient la main de la jeune fille assortie d’une dot conséquente. La Révolution éclate. Elle plonge la famille de Senneterre dans une ruine complète, tandis que l’habile mari fait fructifier son pécule par la spéculation. Lorsque Madame de Senneterre frappe à la porte de Suzette après Thermidor, les rôles sont inversés. Suzette est une femme encore jeune et déjà fortunée. Son ancienne tutrice se présente à son domicile parisien, où le couple est établi sous le nom de Depréval, espérant qu’on voudra bien l’engager comme servante. Suzette retrouve le langage éloquent d’une vertu mise en sommeil dans l’accomplissement de son devoir. Le style direct à la première personne, dont Fiévée s’était d’abord servi en confiant le rôle du narrateur à Madame de Senneterre, passe à Suzette qui raconte sur le ton de la dénonciation son expérience vécue dans la fréquentation de la nouvelle élite parisienne.
15La scène du concert est à interpréter dans ce cadre où toutes les expressions, soigneusement pesées, appellent un commentaire circonstancié. Celui-ci peut, en outre, s’appuyer en toute confiance sur des données réelles, car la scène du concert Feydeau est clairement inspirée par un incident survenu au concert du 14 avril 1797, précédant de quelques mois la retraite de l’écrivain. Le récit de Suzette reprend littéralement les données d’une anecdote scandaleuse rapportée le lendemain même de cette soirée par le Courrier des spectacles :
Le concert Feydeau fut hier on ne peut pas plus brillant ; il y avait beaucoup de jolies femmes, vêtues avec le goût le plus élégant ; d’autres, mais ce n’était pas les plus jolies, pour se faire remarquer, avaient choisi le costume grec. Ces dames auront beau faire, l’habillement français sera toujours préféré. La salle fut longtemps à se remplir, la promenade de Longchamp retardant l’arrivée des dames des premières et secondes loges ; elles n’arrivèrent que sur les huit heures et attirèrent longtemps les regards17.
16La chronologie des événements vient confirmer l’hypothèse d’un lien direct entre cet incident et la situation mise en scène dans le roman. Entre ce 14 avril 1797 et le coup d’État de Fructidor (4 septembre 1797), qui donna l’impulsion créatrice à Joseph Fiévée, il n’y eut qu’un seul concert Feydeau, celui qui clôturait la saison (le 8 mai). L’imagination du romancier, si fidèle à la relation de cet incident par les journalistes, doit de toute évidence être réévaluée en tenant compte de cette concordance.
17Pour plier le témoignage aux nécessités de la narration et dans un souci d’efficacité critique, Fiévée façonne le récit de Suzette en synthétisant le rituel du concert, en lui donnant, si l’on peut dire, une forme stylisée. Les concerts sous la Révolution obéissent à un cérémonial qui s’est imposé au concert public dans les années 1780 et qui aura cours encore longtemps dans le XIXe siècle. La soirée est en deux parties séparées par un entracte. Chacune des parties s’organise immuablement de la manière suivante : une œuvre symphonique, le plus souvent une symphonie de Haydn, plus rarement une ouverture d’opéra ou une symphonie d’un contemporain, ouvre la soirée ; suivent, en alternance régulière, d’une part, des numéros vocaux, airs, duos, trios, et plus rarement des chœurs, et, d’autre part, des numéros concertants, concerto pour un instrument ou symphonie concertante. Les sonates pour un instrument sont rares à la fin du siècle, mais les concerts Feydeau en présentent quelques exemples où les femmes interprètes sont à l’honneur.
Suzette au concert Feydeau
18Suzette ne détaille pas une soirée complète par le menu. Elle choisit et pointe dans cet ensemble des éléments qui lui servent à construire une relation dont le ton général est celui de l’indignation. Les entorses à la réalité pour les besoins de la fiction consistent d’abord à ne rendre compte que d’une partie du concert, vraisemblablement la première. Le témoignage de Suzette porte essentiellement sur l’ouverture de la séance et sur les réactions suscitées par l’apparition attendue d’un chanteur. Une partie intéressante réside dans la description de moments de la soirée sur lesquels les sources habituelles (presse ou archives) sont le plus souvent muettes : le début de soirée, avant le concert, et les comportements du public entre les morceaux d’une même partie. Il est à noter que Suzette laisse le concert inachevé pour reprendre le cours d’une relation exaspérée qui concerne plus généralement les travers du nouveau Paris, comme si cette relation synthétique et lacunaire peignait suffisamment l’incongruité des mœurs nouvelles aux yeux des lecteurs présumés de l’an VI.
19Si l’on accorde foi à l’hypothèse d’un lien direct avec l’anecdote qui a inspiré le récit de Fiévée, il ne sera pas inutile de rappeler le programme du 14 avril auquel renvoient implicitement les observations de Suzette :
Auj. par extraordinaire, Concert. 1re Partie : Symphonie d’Haydn. Le cit. Frédéric Duvernoy exécutera un concerto de cor, de sa composition ; la cit. Walbonne-Barbier chantera un air de Sarti. Le cit. Garat, 1 air de Cherubini.
IIe Partie : Ouverture de Mozart. Walbonne-Barbier chantera un air de Vincenzo Martin. Le cit. Levasseur exécutera un concerto de vlc. Le citoyen Garat 1 air d’Alceste : Au nom des Dieux. Nota : sur l’invitation de plusieurs amateurs, le cit. Garat chantera le joli rondeau des Visitandines18.
20Les préparatifs de la scène du concert campent la situation et ses protagonistes. En 1797, Suzette est donc l’épouse d’un très riche parvenu de province fraîchement établi à Paris et cédant sans grande résistance aux travers d’une société qui n’aime rien tant que paraître et étaler ostensiblement les signes de sa réussite. Le romancier fait venir de loin la scène du concert. Suzette découvre son existence au cours de sa première soirée dans le monde, en même temps qu’elle prend conscience de l’impérieuse nécessité d’y paraître et d’y faire bonne figure qui pèse sur les convives.
« Madame va sans doute ce soir au concert du théâtre Feydeau », me dit [...] une femme [...].
Il fallait répondre à cette question ; c’était pour moi un très grand embarras. Je n’avais pas encore ouvert la bouche, et je craignais de dire une sottise, car je ne savais pas ce que c’était que le concert du théâtre de la rue Feydeau [...].
« Sans doute, madame viendra avec nous, répondit pour moi la maîtresse de la maison ; il faut bien qu’elle connaisse ce qu’il y a de plus délicieux à Paris. »
21Fiévée reformule ici une accusation de snobisme déjà mise en scène dans la comédie de Périn et Cammaille, Le concert de la rue Feydeau ou la folie d’un jour, à laquelle il a été fait allusion plus haut. Le concert Feydeau scande l’existence du beau monde, pour lequel il est une obligation. Sa régularité, calquée non plus sur le calendrier liturgique et les fêtes religieuses comme l’était le concert public sous l’Ancien Régime, mais sur la décade révolutionnaire, pèse de façon équivoque. Il est investi d’espérance, de désir, mais aussi de contraintes. Certes, aller au concert Feydeau et y occuper une place de choix ne dépend pas du rang social et de la naissance, comme à l’opéra, sous la monarchie, quand la répartition du public dans la salle était la mise en scène fidèle des stratifications sociales : le spectacle est désormais ouvert à tous ceux qui s’acquittent du billet d’entrée. Mais y apparaître impose de s’y montrer investi des signes d’une réussite éclatante. Périn et Cammaille dénonçaient cette forme de snobisme dans un dialogue entre Madame et Monsieur Dorval.
– Quel jour est-ce aujourd’hui ?
– Le neuf de la décade.
– Eh bien, justement. Vous ne devinez pas ?
– Oui, oui, j’y suis. Tu penses que c’est aujourd’hui que je touche les appointements de mon bureau ?
– C’est toujours quelque chose ; mais est-ce tout ?
– La rente constituée sur la tête de notre enfant est échue également.
– Ah ! Je n’y pensais pas. Tant mieux ; mais vous n’y êtes pas encore.
– Je dois payer aujourd’hui notre propriétaire, et acquitter [...].
– Oui, oui, c’est bon ; nous parlerons de cela une autre fois : nous avons quelque chose de plus pressé aujourd’hui.
– Oui, aujourd’hui, aujourd’hui le neuf.
– Je ne vois pas [...].
– Quelque chose de rare, magnifique, superbe, où le goût et la parure brillent de tout leur éclat, qui fait le bonheur, les délices de la société, l’existence de nos femmes du jour, et de nos jolis jeunes gens à la mode.
– Quelle folie !
– Comment ! Ce n’est pas aujourd’hui le concert de la rue Feydeau19.
22La charge de cette pièce anti-Feydeau consistait à révéler les immenses sacrifices consentis par le foyer Dorval pour que Madame paraisse au concert parée des plus riches atours. Et à lui opposer les devoirs de mère auxquels elle manque en risquant la rente du fils unique de la famille pour s’offrir l’attirail nécessaire.
– Vous m’avez accordé quelques attraits : un peu de jeunesse, et le goût de la parure peuvent, sans trop de vanité, me réserver une place parmi vos élégantes, et j’ai une envie de les imiter, de les surpasser même ! Il ne sera pas dit qu’elles attireront à elles seules tous les hommages : je veux par ma tournure, la fraîcheur de mes habits, fixer tous les yeux sur moi.
23Fiévée reprend la leçon à son compte et y ajoute une dimension supplémentaire : celle du transfert de valeurs d’Ancien Régime dans l’univers déboussolé des nouveaux riches. Protagoniste forcée des mondanités d’un nouveau genre, Suzette assiste à l’appropriation de rituels sociaux de l’ancienne noblesse – tel celui de la présentation auquel le roman fait référence – par une bourgeoisie affairiste dont les manières lui paraissent une usurpation. Le dîner est l’occasion de dresser leur portrait impitoyable. Les spectatrices du concert Feydeau dilapident la fortune de leurs maris dans les excentricités de la mode, elles s’entourent de jeunes muscadins rescapés de la Terreur, et l’apparence clinquante de la compagnie va de pair avec des comportements qui trahissent une ascension trop rapide, sans éducation : à table, elles ne mangent pas, elles « dévorent [...] à pleines mains » ; dans leurs conversations, elles « grasseyent », écorchent la langue par des expressions outrées ou employées mal à propos – « impayable », « admirable », « charmant » – et par des incorrections. Fiévée dévoile implicitement l’identité réelle de certains protagonistes : Madame Tallien, celle que l’on a surnommée « Madame de Thermidor » parce que son mariage avec le député montagnard du même nom l’a sauvée de la guillotine, est aisément reconnaissable à travers la description des toilettes féminines. Les « diamants qui seuls couvraient leur poitrine entièrement nue, et décoraient leurs bras découverts jusqu’aux épaules » coïncident avec d’autres sources dont se sont inspirés les frères Goncourt20. Suzette est ridiculisée au cours de la soirée parce qu’elle ignore les concerts Feydeau et parce que sa tenue n’est pas à la mode :
[...] quand je comparais ma toilette sur laquelle M. Chenu s’était extasié, les joyaux dont j’étais chargée, le lourd bonnet qui m’enterrait la figure, et que j’avais soigneusement rapporté de ma province ; quand je comparais tout cela aux robes légères et richement brodées de ces dames [...] je ne les trouvais pas jolies assurément ; mais un instinct secret m’avertissait qu’une de ces femmes, dans un cercle de ma province, eût paru aussi bizarre que je l’étais dans ce cercle d’élégantes, et il me suffisait d’en faire intérieurement la remarque pour être au supplice [...].
24La Τallien de Joseph Fiévée propose à Suzette de prendre sa revanche à l’occasion du prochain concert. Dans l’intervalle, elle l’entraîne à une promenade chez les boutiquiers à la mode du Palais-Royal pour l’achat circonstancié d’une dispendieuse tenue vestimentaire. Elle organise un second dîner, à la suite duquel elle emmène toute la compagnie au théâtre Feydeau où les Merveilleuses arrivent en retard21.
25Le spectacle qui se joue dans la salle est si important pour cette société que les éclairages et le déroulement de la soirée lui sont inféodés :
J’étais éblouie. Des bougies adroitement placées de distance en distance, donnaient un éclat singulier aux femmes dont les costumes à la fois bizarres et élégants, sans en offrir deux qui se ressemblassent, avaient tous cependant quelques rapports entre eux.
26Les Merveilleuses, vêtues à la grecque – c’est-à-dire nues sous la gaze et les seins nus –, arrivent en retard au concert et attirent ostensiblement les regards en faisant claquer leurs banquettes, troublant par leurs éclats de rire l’attention d’un auditoire recueilli pendant l’exécution rituelle de la symphonie ouvrant la soirée. On comprend grâce à la présence de Suzette, dont la confusion souligne leur inconvenance, que Fiévée met en scène la profanation d’une valeur entourant le répertoire symphonique des concerts d’amateurs au cours des années 1780.
Une symphonie excitait l’attention publique, et commandait le plus grand calme. Jugez de mon étonnement, quand je vis ces dames prendre plaisir à laisser tomber les banquettes avec un bruit effroyable ; le parterre criait silence ; tous les yeux étaient tournés de notre côté ; je ne savais comment me cacher [...].
27Les intentions de Joseph Fiévée sur ce point sont énigmatiques si l’on n’a pas à l’esprit la nature polymorphe de la popularité des symphonies de Haydn à la fin du siècle. On sait, en effet, que le propre de cet engouement général est de réunir dans une même ferveur les professionnels au goût exigeant et la foule des auditeurs au sein de laquelle subsiste une écoute plus ludique de la symphonie22. Comprise en relation avec cette unanimité, la stigmatisation des Merveilleuses n’aurait d’autre interprétation possible qu’une forme de dénonciation, assez générale, d’un comportement antisocial consistant à enfreindre la loi essentielle du silence, sorte d’étiquette du mélomane bourgeois dont on situe plus généralement l’émergence entre 1800 et 183023. L’unanimité dont les symphonies de Haydn ont joui auprès des publics parisiens ne paraît donc pas entrer dans le propos du romancier. Il nous semble que le message de Fiévée peut revêtir un sens plus précis si l’on veut bien relier la scène du concert à la ligne générale du roman. Fiévée s’adresse à une élite pour laquelle le concert, comme rituel social, a pour ancêtre prérévolutionnaire deux modèles : d’une part, le concert public, avec le Concert spirituel pour antécédent unique ; d’autre part, le concert à souscription, dont le plus prestigieux est incontestablement celui de la Société olympique. C’est au sein de ce dernier que les symphonies de Haydn ont acquis dans les années 1780 une aura singulière, propre à elles seules peut-être, qui les fait considérer comme le parangon du bel ouvrage, le point de perfection de la composition instrumentale, dans l’adoration duquel s’est développée une forme de sociabilité transcendant la différence de classe. Le fonctionnement de la Société olympique réunissait des souscripteurs d’obédience maçonnique qui s’abonnaient pour une saison. Ces participants, aristocrates plus ou moins libéraux, bourgeois, penseurs, ecclésiastiques, officiers royaux, hommes recrutés pour leur « mérite » et admis au rang de souscripteur par élection24, communiaient dans un amour désintéressé de la musique dont l’exigence en matière de goût se mesure à l’aune du répertoire de la Société et de la liste des musiciens admis avec le titre de « libres associés » : Méhul, Dalayrac, Philidor et – nous aurons à y revenir – Garat25. Sans exagérer outre mesure le caractère égalitaire et fraternel des séances musicales de la Société, on peut considérer que le mode de sociabilité auquel elle avait donné lieu, remarquable surtout par la fidélisation d’un public choisi, n’est pas éloigné en esprit des idéaux de la Constitution de 1791 dont Fiévée est un partisan déclaré et un propagateur zélé sous le Directoire. Que les symphonies de Haydn aient pu véhiculer cette dimension idéologique en l’an V est renforcé par l’acte de naissance des symphonies « Parisiennes », dû au mécénat de la Société olympique. A l’inverse du Concert spirituel qui dans les années 1780 programmait un répertoire symphonique édité à Paris et, plus rarement, des symphonies de compositeurs de passage (tel Mozart en 1778), les concerts à souscription pratiquaient la commande, et l’on peut inférer de cette différence que la pratique du mécénat à la création était une dimension qui les distinguait du concert public. Elle excluait totalement de son fonctionnement l’impératif de rentabilité qui pesait sur les concessionnaires du Concert spirituel. Le concert Feydeau – ses programmes en témoignent – n’a pas pratiqué la commande. Le profit, et plus exactement le profit maximal, était sa logique unique, comme nous le rappelle son entrepreneur, Sageret : « L’Opéra Feydeau, faute de répertoire, était perdu sans les concerts26. »
28La profanation de la symphonie de Haydn pourrait donc avoir une profonde portée idéologique pour le lecteur de l’an VI. Elle incrimine les mœurs d’une société bourgeoise qui tourne le dos à cette idéologie du juste milieu. Un tel comportement rend impossible le rapprochement d’une aristocratie certes légitimée par la naissance, mais réceptive à un ensemble de valeurs où il entre une part de reconnaissance pour le roturier – ici, l’artiste – qui, par son excellence, conquiert une noblesse du mérite et du caractère que Suzette rappelle au lecteur. Son indignation, le sentiment de honte qu’elle éprouve dans cette association involontaire à l’acte profanatoire souligne l’accusation portée par Fiévée à l’encontre de cette bourgeoisie de la haute banque, sans mérite et cependant toute-puissante, qui s’approprie des lettres de noblesse par la fortune.
29Suzette n’est pas au bout de sa consternation. Sitôt la symphonie achevée, le public agit comme si un véritable entracte commençait. Les hommes se lèvent immédiatement, sortent des loges, circulent dans les corridors et butinent les ragots. Un jeune homme surtout, nommé Alphonse, le portrait-robot du jeune muscadin, se distingue ; il est fils d’une « famille respectable » qui a « éprouvé tant de malheurs [...] ». Il entreprend Suzette, à qui il déclare promptement un amour absolu dès la deuxième réplique : « Ce ton léger auquel je n’étais pas accoutumée, et auquel je ne m’accoutumerai jamais, me blessa. » Passé les premiers échanges, il lui propose d’être son guide dans le spectacle mondain : « Un concert est comme une exposition de tableaux ; si l’on n’a pas le catalogue et la critique, on ne voit que des figures. »
30Parvenus, femmes de parvenus richement vêtues et émigrés ruinés composent cette scène où les noms de l’ancienne France cherchent des alliances avec les nouvelles fortunes. Alphonse passe en revue les femmes exposées en pleine lumière dans la partie la plus avancée des loges. Il connaît et décline sans pudeur leur vie intime et le destin tragique qu’elles ont enduré pendant la Terreur. Puis il se laisse entraîner par un groupe qui le questionne à voix haute sur l’identité de Suzette, laquelle s’entend résumer par Alphonse sans la moindre réserve :
– Avec qui êtes-vous donc là [...] ?
– Avec une nouvelle débarquée [...] dont le mari a fait aussi ses affaires dans la révolution : ces gens-là sortent de dessous terre. Elle est assez jolie, et ne manque pas d’esprit. Elle avait rapporté de son village une toilette et des préjugés gothiques ; elle a déjà quitté l’une, et, malgré sa pruderie, je gagerais qu’elle ne sera guère plus longtemps à se défaire des autres. Je vous conterai son histoire, c’est à mourir de rire.
Je suffoquais de honte et de dépit [...].
31Le concert redevient véritablement un théâtre dont le « spectacle principal [est] plutôt dans les loges », pour citer Suzette. C’est là, très certainement, le principal objet d’accusation de Fiévée. Certes, les mœurs du spectateur d’opéra au XVIIIe siècle n’incluaient pas cette forme de politesse du silence à laquelle il était fait allusion pour la symphonie ; mais en ce qui concerne le concert, le problème de l’attention est beaucoup moins clair. Le concert au théâtre était pratiqué sous l’Ancien Régime, mais occasionnellement. Il s’agissait en général de concerts « à bénéfice » programmés en l’honneur d’un artiste de passage ou par solidarité envers la veuve d’un musicien. Aux concerts Feydeau, les Parisiens faisaient une expérience toute nouvelle pour eux en 1797, celle des concerts en série donnés dans un théâtre. Leur régularité, leur fréquence inédite, mais aussi la topographie du théâtre, à l’italienne, favorisent une mondanité très active. Ces conditions réunies avaient donné entière satisfaction en l’an ÜI et, pour cette saison de l’an V, point culminant du frénétique besoin de paraître et d’étaler sa réussite sociale, l’entrepreneur en avait fait l’alpha et l’oméga d’une véritable stratégie commerciale. Le concert entrait sciemment dans les intentions de Sageret qui, connaissant bien cette société de parvenus pour en être issu lui-même, ne se contentait pas de réunir les meilleurs interprètes de la capitale :
Pour mettre en évidence ces artistes chers au public, et masquer en même temps la nullité de mon répertoire [celui de l’opéra Feydeau], j’annonçai ces concerts fameux où une double séduction s’introduit à-la-fois par les yeux et par les oreilles, où, grâce au charme d’une illumination brillante, la femme jeune et jolie vient entendre à condition qu’elle sera vue, et profite d’un spectacle enchanteur qu’elle décore en en jouissant27.
32Les mœurs dénoncées dessinent un portrait de mélomane distinct de celui des concerts d’Ancien Régime. Il est très loin de l’« amateur » de musique, tel que le décrivait Rousseau, « qui sans être musicien de profession », voire « sans exercer, s’y connaît, ou prétend s’y connaître, & fréquente les Concerts ». Les Incroyables et Merveilleuses du roman de Fiévée, elles, ne prétendent à rien. Elles vont à Feydeau pour voir et s’y faire voir, sans prêter aux musiciens cette forme d’attention sérieuse que l’on peut supposer à l’amateur.
33Un événement essentiel de la soirée impose cependant un silence instantané et ostentatoire : l’apparition du chanteur idolâtré. Bien que le roman le laisse dans l’anonymat, son identité ne fait aucun doute : il s’agit de Jean-Pierre Garat. Il est presque l’unique voix masculine à se faire entendre pendant tout l’an V et il est le seul homme chantant en solo28. Depuis Thermidor, il est présent dans presque tous les concerts Feydeau, où il tire le plus grand profit de son itinéraire antérieur. Apprécié de Marie-Antoinette et « libre associé » de la Société olympique dans les années 1780, il suit un parcours semi-public pendant les premières années de la Révolution. Il ne paraît jamais au théâtre et fait au contraire les délices des cercles d’émigrés à Rouen, où il se construit une notoriété de salon29. Emprisonné pour ses affinités avec les milieux de l’émigration, il effectue un retour triomphal à Paris dans les premiers concerts Feydeau de l’automne 1794, où il est au centre de séances de communion entre persécutés de la Terreur. Une romance autobiographique le promeut dans la carrière :
Sa voix touchante, langoureuse, attendrit, émeut ; et si l’on consultait tous les auditeurs, on en trouverait beaucoup qui ne viennent là que pour la romance. – Garat, sous le nom d’un troubadour, y dépeint ses inquiétudes, sa malheureuse situation pendant une détention de plusieurs mois ; détention qu’il ne méritait pas plus que mille autres. En effet, dit-il en vers naïfs, qu’avais-je fait toute ma vie ? rien que chanter : or,
« Aimer, chanter sa douce amie,
Ce ne sont là que crimes d’état30. »
34En l’an V, ses apparitions sont placées en fin de chaque partie (voir le programme du 14 avril). Il est le clou de toutes les soirées et son ascendant sur le public du Directoire est bien connu31. Son répertoire pendant les années de sa plus grande gloire (1794-1800) est un composé d’airs italiens, de romances et de morceaux choisis dans les opéras de Gluck. Ces derniers reflètent l’autre Gluck, différent du Gluck que les républicains ont utilisé dans les concerts en programmant des morceaux à connotation républicaine32 : Garat chante les airs sentimentaux ou en duo avec l’autre interprète favorite de l’an V, Madame Walbonne-Barbier33. La technique de chant de Garat lui vaut un poste de professeur au Conservatoire dès 1796, mais les contemporains ont retenu de son enseignement une forme exceptionnelle d’expressivité plutôt qu’un véritable bagage technique.
35La charge de Fiévée abonde dans le sens d’un succès reposant sur des considérations secondaires et sur une séduction proche de l’envoûtement. Son chant fascine, mais son attitude sur scène compte tout autant :
Un homme singulièrement vêtu parut sur le théâtre ; tandis qu’il s’avançait une main dans sa poche et tenant sa cravate de l’autre, chacun courut reprendre sa place. Le silence qui régna subitement me fit croire qu’il avait un talent prodigieux, ou qu’il était de bon ton de l’écouter.
36On voit où Fiévée veut en venir : Garat fascine, Garat envoûte, Garat est l’unique attrait musical de ces concerts pour les parvenus qui achètent ainsi une référence essentielle de l’aristocratie émigrée. D’ailleurs, les auditeurs ne prennent pas même intérêt à ce qu’il chante ; sa voix, ses attitudes, sa personne seules le rendent intéressant à leurs yeux, plutôt qu’à leurs oreilles, puisqu’ils ne prêtent pas attention à l’introduction instrumentale :
Pendant la ritournelle de l’air qu’il allait chanter, j’entendis la femme, placée dans la loge à côté de la mienne, dire à quelqu’un que je ne pus voir : – Ce jeune Alphonse est entièrement perdu (etc.).
37En dernière analyse, c’est la vénalité des entrepreneurs qui paraît être dans la ligne de mire du romancier. Elle faisait l’objet de commentaires acrimonieux de la part des journalistes34, et l’utilisation d’une forme précoce de vedettariat entourant la personnalité de Garat est la pièce essentielle du réquisitoire. Pendant la saison de l’an V, son exploitation à des fins commerciales est clairement assumée par Sageret :
L’artiste que Bordeaux vit naître, l’ami d’Apollon et des dames, l’émule du chantre du printemps, Garat, rendu enfin aux aimables Françaises et à ses amis, venait de quitter l’Espagne [automne 1797] et reparaissait à Paris. Sa réputation avait devancé son retour. Je le vis le lendemain de son arrivée ; je traitai sur le champ avec lui, parce que je voulais assurer le succès de mes concerts, et si le prix (1 500 francs par chaque concert) qu’il demanda et qu’il obtint a irrité quelques ennemis de sa gloire ou de mon entreprise, ils vont savoir aujourd’hui mon secret sur ce sacrifice pécuniaire que j’ai fait avec plaisir. La Comédie-Française envahissait tout35 ; l’Opéra Feydeau, faute de répertoire, était perdu sans les concerts, et point de concert alors sans Garat36.
38Si l’on en croit ce témoignage, les douze concerts de l’an V dont Garat était la principale attraction lui ont rapporté 18 000 francs. La somme est considérable : elle représente sept fois le salaire annuel d’un professeur de première classe au Conservatoire, à la même époque37. Fait nouveau dans l’univers musical parisien, un interprète chanteur fait carrière en restant à l’écart du théâtre. Sageret et le concert Feydeau, en avance sur leur temps, venaient d’inventer une forme de vedettariat spécifiquement attachée au concert.
39Fiévée ne fait pas plus de commentaires sur le chanteur. Il laisse aussi dans l’ombre une partie des concerts sur laquelle on aurait souhaité entendre son jugement. Il ne dit rien, en effet, de la partie concertante et des virtuoses des concerts Feydeau, dont beaucoup étaient d’anciens piliers de la Société olympique et déjà enseignants au Conservatoire. La charge générale vaut peut-être pour eux, dont certains, tel le violoniste Rode, ont tiré profit de l’opportunité ouverte par ces concerts en cédant sur cette part de « vertu » qui, à l’époque de la création du Conservatoire, entre par étymologie dans la considération qui entoure le virtuose38.
40Le récit du concert reste en suspens après la ritournelle de Garat, et Fiévée laisse à Suzette le soin de conclure : « Je vous laisse à penser, madame [...] combien je rougissais de la société dans laquelle je me trouvais, et combien j’étais étonnée de cet essai sur les mœurs de mon siècle. »
41Claude Duchet a parfaitement résumé la ligne du roman et démontré son inscription dans la préparation des élections de 1798 :
Exalter les valeurs morales de l’Ancien Régime, inviter discrètement la noblesse à faire litière de certains préjugés, déconsidérer la caste des fournisseurs et des trafiquants, mettre en lumière les vertus foncières de la France paysanne, prête à s’épanouir pour peu qu’elle soit éclairée et guidée par l’exemple et de bons principes, ne pas trop insister sur la question religieuse, inopportune, mais en revanche poser implicitement celle des émigrés, voilà l’essentiel de Suzette, concerté, affiné, romancé39.
42Avec le recul de l’histoire, les concerts Feydeau apparaissent comme un épiphénomène survenu dans des circonstances exceptionnelles et condamné à l’extinction avec la réorganisation de la vie sociale et musicale qui s’opère au tournant du siècle. Prétendre qu’ils ont préparé des modes d’appropriation de la musique semblables à ceux qui auront cours à partir de la Restauration n’aurait, pour cette raison, aucun sens. Les concerts de la rue de Cléry et du Conservatoire, seules institutions régulières et viables plusieurs saisons de suite, recrutent leur public dans une élite qui découle plus directement des publics de connaisseurs de l’Ancien Régime. Si les concerts Feydeau figurent en bonne place dans une histoire subjective, c’est plutôt en raison de leur fréquentation élitiste que pour les bouleversements qu’ils auraient apportés durablement à l’histoire des concerts. Au contraire, ils ont été une parenthèse sans lendemain. Il demeure que les mutations qui se sont opérées en leurs murs illustrent précocement le fractionnement de l’« amateur » en catégories plus restreintes : connaisseurs et dilettantes, dont les derniers sont en germe dans l’entourage des concerts Feydeau. La réaction de Fiévée, dans laquelle entre implicitement une prise en compte de la valeur symbolique des œuvres, montre, entre autres facteurs, que les esprits n’étaient pas tout à fait mûrs pour en accepter l’émergence et que le renouvellement des répertoires appartient en propre à l’histoire des publics et des institutions.
Annexe
Zusammenfassung/Abstract
Suzette im Feydeau-Konzert oder das Konzertpublikum während des Direktoriums aus der Sicht von Joseph Fiévée (1797)
Suzette ist die Heldin des im Jahre VI (1798) erschienenen Romans « La dot de Suzette » von Joseph Fiévée. Sein zentrales Anliegen war die Kritik an den Sitten der Elite des Direktoire. Eine wichtige Handlung des Romans spielt während eines Konzerts im Frühjahr des Jahres V (April 1797) im Theater Feydeau. Das Verhalten der direktorialen Emporkommlinge ruft die Entrüstung Suzettes hervor, einer Burgerlichen, die, im Respektfür die aristokratischen Prinzipien des Ancien Régime erzogen, dieAneignungdersozialen Rituale der überkommenen Aristokratie durch eine Finanzelite ohne Erziehung als Usurpation miterleben muss. Die Haydn-Symphonie wird entweiht, und die einzige Attraktion des Konzerts besteht im ersehnten Erscheinen von Jean-Pierre Garat, dem Starsänger, der die Faszination des Publikums erregt. Fiévée kritisierte die Verkehrung des Konzerts durch eine Form des Snobismus, die sich in affektiertem Auftreten und der ostentativen Herausstellung des sozialen Ranges niederschlagt. Die ideologische Zielsetzung des Romans ermöglicht es, die sich im Pariser Konzertrepertoire im ausgehenden 18. Jahrhundert ausprägenden Haltungen und Mentalitäten zu entschlüsseln. Gleichzeitig illustriert der Roman die zunehmende Fraktionierung des Musikliebhabers nach immer engeren Kategorien.
Suzette at the Feydeau Concert (1797) or Virtue Confounded
Suzette is the heroine of a novel by Joseph Fiévrée, which appeared in Year VI of the French Revolution (1798, Suzette’s Dowry) ; its essential argument is a denunciation of the mores displayed by the élite of the Directoire. In the novel, a crucial scene takes place at the Feydeau Theatre during a concert in the spring of Year V (April 1797). Suzette, a commoner brought up to respect the principles of the aristocracy of the Ancien Régime, has an indignant reaction to the behaviour of the new upstarts, when she witnesses the appropriation of the values of the former nobility by an uneducated financial élite. Haydn’s symphony is desecrated, and the concerts’ only attraction is the long-awaited appearance of the singer-star, Jean-Pierre Garat, who captivates the audience. Fiévrée’s aim is to denounce the misuse of the concert by a kind of snobbery based on an intense preoccupation with showing off and asserting one’s social rank. The ideological objective is to make it possible to decode the values of the elements in the standard repertory of Parisian concerts at the turn of the century and to illustrate one aspect of the division of concert-goers into more restricted categories.
Notes de bas de page
1 Paris, Maradan, an VI (rééd. 1990, Paris, Desjonquères). Sa parution est annoncée dans Le Journal typographique du Ier prairial an VI (20 mai 1798).
2 La dot de Suzette, opéra-comique de J. Dejaure et A. Boieldieu, représenté pour la première fois au théâtre Favart le 5 septembre 1798.
3 Voir la préface de l’édition de 1990 par Claude Duchet [note 1] : 9. La scène du concert est aux pages 109-115 de cette édition. Elle est au cœur du témoignage de Suzette sur les mœurs parisiennes pendant le Directoire : 93-116.
4 Le Cirque du Palais-Royal, comme lieu de concert, a été actif du 8 septembre 1789 au 18 septembre 1791. Le chiffre avancé est un total provisoire que nous avons établi à partir des annonces de presse. Il vaut ici comme ordre de grandeur à plus ou moins dix. Voir Taïeb, P. 1995, L’ouverture d’opéra-comique de 1781-1801. Contribution à l’histoire du goût musical en France à la fin du XVIIIe siècle. Thèse inédite de l’Université François Rabelais de Tours : 459-476.
5 Mongrédien, J. 1986, La musique en France des Lumières au romantisme 1789-1830. Paris, Flammarion.
6 Tissier, A. 1992, Les spectacles à Paris pendant la Révolution. Genève, Droz.
7 Choron, A.-E. 1810/1811, « Concert », in : Dictionnaire historique des musiciens. Paris : R1971.
8 Madame Walbonne-Barbier a fait sa première apparition au concert Feydeau au cours de la saison de l’an V ; autrement dit, le texte de Choron est le fruit de souvenirs, sans doute personnels, qui portent très précisément sur les concerts de cette saison.
9 Il s’agit du coup d’État antiroyaliste du 4 septembre 1797 qui, contrairement à ce qu’indique Choron, ne mit pas fin définitivement à ces concerts. Il en suspendit l’activité pendant deux saisons, puis une dernière série de six concerts eut lieu entre février et avril 1800, avec un moindre succès.
10 Jean Mongrédien situe l’ouverture du Concert de la rue de Cléry dans le courant de la saison 1798-1799 et son extinction en 1805 ; voir Mongrédien, J. 1986 [note 5] : 212-218.
11 Décade philosophique, 20 frimaire an ÜI (10 novembre 1794).
12 Ces chiffres sont le résultat de nos dépouillements de la presse contemporaine. Nous n’avons pas pu consulter la thèse récente de Michael Ε. McClellan, à laquelle nous renvoyons le lecteur qui voudrait disposer d’informations plus précises. McClellan, M.E. 1994, Battling over the Lyric Muse : Expressions of Revolution and Counterrevolution at the Théâtre Feydeau, 1789-1801. Ph. D. Diss., University of North Carolina at Chapel Hill.
13 La Décade philosophique y fait allusion dans le compte rendu déjà cité du 10 novembre 1794 [note 11].
14 McClellan, M.E. 1996, « Counterrevolution in Concert : Music and Political Dissent in Revolutionary France », The Musical Quarterly 80/1 : 31-57.
15 Pour une analyse approfondie de ces affrontements politiques aux concerts Feydeau, voir McClellan, M.E. 1996 [note 14]. L’auteur indique l’existence d’une troisième pièce par laquelle auraient commencé ces échanges croisés, signalée dans : Abert, M. 1902, Les théâtres des boulevards, 1789-1848. Paris, Société française d’imprimerie ; rééd. 1969, Genève, Slatkine : 150 sq. Contrairement aux deux autres, cette pièce est considérée comme perdue.
16 La maison à vendre (théâtre de Monsieur, 8 février 1789) ; Le badinage dangeureux (en collaboration avec Picard, théâtre de Monsieur, 27 novembre 1789) ; Les rigueurs du cloître (opéra-comique, 23 août 1790). Sur la carrière de Fiévée, voir Tulard, J. 1985, Joseph Fiévée. Conseiller secret de Napoléon. Paris, Fayard ; 11-25. Contrairement à ce qu’indique l’auteur, la partition intégrale de l’opéra-comique de Fiévée et Berton subsiste ; plusieurs exemplaires sont conservés au Département de la musique de la Bibliothèque nationale de France.
17 Courrier des spectacles, 26 germinal an V (15 avril 1797).
18 Ibid.. 25 germinal an V (14 avril 1797). Plusieurs compositeurs cités appartenaient au répertoire du théâtre de Monsieur avant 1792 : Giuseppe Sarti, Vincente Martin y Soler. Luigi Cherubini a écrit ses opéras français pour ce théâtre ainsi que des airs insérés dans les opéras italiens. Les visitandines est un opéra anticlérical extrêmement populaire de l’époque révolutionnaire (Picard et Devienne, 7 juillet 1792). Sur le répertoire du théâtre, voir Noiray, M. 1995, « Le répertoire d’opéra italien au théâtre de Monsieur et au théâtre Feydeau (janvier 1789-août 1792) », Revue de musicologie 81/2 : 259-275. C’est nous qui soulignons en gras les éléments du programme auxquels le roman fait allusion.
19 Le concert de la rue Feydeau, ou la folie d’un jour, Paris, Bibliothèque nationale de France : Yth 3861, scène 2.
20 Goncourt, E. et J. de. 1992 (1865), Histoire de la société française pendant le Directoire. Paris, rééd. Gallimard : 217-223.
21 On note que Suzette passe sans transition du dîner au concert. Cela est surprenant dans la mesure où, d’après le compte rendu du Courrier des spectacles, les extravagantes du 14 avril 1797 s’y rendaient au sortir de la promenade de Longchamp, que les parvenus se sont appropriée en singeant les habitudes de la noblesse déchue. Nous n’avons pas trouvé d’explication au silence du romancier sur ce détail.
22 Pour un panorama des différentes attentions suscitées par les symphonies de Haydn, voir le chapitre « In Search of Harmony’s Sentiments », in : Johnson, J.H. 1995, Listening in Paris. A Cultural History. Berkeley, Los Angeles et Londres, University of California Press : 206-212.
23 « The Social Roots of Silence », ibid. : 228-236. L’argumentaire de Fiévée invite à nuancer cette estimation.
24 Pour un profil sociologique de la Société olympique, on se reportera aux pages qui lui sont consacrées ibid. : 75 sq.
25 Thiéry, L.-V. 1780, Guide des amateurs et des étrangers voyageurs à Paris, 2 vol. Paris, Hardouin et Gattey : 278 sq., cité par Johnson, J.H. 1995 [note 22] : 75 sq.
26 Sageret, H.P. [o.J.], Mémoires et comptes relatifs à la réunion des artistes Français et à l’administration des trois théâtres, de la République, de l’Odéon et de Feydeau. Paris, s.d. [an VIII] : 14.
27 Ibid. : 4.
28 Cette remarque ne souffre qu’une exception : le premier concert de la série (daté du 29 novembre 1796), où le citoyen Richer chante un air de Sacchini. Garat, en voyage depuis quelques mois, n’était pas encore de retour à Paris. Son hégémonie débute avec le deuxième concert de la saison.
29 Pour la période rouennaise de Garat, voir Chastenay, Mme de. 1987 (1896), Mémoires (1771-1815,), introduction et notes de G. Chaussinand-Nogaret. Paris, Perrin ; et Favre, G. 1977, Boieldieu, sa vie, son œuvre. Genève, Slatkine.
30 Décade philosophique, 20 frimaire an III (10 novembre 1794).
31 Il est à l’origine, par exemple, de tics de langage tels que l’élision des r ou le zézaiement dans le parler des muscadins.
32 « Poursuivons jusqu’au trépas », Armide, acte I, chœur chanté, par exemple, pour la fête du 14 juillet 1794.
33 « Alceste au nom des Dieux », Alceste, acte III ; « Objet de mon amour », Orphée, acte I ; « Duo d’Armide » ; « Duo d’Iphigénie ».
34 Cela est établi par McClellan, M.E. 1996 [note 14] : 48.
35 La Comédie-Française, après sa fermeture ordonnée en septembre 1793 pour des raisons politiques, a trouvé refuge au théâtre Feydeau pendant quelques années.
36 Sageret, H.P. [o.J.] [note 26] : 14.
37 Le salaire annuel de Henri-Montan Berton lorsqu’il débute comme professeur d’harmonie et d’accompagnement en 1795 est de 2500 livres. Nous empruntons ce chiffre à Pierre, C. 1895, B. Sarrette et les origines du Conservatoire national de musique et de déclamation. Paris, Delalain : 133.
38 Voir Reynaud, C. 1995, « Une vertu contestée : l’idéal de virtuosité dans la formation des élèves des classes de piano au Conservatoire de musique (l’époque Cherubini) », in : Le Conservatoire de Paris. Regards sur une institution et son histoire. Paris, Association du bureau des étudiants du cnsmdp : 109-121.
39 Dans la préface de l’édition de 1990 [note 1] : 19.
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