Pluri-activité et stratégies paysannes d’abandon de l’agriculture : deux exemples1
p. 179-204
Texte intégral
1Les études rurales et paysannes prennent actuellement au Portugal une ampleur inconnue jusqu’ici. Cet essor a lieu au moment même où l’agriculture et la condition paysanne connaissent depuis deux ou trois décennies un déclin notoire dans la vie économique et sociale du pays (Cabral 1978, 1981). Rien de surprenant à cela : Teodor Shanin (1971) ne signalait-il pas, il y a plus de dix ans, la tendance générale des études paysannes à se développer alors même que les paysans disparaissent dans les pays les plus avancés ? Cela ne veut pas dire que l’agriculture n’ait pas fait l’objet de nombreux travaux auparavant. Depuis la fin du XVIIIe siècle, avec la diffusion de la pensée physiocratique au Portugal, elle a suscité une littérature copieuse, mais qui s’est caractérisée tout au long du XIXe et jusqu’à cette date récente, par un intérêt presque exclusif pour le développement de la production agricole, le plus souvent du point du vue de la croissance de l’économie marchande à l’échelle nationale, voire internationale (Cabral 1974).
2Toute cette littérature – à l’exception de quelques études de type ethnographique marquées par une tendance folkloriste d’inspiration romantique tardive, puis par les courants positivistes et nationalistes visant à idéaliser le monde rural par opposition aux « méfaits » de l’urbanisation et de l’industrialisation1 – tendait implicitement ou explicitement à refouler, sinon à dénier toute spécificité de l’économie paysanne et de la collectivité rurale. C’est ainsi qu’Albert Silbert (1960) constatait la faiblesse du « populisme agraire » au Portugal, à l’exception de l’œuvre de Basilio Teles (1902, 1904), sur laquelle il ne s’est d’ailleurs pas penché.
3Quand le poids de l’agriculture dans les stratégies de croissance économique s’est considérablement amenuisé, en raison de la diminution de la population agricole, on a commencé à s’interroger sur les modalités spécifiques de la pénétration capitaliste dans les campagnes, en prenant en compte pour la première fois les stratégies paysannes de survie et d’adaptation. On a constaté alors que celles-ci s’étaient souvent révélées en contradiction, voire en opposition avec la croissance économique globale du pays, introduisant des distorsions profondes par rapport aux modèles linéaires tant de l’économie classique que du marxisme (Freitas et al., 1976, notamment l’introduction).
4Cet article se propose d’attirer l’attention sur le fait qu’au Portugal, au moment où les stratégies nationales de développement économique cherchent à éliminer ou à réduire la dépendance alimentaire du pays (Rocha 1979), les stratégies paysannes semblent dans une large mesure refuser, en particulier par la multiplication des formes de pluri-activité, le rôle que les planificateurs et les décideurs entendent faire jouer à l’agriculture et mettre en échec les projets de maintien d’une paysannerie nombreuse. Tout se passe comme si ce qui était considéré par les villes comme une « crise de l’agriculture » correspondait dans les campagnes à des niveaux de prospérité, relative certes, mais encore inconnue il y a quinze ou vingt ans.
5Plusieurs facteurs se sont combinés au cours des dernières décennies pour aboutir, chez les paysans, à une double stratégie d’abandon au moins partiel de l’agriculture. Cette double stratégie est contraire au maintien d’une population agricole nombreuse et à l’approvisionnement du marché intérieur en produits alimentaires variés et bon marché, dans la mesure où la part la plus importante de la production agricole se concentre entre les mains d’une couche relativement réduite de paysans aisés, de plus en plus ouverts à la spécialisation dans les productions rentables, y compris les produits forestiers pour l’exportation (Cordovil 1979).
6Certes, ces processus ne se déroulent pas sans contradictions. Il suffit de rappeler la chute récente du prix du bétail due à la sécheresse prolongée de 1980-1981 et à l’augmentation du prix de la paille, du foin et des aliments industriels – enchaînement de causes et d’effets tout à fait dans la ligne de ce que rapportait Chayanov (1974 : 196-199) au début du siècle – pour mesurer l’ampleur des anciens mécanismes encore à l’œuvre dans l’agriculture portugaise2. C’est là un exemple frappant d’une situation où les comportements paysans des uns se combinent aux stratégies spéculatives des autres – maquignons, bouchers, marchands de paille et de foin, souvent eux-mêmes agriculteurs aisés – pour faire échec à l’augmentation de la production et à la baisse des prix à la consommation.
7Pour nous, la « variable indépendante » de tous ces processus, est l’émigration massive qui a repris à la fin des années 50. Il s’agit non seulement d’un exode rural et agricole souvent définitif, comme cela avait été le cas dans le passé, mais aussi et surtout d’un phénomène générateur depuis deux décennies d’une véritable réaction en chaîne qui a profondément et irréversiblement bouleversé les valeurs, les aspirations, les attitudes et les comportements des campagnes portugaises, tout particulièrement au nord du Tage où sont concentrés les terres les plus fertiles et les plus forts contingents d’agriculteurs.
8L’argent frais brusquement introduit en quantités massives par les mandats des émigrés – dont le montant dépasse le produit agricole brut – a simultanément développé les aspirations de la population rurale, des jeunes en particulier, et dévalorisé le travail agricole, plus symboliquement encore qu’économiquement. La scolarisation généralisée, liée à l’abandon des champs et à l’afflux d’argent frais, a renforcé à son tour les attitudes de refus à l’égard du travail agricole. Ceci a contribué à faire des inégalités et de la soumission traditionnelles des paysans – y compris des paysans aisés – autant de motivations supplémentaires à l’abandon, au moins partiel, du travail des champs, si bien que celui-ci incombe à une population de plus en plus âgée et « féminisée ».
9L’abandon matériel et culturel, tout comme la répression politique dans lesquels le régime de Salazar a maintenu les collectivités rurales expliquent que, sauf pour un petit nombre de notabilités locales liées au pouvoir central, les inégalités entre la ville et la campagne ont affecté toutes les couches rurales, en ce qui concerne notamment l’accès à des biens tels que l’éducation, la santé et les loisirs3. A partir du moment où ces biens sont apparus à l’horizon des aspirations paysannes, presque toute la collectivité rurale a rejeté sa condition et cherché à en sortir par l’exode, ou du moins l’abandon partiel de l’agriculture. Ces aspirations se combinent enfin avec le processus d’industrialisation et d’urbanisation des campagnes, entraînant un exode agricole partiel qui caractérise à l’heure actuelle toute la campagne littorale entre Braga et Sétubal, cette région étant avec le Sud touristique, la seule qui connaisse depuis vingt ans une certaine croissance démographique.
10Nous tenterons ici d’illustrer certains aspects des stratégies paysannes visant à améliorer la condition matérielle et sociale des familles rurales. Nous nous appuierons sur deux enquêtes menées, l’une par nos étudiants dans le nord-ouest du pays auprès des petits fermiers et métayers du district de Porto (Matos et al., 1980), l’autre par nous-même sur les foires et marchés du sud de l’Estrémadoure4. Il s’agit d’études encore fort incomplètes, mais dont nous souhaitons tirer des indications pour les recherches à venir.
LES MÉTAYERS DU NORD-OUEST : FERMIERS OU LOCATAIRES ?
11L’objet de l’enquête menée auprès des petits métayers du district de Porto ne concernait pas nos préoccupations actuelles. En réalité, celles-ci ont pris forme au cours d’une recherche sur les activités du Mouvement des agriculteurs et fermiers du Nord (marn) – mouvement à tendance gauchisante, très proche du Parti communiste portugais, créé au lendemain de la révolution du 25 avril 1974 afin, notamment, de veiller à l’application rigoureuse de la nouvelle loi relative aux baux et loyers ruraux, favorable aux petits fermiers et visant à l’extinction du métayage.
12Il est apparu très vite que si le marn ne revendiquait en 1979-1980 que quelque 2 130 membres pour cinq districts (équivalents des départements français) du nord du pays, le plus gros contingent d’adhérents était fourni par le district de Porto (82 %). Cela pouvait s’expliquer par la combinaison de deux types de facteurs : des facteurs structurels, le district de Porto étant celui où l’on observe le taux le plus fort d’exploitations en régime de fermage ou de métayage (39,1 % selon l’enquête agricole de 1968) et des facteurs conjoncturels liés à la façon dont l’organisation du marn s’était développée à partir de la ville de Porto, où était publié le mensuel du mouvement, A Terra. En effet, il existe une certaine corrélation entre les taux d’incidence du fermage et du métayage dans d’autres districts du Nord-Ouest (Braga, 25,8 % ; Aveiro, 18,5 %) et le nombre d’adhérents au marn (respectivement, 9,3 % et 5,6 %).
13Cependant, les choses se compliquent si l’on sait (toujours d’après les données fournies par le marn, tableau 1, que plus de 40 % des 1 750 adhérents du district de Porto proviennent des cinq cantons (concelhos) les plus urbanisés, sur les dix-sept que compte le district ; inversement on trouve une corrélation négative entre les cantons les plus agricoles et le faible nombre d’adhérents que le marn y a recrutés.
TABLEAU 1
Cantons | Associés du MARN (%) | Pop. Agricole en 1970 (%) | Exploitation affermées en 1968 |
Urbanisés : | |||
Vila Nova de Gaia | 13,7 | 4,8 | 43 |
Matosinhos | 9,8 | 7,0 | 49 |
Gondomar | 7,8 | 4,6 | 35 |
Maia | 6,0 | 7,2 | 35 |
Porto | 3,4 | 0,8 | 53 |
Ruraux : | |||
Baião | 2,1 | 57,2 | 57 |
Amarante | 3,5 | 42,9 | 59 |
Valongo | 3,2 | 39,0 | 31 |
Póvoa do Varzim | 0,5 | 38,3 | 58 |
Marco de Canavezes | 3,2 | 36,4 | 60 |
Sources : Recensement de la population, 1970 ; Enquête agricole, 1968 ; Fichiers du MARN.
14Seuls les cantons de Penafiel et Paredes font exception à cette règle paradoxale selon laquelle les cantons urbanisés – où le taux d’incidence du fermage est par ailleurs tendanciellement plus faible – sont ceux qui comptent le plus grand nombre d’adhérents à un mouvement de fermiers et métayers. En réalité, si l’on n’est pas en mesure, en l’état actuel de la recherche, d’« expliquer » par l’urbanisation et l’industrialisation le fort taux de terres affermées dans le district de Porto (ainsi que de Braga et d’Aveiro), du moins peut-on faire deux suppositions.
15La survie du régime de petit fermage et métayage est peut-être due à la proximité de la grande ville et à la possibilité d’y trouver un emploi, notamment un emploi salarié dans l’industrie, se combinant avec le travail agricole. En outre, la terre affermée à proximité de la ville offre un avantage qui prime sur l’accès direct aux denrées alimentaires ou le revenu d’appoint que procure la vente des produits agricoles, à savoir le coût relativement bas du logement par rapport aux loyers urbains. La survie du petit fermage et du métayage dans ces districts tiendrait donc, en partie du moins, à leur double effet positif sur les revenus des ouvriers-paysans de la ceinture urbaine de Porto et, sans doute aussi, des agglomérations anciennement ou récemment industrialisées des districts de Braga et d’Aveiro.
16On en a une preuve supplémentaire dans le fait que la plupart des conflits entre propriétaires et locataires – conflits qui constituent la raison la plus souvent invoquée par les adhérents du marn pour justifier leur adhésion au Mouvement – ont eu lieu dans les cantons voisins de la grande ville. Pourtant ces litiges, presque toujours déclenchés par les propriétaires, n’ont pas pour but de remplacer un fermier par un autre disposé à payer un loyer plus important. Il s’agit avant tout pour les propriétaires d’expulser le fermier actuel de façon à libérer la terre et à la rendre disponible, à court ou à moyen terme, pour la spéculation immobilière : dans la logique de la rente foncière, le terrain constructible a pris le pas sur le terrain agricole5. Joao Castro Caldas (1981) confirme a contrario cette interprétation dans une étude récente sur le canton très rural d’Arcos et Valdevez (district de Viana) : on n’y décèle aucune tendance à l’expulsion des locataires et ce malgré la baisse des fermages.
17Toutefois, pour en savoir davantage sur les fermiers et métayers du district de Porto, nous avons recueilli des données plus précises auprès d’une cinquantaine d’adhérents du marn au siège du Mouvement à Porto. En outre, nous avons établi une comparaison entre les adhérents du marn et une trentaine de fermiers et métayers de la région où le Mouvement n’était pas encore parvenu à s’implanter. Bien qu’il s’agisse d’un échantillon peu significatif, il apparaît clairement que les adhérents du marn sont en moyenne plus jeunes et plus scolarisés que les non-adhérents. Si l’écart entre les âges moyens est important – il est de plus de dix ans : les adhérents du marn ayant en moyenne 46,4 ans et les non-adhérents 59,5 ans – l’écart entre les niveaux de scolarisation est plus grand encore. Certes, au Portugal, âge et niveau de scolarisation sont fortement corrélés, puisque l’école ne s’est généralisée qu’après la Deuxième Guerre mondiale, mais alors que 14,5 % des adhérents du marn n’ont pas fréquenté l’école, ce pourcentage atteint presque 85 % pour les non-adhérents.
18On peut donc, sans trop s’avancer, conclure qu’on a affaire à deux groupes sociaux distincts et que, à l’origine de cette « distinction » – comme le dirait P. Bourdieu – se trouve sans doute l’accès différentiel au « capital scolaire ». Bien que nous n’ayons pas poursuivi ce type de recherche auprès des enquêtés, il est possible de formuler quelques hypothèses. D’une part, on décèle une variable pour ainsi dire indépendante, quelle que soit la situation initiale de chaque famille d’agriculteurs, qui résulte de la lente implantation de l’appareil scolaire dans les campagnes. D’autre part, et indépendamment des possibilités physiques d’accès à l’appareil scolaire, il n’est pas exclu que les paysans aisés aient gardé auprès d’eux leurs enfants pour les faire travailler à la terre, les privant ainsi de l’école, alors que les paysans insuffisamment pourvus en terre scolarisaient les leurs, précisément parce qu’ils n’avaient pas de quoi les occuper. Ce type de « renversement » a souvent été constaté dans les pays qui ont connu une importante émigration6.
19Le fait que le marn recrute ses adhérents parmi les métayers les plus jeunes et les plus instruits de la région tient peut-être aussi à ce que les travailleurs jeunes, instruits et habitant près de la grande ville, sont plus militants que les personnes âgées et démunies de toute culture scolaire. Enfin, un troisième indicateur corrobore l’idée qu’il s’agit de deux groupes socialement distincts, et non d’un même groupe social scindé en deux générations aux attitudes et aux comportements différents : alors que 46 % de l’ensemble de l’échantillon – adhérents et non-adhérents au marn confondus – déclarent avoir une occupation professionnelle principale en dehors de leurs exploitations agricoles (et pour la grande majorité d’entre eux, extérieure à l’agriculture), les pourcentages de double activité sont très différents selon qu’il s’agit ou non du groupe des adhérents au marn, 60 % pour les uns et 14 % pour les autres. Ainsi, non seulement les adhérents du marn sont plus jeunes et plus instruits que la plupart des petits fermiers et métayers de la région, mais en outre ils sont beaucoup moins liés à l’agriculture.
20Nous retrouvons là le paradoxe que nous signalions au début, selon lequel les adhérents du marn étaient plus nombreux dans les cantons urbanisés et industrialisés du district que dans les cantons ruraux proprement dits. Pour expliquer leur adhésion au marn, les fermiers et les métayers interrogés invoquent principalement l’aide judiciaire fournie par le Mouvement aux métayers menacés d’expulsion. Et l’un de ces métayers – quarante-quatre ans, six ans de scolarité, ouvrier de l’industrie laitière à Vila do Conde – en litige avec son propriétaire d’ajouter : « Depuis bien des années déjà, j’ai exercé plusieurs métiers à titre principal hors de l’agriculture. Mon activité agricole est un moyen d’avoir un logement bon marché et quelques denrées alimentaires essentielles. » Son comportement et son attitude, comme ceux de nombreux autres fermiers et métayers de l’échantillon, sont donc davantage ceux d’un locataire que d’un agriculteur. On a vu que 60 % des adhérents du marn – auxquels il conviendrait d’ajouter dans de nombreux cas d’autres membres de leurs groupes domestiques – exercent une activité principale hors de l’exploitation agricole. A telle enseigne que nombre d’entre eux ont déclaré avoir eu connaissance de l’existence du Mouvement par leur syndicat ouvrier. Mais un élément supplémentaire permet de mieux saisir les différences qui séparent le groupe social au sein duquel le marn tend à recruter ses adhérents de celui dont le profil nous est suggéré par les entretiens conduits auprès des fermiers et des métayers qui n’adhéraient par au marn et qui, pour la plupart, en ignoraient l’existence.
21J. Ferreira de Almeida et J. Madureira Pinto, dans une étude monographique menée dans une commune du canton de Penafiel reliée à la ville de Porto par le chemin de fer, montrent qu’on ne peut se limiter, lorsqu’on cherche à caractériser les groupes domestiques, c’est-à-dire « les familles de classe » (Bertaux 1977, notamment chap. 3 ; Almeida 1981), à la seule situation individuelle du « chef de famille », ou même à celle de chaque membre du groupe domestique. Ils ont ainsi constaté que selon qu’on prend en compte les situations individuelles ou celles des « familles de classe », on passe d’un peu plus de 20 % des actifs de la commune étudiée exerçant une double activité (agricole et non agricole) à près de 52 % des groupes domestiques de la même commune (Almeida et Pinto, 1980 : 150-167, notamment tableaux 14 et 15). Le pourcentage de groupes domestiques adhérents du marn et pratiquant la double activité s’élève donc non pas à 60 % mais à près de 80 %. Malgré la faiblesse de notre échantillon, on peut légitimement conclure que la majorité des adhérents du marn appartiennent à des groupes domestiques qui n’exercent plus d’activité agricole qu’à temps partiel, un simple potager servant à valoriser un logement bon marché et relativement proche du lieu de travail.
22Enfin, en ce qui concerne le petit groupe de fermiers et de métayers n’ayant pas adhéré au marn, s’il est vrai que quatre d’entre eux seulement exerçaient une activité principale en dehors des exploitations agricoles, en revanche le nombre des groupes domestiques en situation de double activité s’élevait à quatorze, soit à près de la moitié des familles de ce groupe, ce qui porte à 55 % de l’ensemble de l’échantillon (adhérents et non-adhérents du marn) les groupes domestiques en situation d’activité double, voire multiple. La similitude de ce taux avec celui trouvé par Almeida et Pinto est frappante.
23L’image qui se dégage du groupe des non-adhérents au marn et, sans doute, d’un grand nombre de petits fermiers et métayers du Nord-Ouest, est soit celle d’une couche d’agriculteurs âgés (soixante ans en moyenne pour les chefs d’exploitation) dont les exploitations ne survivent que grâce à l’apport d’argent gagné par les femmes et surtout par les enfants restés à la ferme, mais qui travaillent dans les usines alentour ; soit celle d’individus isolés ou de couples très âgés dont on peut penser que les exploitations ne seront pas reprises. On rejoint ainsi les conclusions de J.C. Caldas à propos des métayers d’Arcos :
« Il ne semble donc pas exagéré de conclure que, dans la plupart des cas, l’exploitation fonctionne comme appoint des pensions de vieillesse payées par l’État (et qui représenterait jusqu’à 30 % du revenu brut de l’exploitation), assurant ainsi la survie d’une population âgée de caseiros qui, sans autre possibilité d’emploi et sans les ressources ou le crédit qui leur permettrait de transformer le système de production, adaptent ce dernier aux conditions nouvelles. Ils réduisent la surface cultivée et orientent une parcelle vers le marché. Ils obtiennent ainsi les liquidités nécessaires à la viabilité de leur exploitation et peuvent alors payer la rente en nature grâce à laquelle sont assurés leur logement et une partie de leur subsistance alimentaire. » (Caldas 1981 : 216.)
24Cette situation a été qualifiée par certains auteurs de résiduelle, soulignant ainsi la faible contribution de telles exploitations au produit agricole, ainsi que leur manque d’avenir économique, voire leur condamnation à l’extinction démographique.
25Il nous paraît utile de préciser maintenant quelques définitions. La plupart des fermiers et des métayers affiliés au marn sont en réalité des salariés exerçant l’agriculture à temps partiel. Répondant pour la plupart à l’image classique de l’ouvrier-paysan (par exemple Barberis 1973), ils entrent parfaitement dans le cadre de l’inventaire cartographié que Carminda Cavaco a dressé de l’agriculture à temps partiel à l’échelle nationale. Cet inventaire fait en effet apparaître de très nettes taches noires – correspondant aux exploitations de moins de 20 ha dont les chefs avaient en 1968-1970 un emploi extérieur à la ferme – autour des implantations industrielles du Nord-Ouest, allant de Viana jusqu’à Aveiro en passant par Braga et Porto (Cavaco 1980, 1981a, 1981b).
26Nous ne sommes pas en mesure d’affirmer avec certitude que ces exploitations à temps partiel, prises en location, sont utilisées de façon nettement moins intensive que celles dont le chef de famille est employé à temps complet dans l’exploitation familiale. On peut penser cependant, que le nombre réduit d’aides-familiaux qui travaillent dans les exploitations à temps partiel, dû sans doute à l’allongement de la scolarité et à l’engagement des enfants dans les circuits postscolaires, constitue un indicateur de sous-utilisation du patrimoine foncier de la part de cette catégorie d’agriculteurs.
27Le sous-emploi des ressources agricoles se retrouve aussi dans les exploitations de la paysannerie semi-prolétarisée. Contrairement à l’image traditionnelle que l’on s’en fait et selon laquelle ces exploitations utiliseraient la totalité de leurs ressources humaines et matérielles, il semble que désormais l’âge avancé des agriculteurs se combine avec les revenus monétaires obtenus hors de l’agriculture (salaires des enfants, retraites, mandats des émigrés, intérêts de l’épargne) pour réduire l’intensité du travail. C’est en tout cas ce que suggère J.C. Caldas (1981) lorsqu’il signale l’apparition récente des jachères dans une région où elles avaient disparu depuis près de deux siècles.
28L’agriculture à temps partiel doit être distinguée de la semi-prolétarisation classique, de même que ces situations doivent l’être de l’agriculture résiduelle ; elles recouvrent en effet non seulement des stratégies différentes en ce qui concerne l’obtention des revenus, mais encore des conditions d’existence et des comportements sociaux de plus en plus diversifiés. Alors que l’agriculture à temps partiel correspond à une amélioration sensible des conditions de vie, voire à une promotion sociale, du moins en ce qui concerne l’accès aux biens et aux capitaux symboliques produits en ville et à l’école, la semi-prolétarisation traduit le déclin, du moins relatif, des revenus agricoles et la dévalorisation du travail des champs. Enfin, chacune de ces situations est marquée par un destin différent : le vieillissement des exploitants, le départ des jeunes et le célibat de beaucoup d’aides-familiaux en sont les indicateurs les plus fréquents chez les paysans résiduels et même certains groupes domestiques semi-prolétarisés.
29Un autre groupe d’étudiants du Séminaire de sociologie rurale de l’iscte ayant travaillé sous la direction d’Afonso de Barros, dans une tout autre région, a noté l’existence d’une ligne de partage entre les groupes domestiques à double activité, familiale et salariée, selon que le père est resté à la ferme ou qu’il exerce un emploi salarié hors de l’exploitation (Serrador et al. 1981). En effet, lorsqu’on parle de stratégies familiales et de destins de classe, on pense aux rôles distribués au sein du groupe domestique entre ascendants et descendants et, notamment, à l’avenir que les agriculteurs cherchent à assurer à leurs enfants, ainsi qu’aux aspirations de ceux-ci. Enfin, de ces stratégies dépend aussi l’avenir agricole du pays.
30Or, nos entretiens ont donné lieu à des réponses fort intéressantes qu’il faudrait pouvoir comparer à des réponses similaires recueillies dans d’autres régions afin de se faire une idée générale de la situation du pays en ce qui concerne les stratégies paysannes d’abandon, au moins partiel de l’agriculture. Sur les quelque 280 descendants des quatre-vingts fermiers et métayers interrogés, il y a très peu d’enfants en bas âge et nombreux sont les descendants adultes ayant déjà abandonné le foyer familial. Parmi ces derniers, à l’exception d’un petit nombre dont on ne connaît pas l’activité, 14 % seulement sont établis comme agriculteurs, ce qui témoigne du très faible degré de reproduction de la classe des fermiers et métayers du Nord-Ouest.
31Ce dernier résultat est confirmé par le fait que seuls 5,5 % des descendants présents au foyer familial sont classés comme aides-familiaux, alors que 22 % poursuivent leurs études. Il est vrai qu’ils sont nombreux à « aider » aux travaux de la ferme même lorsqu’ils ont déjà une occupation principale extérieure : c’est le cas de près de 40 % d’entre eux, dont plus de la moitié travaillent dans l’industrie et le restant dans le commerce, les transports, les services, etc. L’émigration est négligeable dans la région couverte par l’échantillon, puisqu’on ne compte que deux descendants émigrés sur 280. On a là une confirmation de la thèse d’Almeida et Pinto selon laquelle la proximité des implantations urbaines et industrielles fonctionne, en quelque sorte, comme solution de remplacement à l’émigration et à la migration elle-même.
32La situation des femmes – épouses et filles des agriculteurs – est plus confuse. Les premières travaillent rarement hors de l’exploitation ; bien qu’elles se présentent le plus souvent comme « ménagères », il s’avère que, sauf en cas de maladie explicitement mentionnée, elles aident toutes au travail de la ferme, confirmant par là les données de l’Enquête permanente sur l’emploi de l’Institut national de la statistique, données qui font apparaître le rôle crucial des épouses d’agriculteurs dans le maintien de l’activité agricole portugaise7. Présentées par la statistique comme des « ménagères avec activité partielle agricole non rémunérée », les épouses d’agriculteurs nous renvoient d’emblée au « mode de production paysan » selon l’expression de J. Tepicht (1971), qui se caractérise par la symbiose entre l’économie ménagère et celle de la ferme, entre ce que les anglo-saxons appellent household et landhold.
33Plus difficile encore à saisir est la situation des filles d’agriculteurs. Plus de 17 % d’entre elles se disent également « ménagères », mais on ne sait pas toujours si elles sont mariées et, le cas échéant, avec qui ou si elles sont restées célibataires, comme cela semble être traditionnellement le cas de nombre d’entre elles dans cette région. Quoi qu’il en soit, dans les groupes domestiques semi-prolétarisés notamment, la condition des filles célibataires paraît bien être celle de servantes de leurs parents et demain, peut-être, de leurs frères ou sœurs mariés. Cette situation archaïque, bien que résiduelle, semble néanmoins menacer au moins 5 à 10 % des filles d’agriculteurs de la population étudiée.
34En conclusion, tout donne à penser que, même en ajoutant au nombre des descendants des fermiers et des métayers qui ont poursuivi une activité agricole celui des filles d’agriculteurs qui ont épousé ou épouseront éventuellement des exploitants agricoles, ainsi que les aides familiaux susceptibles de succéder à leurs parents à la tête de l’exploitation familiale, 75 % au moins des descendants des fermiers et métayers actuels quitteront totalement ou partiellement l’agriculture, ce qui revient à dire que trois fermes sur quatre se verront abandonnées ou du moins sous-utilisées dans un avenir relativement proche.
35Il va sans dire que le statut précaire de l’exploitation en régime de fermage et surtout de métayage est pour beaucoup dans cet abandon, et que chez les agriculteurs-propriétaires le taux d’abandon sera sans doute moins fort. En revanche, le recul de la législation sur les baux et les loyers ruraux par rapport à la loi de 1975, en rétablissant le « contrat verbal » pour les exploitations de moins de 2 ha (la majorité dans la région) et en renonçant à l’abolition du métayage, n’est pas fait pour retenir les enfants désormais scolarisés d’une paysannerie qui s’accroche encore à la terre pour des raisons qui relèvent davantage des insuffisances du système national de protection sociale et de logement que d’un quelconque attachement symbolique au terroir.
36Enfin, quand on parle d’abandon, il ne s’agit pas d’une nouvelle forme d’abandon au sens classique du terme, mais d’un véritable « choix » stratégique compte tenu, naturellement, des possibilités objectives offertes à ces travailleurs. Car ce qui est à l’origine de ces processus, sous l’influence de l’urbanisation et de l’industrialisation combinées à l’émigration massive de la fin des années 50 jusqu’à la crise économique internationale à l’aube des années 70, ce n’est plus le poids insupportable de la rente foncière, ni le resserrement du ciseau des prix en amont et en aval de la production agricole, mais avant tout le double effet des aspirations toujours croissantes des familles rurales et des rémunérations structurellement faibles du travail agricole.
LES PAYSANS AISÉS DE L’OUEST : AGRICULTEURS OU MARCHANDS ?
37Nous avions déjà rencontré parmi les paysans du Nord-Ouest interrogés, plus d’une vingtaine d’individus actifs à la fois dans l’agriculture, le commerce et les transports : depuis les maquignons jusqu’aux vendeuses de denrées agricoles sur les marchés urbains et péri-urbains, en passant par les chauffeurs de petits camions familiaux, nombreux étaient ceux qui cherchaient à échapper à la condition paysanne pour ainsi dire « par le haut ». Le propre de la production paysanne est en effet, selon J. Tepicht (1971) d’en écarter à la fois les couches les plus aisées et les plus pauvres, les unes « par le haut », les autres « par le bas ». Ainsi se reconstituerait, de manière presque cyclique, le « noyau moyen » durable de la paysannerie par élimination totale ou partielle de la production directe aussi bien des groupes domestiques disposant d’un capital que des groupes prolétarisés.
38Dans le Nord-Ouest, c’était l’élimination « par le bas » qui prédominait, bien que les descendants des agriculteurs employés dans le tertiaire – du petit fonctionnaire à l’institutrice, en passant par l’employé de bureau – aient effectué une sorte de sortie « par le haut » : stratégie de la paysannerie moyenne qui commence par constituer un petit capital scolaire pour l’enfant, et finit par abandonner l’agriculture.
39En revanche, plus au sud, dans cette zone du pays qu’on nomme l’Ouest et qui touche déjà au grand marché de Lisbonne, nous nous sommes très souvent trouvés confrontés à des situations de sortie « par le haut » selon des stratégies qui passent par le maintien, voire l’intensification de l’exploitation familiale combinée à une activité non moins intense dans toutes sortes d’entreprises commerciales ou industrielles. L’exploitation en régime de faire-valoir direct est ici beaucoup plus fréquente que dans le Nord-Ouest, et il est frappant de constater que le maintien de l’exploitation familiale fonctionne souvent comme relais d’une activité commerciale des membres du groupe domestique.
40Si les analyses proposées plus haut au sujet du Nord-Ouest se fondaient sur une enquête partielle et des données statistiquement non significatives, l’analyse des agriculteurs-marchands de l’Ouest que nous allons tenter maintenant est fondée sur un travail d’observation semi-participante mené depuis 1980 dans les foires et marchés ruraux de la région de Lisbonne (dans un rayon d’environ 100 km autour de la capitale). Cette recherche s’inscrit dans un projet plus ample visant à étudier du point de vue empirique et théorique les rapports qu’entretient la paysannerie avec le marché.
41Nous avons privilégié l’observation systématique d’une foire de dimensions moyennes qui se tient le premier dimanche de chaque mois dans la commune d’Encarnaçao (3 400 habitants), située à environ 60 km de Lisbonne et 12 km des chefs-lieux des cantons de Mafra (près de 10 000 habitants) et de Torres Vedras (environ 20 000 habitants). Nous y avions déjà conduit un grand nombre d’entretiens qualitatifs auprès des forains et des acheteurs, notamment de la foire au bétail. Ce matériel a été rapproché d’un matériel similaire recueilli de façon moins systématique dans une dizaine d’autres foires de la région, notamment le gros marché hebdomadaire de Malveira, également dans le canton de Mafra, à environ 30 km de Lisbonne, marché qui fait fonction depuis longtemps de « bourse » des valeurs agricoles non réglementées par l’État pour le sud du pays.
42La foire d’Encarnaçao, qui remonte à la fin de la Première Guerre mondiale, doit son succès, remarquable eu égard à la petite taille de la commune, au fait qu’elle se tient le dimanche – ce qui pourtant semble lui avoir valu dans le passé l’opposition des autorités ecclésiastiques – et surtout à son implantation sur un petit plateau côtier, à la frontière entre les riches vignobles et vergers du canton de Torres et les cantons du pays saloio (Mafra, Sintra, Loures), sous-région tournée depuis fort longtemps vers le marché de Lisbonne, dont elle assurait jusqu’à cette date récente la consommation horticole et laitière (M. de Lourdes Pereira 1949 ; Alfreda Cruz 1973). Les paysans des cantons saloios accomplissaient traditionnellement de multiples activités de colportage et de services – les femmes en tant que lavandières – dans la grande ville. Le paysan et la paysanne de la région saloia, se déplaçant à dos d’âne et avec leurs baluchons, sont restés longtemps des figures typiques du folklore de Lisbonne et de ses alentours. Les foires et les fêtes du pays ont fait l’objet d’innombrables représentations littéraires et artistiques, parfois idéalisées et le plus souvent caricaturales8.
43Ce qui nous a le plus frappé dans les foires et marchés ruraux de la région, c’est la multiplicité des activités productives et commerciales auxquelles se livrent sans exception, bien qu’à des degré divers, tous les participants du marché. Il n’est pas rare de trouver combinées chez le même individu des activités salariales dans l’industrie, des activités agricoles de type familial et des activités commerciales notamment dans l’élevage. Il n’y a pour ainsi dire pas de barrières – structurelles ou fonctionnelles – entre chaque activité. C’est un peu comme si chacun faisait de tout, guidé essentiellement par une stratégie consistant à saisir des occasions offertes par l’échange de biens et de services, de façon à maximiser les avantages du marché et à minimiser ses effets négatifs.
44En revanche, on a constaté une séparation de plus en plus nette entre le producteur et le consommateur chez les habitants des communes rurales, y compris les agriculteurs. Séparation semblable à celle qu’a observée Bernard Royer (1978) sur les foires et marchés de Provence. A telle enseigne que la récente interdiction temporaire des foires au bétail pour des motifs sanitaires n’a porté aucun préjudice important aux activités des forains, les habitants des communes rurales continuant de se présenter comme à l’accoutumée sur le marché en tant qu’acheteurs de biens de consommation courante produits par l’industrie. La séparation de plus en plus nette, imposée ces dernières années par les autorités communales, entre les foires au bétail et les marchés forains atteste la dichotomie entre fonctions de production et de consommation au sein des groupes domestiques ruraux.
45On constate aussi, dans cette région, une tendance à la disparition de toute production artisanale ou villageoise sur le champ de foire. Cela est d’autant plus remarquable que la région de Mafra, notamment les lieux-dits de Sobreiro et Achada, reste célèbre pour ses potiers. Ces derniers ont aujourd’hui une vocation essentiellement « artistique » et il est plus fréquent de trouver leurs produits dans les marchés fréquentés par les citadins, voire par les touristes, que dans les foires de leur région. Tout au plus les artisans villageois – ferblantiers, forgerons, tonneliers, selliers, cordeliers, etc. – présentent-ils leurs produits en même temps que des produits manufacturés qu’ils se procurent auprès de l’industrie, au besoin par l’importation. Aussi le marché forain se présente-t-il désormais, selon les termes de B. Royer, comme le prolongement, adapté à l’isolement relatif des communes rurales, du réseau de distribution normal des produits industriels.
46En revanche, les fêtes villageoises, auxquelles nous faisons allusion dans la mesure où les pratiques symboliques tendent à codifier et à légitimer les changements intervenus dans les structures économiques et sociales, sont encore loin d’avoir subi le type d’évolution « folklorisante » signalée, par exemple, par Patrick Champagne (1979). S’il est vrai que, dans l’Ouest, ces fêtes ont tendance à se « moderniser », elles restent cependant, comme J. Ferreira de Almeida (1980) le signalait pour le Nord-Ouest, des événements essentiellement locaux, contrôlés par les ruraux pour leur propre bénéfice. A la grande fête religieuse de la commune d’Encarnaçao, qui se tient tous les dix-sept ans dans le cadre d’un cycle où interviennent seize autres communes, l’énorme investissement financier consenti (4 millions d’escudos obtenus en 1980 exclusivement dans la paroisse) et la modernisation des divertissements (chanteurs à la mode, groupes rock, etc.) n’enlèvent rien à l’émotion et à l’identification communautaire des cérémonies religieuses.
47Ainsi les fêtes villageoises ont-elles été pour nous une source d’informations en montrant, par exemple, que l’abandon de l’agriculture ainsi que l’industrialisation et l’urbanisation des campagnes ne s’accompagnaient pas nécessairement de la disparition des formes traditionnelles sous lesquelles se manifeste la cohésion sociale rurale. Nous avons pu l’observer de manière particulièrement frappante lors de la fête du Saint-Esprit à Penedo (canton de Sintra), village par ailleurs déjà voué à la consommation urbaine, ou encore à S. Joao das Lampas, également dans le canton de Sintra ; ce village a été étudié dans les années 60 par l’anthropologue américaine Joyce Riegelhaupt : avant la révolution du 25 avril, les autorités administratives et religieuses locales s’étaient entendues pour interdire aux villageois de célébrer leur fête annuelle et de tenir le marché mensuel ; or, depuis la révolution, la population a réussi à imposer ces deux institutions malgré l’apparition d’une grande usine métallurgique créée par un ancien artisan local.
48Enfin, l’observation des fêtes s’est aussi révélée fort utile dans la mesure où elle nous a permis de faire la part de la fonction économique et de la fonction socioculturelle des foires et marchés. Contrairement à ce que suggèrent de nombreux collaborateurs du numéro spécial des Etudes rurales consacré aux foires et marchés en France, (Chiva et al. 1980), au Portugal, du moins dans la région que nous avons étudiée, la séparation entre la foire et la fête est assez nette. Si les formes et les rituels de la sociabilité villageoise sont présents dans les mécanismes économiques du marché, il suffit d’observer une fête foraine comme celle qui se tient deux fois par an à Mercês (canton de Sintra) pour se convaincre de la séparation entre économie et loisirs dans la société rurale. La foire d’Encarnaçao est, de son côté, dénuée d’activités ludiques.
49Ayant surtout observé les activités des pépiniéristes, y compris les producteurs-vendeurs de ceps, et les transactions portant sur le bétail et les produits de basse-cour, nous avons constaté, en ce qui concerne les échanges liés à la production agricole, que, quel que soit le niveau de la circulation, bien évidemment limitée à l’enceinte des foires, il n’y a presque jamais coupure totale entre producteurs et marchands, les deux pôles du circuit n’étant que les moments d’une même échelle de spécialisation progressive. On ne peut séparer le marchand du producteur, ni ces derniers des activités salariales dans lesquelles ils sont souvent impliqués.
50L’activité des marchands proprement dits, dont le rattachement à la production et à la collectivité rurale reste fonctionnel pour l’exercice même de leur métier, est souvent intériorisée par les petits producteurs, en principe écartés du marché final, comme relevant d’un « don particulier », souvent un « don de famille », à saisir les occasions de vendre et d’acheter. C’est ainsi que nous avons pu voir un gros marchand de bétail, membre d’une grande famille villageoise de commerçants, bouchers et entrepreneurs en bâtiment, se présenter comme éleveur dans le minuscule concours agricole qui a remplacé la traditionnelle bénédiction du bétail à la fête de la Saint-Mamede à Janas (canton de Sintra).
51S’il est indiscutable que la division du travail au sein des différentes régions du pays et même au sein des villages se double d’une division sociale au niveau des revenus et des comportements, il n’en reste pas moins que la typologie des marchands ne présente pas de nettes solutions de continuité entre petits et gros maquignons, entre petits et gros pépiniéristes. Il s’agit plutôt d’une structure verticale – telle une pyramide corporative – que d’une structure horizontale segmentaire. La disponibilité des vendeurs et des acheteurs, des producteurs et des marchands à s’engager dans toute transaction quelle qu’elle soit offre, ou semble offrir à chaque participant toute la gamme des possibilités et égaliser les chances de chacun sur le marché.
52Il n’est pas rare en effet de voir des agriculteurs aisés, employant souvent des travailleurs salariés et exerçant régulièrement des activités marchandes – notamment en mettant en œuvre la division du travail au sein du groupe domestique – engagés dans des transactions minuscules qui n’amortissent même pas leurs frais de déplacement. Il n’est pas rare non plus de trouver à côté de ces véritables koulaks des gens au statut parfois bien modeste, comme les ouvriers agricoles qui, cumulant activité commerciale ou production pour le marché avec toutes sortes d’activités, effectuent des transactions pouvant représenter jusqu’à plusieurs fois le salaire minimum national.
53Enfin, sur les grandes foires comme celle de Malveira, des agriculteurs des régions éloignées viennent parfois vendre leur production et celle de leurs voisins, et retournent dans leur région avec des produits achetés sur place pour les revendre localement. Ces opérations volumineuses sont menées le plus souvent sans l’aide d’aucun salarié : « Ça ne rapporte que si on fait tout soi-même ! » Ici, c’est la possession d’un moyen de transport – et donc du certificat d’études (capital scolaire) autrefois indispensable à l’obtention du permis de conduire – qui fait toute la différence entre ceux qui ont accès au grand marché et ceux qui en sont écartés.
54Il faut aussi, on s’en doute, des relations personnelles pour pénétrer dans les réseaux du grand marché, mais celles-ci semblent recouper, même dans les foires distantes, les réseaux de la sociabilité villageoise. Si l’on attribue souvent aux maquignons une organisation interne oligopolistique de type quasi mafieux, les réseaux de connaissances n’en sont pas moins ouverts à tous ceux qui participent de la sociabilité villageoise. Donc, si d’un côté, le « ticket d’entrée » dans l’activité marchande n’est pas inaccessible, de l’autre on a vu plusieurs maquignons moyens, qui avait acheté à bas prix le bétail que les producteurs étaient pressés de vendre à cause de la sécheresse, se plaindre de se trouver face aux mêmes problèmes que les éleveurs dans la mesure où ils ne parvenaient pas à écouler rapidement leur marchandise.
55Les femmes – le fait a souvent été signalé par les sociétés archaïques – jouent un grand rôle dans les foires et marchés, surtout de petite envergure comme à Encarnaçao. Ainsi que nous l’avons noté pour la région du Nord-Ouest, il est fréquent que l’épouse et la fille de l’agriculteur soient chargées des activités marchandes au sein du groupe domestique : elles conduisent le petit camion ou la fourgonnette de la famille et se rendent aux grands marchés de la région pour y acheter des produits complémentaires à ceux de la production familiale pour vendre le tout. Les femmes jouent ici un tel rôle dans l’élevage que la stratégie économique familiale dépend souvent de la composition féminine du groupe domestique : c’est ainsi que le décès de l’épouse ou le mariage avec une citadine entraîne souvent l’abandon du lait au profit de la viande…
56Toutes ces observations conduisent à penser que les deux pôles de la production et du commerce, du moins au niveau du champ de foire, se rejoignent dans l’appartenance commune à la société villageoise, ce qui tend à estomper les clivages de classe. On a affaire à un univers marqué par une forte cohésion, fait de contiguïtés et de compromis beaucoup plus que de ruptures et de conflits. C’est à peine si, dans les petits marchés, on décèle des solutions de continuité entre producteurs qui sont toujours les premiers à saisir les chances offertes par le marché, et les marchands qui ne dédaignent jamais l’affaire en apparence la plus insignifiante.
57C’est pourquoi les protestations des petits producteurs à l’encontre du bas niveau des prix, protestations souvent reprises par les marchands eux-mêmes, visent essentiellement les prix fixés en dehors du marché local par l’État (comme le prix du lait) ou par la grande industrie (comme celui des aliments du bétail) plutôt que ceux à la formation desquels ils ont l’impression de participer.
58Mais si le sentiment d’être « exploité » transparaît parfois dans le discours de bien des producteurs, il n’en est pas moins vrai que le jeu en apparence libre de la foire est considéré comme préférable à l’absence de tout jeu. Si les paysans se font concurrence, c’est aussi le cas, dans une certaine mesure, des marchands acheteurs. La préférence pour le marché concurrentiel est apparue clairement lors de la fermeture temporaire des foires au bétail, certains éleveurs allant jusqu’à dire qu’il s’agissait d’un « coup monté » par les maquignons…
59Le prix de la viande étant soutenu par l’État, la foire permettrait donc au producteur de faire jouer à son avantage les aléas conjoncturels de l’offre et de la demande. Ce qui n’empêche pas les éleveurs de conserver des rapports plus ou moins privilégiés – de type patron-client – avec certains maquignons : c’est que la logique paysanne de la maximisation n’est pas purement conjoncturelle, mais doit aussi ménager l’avenir. Enfin les transactions entre producteurs voisins, que nous avons pu observer à Encarnaçao, mais qui sont rares, sont évitées précisément pour sauvegarder la transparence des rapports de voisinage. Aussi, la fonction du marchand se trouve-t-elle intériorisée et rationalisée par l’économie paysanne.
60Cela dit, il est un mécanisme global extérieur à l’économie paysanne qui pèse sur tous les calculs qu’on peut observer sur le champ de foire : c’est le marché du travail. Ce n’est pas tant la pénétration des rapports capitalistes dans les exploitations agricoles que l’absorption des groupes domestiques ruraux par le marché du travail non agricole qui a bouleversé, plutôt que détruit, les fondements de la rationalité économique paysanne. Autrement dit, c’est l’existence d’un marché du travail, c’est la valeur horaire du travail salarié qui conditionnent la formation des prix agricoles, notamment les prix du bétail, et déterminent l’orientation de l’exploitation familiale selon une gamme de possibilités qui va de l’orientation marchande, voire spéculative, à l’orientation purement résiduelle en passant par l’agriculture à temps partiel.
61Il s’agit là évidemment d’un calcul économique très imprécis, médiatisé par la valeur quasi nulle affectée aux loisirs ainsi qu’au travail des membres du groupe domestique sans débouché sur le marché du travail, mais on peut faire confiance à nos interlocuteurs pour refuser, toutes choses égales par ailleurs, une rémunération horaire trop inférieure au salaire minimum national. La fixation du prix minimum par l’État pour certains produits tels que le lait, facilite l’estimation de la valeur horaire du temps passé à la ferme. Nous avons même vu un éleveur se livrer à des calculs qui prenaient en compte les prix à la consommation en vue de vendre à l’abattoir des bêtes dont il se réserverait une partie, de manière à ne pas avoir à se fournir en viande au prix de boucherie…
62Les agriculteurs orientent leurs stratégies en fonction des conditions d’accès au marché du travail. Tendanciellement, ils abandonneront ou n’abandonneront pas l’activité agricole selon que le travail des champs leur procurera ou non une rémunération comparable à celle du secteur du marché du travail auquel ils ont accès, le secteur du bâtiment servant en quelque sorte d’étalon. Certes, les pressions actuelles que constituent le chômage et les compétences inadéquates des paysans les plus âgés sur le marché du travail font que beaucoup de groupes domestiques gardent une activité agricole plus importante qu’ils ne le feraient dans des circonstances plus favorables. Mais la tendance à s’engager dans des activités non agricoles plus rémunératrices est désormais irréversible : l’agriculture à temps partiel apparaît donc comme une solution de compromis durable – plutôt que comme une transition linéaire de la campagne à la ville – entre l’abandon définitif au profit des seuls revenus salariaux et l’exploitation familiale en tant que revenu exclusif.
63De même que la multiplicité des activités économiques déployées par les groupements familiaux – lesquels se composent presque toujours de deux générations actives mais résidant séparément – coexiste souvent avec la production agricole et l’élevage. Autrement dit, non seulement il serait erroné de penser ces processus en termes de transition d’un mode de production à un autre, mais beaucoup de mécanismes de l’économie paysanne restent à l’œuvre dans la région.
64En effet, la contiguïté même des stratégies menées sur le champ de foire par les différents groupes sociaux laisse à penser que si la majorité des paysans sont en train d’abandonner l’agriculture « par le bas », comme dans le Nord-Ouest, un nombre non négligeable d’entre eux se sont lancés dans des activités marchandes qui valorisent l’exploitation familiale tout en permettant d’investir une partie des gains commerciaux hors de la production agricole, ne serait-ce que dans l’éducation des enfants. Au moins en ce qui concerne les paysans aisés, la stratégie principale ne semble pas être celle de l’abandon même partiel de l’agriculture, mais l’engagement simultané dans des activités agricoles et des activités à l’amont ou à l’aval – parfois les deux – de l’agriculture : en somme, dans les activités dont ils escomptent des gains substantiels.
65Toutefois, si telle semble être la stratégie d’une couche aisée d’agriculteurs-marchands, on n’observe pas de solution de continuité entre cette stratégie et celles des paysans plus faiblement intégrés au marché, ou celles de ceux qui investissent leurs surplus agricoles dans des affaires extérieures à l’agriculture (cafés, épiceries, garages, etc.). Inversement, nous avons rencontré plus d’un cas de « retour à la terre », généralement induit par une alliance matrimoniale, en vue de pratiquer une agriculture spéculative, notamment de la part des retraités des villes et surtout d’artisans de métiers en déclin, sans débouché « artistique » ou « touristique », tels les selliers ou les forgerons.
66Contrairement à ce qui se passe pour les agriculteurs à temps partiel et les exploitations semi-prolétarisées du Nord-Ouest, où les jeunes ont tendance à quitter les fermes en masse, on assiste ici à la formation de véritables entreprises familiales, la jeune génération étant partie prenante d’une division du travail et d’une gestion des affaires toujours complexes. Ces tâches exigent un niveau de scolarité de plus en plus élevé, mais à la différence des paysans pauvres du Nord-Ouest qui s’empressent d’investir sur le marché du travail le moindre capital scolaire péniblement acquis, les jeunes de l’Ouest subordonnent leur capital scolaire à la reproduction du capital économique de l’entreprise familiale.
67Ici, le travail agricole n’est pas dévalorisé puisqu’il tend désormais à apparaître tant aux yeux des paysans aisés qu’à ceux de la communauté villageoise comme du travail qui contribue à l’expansion de l’entreprise familiale. Le succès de leurs voisins plus fortunés est souvent intériorisé par les petits agriculteurs comme le fruit du « travail acharné ». De fait, si l’on divisait le revenu familial par le nombre d’heures effectuées par tous ses membres, on découvrirait que la rémunération horaire individuelle des membres de bien des familles aisées n’est guère élevée.
68Il arrive par ailleurs que des rapports de type patronal finissent par s’instaurer au sein de certaines entreprises familiales. En effet, les avantages que présente le fait de se lancer dans les activités marchandes peuvent être tels, qu’il devient rentable d’embaucher de la main-d’œuvre salariée pour permettre à un ou plusieurs membres de la famille de se consacrer au commerce. C’est là un type embryonnaire de capitalisme marchand qu’illustre bien l’épisode de cette pépiniériste installée derrière son modeste étalage de plants d’oignons et qui, tout en montrant avec orgueil ses mains calleuses de travailleuse des champs, nous parlait de ses trois ouvrières employées à plein temps dans ses pépinières. Toutefois, il ne s’agit pas là d’un type transitionnel entre l’économie paysanne et le capitalisme agraire, car le recours au travail salarié n’est souvent qu’une phase temporaire précédant l’intensification de la mécanisation et le retour à la force de travail familiale, ou encore une phase conjoncturelle du cycle familial selon le modèle de Chayanov.
69Quoi qu’il en soit, c’est à la naissance et au renforcement d’une paysannerie franchement aisée que l’on assiste dans cette région, comme d’ailleurs dans d’autres régions côtières du pays, mais d’une paysannerie dont l’aisance économique et le prestige symbolique semblent ne pouvoir se maintenir et se reproduire que dans la mesure où elle se laisse, pour ainsi dire, éliminer de la production directe « par le haut ». Elle doit en effet consolider son statut au moyen de positions soit déjà acquises, soit à acquérir en amont et en aval de la production proprement dite, autrement dit dans les sphères des facteurs de production et de la circulation des produits. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les moyens utilisés n’excluent donc pas l’intégration verticale (par exemple, l’élevage sous contrat), le paysan aisé servant d’intermédiaire entre les très grosses entreprises de l’agri-business et les petits producteurs ou les consommateurs.
70Au point du vue social, on est en présence d’une bourgeoisie rurale de type relativement nouveau au Portugal. Son dynamisme n’est sans doute pas sans rapport avec les succès récents des forces de la droite libérale sur la scène politique du pays. La commune d’Encarnaçao en est un exemple frappant par la cohésion politique dont elle fait preuve, notamment au niveau local, autour de ces nouveaux notables et du parti social-démocrate, placé au centre-droite de la politique portugaise. Et ce à l’inverse, encore une fois, des ouvriers-paysans du Nord-Ouest, dont la lente évolution politique et idéologique de la droite vers la gauche, constatée au cours des dernières consultations électorales, est en fait d’autant plus remarquable qu’elle va à l’encontre de la tendance générale de l’électorat.
71Enfin, on peut se demander dans quelle mesure cette couche de paysans-marchands contribuera à la croissance de la production agricole et au développement économique du pays. Il semble évident, comme on l’a dit au début, que leur politique d’investissement dépendra avant tout des indications du marché, y compris le marché international. La tendance actuelle va donc à l’encontre de tout repliement sur soi de l’économie portugaise et de toute réduction du déficit alimentaire, auquel il ne pourrait être mis fin, à entendre ce qui se dit sur les champs de foire, que par le renforcement du protectionnisme et par la hausse des prix, notamment ceux des produits de l’élevage.
72Pour résumer, il semble au vu de ces deux enquêtes, que la conjonction des aspirations nouvelles de la population rurale et des rémunérations structurellement basses du travail agricole a joué comme une sorte d’accélérateur de la tendance spontanée de l’économie paysanne à éliminer de la production les couches les plus aisées et les couches les plus pauvres. Au cours de ces dernières années, surtout après l’arrêt de l’émigration et le retour de nombreux colons des anciens territoires d’outre-mer, ces processus se sont déroulés dans le cadre d’une urbanisation et d’une industrialisation croissantes des campagnes du littoral qui ont favorisé l’opposition de deux groupes sociaux de type relativement nouveau au Portugal : une couche importante de paysans aisés davantage tournés vers le commerce que vers la modernisation de leurs exploitations et une couche nombreuse d’ouvriers-paysans pour lesquels l’agriculture à temps partiel semble représenter une solution durable.
73La crise économique mondiale, qui impose notamment des limites à l’émigration et aux exportations portugaises, tend à contrarier la tendance à l’abandon du travail agricole. Malgré une très nette dévalorisation symbolique du travail des champs, l’exode rural et agricole s’est mué en abandon partiel. La pluri-activité nous apparaît donc moins comme une étape vers l’abandon de l’agriculture que comme l’orchestration autour de l’agriculture d’une multiplicité d’activités – productives et non productives – pour une population rurale dont chaque membre reste encore largement à la fois instigateur et instrument de stratégies d’accroissement du revenu global indivis de groupes domestiques paysans. Il s’agit, par certains côtés, d’une variante du modèle de Chayanov d’accroissement du revenu familial indivis aux dépens de la rémunération horaire de chaque membre du groupe domestique. Il va sans dire qu’une partie considérable de cette économie reste cachée aux yeux des statisticiens et des collecteurs d’impôts.
74Enfin, il ne semble pas faire de doute que l’épargne obtenue par ces gains indivis, comme par les mandats des émigrés, sera utilisée comme tremplin pour abandonner le travail agricole, sauf dans le cas où il s’avère indispensable au développement d’activités plus rémunératrices. Selon l’ampleur de cette épargne, la « sortie » s’effectuera par l’acquisition du capital scolaire le plus important possible, autrement dit par la prolongation de la formation professionnelle des enfants en vue d’emplois salariés dans les secteurs secondaire ou de préférence tertiaire, ou encore par l’accumulation d’un capital économique hors de la sphère de la production agricole proprement dite.
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10.3406/arss.1977.2560 :Vernier, Β. 1977. « Emigration et dérèglement du marché matrimonial », Actes de la recherche en sciences sociales, 15 : 31-58.
Notes de bas de page
1 Les travaux de Jorge Dias – et notamment ses deux monographies de village Vilarinho da Furna (1948) et Rio de Onor (1952) restent paradigmatiques des vertus et des limitations de l’ethnographie portugaise traditionnelle.
2 Nous nous baserons pour la définition de l’économie paysanne sur les travaux de Jerzy Tepicht et notamment son Marxisme et agriculture. Le cas du paysan polonais (1971) ; voir en particulier l’introduction.
3 Cette problématique a rarement été étudiée du temps du régime autoritaire, et pour cause ; l’exception la plus remarquable a été l’anthropologue américaine Joyce Riegelhaupt dans sa thèse non publiée « In the Shadow of the City » (1964) ; du même auteur, voir « Camponeses e politica no Portugal de Salazar », Análise Social, 1979.
4 Dans ma recherche ont collaboré aussi les jeunes sociologues J.P. Catarino Tavares, Madalena de Andrade et Luisa Schmidt ; j’ai également bénéficié de l’accompagnement sur le terrain et des remarques de mon collègue à l’iscte, l’anthropologue chilien, Raúl Iturra Redondo.
5 Cf. Matos et al. 1980 : 195 passim, notamment l’interview avec l’un des avocats du marn.
6 Plus que l’interprétation fonctionnaliste de Victor Pérez-Diaz (1978) nos observations sont à rapprocher des conclusions de Stanley Brandes (1978) ; un autre « renversement de valeurs » semblable à celui constaté par nous est celui qui ressort de l’article de Bernard Vernier, « Émigration et dérèglement du marché matrimonial » (Actes de la recherche, 1977).
7 F.C. Cordovil, communication orale au Séminaire de sociologie rurale de l’iscte.
8 Nous sommes redevables du travail de fin de séminaire de Ma Joao Figueiredo Forte, « Uma feira na região saloia », dactylogramme, iscte, 1981.
Notes de fin
1 Information sur les sciences sociales (26, 2, 1987 : 319-344).
Auteur
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