Chapitre 8
Un véritable carrefour national et international
p. 329-372
Texte intégral
1Le tout début des années 1980 est marqué en Europe par plusieurs événements politiques importants, dont l’élection de François Mitterrand, chef du Parti socialiste, à la présidence de la France et la création en Pologne du mouvement Solidarność. De tels événements bouleversent l’ordre politique français et européen tout en interpellant directement les chercheurs en sciences humaines et sociales qui multiplient les colloques, invitent des chercheurs de l’Europe de l’Est, mènent des enquêtes et interviennent dans les débats publics. Bref une période d’effervescence d’autant plus grande qu’entrent en scène de nouveaux mouvements sociaux : le féminisme, l’écologie.
2Le secteur des sciences humaines et sociales connaît au tournant des années 1980 une forte croissance : en 1984, on dénombre 1 800 chercheurs à temps plein en sciences sociales et humaines relevant du CNRS, auxquels s’ajoutent quelques centaines de chercheurs à l’ORSTOM, à l’INRA et à la FNSP. Dans l’enseignement universitaire, il y a alors plus de 14 000 enseignants-chercheurs. « C’est un potentiel humain qui est loin d’être négligeable », conclut-on lors d’une journée d’études sur les perspectives de la recherche en sciences sociales organisée par le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie avec le concours de la MSH1. Certes un grand potentiel, mais pourquoi ne parvient-il pas à donner son plein rendement ? Pendant la journée d’études, l’on identifie diverses causes : faiblesse des budgets consacrés à la recherche, sous-développement du secteur des bibliothèques, retard dans l’établissement de moyens rapides de communication, dispersion des chercheurs entre quelques centres concentrés à Paris et un grand nombre d’équipes trop petites surtout en province, diversité et disparité des disciplines, des méthodes, des « écoles » et des thématiques, insuffisante mobilité des chercheurs (institutionnelle, thématique et géographique), distance entre la recherche et les administrations, les entreprises et les médias2.
3Il ressort de cette journée d’études une volonté de briser le trop grand isolement des sciences humaines et sociales, de construire des ponts ou plus précisément d’établir des partenariats avec les administrations publiques et les entreprises privées et d’opérer plusieurs réformes de structures : décentralisation et régionalisation de la recherche, regroupement d’équipes et constitution de masses critiques, collaboration CNRS/universités, mise en place de nouvelles méthodes d’évaluation des produits de la recherche.
4Dans un tel contexte, la MSH est une exception et apparaît, aux yeux des chercheurs, comme un modèle. Son développement est, dans les années 1980, marqué par la multiplication des activités scientifiques, la professionnalisation des services, le démarrage du CID et la poursuite des grands programmes de collaboration internationale, notamment avec l’URSS et la Chine.
5Fernand Braudel est alors au faîte de sa gloire : une trentaine d’années après son premier grand ouvrage sur la Méditerranée, il publie en 1979 sa seconde œuvre importante, Civilisation matérielle, économie et capitalisme xve siècle – xviiie siècle, en 3 volumes. Enfin, son élection en 1984 à l’Académie française le consacre « pape de la nouvelle histoire » et l’année suivante, il est honoré par un grand colloque-séminaire public intitulé tout simplement « leçon d’histoire » et qui, organisé par le Centre culturel de Châteauvallon, est consacré à trois grands thèmes qui sous-tendent son œuvre : la Méditerranée, le capitalisme et la France. Braudel se lance enfin dans la rédaction d’une volumineuse histoire nationale, L’identité de la France, dont paraîtront seulement, à titre posthume, les trois premiers tomes.
Un service phare : la bibliothèque
6Localisation idéale dans le 6e arrondissement, nombreuses acquisitions d’ouvrages et abonnements de périodiques, présence de chercheurs à proximité, population croissante des étudiants inscrits à l’EHESS : tout concourt à faire de la bibliothèque le service phare de la MSH. On observe une augmentation de la fréquentation et des prêts, y compris les prêts interbibliothèques, et des photocopies d’articles pour répondre aux demandes. De 1 000 en 1975-1976, le nombre de détenteurs de cartes passe en 1982-1983 à plus de 1 680. Sans oublier les nombreux visiteurs qui y viennent pour une consultation ponctuelle.
7Que ce soit pour la lecture sur place ou le prêt, on remarque une grande diversité d’utilisateurs : le plus souvent des chercheurs (65 %) de diverses institutions (MSH, EHESS, CNRS, INSERM, INRA) et des doctorants (environ 25 %), dont certains viennent de l’étranger (principalement des États-Unis, d’Italie, du Canada, d’Allemagne et de Pologne), mais aussi des journalistes, des magistrats, des éditeurs, des psychanalystes, des médecins. Par ailleurs, bien que les demandes des lecteurs soient généralement interdisciplinaires, il y a des secteurs plus importants que les autres : si on exclut la documentation générale, ce sont, par ordre d’importance, d’abord la sociologie-psychologie sociale et l’histoire-archéologie, ensuite la linguistique-littérature, l’anthropologie, les sciences économiques et la psychologie-psychanalyse, enfin les sciences politiques, la philosophie et l’architecture-urbanisme3.
8Le fonds, qui réunit plus de 90 000 ouvrages et plus de 5 400 périodiques – dont près de 1 300 en abonnement –, ne cesse de croître d’année en année4. Un tel succès n’est pas sans poser des problèmes, qu’il s’agisse du stockage des livres et des revues, des espaces de lecture ou surtout du manque de personnel. Il faut donc prévoir une augmentation de la superficie des magasins avec leurs rayonnages compacts5.
9Fernand Braudel traduit bien le point de vue de la direction lorsqu’il déclare : « L’absence de postes nouveaux continue d’entraver le bon fonctionnement de la bibliothèque. » Quant aux crédits, ils sont nettement insuffisants eu égard à l’augmentation considérable du prix des livres et des abonnements6.
Documentation, information. Les premiers logiciels
10Du côté de la documentation générale, le service, toujours très actif, poursuit le dépouillement bibliographique en sciences sociales ; en 1982, il publie aussi un grand Catalogue collectif des périodiques intéressant les études américaines disponibles en France. Et en liaison avec le Centre d’études nord-américaines de l’EHESS, on constitue un groupe de travail composé de chercheurs et de bibliothécaires pour étudier les problèmes de documentation en histoire américaine et pour constituer un catalogue collectif des périodiques reçus dans les bibliothèques universitaires et de recherche en France. Enfin, dans divers domaines spécialisés, les activités se multiplient, par exemple dans celui de l’autogestion, qu’il s’agisse de l’acquisition d’ouvrages pour le fonds sur l’autogestion et la participation dont est responsable Jacqueline Pluet ou encore de l’organisation de colloques : en octobre 1982, le premier forum sur l’autogestion et en octobre de l’année suivante, un colloque sur « L’expérience de la cogestion en Allemagne fédérale et les nouveaux dispositifs d’expression et de participation dans les entreprises en France » (Pluet 1984).
11Mais s’il y a une activité qui mobilise toujours les documentalistes de la MSH, c’est la réalisation de grandes bibliographies anglais-français en sciences sociales (sociologie, économie, sciences politiques) et aussi de thesaurus, que ce soit sur la formation professionnelle, l’enseignement des langues ou le multilinguisme, voire d’un Macrothesaurus, pour les communautés européennes ou les Nations unies. Jean Viet est le maître d’œuvre de ces grandes entreprises, le plus souvent réalisées en collaboration avec des documentalistes étrangers (anglais, allemands, espagnols). Se fait donc à la MSH, comme il le dit lui-même, un véritable travail de « construction et de gestion des thesaurus » (Viet 1983 : 31-38).
12C’est, dira-t-on, l’époque des premiers systèmes intégrés de gestion de l’information, ce qui est fortement consommateur en ressources informatiques et nécessite des ordinateurs relativement puissants (Chaumier 2005 : 135-137).
13Laboratoire CNRS, le LISH a deux unités, l’une à Marseille et l’autre à Paris, au 54 boulevard Raspail, où l’on a installé un équipement comprenant un terminal en libre-service, deux lecteurs de cartes, deux imprimantes, des consoles de visualisation et du matériel mécanographique. En plus de développer son propre programme de recherches, ce laboratoire offre divers services : aide scientifique et technique pour la réalisation d’applications informatiques, formation et enseignement, animation et organisation de réunions (par exemple sur l’analyse et le traitement de textes). Pour la méthodologie de l’analyse des données en sociologie, Philippe Cibois est la personne-ressource7.
14En 1983-1984, le service de micro-informatique du LISH met au point en collaboration avec la MSH un logiciel de traitement de textes, avec traitement des notes, bibliographie et index automatique, élabore un prototype de système télématique en collaboration avec Techniform International Informatique et réalise un logiciel d’aide aux enfants handicapés. L’on organise aussi, pour des groupes de chercheurs, par exemple de l’ORSTOM, des stages d’initiation à la micro-informatique et à la programmation (langage Basic, Pascal, Forth).
15Comme on le voit aussi avec la publication de bulletins au cours de ces mêmes années, l’informatique est au cœur de la documentation et de la recherche en sciences sociales : BMS (Bulletin de méthodologie sociologique), ETI (Éducation, Télématique Informatique), MIAMI (Micro-informatique. Applications. Méthodologie. Information), PSH (Programmation et sciences de l’homme, 1983). Même une discipline comme l’archéologie, traditionnellement associée à l’art et à l’histoire, n’y échappe pas (Hainsworth 1984 : 35).
16Le SEIS poursuit par ailleurs la publication de MSH Informations dont l’audience s’élargit dans les administrations, les universités et les centres de recherche. MSH Informations publie également les bulletins de plusieurs réseaux scientifiques français ou internationaux qui sont appuyés par la MSH : Biographie et Société, EGOS News, ENOP News, Études durkheimiennes, Lettre du CICRA, Les nouvelles de l’archéologie, Nouvelles de l’écodéveloppement, Pandore, Techniques, science et société, Production pastorale et société. À la fin des années 1980, c’est le service de reproduction qui assure la fabrication d’une quinzaine de bulletins et revues, dont le tirage varie entre 100 et 1 000 exemplaires, sauf MSH Informations qui est tiré à 1 6008.
17Enfin quelques titres d’ouvrages parus au début des années 1980 montrent bien la richesse et la diversité des publications des Éditions de la MSH : La logique du plausible. Essais d’épistémologie pratique (Jean-Claude Gardin et al.), Glossaire des droits de l’homme/Glossary of Human Rights (Jean-Bernard Marie), The Game of Creation: the Primeval unlettered language of Moby-Dick (Viola Sachs)9. L’une des « pièces maîtresses » du service de publication est sans aucun doute, comme le note Clemens Heller lui-même, la coédition avec Cambridge University Press d’ouvrages tels ceux de l’anthropologue Marc Augé, The Anthropological Circle. Symbol, Function, History ou des historiens Emmanuel Le Roy Ladurie et Joseph Goy, Tithe & Agrarian History from the Fourteenth to the Nineteenth Century10.
Un recentrage
18Malgré « l’importance exceptionnelle du réseau international de spécialistes constitué autour de la Maison11 », ce qui est un objet de fierté, l’on s’inquiète, comme on l’a noté, de la « suractivité » de la Fondation, ce qui risque de conduire à la dispersion12. Clemens Heller propose que s’opère un « recentrage », à travers la mise en place de nouveaux programmes de coopération avec différents pays européens : certes l’Italie, mais aussi la Suède, la Norvège, la Grande-Bretagne, et notamment les deux Allemagne, la RFA et la RDA, où les possibilités sont, à ses yeux, intéressantes13. Son souhait est que ces programmes s’inscrivent dans la ligne de ceux déjà établis avec l’Inde, l’Italie et le Brésil. Il est même question de la création d’un Institut franco-allemand qui pourrait, comme le suggère le ministère de l’Éducation nationale, être hébergé provisoirement dans les locaux de la MSH. Celle-ci met en 1982 deux bureaux et une ligne téléphonique à la disposition du futur institut pour une période d’un an14. Pour les historiens allemands, de tels contacts avec leurs collègues français apparaissent d’autant plus « essentiels » que « les travaux français occupent, à leurs yeux, les premiers rangs en Europe ».
19C’est Clemens Heller qui joue alors le rôle d’intermédiaire, établissant, comme on le voit avec Hartmut Kaelble, professeur à la Freie Universität de Berlin, des contacts personnels et fournissant une aide toujours fort appréciée (Kaelble 1987 : 38-39). Clemens Heller est celui qui donne au bon moment le coup de pouce qu’il faut pour une carrière naissante ou un projet en émergence.
20Cela vaut aussi pour de jeunes chercheurs français. L’anthropologue Philippe Descola, aujourd’hui professeur au Collège de France, se dit « énormément » redevable de l’aide qu’il a reçue de la MSH et en particulier de Clemens Heller lorsqu’il est revenu de son terrain chez les Jivaro Achuar, à la frontière entre l’Équateur et le Pérou :
Pas facile lorsqu’on revient d’un terrain à l’étranger, d’atterrir, de se trouver un bureau et de se mettre à rédiger […] Clemens Heller m’a mis le pied à l’étrier lorsque je suis revenu de mon long séjour en Amérique du Sud à la fin des années 1970. Il m’a généreusement accueilli au 54 boulevard Raspail, il a rendu possible mon séjour au King’s College de Cambridge, il m’a publié dans sa maison d’édition ; surtout il a fait ce pour quoi il avait un talent incomparable : il m’a permis d’entrer en contact et de travailler avec une foule de gens dont beaucoup sont ici aujourd’hui (Descola 2015 : 77)15.
21Pour Descola, la MSH est, on l’aura compris, « une institution exceptionnelle » :
Sa fonction est double : c’est d’abord un facilitateur, pour toutes sortes d’initiatives, puis c’est un intermédiaire privilégié pour l’international : faire venir des chercheurs étrangers en France, aider des chercheurs français à se faire des contacts à l’étranger. Quand on allait à la Cafét’ de la MSH, boulevard Raspail, on rencontrait des chercheurs de toutes les parties du monde. C’était un lieu extrêmement dynamique, d’échanges. […] Clemens Heller était un homme extraordinaire. Il avait une intelligence exceptionnelle et beaucoup de flair. Braudel-Heller : la MSH c’était une opération conjointe. Heller mettait les gens en relation16.
22Puis parlant du rôle que la MSH joue, dans les années 1970-1980, en anthropologie, en appuyant deux groupes de recherche (« Écologie et sciences humaines » et « Production pastorale et sociétés »), Descola conclut : « C’était le bon temps » (Descola 2015 : 78).
23Le témoignage d’Éric Brian, aujourd’hui directeur d’études à l’EHESS et directeur de la Revue de synthèse, est similaire :
J’ai été en 1981-1982 conseiller technique d’Heller pour l’informatique. Je venais de Polytechnique et je voulais faire des sciences sociales. Ensuite je suis allé à Columbia University. J’ai alors travaillé avec l’ancien coturne d’Heller à Harvard, Leopold H. Haimson, un historien de la Russie. Heller avait l’art de trouver de l’argent. Il avait entrepris une thèse sur l’histoire économique des banques lombardes, lui-même avait du charisme, et tout se faisait sur la parole donnée. Lorsqu’on arrivait à une entente, il présentait la main ouverte en disant : « Tope là »17.
Un véritable carrefour international
24Dans les années 1980, la MSH est, plus que jamais, un véritable carrefour international en sciences sociales et humaines, que ce soit par la mise en place de nouveaux programmes de coopération internationale, l’invitation de nombreux chercheurs étrangers ou par l’organisation de mutliples rencontres et colloques scientifiques.
25La Fondation devient, comme le note Clemens Heller, « une plateforme internationale unanimement reconnue » que de nouveaux accords bilatéraux avec l’étranger consolident davantage. Parmi ces nouveaux accords, il y a ceux qui, négociés depuis la fin des années 1970 ou le début des années 1980, conduisent à la mise sur pied de programmes importants de coopération bilatéraux en sciences sociales : d’abord en 1982 avec la Chine, ensuite en 1984 avec l’Académie des sciences de l’URSS.
26Comme on le voit avec la Chine, ces programmes de coopération sont conçus comme un complément à des accords officiels déjà conclus : l’idée est de « développer des possibilités à la fois plus souples et expérimentales de circulation des chercheurs » pour des séjours prolongés en France. Les activités sont d’abord centrées sur des invitations de chercheurs chinois spécialisés en histoire de France18, puis elles s’étendent à d’autres disciplines, d’abord l’économie avec des missions sur la modernisation de l’économie en France et en Chine et sur le progrès technologique, ensuite la philosophie avec la préparation d’un grand colloque franco-germano-chinois sur « Raison-Histoire-Lumières ». Enfin, le vice-président de l’Académie des sciences sociales de Pékin et chef de la délégation permanente de la Chine à l’UNESCO, donne à la MSH en juin 1987 une conférence sur le thème « Religion, culture et société dans la Chine d’aujourd’hui19 ».
27Le « recentrage » sur l’Europe se fait enfin, tout au moins pour les pays scandinaves, par la mise en place, comme on le voit avec la Norvège20 et la Suède, de programmes franco-scandinaves de coopération, à la suite d’accords conclus avec des organismes ou des institutions de recherche des pays impliqués : dès 1981, le Conseil suédois de la recherche pour les sciences sociales et humaines, et en 1987, le Conseil norvégien de la recherche scientifique et le Conseil danois de la recherche en sciences sociales. Ces ententes contribuent à stimuler les activités scientifiques de divers réseaux, en particulier dans des domaines nouveaux tels le développement économique, l’environnement et les nouvelles technologies, l’organisation du travail et les problèmes de l’emploi, le droit et la philosophie. Les engagements annuels minimums de 50 000 francs de chacun des pays signataires permettent la mobilité des chercheurs, que ce soit pour des missions – par exemple celle de Pierre Bourdieu et Francine Muel à Stockholm en mai 1987 –, des séjours ou pour la participation à des groupes de travail. Les relations avec la Norvège et la Suède deviendront d’autant plus significatives que ces deux pays vont apporter des contributions financières importantes à la réalisation du projet de la Maison Suger : le gouvernement norvégien accorde en 1987 un don d’un million de francs et l’année suivante, c’est au tour du Conseil suédois de la recherche pour les sciences sociales et humaines de fournir une aide d’un demi-million de francs.
28Pour la seule année 1985-1986, l’on compte une soixantaine de chercheurs invités à la MSH pour des périodes d’un à six mois : ils proviennent d’une dizaine de pays, certes européens (Autriche, Belgique, Espagne, Italie, Grande-Bretagne, Hongrie, Roumanie, Norvège, Suède) mais aussi asiatiques (Chine) et nord- (Canada, États-Unis) et sud-américains (Brésil, Mexique, Pérou). Les principaux pays de ce programme sont l’Inde (17), l’URSS (15), l’Allemagne (RDA : 1 ; RFA : 10), la Pologne (9) et les États-Unis (7). Parmi les chercheurs invités, il y a le sociologue-historien américain Immanuel Wallerstein et l’anthropologue britannique Jack Goody. L’année suivante viennent les sociologues Bennett Berger et Joseph Gusfield, tous deux professeurs à l’université de Californie, San Diego (UCSD).
29Ces invitations sont souvent, comme on le voit pour l’Inde et la Chine, liées à de grands programmes de coopération, à la tenue de congrès internationaux à Paris ou tout simplement de colloques à la MSH. Les disciplines sont, par ordre d’importance, d’abord l’histoire et la sociologie, ensuite l’anthropologie-ethnologie, l’économie et les sciences politiques, enfin la linguistique, la littérature, la psychologie et la philosophie.
30On assiste par ailleurs à une explosion des rencontres scientifiques qui, organisées par la MSH, se tiennent dans les locaux du 54 : pas moins de dix colloques en juin et juillet 1980 et huit en septembre et octobre suivants. Souvent organisées avec la collaboration d’autres institutions ou universités, ces rencontres sont pour la plupart structurées autour des activités des divers centres de documentation spécialisés et des groupes de recherche hébergés par la MSH et aussi des réseaux mis sur pied avec le concours de la MSH depuis les années 1970 : par exemple, le réseau international de macroéconomie, le groupe Développement, environnement et prospective, l’unité de documentation et de liaison sur l’écodéveloppement (dont le responsable est I. Sachs), le groupe Écologie et sciences humaines (dont l’un des fondateurs est Maurice Godelier et le coordinateur, Jean-Luc Lory), le groupe Anthropologie de l’alimentation et de la nutrition (responsable : I. de Garine, CNRS).
Les colloques dans les années 1980 : quelques exemples
31Parmi les rencontres et les colloques organisés avec l’appui de la MSH au début des années 1980 et qui ont une dimension interdisciplinaire, il y a les suivants : les journées annuelles d’études de la Société française de sociologie consacrées aux « Analyses sociologiques sur la recherche scientifique et technique » (avec le soutien du CNRS)21, le colloque sur « Le moi multiple » organisé par le groupe Rationalité et société de la Fondation22, « Identité nationale, métissage et expressions culturelles : une comparaison entre les États-Unis et le Brésil » avec plus de 50 participants, « L’occulte, la magie et la société » (coordination : Viola Sachs en collaboration avec le Laboratoire de recherche sur l’imaginaire américain de l’université Paris-VII), « Juger et classer : pour une histoire sociale de la perception artistique », organisé par le Groupe de travail sur l’histoire sociale et la sociologie de l’art de la Fondation MSH, le colloque sur « L’histoire des grèves ouvrières » organisé par le Groupe international d’histoire sociale moderne et contemporaine de la Fondation, « Elites, old and new », en collaboration avec la revue Past and Present, « L’acquisition des langues étrangères par des adultes immigrés » avec l’European Science Foundation, « L’enseignement de la géographie », « Les mouvements de longue durée » (coordination : Maurice Aymard) et « The Political Economy of Southern Europe » (coordination : I. Wallerstein).
32Parmi les autres colloques organisés au début des années 1980 avec l’appui de la MSH, plusieurs se tiennent à l’étranger : en Angleterre, une deuxième rencontre sur « Élites anciennes, élites nouvelles » dans une perspective comparative (Afrique, Inde, Indochine), avec une trentaine de participants ; en Bulgarie, la « Table ronde sur le travail non qualifié » ; en Allemagne, le séminaire sur « Les anticipations rationnelles » (coordination : Jon Elster) ; en Allemagne, le colloque sur les « Pratiques de l’analyse culturelle » (coordination : Roger Chartier, Wolf Lepenies et Carl Schorske) ; en Pologne, le colloque franco-polonais sur « L’histoire et la culture ouvrières aux xixe et xxe siècles » (coordination : Janusz Zarnowski) et quatre séminaires sur « Nation et nationalisme » (coordination : Immanuel Wallerstein et Étienne Balibar avec la participation d’Eric Hobsbawm et Ernest Gellner).
33Souvent, la coopération internationale commence par des contacts entre individus ou par l’organisation d’un séminaire, qui réunit des chercheurs sur une base mensuelle, semestrielle ou même annuelle, comme c’est le cas à partir de 1987 pour le séminaire d’anthropologie du langage et à partir de l’année suivante pour le séminaire franco-italien d’histoire russe et soviétique (dont les deux responsables sont Andrea Graziosi de l’Universita degli studi de Naples et Jutta Scherrer de l’EHESS). Certaines rencontres s’institutionnalisent, avec la mise en place de groupes de recherche (le Groupe d’histoire urbaine), l’organisation de séries de séminaires (la dizaine de séminaires en 1983-1984 sur « la théorie critique, la modernité et le judaïsme » organisés par le Groupe de recherche sur la culture de Weimar ou les séminaires mensuels du Groupe de recherche sur l’histoire du racisme coordonnés par Albert Jacquard et Léon Poliakov) et la publication, avec le concours de la MSH, de bulletins. Ces diverses activités conduisent enfin à la constitution de réseaux internationaux, comme on le voit en 1984 avec le Groupe de travail international d’histoire urbaine et la Société internationale de recherche sur l’émotion, en 1985 avec le Groupe de travail sur les petites et moyennes villes indiennes, dont le coordonnateur est Jean-Luc Racine du Centre d’études de géographie tropicale du CNRS23 ou avec le Groupe de recherche sur l’épistémologie des études juives, qui organise au printemps 1988 un colloque sur la situation et les perspectives des études juives en France24.
34Ces multiples rencontres et colloques donnent enfin lieu à des publications aux Éditions de la MSH, souvent en collaboration avec d’autres maisons d’édition25. Plusieurs textes paraissent aussi dans la revue Information sur les sciences sociales. Par ailleurs, pour l’organisation de toutes ces activités, la MSH réunit une équipe de personnes-contacts : Kéram Kévonian, Aline Baticle, Claire Sarrasin, Roger Guesnerie, Adriana Touraine, Annamaria Bosc, Elina Almasy. Ces personnes, qui sont membres du personnel de la MSH ou de l’EHESS, s’occupent de la logistique des événements (moyens de transport, chambres d’hôtel, repas au restaurant, salles de réunion). Le travail se fait en étroite collaboration avec les responsables des événements : ainsi, pour le colloque organisé en juin 1985 par le Groupe de travail sur l’Europe centrale et orientale et qui porte sur les « Dimensions de la “révolte primitive” en Europe centrale et orientale », la personne-contact, Kéram Kévonian, qui travaille à la MSH et est par ailleurs ingénieur d’études à l’EHESS et membre du Groupe de recherches d’histoire arménienne, et le coordinateur, Isac Chiva, directeur d’études à l’EHESS, travaillent de concert. Une façon pour la MSH de montrer qu’il est possible de faire de la coopération scientifique internationale en invitant des chercheurs ou en organisant des colloques sans s’appuyer sur des accords institutionnels ni s’inscrire dans de grands programmes de coopération.
35S’établissent ainsi des liens étroits entre la MSH et de nouveaux réseaux européens et internationaux qu’elle aide à se constituer : le Réseau européen de psychologie du travail et des organisations (ENOP), le Groupe européen de recherches sur les émotions animé par des membres du Laboratoire européen de psychologie sociale, le réseau IDEA (Interdisciplinary Dimensions of Economics Analysis) en collaboration avec l’UNESCO et plusieurs institutions étrangères26.
36Se tisse graduellement en France autour de la MSH un double réseau : un premier réseau de chercheurs français, certes de l’EHESS (Isac Chiva, Maurice Godelier, Serge Moscovici, Dominique Schnapper) et du CNRS (Bernard Lécuyer, Jean-Luc Lory), mais aussi du Collège de France (Pierre Bourdieu27, Philippe Descola) et de diverses universités françaises (Hélène Ahrweiler, Alain Schnapp) ; et un deuxième réseau, celui-ci de chercheurs étrangers de tous les coins du monde, des États-Unis (Immanuel Wallerstein), d’Allemagne (Wolf Lepenies), d’Italie (Giuliana Gemelli), etc. Ces chercheurs demeurent, souvent pendant toute leur carrière, des collaborateurs et des défenseurs de l’institution.
Des groupes disparaissent et d’autres apparaissent
37Comment peut-on rester fidèle aux principes d’innovation et d’expérimentation qui font le mérite essentiel de la Maison ? », se demandent, toujours inquiets, les membres du conseil d’administration28. Responsable du volet de la coopération internationale, Clemens Heller, qui est maintenant solidement secondé par Maurice Aymard, se fait rassurant : la mise en place de plusieurs programmes de coopération internationale ne vient nullement, selon eux, « détourner la Fondation de sa fonction première de lieu d’expérimentation29.
Wolf Lepenies (1941-)
Wolf Lepenies étudie la sociologie et la philosophie à l’université de Münster dont il sort diplômé en 1967 ; il obtient son habilitation à diriger des recherches (Privatdozent) à l’Université libre de Berlin en 1970. Dès les années 1970, il se rend souvent à Paris où il rencontre Fernand Braudel et Clemens Heller et devient un ami indéfectible de la Maison des sciences de l’homme. En 1984, il rejoint le Wissenschaftskolleg de Berlin avant de devenir professeur de sociologie à l’Université libre de Berlin. En 1986, il devient président du Wissenschaftskolleg. Lepenies obtient le prestigieux prix Humboldt. L’un de ses ouvrages les plus importants, Les trois cultures. Entre science et littérature, l’avènement de la sociologie, paraîtra en traduction française aux Éditions de la MSH en 1997.
38La politique de la MSH est effectivement d’appuyer l’émergence de groupes de recherche et le développement de nouvelles initiatives de collaboration. Une telle politique n’est cependant possible qu’à la condition de « redégager des moyens » qui puissent, comme le note Clemens Heller, « servir à d’autres opérations pareillement novatrices30 ». Il faut donc, ce qui n’est pas facile, savoir fermer des programmes, désormais arrivés « à maturité » et qui doivent dorénavant être pris en charge par d’autres institutions ou être soutenus par de nouvelles formules de financement. Aussi la Fondation cesse-t-elle, au début des années 1980, d’être la « principale tutelle » du programme PAREX en histoire et sociologie des sciences. Les activités de ce programme seront donc transférées aux Pays-Bas en 1986. Il en va de même pour le Groupe européen d’études sur les organisations (EGOS), qui partira au Danemark.
39Dès le début des années 1980 et tout au long de la décennie, la MSH collabore à la mise sur pied de plusieurs nouveaux groupes de travail : en 1981, le Groupe de travail sur l’histoire et la sociologie de l’art, animé par Pierre Bourdieu31, puis le Groupe de recherche de René Tadlov sur la littérature américaine contemporaine32 ; en 1983, le Groupe de recherche sur la circulation des idées socialistes à l’époque de la IIe Internationale, dont une des responsables est J. Scherrer de l’EHESS ; en 1984, le Centre d’études et de recherches amazigh (CERAM) sur la société berbère, dont les coordonnateurs sont Mouloud Mammeri et Tassadit Yacine, tous deux de l’université d’Alger33 ; en 1986 et 1988, deux groupes sont créés dans le domaine des technologies, l’un portant sur la science et la technologie (GEST)34 et l’autre intitulé « Temps, Travail, Technologie » (TTT). Certaines initiatives sont éphémères, comme le Réseau d’échanges sur les rumeurs et les légendes contemporaines mis sur pied début 198935. Enfin en 1987, le Groupe européen sur les médias36 vient prendre la suite du Groupe d’analyse des politiques collectives, créé en 1974, et dans les années suivantes, se forment à la MSH trois nouvelles équipes autour du thème général de la culture des élites intellectuelles et des mouvements sociaux : une sur la pensée réactionnaire avec Pierre-André Taguieff du CNRS, une autre sur l’histoire sociale et culturelle de l’Union soviétique, animée par Jutta Scherrer de l’EHESS et une troisième sur la coopération intellectuelle dans l’Europe du xxe siècle, animée par l’historienne italienne Giuliana Gemelli de l’université de Bologne37.
40Enfin il y a des reconfigurations à la suite de fusion de groupes de recherche ou d’organismes. En 1985, les activités du CICRA de même que celles du Collectif Média/autonomie/développement (créé en 1982) sont regroupées au sein d’un nouvel organisme, le Centre de recherche et d’information sur la démocratie et l’autonomie (CRIDA), dont le champ d’action, plus large, touche aux trois domaines suivants : la démocratie d’entreprise et les systèmes participatifs, la gestion collective et l’économie sociale, le microdéveloppement local et les pratiques d’autonomie territoriale38. Ses objectifs sont indissociablement interventionnistes (favoriser le développement de pratiques participatives, coopératives ou autogestionnaires) et scientifiques (promouvoir la réflexion et développer des études comparatives internationales et interdisciplinaires). Le réseau est international, avec des correspondants dans plus de quarante pays. C’est la mort annoncée du CICRA dont les locaux sont, en 1984, transférés de la MSH à l’Institut de recherche sur les sociétés contemporaines (IRESCO/CNRS). L’année suivante, on met un terme au travail de documentation sur « L’autogestion et la participation » qu’effectue Jacqueline Pluet à la bibliothèque de la MSH. Ces changements coïncident avec la fin en 1986 du séminaire à l’EHESS d’Yvon Bourdet sur la sociologie de l’autogestion et l’interruption l’année suivante de la revue Autogestions.
Une initiative nouvelle : le Centre coopératif de recherche et de diffusion en anthropologie
41En janvier 1983, un groupe de neuf chercheurs et professeurs, pour la plupart ethnologues et archéologues39, met sur pied un nouveau centre, le Centre coopératif de recherche et de diffusion en anthropologie. Jean-Luc Lory, ethnologue au CNRS, en prend la direction. Les trois objectifs de ce centre sont : 1) utiliser les moyens mis à sa disposition pour favoriser le développement et la diffusion des connaissances anthropologiques au sein d’un public le plus diversifié possible ; 2) accepter des anthropologues non professionnels dans la recherche active ; 3) accueillir en France des anthropologues étrangers qui ne peuvent être, ou très difficilement, accueillis par les institutions traditionnelles40.
42Dès la première année, le CCRDA axe son effort de diffusion dans le domaine des expositions, qui doivent être itinérantes. Dans la mesure du possible, il cherche à établir des partenariats avec les municipalités (Clermont-Ferrand, Clichy, Forcalquier, Le Havre, Meaux) et à « personnaliser » les animations grâce à des conférences-débats. Une équipe est rapidement constituée pour assurer la réalisation des premières expositions qui ont pour thème : « Les observateurs de l’homme. Anthropologie sociale et culturelle » (sur les pygmées Aka), « Tuer le temps. Les bergers sculpteurs de l’Alentejo au Portugal », « Jivaro, mythe et réalité »41. D’autres expositions sont déjà en préparation : « Archéologie de la France rurale », « Banques et sociétés humaines », « Chevaux de travail et société », « Les hommes et leurs aliments », « Juifs en terre d’Islam » (Djerba). L’une de ces expositions, « Georges Bataille et l’ethnologie », donne lieu, en novembre 1984, à un important colloque, qui, organisé en collaboration avec l’Association des amis de Georges Bataille, réunit plus de 60 chercheurs au salon Médicis du Sénat. Il est question de tirer de ce colloque une vidéo et une exposition en collaboration avec le musée de l’Homme.
43Par ailleurs, le CCRDA met rapidement sur pied deux programmes peu habituels, le premier visant à soutenir des projets conduits par des anthropologues non professionnels42, le second consistant à inviter des chercheurs étrangers43. Enfin le centre entend donner à l’avenir beaucoup d’importance à la vidéo comme nouveau moyen de diffusion des travaux ethnosociologiques et il se dote dès 1984 d’une unité expérimentale de production vidéo au service des sciences humaines44.
44Bel exemple d’aide à des activités et des groupes en émergence : la création en 1985 du Groupe de recherche sur les revues, dont le responsable est Olivier Corpet, qui vient de quitter la direction de la revue Autogestions, et connaît donc bien le monde des revues ; c’est aussi un familier du 54 boulevard Raspail.
45Un an plus tard, en 1986, à la suite d’un rapport « Pour une politique des revues », qu’il rédige à la demande de Jean Gattégno, directeur du livre et de la lecture au ministère de la Culture et de la communication, Corpet crée avec des amis l’association Ent’revues (loi 1901)45 ; il monte aussi, avec le soutien de la MSH, un groupe d’initiative pour l’étude et la promotion des revues culturelles et scientifiques pour servir d’assise à un certain nombre d’activités conduites par l’association Entr’revues. Ces nouvelles initiatives bénéficient du soutien de la direction du livre et de la lecture du ministère de la Culture et de la communication. L’objectif est d’« ouvrir un espace d’informations, d’échanges et de réflexions sur les revues culturelles et scientifiques » : il s’agit d’une part de « mieux faire connaître la place et le rôle de ces revues dans l’enrichissement continu du patrimoine culturel et intellectuel » et d’autre part d’« aider à la mise en œuvre d’actions de promotion de multiples sortes46 ». Bref, un projet qui comporte un volet « académique » avec un programme de recherches47 et un volet « pragmatique » d’aide aux revues en favorisant les dialogues et les rencontres entre les différents acteurs du monde des revues. L’une des principales activités de l’association est d’organiser des réunions et des colloques48 de même que, chaque année, un Salon de la revue à Paris. L’association publie aussi une revue semestrielle, La Revue des revues, qui est la seule au monde de ce genre et dont Corpet prend la direction. Le premier numéro paraît en mars 1986. Tout comme le groupe de recherche sur les revues, Ent’revues est domicilié à la MSH où Corpet, désormais chercheur MSH-CNRS, occupe un bureau. Pendant deux ans, il est invité à tenir dans le supplément livres du journal Libération une chronique mensuelle sur les revues. Quelques années plus tard, il lancera l’idée de la création de l’IMEC (Institut mémoires de l’édition contemporaine).
46En plus d’Hélène Réveillaud et de Jacqueline Pluet, une autre bibliothécaire à la MSH participe à l’« aventure » d’Ent’revues : il s’agit de Martine Ollion qui, détentrice d’une licence en lettres modernes et d’un diplôme de l’École de bibliothécaire documentaliste49, a travaillé au service des acquisitions et au service de catalogage avant de devenir documentaliste au Centre de recherche et de communication en anthropologie. Elle suivra Olivier Corpet à Caen où elle deviendra responsable de la bibliothèque de l’IMEC ; plus tard elle reviendra à la MSH comme directrice de la bibliothèque.
Une contestation féministe. Hélène Ahrweiler, présidente du conseil d’administration
47Il était prévisible que le nom de l’institution soit, à un moment ou à un autre, l’objet d’une contestation féministe, car la simple identification de la MSH aux sciences de l’homme risquait d’apparaître machiste.
48C’est madame Yvette Roudy, la ministre des droits de la femme, qui s’en inquiète directement auprès de Fernand Braudel en juillet 1982 : « Il m’est apparu que l’appellation de votre établissement public : “Maison des sciences de l’homme” paraissait de nature à exclure les femmes de ces sciences. Sans doute serait-il opportun de le changer, au moins pour : “sciences humaines. Et elle ajoute : « Je ne pense pas que ceci constitue un problème majeur50. »
49Fernand Braudel répond personnellement à Mme Roudy : « Je comprends parfaitement le sens de votre remarque. » Il tient cependant à rappeler la raison qui les a amenés, Gaston Berger et lui-même, à « choisir ce titre de “Maison des sciences de l’homme”, analogue à l’appellation de “musée de l’Homme” pour ne pas reprendre l’expression anglo-saxonne de “sciences sociales” » : « En disant “l’homme”, nous avions visé la biologie vers laquelle les sciences humaines tendent sans l’atteindre vraiment. Le mot “homme” est plus générique. Il n’exclut certainement pas la femme. »
50Braudel se dit par ailleurs « sûr que [la ministre] acceptera [sa] réponse avec le sourire et qu’[elle] lui donnera [son] acquiescement sur lequel [il] se permet presque de compter » : « L’expression de sciences humaines ne se suffirait pas à elle-même. Il devient d’usage de dire “sciences humaines et sociales”51. »
51La direction comprend toujours deux instances : le conseil d’administration (et son bureau) et le conseil des directeurs52. En décembre 1982, Hélène Ahrweiler succède à P. Tabatoni53 au poste de recteur de l’académie de Paris, et elle devient, selon les statuts de la MSH, la nouvelle présidente du conseil d’administration. Elle conservera cette fonction jusqu’au printemps 1989.
52Au conseil d’administration, qui se réunit deux fois par an, on trouve, au moment où Hélène Ahrweiler entre en fonction, diverses personnalités : Yves Laporte, administrateur du Collège de France, Denis Varloot, chef des services des Bibliothèques, Jacques Rigaud, maître des requêtes au Conseil d’État, Jean-Louis Quermonne, professeur à l’Institut d’études politiques de Paris, Armand Frémont et Maurice Godelier, tous deux directeurs scientifiques chargés des sciences humaines au CNRS. Au nombre de 26, les membres du CA proviennent de diverses institutions universitaires et de recherche – l’EHESS54, Sciences Po, le CNRS –, de Paris et de province, mais aussi de l’administration publique. Le représentant de l’EHESS est le nouveau président de l’École, l’historien François Furet, auquel succède en 1985 l’anthropologue Marc Augé.
53Au bureau du conseil, en plus d’Hélène Ahrweiler, de l’administrateur Fernand Braudel et du secrétaire Charles Morazé, on retrouve : Claude Gruson, directeur d’études à l’EHESS, qui accepte la responsabilité de trésorier en remplacement de Jacques Chapsal, les deux vice-présidents, Pierre Deyon, recteur de l’académie de Strasbourg, et René Rémond, président de la Fondation nationale des sciences politiques.
54À partir de la fin de l’année 1984, assistent aussi aux réunions du conseil Jean-Luc Lory, chargé du Centre coopératif de recherche et de diffusion en anthropologie, et à partir de fin 1985, Maurice Garden, conseiller au ministère de la Recherche puis directeur scientifique des sciences humaines et sociales du ministère de l’Éducation nationale, et Paule Gentot, directrice adjointe du Centre de recherches interdisciplinaires et comparatives (secrétariat administratif). Kéram Kévonian agit toujours comme secrétaire des séances55.
Hélène Ahrweiler (1926-)
Née à Athènes, Hélène Glykatzi (épouse Ahrweiler) y fait ses études secondaires, avant de suivre les cours en philosophie à la faculté des lettres. À Paris, elle suit les cours de l’École pratique des hautes études et obtient un doctorat d’histoire. En 1955, elle entre comme chercheuse au CNRS.
55Hélène Ahrweiler obtient en 1966 un doctorat ès lettres, consacré à « Byzance et la mer, la marine de guerre, la politique et les institutions maritimes de Byzance aux viie-xve siècles ». L’ouvrage tiré de sa thèse paraît aux PUF. L’année suivante, elle quitte le CNRS pour devenir professeur à la Sorbonne. Elle est successivement directrice du département d’histoire de la faculté de lettres de Paris (1969-1970), première vice-présidente (1970-1973) et présidente (1976-1981) de l’université de Paris-I (Panthéon-Sorbonne). En 1982, François Mitterrand la nomme recteur de l’académie de Paris, chancelier des universités de Paris. Elle occupera cette fonction jusqu’en 1989.
Une crise : la désaffection du personnel
56Aux réunions du conseil d’administration, assistent avec voix consultative deux représentants du personnel : ce sont, au début des années 1980, Agnès Bal, Maud Espérou et Nora Scott, et, plus tard, Rosine Christin.
57Fin février 1982, coup d’éclat : tous les délégués du personnel donnent leur démission, qu’il s’agisse de ceux siégeant au conseil d’administration, au comité d’entreprise ou à la commission paritaire. Et en mai suivant, aucun candidat ne se présente à ces instances lors des élections des délégués du personnel. C’est la crise : une telle désaffection du personnel à l’égard des mécanismes de représentation officielle pose en effet un problème, au moins pour la gestion des œuvres sociales, car c’est l’administration qui doit les gérer pendant cette période intérimaire. Une situation que le conseil d’administration « regrette », mais « on ne voit pas la possibilité d’intervenir56 ».
58Lors de la réunion suivante du conseil d’administration, le 14 décembre 1982, petit coup de théâtre : les deux déléguées du personnel, Agnès Bal et Nora Scott, sont présentes, mais « à la seule fin d’assister à la séance ». La situation n’est pas, comme l’observe Clemens Heller, « conflictuelle »57. D’ailleurs lors des élections régulières qui ont lieu au printemps 1983, tout se régularise avec l’élection de deux nouveaux représentants.
59Mais si une chose inquiète la direction, c’est évidemment, comme le rappelle souvent Fernand Braudel, « la complexité des problèmes du personnel58 ». Il y a en effet, en plus du problème, non encore réglé, du statut des membres du conseil d’administration, celui du statut des personnels de la Fondation, qui devraient, pense-t-on, être assimilés au nouveau statut prévu pour les ITA (ingénieurs, techniciens, administratifs) du CNRS. Tout l’enjeu concerne, comme le soulignent les représentants du personnel, les possibilités de reclassement qui doivent accompagner la mise au point d’un nouveau statut. Les discussions se poursuivent59.
60Au printemps 1984, au moment du départ à la retraite de Clemens Heller comme directeur d’études à l’EHESS, plusieurs rumeurs circulent. Certains s’inquiètent. Quelles en seront, se demande-t-on, les conséquences sur les fonctions qu’il exerce à la MSH ? Fernand Braudel tient immédiatement à « couper court à tout commentaire » et à rassurer les membres du conseil d’administration : « [Clemens Heller] est et il restera tant qu’il le souhaitera l’administrateur adjoint, et un administrateur adjoint qui a toute notre confiance60. » À l’automne suivant, lorsque deux postes administratifs deviennent vacants, Heller est nommé au premier poste et Paule Gentot, au second en qualité de sous-directrice de recherches interdisciplinaires et comparatives61.
Budget. Entretien, réparations et locaux
61L’heure est toujours à la planification. Chaque institution d’enseignement ou de recherche doit, comme l’exige la direction de la Recherche, présenter ses grandes orientations et son programme d’activités pour la période 1985-1990. Fin décembre 1984, Maurice Aymard dépose la version finale du plan quinquennal de la FMSH : « Évidemment, tient-il à préciser, c’est un plan sans en être tout à fait un, puisque le trait caractéristique de la Fondation MSH reste sa souplesse d’intervention et son souci de s’adapter à la demande »62. Il donne comme exemple quatre programmes thématiques – psychologie sociale, histoire, économie et anthropologie – ainsi que les principaux programmes de coopération internationale. Son intention est de dégager les grandes idées autour desquelles sont construits les projets plutôt que de donner le détail des activités à prévoir. Il s’agit donc moins d’un « contrat pluriannuel » avec le ministère que d’un « effort de définition des orientations générales » de la MSH. Maurice Aymard ajoute non sans fierté que le programme a été composé sur une machine de traitement de texte et qu’il a été mis en réserve sur une disquette.
62Alors que le programme scientifique de la MSH devient « florissant et qu’on connaît une véritable explosion des activités »63, il s’ensuit un accroissement important des charges administratives, ce qui pose un problème car il n’y a pas eu, dans la subvention (volet « fonctionnement/personnel ») du ministère de l’Éducation nationale, de création de postes depuis 1975 : le nombre de ces emplois demeure stable (107) et comprend, au milieu des années 1980, 3 directeurs de service, 30 ingénieurs et assimilés, 49 techniciens et 25 administratifs. À ces personnels s’ajoutent des vacataires recrutés pour de courtes périodes : 16 en 1982 et 19 en 1983. Enfin, il y a les personnels rémunérés par les ressources dites affectées : 149 en 1982 et 131 en 1983. Donc un total d’environ 260-280 personnels qui relèvent administrativement de la MSH. Celle-ci n’a souvent, le précise Jean Barin, le secrétaire général, d’autre choix que de recourir à des « solutions de fortune » en finançant de nouveaux postes, par exemple ceux d’un comptable et d’un aide-comptable, sur ses propres ressources, sans que cela soit suffisant pour le bon fonctionnement des services administratifs, dont il faut par ailleurs poursuivre l’informatisation64.
63Le budget pour 1985 dépasse les 35 millions de francs (comparativement à 31 millions l’année précédente)65. Les ressources de la Fondation proviennent toujours principalement des subventions de l’État, à hauteur de 60 %. Relativement importantes, de l’ordre de 10 millions de francs (près de 30 %), les ressources dites affectées proviennent d’organismes français et étrangers, privés et publics, très divers : Commissariat général du Plan, Institut national de la recherche agronomique (INRA), Régie autonome des transports parisiens (RATP), ORSTOM, ambassade des États-Unis, Institut du monde arabe, Fondation Fritz Thyssen, société Drush et Cie, société de prospection électrique Schlumberger, etc. En 1982 et 1983, l’excédent des revenus par rapport aux dépenses est de l’ordre de 1 million de francs.
64Entretien des installations téléphoniques, de l’air conditionné et des ascenseurs, gardiennage de nuit, fourniture d’électricité, de vapeur d’air comprimé, nettoyage des locaux, entretien du jardin : tantôt les contrats sont renouvelés par accord tacite, tantôt il faut lancer des appels d’offres. Et compte tenu du « vieillissement relatif de l’immeuble », le volume de travail pour les réparations ne fait que s’accroître : plomberie, électricité66.
65Une attention particulière est portée au fonctionnement de la cafétéria qui est, pour les membres du personnel, un « lieu indispensable de détente, de rencontres et d’échanges ». On l’utilise par ailleurs de plus en plus pour des réceptions, voire pour des réunions scientifiques et des colloques, car avec la multiplication de ces derniers à la MSH, il y a une insuffisance de salles. Enfin, le hall de l’accueil sert de plus en plus pour des expositions : plus d’une vingtaine par an.
66Enfin la FMSH se dote fin 1984 d’un nouveau règlement intérieur, avec, en matière disciplinaire, des sanctions, qui peuvent aller du blâme au licenciement. Côté hygiène, il y a les interdictions suivantes : pénétrer ou demeurer dans l’établissement en état d’ivresse, introduire ou distribuer dans les locaux de travail de la drogue ou des boissons alcoolisées, consommer des boissons alcoolisées sauf dans des circonstances exceptionnelles. Il est par ailleurs recommandé de ne pas fumer lorsque cela entraîne une gêne pour des collègues. À ces interdictions s’ajoutent diverses dispositions concernant la sécurité et la médecine du travail67.
67Du côté des institutions hébergées, il y a peu de changement. Toutes les conventions sont reconduites par accord tacite. Se voit prolongé d’un an l’hébergement de l’équipe qui travaille sur l’acquisition des langues étrangères par des adultes émigrés (Projet de la Fondation européenne pour la science/Max-Planck Institut für Psycholinguistik).
68La gestion des locaux, toujours insuffisants, pose divers problèmes68. L’on espère récupérer prochainement de nouveaux espaces, dont l’espace (173 m2) qu’occupe le Centre de documentation en sciences humaines (CDSH) au deuxième sous-sol de la MSH69, et aussi reprendre les locaux du 131 boulevard Saint-Michel, alors loués à l’EHESS. Ces locaux abritent aussi le Centre interinstitutionnel pour la diffusion de publications en sciences humaines (CID). Il n’est pas question pour l’EHESS, comme l’affirme en séance du conseil son président François Furet, d’« abandonner la location sans être sûrs de se voir attribuer ailleurs des surfaces équivalentes70 ». Sans être ouvertement conflictuelles, les relations entre la MSH et l’EHESS demeurent tendues.
Une nouvelle initiative de diffusion. Le CID
69Il est sérieusement question à la fin de l’année 1980 d’un « projet de création d’une unité de diffusion pour les publications en sciences humaines », dont la vocation initiale serait d’être un diffuseur complémentaire en assurant la promotion et la vente à l’étranger. Le document est déposé par Clemens Heller devant les membres du conseil d’administration le 18 décembre 1980. Une telle initiative, qu’on appellera dorénavant le Centre interinstitutionnel pour la diffusion (CID), est, selon lui, devenue « une nécessité » en raison même des carences des circuits professionnels de l’édition : « S’il est un secteur qui a été abandonné par le privé et dont le fonctionnement est vital pour la production scientifique française, c’est celui des publications en sciences humaines et de leur diffusion. » Mais force est de reconnaître, et Heller est le premier à le faire, que cette initiative est ambitieuse, car elle fait intervenir le service public – et plus particulièrement les institutions universitaires et de recherche – pour « trouver les moyens d’assurer la diffusion des publications en expérimentant des méthodes s’appuyant davantage sur des réseaux scientifiques et institutionnels71 ».
70Il s’agit, pour la MSH en accord avec le ministère de l’Enseignement supérieur, d’« oser les premiers jalons d’une expérience visant à mettre sur pied un service de diffusion à but non lucratif ». Ce service devrait, pense-t-on, « fonctionner véritablement dès le début de la prochaine année72 ». À la réunion suivante, Fernand Braudel annonce enfin que la mise en place du Centre interinstitutionnel pour la diffusion de publications en sciences humaines vient de se faire en janvier 1981. Tout cela confirme, déclare-t-il, « la fonction nationale » de la Fondation qui met ainsi « un nouveau service à la disposition des presses d’université et des organes d’édition français rattachés à des établissements de recherche73 ». Chaque institution partenaire apporte des fonds, mais l’on compte aussi recevoir l’appui du ministère de l’Éducation nationale, qui entend apporter à cette initiative « tout le soutien possible », à savoir une subvention, qui pourrait être de l’ordre de 200 000 francs, espère-t-on74. Une telle subvention sera accordée en 1984 par la direction du livre afin de financer non pas directement les publications mais la traduction d’ouvrages qu’entend publier la MSH. Tout cela contribue, précisera C. Heller, à « simplifier grandement la tâche du service de publications75 ».
71Logé tel que prévu en rez-de-chaussée (cour) du 131 boulevard Saint-Michel, le nouveau centre fait, déjà en janvier 1981, office de comptoir de vente à Paris, que ce soit pour les particuliers, les libraires ou les coursiers, et il achemine par colis postaux les commandes vers la province ou l’étranger. Accueil, comptabilité, facturation, manutention : autant d’activités qui nécessitent que le Centre dispose d’un personnel, d’équipements (machine à facturer, petite imprimante offset de bureau) et aussi d’espaces pour le stockage. Enfin, l’on prévoit déjà des actions dites prioritaires telles la publication de catalogues thématiques, la constitution d’un fichier d’adresses, la participation à des tables rondes ou colloques pour faire connaître les publications, la fabrication d’encarts publicitaires, l’envoi de publipostage.
72Dès la première année, c’est une « réussite » avec une augmentation spectaculaire des ventes, qui passent de 20 000 francs de livres vendus en 1981 à 72 000 francs en 198276. Se constitue un fonds de plus de 1 800 ouvrages. Au 131 bd Saint-Michel, on trouve le comptoir de vente pour libraires et grossistes et l’entrepôt. Il faut penser à mettre rapidement en place diverses innovations : l’établissement d’un catalogue commun aux institutions contractantes, la mise en place concertée d’un système de traitement de texte pour la publication à moindre coût d’ouvrages scientifiques et l’organisation d’un système informatique pour la gestion des ventes (facturation, stock, comptabilité). L’on publie un premier catalogue spécialisé, Mille et un livres pour le monde arabe (CID). Il faut enfin multiplier les participations à diverses manifestations scientifiques et culturelles (colloques, séminaires) tant en France qu’à l’étranger, avec la présentation d’un stand par exemple aux foires du livre de Moscou, de Varsovie et de Sofia.
73Le CID donne donc rapidement « entière satisfaction », selon les termes de Clemens Heller, qui souligne que ce « succès » inspire un projet analogue en Italie77. Il a certes plusieurs bonnes raisons de s’en féliciter mais il s’en inquiète, car le fonctionnement de ce nouveau service se voit gêné par l’exiguïté des locaux et l’insuffisance du personnel. Ne faudrait-il pas, se demande-t-on, exiger une participation financière des institutions qui bénéficient des services du CID78 ? C’est là une recommandation du ministère de l’Éducation nationale, qui sera appliquée à partir de janvier 1986 : il s’agira d’un prélèvement par le CID d’un pourcentage (8 %) sur ses ventes, de sorte que les partenaires éditeurs apportent leur quote-part à ses frais de fonctionnement79.
74Et comme pour beaucoup de choses qui se font dans la Maison, il y a dans cette nouvelle initiative une dimension plus personnelle : la responsable du centre est Marie-Louise Dufour, la femme de Clemens Heller.
75On réussit en quelques années à constituer un catalogue de fonds de 1 800 ouvrages. La croissance des ventes est très rapide, passant de 5 552 volumes en 1981 à 31 715 en 1985 pour doubler cinq ans plus tard80. Quant aux envois directs à l’étranger, ils se font avec une quinzaine de pays, dont les plus importants sont en 1983 l’Espagne, le Japon, l’Italie, la Suisse, l’Allemagne fédérale, la Belgique et les États-Unis.
Édition et traduction
76Selon l’adage, on n’est bien servi que par soi-même. Du début à la fin de la décennie, les Éditions de la Maison des sciences de l’homme se trouvent au deuxième rang des éditeurs les plus « importants » pour le montant des ventes d’ouvrages diffusés par le CID, derrière les Éditions de l’EHESS et devant les Presses universitaires de Nancy81. Le montant des ventes pour ces maisons d’édition est présenté ci-après :
Montant des ventes pour trois maisons d’édition
1981 | 1990 | |
Éditions de l’EHESS | 893 607 francs | 1 860 251 francs |
Éditions de la MSH | 299 355 francs | 1 296 223 francs |
Presses universitaires de Nancy | 258 054 francs | 1 154 843 francs |
Viennent ensuite les Presses universitaires de Lille, les Publications de la Sorbonne, les Presses universitaires de Lyon, etc. |
77Ce succès que connaissent les Éditions de la Maison des sciences de l’homme à partir du milieu des années 1980 coïncide avec le développement de deux collections subventionnées par le ministère de la Culture : « Documents d’archéologie française » et « Ethnologie de la France », dont les montants des ventes facturées sont en 1990 respectivement de 346 746 francs et de 229 702 francs, c’est-à-dire près de 45 % des ventes des Éditions de la Maison des sciences de l’homme. Le ministère de la Culture subventionne aussi à partir de 1983 la revue semestrielle d’ethnologie Terrain que diffuse la MSH et dont chaque numéro est consacré à un thème particulier : des « savoirs naturalistes populaires » (octobre 1983) et des « techniques et de l’industrie » (mars 1984) aux « hommes et aux bêtes » (avril 1988) en passant par « famille et parenté » (mars 1985).
78Par ailleurs les Éditions coéditent un grand nombre d’ouvrages : plus de 280 titres avec Cambridge University Press de 1979 à 1989, 36 avec Campus depuis 1985, plusieurs avec Oxford University Press depuis 1986, sans oublier les autres coéditions avec Suhrkamp (Francfort) et Wagenbach (Berlin).
Marie-Louise Dufour (1932-)
Elle est née à Lausanne en 1932. Son père, médecin, très actif sur la scène politique municipale comme conseiller, meurt en 1938. Fille unique, elle est élevée de manière austère par sa mère, d’une famille « très » protestante, tendance « Église libre », avec une éthique du travail et de la responsabilité. Après le bac, elle entreprend des études en architecture du paysage, qu’elle ne termine pas. Une de ses amies d’enfance, Ariane Deluz, mariée à Isac Chiva, lui conseille de venir à Paris où son mari devrait pouvoir lui trouver du travail. « Ce sont eux, dira-t-elle, qui sont à l’origine d’une rencontre extraordinaire (avec Clemens Heller). » Elle devient secrétaire de la revue Archives européennes de sociologie, une revue trilingue qui a été fondée par Raymon Aron et dont le directeur est Éric de Dampierre, alors au service de l’UNESCO. Le bureau du secrétariat est au 6 rue de la Baume. Marie-Louise Dufour dactylographie aussi les textes que Raymond Aron écrit pour Le Figaro.
Le couple Heller-Dufour est proche d’autres couples ou collègues de la MSH et de l’EHESS : Alain et Adriana Touraine, Pierre et Marie-Claire Bourdieu, Serge Moscovici et sa femme, Ignacy Sachs et sa famille (« un ami extraordinaire »), René Marzocchi (qui « savait tout de la MSH, avec ses fiches sur les membres du personnel »), François Furet. Pendant les week-ends ou pendant les vacances, Marie-Louise et Clemens se rendent régulièrement à Lausanne où Marie-Louise a conservé la grande maison familiale, près du centre-ville, avec vue sur le lac Léman. Ils y reçoivent aussi leurs amis.
Parmi les relations internationales d’Heller, Marie-Louise Dufour cite Margaret Mead (qui était « la grand-mère de nos enfants »), Wolf Lepenies (« qui aimait Heller »), Paul Lazarsfeld (« Je les revois dans le jardin du Reed Hall, tous les deux mangeant des œufs brouillés, le nez dans leur assiette »), Fernando Henrique Cardoso, futur président du Brésil82.
Lors de l’hommage qui sera rendu à Clemens Heller, Marie-Louise tiendra à rappeler « tout ce que nous devons à Fernand Braudel sans qui Clemens Heller n’aurait pas pu, en France du moins, donner le plein de sa mesure83 ».
Marie-Louise Dufour est l’auteur d’un ouvrage, Le Tapuscrit. Recommandations pour la présentation des travaux des travaux de recherche en sciences humaines, qui paraîtra en 1999 aux Éditions de l’EHESS.
Les Éditions de la Maison des sciences de l’homme
79À la fin des années 1980, Les Éditions de la Maison des sciences de l’homme publient une trentaine d’ouvrages par an, dont plus de la moitié dans le cadre d’un programme de collaboration internationale ou en coédition. Pour chaque ouvrage, le tirage est en général de 1 000 exemplaires. Composé de sept personnes, le service des publications comprend deux unités : l’une est responsable de la fabrication des ouvrages (conseils aux auteurs, relecture, vérification des traductions, correction d’épreuves, conception des maquettes, relations avec les imprimeurs, le diffuseur et le service presse) et l’autre a la charge de la gestion administrative et budgétaire.
80Les ouvrages sont habituellement publiés dans l’une des 23 collections des Éditions de la Maison des sciences de l’homme, dont les plus anciennes sont : Cahiers de philologie (1977), European Studies in Social Psychology (1977), Atelier d’anthropologie sociale (1979), Études sur le capitalisme moderne/Studies in Modern Capitalism (1979), Un autre développement (1980), Cahiers d’archéologie et d’ethnologie de l’Amérique du Sud (1980), Études insuliennes (1980-1986), Brasilia (1981), Production pastorale et société (1981)84.
81La croissance rapide des ventes que réalise le CID oblige à mettre en place un système informatique pour la gestion des ventes et du stock, pour la facturation et pour la comptabilité.
82Toujours soucieuse d’être à la pointe de l’innovation technologique, la MSH lance aussi en 1982 une nouvelle « expérience pilote » qui consiste en l’utilisation de machines de traitement de texte pour la production d’ouvrages scientifiques, avec l’appui de la direction des bibliothèques, des musées et de l’information scientifique et
technique (DBMIST) et en collaboration avec le CNRS et son laboratoire d’informatique (LISH) : il s’agit de « familiariser les chercheurs avec l’utilisation de micro-ordinateurs et de mettre en place un système de traitement destiné à l’édition scientifique, depuis la rédaction par l’auteur jusqu’au clichage par l’imprimeur85 ». Bref, on s’oriente vers l’édition électronique, une orientation que défendent les membres du conseil d’administration : c’est là, insiste-t-on, une « nécessité ». En 1984, grâce à l’utilisation du logiciel Wordstar, on réalise la composition de premiers bulletins d’information.
83L’année suivante, en 1985, est mis en place un service d’édition scientifique et de micro-informatique (ESMI) pour suivre l’exécution du nouveau programme d’édition et pour mettre au point un ensemble de procédures de façon à constituer un réseau de formations et à accumuler « une expérience de cellule d’édition scientifique assistée86 ».
84Malgré les difficultés techniques, l’on poursuit des expériences de traitement de texte par ordinateur en collaboration avec des centres ou des chercheurs isolés. Les efforts de Denis Varloot donnent de premiers résultats87. Tout cependant n’est pas facile, en raison même de la nature et du volume des activités88.
85D’une manière plus générale, s’agissant des publications, se pose la question des grandes orientations du programme. La tâche du conseil d’administration ne se limite pas, rappelle Charles Morazé, à trouver des solutions aux divers problèmes administratifs, elle consiste aussi à réfléchir aux politiques scientifiques de la Fondation. Même s’il se félicite des « succès » de la MSH dans le domaine des publications et de leur diffusion, celui-ci craint cependant que l’on ne parvienne pas à endiguer les deux dangers qui guettent aujourd’hui les sciences humaines et sociales, à savoir la spécialisation et le compartimentage. Que faire face aux excès d’une telle babélisation ? se demande Morazé qui, toujours convaincu que la mission de la Fondation est de faire cohabiter des spécialistes de tous ordres et de leur offrir l’opportunité de « s’apprécier et d’assimiler les résultats des autres », suggère qu’on accorde une place centrale aux recherches épistémologiques89.
Un programme franco-allemand de traduction
86Pour élargir et approfondir les échanges intellectuels dans les sciences de l’homme et de la société entre la France et les pays de langue allemande, la MSH s’emploie depuis 1984, à travers un programme de coopération avec le Goethe Institut et le Centre national du livre, à favoriser la traduction d’ouvrages allemands en français et des ouvrages français en allemand. Leur choix est soumis à un comité de lecture réunissant des chercheurs français et allemands de différentes disciplines.
87Les deux volets de ce programme sont : 1) publication de traductions d’ouvrages allemands par les Éditions de la Maison des sciences de l’homme dans la collection « Bibliothèque allemande ». Parmi les ouvrages traduits en français, il y a : Arnold Gehlen, Essais d’anthropologie philosophique, Michael Hagner, Des cerveaux de génie, Marie Theres Fögen, Histoires du droit romain, Wolf Lepenies, Les trois cultures, Martin Warnke, L’artiste et la cour, Aleida Assmann, Construction de la mémoire nationale, Hans Mommsen, Le national-socialisme et la société allemande, Hans Peter Duerr, Nudité et pudeur, Karl Heinz Bohrer, Le présent absolu. 2) programme d’aide à la traduction. Avec l’aide de ses partenaires institutionnels, la Maison des sciences de l’homme s’associe également aux efforts d’éditeurs français et allemands qui proposent des traductions dans le domaine des sciences humaines et sociales. Ce programme bilatéral de traduction est financé par le Goethe Institut, le ministère français de la Culture, des fonds propres des Éditions de la Maison des sciences de l’homme, et bénéficie du soutien du DAAD (Office allemand d’échanges universitaires). Parmi les ouvrages français traduits en allemand, il y a Isac Chiva (dir.), Ethnologie en miroir. La France et les pays de langue allemande (coll. « Cahiers d’ethnologie de la France ») ; Maurice Godelier, La production des grands hommes (Fayard, 1982, Campus Verlag, 1987).
Le projet d’un centre d’accueil. La Maison Suger
88Avec la multiplication de programmes de coopération internationaux et conséquemment l’augmentation des invitations de chercheurs étrangers à Paris, la Fondation est confrontée, pour reprendre l’expression de Clemens Heller, au « problème essentiel d’hébergement des chercheurs de passage90 ». Il est question, dès décembre 1983, d’« un projet de logement des chercheurs étrangers en visite en France dans un immeuble adapté à cet effet ». L’idée est que la MSH serve de « plateforme de concertation » à toutes les institutions intéressées. Il semble qu’on ait en vue un immeuble, qui appartiendrait à l’État, mais dont l’aménagement exigerait d’« importants investissements ». Fernand Braudel se dit disposé à « poursuivre les discussions », mais il ne peut être question pour le conseil d’administration de « prendre un quelconque engagement financier hâtif en la matière91 ».
89Le projet n’aboutit pas. Hélène Ahrweiler prend le dossier en main. Elle suggère d’abord que l’on regarde du côté de la Cité universitaire où le pavillon du Cambodge, inoccupé depuis longtemps, pourrait être utilisé dans ce but92. Puis, plus d’un an plus tard, elle présente un tout nouveau projet qui concerne cette fois-ci un immeuble sis au 16-20 rue Suger et qui soulève à la fois l’intérêt du ministère de la Recherche et celui du ministère de l’Éducation nationale. Donc, un projet que l’on doit, selon elle, prendre au sérieux. Très bien situé dans le 6e arrondissement, à deux pas de la place Saint-André-des-Arts, cet immeuble est totalement muré depuis 1984.
90La discussion se porte rapidement sur le plan de financement d’une telle opération, avec la possible intervention de la Caisse des dépôts et consignations (Paris), de l’Union coopérative équipement loisirs et du Crédit coopératif (Nanterre). Pour sa part, Clemens Heller croit qu’il serait possible de trouver une partie de l’investissement auprès de fondations allemandes ou du mécénat privé93.
91Les choses bougent. Dans une lettre datée du 6 novembre, Heller écrit à Fernand Braudel pour « faire le point » sur l’état actuel du projet de la maison Suger : il lui explique les modalités de cession – un bail emphytéotique, d’une durée de 40 ans – de l’immeuble par le rectorat de l’université de Paris à la MSH et lui décrit l’organisation de l’espace de l’immeuble : des locaux pour l’administration, des locaux collectifs de réunion et d’accueil et enfin des locaux pour l’hébergement et le travail individuel des chercheurs : 20 studios et 13 deux pièces. L’ensemble de l’immeuble est évalué à environ 12 800 000 francs.
92Le bail emphytéotique est signé en février 1987, mais tout n’est pas réglé, car la Fondation Volkswagen demande qu’une hypothèque lui soit accordée en garantie de l’affectation exclusive de la Maison Suger à l’accueil, aux rencontres et à l’hébergement de chercheurs étrangers.
93Un mois plus tard, Clemens Heller annonce que « le projet vient de bénéficier d’une importante subvention de la Fondation Volkswagen » (donation de 3 450 000 marks) et que cette subvention s’accompagne de l’octroi annuel de cinq bourses de 9 000 à 10 000 francs par mois, « pour des jeunes chercheurs allemands qui viendraient travailler à Paris94 ». L’objectif est de mettre ces jeunes chercheurs « en contact avec les meilleurs chercheurs des autres pays au sein de centres de recherche reconnus au niveau international ». Une façon de « mettre en valeur le potentiel européen » dans un contexte où les États-Unis apparaissent comme « le centre » et l’Europe comme « la périphérie scientifique95 ».
94Tout en conférant au projet une dimension européenne, la donation importante de la Fondation Volkswagen est déterminante. Viendront s’ajouter la participation du gouvernement norvégien, qui entend ainsi renforcer ses relations scientifiques avec la France, et celle d’Anne Gruner Schlumberger, qui, soucieuse du rayonnement intellectuel de Paris, fait un don de 500 000 francs96. La MSH prendra la responsabilité de la gestion scientifique de la Maison Suger mais elle en confiera la gestion matérielle à un organisme professionnel spécialisé.
95Côté rue Suger, il faut évidemment envisager d’engager un architecte pour ce projet de changement de fonction de l’immeuble, qui implique d’importants travaux tout en conservant son cachet historique. Après sélection par un conseil de personnalités97, le projet est confié à l’architecte et urbaniste Antoine Grumbach, spécialisé dans l’intégration de l’architecture contemporaine dans les tissus urbains anciens, et qui a une très bonne connaissance des problèmes que rencontrent les chercheurs dans leur vie quotidienne.
96Comme pour la MSH, on parle de maison (d’accueil). L’objectif est de faire de cet ensemble plus qu’un lieu d’hébergement : la Maison Suger doit devenir « un lieu de travail, véritable noyau de la collaboration européenne et internationale en sciences sociales » et donc « satisfaire à la fois les exigences du travail individuel et celles de la réflexion en commun98 ». Il y aura donc d’un côté des appartements, du studio aux deux pièces, entièrement meublés et pour la plupart, avec salle d’eau et kitchenette, et de l’autre, des parties communes pouvant offrir aux résidents divers lieux d’échange et de rencontre (deux salles de réunion, une salle de lecture et deux salons). Sans oublier les installations d’accueil classiques (locaux administratifs, comptoir d’information, boîte aux lettres, secrétariat) au sous-sol, d’autres équipements collectifs, tels qu’un laboratoire réservé à la micro-informatique et à l’impression laser, une petite salle de réunion avec photocopieuse et un lieu consacré aux loisirs99. Le projet prend de l’ampleur : l’ensemble doit comporter 35 unités d’habitation (studios et deux pièces).
Antoine Grumbach (1942-)
Né à Oran, Antoine Grumbach est diplômé de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris et de l’École pratique des hautes études ; il prépare un doctorat en sémiologie avec Roland Barthes et il suit les cours d’Henri Lefebvre et de Claude Lévi-Strauss. Il enseigne dès 1969 au département d’urbanisme de l’université de Vincennes puis à l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-la Villette (1970-1984). Tout en s’inscrivant dans le mouvement de la sociologie urbaine de la fin des années 1960, il aborde l’acte architectural suivant son axiome « Écrire, griffurer, regarder, bâtir »: « L’architecte se doit, déclare-t-il, d’être un philosophe à l’écoute du réel au risque de devenir un simple figurateur. » Il s’intéresse tout particulièrement au problème de l’histoire et de l’enracinement comme on peut le voir dans le projet d’aménagement du cours de Val-Maubuée (1969-1978) à Marne-la-Vallée, en collaboration avec Christian de Portzamparc100. Théoricien et praticien, Antoine Grumbach est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont France : les laboratoires de l’architecture. Il se présente lui-même comme architecte-urbaniste.
Une autre MSH. Pourquoi pas Lyon ?
97L’avenir des MSH en province tient à cœur à la MSH de Paris, qui joue le rôle de maison mère, comme on le voit pour les MSH d’Aquitaine (Bordeaux) et de Strasbourg : chacune de ces deux nouvelles MSH a son représentant au conseil d’administration et à chaque séance du conseil, un point de l’ordre du jour porte sur l’une et l’autre. Les membres du conseil sont ainsi informés, habituellement par les directeurs eux-mêmes – les historiens Pierre Guillaume pour Bordeaux et François-Georges Dreyfus pour Strasbourg –, des activités, des projets et aussi des problèmes de ces nouvelles institutions.
98À la MSH d’Aquitaine (MSHA), on prépare le nouveau programme scientifique à caractère interdisciplinaire qui va regrouper diverses activités de recherche autour de trois grands axes : « Confrontation des expressions culturelles », « Dynamique spatiale et politique urbaine » et « Mise en œuvre des politiques publiques ». L’on envisage aussi d’autres recherches : l’immigration, la vie hospitalière depuis la Seconde Guerre mondiale, le troisième âge en Aquitaine. L’importance ainsi donnée à la santé va amener la MSH d’Aquitaine à ajouter en 1985 un nouveau pôle de recherche : Santé publique et sciences sociales. Par ailleurs, la MSHA, qui publie depuis 1983 le « Bulletin de la MSHA », lance son propre programme de publications en collaboration avec les Presses universitaires de Bordeaux et les Éditions Economica : le premier ouvrage, consacré au Périurbain en Aquitaine, paraît en 1984101.
99Cependant, la jeune institution est déjà confrontée à divers problèmes : manque de personnel, certains équipements, notamment d’imprimerie, vieillissent, et surtout, le statut de l’institution fait de la MSHA un « partenaire suspect pour bien des interlocuteurs » et soulève d’« indiscutables difficultés de gestion », ne laissant aucune liberté à sa direction. En outre, six postes relèvent toujours de la MSH de Paris.
100Autre problème : la création de la Maison des pays ibériques, qui « primitivement » a été conçue comme « devant trouver place dans l’agrandissement de la MSH d’Aquitaine ». Or une telle attitude traduit « un certain manque de confiance » d’universitaires et de chercheurs vis-à-vis de la MSH d’Aquitaine. Même le directeur du CNRS manifeste peu de sympathie pour le statut (loi 1901) de l’actuelle MSHA. Dans les discussions, il apparaît que la MSHA n’est pas, et cela malgré de nombreuses tentatives pour ouvrir le dialogue, reconnue comme « un interlocuteur possible pour le CNRS ». Donc on ne lui accorde pas la respectabilité qui, seule, pourrait assurer son avenir. La fragilité de la MSHA est liée à son statut juridique actuel. Son rôle risque d’être ramené à « de simples prestations de services divers, sans spécificité, à l’exclusion de toute politique scientifique propre ». Comment dans ces conditions établir des « rapports harmonieux » avec les quatre universités d’Aquitaine102 ? Comment vaincre la « défiance de certains responsables universitaires qui perçoivent la MSHA comme un établissement concurrent103 ».
101Fernand Braudel croit d’abord que les conditions actuelles doivent être « conservées un certain temps encore104 ». Puis il se range à l’idée que la solution serait de transformer la MSH d’Aquitaine en fondation105. À Paris, l’on s’inquiète par ailleurs des « problèmes de coexistence » qui ne semblent pas encore avoir disparu, du fait du rassemblement « par le seul hasard » sous le même toit d’une diversité de centres, dont certains sont pluridisciplinaires (le Centre d’études canadiennes, le Centre de recherches interdisciplinaires d’analyse archéologique) et d’autres pas. Un « optimisme raisonnable » prévaut cependant, d’autant plus que le nombre de centres associés est passé de 22 à 37 en quelques années106.
102À Strasbourg, la MSH trouve sa « vitesse de croisière » avec la nouvelle définition de son programme de recherche autour du thème « Économie, société, civilisation et religion dans l’Europe contemporaine » et l’établissement d’associations avec plusieurs nouveaux centres : Études germaniques, Recherches sur l’URSS et les pays de l’Est, l’Europe centrale et sud-orientale, Recherches interdisciplinaires en théologie, Recherche sur le non-conformisme religieux. Deux nouveaux programmes interdisciplinaires sont mis en place en 1984 et 1985 : « Les conditions socioculturelles de la santé et de la maladie : le cancer en Alsace » et « Les hommes et les espaces urbains dans les pays rhénans ».
103Les difficultés occasionnées par le statut se manifestent, mais de « façon moins aiguë » qu’à Bordeaux, à ceci près qu’il ne permet pas la représentation de toutes les universités de la région. D’où l’opportunité d’apporter des modifications statutaires que l’on qualifie de « limitées » et « précédées d’une consultation avec les organismes intéressés107 ».
104M. Dreyfus annonce en juin 1983 sa démission en raison d’une « situation devenue dommageable » aux objectifs mêmes retenus pour la MSH, qui sont de coordonner la recherche sur les problèmes de l’Europe contemporaine et de regrouper les centres et laboratoires des trois universités en un seul bâtiment. Or, ce dernier projet se heurte à l’opposition des collègues de l’une de ces universités, ce qui oblige à se replier sur la création d’une MSH réduite se contentant de locaux isolés dans des centres d’activités universitaires, et d’une secrétaire. La MSH à Strasbourg n’a donc jusqu’à présent, regrette F.-G. Dreyfus, que le seul rôle d’« aider au fonctionnement de colloques et d’équipes travaillant sur les thèmes les plus divers […] ». Dans ces conditions, la MSH risque de demeurer à Strasbourg un « vague organe coordonnateur de fonds, sans moyens et sans personne ».
105En d’autres mots, c’est un « échec », conclut F.-G. Dreyfus, qui remet sa démission. Une démission que regrette Fernand Braudel, car Dreyfus est, selon lui, celui « qui a contribué de façon déterminante à la mise en place de la Maison de Strasbourg » : il sera, conclut-il, difficile de « remplacer son premier animateur108 ».
106Henri Nonn succède à M. Dreyfus. La MSH de Strasbourg soutient essentiellement les deux programmes de recherche collective dont l’état d’avancement semble « satisfaisant » ; elle appuie par ailleurs cinq autres activités de recherche, plus restreintes et monodisciplinaires, prépare l’organisation de colloques et tables rondes et aide à la publication d’actes de colloques importants. L’une des priorités est la réalisation d’un catalogue des périodiques présents à Strasbourg dans les bibliothèques et centres de recherche en sciences humaines et sociales109. À Paris, l’on s’inquiète de l’augmentation des coûts liés à l’organisation des colloques et l’on propose le plafonnement du budget (10 000 francs).
107Il y a enfin le projet de création d’une nouvelle MSH, cette fois-ci à Lyon. Mais il semble que l’on ne puisse prendre ni la MSH d’Aquitaine ni celle de Strasbourg comme « modèle institutionnel » et que l’une des difficultés sera, pense-t-on, « la concurrence avec les universités110 ». Des démarches sont entreprises. Le nom de la nouvelle institution sera Maison Rhône-Alpes des sciences de l’homme, mais le statut de cette Maison ne sera arrêté et son conseil scientifique ne sera mis en place qu’à la rentrée universitaire de l’automne 1989. Enfin, pour cet établissement, les trois implantations retenues seront : Lyon, Saint-Étienne et Grenoble111.
Notes de bas de page
1 « Conclusions de la journée d’études sur les perspectives de la recherche en sciences sociales », MSH Informations, n047, printemps-été 1984 : 3.
2 Ibid. : 4.
3 MSH, rapport d’activité 1981 : 39-41. Il peut y avoir des changements d’année en année des catégories. Par exemple, certaines années, la catégorie psychologie comprend explicitement les sciences de l’éducation.
4 L’accroissement annuel des livres est le suivant : plus de 4 000 en 1982 et 1983, 2 750 en 1985 ; 4 718 en 1986 (rapport d’activité 1986-1987, archives FMSH).
5 On se réjouit que des locaux d’une superficie de 173 m2, situés au 2e sous-sol et occupés par le laboratoire photographique du Centre de documentation en sciences humaines (CDSH), soient libérés pour permettre une extension des magasins de la bibliothèque, manifestement devenus « insuffisants » (rapport d’activité 1982-1983, op. cit. : 36).
6 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 14 décembre 1982 : 3 (archives FMSH).
7 « Les activités du LISH », MSH Informations, no 34, juillet 1980 : 20-34.
8 Ces bulletins et revues sont, en 1989, les suivants : Awal (400 ex.), Bulletin HMCI-Histoire moderne et contemporaine, Informatique (700 ex.), Bulletin de méthodologie sociologique (400 ex.), Cahiers de linguistique sur l’Asie orientale (220 ex.), Cahiers du Brésil contemporain (500 ex.), Ecodevelopment News (950 ex.), AHCCJ Newsletters (History of Crime and Criminal Justice) (500 ex.), Intellectica (525 ex.), Langage et société (750 ex.), Lettre d’INFORCOM (Sciences de l’information) (175 ex.), Lettre d’information du Groupe européen sur la normativité (100 ex.), Nouvelles, environnement, énergie, développement (NEED, 1 000 ex. en français et 1 000 ex. en anglais), Nouvelles de l’écodéveloppement (1 100 ex.), Production pastorale et société (650 ex.) et Semantikos (300 ex.).
9 Professeur en littérature américaine à l’université Paris-VIII, Viola Sachs est la femme d’Ignacy Sachs.
10 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 20 mai 1981 (archives FMSH).
11 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 9 décembre 1978 : 4 (archives FMSH). Pierre Deyon ajoute par ailleurs qu’il faudrait « mettre plus complètement ce réseau à la disposition des universités de province ».
12 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la Fondation de la MSH du 20 mai 1981 : 4 (archives FMSH). Heller regrette par ailleurs un « retard sensible » dans les relations avec l’Espagne.
13 La première étape de la collaboration avec la République démocratique allemande (RDA) commence en 1980 avec la visite à Berlin de Viviane Alleton de l’EHESS puis l’organisation en 1985 à Paris par la MSH d’un colloque européen « Perspectives anthropologiques sur l’histoire africaine », auquel participent des chercheurs de RFA et aussi de RDA (Walter Rusch, Helmut Stöcker, Christine Krötch). Puis se multiplient dans les années suivantes les invitations, dont celle de Kurt Nowak comme directeur d’études associé. Professeur d’histoire de l’Église à l’université Karl-Marx de Leipzig, Nowak participe aussi aux activités du Groupe de recherche sur la culture de Weimar. À travers lui, vont s’établir des liens plus étroits avec les chercheurs de Leipzig : invitation à Paris en septembre 1989 de Werner Bahner, vice-président de l’Académie des sciences de RDA, dont il dirige l’Institut central de linguistique ; création en 1989-1990, à l’initiative de l’historien américain Robert Darnton, du Cercle de travail de Leipzig sur l’histoire de l’édition en Europe du xviie au xxe siècle. Les trois coordonnateurs seront : Hans Erich Bödeker du Max-Planck Institut, Olivier Corpet de l’IMEC et Mark Lehmstedt de Leipzig. Le premier colloque se tiendra à Göttingen en septembre 1990. Et portera sur « L’étude comparée de différentes histoires de l’édition ».
14 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 3 3 décembre 1981 : 7 (archives FMSH).
15 De son terrain Descola tire la matière de sa thèse de doctorat intitulée La Nature domestique. Symbolisme et praxis dans l’écologie des Achuar, qu’il soutient en 1983 et qu’il publie aux Éditions de la Maison des sciences de l’homme. Les Lances du crepuscule paraîtra en 1993 chez Plon dans la collection « Terre humaine ».
16 Entrevue avec Philippe Descola, 8 juin 2012.
17 Entrevue avec Éric Brian, Paris, le 8 juin 2012. Né en 1927, Leopold Haimson est professeur d’histoire à l’université de Chicago. Il a publié de nombreux ouvrages et articles sur l’histoire de la Russie, en particulier sur le mouvement menchevique, dont The Mensheviks: from the Revolution of 1917 to the Second World War (1975).
18 Alleton 1985-1986 : 5-10. Les discussions débutent en 1979 avec la signature d’une convention d’échange par les ministères concernés et le CNRS. Parmi les premiers chercheurs invités, il y a : Bao Chenngu, Gu Liang, Ma Shengli, Jin Zhongyuan, Shin Kangqiang, Zheng Dedi, Chen Dasheng. La MSH finance aussi en 1978 et 1979 les premiers travaux en vue de la rédaction du dictionnaire d’agriculture trilingue anglais-français-chinois et aide à la mise en place, en Chine même, d’une petite équipe française sur « les différentes écoles et les domaines de la recherche linguistique en France ». L’on prévoit par ailleurs la publication d’ouvrages sur la linguistique comparative ou sur l’École sociologique française et Marcel Granet, dont un ouvrage d’Y. Goudineau : L’École sociologique française et Marcel Granet. Paraissent aussi des traductions, du chinois au français (Li Shuchang, Carnets de notes sur l’Occident) et du français au chinois (ouvrage collectif avec des textes de Barthes, Claude Bremond, Gérard Genette, Algirdas Julien Greimas et T. Todorov). Dans les années suivantes sont organisés plusieurs colloques, par exemple en 1984, « Orient-Occident », en collaboration avec le Centre d’études comparatives sur le monde chinois (EHESS).
19 « Échanges avec la Chine », MSH Informations, no 54, 2e trimestre 1987 : 31. Le thème du colloque philosophique est avancé lors d’une réunion avec Jacques Derrida.
20 Même si l’accord avec la Norvège n’est signé qu’en 1987, les relations de la MSH avec les chercheurs norvégiens commencent très tôt, dès les années 1970. L’un d’entre eux, Jon Elster, est très actif dans trois réseaux : « Rationalité et société » de 1978 à 1986 ; « Exploitation, luttes des classes et matérialisme historique » depuis 1979, et depuis 1986, « Justice sociale. L’allocation des ressources rares ». Du côté français, participent à ce 3e groupe de travail Nicolas Herpin du CNRS et de l’INSEE et Laurent Thévenot du Centre d’études de l’emploi et de l’INSEE.
21 Les quatre thèmes de ces journées sont : Histoire et sociologie, Les controverses scientifiques, Politique scientifique et Enjeux sociaux de la science et de la technologie. Parmi les chercheurs qui présentent des communications, il y a : M. Callon, E. Crawford, B. Jurdant, B. Latour, C. Salomon-Bayet, T. Shinn, D. Wolton. De l’étranger, viennent J. Law, S. Lukes, P. Weingart, R. Whitley (B. P. Lécuyer « Journées annuelles d’études de la Société française de sociologie », MSH Informations, no 40, avril-juin 1982 : 27-31).
22 Le coordonnateur de ce groupe est Jon Elster, professeur de philosophie à l’université d’Oslo puis à l’université de Chicago. Elster vient régulièrement à Paris pour participer à des colloques. Son livre Making Sense of Marx est publié en 1985 en coédition entre les Éditions de la MSH et Cambridge University Press. La même année paraît, aussi en coédition, l’ouvrage qu’éditent Jon Elster et Aanund Hylland, The Foundations of Social Choice Theory.
23 La « Géographie. Étude des milieux » est l’un des axes du programme de collaboration entre la France et l’Inde. Les autres sont « L’histoire », « L’étude des systèmes politiques et les relations internationales », « Économie de l’écodéveloppement ».
24 La coordination de ce groupe de recherche est assurée par des chercheurs français dont Frank Alvarez-Pereyre (CNRS-Jérusalem), Alexandre Derczansky (CNRS) et Sylvie-Anne Goldberg (EHESS). Le point de départ est le séminaire d’épistémologie organisé autour d’Alexandre Derczansky à la MSH. Le groupe rejoint plusieurs spécialistes du judaïsme, historiens, anthropologues, sociologues, psychanalystes, dont Nancy Green (EHESS), Dominique Schnapper (EHESS), Shmuel Trigano, Kurt Nidermaier (CNRS), Gilbert Dahan (CNRS), Jacques Hassoun, psychanalyste, Les actes du premier colloque sont publiés aux Éditions du CNRS. En novembre 1990, l’œuvre de l’historien de la philosophie juive, Shlomo Pinès, est l’objet d’un séminaire.
25 Par exemple : ANACT, Organisation et conditions de travail en Suède, Édtions de la MSH et Publications de l’université de Lille-III ; D. Pinto (éd.), Contemporary Italian Sociology. A Reader, Éditions de la MSH et Cambridge University Press.
26 Ce sont : l’École française de Rome, l’Istituto Ragioneri de Florence, la Fondation Feltrinelli, le Max-Planck Institut (RFA), l’Académie des sciences de l’URSS, l’Université de Modène en Italie, le Fernand Braudel Center, la State University of New York, le National Bureau of Economic Research, Cambridge, Ma. Il s’agit de séminaires internationaux en macroéconomie, qui se tiennent au château de Ragny dans l’Yonne et dont le 8e est organisé en 1985 avec le soutien de la Banque de France. Collabore à l’organisation de ces séminaires le Centre d’économie quantitative et comparative de l’EHESS.
27 Élu au Collège de France en 1981, Pierre Bourdieu organise en 1986, en collaboration avec Monique de Saint-Martin, le colloque « Raison, humanisme, pratique ».
28 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 16 juin 1983 : 3-4 (archives FMSH).
29 Ibid. : 3.
30 Ibid.
31 Ce groupe de travail, dont le but est de « dégager les mécanismes généraux du fonctionnement du champ de la production artistique », réunit plusieurs chercheurs étrangers, historiens et sociologues venant des États-Unis, de Suisse, d’Italie ou encore d’Angleterre. Plusieurs participants sont invités à la MSH. Un premier
colloque « Histoire de l’art et sociologie de l’art » se tient à Paris en mai 1981, un autre, « Juger et classer : pour une histoire sociale de la perception artistique », à Florence en mai 1982 (« Juger et classer », MSH Informations, no 41, septembre 1982 : 8-18). Les communications font l’objet de deux numéros spéciaux de la revue Les Actes de la recherche en sciences sociales : « Sociologie de l’œil », n° 40, novembre 1981 et « La peinture et son public », n° 49, septembre 1983.
32 Ce Groupe prend la suite du Centre de recherche sur la littérature américaine contemporaine de l’université de Paris-III (1974-1980).
33 Associé à la MSH, ce centre est en voie d’intégration à l’Institut national des langues et civilisations orientales. L’un de ses objectifs est la collecte systématique de textes de la littérature orale.
34 Le GEST réunit du côté français Bernard P. Lécuyer, Gérard Lemaine et Terry Shinn et, de l’étranger, G. Gemelli (Italie), David Landes (États-Unis), Loet Leydesdorff (Pays-Bas). Ses activités consistent en la tenue d’un séminaire à la MSH et la réalisation d’une enquête européenne sur les nouvelles technologies de communication. Les coordonnateurs du second groupe (TTT) sont Marco Diani (CNRS) et Giovanni Gasparini (Milan). On retrouve parmi les membres permanents Maurice Aymard (MSH), David Landes, Ignacy Sachs.
35 Voir MSH Informations, no 60, 2e trimestre 1989 : 20.
36 Les responsables de ce groupe sont J.-G. Padioleau de l’ESSEC et Philip Schlesinger de la Stirling University en Grande-Bretagne. L’objectif est de mettre en réseau des spécialistes européens de la communication et de mener des études comparatives sur la régulation de la télévision et sur le journalisme politique.
37 Giuliana Gemelli séjourne à Paris dès 1977-1978 ; elle publiera l’ouvrage Fernand Braudel e l’Europa Universale en 1990, traduit en français en 1995.
38 Parmi ses membres, l’on trouve notament Yvon Bourdet (CNRS), Olivier Corpet (CNRS), Bernard Eme (CRIDA), Jean-Louis Laville (CRIDA), Jacqueline Pluet (MSH). Le comité international comprend une trentaine de chercheurs dont Henri Desroche (France), Jean-Pierre Deslauriers (Québec), Gérard Berthoud (Suisse).
39 Ces chercheurs sont : Serge Cleuziou et Anick Coudart, archéologues au CNRS, Jean-Paul Demoule et Alain Schnapp, archéologues à l’université de Paris-I ; Claude Lefébure, Pierre Lemonnier et Jean-Luc Lory, ethnologues au CNRS ; François Sigaut de l’EHESS et Jean-Claude Schmitt, historien à l’EHESS. Le CCRDA se dote d’un comité scientifique qui est composé de : Bernard Bailloud, Jacques Barreau, Robert Cresswell, José Granger, Maurice Godelier, Albert Jacquard et Jacques Ruffié.
40 MSH Informations, no 42, décembre 1982. Voir Lory 1984 : 80-83.
41 Trois autres expositions sont coproduites ou diffusées par le centre : « La Grèce des images », « Les simples entre nature et société » et « Le sel et son histoire» (à partir d’un ouvrage, Les salines de l’Ouest, de P. Lemonnier, paru aux Éditions de la MSH en 1980.
42 Ce sont, en 1984, Jacques Drusch, médecin-psychiatre (mission d’ethnopsychiatrie en Papouasie-Nouvelle-Guinée), Erik Gonthier, bijoutier-joaillier (mission en Irian Jaya) et Agnès Rousseau (archéologie en Équateur).
43 Les chercheurs invités sont, en 1984 : Massene Sene (Sénégal), Henry Cleere (Grande-Bretagne, pour travailler avec la revue Les nouvelles de l’archéologie), Luigi Scarpa (Italie pour un stage de formation en photométrie en France) et Patrizia Castaldi (Italie, pour la préparation d’un colloque sur l’idéologie funéraire dans le monde antique).
44 Burnier et Lory, 1983-1984 : 35-39. Le centre dispose d’un matériel complet de reportage en vidéo ¾ de pouce, d’un système de lecture et de deux moniteurs grands écrans, complétant un matériel audiovisuel classique.
45 En plus d’Olivier Corpet, le groupe fondateur comprend des directeurs de revue, des éditeurs, des journalistes et des bibliothécaires : Xavier d’Arthuys (éditeur), Georges Dupré (librairie La Hune), Yves Peyré (Revue de la Bibliothèque nationale), Raphaël Sorin (journaliste, Le Matin), Lydie Valero (Office Rhône-Alpes du livre), Thierry Paquot (éditeur, La Découverte), Hélène Réveillaud et Jacqueline Pluet (bibliothécaires, MSH), Bernard Condominas (éditeur, Presses de la FNSP), Antoine de Gaudemar (journaliste, Libération), Anne-Marie Bernard (bibliothécaire, bibliothèque municipale de Villeurbanne).
46 Corpet printemps 1986 : 10.
47 Le programme de recherches s’organise autour de plusieurs actions : établir un réseau pour l’étude d’une revue ou d’un ensemble de revues correspondant à un courant intellectuel ou artistique ; réaliser une exploration bibliographique systématique des travaux déjà réalisés ou en cours en France et à l’étranger ; promouvoir et soutenir des études pluridisciplinaires sur le phénomène des revues en comparant celles-ci avec l’univers du livre ou des journaux et magazines ; encourager des études monographiques sur des revues méconnues ; organiser et constituer des groupes de travail autour de plusieurs thèmes spécifiques ; développer un travail de mémoire des revues en recueillant les souvenirs des directeurs de revue (ibid. : 12-13).
48 Dès 1986, sont organisés des débats publics sur « Les revues et la création littéraire », « Les revues et les mouvements d’idées » et « La place des revues dans la création et la diffusion de l’information », et une Quinzaine de la revue sur le thème « Musiques en revues ».
49 Bibliothécaire de formation, Martine Ollion est également titulaire d’un master en gestion de projets culturels et d’un doctorat ès lettres de l’université Paris-Sorbonne.
50 Lettre d’Yvette Roudy à Monsieur le Directeur, Paris, le 9 juillet 1982 (archives FMSH).
51 Lettre de Fernand Braudel à Madame Yvette Roudy, Paris, le 30 juillet 1982 (archives FMSH).
52 Le conseil des directeurs réunit les responsables d’une vingtaine des centres hébergés. Ce sont en 1982-1983 : Marc Barbut et Georges Guilbaud, Marie-Claire Bergère, Jean Bollack, Pierre Bourdieu, Raymond Boudon, Fr. Bresson, Robert Nadot, Igor de Garine, Maurice Godelier, Roger Chartier et Christiane Klapisch, Clemens Heller, Maurice Aymard, Guy Hermet, Alain Lancelot, René Lasserre, Jean-Luc Lory, Jean Meyriat, Charles Morazé, Serge Moscovici, Jean Padioleau, Ignacy Sachs, Michael Hainsworth et Jean Viet.
53 Professeur d’économie et bon connaisseur du système universitaire américain, Pierre Tabatoni est considéré comme le « père fondateur » de la gestion comme discipline universitaire en France. Il joue un rôle clé dans le concept du projet Dauphine, dont la création est rendue publique en juillet 1968. Pierre Tabatoni a été ensuite conseiller culturel puis délégué aux relations internationales du secrétariat d’État aux universités françaises avant de devenir le directeur de cabinet d’Alice Saunier-Seïté de 1976 à 1979. En 1981, il est recteur et chancelier de l’université de Paris (Dormoy-Rajramanan 2012)
54 Au conseil, en plus de François Furet et Maurice Godelier, on retrouve l’historien Joseph Goy.
55 Kéram Kévonian est responsable de la coordination du Groupe de travail sur l’Europe centrale et orientale. Il a son bureau à la MSH.
56 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 17 juin 1982 : 8 (archives FMSH).
57 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 14 décembre 1982 : 4 (archives FMSH).
58 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 17 juin 1982 : 5 (archives FMSH).
59 Ibid. : 4. Il y aura 92 demandes de fonctionnarisation, dont 37 seront satisfaites en 1986, et les autres en 1987. La conséquence est que le personnel sera désormais composé d’effectifs de statuts ou catégories différentes. Une question va se poser : « Tous pourront-ils participer à l’élection des représentants du personnel ? » (compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 18 décembre 1986, archives FMSH). L’on décide, en accord avec les représentants syndicaux, de surseoir au renouvellement des instances représentatives du personnel jusqu’au début 1989. Lors des élections qui ont lieu le 20 juin 1989, sont élues Marie-Renée Pibouin,comme représentante du personnel contractuel et Jocelyne Vedrenne, comme représentante du personnel fonctionnaire. Les deux suppléantes sont Jacqueline Pluet-Despatin et Carmen Rodriguez. Ce sont, pour la première fois, toutes des femmes.
60 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 19 juin 1984 : 7 (archives FMSH).
61 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 10 décembre 1985 : 7 (archives FMSH).
62 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 9 juin 1984 : 5 (archives FMSH).
63 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 19 juin 1984 : 3-4 (archives FMSH).
64 Ibid. : 2.
65 MSH, rapport d’activité 1982-1983 : 19 (archives FMSH).
66 MSH, rapport d’activité 1982-1983 : 24 (archives FMSH).
67 Fondation MSH, « Règlement intérieur », document signé par l’administrateur F. Braudel, le 19 novembre 1984.
68 Comme on le voit avec un local (dans l’immeuble du 4 rue de Chevreuse) qui a été mis à la disposition d’un spécialiste en criminologie invité par le CNRS et que celui-ci, malgré les constantes injonctions, refuse de quitter. L’administrateur entend, si nécessaire, procéder à la fermeture et à l’évacuation du bureau « abusivement occupé » (compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 14 décembre 1982 : 60, archives FMSH).
69 Il s’agit d’un centre du CNRS. Celui-ci s’est engagé à libérer cet espace dans les meilleurs délais, ce qui devrait permettre d’agrandir les magasins de la bibliothèque. De plus, l’on prévoit que le Centre d’information et de recherche sur l’Allemagne, qui est hébergé provisoirement, va aussi quitter prochainement les lieux.
70 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 14 décembre 1983 : 4 (archives FMSH).
71 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 18 décembre 1980 (archives FMSH).
72 « Projet de création d’une unité de diffusion pour les publications en sciences humaines », annexe au compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 18 décembre 1980 (archives FMSH).
73 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 3 décembre 1981 (archives FMSH). Le service doit impliquer, en plus des Éditions de la MSH, les Presses universitaires de Lyon, et celles de Lille, le Collège de France, les Publications de la Sorbonne, les Publications de l’université de Nancy et l’École française de Rome.
74 Ibid. : 3.
75 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 19 juin 1984 : 6 (archives FMSH).
76 Ibid.
77 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 14 décembre 1982 : 6 (archives FMSH).
78 Ibid.
79 L’accord lie tous les éditeurs dont le CID diffuse les livres, sauf l’École française de Rome (rapport d’activité 1984-1985 : 71, archives FMSH).
80 MSH, rapport d’activité 1989-1990 : 67 (archives FMSH).
81 En 1990, les volumes des envois se feront en direction, par ordre d’importance, de l’Allemagne fédérale, du Japon, de la Suisse, de la Belgique, de la Grande-Bretagne et de l’Espagne.
82 Entrevue avec Marie-Louise Dufour, Lausanne, 15 mai 2004.
83 http://semioweb.msh-paris.fr/AAR/115/textes/t_Dufour.htm
84 Les collections plus récentes sont : Studies in Emotion and Social Interaction (1982), Cambridge History of France (1983), The French Revolution (1983), Social History of Crime and Criminology (1983), Studies in Rationality and Social Change (1983), Ethnologie de la France (1984), Documents d’archéologie française (1985), European Monograph in Social Psychology (1985), Studies in Marxism and Social Theory (1985), French Studies in South Asian Culture and Society (1986), Entretiens d’Auxerre (1987), Diplomates et voyageurs chinois au siècle dernier (1988) (MSH, rapport d’activité 1989-1990 : 59, archives FMSH).
85 Les premiers essais sont effectués dans les mois suivants grâce à l’acquisition de huit ordinateurs de bureau « Goupil 3 », fabriqués par une entreprise française spécialisée dans l’informatique, SMT Goupil, créée en 1979.
86 Dans un premier temps, le nouveau service procède à des prêts de micro-ordinateurs aux centres associés, pour ensuite fournir une assistance aux utilisateurs en les tenant informés des nouvelles techniques. Les activités du service sont de trois ordres : 1) accueil des chercheurs étrangers invités par la MSH, 2) collaboration avec des équipes engagées dans des expériences de production de textes scientifiques, 3) assistance au secrétariat scientifique et à divers services de la MSH (MSH, rapport d’activité 1989-1990 : 61-62).
87 Denis Varloot est, depuis 1982, directeur des bibliothèques, des musées et de l’information scientifique et technique (DBMIST).
88 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 12 mars 1987 : 5 (archives FMSH).
89 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 17 juin 1982 : 6 (archives FMSH).
90 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 18 juin 1985 : 4 (archives FMSH).
91 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 14 décembre 1983 : 2 (archives FMSH).
92 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 14 juin 1984 : 5 (archives FMSH).
93 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 18 juin 1985 : 4 (archives FMSH).
94 « Programme de bourses pour de jeunes chercheurs allemands en sciences humaines et sociales ».
95 « Programme de bourses pour de jeunes chercheurs allemands en sciences humaines et sociales » : 2 (annexe au compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 10 décembre 1985, archives FMSH). Les jeunes boursiers allemands doivent au moins avoir la thèse de 3e cycle et une connaissance approfondie de la langue française. Du côté allemand, ce programme reçoit l’appui de personnalités scientifiques, dont Wolf Lepenies du Wissenschaftskolleg zu Berlin.
96 Lettre de Clemens Heller, administrateur adjoint, à Fernand Braudel, administrateur de la MSH, 6 novembre 1985. La lettre est jointe au compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 18 juin 1985 (archives FMSH). Anne Schlumberger (1905-1993) est la fille de Conrad Schlumberger, fondateur avec son frère Marcel de la Société de prospection électrique, qui devient l’entreprise multinationale Schlumberger Ltd ; mariée en secondes noces au neurologue Jean Gruner, elle fait œuvre de mécène dans les domaines de la lecture, de l’art, de la science et de la musique, créant la Fondation Schlumberger pour l’éducation et la recherche.
97 Le président de ce comité est Max Querrien, président de l’Institut français d’architecture.
98 « Une maison d’accueil pour chercheurs étrangers, rue Suger à Paris », MSH Informations, no 51, printemps 1986 : 7.
99 Fondation de la MSH, « La Maison Suger » (1989) : 2 (document de 3 pages en annexe au compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH, le mardi 27 juin 1989, archives FMSH).
100 http://antoinegrumbach.com/Collection/antoine_grumbach/index.asp
101 Deux autres ouvrages paraissent chez Economica en 1985 : Dimensions du libéralisme politique au xixe siècle et Les politiques culturelles dans les villes moyennes.
102 « Exposé de Pierre Guillaume », compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 14 décembre 1983 : 6-9 (archives FMSH).
103 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 18 juin 1985 : 6 (archives FMSH).
104 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 14 décembre 1982 : 10 (archives FMSH).
105 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 19 juin 1984 : 6 (archives FMSH).
106 Selon M. Guillaume, lors de la réunion du conseil d’administration du 12 décembre 1984.
107 Ibid. : 11.
108 Ibid. : 7-8.
109 En raison de la situation géographique, la MSH de Strasbourg donne beaucoup d’importance aux relations avec l’Allemagne, comme on peut le voir dans le choix des thèmes des colloques : « Les romantiques allemands et la Révolution française » ou « Simmel et les sciences humaines ». La direction de la MSH passe d’Henri Nonn à Roland Marx.
110 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 14 décembre 1983 : 8-9 (archives FMSH).
111 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 12 juin 1989 : 12 (archives FMSH).
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