Chapitre 6
L’Affaire
p. 255-289
Texte intégral
1En 1972, la MSH termine son installation dans ses nouveaux locaux, quand Fernand Braudel quitte la présidence de la VIe section de l’EPHE pour n’occuper que le poste d’administrateur de la MSH afin, dit-il, de protéger son autonomie qui semble alors brusquement menacée (Daix 1995 : 148). L’institution va alors faire face à une nouvelle crise : c’est, pour reprendre, l’expression de Braudel lui-même, « l’Affaire ». Et cette « Affaire » va mettre en conflit direct non seulement les deux institutions sœurs que sont la Maison et l’EPHE, mais aussi Braudel et son collègue et successeur à la présidence de la VIe section, Jacques Le Goff. L’enjeu est celui du nouveau statut de la VIe section. Le lien très étroit entre les deux institutions, qui a été leur force et qui, comme on l’a vu, a déjà posé quelques problèmes dans le passé, ne risque-t-il pas de devenir le talon d’Achille de la MSH à un moment où celle-ci doit redéfinir ses grandes orientations ?
2En pleine croissance, la VIe section tire avantage des nombreuses réformes qui, après mai 1968, donnent une « vie nouvelle » à l’université, surtout dans le domaine des sciences humaines et sociales. Durant les années 1970, les sciences sociales connaissent un développement important, grâce entre autres à la prolifération de contrats émanant des organismes de la recherche publique. Cet essor de la recherche permet une augmentation des ressources financières des chercheurs (Pollak 1976 : 105-121), comme on le voit avec la création d’un organisme singulier, le Comité d’organisation des recherches appliquées sur le développement économique et social (CORDES), sous l’autorité du Commissariat général du plan, dont la mission est de commander et de financer la recherche contractuelle en sciences sociales. On parle même, s’agissant des années 1966-1979, d’un « moment CORDES » (Bezes et Montricher (de) 2005)1.
La consolidation
3Pour répondre à une nouvelle exigence du ministère de l’Éducation nationale, la MSH doit se doter d’un programme scientifique pour les cinq prochaines années. Cette exigence s’inscrit dans la nouvelle politique de planification des institutions d’enseignement supérieur et de recherche.
4Fernand Braudel s’attelle à la tâche avec ses collaborateurs et en novembre 1973, il présente aux membres du conseil d’administration une première ébauche de plan. D’entrée de jeu, il adopte une attitude offensive, voire revendicative. D’abord, plus d’espaces. La « libération » prochaine des étages supérieurs de l’immeuble par le ministère de la Justice devrait permettre de regrouper plus de centres de recherche et de documentation, notamment ceux qui étudient le monde contemporain (européen ou non). C’est le seul moyen d’« obtenir une représentation équilibrée des différentes aires culturelles2 », d’attribuer des locaux à des équipes de recherche temporaires et d’héberger des chercheurs de province et de l’étranger. Elle rendra ainsi possible, pour la MSH, la réalisation de son programme original. Quant aux locaux restants, ils seront destinés – « en principe », ajoute-t-il – aux centres qui sont sur la liste d’attente établie depuis plusieurs années3. Pour certains membres du conseil d’administration, il y a un argument de plus en faveur du regroupement des centres : c’est la réforme du 3e cycle prévue pour 1975, qui rendra nécessaire l’intégration d’étudiants dans des équipes de recherche. Braudel reconnaît le besoin d’examiner cet aspect des choses « jusque dans ses extrêmes conséquences », mais rappelle que l’enseignement ne fait pas partie des fonctions de la MSH.
5Ensuite, des budgets plus élevés. S’agissant des services communs et en particulier de la bibliothèque qui, « largement utilisée », vient d’absorber le fonds « sciences humaines » du CNRS, il faut, pour « maintenir le niveau de l’activité actuelle », des accroissements budgétaires correspondant à la hausse des prix (des livres, par exemple).
6La priorité est manifestement accordée à la recherche. Dans le programme qu’elle présente au ministère, la MSH entend privilégier les moyens suivants : la mise en place de réseaux de collaboration scientifique, tant européens qu’internationaux, la recherche des moyens et du personnel de gestion indispensables à leur réalisation, comme c’est déjà le cas avec la grande enquête européenne sur l’organisation de la recherche en sciences sociales dans quatre pays européens, la mise sur pied de réseaux de collaboration et d’études comparatives dans de grands domaines de recherche qu’elle priorise déjà, tels la sociologie des sciences, la biologie et les sciences sociales, l’environnement et le développement, l’invention et l’innovation, l’écologie et la société, la sociologie des organisations, l’étude des aspects économiques et sociaux de la régionalisation.
7La collecte et la diffusion d’informations demeurent donc une des activités essentielles de la FMSH, selon Braudel, qui n’est pas peu fier du nouveau Bulletin, qui devient une « vitrine » de la vie scientifique en France et à l’étranger. Braudel parle d’un nouveau projet : celui de publier une nouvelle revue internationale, qui serait centrée sur les innovations dans la recherche et sur les études interdisciplinaires comparatives. Enfin, qu’il s’agisse d’ouvrages ou de revues, il croit que la MSH doit jouer un rôle d’éditeur de plus en plus actif : la mise sur pied d’un service de publication propre à la MSH apparaît donc comme s’imposant « forcément, un jour ou l’autre ». Le service de publication aurait pour vocation « de publier des ouvrages scientifiques et d’exercer auprès des chercheurs une activité de conseil en matière d’édition ». Il n’est pas question pour les Éditions de la MSH d’être « en compétition » avec l’édition privée, car le champ que la MSH entend occuper est laissé libre par les éditeurs commerciaux qui ne peuvent plus aujourd’hui se risquer à produire des ouvrages à tirage limité destinés à un public restreint ni même à imprimer certains ouvrages d’érudition sans opérer des coupes touchant le fond même de l’œuvre. Enfin on entend accorder une attention particulière aux programmes de coédition avec des éditeurs étrangers tel Cambridge University Press4.
8En 1975, la MSH va mettre en place un groupe de travail sur les publications et la documentation en sciences sociales et humaines. On y aborde les trois questions suivantes : la présentation des manuscrits, la production d’ouvrages à petit tirage et la diffusion de publications issues des presses universitaires5.
9Comme cela est dit dans le document que Braudel remet au ministère, il ne s’agit donc de changer ni l’objectif de sa fondation ni les moyens pour y parvenir. L’objectif, c’est toujours de « promouvoir l’étude des sociétés humaines, considérées dans leur réalité actuelle ». Les moyens, ce sont : le développement d’instruments collectifs de travail (bibliothèque, services de documentation et de calcul), la mise en place de réseaux de collaboration entre diverses institutions et disciplines, et l’organisation de projets de recherche interdisciplinaire ou comparée, au niveau national et international, la collecte et la diffusion d’informations scientifiques et le regroupement à l’intérieur d’un même immeuble de formations de recherche qui conservent leur autonomie administrative et financière.
10Le temps est à la consolidation, d’autant plus que la récupération des locaux va permettre d’achever le regroupement initialement prévu de centres de recherche6, ce qui, souligne-t-on, aura l’avantage de « concentrer en un même lieu » les centres de recherche et de documentation sur le monde contemporain (européen ou non) et de mettre en contact les réseaux de relations internationales relevant de différentes institutions (CNRS, Fondation nationale des sciences politiques, EPHE, etc.). Consolidation y compris sur le plan international, avec une plus grande mobilité des chercheurs : on souhaite en effet non seulement héberger des chercheurs de passage à Paris (par exemple de province) mais aussi inviter, pour des séjours de quatre à six mois, à la manière, précise-t-on, des instituts de Princeton et Palo Alto, des chercheurs étrangers désirant poursuivre une recherche commune en étroite collaboration avec leurs collègues français. On espère enfin continuer à organiser des conférences d’éminents spécialistes étrangers, compétents dans des domaines de pointe qu’il conviendrait de développer en France.
À la recherche d’une « solution intelligente et équitable »
11Une fois le « Programme à cinq ans » remis au ministère, Braudel entend bien se battre pour que les cinq étages supérieurs de l’immeuble soient attribués à la MSH après le départ du ministère de la Justice ; il envisage de réserver le premier étage aux chercheurs provinciaux et étrangers, à des équipes de recherche dites « expérimentales » et aux réunions. Les quatre autres étages pourraient être assignés, comme cela a été indiqué dans le document remis au ministère, à des centres ayant pour objet d’étude le monde contemporain et les relations internationales. L’on prévoit aussi de laisser à la bibliothèque un étage entier et de constituer de nouveaux magasins en sous-sol. Il faut par ailleurs penser à l’attribution de l’espace libéré par certaines formations à d’autres centres de recherche. L’utilisation de tous ces nouveaux locaux exige une étude plus approfondie et donc la mise en place d’un comité (qui sera finalement le bureau « élargi » du CA avec la participation de représentants du ministère de l’Éducation, du CNRS, de l’EPHE et de la FNSP)7. Enfin, pour la coordination des activités scientifiques de la MSH, il apparaît indispensable que soit créée une unité qui serait chargée spécifiquement de cette tâche : ce sera le Centre de recherches interdisciplinaires et comparatives, dont Clemens Heller se verra confier la responsabilité.
12Il semble bien que les renseignements fournis par l’administrateur de la MSH dans son programme quinquennal, qui redéfinissent la vocation de l’institution, donnent satisfaction, puisque, comme le note Braudel, elles lui valent une lettre du directeur général des Enseignements supérieurs et de la Recherche, Raymond-François Le Bris, réglant l’avenir financier et administratif de la Fondation. De plus, en date du 16 mai 1974, selon les instructions du Premier ministre et du ministre de l’Éducation nationale, l’on confie à la Fondation les cinq étages occupés par le ministère de la Justice8.
13Le 11 juillet 1974, Braudel déjeune avec le ministre Jean-Pierre Soisson en compagnie de Clemens Heller et d’autres collaborateurs. Ancien conseiller d’Edgar Faure dans ses différents cabinets ministériels, député depuis 1968 de la première circonscription de l’Yonne, Soisson est l’un des principaux lieutenants de Valéry Giscard d’Estaing lors de son élection récente ; fin mai, il entre dans le premier gouvernement de Jacques Chirac au poste de secrétaire d’État aux universités.
14Comme Braudel en informe son collègue Jacques Le Goff, qui vient de lui succéder à la tête de la VIe section, « tout s’est bien passé, grâce à la gentillesse, au dynamisme et, il faut bien le dire, à l’intelligence du ministre. Tant mieux pour vous et pour moi et nos deux institutions qui en avaient bien besoin ». Et il termine sa lettre en lui souhaitant de « bonnes vacances9 ». Tout s’annonce donc pour le mieux. Il semble même qu’une « solution intelligente » concernant l’affectation des locaux libérés par le ministère de la Justice ait alors été élaborée et qu’on peut la qualifier, selon Braudel, d’« équitable » pour toutes les institutions : « De toutes les solutions envisagées, elle était, et elle reste, de loin, celle qui sert le mieux le rayonnement des sciences sociales et de la culture française10 ».
Jacques Le Goff (1924-2014)
Jacques Le Goff est né à Toulon en 1924. Agrégé d’histoire en 1950 (Fernand Braudel et Maurice Lombard sont membres du jury) et diplômé de l’EPHE-VIe section (en 1952, avec un mémoire sur l’université de Prague, sous la direction de Maurice Lombard, avec pour rapporteur Lucien Febvre), il s’oriente vers l’enseignement secondaire au lycée d’Amiens (1950-1951) puis il effectue un séjour d’études d’un an à Oxford (1951-1952), devient membre de l’École française de Rome (1952-1953) et, à son retour, il entre au CNRS (1953-1954). Il revient rapidement vers l’enseignement, cette fois-ci à la faculté de Lille, de 1954 à 1959.
Le jeune Le Goff se passionne pour la politique et est attiré par le marxisme mais il n’adhère pas au Parti communiste, comme c’est chose courante à l’époque ; de 1958 à 1962, il milite au sein du PSU (Parti socialiste unifié)11.
Fasciné par le Moyen Âge des xie et xiie siècles, Le Goff prépare une thèse sur « les idées et attitudes à l’égard du travail au Moyen Âge », qu’il ne terminera pas. Il publie à la fin des années 1950 ses deux premiers livres, l’un en 1956 sur les Marchands et banquiers au Moyen Âge, et l’autre l’année suivante sur Les Intellectuels au Moyen Âge.
C’est en 1960 que Le Goff publie son premier article dans les Annales : « Au Moyen Âge : temps de l’Église et temps du marchand12 ». La même année, il obtient un poste à la VIe section de l’École pratique des hautes études et, deux ans plus tard, il y devient directeur d’études. Proche de Braudel, il travaille sur l’histoire économique. Ils signeront ensemble dans les Annales un « Hommage à Ferdinand Lot » (1966). En 1962, Le Goff rédige un manuel d’histoire pour la classe de 4e intitulé Le Moyen Âge, ainsi qu’un ouvrage grand public sur La civilisation de l’Occident médiéval.
En 1969, Le Goff prend la direction des Annales avec Emmanuel Le Roy Ladurie et Marc Ferro. En 1972, il est nommé président de la VIe section de l’École pratique des hautes études, qui deviendra en 1975 l’École des hautes études en sciences sociales13.
15Avec Jacques Le Goff à la présidence de la VIe section, les historiens ont le contrôle de la section. Cette orientation n’est pas sans conséquence sur les relations avec la MSH. Premier signe du divorce, Clemens Heller lui-même se voit « rapatrié », sans trop de ménagements, semble-t-il, dans les locaux de la MSH.
La création de l’EHESS
16Dès son entrée en fonction, Jacques Le Goff se consacre à l’élaboration des nouveaux statuts de l’établissement tout en associant ses collègues à une « réflexion collective » sur l’avenir de la VIe section, destinée à devenir l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Le corps professoral de la VIe section comprend alors plus de 110 directeurs d’études, dont plusieurs « nouveaux », une douzaine de directeurs d’études associés et de sous-directeurs d’études, 45 maîtres-assistants14, plus de soixante-dix chargés de cours15 et une centaine de chefs de travaux et préparateurs, dont plusieurs sont aussi assistants de recherche dans l’un ou l’autre laboratoire16.
17Le « moment fort » de cette réflexion est la « rencontre interdisciplinaire » de Royaumont en mai 1973. La formule est très souple : pas d’exposés, pas de rapports. Chacun peut intervenir autant de fois qu’il veut, faire part de ses expériences, de ses idées, interroger son voisin. Le but n’est « ni administratif ni scientifique » mais « seulement intellectuel et humain » : il s’agit de « faire naître des idées, des projets – dont la restructuration de l’École pourrait faire ultérieurement son profit ». Bref une discussion libre mais organisée autour de trois grands thèmes : la recherche, l’interdisciplinarité et l’enseignement de la recherche. Il y a une cinquantaine de participants : des directeurs d’études, des maîtres-assistants, des chefs de travaux). On y retrouve les historiens Jacques Le Goff, Emmanuel Le Roy Ladurie et Joseph Goy, les sociologues Raymond Aron, Pierre Bourdieu et Alain Touraine, ainsi que les anthropologues Georges Balandier et Maurice Godelier. Parmi les participants plus directement liés à la MSH, il y a Clemens Heller, René Marzocchi, Charles Morazé, Ignacy Sachs. Fernand Braudel est absent.
18Lors de cette rencontre, on cherche à dégager la spécificité de la future institution qui, comme aurait pu le dire Ernest Renan (que cite l’un des participants), est « en porte à faux » entre le Collège de France et la Sorbonne. L’on parle évidemment beaucoup de la recherche : la première fonction de la VIe section est, comme le rappelle Le Goff, « la recherche de pointe ». Il faut en effet « produire », c’est-à-dire « publier, former des sujets-chercheurs et lancer des idées, maintenir la recherche individuelle et la recherche collective17 ». Il ne fait donc aucun doute que la future École entend toujours se distinguer par l’importance qu’elle accordera à la recherche : elle abrite une cinquantaine de centres et groupes de recherche, ce qui représente près de 1 000 chercheurs et techniciens. Plusieurs de ces centres ont le statut de laboratoire ou d’équipe associée au CNRS. Enfin, elle publie 17 périodiques et 44 collections en sciences sociales et humaines, souvent avec le concours financier du CNRS.
19Au 54 boulevard Raspail se trouve également un service commun, le Centre de mathématique sociale, dont les directeurs sont Marc Barbut, Georges-Théodule Guilbaud et Pierre Rosenstiehl, de même que plusieurs centres de recherche et des centres de documentation18. D’autres centres sont à proximité dans le même arrondissement, au 10 rue Monsieur-Le-Prince et au 6 rue de Tournon. Le service des publications, dont la responsable est Marie-Louise Dufour, est au 131 boulevard Saint-Michel.
20Il est peu question pendant les discussions de la relation entre la VIe section et les centres de recherche. Certains participants regrettent d’ailleurs que « la rencontre ne se soit pas suffisamment intéressée aux centres ». Enfin, étonnamment, personne ne fait explicitement référence à la MSH. Pourtant, plusieurs membres du bureau et du conseil d’administration de la VIe section sont associés, et certains depuis longtemps, à la MSH : au bureau, Marc Barbut, Maurice Godelier et René Marzocchi et au conseil d’administration, Jacques Chapsal et René Rémond.
Des décisions inacceptables
21À la rentrée, fin septembre 1974, Fernand Braudel apprend « pêle-mêle » que diverses décisions viennent d’être prises : « 1) L’ex-VIe section retirerait des centres de recherche de la MSH, 2) le secrétariat d’État aux Universités s’installerait lui-même dans les locaux abandonnés par la Justice et dans les locaux que libérerait l’EPHE à l’intérieur même de la MSH, 3) la Fondation nationale des sciences politiques et le CNRS seraient invités à quitter les lieux, et 4) notre bibliothèque pourrait être cédée à l’École des hautes études, celle-ci devant s’installer dans un bâtiment de la région parisienne, construit ou à construire. » Et Braudel d’ajouter : « Je regrette vivement que ce revirement ait écarté la solution intelligente élaborée cet été et à laquelle toutes les institutions s’étaient ralliées. Il s’agissait là d’une solution équitable […]. De toutes les solutions envisagées, elle était, et elle reste, de loin, celle qui sert le mieux le rayonnement des sciences sociales et de la culture française19. »
22C’est là le « premier épisode » de ce que Braudel appelle « l’Affaire de la Maison des sciences de l’homme ». Le « je regrette vivement » est un euphémisme : Braudel est furieux, d’autant plus furieux que les services du ministère de l’Éducation nationale lui demandent à nouveau de préciser « quelle est la vocation de la Fondation et quelles actions sont spécifiquement les siennes ». Braudel est manifestement irrité : « C’est, rétorque-t-il, la centième fois au moins que pareille demande nous est faite. »
23Le deuxième épisode de « l’Affaire » se produit lorsque le 15 octobre suivant, Braudel rend à nouveau visite à Jean-Pierre Soisson. Il lui présente d’abord un certain nombre d’objections quant à l’abandon des décisions antérieures du gouvernement relatives à l’installation du secrétariat des Universités dans un bâtiment « qui n’a pas été conçu à cet effet et qui est une maison fragile ». Puis, argumentant que l’installation de bureaux à la place de chercheurs pourrait avoir « un mauvais effet sur l’opinion publique », il exige du nouveau secrétaire d’État que « même après le départ des centres de la VIe section logés par nous, le volume actuel de la Fondation lui restât attribué, c’est-à-dire que les quatre étages que nous occupons fussent maintenus à notre disposition ». M. Soisson le lui promet, « à peu près », précise Braudel20.
24Les bruits courent toujours. Braudel décide de téléphoner début novembre à M. Soisson qui, au cours d’un bref entretien, lui fait part de ses décisions : d’abord, la future EHESS recevrait les 5 000 m2 abandonnés par la Justice et la MSH serait maintenue « en l’état, dans ses fonctions, ses locaux et son budget » ; ensuite, la gérance du bâtiment serait confiée à l’École, ce qui déposséderait la Fondation de la gestion qu’elle exerce depuis la mise en service de l’immeuble.
25Braudel proteste énergiquement. S’ouvre alors le troisième épisode de « l’Affaire », qui va opposer directement, pour ne pas dire frontalement, l’administrateur de la Fondation de la MSH à Jacques Le Goff, le président de la VIe section. Celui-ci soutient en effet, comme le rapporte Braudel, que son École va recevoir non seulement les 4 000 m2 abandonnés par la Justice mais aussi les 2 000 m2 qu’occupent les centres de recherche de la VIe section à l’intérieur de la Maison, soit 6 000 m2 en tout.
26Une décision inacceptable, selon Braudel qui rappelle que « lors de l’installation de la MSH en 1968, l’EPHE a obtenu dans le partage des espaces libres la part du lion21 ». Il avait été entendu que cette répartition devait être ultérieurement l’objet d’une révision. Braudel refuse un tel partage des espaces, se disant par ailleurs disposé à céder les 5 000 m2 qu’occupait provisoirement la Justice, mais seulement à la condition que « l’École retire des étages qui nous sont propres une partie ou la totalité de ses centres ». Une sorte de compromis, donc ? Mais pour ce qui est de la gestion du bâtiment, il ne peut en être question, proteste énergiquement Braudel, qui refuse que la MSH devienne sous-locataire : « Ce serait un complet renversement des rôles, et au profit cette fois d’une institution non neutre, l’une des institutions intéressées prenant en quelque sorte le contrôle de l’institution commune22. »
27Braudel rencontre le 14 novembre, donc à la veille de la réunion du conseil d’administration de la MSH, son collègue Jacques Le Goff. Participent aussi à cette rencontre Clemens Heller et Jean Barin, administrateur adjoint et secrétaire de la MSH ainsi que René Marzocchi, adjoint de Le Goff et pendant longtemps secrétaire de la MSH. Tout le monde se connaît. Mais Braudel tient à préciser que c’est la première fois depuis plusieurs mois qu’il voit son collègue de l’École. La discussion semble se dérouler « de façon réaliste et aussi cordialement que possible ». Les points traités sont les suivants :
1) la MSH entend rester « maîtresse absolue chez elle dans les quatre étages et dans les annexes en sous-sol qui lui sont alloués et qu’elle occupe ; 2) quant à la gestion du bâtiment, Braudel exige que la MSH « ne soit ni colonisée, ni phagocytée ni infériorisée dans un ensemble primitivement construit pour elle ». Il ne souhaite pas davantage « inférioriser » l’École ; 3) Braudel demande à l’École de « ne pas installer à la Maison sa copieuse administration », « les bureaux ne devant pas, dit-il, manger l’espace réservé à la recherche » ; 4) Braudel ne veut pas que l’immeuble, qui est l’œuvre d’un admirable architecte, « soit livré à la verve artistique d’étudiants de passage ». La cafétéria ne peut par ailleurs pas accueillir de clients supplémentaires ; 5) Braudel rappelle enfin que l’enseignement dans les locaux de la MSH doit être réduit au strict minimum, et cela pour deux bonnes raisons : primo, on a interdit à la Maison de faire de l’enseignement, secundo, le système d’air conditionné a été établi en conséquence.
28Le Goff se montre, comme le rapporte Braudel, « désireux de donner satisfaction à ses collègues de la MSH », mais il aurait refusé de s’engager sur deux points : la gestion de la Maison, et l’installation de l’administration de l’École dans les locaux de la Maison. Braudel exige pour sa part que la décision ne soit pas prise sans consultation de toutes les parties intéressées. Et il cite les paroles de l’administrateur du Collège de France pendant les heures difficiles de la guerre : « On ne chahute pas les institutions23. »
29Pendant la discussion qui suit, Le Goff fait l’historique de ses négociations avec le secrétariat d’État aux Universités au sujet des locaux nécessaires à la nouvelle École des hautes études en sciences sociales ; il explique aussi la « situation difficile » dans laquelle il se trouve placé, par sa double qualité de président de la VIe section de l’EPHE et de membre du conseil d’administration de la MSH : certes il se dit « en tous points solidaire des intérêts de la Fondation », mais il se doit « également de défendre ceux de l’institution qu’il dirige ».
30Jean-Marc Favret intervient pour faire connaître la position du secrétariat d’État aux Universités, qui se trouve devant « le problème de l’extension de la Fondation de la MSH, de la nécessité de reloger les services et les centres dispersés de la VIe section de l’EPHE et celle de loger sa propre administration ». Il n’y a pas, selon lui, d’autre solution que défendre la coexistence dans l’immeuble du boulevard Raspail de la Fondation de la MSH (qui conserverait l’intégralité des espaces qu’elle occupe) et de l’École (la présidence devrait y être installée).
31Braudel réaffirme son regret que la MSH n’ait pas été consultée, et il revendique fermement l’extension – d’un minimum de 647 m2 – des surfaces attribuées à ses services propres : c’est là, selon lui, la condition de la « survie de la MSH24 ». Pour Jacques Chapsal, trésorier de la Fondation, la responsabilité du conseil d’administration de la Fondation est claire et simple : il faut tout faire pour éviter que « l’assassinat ne se transforme en suicide ». Il ne suffit plus d’« exprimer nos plus vifs regrets », il faut aussi prendre tous les moyens pour se défendre, y compris les moyens légaux en allant, comme le suggère Braudel, « naturellement s’informer de tous les aspects légaux du problème ». Le conseil d’administration adopte à l’unanimité des voix moins une abstention, celle de Jean-Marc Favret, représentant du ministère de l’Éducation, les deux propositions suivantes : la première réaffirme le regret que la totalité de l’immeuble ne soit pas affectée à la MSH et demande « de la façon la plus ferme » que les conditions de gestion de l’immeuble soient réglées à l’avenir dans « un esprit de parfaite égalité » entre les deux institutions ; la seconde reformule la revendication de la MSH, à savoir dans l’immédiat, une augmentation de 650 m2 des surfaces dont elle dispose afin de répondre aux « besoins » que sont principalement l’extension de la bibliothèque (147 m2), des bureaux pour des chercheurs venant de province ou de l’étranger et des réseaux scientifiques (177 m2), des salles de réunion (124 m2 en plus), enfin des locaux pour les Human Relations Area Files25 et pour le relogement du GEMAS et de Futuribles26.
32Il semble bien que la décision du secrétariat d’État d’affecter les locaux du ministère de la Justice à la future EHESS soit irrévocable. Entre le 15 novembre 1974 et le 21 juin 1975, date de la réunion suivante du conseil d’administration, rien ne se passe. La demande d’audience auprès du ministère n’est pas encore accordée, mais la date d’une rencontre préalable est fixée en juillet : il s’agira alors de « préparer un dossier concernant les problèmes qui se posent à la Fondation, à savoir : définition de son espace, nécessité de moyens supplémentaires et statut du personnel ».
33Cette dernière question est d’autant plus importante que le personnel est inquiet : le désir est, comme l’exprime l’un des délégués, Pierre Achard, « d’adhérer au pot commun du ministère de l’Éducation, autrement dit de changer son statut actuel en celui de contractuel de droit public ». Une telle intégration à un statut national serait, ajoute-t-il, « plus avantageuse » que le statut actuel.
34Braudel se déclare pour sa part « en principe prêt » à soutenir auprès du secrétariat d’État le point de vue du personnel. Il cherche ainsi à « faire acte de bonne volonté » vis-à-vis du personnel. Mais il ne semble pas, comme l’indique le représentant du ministère Jean-Marc Favret, qu’il soit facile de trouver une solution à ce problème fort complexe : certes la situation juridique de la Fondation pèse en faveur du maintien du statut particulier, mais il est probable qu’on puisse s’orienter vers une intégration à un statut de droit public. Cependant une telle intégration risque, comme le souligne Jacques Chapsal, de modifier les liens de dépendance et de hiérarchie qui lient le personnel à l’institution et donc de « mettre en jeu la liberté d’action » de la Fondation. Tous conviennent, et Jean-Marc Favret le premier, qu’en cas de détachement, la Fondation pourra « conserver son entière autorité sur le personnel et les crédits correspondants27 ».
35Toujours rien qui « aille dans un sens nouveau ». Telle est l’expression de Braudel qui, plutôt découragé, se voit, six mois plus tard, contraint de reconnaître que l’installation de l’administration de la nouvelle EHESS dans les locaux libérés par le ministère de la Justice est devenue « certaine ». La situation est une source d’irritation d’autant plus grande que l’EPHE n’est pas encore en mesure d’évacuer les 650 m2 nécessaires à l’extension des services propres de la Fondation dans les étages de l’immeuble où se trouvent hébergés plusieurs centres de l’EPHE.
36Puis, autre défaite pour la Fondation : la gestion de l’immeuble doit être transférée à l’École dans quelques mois, le 1er janvier au plus tard. Braudel ne cache pas sa déception de voir que « le secrétariat d’État ne met pas à profit l’expérience acquise dans ce domaine par la Fondation » et qu’il confie à l’École la gestion de l’immeuble, ce qui constituera pour celle-ci une « lourde charge ». La décision de la direction des Enseignements supérieurs et de la Recherche du ministère de l’Éducation nationale de mettre à la disposition de la MSH et de l’EHESS l’immeuble du 54 boulevard Raspail sera officiellement annoncée le 23 mars 1976.
37Il ne fait aucun doute dans l’esprit de Fernand Braudel que cette mesure est loin d’être une bonne solution pour la nouvelle École, car celle-ci va se trouver installée dans « un espace à la fois insuffisant et inadapté à toute activité d’enseignement ». Il était d’ailleurs clair, et cela dès l’époque de la construction de l’immeuble, rappelle pour sa part Charles Morazé, que cet immeuble n’était pas « destiné à abriter des enseignements, du fait même de sa conception28 ».
38Braudel tient par ailleurs à corriger une erreur de perception : « On attribue parfois, à tort, la création de la MSH à la VIe section de l’EPHE. Il n’en est rien car la MSH a été créée avec l’assentiment de toutes les institutions parisiennes concernées par les sciences de l’homme. » Sa vocation est donc, dès son ouverture, interdisciplinaire et interinstitutionnelle, ce qui comprend maintenant toutes les universités, qu’elles soient parisiennes ou provinciales.
39L’installation de l’EHESS dans l’immeuble rend indispensable un certain nombre de changements et oblige à des négociations avec la MSH ainsi qu’avec la Fondation nationale des sciences politiques. Il y a d’abord la révision de conventions relatives à l’hébergement des centres de recherche et la réattribution de certains espaces : par exemple l’agrandissement de la bibliothèque, qui pourra occuper tout le premier étage, ou le relogement de centres de recherche dans l’immeuble, qu’il s’agisse du Groupe d’études des méthodes de l’analyse sociologique (GEMAS) ou du nouveau Laboratoire européen d’expérimentation en psychologie sociale (qui remplace le Laboratoire de psychologie sociale). Tous les problèmes liés à la cohabitation sont donc loin d’être réglés : de l’élaboration d’un règlement intérieur commun pour le personnel des deux institutions à la gestion commune de l’immeuble en passant par l’inscription du nom des deux institutions sur la façade de l’immeuble.
40L’accord, dans le libellé tel que proposé, permet de mettre les deux institutions sur « un strict pied d’égalité » :
41« L’essentiel est donc », précise-t-on alors, de « faire apparaître l’heureuse cohabitation des deux institutions29 », Fernand Braudel se félicitant pour sa part de la collaboration de l’École.
42Les nouveaux statuts de l’École prennent leur forme juridique avec le décret du 23 janvier 1975 portant sur l’application de la loi d’orientation de l’enseignement supérieur à l’École des hautes études en sciences sociales. C’est la principale réalisation de Le Goff pendant son mandat30. La VIe section se transforme alors en une quasi-faculté des sciences sociales. Braudel ne se trompe pas lorsqu’il écrit : « La VIe section vient en 1975 de perdre un numéro d’ordre et son titre même, pour devenir l’École des hautes études en sciences sociales, avec le droit à la collation des titres. Elle continue d’être une institution de recherche, mais devient en même temps une université. » Et quelque peu amer, il conclut : « Ne nous trompons pas : nous sommes devenus orthodoxes. Est-ce un bien ? » (Braudel 1976 : 9).
La lutte pour les espaces
43Pour toute institution, les espaces sont un enjeu central. La cohabitation de la MSH avec l’EHESS est d’autant plus difficile qu’elle implique le partage d’un même immeuble (ainsi que les frais de fonctionnement inhérents à cet immeuble). Tout cela impose, comme on le voit entre 1975 et 1980, des négociations quasi permanentes pour l’établissement d’accords31. La question de l’affectation de l’immeuble va être en effet, début 1980, à nouveau relancée par l’Administration : si l’on considère que l’ensemble de l’immeuble ne peut être affecté qu’à un établissement relevant du ministère de l’Éducation nationale, il s’ensuit que seule l’EHESS en devient « affectataire » et que c’est elle qui dorénavant va louer à la Fondation de la MSH la partie des locaux que celle-ci occupe. L’on se demande, du côté de la MSH, « s’il n’y aurait pas moyen de consolider le statu quo et donc d’obtenir que le bâtiment ait deux affectataires officiels32 ».
44Même si la MSH n’a pas récupéré tout l’espace occupé par le ministère de la Justice, elle n’en a pas moins, depuis le milieu des années 1970, obtenu des réajustements en sa faveur : elle occupera, en 1980, 2 780 m2, ce qui représente 41,20 % du bâtiment. L’on rappelle que la décision du secrétariat d’État aux Universités d’installer l’EHESS boulevard Raspail a posé de « graves problèmes » aux deux institutions, mais l’on reconnaît que ces problèmes ont été en grande partie résolus « dans un esprit de franche collaboration ». L’on espère cependant obtenir dans les prochaines années 650 m2 de plus33.
45Les surfaces occupées par les diverses institutions dont relèvent les centres et organismes logés à la MSH sont, entre 1975 et 1980, les suivantes
Les surfaces occupées (en %) par les différentes institutions au 54, boulevard Raspail
1975 | 1980 | |
MSH | 33,37 | 41,20 |
CNRS | 33,33 | 33,50 |
EHESS | 28,65 | 21,10 |
FNSP | 2,95 | 3,54 |
Autres34 | 1,70 | 0,58 |
46On évalue fin 1975 le nombre de personnes qui travaillent à temps complet ou partiel dans les locaux de la MSH à 539 personnes, dont la majorité est administrativement rattachée à la MSH (33,5 %), y compris les employés vacataires ou sous contrat (64), au CNRS (29,8 %) et à l’EHESS (19,1 %)35. Quelques années seulement après l’ouverture du 54 boulevard Raspail, le personnel MSH dans les nouveaux locaux devient, toutes proportions gardées, le groupe le plus important, passant de 25 % en 1972 à plus de 33 % trois ans plus tard.
Une nouvelle synergie. De nouvelles initiatives scientifiques et sociales
47Les institutions ont, peut-être plus que les hommes, une capacité d’adaptation. Tout s’est passé comme si on avait voulu garder une certaine distance physique entre les deux administrations : celle de la MSH dans le petit bâtiment, au 1er le bureau du secrétariat et des adjoints de Braudel et au 2e le bureau de Braudel lui-même et de sa secrétaire ; celle de l’EHESS dans le grand bâtiment. Des quatre ascenseurs, deux mènent à l’une et à l’autre. Un autre ascenseur va du parking en sous-sol aux quatre étages du petit bâtiment.
48L’organisation de l’immeuble, avec le double grand escalier central, ses ascenseurs, sa bibliothèque et sa cafétéria, oblige évidemment les uns et les autres à se côtoyer, à se voir, même lorsqu’ils cherchent à s’esquiver. C’est un petit monde, mais ouvert sur le monde. Plusieurs des membres des centres de recherche sont directeurs ou maîtres de conférences à l’EHESS. La présence d’étudiants de doctorat ou de jeunes chercheurs à la bibliothèque ou aux conférences crée une nouvelle effervescence.
49À l’entrée se trouve l’accueil. Le hall d’entrée, avec ses grands espaces à droite et à gauche, se transforme en lieu de rencontres et de discussions et aussi d’exposition de travaux d’artistes – peintres, photographes et sculpteurs. On y tient régulièrement des cocktails lors de soutenance de thèse ou à la fin d’un colloque. Sur les murs sont affichées diverses informations : les séminaires de l’École, les conférences, les colloques de la MSH. Sans oublier les posters qui invitent à participer à telle ou telle manifestation, à défendre telle ou telle cause. Ce sont des espaces de passage pour se rendre à la cantine et à la cafétéria, deux lieux de grande sociabilité, fort fréquentés.
Les services : un rythme de croisière
50Une fois les services et les centres de recherche installés, la machine MSH démarre, prend rapidement de la vitesse et trouve son « rythme de croisière ».
51Le service bibliothèque-documentation. La bibliothèque se donne les moyens de répondre à la demande toujours croissante avec le doublement en 1977 de la capacité d’accueil de la salle de lecture : « Un important pas en avant ! », s’exclame Clemens Heller, toujours responsable de ce service19. À de partir 1978, il y a mise en accès libre dans la salle de lecture de l’ensemble du fonds de référence : bibliographies rétrospectives et périodiques, annuaires biographiques, répertoires de thèses, dictionnaires et encyclopédies, catalogues imprimés de bibliothèques. Par contre, la bibliothèque est toujours confrontée au problème de stockage des livres : il y a en effet saturation des magasins du deuxième sous-sol, ce qui oblige la MSH à dénoncer la convention d’hébergement du Centre de documentation sciences humaines du CNRS.
52Le service bibliothèque-documentation poursuit les dépouillements bibliographiques destinés à l’acquisition d’outils de référence et d’ouvrages en sciences sociales et effectue le reclassement selon la CDU (classification décimale universelle). Parmi les programmes d’activités documentaires qui mobilisent les chercheurs du SEIS, et cela pendant plusieurs années, il y a le grand projet de bibliographie internationale des sciences sociales qui conduit à la rédaction de quatre volumes concernant respectivement la sociologie, la science politique, les sciences économiques et l’anthropologie sociale et culturelle36. Le service se saisit par ailleurs rapidement de l’enjeu que représente l’automatisation dans le domaine de la documentation-bibliographie et lance un projet pilote pour les sciences économiques, puis la sociologie. Ce projet s’inscrit tout naturellement dans l’effort particulier que la MSH consacre depuis 1973 à l’automatisation de la documentation dans la perspective de l’utilisation prochaine d’un terminal : étude des différents systèmes de recherche documentaire afin d’en déterminer la compatibilité ; examen de matériels susceptibles d’être mis à la disposition du service ; essai des algorithmes proposés pour établir leurs performances ; étude des différentes modalités de configuration des terminaux. Ces études se font en liaison avec le CIRCE et le Centre de calcul pour les sciences humaines du CNRS.
53Quant aux projets d’élaboration de langages documentaires, ils conservent leur priorité dans des domaines tels le développement économique et social (nouvelle édition du Macrothesaurus), la science économique, la sociologie et les sciences de l’éducation (mise à jour du Thesaurus multilingue EUDISED). S’opère aussi une ouverture à de nouveaux domaines, souvent plus interdisciplinaires, par exemple le développement culturel et la communication de masse. Les méthodes mises au point pour l’élaboration de thesaurus multilingues par le SEIS font école.
54Enfin le SEIS se veut proche des centres de recherche, que ce soit par la diffusion d’informations (rédaction de MSH Informations), l’assistance documentaire aux chercheurs37 ou la prestation de services aux centres de recherche. Il existe en effet, et cela dès 1973, une délégation de personnels du SEIS, à temps partiel, auprès d’unités de recherche : Rosine Christin et Anne-Marie Métailié38 prêtent leur concours au Centre international de recherche sur l’environnement et le développement, au Centre de sociologie de l’éducation et de la culture et au Centre d’études des mouvements sociaux. Pour sa part, Philippe Besnard assure une fonction du même ordre auprès du Centre d’études sociologiques en participant à la rédaction de la Revue française de sociologie pour la rubrique bibliographique39. Ces collaborations sous la forme de prêt de services vont se poursuivre pendant plusieurs années : à la fin des années 1970, le service collabore toujours aux travaux du Centre international de recherche sur l’environnement et le développement (CIRED, fondé en 1973 par Ignacy Sachs) ; Rosine Christin participe à des enquêtes documentaires pour le même centre de recherche ; enfin Philippe Besnard prépare pour la Revue française de sociologie un numéro spécial sur l’histoire de la sociologie française. La MSH donne aussi son appui au Groupe d’études durkheimiennes que crée Philippe Besnard, avec une délégation de personnel (Marie-France Essyad).
55Tout en fournissant une assistance à divers centres de documentation, par exemple le Centre de recherche et de documentation sur la Chine (EHESS) pour le classement d’archives du Comité franco-chinois de patronage des jeunes Chinois en France (1919-1936), la MSH appuie de nouvelles initiatives documentaires dans des domaines spécialisés.
56L’une de ces initiatives présente aussi une dimension politique : il s’agit du Groupe de travail sur la documentation en histoire ouvrière constitué en 1975, avec la participation de membres du personnel de la bibliothèque de la Fondation, dont Jacqueline Pluet. On y trouve aussi des membres de l’Institut d’histoire sociale, du musée social et de la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC). À l’automne 1978 se tient à la MSH la IXe Conférence de l’International Association of Labour History avec les membres d’une vingtaine d’institutions, principalement européennes. La participation française est faible mais significative : Jean Maitron préside la première journée. Madeleine Rebérioux et Rolande Trempé font des exposés40. Au printemps 1980, l’on organisera un atelier sur les archives lors du Forum international d’histoire ouvrière organisé à Paris par la MSH en collaboration avec la Fondation Feltrinelli de Milan.
57Le service de mathématiques appliquées et de calcul. Même s’il offre aux chercheurs en sciences sociales des services précieux, le service de mathématiques appliquées et de calcul doit, dès les années 1972 et 1973, être complètement restructuré. L’idée, comme le souhaite l’administration de la MSH, est de maintenir « une structure fixe » tout en adaptant mieux les prestations de service aux besoins des différents centres associés à la MSH et à ceux des universités parisiennes.
58Ce qui signifie que les membres du personnel doivent désormais apporter une assistance méthodologique et technique aux chercheurs des centres : du simple entretien portant sur des problèmes particuliers à un accord entre un service et une équipe au sujet de l’affectation d’un ou de plusieurs techniciens pour une durée déterminée41. Dans cette perspective, le service doit jouer « un rôle accru en tant que lieu de rencontre et de recyclage pour les mathématiciens, méthodologues, statisticiens et analystes travaillant au sein des différentes équipes de sciences humaines » : par exemple avec la mise sur pied d’un séminaire pour les mathématiciens des centres associés à la MSH. Il y a enfin la mise à disposition des chercheurs d’une bibliothèque spécialisée qui comprend 1 300 ouvrages et un fonds de 60 périodiques et dont la responsabilité est confiée à Mme Dolores Jaulin, qui s’occupe aussi de la section Information du nouveau Bulletin.
59Les travaux que mènent les chercheurs sont toujours très spécialisés, à la pointe de la recherche, peut-on dire, comme on le voit avec ceux de Simon Régnier à la fin des années 1970 en méthodologie statistique et combinatoire42 ou ceux, à partir de 1976, de Pierre Achard et de ses proches collaborateurs sur le grand thème « langage et société », en particulier une réflexion méthodologique sur la place du langage dans la société et donc sur celle de la logique et de la linguistique dans les sciences humaines.
60La mise sur pied du groupe Langage et société est clairement une initiative de la MSH : c’est le service de mathématiques appliquées et de calcul qui organise en mai 1976 une table ronde autour du thème « Langage et société », avec plus de 80 participants, la plupart venant d’institutions universitaires françaises. L’objectif du nouveau groupe est clairement interdisciplinaire, avec l’organisation de discussions – colloques, réunions mensuelles, débats avec les auteurs de textes – entre chercheurs de disciplines diverses (linguistique, sociologie, histoire, ethnologie, psychologie) sur le problème des rapports entre la langue et ses déterminations sociales. Divers sous-groupes se constituent, dont l’un porte les travaux de William Labov lors de sa venue à Paris en mai et juin 1979. Les autres sous-groupes sont : « Femmes et langage », « Travail social », « Analyse de discours » (Achard 1979a : 65-68 ; Achard 1979b) et « Atelier de langue seconde ». Ce dernier sous-groupe a pour objet de mener une réflexion sur les problèmes de diglossie ou de plurilinguisme. Le groupe publie enfin un bulletin : Langage et société, dont les responsables sont Pierre Achard, Dolores Jaulin, Christine Méry et M.-T. Renaud du service de mathématiques appliquées et de calcul.
61Les thèmes de recherche qui préoccupent les autres chercheurs du Centre sont fort divers : analyse d’énoncés poétiques (Pierre Getzler) ; traitement du catalogue des manuscrits de l’abbaye de Saint-Victor ; dépouillement de l’enquête « Rouges et Blancs » que mène le Centre de recherches historiques (Catherine Régnier) ; travaux en micro-informatique en collaboration avec l’Institut de programmation de l’université Paris-VI (Claude Kowal) ; constitution de banques de données (affiches, objets, outillages agricoles, costumes, recettes médicales populaires pour le musée des Arts et Traditions populaires (Philippe Richard) ; étude de topologie et algèbre des nœuds, en collaboration avec Bernard Jaulin de l’EHESS (Pierre Soucy) ; informatique au service des bibliothèques, sous contrat de la DGRST (Francis Lévy).
Édition et diffusion du livre universitaire
62À la suite d’études sur différents types de publications et de pourparlers avec plusieurs maisons d’édition, le service des publications est entièrement réorganisé en 1977 afin de préserver un « programme cohérent » de publications. La décision comprend deux volets : d’un côté, un service d’édition propre à la Fondation et de l’autre, des accords de coédition avec plusieurs éditeurs, travaillant avec des publics différents, qui laissent à la Fondation le choix des travaux à publier. Il est par ailleurs déjà question d’un (futur) centre de diffusion.
63La création des Éditions de la Maison des sciences de l’homme se fait en 1978 et va s’accompagner d’un programme de coéditions avec les Presses universitaires de Grenoble, les Presses de l’université de Lille-III et Cambridge University Press. Ces accords donnent à la MSH une grande flexibilité, lui permettant de « travailler à des échelles différentes et d’atteindre des publics variés43 ». Quinze des titres inscrits dans ce programme sont publiés en 1979, et pour l’année suivante, on prévoit la publication d’une trentaine d’ouvrages. Il s’agit donc de privilégier à l’avenir la diffusion restreinte : c’est là « un procédé peu coûteux et facile à réaliser », selon Heller qui tente alors de convaincre les membres du conseil d’administration de la MSH manifestement très inquiets des écarts importants entre les tirages et les ventes : les coûts de production (frais d’impression) risquent en effet de ne pas être compensés par une augmentation parallèle des recettes. La situation des revues, par exemple Actes de la recherche en sciences sociales (que dirige Pierre Bourdieu et qui, au moment de sa création et pendant plus de trente ans, a bénéficié de l’appui de la MSH) et Langage et Société, inquiète aussi. Tout en reconnaissant qu’il faut « limiter les activités scientifiques de la Fondation à leur niveau actuel », Heller se montre rassurant : « En 1979, la situation s’est nettement améliorée. » Les écarts sont des « cas périphériques ». Quant à la situation des revues, elle est loin d’être désastreuse : Actes de la recherche en sciences sociales a 3 000 abonnés44. Pour sa part, Hélène Ahrweiler rappelle que « le nouveau programme des publications de la Fondation n’est qu’à ses débuts et qu’il s’agit par conséquent d’une période d’investissement : c’est pourquoi on ne peut faire encore de véritable bilan ». Bref le lancement du programme des publications témoignerait, avec les accords de coédition, « d’une bonne gestion et de la vitalité de l’institution ». Enfin, Braudel insiste « sur l’importance d’une gestion adroite du programme des publications » tout en voyant, dans cette initiative de la Fondation, « une tentative de rompre la stagnation actuelle en la matière45 ».
64Le nouveau programme des Éditions est maintenant construit autour de six catégories de textes auxquelles correspondent des modes d’édition spécifiques : 1) des textes dont l’édition commerciale est justifiée en coédition avec Cambridge University Press pour la diffusion internationale et avec les Presses de l’université de Grenoble pour le public français ; 2) des actes de tables rondes et de colloques, qui sont confiés à des revues scientifiques, visant un public international ; 3) des ouvrages pour public restreint, en coédition avec les Presses universitaires de Lille-III et les Presses de l’université de Grenoble, exceptionnellement avec Sage ; 4) des rapports de recherche et des textes de vulgarisation, en coédition avec les Presses de l’université de Grenoble ; 5) la traduction d’ouvrages français en anglais et d’ouvrages étrangers en français, en coédition avec Cambridge University Press et les Éditions de Minuit ; 6) des bulletins d’information, qui rendent compte des activités de la Fondation et de ses réseaux, et des documents de travail de groupes de recherche (impression par l’atelier de reproduction aux frais de la Fondation).
65Fin des années 1970, l’on s’interroge déjà sur l’avenir du livre scientifique dont on prédit le déclin à l’ère de l’écran. La MSH organise en octobre 1979 une réunion sous l’égide de l’UNESCO afin de débattre des problèmes que rencontrent les presses universitaires et les éditeurs scientifiques en Europe. Cette rencontre réunit des spécialistes de plusieurs pays européens (France, Grande-Bretagne, Allemagne, Pologne, Suède, Irlande, Espagne) et nord-américains (États-Unis et Canada). Une autre réunion se tient à nouveau à Paris en octobre 1979. On y parle de publication scientifique à petit tirage mais aussi d’édition sur demande (ESD), avec tous les avantages qu’une telle formule offre en permettant, pense-t-on, de diminuer les risques financiers : peu d’investissements, pas de frais de stockage, pas de mise au pilon46. C’est Marie-Louise Dufour, des Éditions de l’EHESS, qui assume la coordination de ces rencontres.
66Face à ceux qui croient qu’en science tout passe par la revue, on défend l’idée que la monographie, c’est-à-dire « la forme classique du livre scientifique », est irremplaçable, surtout dans le domaine des sciences humaines et sociales47. Il s’agit donc non pas de créer un nouveau système d’édition mais de modifier le système actuel de façon à pouvoir « s’adapter à ce marché limité et spécialisé caractéristique de la littérature scientifique des années 198048 ».
67Par ailleurs, Clemens Heller informe fin 1979 les membres du conseil d’administration que des travaux sont en cours au 131 boulevard Saint-Michel pour y loger le futur centre de distribution commun à la MSH, à l’EHESS, à la FNSP et à d’autres institutions. Le Centre interinstitutionnel pour la diffusion de publications en sciences humaines (CID) a donc alors une quasi-existence matérielle. Le projet date au moins de deux ans49. Le CID sera finalement mis en place en 1980.
Un nouvel administrateur adjoint : Maurice Aymard
Maurice Aymard (1936-)
Maurice Aymard |
Né à Toulouse, Maurice Aymard effectue ses études primaires et secondaires aux lycées Montaigne et Louis-Le-Grand à Paris. Ancien élève de l’ENS (Ulm), de l’École française de Rome, il est agrégé d’histoire en 1961, diplômé de l’École des langues orientales vivantes (turc) en 1962, diplômé de l’EPHE en 1964, membre de l’École française de Rome de 1964 à 1966, membre de la Casa de Velázquez de 1966 à 1968, lecteur à l’université de Naples de 1968 à 1972, directeur des études d’histoire moderne et contemporaine à l’École française de Rome de 1972 à 1976. Il est directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (histoire moderne et contemporaine des pays méditerranéens) depuis 1976, et historien de l’économie et de la société à l’époque moderne. Il a été administrateur adjoint de la Maison des sciences de l’homme (MSH) de 1976 à 1992, puis administrateur de 1992 à 2005, membre du conseil scientifique de l’Istituto italiano di scienze umane (Florence) de 1992 à 2005, membre du Comité d’éthique des sciences du CNRS de 1994 à 2000, secrétaire général du Conseil international pour la philosophie et les sciences humaines (Cipsh), l’une des trois ONG scientifiques travaillant en liaison étroite avec l’Unesco de 1998 à 2014, président du conseil d’administration de la Fondation Mattei Dogan de 2002 à 2005, président de l’Association France-Union indienne (AFUI) de 2006 à 2017.
Il est directeur de la publication de la revue Actes de la recherche en sciences sociales depuis 2002, membre du conseil scientifique de la Scuola Superiore di Studi Storici de l’université de San Marino depuis sa création en 1988, président du Comité international d’évaluation de SUM (Réseau italien d’écoles doctorales en sciences humaines), membre du comité de direction du master « Scienze del territorio » de l’université de Catane.
Il a le titre de docteur honoris causa des universités de Catane, Macerata et Bologne et de l’Académie des sciences de Russie, et est membre étranger de l’Accademia dei Lincei et des Académies des sciences de Russie et de Pologne.
Ses recherches personnelles ont porté sur le développement économique et social de l’Europe moderne, avec une référence particulière à l’Italie (histoire des villes et des campagnes, du commerce extérieur, des finances, des consommations, des migrations, des hiérarchies sociales, du développement inégal), à laquelle il a consacré dix années de recherches d’archives et une large partie de son enseignement.
Comme administrateur adjoint (1976-1992) puis comme administrateur (1992-2005) de la Maison des sciences de l’homme, il a contribué à animer, aux côtés de Fernand Braudel et de Clemens Heller, puis après eux, le développement de la coopération internationale en sciences humaines et sociales, et son élargissement, en particulier, à l’Europe centrale et orientale, à l’Asie, au continent africain et à l’Amérique latine.
À la retraite depuis 2006, il continue à assurer son séminaire de doctorat à l’EHESS et, au sein de la direction scientifique de la MSH, le suivi du programme de coopération avec le Maghreb et l’ensemble de la rive sud de la Méditerranée, et en particulier le fonctionnement des réseaux de collaboration scientifique entre chercheurs du Maghreb et de la rive nord de la Méditerranée occidentale constitués dans le cadre du FSP Maghreb, qu’il a mis sur pied et dirigé en liaison avec le ministère des Affaires étrangères entre 2005 et 2010. La réalisation du Dictionnaire arabe-berbère-français de sciences sociales, décidée par le comité scientifique du FSP, constitue aujourd’hui la pièce maîtresse de ce programme
Il a publié, en français, anglais et italien, de nombreux livres et articles, dont : Dutch Capitalism and world capitalism/Capitalisme hollandais et capitalisme mondial (dir.) ; il est coauteur de : Storia d’Italia. Le Regioni dall’Unità ad oggi: la Sicilia, Storia d’Europa, (5 vol.), et a assuré la codirection d’ouvrages comme : La Cour comme institution économique, Les Européens, Conflitti, migrazioni e diritti dell’uomo, Le Temps de manger, Catania, La Città, la sua storia.
68La gestion quotidienne de l’immeuble absorbe toujours l’attention de l’administrateur de la MSH et de ses collaborateurs. Le volume du travail d’entretien ne cesse de s’accroître du fait, observe-t-on, du vieillissement relatif de l’immeuble. À l’équipe de direction s’ajoute, au printemps 1976, Maurice Aymard, pour « assister l’administrateur de la Fondation, et son adjoint, dans leurs fonctions » : « Monsieur Aymard viendra renforcer à la MSH le secrétariat administratif et scientifique50. » Il est le fils d’André Aymard, ancien doyen de la faculté des lettres de Paris et pendant plusieurs années membre du conseil d’administration de la MSH. Tout comme son père, Maurice est historien ; il est de retour d’un long séjour de recherches en Italie. En juin suivant, on propose son nom pour la direction d’études qui a été laissée vacante à l’EHESS après le départ de Germaine Lebel ; le titre de la direction d’études est « Histoire moderne et contemporaine du monde méditerranéen ». Dans les premières années, Aymard va agir principalement à titre de directeur adjoint du Centre de recherches interdisciplinaires et comparatives, dont Clemens Heller, administrateur adjoint de la MSH, est le directeur.
69Patrick Janicot, secrétaire général, décrira son « patron » dans les termes suivants : « Aymard s’est inscrit dans la continuité tout en développant la politique des réseaux et les programmes de coopération internationale. Comme Heller, il était toujours au téléphone, avec l’étranger. Il était sensible aux relations humaines, attentif aux autres. Il aimait rencontrer les chercheurs, les recevait dans son bureau au premier étage ou allait déjeuner avec eux. Aymard avait horreur des tensions, des conflits, il savait aussi déléguer, il consultait les collègues. Les réunions étaient souvent longues, on débattait d’idées. C’est un vrai lettré51. »
70L’une des principales préoccupations demeure l’aménagement de la bibliothèque : il faut certes accroître les espaces de rangement des livres et des revues mais aussi augmenter les capacités d’accueil (du double) et améliorer les conditions de travail en augmentant le nombre de tables individuelles et en installant un éclairage mieux adapté pour la salle de lecture et les fichiers centraux.
71Les coûts de gestion et d’entretien de l’ensemble immobilier, qu’il s’agisse de l’eau, de l’électricité ou des ascenseurs, sont partagés entre la MSH et l’EHESS. Mais c’est l’administration de la Maison qui a pour charge son propre fonctionnement, avec tous les problèmes qui ne manquent pas de surgir : entretien des installations techniques (ascenseurs, climatisation, téléphone), révision de l’ensemble des volets métalliques du bâtiment, travaux de réfection des canalisations dont la défectuosité entraîne des infiltrations au niveau du sous-sol, amélioration de l’extraction d’air de la cuisine et du restaurant, réfection des dalles de roulements des nacelles destinées à l’entretien des façades, raccordement des standards téléphoniques de l’EHESS et de la MSH. Parfois il y a des incidents plus graves, tel un incendie majeur fin février 1975 au sixième étage du bâtiment principal. Enfin l’on s’inquiète déjà d’une éventuelle pollution par l’amiante et, dans le but d’« améliorer la sécurité des usagers », on fait faire de nouvelles analyses, dont les résultats sont négatifs52.
72En plus de ces divers problèmes, il y a celui, récurrent, des espaces, toujours insuffisants pour les réunions et les rencontres. On entend apporter un soin particulier au fonctionnement de la cafétéria, car il s’agit d’« un lieu de détente, de rencontres et d’échanges, indispensable à une institution telle que la MSH », dont « une des missions est, précisément, de favoriser les contacts entre les chercheurs »53. Aussi s’en sert-on en dehors des heures d’ouverture habituelles pour des réceptions, colloques ou réunions de chercheurs français ou étrangers. Même cela est insuffisant : il faut trouver des salles à l’extérieur.
73Parmi les problèmes proprement administratifs, soulignons ceux de la gestion du personnel54 (dont le statut n’est toujours pas défini) et du budget, qui croît régulièrement : en 1975, de l’ordre de 10 millions (avec un déficit de 54 214 francs qu’on espère pouvoir résorber en totalité pendant l’exercice) ; 13 550 385 francs en 1976 ; 15 553 385 francs en 1977, en augmentation de 16,8 % par rapport à l’année précédente. Les recettes de fonctionnement proviennent à plus de 67 % des subventions. Viennent ensuite les ressources affectées (16 %) et les produits accessoires (12 %). Cette part relativement importante du budget que sont les ressources affectées provient de la DGRST, du Commissariat général du plan d’équipement et de la productivité, de plusieurs ministères et de divers organismes tels les Nations unies, l’UNESCO, la Fondation Fritz Thyssen. Pour 1978, l’on présente un projet de budget qui s’équilibre, mais cela nécessite un prélèvement de 170 000 francs sur les « réserves facultatives » de la Fondation : « Il s’agit d’un budget difficile », reconnaît-on. Aussi les augmentations doivent-elles être retenues : frais de poste et de télécommunications, publications ainsi qu’achat d’ouvrages et de périodiques. Enfin, de 1975 à 1980, les recettes ont presque doublé, passant de 12 218 000 à 22 839 939 francs. Quant aux ressources affectées elles ont, pendant la même période, triplé, passant de 930 311 francs à 3 551 573 francs, et représentent en 1979 près de 20 % des recettes de la Fondation. Le pourcentage des recettes qui proviennent des subventions est stable, de l’ordre de 65 % en 1980.
74Fin 1979, l’on s’inquiète au Conseil d’administration de la MSH de ce qu’on appelle « l’explosion des activités de la Fondation », et qui se traduit entre autres par la forte croissance des frais de postes et de télécommunications. L’un des membres du Conseil se félicite du rayonnement de l’institution en France et à l’étranger, mais il ne faut pas, tient-il à ajouter, ignorer « la fragilité de toute institution soumise à une forte croissance »55.
Budget de fonctionnement56. Membres du personnel, vacataires et ressources affectées57, 1972-1980
Année | Budget en francs | Membres du personnel | Vacataires | Ressources affectées |
1972 | 6 490 000 | 10758 | n.s. | n.s. |
1973 | 7 758 360 | 11259 | n.s. | n.s. |
1974 | 9 044 693 | 11160 | 49 | 4 |
1975 | 11 575 714 | 117 | 50 | 17 |
1976 | 13 506 435 | 117 | 34 | 46 |
1977 | 15 768 879 | 117 | 64 | 73 |
1978 | 19 311 966 | 117 | 36 | 73 |
1979 | 20 924 395 | 117 | 40 | 72 |
1980 | 22 839 939 | 117 | 36 | 78 |
75S’impose donc un contrôle strict des dépenses visant à leur réduction. S’agissant de la consommation d’électricité, l’on espère qu’une modification des contrats avec EDF permettra en 1980 une baisse notable – de 40 000 francs – du coût des abonnements. L’autre dépense jugée trop élevée est celle des communications téléphoniques, sans oublier les difficultés d’utilisation du standard (une installation considérée comme vétuste et d’une capacité insuffisante). Il faut donc procéder à une étude approfondie. L’on installe en juillet 1979 un telex pour les communications internationales.
76Enfin, il est question d’informatisation de la gestion administrative. Il s’agit d’un projet qui devient fin janvier 1980 suffisamment sérieux pour que la Fondation confie l’étude et la mise en place d’une comptabilité dite « analytique » à des organismes qui, extérieurs à la MSH, sont spécialisés dans les problèmes de la gestion et la micro-informatique61.
Bordeaux et Strasbourg
77Une préoccupation administrative relativement nouvelle : celle de la gestion à distance de la Maison des sciences de l’homme d’Aquitaine à Bordeaux, dont les statuts demeurent ambigus, d’où le caractère « irrégulier » du nombre d’actes62. L’on doit répondre à la demande, pressante, de deux postes : un poste d’adjoint pour assister l’administrateur Jean Borde dans ses fonctions et un poste de dactylographie spécialisé pour les publications, car la MSH-Bordeaux a son propre service de publications. Il faut donc allouer des crédits additionnels de l’ordre de 300 000 francs.
78Par ailleurs, le projet d’une deuxième Maison en province, cette fois-ci à Strasbourg, semble se concrétiser. Il y a en effet déjà un accord entre les présidents des trois universités de Strasbourg et le chancelier de l’académie pour appuyer unanimement le projet d’une telle MSH. Les quatre grandes orientations scientifiques pourraient être les suivantes : les études régionales, les études européennes, les études religieuses, les études sur le Proche-Orient63. Cependant, s’agissant des crédits de fonctionnement et aussi des emplois, l’on s’inquiète à Strasbourg : ne faut-il pas prévoir tout cela dans le prochain budget de la MSH de Paris ? Il ne s’agit cependant pas de décentraliser un organisme parisien mais de créer un service interuniversitaire propre aux universités d’Alsace. Mais quel peut être, se demande-t-on, le montant de l’aide qui transitera par la MSH de Paris ?
79La Maison de Strasbourg est donc lente à démarrer. Le projet remonte à 1976. Mais, tout porte à croire, comme on le souligne avec satisfaction au conseil d’administration de la Fondation, que « les efforts investis donnent leurs fruits » : à partir du 1er novembre 1980, celle-ci va disposer de ses propres locaux et pourra se doter d’un service de documentation64. Enfin, des équipes de recherche sont subventionnées65, plusieurs programmes interdisciplinaires sont déjà en place, dont l’un sur le problème de la permanence des frontières en Europe, et un grand colloque se prépare ayant pour thème : « Réformisme et révisionnisme dans le socialisme français, allemand et autrichien ».
80Le déploiement de la MSH en région devient réalité.
Notes de bas de page
1 Créé en 1969, le CORDES est alors dirigé par Robert Fraisse (1935-2012), ancien élève de Polytechnique et diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris.
2 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 15 décembre 1973 : 4 (archives FMSH). Braudel reconnaît qu’un des problèmes actuels est de « créer un certain nombre de liens entre les centres », mais il croit toujours en la possibilité de « mettre en place une fédération de centres à laquelle la Maison des sciences de l’homme servira de support » (ibid. : 4).
3 Sur cette liste, se trouvent les centres suivants : le Centre d’études africaines (avec le Centre documentaire sur l’Afrique noire), le Centre d’études des communications de masse, le Centre d’études sur l’URSS et les pays slaves, le Centre de documentation et de recherches sur l’Asie du Sud-Est et le monde insulindien, le Centre européen de sociologie historique, le Centre de sociologie des organisations, le Laboratoire d’anthropologie sociale et le Laboratoire de cartographie. Il est clair, pour les membres du CA, que « cette liste devra être révisée ».
4 MSH, rapport d’activité 1988-1989 : 8.
5 MSH Informations, no 32, février 1980 : 3-60.
6 On n’oublie pas les centres figurant sur la liste d’attente établie par le ministère plusieurs années auparavant et qui sont, comme on le précise en réunion du CA (15 janvier 1973), les suivants : le Centre d’études africaines (et le Centre d’analyse et de recherche documentaire pour l’Afrique noire), le Centre d’études des communications de masse, le Centre d’étude sur l’URSS et les pays slaves, le Centre de documentation et de recherches sur l’Asie du Sud-Est et le monde insulindien, le Centre européen de sociologie historique, le Centre de sociologie des organisations, le Laboratoire d’anthropologie sociale et le Laboratoire de cartographie. Braudel est conscient que « cette liste devra être révisée », car des centres pourraient retirer leur candidature. On rappellera alors que « le projet original est un regroupement plus vaste » que celui qui a été réalisé. On parle aussi d’une « sorte de fédération de centres à laquelle la MSH servirait de support ».
7 Compte rendu du conseil d’administration de la MSH du 8 juin 1974 (archives FMSH).
8 Compte rendu du conseil d’administration de la MSH du 15 novembre 1974 (archives FMSH). Le rapport de Braudel est reproduit in extenso.
9 Lettre de Fernand Braudel à Jacques Le Goff, le 11 juillet 1974 (archives FMSH).
10 Fernand Braudel, « Rapport de l’administrateur sur la situation de la Fondation : affectation des locaux libérés par le ministère de la Justice », compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du vendredi 15 novembre 1974 (archives FMSH).
11 Voir Le Goff 2010 et Nora 1987.
12 Le Goff 1960 : 417-433 ; trad. anglaise dans Social Science Information, 9, 1970.
13 Les membres du bureau de la VIe section sont, de 1972 à 1975 : Marc Barbut, Roland Barthes, Louis Velay et Joseph Goy. Pendant le second mandat de Le Goff, de 1975 à 1977, les membres du bureau de l’EHESS seront, en plus de Marc Barbut, André Burguière, Maurice Godelier et René Marzocchi.
14 Dont : Luc Boltanski, André Burguière, Manuel Castells, Christiane Klapisch, Jacques Leenhardt, Dominique Schnapper, Nathan Wachtel, Françoise Zonabend.
15 Parmi lesquels il y a : Anouar Abdel-Malek, Marie-José Chombart de Lauwe, Claudine Herzlich, Jacques Lacan, Hervé Le Bras, Edgar Morin, Nicos Poulantzas, Émile Poulat, Louis-Vincent Thomas, Tzvetan Todorov, Marisa Zavalloni.
16 Yvette Delsaut, Denise Jodelet, Rose-Marie Lagrave, Pascale Maldidier, Francine Muel, Monique Pinson, etc.
17 Roland Barthes, compte rendu de la rencontre de Royaumont, 19-20 mai 1973 : 7 (archives EHESS).
18 Ces centres sont : le Centre de recherches historiques (CNRS, dir. François Furet, Joseph Goy, Emmanuel Le Roy Ladurie), le Centre d’études pré- et proto-historiques et d’énergologie culturelle (André Varagnac), le Centre de sociologie des objets de civilisation, le Centre de recherche Cinéma et Histoire (CNRS, dir. Marc Ferro), le Laboratoire de démographie historique (CNRS, dir. Jacques Dupâquier) ; en sociologie, anthropologie et psychologie, le Centre d’études des mouvements sociaux (CNRS, dir. Alain Touraine), le Centre de sociologie européenne et le Centre de sociologie de l’éducation et de la culture (CNRS, dir. Pierre Bourdieu), le Centre européen de sociologie historique (CNRS, dir. Raymond Aron, secrétariat général Raymonde Moulin), le Laboratoire de psychologie (CNRS, dir. François Bresson), le Laboratoire de psychologie sociale (CNRS, dir. Serge Moscovici ; en économie, le Centre d’enseignement de l’informatique (dir. Jacques Perriault), le Centre d’études des modes d’industrialisation (dir. Charles Bettelheim), le Centre international de recherche sur l’environnement et le développement (dir. Ignacy Sachs) ; en aires culturelles, le Groupe de géographie sociale et d’études urbaines (dir. Marcel Roncayolo), le Centre d’études africaines (dir. Paul Mercier) et le Laboratoire de sociologie et de géographie africaines (dir. Georges Balandier), le Centre d’études sur l’URSS et l’Europe orientale (dir. Georges Haupt, coordination Marguerite Aymard), le Centre international d’études des relations entre groupes ethniques (dir. Otto Klineberg), division Asie et Arctique, le Centre d’études de l’Inde et de l’Asie du Sud (CNRS, dir. Madeleine Biardeau), le Centre de recherches et de documentation sur la Chine contemporaine (dir. Jacques Guillermaz), le Centre de recherches linguistiques sur l’Asie orientale (CNRS, dir. Alexis Rygaloff).
19 Fernand Braudel, « Rapport de l’Administrateur sur la situation de la Fondation : affectation des locaux libérés par le ministère de la Justice », compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 15 novembre 1974 : 7 (archives FMSH).
20 Ibid.
21 Ibid. : 8. L’École, c’est la VIe section de l’EPHE.
22 Ibid. : 9. C’est Braudel qui souligne.
23 Ibid. : 11.
24 Ibid. : 12.
25 Il s’agit d’une base de données développée aux États-Unis depuis 1949 par un consortium de plusieurs universités pour favoriser la recherche comparative sur toutes les sociétés humaines. On y trouve des données ethnographiques à index croisés, triées et classées par localisation géographique et caractéristiques culturelles. Ces données sont distribuées aux institutions membres sous forme de fichiers papier puis à partir des années 1960 de microfiches.
26 Futuribles est à la fois une association, Futuribles International, créée en 1960 par Bertrand de Jouvenel, et une revue d’analyse et de prospective, ibid. : 14-15.
27 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la FMSH du 21 juin 1975 : 3-4 (archives FMSH). Par ailleurs, la Fondation doit dans l’immédiat s’occuper du fonctionnement de la cantine après le départ du ministère de la Justice en octobre 1975.
28 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la FMSH du 12 juin 1976 : 3 (archives FMSH).
29 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 12 juin 1976 : 5 (archives FMSH).
30 Une autre réalisation importante sous la présidence de Le Goff est l’implantation de l’EHESS à Toulouse, Lyon et Marseille.
31 Par exemple, en décembre 1977, il y a la signature d’une convention relative à la gestion et à l’entretien de l’ensemble immobilier dit Maison des sciences de l’homme, 52, 54 et 56 bd Raspail. Tout est détaillé, par exemple pour les ascenseurs : la MSH a la charge de l’ascenseur du petit bâtiment et de deux ascenseurs du grand bâtiment ; l’École a la charge des deux autres ascenseurs du grand bâtiment. Le document est signé par François Furet, président de l’EHESS et Fernand Braudel, administrateur de la MSH (archives EHESS).
Dans les années suivantes il y aura de nouvelles négociations, par exemple en 1979 à la suite du départ de l’Association internationale des sciences économiques ou en 1980, lors de la rétrocession de 67 m2 par l’EHESS en prévision du départ pour Marseille de certains de ses centres.
32 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 20 mai 1981 : 6 (archives FMSH).
33 Rapport d’activité 1975 : 15. Cet espace doit être pris sur les surfaces occupées dans les étages inférieurs de l’immeuble par l’EHESS, qui doit procéder à partir de 1976 à leur évacuation progressive.
34 Le Comité international pour l’information et la documentation en sciences sociales (en 1975 seulement) et l’Association internationale des sciences économiques.
35 Les autres rattachements administratifs sont : FNSP (16), Association Marc Bloch (10), université Paris-V (6), université Paris-VIII (4), université Paris V-II (4), Association internationale des sciences économiques (4), direction des Enseignements supérieurs (4), Institut national de la recherche agronomique (3), divers (24).
36 Ces efforts conduisent à la publication de l’International Bibliography of the Social Sciences/Bibliographie internationale des sciences sociales (Londres, Tavistock et Chicago, Aldine) sous la direction de Jean Viet.
37 Exemples de quelques travaux réalisés à la demande de chercheurs : « Comment vérifier l’influence réciproque dans le choix des thèmes de recherche fondamentaux, de la communauté scientifique internationale et de l’environnement national des chercheurs » (A. Abdel-Malek du Centre d’études des mouvements sociaux), « Bibliographie des études relatives au concept de développement » (P.-M. Henry du Centre de développement de l’OCDE), « Procédure à utiliser pour l’établissement d’un répertoire national de chercheurs en sciences nationales » (D. Verney du Conseil canadien de recherches en sciences sociales), « Les principaux dictionnaires et ouvrages de référence en sciences sociales » (J.-P. Thomas du Centre de sociologie de la Défense nationale), « Données statistiques et bibliographiques concernant les intellectuels en France » (Lo Breemer du GEMAS), « Données statistiques concernant les travailleurs étrangers en France » (Manuel Castells du Centre d’études des mouvements sociaux).
38 Titulaire d’un DESS en sociologie et licenciée en espagnol et en portugais, Anne-Marie Métailié fonde en 1979 les Éditions Métailié, d’abord orientées vers les sciences sociales avec des collections dirigées par Pascal Dibie, Michael Pollak et Luc Boltanski, pour ensuite se tourner vers la littérature étrangère (Brésil et Portugal).
39 MSH, rapport d’activité 1973 : 33.
40 Lors du colloque, Colette Chamberland, Diana Richet, Michel Dreyfus et Jacqueline Pluet présentent un rapport intitulé : « Histoire ouvrière. Guide des principales bibliothèques parisiennes », Fondation MSH, Bibliothèque, 1978, 56 p. L’on s’interroge sur l’absence d’un véritable institut d’histoire sociale en France. Voir Pluet 1979 : 16-19.
41 Des exemples de tels accords sont en 1970-1973 : les enquêtes sur les Haïtiens en France (Pierre Achard et Israël-César Lerman en collaboration avec Françoise Morin du Centre de psychiatrie sociale), sur la consommation des ménages (Pierre Achard avec Georges Benguigi du Groupe de sociologie du travail) ou sur le public étudiant (Pierre Achard avec Daniel Lacombe de l’université Paris-VII), l’analyse des énoncés poétiques (Pierre Getzler avec Léon Robel de l’université Paris-III), l’édition du catalogue des manuscrits de Saint-Victor (Catherine Régnier avec Gilbert Ouy du CNRS et Raymonde Hubschmid), des travaux de composition programmée (Claude Kowal avec David Gmach de l’Institut d’informatique et d’automatique), le traitement par ordinateur des corpus du musée des Arts et Traditions populaires (Philippe Richard avec Jean Cuisenier), Applications du traitement graphique de l’information (Fernando de Urquiza avec Jacques Bertin de l’EPHE) (MSH, rapport d’activité 1973 : 47-48).
42 Régnier est alors président de la Société française de classification. Il travaille aussi en collaboration avec E. Ormato (CNRS) sur la classification de manuscrits médiévaux des discours de Cicéron. Voir Jaulin 1980 : 3-5.
Ingénieur-conseil à la compagnie Pechiney, Régnier rejoint dès le début, en 1966, en tant que statisticien, le Centre de mathématiques appliquées et de calcul. Plus mathématicien que méthodologue, aux intérêts multiples y compris pour la musique, il participe à de nombreux séminaires et groupes de recherche et il entreprend des collaborations avec plusieurs chercheurs en sciences humaines d’horizons différents. Il ne se limite pas à proposer une technique statistique pour répondre à un problème, il cherche plutôt dans sa culture mathématique de nouvelles voies pour l’étude de problèmes mathématiques difficiles, apportant une contribution essentielle au problème de la classification (certes en botanique, mais aussi en histoire, économie, archéologie, art, psychologie ou psychiatrie). Ces travaux sont « relativement techniques », note Jaulin, qui ne cache pas son admiration pour son collègue, dont il loue tout à la fois la générosité, l’étonnement, la bonne volonté, la simplicité et la finesse. Sa bibliographie comprend 24 textes et communications entre 1964 et 1980, dont le premier en collaboration avec G. Lemaine sur « l’apprentissage des concepts ».
43 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 8 décembre 1979 : 7 (archives FMSH).
44 Ibid. : 3-4.
45 Ibid. : 5.
46 Voir Singleton 1980 : 9-29. Le numéro comprend une section entière sur « Les éditions scientifiques à tirage limité » avec plusieurs textes.
47 Bernhard 1980 : 3. À ce colloque participent plus de 80 personnes venant d’une douzaine de pays européens et nord-américains. Dans la délégation française, fort nombreuse, il y a, de la FMSH, Nora Scott du service des publications et, de l’EHESS, Marie-Louise Dufour du service des publications, et Jacques Revel. Normalien et agrégé d’histoire, Jacques Revel est alors directeur d’études à l’EHESS.
48 Ibid. : 6.
49 Lors de la réunion du conseil d’administration de la MSH de septembre 1977, il a été question de la création d’un centre de distribution et de diffusion commun aux presses universitaires et aux institutions de recherche.
50 Lettre de Fernand Braudel à Jacques Le Goff, s. d. (archives FMSH).
51 Entrevue de l’auteur avec Patrick Janicot, Paris, en novembre 2008.
52 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 18 décembre 1980 (archives FMSH). Voir MSH, rapport d’activité 1980 : 12.
53 MSH, rapport d’activité 1980 : 23.
54 Les membres du personnel de la FMSH ont divers avantages, dont l’accès à un programme de formation professionnelle continue : formations en langues, principalement langue anglaise, dactylo et sténo, comptabilité, statistique appliquée, documentation, etc. Il y a aussi l’action sociale et les réalisations propres de la Fondation : la subvention au comité d’entreprise (1,50 % de la masse salariale), la participation aux dépenses du personnel au restaurant administratif « Raspail » et des subventions pour les séjours d’enfants dans des colonies de vacances, des classes « neige-mer et nature » ou des séjours dans des maisons familiales et des villages familiaux de vacances. Sans oublier des allocations pour garde d’enfants de moins de 3 ans et le maintien du traitement de 1 à 3 mois selon l’ancienneté en cas de maladie et pendant la durée du congé de maternité.
55 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH, 8 décembre 1979 : 2 (archives FMSH).
56 Sources : MSH, rapports d’activité : pour l’année 1972 : 2 ; pour l’année 1973 : 4-7 ; pour l’année 1974 : 39 ; pour l’année 1975 : 15 ; pour l’année 1976 : 17 ; pour l’année 1977 : 17 ; pour l’année 1978 : 17 ; pour l’année 1979 : 17-22 ; pour l’année 1980 : 19-24. Les budgets, établis en date du 31 décembre, sont, compte tenu des modifications intervenues en cours d’exercice, corrigés dans le rapport de l’année suivante.
57 Les ressources affectées comprennent les subventions que reçoit la Fondation de la MSH du ministère de l’Éducation nationale pour le programme scientifique de la Fondation, du ministère des Affaires étrangères ou du ministère de la Culture, de même que des contrats, des dons et des legs, des subventions d’organismes publics ou internationaux. Les chiffres indiqués dans la 5e colonne correspondent au nombre de personnes qui sont engagées par la MSH grâce à ces subventions, contrats et dons.
58 En 1972, la MSH fournit, dans son rapport d’activité, des données sur l’ensemble des personnes qui travaillent dans la MSH (425) et leur rattachement : MSH (107), CNRS (144), EPHE, VIe section (120), Fondation nationale des sciences politiques (17), universités de Paris-I, V, VII et VIII (14), Institut de la recherche agronomique (3), Association internationale des sciences économiques (3), et divers (17). En 1975, le nombre total de personnes passe à 594 (dont 184 MSH, 161 CNRS et 113 EHESS).
59 À ce nombre, s’ajoutent en 1973 trois personnes rattachées à la MSH de Bordeaux.
60 À ce nombre, s’ajoutent en 1974 huit personnes rattachées à la MSH de Bordeaux.
61 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 18 décembre 1980 (archives FMSH).
62 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 18 juin 1977 (archives FMSH).
63 Ibid. : 6. S’agissant du statut de cette future MSH, on pense d’abord à une formule fondée sur la loi locale de 1908, modifiée en 1924 et qui correspond en Alsace à la loi de 1901 sur les associations. La Cour des comptes va s’opposer à ce que ce statut soit attribué aux Maisons des sciences de l’homme de Bordeaux et de Strasbourg. Ce que déplorera Braudel : « Les pouvoirs publics sont obligés d’apporter assez vite une solution positive » (compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH, 8 décembre 1979 : 8, archives FMSH).
64 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la MSH du 18 décembre 1980 : 4. C’est l’historien François-G. Dreyfus qui expose la situation de la MSH de Strasbourg.
65 Les thèmes de recherche de ces équipes sont : « Hommes et sociétés en Europe orientale, de l’Antiquité à nos jours », « Sociétés et économie dans l’espace rhénan » et « Enquête sur les périodiques de sciences sociales et humaines.
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