Le type de la bureaucratie chez Weber est-il un type de justesse objective ?1
Hartmann Tyrell
p. 129-151
Texte intégral
1« La raison décisive des avancées de l’organisation bureaucratique a été de tout temps sa supériorité technique sur toute autre forme2 ». C’est avec de telles formulations que Weber a toujours pensé la bureaucratie moderne et la rationalité qui lui est spécifique. On remarquera que ce faisant il n’est pas du tout avare de superlatifs3 et qu’en même temps il dote la bureaucratie de caractérisations technico-instrumentales toujours nouvelles : il est question de « mécanismes bureaucratiques », d’« instruments de précision », ou encore de la bureaucratie comme « appareil », « machine », etc4.
2Avec de telles métaphores, Max Weber a ouvert la voie au développement d’interprétations de son type de bureaucratie qui comprenaient d’abord et avant tout la rationalité superlative de celui-ci comme une « rationalité en finalité » au sens d’une « efficacité output ». Une telle interprétation a prospéré dans l’ancienne sociologie des organisation5 et elle n’est pas moins présente dans les publications récentes en sociologie des organisations : ainsi Luhmann prend le type de bureaucratie comme « modèle téléologique » de l’organisation6, et d’autres prétendent que Weber en parle comme d’une « structure d’action rationnelle en finalité optimale7 », ou comme d’un « système d’une efficacité unique pour parvenir à des fins spécifiques8 ». Si l’on comprend de cette manière le type wébérien de bureaucratie, il est facile d’en faire la critique (comme le fait Luhmann9).
3On trouvera une variante particulière de l’« hypothèse d’efficience10 » implicite avec l’interprétation du type de bureaucratie qu’en a proposé Renate Mayntz à partir de l’œuvre de Weber11 dans une contribution régulièrement citée (et parue pour la première fois en 1965). Cette contribution qui voulait précisément protéger Weber des « malentendus » de la part de ses critiques venant de la sociologie des organisations a amplement nourri l’interprétation du type de bureaucratie appuyée sur la « rationalité en finalité » et sur l’« efficience ». En mobilisant pour le type de « domination légale avec une direction administrative bureaucratique » une version particulière du type idéal wébérien, à savoir celle du « type de justesse objective », Mayntz a surinvesti la constellation fin-moyens, dans laquelle le type de bureaucratie, avec sa longue liste de caractéristiques particulières, devait s’insérer. En effet, à propos du « type de justesse objective », elle écrit : « Ce type idéal proprement rationnel formule quelle est la nature d’un comportement rationnel en finalité dans le cadre d’un choix juste des moyens, eu égard à une fin donnée12 ». En conséquence de quoi, les éléments du type de bureaucratie sélectionnés par Weber, selon « l’idée de la rationalité en justesse », apparaissent comme étant exclusivement les moyens « justes objectivement » « pour l’exercice durable et techniquement efficient de la domination légale13 ». Dès lors que l’on voit les choses ainsi, on ne peut qu’être conduit à considérer le type de bureaucratie également comme un « schéma prescriptif formel » et à le placer à proximité immédiate du « modèle prescriptif de la théorie classique des organisations14 ».
4Cette interprétation introduite par Mayntz sans grande justification n’a étonnamment pas fait l’objet jusqu’à présent d’une contestation du côté de l’exégèse wébérienne ; tout au contraire, on l’a laissée passer sans objections, ou même on l’a tout simplement « resservie » telle quelle15. Or à regarder les choses de plus près, on peut avancer une série d’objections contre l’identification opérée par Renate Mayntz du type de bureaucratie comme type de justesse rationnelle – ce que nous allons développer ici.
5Le problème de la « rationalité en justesse » est abordé par Weber dans l’essai « Sur quelques catégories de la sociologie de compréhension »16 quand, à propos d’une « action strictement rationnelle en finalité », il est question des « évidences » et des « opérations de compréhension » spécifiques de la sociologie par rapport à la psychologie17. Sur ce point, il établit une stricte démarcation entre « une action orientée subjectivement de façon rationnelle en finalité » – comme peut l’être aussi par exemple une action qui opère avec les moyens de la magie –, et une action « objectivement rationnelle en finalité », à savoir orientée « selon ce qui est valable objectivement », et qui mobilise les moyens « justes » en fonction des règles d’expérience scientifiques. (On comprendra que les deux puissent coïncider de fait). Selon Weber, la sociologie et l’histoire ne peuvent faire autrement qu’élaborer des types de l’« action rationnelle en justesse » – en abrégé : des « types de justesse » – afin de se procurer un accès intelligible à la réalité empirique de l’action sociale.
6On soulignera tout d’abord que dans le passage en question, qui traite explicitement du thème de la rationalité en finalité, Weber se rapporte très clairement à un type d’action (avec une orientation et une logique de déploiement spécifiques)18. Je ne voudrais pas ici me laisser enfermer dans la problématique dichotomique d’une « conceptualité centrée sur une théorie de l’action versus une conceptualité centrée sur une théorie structurelle » telle que Bader ou Berger l’ont présentée19. Mais une chose est sûre : le type wébérien de bureaucratie, avec sa longue liste de déterminations particulières, n’a pas pour objet le modèle construit du déploiement d’une action orientée en finalité et recourant aux « moyens justes », de sorte qu’elle serait imputable de façon intelligible à des sujets.
7Les choses sont plus compliquées. D’une part, avec la bureaucratie de Weber, il s’agit également essentiellement d’une typique déterminée de l’action ; il s’agit du fait que l’action administrative se déroule et puisse se dérouler dans la durée et « concerne un nombre donné de personnes », donc d’une manière « socialement généralisée » et selon une discipline spécifique, en accord avec des règles, orientée de façon strictement objective, « impersonnelle, précise et prévisible ». C’est justement en ce point – l’action d’obéissance que produit avec une intensité et une ampleur particulières la direction administrative spécifiquement bureaucratique – que le type bureaucratique se révèle comme type de domination20. Mais dans le même temps, il convient de voir que l’action bureaucratique ne procède pas de manière typique rationnellement en finalité dans la mesure où elle est principalement « programmée conditionnellement » ; elle opère « de manière strictement formelle selon des règles rationnelles – et en cas de défaillance de ces dernières – selon des points de vue d’opportunité objective21 ». Cela étant, on peut très bien avoir des fins derrière les règles et, en ce sens, l’action administrative bureaucratique est insérée dans des relations fins-moyens.
8Mais d’autre part, le type de bureaucratie, tel que Weber l’a développé dans le contexte de la sociologie de la domination22, n’est nullement épuisé avec la caractérisation d’un mode typique d’administration. Au-delà, avec par exemple l’insistance sur la « séparation complète » du fonctionnaire d’avec les « moyens d’administration » et l’absence de toute « appropriation des charges officielles »23, le type de bureaucratie désigne des conditions structurelles nécessaires pour que l’action administrative puisse se dérouler de la manière dite. Ici « les concepts relevant de la théorie de l’action […] sont articulés avec des concepts plus complexes de structures24 ». Weber lui-même parle de « principes structurels » ou de « principes d’organisation » de la domination ou de l’administration25, éventuellement du « principe des compétences établies » ou du « principe de la hiérarchie officielle et de la voie hiérarchique26 ». Or il va quasi de soi que ces composantes structurelles du type de bureaucratie ne cadrent pas avec la rationalité spécifique d’une action qui utilise les moyens justes en fonction de fins données, et cela déjà interdit de considérer le type de bureaucratie comme un « type de justesse objective ».
9Mais même si l’on fait abstraction de l’inscription du concept wébérien de « rationalité en justesse » dans le registre de l’action, l’interprétation par Renate Mayntz du type de la bureaucratie relativement à la relation fins-moyens27 reste fausse. D’une part, elle affirme à juste titre que « la spécificité et le contenu de fins manifestes concernant les groupements » n’ont joué « aucun rôle particulier28 », à l’opposé de la sociologie moderne des organisations ; et de fait, concernant précisément la bureaucratie moderne, Weber en souligne le « caractère pluriel quant aux fins », voire sa « capacité formellement universelle à s’appliquer à toutes les tâches29 ». D’autre part, dans le même passage – et à bon droit également – Mayntz établit que tout type de rationalité en justesse objective présuppose une « fin donnée », par rapport à laquelle il ne peut y avoir que des « moyens justes ». Or, une telle fin définie dans son contenu et spécifiée uniquement par référence au contexte de la « domination légale » peut difficilement constituer « l’exercice de la domination la plus efficace ». Sans données concernant la quantité des dominés30, la qualité et la complexité des tâches, ainsi que l’intensité de la pratique de domination31, sans également une spécification de l’environnement économique et religieux32, il est impossible de « déduire » la rationalité supérieure de la bureaucratie comme « moyen d’exercice de la domination » et il n’est pas même possible de démontrer l’avancée en rationalité de la direction administrative bureaucratique par rapport à une « administration directement démocratique33 ».
10Ensuite, si l’on s’en tient à la conception de Renate Mayntz, « les différentes caractéristiques du concept wébérien de bureaucratie répondent à la question de savoir, dans le cas de la domination légale, de quelle façon devait être constitué l’état-major de la domination de manière à garantir l’exercice le plus efficace de la domination34 ». Si l’on interprète le type de la bureaucratie dans ce sens, ou si on le prend comme un pur « modèle fonctionnel d’organisation », on suppose par là que, concernant les différentes déterminations de la bureaucratie, Weber les a (d’une certaine manière complètement) déduites, élaborées et composées exclusivement du point de vue de leur statut de moyens par rapport à l’objectif présupposé de domination. On suppose en outre que, pour Weber, ces déterminations s’agencent en un système, relativement clos et exclusivement orienté vers une fin, de caractéristiques logiquement et systématiquement cohérentes. Deux questions sont ainsi abordées, qui s’adressent d’une certaine manière à Max Weber lui-même et qu’il s’agit maintenant de traiter plus avant. D’une part, à partir de quels questionnements et de quels points de vue Weber a-t-il déterminé et choisi les différentes composantes de son type de bureaucratie ? A-t-il été guidé en cela par l’idée de rationalité en justesse ? D’autre part, quelle relation les différentes composantes entretiennent-elles entre elles ? S’insèrent-elles réellement à titre de moyens justes objectivement dans un « modèle d’opérationalité (Zweckmäßigkeit) maximale » ?
11Si l’on considère les détails du type wébérien de bureaucratie35, on s’aperçoit vite qu’ils sont composés selon des points de vue que l’on peut facilement reconstruire et qui ont trait à des points de vue concernant la pertinence et la problématique36. Mais ce faisant, on doit avoir en tête que le type wébérien de bureaucratie n’est nullement une creatio ex nihilo, mais que Weber s’appuyait fortement avant tout sur les études d’histoire de l’administration de Gustav Schmoller37, en particulier concernant la bureaucratie et l’administration d’État prussiennes38. Ce qui veut dire que, d’une part, comme Renate Mayntz le voit elle-même, le choix des critères du type wébérien de bureaucratie s’appuie sur l’organisation administrative prusso-allemande du tournant du xxe siècle. Dans ce contexte et pour le regard sociologique, la portée structurelle par exemple de la « hiérarchie fixe des fonctions », des « compétences officielles fixes », du règlement ou des « actes administratifs » apparaît immédiatement évidente. D’autre part, les critères sont composés selon des points de vue qui opèrent par abstraction et qui sont tendanciellement « théoriques », lesquels sont obtenus de leur côté à partir de la comparaison et du contraste entre la bureaucratie moderne et des formes d’administration plus anciennes ou des formes modernes structurelles différentes39. Ici la portée structurelle se donne à voir seulement à travers la démarche comparative. Ces points de vue et ces questions directrices qui courent à travers la typologie wébérienne de la domination sont, entre autres : la question du recrutement et de l’origine sociale du personnel administratif et de son mode d’installation (nomination d’en haut, élection, achat, etc.) ; la question de la relation entre fonction et personne (en particulier : appropriation ou « séparation ») ; la question de l’entretien économique des fonctionnaires et la relation avec les moyens de l’administration ; ensuite la question du prestige social spécifique et directement liée à cela ; la question de l’esprit d’obéissance des fonctionnaires (piété, fidélité de serviteur ou discipline officielle). Toutes ces questions sont analysées par Weber sous l’angle de leur signification pour la structure de pouvoir des groupements de domination40. En même temps, il corrèle ses analyses historiques de la « structure de la direction administrative et des moyens de l’administration » avec des questions toujours nouvelles concernant la compatibilité ou l’incompatibilité structurelles de celle-ci avec une « hiérarchisation rigide » et une « discipline de fonctionnement » prononcée. Weber se demande ensuite si les structures administratives historiques sont accessibles à une « réglementation abstraite » de l’action administrative, ainsi qu’à la perspective d’une division du travail objectivement conduite, d’une qualification professionnelle et d’une formation des fonctionnaires. Enfin, il ne cesse de questionner la prévisibilité et la calculabilité de l’action administrative pour l’environnement, c’est-à-dire avant tout pour le « maître et les personnes intéressées ».
12Ainsi est-il clair que le type wébérien de bureaucratie a été conçu dans la perspective de cette sociologie de la domination en fonction de points de vue déterminés qui touchaient à la pertinence concrète et qui, s’agissant de la bureaucratie prussienne ou d’une perspective comparatiste, « tombaient sous le sens ». Il n’est pas question ici de moyens qui seraient « déduits théoriquement41 » à partir d’objectifs déterminés, mais de jugements établis sur un plan sociologique et d’histoire universelle « à partir de toutes les expériences42 ». Et l’idée d’une « cohérence systémique », voire d’une complétude du type est absente. Du reste, son mode de composition relativement lâche, du moins à ses marges, est déjà visible dans le fait qu’aucune des trois versions principales du type de bureaucratie n’est pleinement identique43. Sans compter le fait que la rationalité spécifique du type revêt des accents en partie très hétérogènes selon le point de vue comparatif adopté. Mais on aborde ici déjà l’autre question, celle de la connexion entre les différents éléments du type wébérien de bureaucratie. La réponse étant : pour autant qu’ils ne concernent pas la détermination de la typique spécifique de l’action administrative bureaucratique, les critères particuliers sont composés selon le point de vue de leur compatibilité structurelle respective avant tout avec cette typique de l’action ; ils ne sont nullement assemblés comme un catalogue cohérent de « moyens justes » déduits abstraitement dans la perspective d’une fin supérieure.
13La sociologie wébérienne regorge de considérations à propos de la compatibilité. Weber lui-même parle volontiers d’« affinité élective » ou de « relations d’adéquation », sachant qu’il s’agit de savoir « si et avec quelle intensité » différentes structures sociales « se favorisent mutuellement ou à l’inverse se font obstacle ou s’excluent en leur existence44 ». La sociologie de la domination est elle-même, comme nous l’avons déjà mentionné, parcourue par des questionnements, des réflexions et des argumentations de ce type. Considérons seulement les arguments que Weber tire de l’expérience et qu’il oppose par exemple au fonctionnariat élu, qu’il considère comme incompatible avec une discipline officielle stricte, avec l’objectivité et avec une qualification professionnelle de haut niveau45 ; le « type pur » ( avec son principe de la hiérarchie officielle) « exige » un fonctionnaire nommé d’en haut. Ou regardons les réflexions de Weber sur la coexistence de la bureaucratie et de l’économie monétaire46, où les présupposés structurels et les avantages de la rémunération monétaire des fonctionnaires sont analysés, dans un cadre historique très large (et avec une série de variantes équivalentes). Les différents éléments du type de bureaucratie ne sont pas composés à partir de calculs abstraits relatifs aux fins et aux moyens, mais à partir de réflexions concernant les compatibilités et les incompatibilités, réflexions qui sont tirées d’une empirie riche et qui sont en outre très stimulantes théoriquement.
14Pour finir : Renate Mayntz souligne elle-même l’ancrage du type de la bureaucratie dans le contexte plus large de la sociologie wébérienne de la domination47 et elle reproche à juste titre à la sociologie des organisations d’avoir complètement oblitéré cela et donc d’avoir abordé la bureaucratie de façon totalement isolée48. Mais si l’on se demande comment le type de bureaucratie s’insère dans la typologie de la domination, il apparaît, comme cela a déjà été évoqué, que le type wébérien de bureaucratie est conçu comme un type-contraste spécifiquement rationnel : « Aucun des types idéaux de Weber n’est défini dans l’absolu, mais uniquement en termes de contraste avec d’autres ; cela fait partie de leur logique49 ». Cela vaut précisément pour le type de bureaucratie, comme on l’a déjà vu à propos de la conception spécifiquement « négative » de plusieurs de ses critères50 : pratiquement aucun d’entre eux n’est compréhensible « de lui-même », c’est-à-dire sans la connaissance concomitante des contretypes51, la différence avec ceux-ci étant précisément ce qui importe systématiquement à Weber. Et c’est précisément ce profil contrastif du type de bureaucratie qu’il s’agit d’avoir en tête quand on met en exergue les superlatifs que Weber consacre à la bureaucratie. Ces superlatifs de la rationalité maximale que représente la bureaucratie sont justement des comparatifs ; leur champ de comparaison est constitué uniquement par ces « formes alternatives d’appareils administratifs », à savoir, comme on l’a dit, avant tout par le patrimonialisme, le féodalisme, l’administration démocratique et celle des notables.
15Or, dès lors qu’on considère ce mode d’articulation du type de bureaucratie avec les autres types de domination et d’administration, on aura beaucoup de mal à justifier le fait de prendre ce type comme un type de justesse. En effet, si l’on adopte une telle interprétation, on est contraint d’accorder au type de bureaucratie un statut tout à fait à part au sein de la typologie de la domination, et on devrait en outre indiquer quel mode différent de type idéal représentent les autres types de domination et indiquer avant tout selon quels principes de construction tout à fait différents doivent être construits ces types, qui ne peuvent pas être des « types de justesse ». L’interprétation du type de bureaucratie comme « type de justesse » conduit inévitablement à morceler la sociologie wébérienne de la domination : elle aussi « isole » le type de bureaucratie. Mais la typologie wébérienne de la domination, avec son principe de renvois contrastifs et comparatifs, ne va nullement dans ce sens. Et on comprend aisément que nulle part Weber n’envisage explicitement de caractériser le type de bureaucratie comme « type de justesse ».
16Mais d’un autre côté, on doit admettre que le type pur de la « domination légale avec une direction administrative bureaucratique » se voit en quelque sorte reconnaître dans la sociologie wébérienne de la domination un statut particulier. Il représente ici le type spécifiquement rationnel et, en tant que tel, il est – dans la perspective d’une histoire universelle – un type individualisant qui se rapporte à la structure spécifiquement occidentale de la domination. La « bureaucratie rationnelle » doit également être considérée comme un « produit de développement » du processus d’histoire universelle qui a engendré « sur le terrain de l’Occident et uniquement là, des phénomènes culturels » relatifs à un rationalisme englobant52. Et « l’administration par des fonctionnaires professionnels et orientée en fonction de règles édictées et rationnelles » se voit attribuer une place tout à fait décisive au sein du « rationalisme spécifique de la culture occidentale53 ». Certes Weber a démontré plus clairement encore avec le concept de capitalisme que sa stratégie de formation des concepts était portée par un intérêt de connaissance individualisant54, mais il ne fait aucun doute que cela vaut aussi pour le concept de bureaucratie, qui n’était pas mis en question par les contemporains de Weber. Karl Gabriel a fait remarquer à juste titre que, chez Weber, la bureaucratie est en lien étroit avec l’« organisation du travail rationalo-capitaliste », celle-ci constituant au plan économique l’élément « spécifique » de l’Occident55. Mais il est clair, du coup, combien le concept wébérien de bureaucratie, qui se veut empirique, est loin du « modèle d’opérationalité maximale » tel que Mayntz a voulu l’établir abstraitement, anhistoriquement et déductivement. En même temps il s’avère à quel point Renate Mayntz a plutôt renforcé les malentendus dont elle voulait protéger Weber.
17Ajoutons une remarque concernant la mésinterprétation de cette rationalité suprême au sens d’une « efficience maximale » du type de la bureaucratie. À quoi Albrow a opposé de bons arguments56. Mais il va trop loin quand, finalement, il affirme que la théorie wébérienne de la bureaucratie « ne prenait pas du tout en considération les problèmes d’efficacité57 ». Que cela soit inexact, on le voit déjà dans le fait que Weber dit explicitement à de multiples reprises que, comparée à l’administration de notables, la bureaucratie est, en termes de coûts, plus « économique »58. Dans le même registre, Weber ne cesse de souligner la « rapidité » relative, le « temps de réaction » spécifique de la bureaucratie, en particulier sous la pression imposée par le tempo accéléré du capitalisme moderne59. Il n’en reste pas moins juste que la rationalité spécifique du type de bureaucratie ne vise pas en premier lieu « l’efficience orientée vers l’output ».
18Quelle est donc la particularité de la rationalité de la bureaucratie au sens wébérien ? Avant d’en venir à cette question, il est bon de se rappeler que Max Weber n’a cessé de souligner la multivocité du concept de rationalité et de « rationalisation ». Mais plus encore : la multivocité du rationnel était manifestement pour lui une question de la plus haute importance tant pratique que théorique60. Cela a pour conséquence que même en ce qui concerne la rationalité du type de bureaucratie, on doit partir de la multivocité du rationnel, laquelle doit être au centre de l’analyse.
19Sans pouvoir traiter ici la question de façon satisfaisante, on évoquera rapidement deux aspects à vrai dire centraux de la rationalité bureaucratique, telle que Weber l’entendait. Ce faisant, on ne devrait pas s’étonner que la rationalité en finalité se voie attribuer un poids à peine particulier, et je partage avec Constans Seyfarth l’idée que la rationalité en finalité n’a pas, au sein de la conception wébérienne de la rationalité, la place qu’on aimerait lui accorder après la lecture des seuls écrits méthodologiques61.
20Le premier aspect que nous traiterons ici concerne la compréhension du rationnel et de la rationalisation au sens de « cohérence », de « systématisation, de méthode et d’unification »62. Parmi ces critères relatifs à l’action d’administration bureaucratique moderne, l’élément décisif a trait au perfectionnement de la domination : l’approche wébérienne en termes de sociologie de la domination est conçue du point de vue d’une problématique de l’exécution et de la soumission63 ; il est question de commandement et d’obéissance. Mais l’obéissance – à savoir la discipline64, – est, dans le contexte spécifique de la bureaucratie, à un niveau historiquement inconnu, disponible globalement et combinée avec une formation professionnelle65. Ce qui signifie (pour le « maître ») la chance structurelle de pouvoir « programmer » l’action de la direction administrative sans discontinuité et sur toute la ligne essentiellement à l’aide de règles formelles. Le moindre « acte administratif » est ainsi concerné : « […], dans le principe, tout acte d’une administration authentiquement bureaucratique est sous-tendu par un système de “raisons” rationnellement discutables, que ce soit par subsomption sous des normes ou par examen des moyens et des fins66 ». Une telle rationalisation signifie aussi manifestement une « intellectualisation », mais nous pouvons laisser ici ce point de côté. Sont décisives ici la continuité, la cohérence et l’ampleur avec lesquelles on réussit dans le contexte bureaucratique à déterminer et à piloter l’action administrative.
21Ce qui correspond dans l’action administrative bureaucratique à la combinaison d’une discipline « rationnelle », c’est-à-dire méthodique, d’objectivité et d’impersonnalité strictes67, avec une formation professionnelle. Le procès de rationalisation bureaucratique est essentiellement le procès de détermination et de différenciation structurelles de ce mode de comportement construit sur la cohérence. Ce faisant, la cohérence forte de l’action administrative peut réussir sur toute la ligne sans risque de « contamination par des motivations déviantes et superfétatoires68 », c’est-à-dire « sans aucune influence de motivations personnelles ou d’influences affectives, en l’absence d’arbitraire et d’imprévisibilité69 » et au niveau d’une formation et d’une qualification professionnelles élevées.
22Ce qui importe à Weber (sinon de façon seulement secondaire), ce n’est pas l’ouput de l’action administrative, mais le « fonctionnement » précis, univoque, continu, toujours réglé et donc calculable du traitement bureaucratique des affaires officielles, qui sont relativement complexes et qui réclament une qualification professionnelle70. C’est cet aspect que visent essentiellement les analogies technico-instrumentales et les caractérisations déjà évoquées de la bureaucratie comme « machine », « appareil », « mécanisme », etc. Si l’on veut déjà parler ici d’« efficience », on doit rapporter celle-ci à la précision du « fonctionnement réglé » de la bureaucratie, laquelle fait se coïncider d’une part l’orientation objective exigeante de l’action officielle et, d’autre part, le fonctionnement du mécanisme de mise en œuvre qui, parce qu’il s’appuie sur la discipline, est totalement « soulagé ».
23Le second registre de signification du rationnel met l’accent simultanément sur le volontarisme et l’innovation. C’est en ce sens que Weber parle d’« innovation consciente71 », de « création rationnelle72 » ou encore de « création intentionnellement nouvelle73 ». Une telle tendance à la « création consciemment rationnelle » constitue pour Weber une caractéristique tout à fait essentielle de la typique de l’action propre au rationalisme occidental. Elle signifie que, tout en étant ancrée dans la structure sociale, l’action socialement pertinente est, dans une mesure jamais encore connue, façonnable, transformable et explicitement décidable.
24C’est cela précisément qui installe le rationalisme moderne en complète opposition avec tout traditionalisme lequel, selon Weber, bloque précisément tout changement ou toute innovation. La mentalité collective rétive au changement qui est propre au traditionalisme peut être appuyée, voire renforcée par des « constellations d’intérêts », mais Weber mentionne en outre un autre « amplificateur » : « La peur de maux magiques renforçait l’inhibition psychique à l’égard de tout changement dans les habitudes familières de l’action74 ». Un état de choses pour lequel Weber recourt ailleurs au concept de « stéréotypisation magique de l’action75 ». À regarder de près, on verra que ce concept traverse presque toute la sociologie wébérienne des « époques prérationalistes76 ». Le procès de rationalisation inscrit dans l’histoire universelle signifie l’émancipation de l’action d’une « stéréotypisation magique et d’une dépendance traditionaliste77 » ; il signifie une « délivrance » et parallèlement l’ouverture d’une relative éligibilité de l’action, plus exactement d’une action ouverte au changement et innovatrice dans le cadre de fins variables.
25Mais c’est précisément là que la domination et le droit ont un rôle décisif ; en effet, cette typique de l’action est incorporée dans le type de légitimité rationnelle-légale, tel que Weber le présente dans sa sociologie de la domination. Comme on le sait, la légitimité de la domination rationnelle-légale repose sur « l’idée fondamentale […] que du droit, quel qu’il soit, puisse être créé et modifié par une promulgation décrétée de manière formellement correcte78 ». Ici, la « fabrication », à savoir le fait d’être « promulgué » et modifié, est un principe institutionnalisé, et le fait que le mécanisme juridique soit disponible sur la durée pour une intervention innovatrice et orientée selon une fin place le type de domination légale dans la plus stricte opposition avec le type traditionnel, lequel ne pouvait légitimer de véritables innovations « que si elles étaient reconnues comme valides de tout temps et relevant du “droit coutumier”79 ». Il va de soi, à partir de là, que pour la sociologie wébérienne du droit, la rationalisation du droit signifie essentiellement (aussi), la positivation de celui-ci80, concrètement : « la valorisation croissante du droit comme appareil technique susceptible d’être modifié à tout moment selon une rationalité en finalité et dépourvu de tout contenu sacré81 ».
26Comme l’indique également Winckelmann82, la domination rationnelle-légale et la domination bureaucratique ne se recouvrent pas exactement ; la seconde est un cas particulier de la première83, même si elle constitue le cas le plus proéminent et le plus souvent traité par Weber. La subsomption du « fonctionnement réglé » de la bureaucratie sous le type rationnel-légal de la légitimité signifie avant tout que ce qui vaut pour les règles de procédure et les « normes » bureaucratiques, pour autant qu’elles n’ont pas la qualité du droit, vaut aussi pour le droit positif : elles sont « faites » intentionnellement et consciemment, « elles sont créées rationnellement, en appellent au sens de la légalité abstraite et reposent sur une formation technique84 ». Et dans le même temps : ces « règles techniques » et ces normes édictées sont modifiables à tout moment en fonction de l’opportunité ; elles ont avant tout un caractère spécifiquement « technique » et relèvent de décisions et d’utilisations rationnelles. La disposition technique, au sens que nous venons de le voir, des règles qui régissent l’action bureaucratique est un des facteurs décisifs de la rationalité de la bureaucratie, telle que Weber l’entendait, en l’opposant à toutes les formes de domination traditionnelle et de dépendance stéréotypée par la magie.
27Mais l’opposition explicite entre « stéréotypisation » et « rationalisation » va plus loin85 ; elle ne concerne pas seulement le règlement de la bureaucratie, mais également – pour le dire en langage moderne – les postes. La domination traditionnelle tend à « stéréotypiser l’organisation des fonctions86 » en une « formation qui en conséquence est rigide, incapable de s’adapter à des tâches nouvelles, inaccessible à des réglementations abstraites : un contre-exemple caractéristique de la structure bureaucratique avec ses « compétences », ordonnées de façon abstraite et appropriée, et susceptibles à tout moment, le cas échéant, d’être ordonnées autrement87 ». Le caractère modifiable de l’organisation des fonctions ou des postes constituait manifestement pour Weber un point essentiel et il en va de même pour le personnel. La « séparation de la fonction et de la personne », sans cesse soulignée concernant la bureaucratie moderne, en particulier la non-appropriation des fonctions par le personnel, signifie essentiellement « carte blanche » pour le sommet de la bureaucratie, en particulier pour le recrutement du personnel : « la nomination par contrat, par conséquent la sélection libre, est essentielle à la bureaucratie moderne88 ». Et la même chose, à savoir « la liberté dans la sélection des travailleurs89 », vaut pour l’entreprise capitaliste moderne, comme Weber l’a exposé on ne peut plus clairement. Avec toutefois une différence concernant la « durée à vie de la position » du fonctionnaire, laquelle « n’est pas considérée, à la différence de beaucoup de formes de domination du passé, comme un “droit de propriété” du fonctionnaire sur sa charge » ; elle a plutôt pour fin d’« offrir la garantie que le devoir professionnel spécifique pourra être accompli de façon strictement objective, indépendamment des considérations personnelles90 ». Mais cela ne signifie pas l’impossibilité des mutations et surtout de la « mobilité verticale » du personnel au sein de la hiérarchie officielle.
28En conclusion : on voit se dessiner tendanciellement ce qui est constitutif de la nouvelle sociologie systémique des organisations et qui concerne l’« organisation », à savoir le caractère principiellement modifiable et variable des règles, des postes et du personnel91. Et c’est précisément en ce point que Weber a vu un trait rationnel décisif de la bureaucratie moderne.
Bibliographie
Œuvres de Weber citées
En allemand
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Weber Max. Gesammelte Aufsätze zur Religionssoziologie, tome I, Tübingen, J. C. B. Mohr (Paul Siebeck), 1988 [1920].
Weber Max. Gesammelte Aufsätze zur Soziologie und Sozialpolitik, Tübingen, J. C. B. Mohr (Paul Siebeck), 1988 [1924].
Weber Max, 1964. Wirtschaft und Gesellschaft: Grundriß der verstehenden Soziologie. Studienausgabe, 2 tomes. J. Winckelmann (dir.), Köln et Berlin, Kiepenhauer.
En français
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Domination : La domination, traduit de l’allemand par Isabelle Kalinowski, édition critique française établie par Yves Sintomer, Paris, La Découverte, 2013.
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Notes de bas de page
1 Ce texte a été publié dans la revue Zeitschrift für Soziologie (10/1, 1981 : 38-49) sous le titre « Ist der Webersche Bürokratietypus ein objektiver Richtigkeitstypus? », comportant le sous-titre: « Anmerkungen zu einer These von Renate Mayntz » (Remarques sur une thèse de Renate Mayntz), traduction de l’allemand par Jean-Pierre Grossein.
2 Domination, 2013 : 83 (trad. mod.).
3 GASS : 412 sq. ; Domination, 2013 : 85 ; voir aussi OP, et Lipp 1978 : 9.
4 On citera ici le passage peut-être le plus connu : « L’administration purement bureaucratique, c’est-à-dire l’administration bureaucratico-monocratique, fonctionnant selon des actes, par sa précision, sa permanence, sa discipline, son rigorisme et sa fiabilité et donc par sa prévisibilité (Berechenbarkeit) pour le maître comme pour les intéressés, par l’intensité et l’étendue de sa prestation, par son applicabilité formellement universelle à toutes les tâches, perfectible au plus haut point, d’un point de vue purement technique, dans ses prestations – par tous ces aspects et de toute expérience, cette administration constitue la forme formellement la plus rationnelle d’exercice de la domination. » (ES : 229 ; trad.mod.).
5 Mayntz 1971a ; Albrow 1972 : 62.
6 Luhmann 1971 : 93.
7 Pfeiffer 1976 : 31.
8 Müller 1973.
9 Luhmann 1971 : 94.
10 Kieser et Kubicek 1978 : 112.
11 Mayntz 2010 : 1 sq.
12 Mayntz 2010 : 3 (trad.mod.).
13 Mayntz 2010 : 4.
14 Mayntz 2010 : 4 ; voir aussi Luhmann 1971 : 93.
15 On trouve la première option dans le travail très développé de Prewo (1979), qui à plusieurs reprises oppose l’approche de Mayntz à la sociologie plus ancienne des organisations. Parmi les « suiveurs », on compte Schluchter (1972 : 122), Müller (1973 : 723 sq.), Gabriel (1974 : 352), Pfeiffer (1976 : 30 sq.).
16 CFS : 164-224. Weber n’utilise, à ma connaissance, les termes de « rationalité en justesse » et de « type de justesse » que dans cet essai, extrêmement important du reste, de 1913. Mais le problème réapparaît plus tard, comme dans l’essai sur la « neutralité axiologique » de 1917 ou dans les « Concepts fondamentaux de sociologie », lesquels prennent appui sur l’essai sur les catégories. L’exégèse wébérienne n’a guère approfondi l’analyse du problème de la rationalité en justesse (comme cas particulier de la rationalité en finalité). Prewo (1979 : 256, 367, 525) lui-même ne le mentionne que marginalement.
17 CFS : 171 sq.
18 Dans le premier paragraphe de l’« Essai sur les catégories » (in CFS), Weber introduit le concept d’action au centre de la sociologie de compréhension, qu’il distingue dans le second paragraphe de la psychologie et c’est dans ce cadre qu’il a recours au concept de rationalité en justesse. Il apparaît ainsi clairement que ce thème de la rationalité en justesse relève principalement de la théorie de l’action et non, comme Mayntz aimerait le penser, d’une « présentation du type idéal » (Mayntz 2010 : 10, note 3).
19 Bader et al. 1976 ; Berger 1978.
20 J’ai traité ailleurs (Tyrell 1980) du concept wébérien de domination.
21 Weber 2014a [1922] : 292 (trad. mod.).
22 Weber a élaboré sa typologie et sociologie de la domination, chaque fois à des degrés divers d’extension et de densité, essentiellement en trois endroits : ES : 219 sq. ; Domination ; Weber 2014a [1922] : 292 sq. Dans les trois cas, le type de la domination légale-rationnelle (dont celui de la domination bureaucratique) est traité en premier. Sur le problème de l’ordre de traitement et de la différence d’accent, voir Winckelmann (1964 : 46). On trouve également, bien entendu, des choses essentielles concernant le thème de la bureaucratie dans les écrits politiques de Weber. Voir Beetham (1974 : 63 sq.).
23 ES : 226.
24 Seyfahrt 1979 : 156.
25 Domination : 118.
26 Domination : 64 (trad. mod.).
27 Mayntz 2010.
28 Mayntz 2010.
29 ES : 229 (trad. mod.).
30 Domination : 78 sq.
31 Domination : 81 sq.
32 Ici Weber a en tête surtout l’économie monétaire, mais voir aussi le chapitre sur « L’État et la hiérocratie » (Domination : 337 sq.). Du reste, plus loin, Mayntz (2010) apporte une restriction supplémentaire d’ordre historique concernant l’environnement social, en liant la rationalité en finalité de la bureaucratie aux « conditions de l’État national économiquement développé et politiquement centralisé ».
33 Domination : 52. De surcroît, comme Weber le voit clairement (par exemple dans Domination : 77), la domination patrimoniale, qui opère avec des « dépendants personnels », des esclaves, des non-libres, des étrangers, etc., est nettement supérieure à la bureaucratie du fait de la soumission inconditionnelle de ces derniers au maître.
34 Mayntz 2010 : 3.
35 Pour cela, on doit prendre en compte l’architecture de la typologie wébérienne de la domination. Celle-ci différencie en premier lieu trois, « trois seulement, en toute pureté formelle », modes hétérogènes de « légitimité valide de la domination » (par exemple, ES : 222). En second lieu, elle différencie en liant les types de légitimité avec « une structure sociologique de la direction administrative et des moyens d’administration fondamentalement différente » (Weber 2014a [1922] : 292). Ce qui vise en particulier la problématique de l’appropriation et la distinction opérée de ce point de vue au sein du type de la « domination traditionnelle » entre la structure d’administration « patrimoniale » et la structure « ordo-féodale »... (par exemple, Weber 2014a [1922] : 294 sq.). Le point de vue de l’appropriation est évidemment d’une importance centrale également pour le type de bureaucratie, qu’il rapproche ici du patrimonialisme. L’architecture de la typologie wébérienne de la domination est particulièrement transparente, même si la terminologie varie légèrement. Voir Abramowski 1966 : 122 sq., 127 sq. ; Bendix 1964 : 220 sq. ; ainsi que l’analyse particulièrement différenciée de Zingerle 1972 : 20 sq., 46 sq.
36 Bendix 1964 : 436.
37 Schmoller 1894 et 1898.
38 Les études de Schmoller sont en relation directe avec l’édition qu’il avait lui-même dirigée des Acta Borussica, les actes administratifs et étatiques de la Prusse au xviiie siècle. Au sein du Vereins für Sozialpolitik, Weber était en opposition très nette avec Schmoller ainsi qu’avec l’« ancienne génération » concernant l’évaluation du rôle politique de la bureaucratie. Voir Lindenlaub 1967 : 238 sq., 292 sq. et 393 sq. ainsi que Beetham 1974 : 63 sq.
39 Selon Bader et al. (1976 : 454), « il s’agit d’une double comparaison : a) une comparaison relevant de l’histoire universelle avec des formes prébureaucratiques, traditionnelles de domination ; b) une comparaison avec l’administration de notables, d’une part, avec des formes d’organisations démocratiques, d’autre part ». Voir aussi Schluchter (1972 : 120), ainsi que Gabriel (1976 : 302 sq.).
40 Selon Weber (ES : 272), « la réalité historique consiste aussi en une lutte constante, la plupart du temps latente entre le maître et la direction administrative pour l’appropriation ou l’expropriation de l’un ou de l’autre ». Concernant la Chine, voir Zingerle (1972 : 54 sq.).
41 Selon Mayntz qui le concède elle-même (Mayntz 2010 : 3, trad. mod.), Weber n’aurait « pas élaboré ses éléments de façon explicite et évidente pour le lecteur par une déduction théorique ». Doit-on comprendre que Weber aurait procédé à ces déductions de façon « cachée » ? Nullement, le dernier mot de Mayntz sur ce point est que Weber a « en quelque sorte eu recours à l’idée de rationalité en justesse uniquement comme principe de sélection dans le choix des éléments historico-empiriques ».
42 Mayntz 2010.
43 ES : 222 sq. ; Domination : 63 sq. ; Weber 2014a [1922] : 292 sq.
44 Weber 2005 : 936.
45 ES : 229 sq.
46 Domination : 71 sq.
47 Mayntz 2010 : 6 sq.
48 On doit certes reconnaître, avec Mayntz, la difficulté des conditions de réception pour la sociologie américaine de l’organisation des années 1940-50-60. Toutefois, Bendix (1947) avait très tôt déjà indiqué que la « rationalisation » de la bureaucratie devait être comprise de façon contrastive.
49 Beetham 1974 : 90.
50 Ainsi, ceux des fonctionnaires, qui sont « séparés » d’avec les postes officiels et les moyens d’administration, sont conçus comme employés (et donc comme non élus). De la même façon, ceux-ci sont conçus comme « libres personnellement », à l’inverse des (fonctionnaires) non-libres. Toutes ces déterminations ne sont compréhensibles que comme des négations d’un type opposé.
51 Cela vaut aussi pour la caractérisation en apparence évidente de la bureaucratie comme « entreprise » (Betrieb) et particulièrement comme « autorité » (Behörde) (ES : 224) qui vise la bureaucratie comme une organisation permanente et réglant les affaires officielles de façon « continue ». Mais ceci doit être compris chez Weber avec en arrière-fond la conception très générale et régulièrement thématisée d’un « développement gradué partant de la sociétisation occasionnelle et progressive jusqu’à une “formation” permanente » (CFS : 196). Ainsi parle-t-il à propos des débuts de la bureaucratie patrimoniale de « fonctionnaire occasionnel » et à un niveau plus avancé de développement de « pérennité et de stéréotypisation accrues des offices » (Domination : 153). Le concept wébérien de Betrieb implique toujours en termes d’évolution le contraste avec la sociétisation occasionnelle.
52 SR : 489 sq.
53 SR : 489 sq.
54 Voir Weiß 1975 : 20 sq. et 65 sq., ainsi que Prewo 1979 : 95 sq.
55 Gabriel 1979 : 29 sq.
56 Albrow (1970 : 71 sq.) s’appuie surtout sur la contribution de Weber à la session du Verein für Sozialpolitik de 1909 (GASS : 412 sq.), où il confronte le fonctionnariat germano-prussien « d’une haute moralité » avec les bureaucraties atteintes par la corruption des pays « gouvernés démocratiquement » (France, USA, Angleterre) et estime que le « fonctionnariat-business » de ces derniers est d’une, littéralement, efficiency supérieure. Cela dit, il convient de voir aussi dans ces remarques l’intention politique de « démythologiser » la bureaucratie prussienne (voir Beetham 1974 : 64 sq.).
57 Albrow 1970 : 77.
58 GASS : 413.
59 Particulièrement Domination : 84.
60 Ainsi Weber écrit à propos de l’étude sur le protestantisme : « Si cet essai voudrait contribuer à quelque chose, c’est à mettre au jour la multidimensionnalité du concept de “rationnel” […] » (EP : 27).
61 Seyfarth 1979.
62 Voir par exemple, SR : 379 et 412.
63 Voir la définition de la puissance (Macht) (CFS : 159), mais surtout ses « réflexions préliminaires » sur ce sujet (Domination : 43 sq.).
64 CFS : 159 sq.
65 On retrouve la même analyse chez Luhmann 1971 : 106.
66 Domination : 91 (trad. mod.).
67 Sur ce point, voir Gabriel 1979 : 32 sq.
68 Offe 1974 : 334.
69 Weber 2014a [1922] : 293.
70 Domination : 85.
71 CFS : 137.
72 Domination : 121.
73 CFS : 111.
74 CFS : 137.
75 HE : 373 (trad. mod.).
76 ES : 252.
77 ES : 252.
78 Weber 2014a [1922] : 292 (trad. mod.).
79 ES : 233.
80 Voir par exemple Abramowski 1966 : 140 sq., 144 sq., ainsi que Beetham 1974 : 68. La terminologie wébérienne en termes de « création » (Schaffen) semble être tirée d’abord du contexte juridique. Sur ce point et sur le cas historique très précoce de l’Athènes classique, où la positivation du droit, la mise en œuvre de la « conception du droit comme création rationnelle » ont été quasi réalisées (Weber 2014b [1922] : 167).
81 SD : 234 (trad. mod.).
82 Winckelmann 1964 : 61 sq.
83 « La bureaucratie n’est pas le seul type de domination légale. Le fonctionnariat par roulement, par tirage au sort ou par élection, l’administration par un parlement ou par des commissions et toutes les formes de corps de domination et d’administration collégiaux relèvent de ce type, dès lors que leur compétence repose sur des règles édictées et que l’exercice du droit de domination correspond au type d’administration légale » (Weber 2014a [1922] : 294, trad. mod.).
84 Domination : 121 (trad mod.).
85 Domination : 164.
86 Domination : 150.
87 Domination : 167 (trad mod.).
88 ES : 227.
89 ES : 171.
90 Domination : 70.
91 Voir par exemple Luhmann 1975 : 40 sq.
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