III. L’appel des édiles nantais
p. 39-48
Texte intégral
1Les historiens de la Révolution française reconnaissent que les notables dauphinois qui dès l’été 1788 se sont réunis à Grenoble et à Vizille, ainsi que les Bretons à Rennes et à Nantes, en résistant aux injonctions de l’autorité royale, ont donné un élan décisif à l’instauration d’un régime de monarchie constitutionnelle lors des États généraux. La lutte débuta à Rennes en mai 1788 par l’opposition des nobles bretons aux édits réformistes du ministre Étienne Charles Loménie de Brienne qui portaient atteinte à leurs justices seigneuriales et aux pouvoirs du parlement tenu par une trentaine de familles aristocratiques. Les mesures d’unification nationale du ministre, prises sans consultation, étaient perçues comme une violation des libertés séculaires de la province. La révolte nobiliaire fut soutenue par tous les professionnels qui vivaient des affaires de justice et par la municipalité, qui défendait les revenus des artisans et des commerçants liés à la prospérité de la ville. Durant l’été furent organisées des manifestations, occasionnant parfois des heurts. Trois envois de délégations auprès du roi échouèrent, la dernière au nom des trois ordres pour présenter un mémoire devenu sans objet en raison de la chute du ministre au mois d’août.
2À partir d’octobre 1788, les députés du Tiers représentant les quarante-deux villes de la province aux États de Bretagne commencèrent à leur tour à s’organiser pour mettre fin à la domination générale de la noblesse qui allait contre leurs intérêts. Ils furent guidés dans leurs démarches par le succès des Dauphinois à Vizille, qui en août avaient obtenu du roi la création d’une assemblée des trois ordres chargée de proposer la révision de la constitution de leurs États. Les Nantais se montrèrent plus radicaux que les Rennais en refusant toute participation future aux délibérations provinciales, à moins que leurs réclamations en matière de réunion des ordres et de représentation équitable ne soient acceptées par la noblesse et le clergé.
3Début novembre à Nantes, l’élite du Tiers s’affranchit de la tutelle des oligarchies aristocratiques et proclama la « commune de Nantes », sous l’impulsion de Jacques Cottin, riche propriétaire anobli de Saint-Domingue qui possédait une charge auprès du parlement de Bretagne. Cette prise en main des institutions municipales par la bourgeoisie d’affaires dans le grand port marchand eut lieu bien avant de tels changements dans l’administration des autres grandes villes du royaume, qui furent plutôt une conséquence des événements de l’été suivant. La réputation des quatre cents négociants que comptait la ville était auréolée par le souvenir de leur soutien actif à la guerre d’indépendance des États-Unis d’Amérique, qui avait consisté à affréter des navires, à envoyer des armes et des équipements, à financer des équipages et à se charger de la vente des prises des corsaires par les insurgents. Un des leurs, Jean-Baptiste Mosneron, un ancien consul du commerce, estima dans une brochure publiée en 1788 que le moment était venu de mettre fin à « cette distinction entre une noblesse susceptible de tous les honneurs, sans mérite, et une roture indigne de considération, quoique essentiellement utile », trop souvent ignorée par les Parisiens, « trop éloignés des villes et des affaires de commerce » et qui plaçaient « leurs fonds dans la finance et l’agiotage48 ». La priorité des négociants était de conforter leur notabilité et leur participation directe aux décisions en matière de commerce et d’économie.
4Douze délégués, dont Cottin, furent aussitôt dépêchés à Versailles auprès du roi afin de demander le doublement de la représentation du Tiers aux États de Bretagne. Deux envoyés nantais furent ensuite désignés pour rester sur place durant l’hiver 1788-1789 afin de soutenir la position des Bretons auprès des autorités ministérielles – une activité qui permit au médecin François Pierre Blin (ill. 7), originaire de Rennes mais exerçant à Nantes, de se faire une réputation. À l’instar de Cottin, il en fut récompensé par son élection en avril 1789 comme représentant nantais aux États généraux.
Ill. 7 Charles Toussaint Labadye, François Pierre Blin, 1790, dessin à la mine de plomb, D. médaillon 7,5 cm, Paris, Bibliothèque nationale de France

Crédits/source : Photo © gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b52507841w
5Le 29 janvier 1790, Mazzei écrivit à Stanislas Auguste : « Aujourd’hui je déjeunerai avec M. David et avec M. Blin, pour parler des tableaux avec le premier et des sages observations de Sa Majesté sur la législation coloniale avec le second49. » Cette discussion annoncée entre les trois hommes est une nouvelle confirmation du fait que le peintre connaissait bien les enjeux de la situation dans les colonies. Le 21 décembre précédent, Mazzei avait indiqué au roi qu’il avait rencontré le député de Nantes, « pour la première fois chez David », ce qui fait remonter au moins à l’automne 1789 le début de la relation entre le peintre et le député. L’activisme forcené de Blin au début de la Révolution, évoqué plus loin, a pu séduire David. Les deux hommes avaient de nombreuses relations communes parmi les figures en vue de la Révolution, mais ils ont dû sympathiser sur le terrain de l’art : malgré le tropisme de la politique qui s’exerçait sur l’esprit des citoyens en 1789, David s’accrochait en effet à son statut de peintre pour établir son rang dans le monde parisien et assurer son avenir. Ainsi, selon Mazzei, qui se confia à Stanislas Auguste le 21 mai 1790, David et son épouse étaient atteints de ce qu’il appelait « la maladie de Poussin », une admiration sans borne pour le « peintre philosophe », et il ajouta que « leur intention est d’aller vivre et mourir à Rome » après le décès des beaux-parents du peintre50.
6Dans l’entourage de David, deux frères de la famille Le Roulx de La Ville, dite aussi Delaville-Leroux, petits-fils d’un maire de Nantes, étaient en mesure de mettre en contact David et Blin. En juillet 1787, d’Angiviller intima l’ordre à David et à Joseph Benoît Suvée de cesser de recevoir chez eux de jeunes élèves féminines. René Le Roulx de La Ville, le père de deux d’entre elles, dont Marie Guillemine (ou Guilhelmine), plus tard épouse Benoist, lui répondit que David les avait admises, dans un lieu sans communication avec l’atelier des jeunes gens, par amitié. Dans les bureaux des Fermes générales, Le Roulx de La Ville était chargé de la correspondance des achats de tabac, dont la culture était presque entièrement réservée à la Compagnie des Indes occidentales – un commerce qui, en 1793, suscita des accusations d’abus contre Lavoisier et les autres fermiers généraux. Joseph, le frère de René, s’établit à Lorient dans les années 1770 pour y exercer le commerce maritime, puis travailla au sein de la Compagnie des Indes orientales. Il fut choisi comme délégué des négociants de Lorient pour remettre le cahier de doléances de la sénéchaussée et participer avec deux autres députés aux États généraux de Versailles. Sous le nom de Delaville-Leroux, il fut l’un des députés de Bretagne, avec Cottin et Blin, qui formèrent le Club breton, hostile à tout compromis avec les ordres privilégiés. Ce regroupement informel mais bien organisé de députés du Tiers très liés entre eux se réunit à partir de fin avril 1789 dans une salle de café à Versailles. Leur radicalité les fit remarquer dès l’ouverture des États généraux ; un autre député du Tiers les traita de « têtes chaudes, sans mesure et sans modération ». Mais la quasi-totalité des représentants du Tiers finirent par les rejoindre au cours des mois de mai et de juin, poussés par les encouragements de la population qu’exaspérait l’intransigeance de la noblesse51.
7Pendant ce temps, à Nantes, les édiles ne voyaient pas d’un bon œil que les débats suscités par les États généraux marginalisent leur première préoccupation : la question du commerce colonial, et en particulier la situation à Saint-Domingue. Dès la rédaction du cahier de doléances en avril 1789 qu’ils ont porté aux États généraux, les Nantais réclamaient un assouplissement du pacte colonial qui interdisait de commercer avec les étrangers, ainsi qu’une série de mesures de soutien, dont cet article : « Les navires négriers seront protégés pendant le temps de leur traite à la côte d’Afrique52. »
8L’élection de Christophe Clair Danyel de Kervegan au fauteuil de maire en août 1789 marqua l’aboutissement de la révolution municipale nantaise. Issu d’une lignée d’armateurs locaux tirant profit du commerce triangulaire, il s’occupait des affaires familiales et, depuis 1763, contribuait au bien public en tant qu’administrateur-trésorier des hôpitaux. Sa réputation de probité et son expérience de juge consulaire et d’échevin lui permirent d’établir l’entente entre le comité provisoire d’administration de la ville et l’ancien bureau, qui fut la clé de son élection. Kervegan fut reconduit en janvier 1790, lors d’une nouvelle élection organisée conformément au décret de l’Assemblée nationale du 14 décembre qui fixait les règles pour la constitution des municipalités ; mais, lorsqu’il fut sollicité pour un troisième mandat en novembre 1791, il se récusa. Clairement, les Nantais l’estimaient et appréciaient sa manière de gouverner leur ville.
9Kervegan eut à organiser l’approvisionnement de la ville en grains et à assurer la poursuite des travaux de la place royale. Il dut aussi contenir le mécontentement de tous ceux qui avaient perdu des positions et des privilèges particuliers. Son travail fut reconnu et incita ses collègues à adopter la motion suivante le 5 octobre 1789, quelques semaines seulement après sa première élection :
« Considérant l’application continuelle de M. de Kervegan, maire en exercice, à saisir toutes les occasions qui se présentent de témoigner son zèle pour le bien et la tranquillité publics, et à soutenir les droits de la commune et de la municipalité,
Le conseil, dépositaire des sentiments des citoyens, arrête d’une voix unanime, que, pour donner une preuve publique de la satisfaction qu’il a de l’administration de M. de Kervegan, maire par élection, il lui sera payé, par le sieur receveur-miseur de la ville, sur les deniers d’octrois et patrimoniaux d’icelle, sans aucune retenue de taxes royales, la somme de 300 livres […] et ce pour frayer à la dépense de son portrait, lequel sera placé, le plus tôt qu’il sera possible, dans la grande salle de l’Hôtel-de-Ville, avec ceux des autres maires par élection qui, comme lui, ont mérité de vivre dans la mémoire de leurs concitoyens […]53. »
10Les édiles nantais pensaient sûrement que Kervegan s’adresserait à un peintre local, vu la modicité de la somme qu’ils allouèrent pour la réalisation de son portrait. Le 13 octobre suivant, ils votèrent 150 livres pour lui faire présent d’une épée d’honneur gravée de ses armes et de celles de la ville54.
11Durant l’automne 1789, la pression des abolitionnistes sur l’Assemblée nationale finit par alarmer sérieusement tous ceux qui, dans les ports du royaume, vivaient du commerce triangulaire. Comme une vingtaine d’autres villes, les Nantais avaient envoyé à Paris deux « députés extraordinaires des manufactures et du commerce » – des lobbyistes, dirait-on aujourd’hui – pour défendre leurs intérêts. Le 16 novembre, l’un d’eux décrivit le danger : « Le commerce est menacé du plus rude ; en un mot il est question de sa destruction complète55. »
12Comme le souligne Aimé Césaire, face à la menace, les colons changèrent de stratégie et s’allièrent avec les négociants, faisant front non plus contre le colonialisme politique et économique qui contraignait leur domination et leur commerce, mais contre la démocratie, contre l’esprit universaliste et humanitaire de la Révolution56. Lors du débat à l’Assemblée le 1er décembre 1789, sur la proposition de confier les affaires coloniales à un comité en son sein, Blin, en « franc-tireur » selon Césaire, intervint contre l’implication des représentants de la nation dans des domaines qui lui paraissaient du ressort des « habitants de nos colonies ». Il observait que les débats n’abordaient pas l’essentiel : la question d’une « théorie coloniale », la relation de la métropole avec ses colonies. Sans jamais évoquer les droits des Noirs libres, la traite ou l’esclavage, cette Opinion de M. Blin, député de Nantes soutenait une conception coloniale fédéraliste, accordant aux colonies un degré d’autonomie57. Elle fut perçue comme un appel à leur abandon et suscita de nombreuses répliques, dont celle de Kervegan, au nom des officiers municipaux de Nantes, le 15 décembre. Il ne pouvait pas imaginer, après la décision de renvoyer à des assemblées coloniales le soin de se doter d’un régime constitutionnel, « que nos terreurs sur l’abolition de la traite des noirs pussent être renouvelées ! Nous ne pouvions croire qu’il y eût encore des Français assez ennemis de leur patrie pour persister à vouloir étendre sur nos colonies les droits des hommes ». Kervegan exhorta Blin à faire taire les abolitionnistes : « Nous connaissons votre patriotisme, votre zèle pour le bien public ; ne serait-il pas essentiel que l’Assemblée nationale défendît de pareils écrits ? Doit-on prêcher la perte de sa nation58 ? »
13Le sujet enflamma le débat politique au cours de l’hiver 1789-1790. Le parti des colons, structuré en club ou comité de Massiac, du nom de l’hôtel où se tenaient leurs réunions, avait pris le dessus. Condorcet fit paraître une lettre dans le Journal de Paris du 14 décembre, au nom de la Société des Amis des Noirs, rappelant ses positions modérées. Deux semaines plus tard, le Nantais Jean-Baptiste Mosneron publia dans le même journal une longue réponse où il reprochait à la Société non seulement de conduire à l’effondrement du commerce colonial, mais encore d’inciter à des révoltes sanglantes. Comme le résume l’historien Pierre Dockès : « À l’arrière-plan du débat parisien, il y a la montée d’une guerre civile (Blancs-mulâtres) et bientôt servile (libres-esclaves)59. » Pour les Nantais, tout lien avec la Société des Amis des Noirs devint un anathème. Ainsi Cottin, leur meneur à l’époque des États généraux, alors député à l’Assemblée, jugea-t-il prudent, le 28 février 1790, de faire insérer dans le Journal de la Correspondance, édité à Nantes, une réclamation contre son inscription sur une liste des membres de la Société60. Blin, qui avait combattu le modérantisme de certains de ses collègues, prépara une longue intervention en vue de la reprise du débat sur les colonies le 2 mars 1790, dans laquelle il développait les idées qu’il avait déjà exprimées et s’alignait sur la position de ses amis nantais tenant compte des seuls intérêts du commerce61.
14La situation à laquelle David fut confronté en mars 1790 en arrivant à Nantes fut donc paradoxale. Il laissait derrière lui un entourage parisien réceptif aux arguments de la Société des Amis des Noirs qui voulaient étendre l’empire des droits et de la liberté à toute l’humanité, tandis que les édiles nantais – dont Blin, qui l’avait sans doute encouragé à entreprendre le voyage, et ceux qui l’accueillaient sur place, tous se revendiquant à juste titre comme les hérauts de la régénération de la nation – s’efforçaient d’en exclure aussi bien les Noirs libres que les esclaves, et de maintenir le statu quo dans les colonies.
15La motion visant à financer le portrait de Kervegan approuvée en octobre 1789 par la ville de Nantes donna des idées à certains de ses administrés. Le 29 décembre, lors de l’assemblée du comité de la ville, la proposition prit une tournure d’une tout autre ambition :
« Un citoyen, adressant la parole à M. de Maisonneuve, sous-maire, a dit : Les obligations que M. de Kervegan ne cesse de contracter et de remplir avec ses concitoyens, par l’exercice d’un dévouement absolu et des qualités les plus recommandables, prescrivent à la reconnaissance publique, que nous partageons et que nous devons manifester, un hommage fait pour conserver à la postérité les traits de ce citoyen courageux et infatigable.
Je vous prie donc, Messieurs, de délibérer sur le projet qu’un honorable membre de votre comité, après avoir consulté l’opinion publique, m’a chargé de présenter à votre sanction. Ce projet qui intéresse et nos devoirs et nos sentiments, était sans doute le seul dont nous puissions interdire la discussion à celui qui en était le respectable objet ; mais tous les motifs que sa modestie opposerait à notre glorieuse satisfaction doivent céder à la nécessité de consacrer un imposant exemple des récompenses qu’il faut accorder aux talents et aux vertus, la véritable source du bonheur public et de toute prospérité.
Projet proposé à la reconnaissance des citoyens de cette ville, pour faire peindre le tableau de la Mairie de M. de Kervegan, par M. David, peintre du roi, le Rubens de notre siècle.
Cet artiste célèbre, curieux de voir une ville qui s’est acquis tant de gloire dans la révolution actuelle, s’empressera de venir faire le portrait de l’administrateur bienfaisant qui nous offre le modèle de vrais talents et de toutes les vertus.
Chaque citoyen contribuera, pour quelque modique somme que ce soit : c’est l’hommage du sentiment qui fait la valeur du tribut.
Sur quoi l’assemblée délibérant, après avoir manifesté, par des applaudissements réitérés, sa satisfaction et sa sensibilité sur cette adresse et sur le projet qu’elle contient, déclare de reconnaître dans le vœu qu’on vient d’énoncer, l’expression de ses sentiments et les moyens d’en manifester aussitôt le témoignage ;
Arrête, en conséquence, que l’on invitera M. David, peintre du roi, à venir à Nantes consacrer les traits du courageux administrateur dont le noble caractère offrira aux plus grands talents le modèle des plus grandes vertus ;
Arrête également que, pour ménager à tous les citoyens la satisfaction de concourir à cet hommage public, chacun pourra remettre telle modique somme que ce soit. Mais l’assemblée, voulant assurer la plus prompte exécution d’un projet si désiré, arrête enfin qu’elle contribuera des fonds de la commune pour achever la somme à laquelle pourra s’élever cette dépense, et que copie de la présente délibération sera adressée à M. David ; et a nommé commissaires, pour veiller à l’exécution du projet, MM. Drouin de Parçay, Cantin, Genevois et Lefèvre de la Chauvière62. »
16Le « citoyen » qui présenta le projet avait certainement pris contact au préalable avec David et avait des assurances quant à son intérêt pour une telle commande et à sa disponibilité pour se rendre à Nantes – un déplacement de trois ou quatre journées – et y demeurer quelque temps. Claude Cosneau, dans son étude de 1983, avance le nom de Mathurin Crucy, l’architecte-voyer de la ville, qui était à ce moment en relation avec David (voir plus loin). Elle cite aussi une lettre de Blin adressée la veille du départ de David, le 14 mars 1790, à un proche, peut-être le négociant Pierre Frédéric Dobrée, l’un des membres du corps municipal, ce qui confirmerait que le député s’était également appliqué à convaincre le peintre d’accepter la proposition des Nantais : « Vous me rendez un service dont je serai éternellement reconnaissant, mon cher ami, en veuillant bien accueillir M. David, peintre du Roi, homme d’un talent rare, bon citoyen & digne à tous égards des sentiments que l’on accorde à un homme de premier mérite. Vous n’ignorez point l’objet de son voyage à Nantes. Soyez un de ceux qui contribueront à lui en rendre le séjour agréable63. » Il ajoute : « Je vous envoie par lui quelques exemplaires du discours que j’avais préparé pour défendre la cause du commerce. » Il s’agissait de l’Opinion que Blin voulait prononcer devant l’Assemblée le 2 mars et que David eut forcément à cœur de lire.
17Quant à la désignation du peintre comme « le Rubens de notre siècle », alors qu’aux dires de Mazzei il exprimait plutôt une admiration pour Poussin, elle peut s’expliquer par le souci de se faire comprendre de l’auditoire municipal. La résonance du nom de Rubens pouvait s’appuyer sur la diffusion des estampes d’après ses compositions religieuses et sur le culte dont il jouissait à Anvers, port avec lequel les Nantais avaient des échanges commerciaux, tandis que la renommée de Poussin reposait à l’époque sur un goût plus savant promu dans les milieux académiques.
Notes de fin
48 Mosneron aîné [Jean-Baptiste Mosneron Dupin, dit Mosneron de L’Aunay], Réformes dans l’ordre social et particulièrement dans le commerce, s.l. [Nantes], 1788, cité par Olivier Pétré-Grenouilleau, Nantes au temps de la traite des Noirs, Paris, Hachette Littératures, 1998, p. 147.
49 Bordes, 1983 (note 2), p. 138.
50 Ibid., p. 140. David se réfère à Poussin comme le « peintre philosophe » dans son second rapport du 16 janvier 1794 appelant à la suppression de la commission du Muséum ; Wildenstein, 1973 (note 11), p. 83, no 783.
51 Journal d’Adrien Duquesnoy, député du tiers état de Bar-le-Duc, sur l’Assemblée constituante, 3 mai 1789-3 avril 1790, éd. par Robert de Crèvecœur, 2 vol., t. 1, Paris, Alphonse Picard et fils, 1894, p. 2 (entrée du 3 mai 1789). Sur le Club breton, voir Alphonse Aulard, La Société des Jacobins : recueil de documents pour l’histoire du Club des Jacobins de Paris, 6 vol., t. 1, Paris, Jouaust/Noblet/Quantin, 1889, p. ii-xvii.
52 Pétré-Grenouilleau, 1998 (note 48), p. 151. Selon les versions du cahier de doléances de la sénéchaussée de Nantes et de Guérande, il s’agit de l’article 81 (16 avril 1789) ou 84 (27 avril).
53 Mellinet, 1836 (note 2), p. 422. Le 7 octobre, selon Cosneau, 1983 (note 2), p. 256, 263 n. 19.
54 Jean-Charles Renoul, Danyel de Kervegan, Nantes, Veuve Mellinet, 1863, p. 22 ; le texte parut auparavant dans les Annales de la Société académique de Nantes et du département de la Loire-Inférieure, 33, 1862, p. 451-550. La date du 14 octobre est donnée par François-Joseph Verger, Archives curieuses de la ville de Nantes et des départements de l’Ouest, 5 vol., t. 4, Nantes, Forest, 1840, col. 207. Le même (t. 5, col. 207) note que le 30 novembre 1791, c’est-à-dire au moment où Kervegan quitte ses fonctions, « la mairie donne une épée au maire pour laquelle on paie cent trente-six livres dix sols à un orfèvre ».
55 Joseph Letaconnoux, « Le comité des députés extraordinaires des manufactures et du commerce de France et l’œuvre économique de l’Assemblée constituante (1789-1791) », Annales révolutionnaires, 6, no 2, mars-avril 1913, p. 186. Les députés de Nantes étaient Jean-Baptiste Mosneron et son jeune frère Alexis Antoine (p. 157).
56 Aimé Césaire, Toussaint Louverture. La Révolution française et le problème colonial [1981], Paris, Présence africaine, 2009, p. 57.
57 Opinion de M. Blin, député de Nantes, sur la proposition faite par un de MM. les Députés des Colonies réunies, d’établir un Comité Colonial, 1er décembre 1789, Paris, Baudouin, 1789. Césaire, 2009 (note 56), p. 59-61.
58 La Copie de lettre adressée à M. Blin […], en date du 15 décembre 1789, par les « Officiers Municipaux & Membres du Comité », signée De K. Végan [sic : Kervegan], se trouve à la suite du Mémoire pour les négocians [sic] de Rheims sur le projet d’abandon des colonies, Reims, 1789, p. 12-16. Un exemplaire se trouve à Paris, Bibliothèque nationale de France, dans les recueils de la Bibliothèque de Moreau de Saint-Méry.
59 Pierre Dockès, « Condorcet et l’esclavage des nègres, ou esquisse d’une économie politique de l’esclavage à la veille de la Révolution française », dans Idées économiques sous la Révolution 1789-1794, éd. par Pierre Servet, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1989, p. 69.
60 Verger, 1840 (note 54), t. 4, col. 252.
61 Opinion de M. Blin, député de Nantes, sur les réclamations adressées à l’Assemblée nationale, par les députés extraordinaires du commerce et des manufactures de France, relativement aux colonies, parue en brochure (non consultée), transcrite dans les Archives parlementaires de 1787 à 1860. Première série (1787-1799), t. 12, Paris, Dupont, 1881, p. 7-13.
62 Mellinet, 1836 (note 2), p. 425-427.
63 Cosneau, 1983 (note 2), p. 257, 263 n. 24 (Archives de Nantes, Fonds Dobrée 2A 65B). Quelques corrections sont apportées à sa transcription de ce passage. La suite est inédite. Blin termine par l’envoi de ses hommages à « Mesdames Schweighauser & Roques » ; la première était de la famille de l’épouse de P. F. Dobrée, née Rose Schweighauser, morte en 1781.
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