Chapitre II. Entreprises de représentation : justification, censures et registres
p. 55-81
Texte intégral
1Quels groupes sont défendus ou critiqués par les élus sur les enjeux liés à l’impôt sur la fortune et comment les députés justifient-ils leurs prises de position ? Ces questions constituent le fil rouge empirique de ce chapitre et soulèvent d’autres enjeux analytiques et théoriques relatifs aux manières qu’ont les élus de prendre position au nom de groupes sociaux spécifiques. Officiellement, les parlementaires sont des représentants de la « Nation tout entière » en France ou du « Peuple » en Allemagne. Selon les règles établies par l’institution parlementaire, ils défendent l’intérêt général, principe qu’ils restituent en de nombreux lieux et à de nombreuses occasions, y compris en entretien, lorsqu’ils déclarent représenter tous leurs compatriotes et n’agir que dans l’intérêt supérieur de leur pays. Tous les partis se réfèrent à cette idée. « Nous, députés, sommes ici pour défendre l’intérêt général1 », déclare Gilles Carrez (UMP, haut fonctionnaire, rapporteur général de la commission des finances). Jean-Pierre Brard (GDR2, instituteur, secrétaire de la commission des finances) rappelle que « l’intérêt général est la boussole de nos comportements3 », pendant que Jérôme Cahuzac (PS, chirurgien) souligne que l’intérêt général s’impose « au-delà des clivages partisans4 ». Cet impératif de l’intérêt général peut également être utilisé comme une arme, comme lorsqu’en Allemagne Gregor Gysi (Die Linke, avocat du travail, président du groupe au Bundestag) attaque ses opposants en affirmant : « Je pense que votre politique ne consiste qu’à défendre certaines strates sociales5 », remettant ainsi en cause l’application de ce principe chez ses adversaires, pour mieux les discréditer.
2Si l’intérêt général est par définition désincarné socialement puisque supposé transcender les appartenances sociales, le sens qu’en donnent les élus est pourtant directement lié à des groupes sociaux particuliers, comme le montre la déclaration d’Hervé Mariton (UMP, ingénieur du Corps des mines) durant la réforme du patrimoine de 2011 :
« Il faut un certain courage et une certaine ambition pour présenter une réforme de l’ISF et de tout un pan de la fiscalité du patrimoine. […] La méthode prudente [du gouvernement] me paraît plus judicieuse quand on voit la difficulté d’ajuster les choses avec tout le respect dû à l’ensemble des citoyens, même pris petit groupe par petit groupe – car, si l’impôt n’est certes pas fait pour un petit groupe, aucun citoyen ne doit être traité par le mépris lorsqu’il s’agit de réformer6. »
En creux, cette déclaration illustre le fait que, même sous couvert d’universalité, l’intérêt général, tel que le conçoivent de nombreux élus, n’est pas déductible de la multitude de groupes qui composent le corps social. L’impôt sur la fortune génère en effet, du fait même de son objet, des incitations à la défense de groupes sociaux difficiles à représenter publiquement mais dont certains élus entendent malgré tout protéger les intérêts ; on pensera en particulier aux catégories supérieures. Face aux difficultés que rencontrent les élus pour agir au nom des groupes dominants, ils adaptent leurs pratiques de représentation afin de limiter les mécanismes d’autocensure auxquels ils sont souvent obligés de se soumettre, sous peine d’être accusés d’agir pour des groupes « privilégiés ». Afin de faire tenir cette tension entre l’universel et le particulier, la représentation des intérêts sociaux est généralement mobilisée par le biais d’un travail de justification. Luc Boltanski et Laurent Thévenot soulignent que « la référence à des intérêts […] peut être ramenée à l’activité ordinaire des acteurs quand ils cherchent à dévaluer une forme de justification pour en faire valoir une autre7 ». Toute entorse au principe de défense de l’intérêt général doit en effet être justifiée, expliquée, présentée sous un angle acceptable car le travail de représentation de groupes particuliers brise l’impératif de représentation interclassiste. C’est l’étude de ce travail de justification qui permet de comprendre quels sont les groupes défendus dans les deux pays et sous quelles formes ils sont évoqués.
3Contrairement au sens commun qui placerait « riches » et « pauvres » au cœur des débats liés à l’ISF, ce sont les entreprises qui en ressortent comme le groupe défendu principalement. Nous formulons l’hypothèse que cet infléchissement est rendu possible par la mobilisation par les élus de différents registres de représentation leur permettant de défendre les groupes dominants de façon plus subtile. En ayant recours à ces différents registres, ils contournent les effets de censure et de justification qu’implique le travail de représentation à destination de groupes situés au sommet de la hiérarchie sociale. Si ce chapitre doit permettre au lecteur d’avoir un aperçu clair des groupes cités dans le cadre des débats liés à l’ISF, il peut également être lu sous un autre angle, puisque, en filigrane, la question sociologique mais également politique qui est étudiée ici peut être résumée ainsi : « Comment sont représentés les faibles et les puissants ? » Comme l’explique une administratrice de l’Assemblée nationale rencontrée en entretien :
« L’ISF, c’est en fait la question : “Qu’est-ce qu’on fait des très riches ?” Ce n’est pas forcément : “Comment est-ce qu’on taxe le patrimoine ?”, même si évidemment c’est important, mais c’est plutôt : “Qu’est-ce qu’on fait des très très riches ?” Et les positions un peu idéologiques qui étaient celles de l’ISF vont se retrouver sur d’autres types d’impôts, en fait, toujours parce qu’elles sont sous-tendues par : “Qu’est-ce qu’on fait des très très riches dans une société ? en France ?”, où on affiche un impôt redistributif, alors que dans la réalité, on s’en rend compte, c’est que ce n’est pas tout à fait le cas, ce n’est pas autant le cas qu’on le défend publiquement. »
4L’analyse est intéressante car elle soulève en creux la question centrale de la représentation des groupes dominants. Dans les deux pays, leur représentation est délicate et l’on pourrait penser que les députés évitent de trop publiciser la défense de ces groupes. La question de la représentation des « riches » étant politiquement risquée, les débats autour de l’ISF vont se centrer sur d’autres groupes sociaux, en particulier celui des chefs d’entreprise.
La représentation des groupes sociaux ou l’« entrepreunarisation » du monde et des enjeux fiscaux
5L’ISF est un impôt sur le patrimoine des particuliers, au même titre que l’impôt sur le revenu ou les droits de succession. Précisons que la fiscalité des entreprises regroupe principalement l’impôt sur les sociétés mais touche aussi la distribution des dividendes, la rémunération des comptes courants d’associés, les plus-values professionnelles, les sociétés de moyens, la taxe sur les surfaces commerciales et la taxe sur la valeur vénale des immeubles. L’impôt sur les fortunes ne concerne pas le patrimoine des entreprises et n’entre donc pas dans cette catégorie. Mais les entreprises sont tellement centrales lors des débats sur ce sujet que la frontière entre ces deux types d’imposition semble s’effacer à la lecture des archives parlementaires. Plus que tout autre groupe, en particulier depuis l’effondrement du parti communiste et de sa volonté d’objectivation et de mobilisation de la classe ouvrière8, les chefs d’entreprise et leurs sociétés profitent du travail des élus dans leurs mécanismes d’institutionnalisation et de représentation au Parlement. Beaucoup d’autres groupes sont pourtant cités durant les débats dans les deux pays. Mais là où les « pauvres », les catégories populaires, les classes moyennes et d’autres groupements d’individus restent des groupes ou des catégories aux contours flous, les députés opèrent un réel travail d’objectivation et de définition des entreprises et de leurs dirigeants, de façon discursive et législative. La très forte mobilisation des groupes d’intérêt entrepreneurial, l’oreille attentive qu’y prêtent les élus, le fait que certains d’entre eux, surtout en Allemagne, aient fait carrière au sein du champ économique, les interactions fréquentes entre élus et entreprises en circonscription ou à Paris, les réseaux et soutiens dont ils bénéficient réciproquement, tout cela renforce les liens entre agents politiques et membres du champ économique. En cela les parlementaires appartiennent aux « mondes » de l’entreprise, selon la terminologie beckerienne mobilisée à l’origine pour désigner les mondes de l’art :
« Un monde de l’art se compose de toutes les personnes dont les activités sont nécessaires à la production des œuvres bien particulières que ce monde-là (et d’autres éventuellement) définit comme de l’art. […] Les mêmes personnes coopèrent souvent de manière régulière, voire routinière, de sorte qu’un monde de l’art se présente comme un réseau de chaînes de coopération qui relient les participants selon un ordre établi9. »
Cette approche semble pertinente pour comprendre les liens qui unissent les chefs d’entreprise et les députés. Ces derniers formulent régulièrement l’idée qu’ils jouent un rôle important dans la création d’un cadre fiscal propice au développement économique des entreprises. Certains élus participent au renforcement d’une perception du monde social par le prisme des mondes de l’entreprise, ce que nous nommerons ici « l’entrepreunarisation du monde politique », phénomène observable dans les deux pays. Ce mécanisme, justifié aux yeux des élus par le fait que les intérêts des entreprises rejaillissent sur les autres groupes sociaux constituant les sociétés françaises et allemandes, s’opère au détriment d’autres groupes, moins cités dans le cadre des débats, et conduit à des luttes pour la représentation des entreprises.
L’inégal accès à la parole politique des groupes sociaux
6Selon le sens commun, l’ISF est un impôt qui implique une opposition binaire entre « riches » et « pauvres ». Les débats montrent pourtant que ces groupes passent souvent au second plan face aux intérêts d’autres groupes, comme les entreprises ou les propriétaires, qui viennent enrichir et complexifier l’analyse du clivage entre « riches » et « pauvres ». De la même manière, les catégories populaires sont appréhendées par le prisme de nombreux groupes : chômeurs, salariés précaires, ouvriers, « pauvres », etc. Ces groupes sont souvent mobilisés pour justifier l’existence même de cet impôt, y compris dans les exposés des motifs d’amendements déposés par les députés français. Ainsi, ce sont plus d’une quinzaine de groupes et de catégories qui sont cités, de façon très diverse et avec une fréquence inégale dans le cadre des débats étudiés.
7Dans le cas français, les deux législatures étudiées font apparaître des tendances différentes, l’alternance politique ayant une influence sur la fréquence des groupes cités. Prenons d’abord le cas de la XIIIe législature de l’Assemblée nationale. Dans les graphiques ci-dessous apparaissent la répartition du nombre d’actions (prise de parole, amendement, question écrite, orale, etc.) en faveur et contre des groupes ou catégories évoqués lors des débats sur l’ISF, ainsi que la représentation de chaque groupe par parti (figures 1 et 2).
Figure 1 – Nombre et répartition des actions de représentation, tous partis confondus (AN, XIIIe législature, n = 2 094)

Figure 2 – Nombre et répartition des actions de représentation, par parti (AN, XIIIe législature, n = 2 094)

8Les graphiques montrent plusieurs tendances lourdes, durant cette législature marquée par des conflits extrêmement clivés entre la majorité de droite et l’opposition sur différents sujets liés à la fiscalité du patrimoine (bouclier fiscal en 2007 puis réforme du patrimoine en 2011). D’abord, les groupes sociaux dominants économiquement (entreprises, redevables à l’ISF, propriétaires, « riches » et catégories supérieures) font l’objet d’un véritable phénomène de représentation, principalement à droite, comme on pouvait le supposer (figure 2). Ces groupes comptent pour 53,5 % des actions de représentation de l’ensemble des élus durant la XIIIe législature. À l’inverse, les groupes dominés (catégories populaires, « pauvres », revenus modestes, chômeurs et ouvriers) ne comptent que pour 21,4 % des entreprises de représentation (figure 1), alors qu’ils servaient de principe de justification plus systématique de cet impôt durant les années 1970 et 1980.
9Assez logiquement, les groupes les plus critiqués appartiennent aux catégories supérieures puisque les trois premières catégories (redevables ISF, « riches » et catégories supérieures) regroupent 84 % des prises de position critiques (94 % si l’on ajoute les propriétaires, les entreprises et les « héritiers ») (figure 1). Tout laisse également à penser qu’il est particulièrement difficile de prendre position contre des groupes dominés sur les questions liées à l’ISF, ce qui sera analysé ultérieurement. Reste que « parler au nom de » et « parler contre » n’implique pas les mêmes investissements de la part des élus, ni les mêmes pratiques, ce sur quoi nous reviendrons. Surtout, la XIVe législature semble renforcer les tendances précédemment soulignées en dépit de l’alternance politique (figures 3 et 4), et témoigne d’un affaiblissement de l’ISF, annonciateur de sa future suppression en France.
Figure 3 – Nombre et répartition des actions de représentation, tous partis confondus (AN, XIVe législature, n = 542)

Figure 4 – Nombre et répartition des actions de représentation, par parti (AN, XIVe législature, n = 542)

10Sous le mandat de François Hollande, à partir de 2012, le nombre d’actions en faveur des groupes dominants (entreprises, redevables à l’ISF, propriétaires, « riches » et catégories supérieures) augmente en passant de 53,5 % du total des actions à 65 % (figure 3). Autrement dit, ces catégories dominantes sont encore plus défendues (proportionnellement, non pas en volume brut) durant une majorité de gauche, ce qui s’explique à la fois par une forte mobilisation de la droite en faveur des entreprises et des redevables à l’ISF et par une moindre mobilisation des partis de gauche en faveur d’autres groupes, dominés en particulier. On constate également que les groupes occupant le bas de la hiérarchie sociale sont très peu cités dans le cadre de débats liés à un sujet pensé originellement pour permettre un mécanisme de solidarité des plus fortunés en direction de groupes dominés économiquement (figure 3). Seules 13 % des prises de position sont faites en faveur de ces groupes (catégories populaires, « pauvres », revenus modestes, chômeurs et ouvriers – ces derniers ne sont cités qu’une seule fois sur l’ensemble de la législature) à partir de 2012, contre 22 % lors de la XIIIe législature. Paradoxalement, les groupes dominés sont davantage invisibilisés sous la XIVe législature, durant une majorité de gauche. Dans le même temps, les prises de position contre les groupes dominants (redevables à l’ISF, catégories supérieures et « riches ») diminuent également de 84 % à 65 % (de 94 % à 78 % si l’on inclut les entreprises, les propriétaires et les « héritiers »). Cette évolution – moins d’actions de représentation des groupes dominés, moins de critiques à l’égard des groupes dominants – peut être analysée de différentes manières.
11L’analyse des groupes évoqués montre que les parlementaires, principalement de gauche en France, prennent position et agissent pour (stand for et act for10), mais aussi et surtout qu’ils s’opposent et agissent contre d’autres groupes sociaux (stand against et act against si l’on détourne le modèle de Hanna F. Pitkin) (figure 5). Rudy B. Andeweg et Jacques J. A. Thomassen distinguent quatre modes de représentation idéal-typiques en lien avec les mécanismes de contrôle entre représentant et représenté : l’autorisation, la délégation, la responsabilité et la réactivité11. Ces modes de représentation sont déterminés au croisement de deux facteurs : si le contrôle des élus s’opère par le haut (le parti) ou le bas (les électeurs) et s’il s’opère ex ante ou ex post. L’approche est intéressante car elle insiste sur la relation entre le mandant et le mandataire et sur la capacité du second à adapter ses pratiques de représentation en fonction des électeurs. Sa principale limite réside dans l’approche rationnelle qui implique l’idée que l’élu possède une vision claire des attentes de son électorat (terme par ailleurs trop vaste ayant tendance à homogénéiser les attentes sociales des groupes sociaux), voire de l’agenda politique, élément d’autant plus critiquable que les parlementaires français et allemands avancent généralement dans l’inconnue quant aux intentions gouvernementales en matière de politiques publiques fiscales. On peut donc observer deux modes de représentation totalement opposés, entre une droite qui s’engage et agit au nom des groupes qu’elle entend défendre et une gauche qui, à l’inverse, attaque les groupes aux intérêts divergents de sa clientèle politique.
Figure 5 – Répartition des actions de représentation, par parti (AN, XIII-XIVe législatures, n = 2 636)

12Ainsi, le nombre total d’actions, tous groupes confondus, catégorisé comme « en faveur » est extrêmement proche du nombre total d’actions critiques : 1 051 dans le premier cas, 1 043 dans le second, durant la XIIIe législature (figure 5). Au sein des partis de gauche, durant cette même législature, la défense des groupes sociaux s’opère moins en prenant directement leur défense et plus en s’opposant à d’autres groupes ou catégories. On peut alors parler de représentation inversée. Une fois revenu dans la majorité, on constate que le mode de représentation s’équilibre dans le cas du PS, ce qui semble indiquer qu’un facteur de position influence les prises de position des élus.
13Qu’en est-il en Allemagne ? La situation y est clairement différente en comparaison du cas français, ou s’y rapproche, selon les points.
14On constate que, comme en France, les entreprises constituent le groupe le plus souvent défendu, sous la XVIIe législature, principalement à droite12. Cependant, le silence du SPD sur ce sujet témoigne d’un rapport ambigu à cet enjeu (figure 6). Ce dernier est selon nous influencé par un soutien aux entreprises que la défense officielle de l’ISF ne peut rendre trop ostentatoire dans le cadre de ces débats. Élevées comme une forme de totem politique et économique par tous les élus, les entreprises sont donc évoquées par les droites (CDU/CSU et FDP) pour justifier le rejet de l’ISF, argument auquel les élus SPD semblent d’ailleurs sensibles, comme le montre la déclaration en entretien de Manfred Zöllmer (SPD, directeur d’école), qui soutient pourtant publiquement l’instauration de l’impôt sur la fortune :
« Je considère un ISF pour plusieurs raisons comme sensé, le problème c’est que, vu les décisions du tribunal fédéral, l’égalité de traitement entre imposition des entreprises et imposition individuelle entraînerait, si l’on appliquait ce que l’on défend, des dommages collatéraux dans le secteur des entreprises et on ne peut pas se permettre cela, je pense. »
15Clairement, la défense des entreprises, affirmée par tous les députés en entretien, joue contre l’introduction d’un ISF. On constate également que, comme en France, les catégories supérieures font l’objet d’une réelle défense de la part des élus, principalement de droite. Sur les sept premiers groupes les plus défendus, cinq appartiennent aux groupes dominants de la hiérarchie sociale.
Figure 6 – Répartition des actions de représentation positives, par parti (DB, XVIIe législature, n = 240)

16En matière de critiques, les « riches » constituent le groupe le plus attaqué par les députés de partis de gauche, principalement par Die Linke et Die Grünen, qui cherchent à cliver le débat afin de renforcer la dimension symbolique de leur proposition de réintroduction de l’ISF (figure 7). On remarque également que le SPD s’engage très peu dans des entreprises de représentation durant ces débats (seulement seize références « positives » à des groupes et douze « négatives ») en six années (figures 6 et 7). Le parti – qui rappelons-le soutient officiellement la réintroduction de l’ISF mais ne propose aucun dispositif alternatif et rejette ceux déposés par les autres partis de gauche – se montre peu offensif à l’égard des groupes dominants, parle peu au nom des groupes dominés et concentre son argumentaire sur des démonstrations d’ordre plus technique, ne faisant que rarement intervenir des groupes durant les débats. L’engagement du SPD est donc très différent de celui du PS qui, dans la même situation d’opposition, se montre beaucoup plus offensif sur ces questions.
Figure 7 – Répartition des actions de représentation négatives, par parti (DB, XVIIe législature, n = 71)

17Ainsi, lorsque les élus Die Linke de la commission des finances évoquent en moyenne 3,1 groupes par prise de parole et les élus Die Grünen 2,6, le SPD n’en cite que 2,1, c’est-à-dire moins que la CDU/CSU (2,6) et à peine plus que le FDP (1,9). C’est aussi de tous les partis présents au Bundestag celui qui prend le moins la parole sur ce sujet. Autrement dit, alors que tous les partis s’opposent, parfois violemment, sur l’ISF, le SPD apparaît comme en retrait, peu investi sur cette question, situation qui s’illustre par les doutes et les réserves formulées par certains élus SPD – qui comptent parmi les principales figures du parti au sein de la commission des finances – que nous avons rencontrés en entretien. Lothar Binding (SPD, assistant de recherche en mathématiques et électronique) déclare ainsi : « [Sur l’ISF] je ne sais pas trop. Je réfléchis actuellement à un deuxième modèle, consistant à abandonner cette idée d’impôt sur la fortune, parce que 60 % de l’ensemble de l’ISF, c’est en fait de l’héritage. Je préfère insister sur les droits de succession. »
18En comparaison du cas français, une autre différence de taille émerge. Les députés allemands de gauche pratiquent bien moins la représentation inversée, le stand ou act against, que leurs homologues français, puisqu’ils cumulent soixante et onze actions d’oppositions à des groupes et soixante-quatre actions de soutien, tandis que les députés de droite ne prennent jamais position contre des groupes ou des catégories (figure 8).
Figure 8 – Répartition des actions, au sein des partis de gauche, contre les groupes/catégories dominants (DB, XVIIe législature, n = 134)

19Comment expliquer une telle différence d’approche entre partis de gauche et partis de droite en matière de représentation inversée ? Selon nous, cela tient d’abord principalement à la non-mobilisation du SPD qui, ne cherchant pas à cliver sur ce sujet, épargne le gouvernement CDU/CSU-FDP sur cet enjeu. Cette non-mobilisation a certainement à voir avec les transformations idéologiques et les effets de contexte politique qui conduisent à une pacification des échanges. De plus, la volonté des deux principaux partis (CDU/CSU et SPD) de se présenter comme des « Volksparteien » (« partis populaires ») est certainement génératrice d’un mécanisme d’euphémisation des critiques à l’égard de groupes sociaux spécifiques. Enfin, comme en France, de nombreux groupes dominés sont totalement absents des débats sur cette question, alors que la justification même de cet impôt par les partis de gauche repose justement sur leur défense.
20Cette situation est liée au fait que les entreprises monopolisent une large part des débats car de nombreux élus, dans les deux pays, sont parvenus à faire de ce groupe un bouclier, ou un moyen de critiquer l’ISF, par le biais d’un travail de justification du lien entre cet impôt et les entreprises.
L’indispensable affirmation du lien entre impôt sur la fortune et entreprises pour légitimer la défense de ce groupe
21Le fait de défendre les entreprises lors des débats sur l’ISF ne va pas de soi, surtout en France. Si les redevables à l’ISF peuvent être des chefs d’entreprise, ce ne sont pas leurs entreprises qui sont imposées, puisqu’en France les biens professionnels sont exclus de l’assiette de l’ISF13 – et que les droits de succession sont en partie exonérés lorsque les héritiers continuent à diriger l’entreprise14. En Allemagne, la proposition des Grünen proposait quant à elle une exonération des biens professionnels à hauteur de 5 millions d’euros. Autrement dit, la fiscalité du patrimoine épargne les entreprises en France et concerne principalement les dirigeants de grandes entreprises en Allemagne. Henry Sterdyniak, chercheur à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), souligne d’ailleurs que l’ISF « incite […] les chefs d’entreprise et leur famille à investir dans leur entreprise et à y rester impliqués15 », rejoignant en cela les observations faites par l’avocat fiscaliste Jean-Yves Mercier16 lors d’une audition face à la commission des finances en 2011, et résumées dans une tribune publiée sur le site Atlantico :
« Il y a un procès que l’on ne saurait faire à l’ISF. On doit même lui reconnaître une éclatante vertu. Dans la configuration qui est la sienne depuis l’origine, cet impôt est un stimulant de l’activité entrepreneuriale. Parce qu’il n’atteint pas le patrimoine professionnel. Et que, du coup, nombre de contribuables trouvent leur salut dans leur implication au sein de leur entreprise, dans le réinvestissement systématique des bénéfices qui en proviennent et dans leur maintien aux commandes aussi longtemps que leurs forces le leur permettent. Le grand mérite de l’ISF est donc étrangement de stimuler un réflexe qui favorise l’essor de nos entreprises17. »
Le lien entre ISF et entreprises n’est donc pas artificiel selon les différents acteurs qui interviennent au Parlement. Mais à l’opposé de l’analyse formulée par Jean-Yves Mercier, ce lien est très fréquemment fait par les élus dans un registre critique : les entrepreneurs seraient « asphyxiés » par l’ISF et « par une politique fiscale qui décourage l’entrepreneuriat ». Cette rhétorique est également employée en Allemagne et sert donc de principal argument pour rejeter son retour. Ce lien fait entre un impôt des particuliers et la fiscalité des entreprises est une manifestation d’un phénomène plus général observable dans les deux pays : l’entrepreunarisation du monde social et politique par de très nombreux élus dans les deux pays, entendu comme la propension à penser le monde social, fiscal, politique en lien avec les intérêts des entreprises, y compris au sein d’espaces sociaux distincts du champ économique. Ce mécanisme repose sur une idée simple, résumée par Rainer Brüderle (ancien président de la fraction FDP du Bundestag, directeur administratif) : « Le moteur de la croissance économique est le Mittelstand [les entreprises de taille moyenne de moins de 500 employés]18 » et les entreprises en général. Pour l’élu, l’impôt sur la fortune compromet ce principe :
« À nouveau le SPD met en avant la vieille proposition de l’impôt sur la fortune. Les sociaux-démocrates veulent attaquer le capital des entreprises. (Joachim Poß [SPD] : N’importe quoi !) Nous avons fait l’inverse. Nous avons allégé l’imposition du capital des entreprises. […] Nous facilitons la succession et le maintien des entreprises familiales, qui sont particulièrement importantes socialement et politiquement dans notre société. Nous faisons une politique concrète pour le Mittelstand [les entreprises de taille moyenne de moins de 500 employés]. »
[DB, XVIIe législature, 16e séance, Berlin, jeudi 21 janvier 2010.]
22Ce lien est également mis en avant en France, par exemple par Véronique Louwagie (UMP, experte-comptable, secrétaire de la commission des finances), qui illustre cette tendance à hiérarchiser les intérêts sociaux au profit des entreprises sur les questions liées à l’ISF :
« Cet amendement propose tout simplement de supprimer l’impôt de solidarité sur la fortune. En effet, cet impôt pénalise le monde économique. Avant même de frapper les particuliers, les foyers, il touche les actions des entreprises – or, n’évoquions-nous pas, à l’instant, les difficultés que ces dernières éprouvent pour se financer ? On cherche à renouer avec la croissance, avec la compétitivité, d’où la nécessité de trouver des financements importants pour renforcer nos entreprises. La suppression de l’ISF serait compensée par la création d’une taxe additionnelle. »
[AN, XIVe législature, commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, réunion du mercredi 7 octobre 2015 à 21 h.]
23La phrase « avant même de frapper les particuliers, les foyers, il touche les actions des entreprises » est particulièrement intéressante. Elle montre que l’élue opère un mécanisme de classement, visant à faire de l’ISF un impôt ciblant d’abord les sociétés ; et un mécanisme d’interprétation, cherchant à réorienter de façon prioritaire l’action publique en faveur de ces dernières. Ce discours est répandu au Parlement et fonctionne comme un filtre interprétatif critique sur les enjeux liés à l’ISF, permettant aux opposants de cet impôt de présenter leurs attaques sous l’angle non pas de la défense des catégories supérieures, plus difficile à tenir, mais plutôt de celle des entreprises dont la bonne santé économique est censée profiter à tous : les entreprises doivent donc être protégées, sous peine de les voir quitter le territoire. D’après Jean-Marie Binetruy (UMP, professeur de lettres), c’est « pour ces raisons [de fiscalité du patrimoine] que nos entreprises, y compris celles qui sont familiales, quittent notre pays pour s’installer en Suisse19 ! » Gilles Carrez (UMP, haut fonctionnaire, rapporteur général de la commission des finances) formule également ce lien de façon explicite lorsqu’il déclare : « Pour moi, c’est peut-être la question la plus importante dans le fonctionnement de l’ISF, il ne faut pas que cet impôt conduise à la vente de nos entreprises20. » C’est également sur la base de ce lien entre ISF et entreprises que les propositions des Grünen et de Die Linke sont critiquées, bien que les deux prévoient des mécanismes d’exonération en matière de biens professionnels. Comme en France, les parlementaires SPD, CDU/CSU et FDP mobilisent la crainte de l’exil fiscal pour condamner l’ISF ou souligner les risques qui pèsent sur l’investissement, comme le formule le député Carsten Sieling (SPD, chef de service administratif) :
« Si un impôt sur la fortune est créé, nous voulons qu’il garantisse les investissements dans les entreprises et qu’il ne conduise pas à l’affaiblissement du capital dans les entreprises. Nous voulons, avec notre politique fiscale, que les bénéfices des entreprises ne soient pas utilisés de façon spéculative mais qu’ils restent dans l’entreprise et soient utilisés pour des investissements raisonnables. C’est cela une politique économique et sociale raisonnable. »
[DB, XVIIe législature, 100e séance, Berlin, vendredi 25 mars 2011.]
24Les prises de position en faveur des entreprises au Parlement se font donc sous l’angle des méfaits économiques supposés de cet impôt. Cette rhétorique est parfois contestée afin de critiquer cette vision d’entreprises asphyxiées par l’ISF, comme le formule Aurélie Filippetti (PS, professeure de lettres), en 2011, alors qu’elle se trouve dans l’opposition :
« Lorsque mes collègues de la majorité s’inquiètent de la santé des entreprises françaises, ils commettent une certaine confusion. Le Parti socialiste, lui, défend les entreprises, mais il ne confond pas leur patrimoine avec celui des chefs d’entreprise ou de leur famille. La question de l’ISF se pose la plupart du temps au moment où l’entrepreneur part à la retraite et cède son entreprise. Donc cet impôt ne pénalise pas du tout l’activité en France. S’il avait fallu le réformer, ç’aurait dû être pour réduire les niches qui permettent à certains d’y échapper. »
[AN, XIIIe législature, commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, réunion du mercredi 11 mai 2011 à 12 h 30.]
25Des tensions quant à la représentation de ce groupe existent donc, même si elles sont rares et principalement formulées en France. Certains parlementaires n’hésitent pas à rappeler et à s’opposer sur les luttes d’intérêt entre groupes sociaux en lien avec les enjeux entrepreneuriaux. À François Fillon qui expliquait en séance publique que « les entrepreneurs et les salariés ne se regardent plus comme des ennemis irréductibles », Jacques Desallangre (PG, journaliste sportif) répondra qu’« ils n’ont cependant pas les mêmes intérêts21 ! »
La défense des entreprises ou les luttes pour la représentation du groupe au Parlement
26Les mondes de l’entreprise sont donc très généralement soutenus lorsqu’ils sont évoqués au Bundestag et à l’Assemblée nationale. Du fait du consensus existant en matière de défense de ce groupe, les partis et leurs membres se livrent à des luttes visant à se présenter comme le porte-parole légitime des mondes de l’entreprise, mécanismes de représentation qui varient fortement en fonction des législatures, en France. Cette situation est encore plus poussée en Allemagne, où le consensus autour de ce groupe constitue le principal motif d’opposition à l’ISF de la part de nombreux élus, y compris à gauche. La représentation du monde économique en France est historiquement associée aux partis de droite. Daniel Gaxie souligne que « la sensibilité aux difficultés des entreprises est plus développée chez les libéraux22 ». Il est indéniable que les élus de droite défendent plus systématiquement l’entreprise que leurs homologues de gauche. Nos précédents graphiques confirment cette tendance (figures 2 et 4). Mais la lecture des débats montre que de nombreux députés de gauche, principalement du PS et des Verts, cherchent également à se présenter comme sensibles aux intérêts de ce groupe, en particulier durant la XIVe législature, en situation de majorité. C’est une caractéristique des débats qui lient ISF et entreprises, et plus généralement des mécanismes de représentation des intérêts de ce groupe : les élus de tous bords s’opposent peu aux mondes de l’entreprise au Parlement (figures 9 et 10).
Figure 9 – Nombre et proportion des actions de représentation envers le groupe « entreprises », tous partis confondus (AN, XIIIe législature, n = 352)

Figure 10 – Nombre et proportion des actions de représentation envers le groupe « entreprises », tous partis confondus (AN, XIVe législature, n = 149)

27La faible proportion d’actions critiques sous la XIIIe et la XIVe législature tend à montrer que les mondes de l’entreprise font l’objet d’un consensus bienveillant à leur égard. De plus, ces actions critiques ne sont pas forcément des discours contre les entreprises en général, mais plus souvent contre certaines formes d’entreprises, telles que les grands groupes du CAC 40 ou des entrepreneurs en particulier, comme l’illustre cette déclaration de François de Rugy (Les Verts, collaborateur d’élu), dans laquelle l’élu fait la différence entre chef d’entreprise et actionnaire :
« Lorsqu’un patron de PME est propriétaire de la majorité ou de la totalité de son entreprise, c’est un bien professionnel. Mais quand un actionnaire détient 25 % d’une entreprise au simple motif qu’il est au conseil d’administration et qu’il y a une vague fonction, souvent fictive, il n’est pas acceptable que cela soit considéré comme un bien professionnel. »
[AN, XIIIe législature, 2e séance du mardi 7 juin 2011 à 15 h.]
Les mondes de l’entreprise sont donc globalement épargnés, preuve de la place centrale et du soutien souvent très affirmés pour ce groupe au Parlement. Plus que des luttes pour ou contre les entreprises, ce sont bien davantage des luttes pour la légitimité à parler en leur nom qui caractérisent les débats sur cet enjeu.
28Globalement, la ligne de tension opposant partis de droite et partis de gauche se résume de la façon suivante : aux yeux des premiers les seconds n’auraient pas la légitimité – historique et idéologique – pour parler au nom des entreprises, tandis que les seconds entendent montrer qu’ils sont tout aussi sensibles aux difficultés des mondes de l’entreprise que les premiers. Ces stratégies s’appuient souvent sur des expériences et des socialisations professionnelles ou familiales structurantes. Olivier Dassault (UMP, chef d’entreprise, fils de chef d’entreprise et d’une des plus grandes fortunes du pays) s’inscrit parfaitement dans le prolongement de ces luttes pour l’appropriation du porte-parolat des entreprises :
« Mon amour pour les entrepreneurs, ceux qui créent, inventent et innovent m’a été transmis par mon grand-père et est inscrit dans mes gènes. C’est pour cela que le message envoyé par votre projet de loi de finances à ces gens qui sont le fondement de notre économie me pose un problème fondamental. Pourtant, en écoutant Jean-Marc Ayrault protester de son respect et de son attachement à l’entreprise devant l’université du MEDEF, on aurait pu croire les socialistes assagis. Pourtant, en entendant le président de la République dénoncer la contrainte de l’instabilité fiscale durement vécue par les entrepreneurs, lors de la remise du prix de l’Audace créatrice à l’Élysée en septembre dernier, j’ai sincèrement cru qu’après dix années d’opposition la gauche était enfin réconciliée avec l’entreprise. Quelle ne fut pas mon erreur ! Quelle ne fut pas ma surprise ! Les campagnes électorales donnent régulièrement lieu à des escalades verbales et à des exhibitions de posture. Celle de François Hollande n’a pas fait exception. Rappelez-vous : à l’époque, l’ennemi désigné à la vindicte populaire était la finance internationale. Depuis, ayant constaté son impuissance face à cette hydre moderne, le Président s’est trouvé une nouvelle cible : les entrepreneurs. […] Yvon Gattaz [père de Pierre Gattaz, ancien président du MEDEF], patron parmi les patrons, nous l’a rappelé : il est indispensable d’espérer pour entreprendre. Mais en cherchant à confisquer aux créateurs d’entreprise le produit de leurs efforts, notamment par le biais du tristement célèbre article 6 de votre projet de loi de finances, comment ne pas voir que vous êtes en train de tuer l’espoir, moteur puissant, s’il en est, de la création d’entreprise ? Je parle ici de l’espoir de réussir, de créer de la richesse à la fois pour soi et pour son pays. La solidarité nationale à laquelle nous sommes tant et tous attachés en dépend. Le poète anglais William Wordsworth disait : “Le pouvoir se manifeste beaucoup plus facilement dans la destruction que dans la création.” Il avait raison. À peine revenus au pouvoir, vous vous êtes empressés de défaire méthodiquement tout ce que le gouvernement précédent avait mis en place, que ce soit la défiscalisation des heures supplémentaires, la TVA sociale ou encore l’allégement de l’ISF. […] Monsieur le ministre, les entrepreneurs n’ont pas l’habitude de se révolter ainsi. Ils ne descendent pas dans la rue ni ne se mettent en grève pour se faire entendre. C’est à nous, parlementaires, issus de l’entreprise ou sensibles à leurs problématiques, de nous faire les porte-voix de leurs préoccupations. »
[AN, XIVe législature, 1re séance du mercredi 17 octobre 2012 à 15 h.]
29Ce type de discours est assez fréquent. Il montre clairement la volonté, s’appuyant dans ce cas particulier sur l’expérience professionnelle et sur la socialisation familiale de l’élu, de porter les intérêts des entreprises face à un Parti socialiste supposé incapable de le faire. « Vous êtes fâchés avec l’entreprise », « allez dans les entreprises », « vous n’avez pas la culture de l’entreprise » sont quelques-unes des phrases formulées à droite qui entendent montrer que les élus UMP-UDI détiennent une forme de monopole de la connaissance et de l’expérience pour parler au nom de ce groupe. Dans l’extrait d’entretien suivant, Charles de Courson (UDI, haut fonctionnaire) critique à la fois la gauche dans son ensemble et une partie de la droite, pour affirmer que son parti est le seul, selon lui, à défendre les mondes de l’entreprise :
« Et le problème français, c’est qu’une partie de l’inculture économique de nos collègues, notamment de gauche, aussi d’une partie de la droite, c’est de s’interroger sur le cadre qui permet d’encourager ceux qui créent, et pas parce qu’on aime l’argent, qu’on est des représentants du grand capital, d’ailleurs ce n’est pas le grand capital qui crée la richesse, c’est le capital petit et moyen…
– Le Mittelstand [les entreprises de taille moyenne de moins de 500 employés] en Allemagne.
– Mais bien sûr, c’est eux qui créent le plus de richesses […]. Il faut avoir un système fiscal qui encourage ceux qui prennent des risques, et qui crée la richesse, et la gauche, ça, est d’une inculture totale. Et même une partie de la droite. Nous sommes… Enfin… C’est plutôt nous, à droite et au centre droit qui défendons cela, mais on n’est pas forcément majoritaires. Il y a toute une tradition, notamment dans l’ex-RPR, chez les gaullistes, de colbertisme, vous voyez que l’ÉTAT ! C’est l’État qui va créer la richesse, vous voyez ? Ces gens qui n’ont rien compris à l’évolution du monde… »
30Cette idée d’un monopole centriste ou de droite de la représentation des entreprises est évidemment contestée. De nombreux élus de gauche, socialistes principalement, entendent montrer que leur parti est également soucieux des intérêts des entreprises. Le Premier ministre Manuel Valls lui-même déclare par exemple en octobre 2014, à Londres, devant des investisseurs de la City :
« Il y a notamment un cliché tenace qui voudrait que la gauche soit fâchée avec l’entreprise. Et que, par conséquent, un Premier ministre socialiste ne devrait pas rencontrer des entrepreneurs, des institutions financières, pire, des banquiers. Rien n’est plus faux. J’estime au contraire que mon rôle, dans les fonctions qui sont les miennes, c’est d’aller au-devant des acteurs économiques, de tous ceux qui créent les richesses dont nous avons besoin. Ces richesses sans lesquelles il n’y a ni emplois ni progrès social possible23. »
L’accusation du manque de culture d’entreprise est également contestée par certains élus PS. Olivier Faure, lui-même ancien chef d’entreprise – un des rares au PS –, tente ainsi de concilier deux prises de position présentées par l’opposition comme antagoniste : la défense des entreprises et l’imposition des catégories supérieures. Et lorsqu’il est attaqué sur le manque de culture d’entreprise de la gauche en 2012, une fois revenu dans la majorité, il met directement en avant sa connaissance de l’entreprise pour légitimer à parler au nom de ce groupe :
« Olivier Faure : La vérité est que nous assumons de faire porter l’essentiel de l’effort sur les Français qui ont les plus fortes capacités contributives. Vous voulez augmenter la TVA ; nous voulons augmenter l’impôt sur le revenu. Vous voulez préserver les revenus de la rente et de la spéculation alors que nous voulons imposer, au même taux, revenus du capital et du travail parce que, nous, nous croyons à la valeur. Cela signifie-t-il que nous voulons spolier les riches, décourager l’initiative privée, confisquer les fortunes acquises, en bref pigeonner les “meilleurs d’entre nous” ? Je m’élève contre cette caricature trop souvent répandue par l’opposition. Je crois à l’effort, à l’initiative, au courage…
Annie Genevard (UMP) : Et l’esprit d’entreprise !
Olivier Faure : Mais je crois aussi que l’effort, le courage, l’initiative… et l’esprit d’entreprise, si vous le voulez, madame Genevard… (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) […] Je peux parler de l’esprit d’entreprise d’autant que la différence entre vous et moi, madame Genevard, c’est que j’ai été dirigeant d’entreprise, pas vous. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) »
[AN, XIVe législature, 2e séance du mercredi 17 octobre 2012 à 21 h 30.]
31Les exclamations des députés UMP peuvent être interprétées comme une réaction de rejet face à un élu utilisant un argumentaire régulièrement utilisé au sein de leurs propres rangs. Si Olivier Faure présente un profil particulier du fait de son expérience professionnelle d’entrepreneur, d’autres élus socialistes entendent montrer leur volonté de défendre et parler au nom des entreprises. Certains, comme Laurent Grandguillaume (PS, conseiller en formation), qui explique sur son site avoir « travaillé dans les secteurs de la banque, des collectivités territoriales et de la formation24 », le font par exemple en défendant par amendement les entreprises travaillant dans l’économie sociale et solidaire, en cherchant à étendre le dispositif ISF-PME25. Ce dispositif, assimilable à une niche fiscale, permet aux redevables d’obtenir une réduction d’ISF s’ils investissent dans une petite ou moyenne entreprise (PME). Les députés de tous bords le soutiennent. Ainsi, l’amendement est également défendu par Christian Eckert (PS, professeur agrégé de mathématiques, rapporteur de la commission des finances), qui montre lui aussi sa volonté de défendre ce type d’entreprises :
« Pour ce qui est de l’amendement présenté par M. Grandguillaume, la commission s’y est montrée favorable. Il soutient les acteurs de l’économie sociale et solidaire, ce qui est essentiel dans le climat économique actuel. Ces acteurs sont des associations, de coopératives, de mutuelles, d’institutions de prévoyance ou de sociétés dont les dirigeants sont élus par les salariés, les adhérents ou les sociétaires, et remplissent certaines règles de rémunération de leurs dirigeants et salariés, ce qui me paraît extrêmement sain. »
[AN, XIVe législature, 1re séance du jeudi 15 novembre 2012 à 9 h 30.]
Enfin, signe que le consensus sur les questions entrepreneuriales existe, Charles de Courson (UDI, haut fonctionnaire) déclare que l’amendement « est plein de bon sens ». Il sera adopté.
32D’autres députés PS, comme Bernadette Laclais (collaboratrice d’élu), Pascal Terrasse (directeur de maison de retraite), Hugues Fourage (directeur adjoint de la chambre de commerce et d’industrie de la Vendée), Jean-Louis Gagnaire (dirigeant d’une PME26), Christophe Caresche (permanent politique et avocat) et Dominique Lefebvre (assistant social puis magistrat de la Cour des comptes, président du groupe à la commission des finances) proposent également des amendements, adoptés là aussi, cherchant à ouvrir l’avantage fiscal au titre de l’ISF aux business angels27 « afin d’inciter ces acteurs à investir dans le segment de l’amorçage et du développement28 » des entreprises. Lors de la XIIIe législature, certains élus socialistes prennent la parole pour critiquer la politique économique du gouvernement, comme le fait David Habib (PS, cadre) qui déclare en séance : « Vous faites 15 milliards de cadeaux fiscaux aux ménages les plus aisés et vous ne consacrez pratiquement rien à l’entreprise29. » Réduire la représentation des entreprises à un monopole de droite, comme cherchent à le faire les partis de droite, est donc réducteur. La position dominante de la droite sur cet enjeu est ainsi contestée. En entretien, un collaborateur d’élu PS cherche d’ailleurs clairement à présenter son parti comme proche de ce groupe :
« Sur la revendication du monopole de l’entreprise par la droite, c’est quelque chose que vous ressentez ?
– Ben pas trop. Parce que dans mes commissaires j’en ai beaucoup qui ont eu des activités dans le privé avant, on a même deux entrepreneurs, on a des chefs d’entreprise, etc. Donc c’est des dimensions qu’ils connaissent très bien. Ouais le volet… c’est vrai que ça a un peu été une idée, on dit que le monde des entreprises est plus connu par la droite, etc., en tout cas à la commission des finances ce n’est franchement pas le cas. »
33Les luttes pour le porte-parolat du groupe sont donc plus diffuses et moins figées que ne le laisse penser le discours politique. Contrairement à ce que peuvent formuler les députés de tous bords, les mondes de l’entreprise ne sont jamais laissés à l’abandon, quel que soit le parti au pouvoir, comme le montre l’évolution des pratiques de représentation de ce groupe une fois la gauche revenue dans la majorité en 2012.
Les entreprises comme principal argument pour rejeter l’impôt sur la fortune en Allemagne
34La lecture des comptes rendus de séance et des entretiens montre que tous les partis en Allemagne – avec une plus faible propension au sein de Die Linke (le parti ne s’oppose cependant pas aux entreprises mais surtout aux banques) – défendent les entreprises en général et le Mittelstand entrepreneurial en particulier, dans le cadre des débats liés à l’éventuelle réintroduction de l’ISF. Ce sont d’ailleurs très clairement les effets supposés de cet impôt sur ce groupe qui justifient l’opposition de nombreux élus, y compris à gauche. Prenons le cas de la proposition de Die Linke visant à créer un ISF de 5 % sur les patrimoines supérieurs à 1 million d’euros. Tous les partis, y compris ceux qui sont officiellement favorables à cet impôt, ont critiqué la motion. Les attaques les plus virulentes viennent évidemment de la droite, comme le montre la déclaration en séance publique de Volker Wissing (FDP, avocat, porte-parole du groupe au sein de la commission des finances, vice-président du groupe au Bundestag), qui déclare :
« Cette motion proposant l’introduction de l’impôt sur la fortune est une déclaration de guerre au Mittelstand [les entreprises de taille moyenne de moins de 500 employés] allemand et aux sociétés de personnes allemandes. Elle est une déclaration de guerre à tous ceux qui œuvrent pour la prospérité, ceux dont nous avons besoin pour le financement de l’État social. »
[DB, XVIIe législature, 100e séance, Berlin, vendredi 25 mars 2011.]
35Die Linke est ici attaquée sur plusieurs fronts mais sa crédibilité est principalement remise en cause car elle s’attaquerait au Mittelstand, ce dont se défend le parti à de nombreuses occasions. Même chez Die Grünen, qui militent officiellement pour une taxe sur la fortune, le ton est très critique à l’égard de cette proposition, y compris du fait de ses effets éventuels sur les entreprises. Pour Lisa Paus (Die Grünen, collaboratrice d’élu), qui figure comme principale instigatrice du débat sur l’ISF dans son parti, la motion de Die Linke discrédite l’idée même d’un tel impôt :
« Ce qui m’a particulièrement énervé, c’est votre dénommé “impôt sur les millionnaires”. Vous devez savoir que le patrimoine perd de sa valeur marchande quand il ne dégage plus de rendement. Avec un ISF de 5 %, la chute des prix sur les actions, les maisons, les entreprises et les biens professionnels serait gigantesque. Une baisse de minimum 80 % n’est pas inenvisageable. Honnêtement, cela ne rendrait pas seulement les spéculateurs boursiers très nerveux. Mon problème est le suivant : avec une telle conception de la politique fiscale, vous n’abîmez pas seulement votre crédibilité politique – ça, cela m’est clairement égal –, mais vous discréditez également l’idée même d’un impôt sur la fortune ou d’une taxe sur la fortune. (Applaudissements chez Die Grünen et le SPD.) […] c’est pourquoi je vous encourage sérieusement à retirer votre motion ! Rédigez-en une nouvelle ! »
[DB, XVIIe législature, 65e séance, Berlin, jeudi 7 octobre 2010.]
36Tous les élus rencontrés en entretien mettent immédiatement en avant les entreprises lorsqu’ils évoquent leurs doutes (à gauche) ou leurs critiques (à droite) à l’égard de cet impôt, conduisant à un très faible nombre d’actions critiques et dépréciatives à l’égard de ce groupe. À la lecture des archives, seul un élu SPD vient tempérer la défense systématique des chefs d’entreprise – il ne critique cependant pas les entreprises mais les chefs d’entreprise. Carsten Sieling (SPD, chef de service administratif) prend l’exemple tiré d’un journal d’un chef d’entreprise redevable à un éventuel ISF pour critiquer ce type de cas :
« Dans l’exemple donné par le journal, cet entrepreneur marié de 38 ans dispose d’un patrimoine de 10 millions d’euros et d’une collection de montres d’un montant de 500 000 euros. (René Röspel [SPD] : Le pauvre !) Les larmes me viennent ! Quand je lis cela, je vois les performances du Mittelstand et je me demande si les droits de succession sont véritablement efficaces en Allemagne. Si ce pauvre homme devait s’acquitter d’un impôt sur la fortune de 87 000 euros, alors, selon moi, ce n’est que justice et cela n’affaiblit pas sa productivité. »
[DB, XVIIe législature, 210e séance, Berlin, mercredi 28 novembre 2012.]
Figure 11 – Nombre d’actions de représentation envers le groupe « entreprises », par parti (DB, XVIIe législature, n = 82)

37Les actions critiques représentent donc moins de 5 % de l’ensemble des prises de position citant ce groupe (figure 11). Cette situation s’explique par de multiples raisons qui seront explicitées dans les chapitres suivants. Citons cependant la forte opposition des organisations patronales qui joue un rôle non négligeable dans ce pays qui peut parfois s’apparenter – en particulier en situation de grande coalition – à une démocratie du consensus. Par ailleurs, de nombreux élus allemands de gauche et leurs collaborateurs ont adopté l’idée que gouverner ne pouvait pas se faire sans un soutien minimal des membres du champ économique, comme l’explique un collaborateur d’élue Die Grünen en entretien :
« Pour qu’une politique [fiscale] réussisse, il ne faut pas seulement avoir une majorité de populations avec soi mais aussi, au moins, une partie des élites économiques qui se place à vos côtés ou qui au moins est neutre ou qui vous soutient. Parce que si je veux faire une politique contre l’ensemble du monde économique, par exemple avec un impôt sur la fortune de 5 %, je ne vais jamais gagner une élection. Une élection ne se gagne pas seulement avec les voix de citoyens qui pensent à leur propre intérêt. […] On ne peut pas gagner une élection contre le monde économique, il faut au moins avoir un appui dans le monde de l’économie, entre une partie qui nous soutient et une autre qui nous combattra toujours. »
38Il apparaît bien que les élus doivent avoir une forme d’allégeance à l’égard des intérêts entrepreneuriaux. Dans cette optique, l’ISF n’a aucune chance d’être adopté, puisque les mondes de l’entreprise, par le biais de leurs représentants, parviennent à donner l’impression d’être massivement opposés à cet impôt et à faire défendre leur position au Parlement par tous les partis – à l’exception de Die Linke qui, rappelons-le, ne s’attaque pas tant aux entreprises qu’aux banques.
39Que nous montrent les mécanismes de représentation des élus dans les deux pays ? Plusieurs éléments ressortent de l’analyse. Il apparaît d’abord que ce sont les intérêts entrepreneuriaux et les mondes de l’entreprise qui occupent une place centrale dans le cadre des débats sur la fiscalité du patrimoine, alors que l’ISF ne relève pas de l’impôt sur les sociétés. Ces débats s’inscrivent dans le prolongement de mécanismes d’entrepreunarisation du monde social où les rapports de force s’opèrent au bénéfice de l’entreprise, dont les intérêts sont censés profiter à l’ensemble du corps social. Rappelons que ce phénomène s’est même amplifié (proportionnellement) sous la majorité de gauche en France. D’un débat reposant sur le principe de solidarité entre « pauvres » et « riches », l’ISF est devenu, dans les deux pays, un impôt centré sur les entreprises du fait d’un travail de reformulation des enjeux du débat, principalement sous l’égide des partis de droite, mais avec l’assentiment d’une partie des élus de gauche. Les entreprises étant plus faciles à défendre que les « riches », on comprend que de nombreux parlementaires aient cherché à recadrer le débat sur les premières afin de limiter l’irruption des seconds durant les échanges au Parlement.
40L’analyse montre également la très forte inégalité en matière de représentation par la parole parlementaire des différents groupes sociaux. Le fait que les groupes dominés soient peu cités, à l’exception de la catégorie très vaste et relativement peu opératoire en termes de politiques publiques de « catégories populaires et modestes », illustre l’effacement de ces groupes des processus de représentation parlementaire. Le fait qu’un groupe comme celui des « ouvriers » ne soit cité que quatre fois sur l’ensemble des deux législatures en France (deux fois par le PC, une fois par l’UDI, une fois par UMP, jamais par le PS ou les Verts) et deux fois en Allemagne (une fois par le FDP et une fois par Die Linke), alors que l’enjeu se prête à leur évocation, confirme que certains groupes sont rendus invisibles durant les débats parlementaires. Ce phénomène rejoint celui observé par Rémi Lefebvre qui remarque qu’au tournant des années 2000, « si, dans les débats, les catégories populaires sont réapparues, le mot “ouvrier” a bien disparu. Une analyse lexicographique des cinq motions soumises aux militants lors du congrès de Dijon établit que le vocable “ouvrier” n’est utilisé que quinze fois seulement (sur 102 797 mots). Le terme est absent du texte de François Hollande30 ». Cette invisibilisation ou ce surinvestissement à l’égard de certains groupes sociaux peut être mis en relation avec les propriétés sociales des élus siégeant dans les assemblées des deux pays.
Notes de bas de page
1 AN, XIIIe législature, 1re séance du lundi 7 novembre 2011 à 16 h.
2 Jean-Pierre Brard est membre d’une organisation nommée Convention pour une alternative progressiste, dissoute en 2009. Nous désignerons ici son groupe politique d’appartenance.
3 AN, XIIIe législature, 2e séance du vendredi 13 juillet 2007 à 15 h.
4 AN, XIIIe législature, 1re séance du vendredi 10 juin 2011 à 9 h 45.
5 DB, XVIIe législature, 10e séance, Berlin, vendredi 4 décembre 2009.
6 AN, XIIIe législature, 2e séance du lundi 6 juin 2011 à 21 h 30.
7 Luc Boltanski et Laurent Thévenot, De la justification. Les économies de la grandeur, Paris, Gallimard, coll. « Blanche », 1991, p. 24.
8 Voir Bernard Pudal, Un monde défait. Les communistes français de 1956 à nos jours, Bellecombe-en-Bauges, Éditions du Croquant, coll. « Savoir-agir », 2009.
9 Howard S. Becker, Les mondes de l’art, présentation de Pierre-Michel Menger, traduit de l’anglais par Jeanne Bouniort, Paris, Flammarion, coll. « Champs. Art, histoire, société », 2006, p. 58-59.
10 Voir Hanna F. Pitkin, The Concept of Representation, Berkeley, University of California Press, 1967.
11 Voir Rudy B. Andeweg et Jacques J. A. Thomassen, « Modes of Political Representation: Toward a New Typology », Legislative Studies Quarterly, vol. 30, no 4, 2005, p. 507-528.
12 Nous avons exclu la XVIIIe législature puisque les élus de la commission des finances ne s’engagent plus sur ce sujet en situation de grande coalition.
13 Selon l’article 885 R du Code général des impôts.
14 Selon les articles 789 A et 789 B du Code général des impôts.
15 Henri Sterdyniak, « La grande réforme fiscale, un mythe français », Revue de l’OFCE, no 139, 2015, p. 327-397, en particulier p. 386.
16 Jean-Yves Mercier est membre du Cercle des fiscalistes et a été auditionné par la commission des finances lors de la réforme du patrimoine en 2011.
17 AN, XIIIe législature, commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, réunion du mercredi 9 février 2011 à 11 h ; Jean-Yves Mercier, « Retour de l’ISF : l’impôt qui coûte plus économiquement qu’il ne rapporte au gouvernement », Atlantico.fr, 25 août 2012, disponible en ligne sur https://atlantico.fr/article/decryptage/impot-coute-plus-economiquement-qu-il-ne-rapporte-gouvernement-jean-yves-mercier [consulté le 10/03/2022].
18 DB, XVIIe législature, 90e séance, Berlin, jeudi 10 février 2011.
19 AN, XIIIe législature, commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, réunion du mercredi 9 mars 2011 à 9 h 30.
20 AN, XIVe législature, 1re séance du jeudi 19 juillet 2012 à 9 h 30.
21 AN, XIIIe législature, séance du mardi 3 juillet 2007 à 15 h.
22 Voir Daniel Gaxie, La démocratie représentative, 4e éd., Paris, Montchrestien, coll. « Clefs. Politique », 2003.
23 Manuel Valls, « Discours du Premier ministre à Londres », Gouvernement.fr, 6 octobre 2014, disponible en ligne sur http://www.gouvernement.fr/partage/2086-discours-de-manuel-valls-a-londres [consulté le 10/03/2022].
24 http://www.grandguillaume.net/ [consulté en 2016].
25 AN, XIVe législature, 1re séance du jeudi 15 novembre 2012 à 9 h 30.
26 Il déclare sur son site Web [consulté en 2016] : « J’ai également, suite au décès de mon père, assuré la direction d’une PME familiale du secteur du matériel agricole. Au-delà de ma formation initiale de cadre supérieur à l’Institut supérieur de gestion de Saint-Étienne, cette responsabilité de jeune dirigeant m’a permis de prendre conscience, de l’intérieur, des réalités du monde de l’entreprise notamment sur la question de la transmission-reprise. »
27 Les business angels sont des particuliers qui investissent une partie de leur patrimoine dans une entreprise et font profiter cette dernière de leurs réseaux, expérience ou compétences.
28 AN, XIVe législature, 27 novembre 2014, projet de loi de finances rectificative pour 2014 (no 2353), amendement no 405, article additionnel après article 27.
29 AN, XIIIe législature, 1re séance du mercredi 17 octobre 2007 à 15 h.
30 Rémi Lefebvre, « Le socialisme français et la “classe ouvrière” », Nouvelles FondationS, no 1, 2006, p. 64-75, en particulier p. 73.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Le concert et son public
Mutations de la vie musicale en Europe de 1780 à 1914 (France, Allemagne, Angleterre)
Hans Erich Bödeker, Michael Werner et Patrice Veit (dir.)
2002
Des cerveaux de génie
Une histoire de la recherche sur les cerveaux d'élite
Michael Hagner Olivier Mannoni (trad.)
2008
L’occulte
L’histoire d’un succès à l’ombre des Lumières. De Gutenberg au World Wide Web
Sabine Doering-Manteuffel Olivier Mannoni (trad.)
2011
L'argent dans la culture moderne
et autres essais sur l'économie de la vie
Georg Simmel Céline Colliot-Thélène, Alain Deneault, Philippe Despoix et al. (trad.)
2019
L’invention de la social-démocratie allemande
Une histoire sociale du programme Bad Godesberg
Karim Fertikh
2020
La société du déclassement
La contestation à l'ère de la modernité régressive
Oliver Nachtwey Christophe Lucchese (trad.)
2020
Le pouvoir en Méditerranée
Un rêve français pour une autre Europe
Wolf Lepenies Svetlana Tamitegama (trad.)
2020
La parure
et autres essais
Georg Simmel Michel Collomb, Philippe Marty et Florence Vinas (trad.)
2019