Partie III. L’éthique des révolutions démocratiques
p. 143-144
Texte intégral
1Comme objet de querelles et de polémiques, la démocratie est pire que la « révolution ». Comme le souligne Dominique Rousseau, « [i]ci, la démocratie est à inventer ; là, elle est à réinventer, la démocratie n’est donc nulle part si le mot est partout1 ». Pourtant, rien n’est aussi beau dans ce monde que la démocratie. Évidemment, si on la considère à travers ses scintillements incalculables sur les crêtes de l’histoire, on aura tôt fait de sombrer dans la désillusion. Il faut véritablement considérer la démocratie dans sa profondeur, parce qu’elle représente la meilleure vie possible, ou du moins parce qu’il n’y en a pas de meilleure. Cela signifie qu’il faut éviter d’examiner cette grande question à travers les miroirs trompeurs des seuls faits sociaux. Le sociologisme et l’économisme et, d’une manière générale, la conception matérialiste de l’histoire ne seront pas nos guides préférés. Il est incontestable qu’un « processus d’émancipation est parallèle aux transformations économiques2 », qu’il s’agisse de l’émancipation du tiers état, des « naturels », des natifs, du prolétariat, des serfs, des esclaves ou des colonisés. Les transformations des modes de production, du prélèvement fiscal, de la force de travail, des technologies artisanales, industrielles, financières ou de la communication ont évidemment un impact déterminant, déstructurant et restructurant sur la vie économique, sociale, artistique, culturelle, religieuse…
En bref, sur l’ensemble de la vie. Mais tout cela est accompagné, soutenu, propulsé par des idéaux, des passions, des motifs moraux, des refus de situations, au nom de la justice, du droit et de l’équité, en bref au nom d’une éthique. Évoquant les multiples révoltes paysannes en Russie (348 entre 1845 et 1854 !), Catherine de Montlibert écrit : « Ces différents types de révoltes sont certes l’aboutissement de mutations structurelles, mais surtout elles sont dues aux transformations des mentalités des serfs, qui exigent de plus en plus fréquemment la liberté3. » Transformation des mentalités : cela veut dire une nouvelle éthique qui passe du stade de la passivité à celui de l’indignation, c’est-à-dire en puissance de révolution. Pour pouvoir s’inscrire dans l’histoire, l’éthique doit d’abord se légitimer par un fondement philosophique.
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