12
Insurrection et trahison
p. 229-254
Texte intégral
Mouille ton gosier !
Bois, avale,
Avant que le chant et le verre
Ne disparaissent !
Iago, in Giuseppe Verdi, Othello, acte I.Oh, Gouverneur de la Colonie, toi qui as la charge sacrée.
Si toi, dans ta position, tu ne gardes pas ta promesse, alors les promesses ne valent rien.
Cheikh Abd el-Aziz el-Isaui à Attilio Teruzzi, 3 mars 1928 [10 ramadan 1346].
1Benghazi comptait 7 000 « métropolitains », du nom que se donnaient les Italiens, et, à en juger par les dimensions de la foule par ce soir de fin novembre 1927, la plupart d’entre eux étaient sortis sur le front de mer. Mario Bassi, le correspondant de guerre de La Stampa, assis en bras de chemise dans l’air tiède, captura la sensation de bien-être. Les gens se promenaient en famille et remplissaient les terrasses des cafés. Des enfants couraient partout. Les vagues qui venaient lécher la promenade scintillaient à la lumière des bouées de la pointe Giuliana et des turbines de la conserverie de thon d’El Mongar, qui avait cette année, sous l’impulsion d’un nouveau propriétaire, réalisé une pêche record. Les sons d’un groupe de jazz venaient du proche Albergo Italia, et, plus tard, l’orchestre de la garnison jouerait du Verdi sur la Piazza del Re. Comme Bassi prêtait l’oreille aux échos d’une célébration familiale dans les quartiers autochtones à l’arrière, aux couinements de trompette, à un tambourin qui cognait, à une bribe de chanson effilochée et aux zagarlia, du nom que les Italiens locaux donnaient aux hululements déchirants des femmes, il se laissa aller à une méditation sur les jalons de la récente grande transformation de Benghazi. La célébration du cinquième anniversaire de la marche sur Rome, le 28 octobre 1927, avait amené une énorme foule mêlée sur la Piazza del Re, et le segment ferroviaire récemment inauguré de la ligne Benghazi-Derna prolongeait la ligne jusqu’à Barca. Tout cela, conclut-il, était « dû à Son Excellence Attilio Teruzzi, un gouverneur idéal, sage administrateur et dirigeant paternel1 ».
2Le seul obstacle que Bassi pouvait voir aux « projets inspirés, au zèle passionné et à la volonté de faire le bien » de Teruzzi était cette « tyrannie méprisable, implacable, celle du budget »2. Les contraintes budgétaires avaient été le sujet des plaintes amères et constantes de Teruzzi. Il demeurait à jamais le comptable du régiment. Ses propres comptes domestiques ressemblaient à ceux de la proverbiale ménagère bourgeoise italienne de l’époque, qui notait tout minutieusement, jusqu’aux absorptions et excrétions de son bébé. Son salaire lui était maintenant versé mensuellement, et tout était budgétisé : côté crédit, son salaire mensuel ; côté débit, 1 300 lires pour le loyer et les charges à Rome, entre 1 500 et 1 900 lires pour les soins hospitaliers de son frère Guido et 400 lires d’épargne3. Cela lui faisait mal de devoir truquer les livres de comptes du gouvernement pour équilibrer le budget, de retarder le jour de paye des soldats, de plaider pour davantage de fonds, de retarder la construction du port ou de lésiner sur les préparations militaires. « C’est inévitable ; pas moyen d’y échapper ; avec ses chiffres irréfutables, il règle chaque pas en avant de la colonie et, oh si souvent, de manière si radine4. » Une fois de plus, selon les paroles de l’expert en matière coloniale Bassi.
3Lilliana apportait à ces questions ses propres vues new-yorkaises, en apparence capricieuses : à savoir que l’argent devait bien se trouver quelque part. Si vous en aviez, vous pouviez toujours en trouver davantage. Si vous pouviez acheter, vous pouviez aussi revendre avec profit ou au rabais. L’allocation mensuelle versée par son père était égale au salaire d’Attilio. Elle l’établit sur un compte joint et calculait cavalièrement leurs dépenses – en réalité, les siennes – en présumant que le compte les couvrirait, ce qui était toujours le cas. Elle croyait aux lignes de crédit, comme celle que son père avait contractée pour financer sa carrière d’opéra, ce pour quoi ils en arrivèrent à presser Federzoni pour un prêt important du gouvernement qui fut, exceptionnellement, accordé. Mais pourquoi pas un prêt plus important de Wall Street – peut-être de la Harriman Bank elle-même5 ? Comme le suggéraient ses ambitions budgétaires, Lilliana continuait de vivre dans un monde de convenienze : le gouvernement payait tous les employés de maison, sauf sa femme de chambre, Lina. Il payait pour les travaux de décoration répétés, la note d’électricité, les myriades de télégrammes qu’elle envoyait à ses parents et pour ses voyages sur le continent. Qu’elle ait en fait dépensé le moindre argent de sa famille dans la colonie est peu probable. Mais elle faisait des remarques désinvoltes à ce sujet, surtout lorsqu’elle entendait parler des sommes fabuleuses que d’autres gouverneurs coloniaux étaient supposés recevoir pour leurs dépenses.
4Le budget, en réalité, n’était pas le problème. Le problème était l’économie politique du colonialisme fasciste dans son entier. Pour que la Cyrénaïque prospère – au lieu de s’accrocher à la ville et de vivre des subventions de l’État, des dépenses militaires et d’entreprises comme les concessions automobiles, les épiceries ou les cafés, qui toutes dépendaient des importations –, les Italiens auraient dû développer une économie propre. On ne pouvait pas attendre du thon et des éponges de mer qu’ils entament de beaucoup le déficit import-export.
5Mais l’agriculture était une entreprise solitaire, effrayante et en tout point risquée, quelles qu’aient été les incitations offertes par le gouvernement sous forme de concessions de terres, de réductions d’impôts et de prêts pour l’achat de tracteurs, d’équipement agricole et de semences. Qui travaillerait la terre posait un autre problème, car les travailleurs italiens n’émigraient pas pour se faire esclaves sur les terres des autres. Du reste, c’était pour cela qu’ils fuyaient l’Italie. D’aucuns pensèrent qu’Aldo Jung, un entrepreneur juif de Palerme, trouverait une solution. Il était un bon ami de Federzoni et, lorsque Teruzzi fut gouverneur, Jung se vit attribuer une concession géante de terres en altitude les mieux arrosées, la plus grande attribuée jusque-là. Il s’empara du problème à sa manière, en racolant de force des travailleurs agricoles de ses propres domaines en Sicile6.
6La fédération fasciste de Milan, à qui fut allouée la deuxième plus grande concession de terres pour y établir un consortium de colons, misa sur un autre plan, qui consistait à y envoyer quelques milliers de chômeurs de la ville. Jadis, les Romains avaient fait usage d’esclaves. Quant aux peuples arabo-berbères, s’ils étaient de rang assez élevé, ils utilisaient leurs propres esclaves, obtenus par trafic depuis le Soudan. Les Bédouins n’avaient nulle intention d’abandonner leur existence nomade en échange d’un travail agricole ou salarié. Ils étaient satisfaits, tant qu’ils restaient les maîtres de leur propre destin.
7Tout cela n’avait pas vraiment fait l’objet de réflexions approfondies, alors que la colonie paraissait avancer par sauts et par bonds vers le futur fasciste, et renaître à son ancienne grandeur deux millénaires après le déclin de Rome.
8Alors que Benghazi était sous le feu des projecteurs, l’insurrection arabe éclata de nouveau. La portion de terre principalement disputée au printemps 1927 se situait entre Cyrène et Derna, autour de l’embouchure du Wadi-al-Cuf, une gorge qui menait vers les vallées et les ravins de la Montagne verte, et où les rebelles faisaient paître leurs troupeaux durant les mois d’été. Teruzzi connaissait aussi bien que n’importe qui leurs motifs et leurs modus operandi, mais peut-être ne comprit-il pas qu’autre chose se préparait. Les vieux cheikhs faisaient étalage de leur piété religieuse. La foi en Allah est « la simplicité même : le corps doit être fortifié par une vie saine et abstinente, afin qu’il devienne une digne demeure pour l’âme », et « tu ne dois être l’esclave de personne sauf de Dieu, c’est-à-dire que tu dois être le maître des circonstances ». Tels étaient les mots d’Idris. « La civilisation que les Italiens veulent introduire en Cyrénaïque fait de nous les esclaves des circonstances, dit-il, c’est pourquoi nous devons la combattre7. »
9La religiosité n’était pas ce qui attirait les plus jeunes hommes qui rejoignaient les rebelles. Ils ne voyaient plus d’avenir pour eux depuis que les anciens des tribus s’étaient soumis aux Italiens, qu’ils s’étaient vus désarmés et forcés de dresser leurs tentes et de faire paître leurs troupeaux dans les misérables pâturages adjacents aux garnisons italiennes. Ils devaient payer des impôts au gouvernement italien et n’étaient pas autorisés à se déplacer dans les districts habités par les Bédouins qui ne s’étaient pas encore soumis. Quand ils avaient épuisé les pâturages pour leur bétail, ils devaient vendre une partie de leurs bêtes pour acheter du fourrage pour les autres. Au moindre trouble, l’armée fermait les marchés. « Ce doit être la volonté d’Allah », disaient les anciens, tandis que les jeunes voyaient les choses autrement : « Nous devenons de plus en plus ignorants, de plus en plus pauvres, de plus en plus semblables aux animaux qu’ils prétendent que nous sommes8. »
10Les anciens des Obeidat de Derna, qui avaient été les amis les plus proches de Teruzzi parmi les chefs tribaux, lui dirent qu’ils ne pouvaient plus accepter de jouer selon les règles des Italiens. Ils avaient toujours effectué des paiements aux insurgés, ne serait-ce que pour les tenir à distance. Cela avait marché, jusqu’à ce que des tribus plus pauvres, incapables de payer le tribut et victimes de raids ou de vols d’animaux, se plaignirent auprès du commissaire de district. Mis en demeure, les Obeidat avaient donné un gage de leur bonne foi en interceptant une bande de guerriers sanusi et en les livrant aux Italiens, qui les avaient exécutés. Mais après cela, les militaires italiens n’avaient rien fait pour les protéger, si bien que les Sanusi, en représailles, avaient brûlé un campement entier9.
11En janvier 1927, lorsque Badoglio, devenu maréchal, la plus haute distinction militaire, et chef d’état-major de l’armée du roi, résolut de monter une offensive majeure l’année suivante, avec l’appui du ministre des Colonies Federzoni, Teruzzi fut pris au dépourvu. Le plan de bataille prévoyait qu’une colonne, sous les ordres de Teruzzi, avec le général Mezzetti comme commandant sur le terrain, marcherait plein sud depuis Benghazi en direction des oasis du 29e parallèle. Là, elle rejoindrait la colonne marchant en direction du sud depuis la Tripolitaine sous les ordres du gouverneur De Bono qui, sous le commandement du général Graziani, occuperait un point avancé dans le désert du Fezzan. À cette époque, Teruzzi venait à peine de débuter son mandat de gouverneur. Son budget était extrêmement serré, même pour des dépenses militaires. Il craignait de prendre du retard dans le paiement des salaires militaires à un moment où ses soldats se plaignaient que, en l’absence de déclaration de guerre, ils ne recevaient même pas leur solde du combattant.
12Comme il était familier des politiques tribales, assez pour savoir avec lesquels des chefs de tribus il pouvait négocier, Teruzzi voulait qu’on lui donne du temps pour arranger des trêves. À tout le moins, il lui fallait la paix et le calme sur ses arrières pendant que les hommes sous son commandement marcheraient vers le sud. L’idéal serait qu’il parvienne à persuader les chefs de tribus qui se trouvaient sur la ligne italienne de ne pas résister, il pourrait alors utiliser leur acquiescement pour persuader les tribus autour des oasis de se soumettre sans combattre10.
13Imaginez le choc, alors, lorsque le 28 mars 1927 il apprit que le 7e bataillon libyen, qui était sorti en patrouille dans la vallée à Er-Raheiba, près du djebel, était tombé dans une embuscade tendue par la bande d’Omar al-Mokhtar. C’était un massacre. Les insurgés avaient tué le commandant, le capitaine Bassi, trois autres officiers et 300 soldats libyens. Ils avaient capturé deux officiers italiens et s’étaient enfuis, emportant une grande quantité d’armes et de munitions. Teruzzi était en train de jouer une partie de scopa après le déjeuner en compagnie de Lilliana et de quelques amis lorsque son adjudant le fit sortir de la pièce, le visage décomposé. Apprenant la nouvelle, il « s’affaissa comme un vieillard11 ». Tous les soldats italiens avaient dans une certaine mesure ressenti la mortification des déroutes d’Adoua et de Caporetto, et en Libye propre il y avait eu Shar-al-Shatt et Gasr-bu-Hadi, mais le désastre présent se produisait sous son commandement.
14Le ministre des Colonies Federzoni fut d’abord informé du massacre par les canaux de l’armée. Lorsqu’il reçut le télégramme de quarante et une lignes de Teruzzi le 3 avril, celui-ci était si vague sur ce qui s’était produit, si confus sur la question de savoir s’il fallait ou non se lancer dans une contre-offensive, et si perplexe quant aux avis contradictoires que lui donnaient les deux généraux assignés à son commandement, que Federzoni secoua la tête : c’en était assez pour le « couler ». La lettre d’explication de Teruzzi qui lui parvint après quinze jours de silence total était « une tentative inepte » pour blâmer le jeûne du ramadan d’avoir rendu les troupes léthargiques, le général Cei pour son absence et le secrétaire général de la colonie pour son manquement à la coordination des affaires civiles et militaires. Ce Teruzzi si prometteur, si « cordial, heureux et plein de confiance en lui-même », que Federzoni venait de voir le mois précédent, venu lui faire son rapport à Rome, s’était révélé en fin de compte un pauvre type, et inefficace. Que pouvait-il faire d’autre que de le réprimander et de passer outre12 ?
15Ce que personne ne mentionnait, c’était que l’embuscade avait été organisée en représailles à l’exécution à Cyrène le 20 mars de « trois traîtres » : deux éminents cheikhs tribaux, pour collaboration, et un important clerc-guerrier sanusi, pour espionnage. L’exécution avait eu lieu, comme en des temps plus reculés, avec la potence élevée sur la place publique, sous les regards des proches des condamnés rassemblés sous la contrainte, avec les troupes locales au garde-à-vous puis renvoyées dans leurs baraquements et les corps pendus exposés durant des jours. Bref, la justice italienne avait infligé « une punition exemplaire » afin qu’elle ait « la résonnance la plus large et la plus efficace possible »13.
16Le gouverneur donna des ordres pour que « toute mention soit censurée sous peine d’arrêt arbitraire immédiat et d’expulsion de la colonie14 ». Mais tout le monde était au courant d’Er-Raheiba par une source ou une autre. Le cercle militaire bourdonnait de nouvelles selon lesquelles le gouverneur s’était secrètement envolé pour Cyrène afin d’obtenir des informations et que les deux jeunes épouses des officiers qui avaient été capturés, sachant que leurs maris seraient torturés à mort, avaient perdu la raison et devaient être rapatriées15. Federzoni, à son tour, se rendant compte que le massacre était un revers bien plus important qu’il ne l’avait compris initialement, mit la main sur la dépêche trop franche de Teruzzi destinée à l’agence d’information gouvernementale, la récrivit de manière plus « euphémique » et la soumit au Duce, qui « en coupa encore quelques points importuns », en déclarant : « Un fait qui est inconnu est un fait qui n’existe pas16. »
17Il s’agissait maintenant de se venger. Ottorino Mezzetti, le nouveau commandant des troupes, y parviendrait sûrement. C’était un vieux routard de Libye, qui avait été redéployé en Tripolitaine depuis le front autrichien en 1917, au moment où Teruzzi avait été envoyé à Derna. Sa stratégie était double : dans la chaleur de juillet, il ferait marcher ses colonnes d’officiers italiens et d’askaris depuis leurs forteresses sur la plaine d’Al-Marj à travers le Wadi-al-Cuf jusqu’aux ravins impénétrables de la Montagne verte pour surprendre les unités rebelles pendant qu’elles estivaient dans les hauts pâturages, les chasser et les exterminer.
18En attendant, Teruzzi renforcerait la trêve des Italiens avec les Obeidat, dont les terres s’étendaient autour de l’embouchure du Cuf. En juillet, quand Lilliana serait de retour d’une visite à Rome, il les rencontrerait, non comme « un gouverneur, mais comme un concitoyen, non juste avec la franchise habituelle, mais avec la chaleur de l’amitié17 ». À cet effet, Teruzzi rassembla un convoi de douze véhicules blindés et 100 soldats pour une expédition de cinq heures jusqu’à Cyrène. De là, ils devraient parcourir les 87 kilomètres jusqu’à Derna, d’où, après avoir soulevé l’enthousiasme de la population locale, il continuerait jusqu’à Gubba pour y rencontrer 125 anciens de la tribu.
Fig. 15 – Visite chez les Obeidat, juillet 1927

© Lilliana Weinman Teruzzi Estate.
19Pour montrer sa bonne foi, Teruzzi emmena un petit entourage composé de sa femme, d’un interprète, de son secrétaire Solimena et d’une petite escorte. Décrivant le premier segment du voyage, qui par moments passa à quatre kilomètres à peine de la ligne de front, Lilliana écrivit à ses parents qu’elle « aurait préféré se promener sur la Cinquième Avenue ». À Derna, « les gens étaient extatiques […] car leur commandant de bataillon était [de retour] comme il avait promis ; nul Premier ministre n’aurait pu recevoir un plus grand accueil »18. De Gubba, nous avons des instantanés Kodak flous du groupe se serrant sous d’anciens figuiers, Teruzzi au centre, délivrant ce que Lilliana décrivit comme « un merveilleux discours ». Teruzzi avait ainsi fait savoir aux anciens de la tribu : « Ceux d’entre vous qui ont des contacts avec les rebelles, car nous sommes au courant de ce que vous faites, il faut que vous fassiez savoir à ces hommes que, sous mon autorité de gouverneur, ils n’ont que deux perspectives : ou bien ils seront vivants à l’ombre du drapeau tricolore, ou ils seront morts19. » Après avoir bu à la paix dans un calice partagé, Lilliana à ses côtés portant des manchettes de poignet en or massif – un cadeau des anciens qu’elle exhiberait pour le restant de ses jours –, le gouverneur et son entourage s’en allèrent avec le sentiment du devoir accompli.
20Le grand geste diplomatique de Teruzzi eut un effet illusoire, mais l’impact du coup militaire était réel. En août, le général Mezzetti atteignit les résultats qu’il espérait. Ayant proprement encerclé les rebelles, leurs familles et leurs propriétés de tous côtés, il entreprit de les bombarder et de les arroser de mitraille depuis le ciel avec une ténacité et une férocité réitérées jusqu’à ce qu’ils se dissolvent et se dispersent en un essaim de fuyards terrifiés, les guerriers abandonnant leurs vieillards, femmes, enfants, vêtements, vivres, et même leurs bêtes et leurs armes. À la fin de la campagne, l’armée avait tué 1 226 rebelles, fait main basse sur 269 fusils, tué 2 844 chameaux et capturé 842 autres, capturé 18 070 chèvres et moutons et tué 5 050 autres, saisi 172 vaches et 26 chevaux et confisqué la quasi-totalité des tentes et des effets personnels des rebelles. L’armée avait également « sauvé » 232 femmes et enfants « ignoblement abandonnés par les rebelles »20.
21Lilliana était retournée à Rome pour la première fois alors que la campagne de printemps dans le djebel commençait et trouva que les gens faisaient « un énorme tintouin » autour d’elle21. Mai 1927 était un radieux moment pour une Américaine à Rome et pour la femme d’un leader fasciste. Mussolini avait décidé d’augmenter la valeur de la lire sur les marchés financiers internationaux, à grands frais pour les consommateurs et les ouvriers, et Wall Street apercevait maintenant de merveilleuses opportunités d’investissement en Italie. Les banques américaines venaient d’accorder leur premier grand prêt à la ville de Rome, un autre à Milan suivrait. Charles Lindbergh avait récemment atterri à Paris-Le Bourget, et tout le monde disait que sa prochaine aventure l’amènerait en Italie, qui était folle d’aviation.
22« Nous [les Américains] sommes généralement considérés comme des moins que rien », écrivit Lilliana à son père. « Les gens ici à Rome regardent maintenant les Américains avec un respect et une admiration renouvelés, maintenant qu’ils se rendent compte que nous sommes un peuple connu pour autre chose que “les dollars” et “la Prohibition”22. » Elle se sentait très fière.
23La Cyrénaïque aussi faisait l’actualité. Lilliana fut tellement sollicitée en mai et en juin par des personnes qu’elle connaissait à peine qu’elle avait l’intention, dit-elle à son père, de rencontrer « seulement les gens qui pouvaient être utiles à Attilio sur le plan politique » et pouvaient le garder « informé sur toutes les choses très importantes et très secrètes qu’il m’arrive d’apprendre ici ». Lorsqu’ils auraient « une maison adéquate » à Rome, elle avait l’intention d’organiser un salon et de n’avoir « sur sa liste de visiteurs que les gens les plus distingués de Rome ». Souvent, elle restait éveillée la moitié de la nuit pour écrire « des lettres extrêmement longues » à son mari, en s’efforçant de les phraser « juste comme il faut ». Attilio lui rendait la pareille, couvrant des pages et des pages de sa plus petite écriture, comme « de petits livres ». Elle était son agent de publicité et son espionne à Rome ; elle était aussi sa fière épouse, sa confidente et son grand amour23.
24Aux soirées de Margherita Sarfatti, elle cultivait les nouveaux journalistes de la presse anglophone : la Cyrénaïque attirait maintenant l’attention non seulement des profascistes Cortesi, père et fils, du New York Times et du Herald Tribune, mais aussi de l’antifasciste Cyril Sprigge du Guardian. Lors de son second voyage à Rome, au début de l’automne, elle était au centre des attentions chez les Federzoni, où Luigi la plaisanta sur le récit auto-glorifiant qu’elle fit de leur mission en août auprès de la tribu Obeidat, disant qu’elle méritait le cordon de l’Ordre colonial de l’Étoile d’Italie pour avoir trempé ses lèvres « dans une tasse de thé dans laquelle le chef des Obeidat avait craché pour porter bonheur à tout le monde24 ». À Milan, elle sortit avec les amis de Teruzzi, Varenna et Farinacci, et reprit une leçon avec maestro Fatuo, qui dit que sa voix était « belle comme une cloche et quatre fois plus volumineuse qu’elle n’avait été25 ».
25Elle manquait à Attilio, et elle en était heureuse. Parfois, elle n’était pas sûre qu’il comprenne à quel point ses compagnons fascistes l’enviaient d’avoir une pareille femme. Tard dans la nuit, après une longue journée, veillant pour lui écrire de longues lettres, dans son italien mâtiné d’américain, sur tout ce qu’elle avait vu et entendu – « quando tutto tace », pour citer leur favorite Turandot –, elle parlait avec éloquence de son profond amour pour lui, mais plus spécialement pour ce qu’il représentait : « Laisse-moi maintenant te baiser ardemment sur la bouche, ma joie rejoignant la tienne pour les coups incessants portés aux rebelles et pour leurs actes de capitulation, tout cela me procure une joie immense, sachant, comme je le sais trop bien, combien tes plans étaient considérés avec scepticisme, combien tu étais inspiré par ton enthousiaste, ton merveilleux “feu sacré” d’amour vrai et sincère pour ton pays et non par “l’amour de l’ambition personnelle”. » Et : « Je suis heureuse et fière, et personne ne peut me faire de plus beau cadeau que de me parler de tes actions et de ton gouvernement26. »
26Rien n’échappait à Mussolini. Ayant appris par des rapports de police que Lilliana était seule à Rome, il demanda à Teruzzi, plus tard en août, lorsque celui-ci revint enfin à Rome, pourquoi elle était venue avant lui. Teruzzi répondit qu’il avait été retenu par l’effort de guerre, ajoutant : « Elle m’est d’une grande aide. » « Je le sais, dit Mussolini, transmettez-lui mes respects27. »
27Teruzzi en était ébaubi. Mussolini lui demanda s’il voulait devenir sénateur ou député. Le Sénat était le « mieux pour lui », en convinrent Attilio et Lilliana. C’était la sinécure habituelle pour les militaires qui avaient servi leur pays avec distinction. Federzoni, généralement si avare de louanges, le félicita pour son bon travail. Ils se rendirent à un dîner, Lilliana chanta, et toute l’assistance fut touchée au-delà des mots. En signe de l’estime de Mussolini, lorsqu’ils retournèrent à Benghazi début septembre, son wagon de chef de l’État fut mis une fois de plus à leur disposition, cette fois pour les emporter jusqu’à Syracuse, d’où ils devaient s’embarquer pour Benghazi. Cette fois aussi, il y eut une grande cérémonie d’adieux à la gare, et Margherita Sarfatti et sa fille Fiammetta y brillèrent par leur présence28.
28À Benghazi même, l’automne se déroula calmement. Noël approchant, Teruzzi commenta plaisamment à ses beaux-parents la division du travail entre front de guerre et front domestique : « Dear Mommy and Popsie », écrivit-il, et, en substance : « Je jette toutes mes forces dans la campagne militaire et Lilliana dans la campagne du sapin de Noël29. »
29La campagne pour conquérir le Fezzan avait été décidée à Rome en octobre et était planifiée pour le 1er janvier. La dynamique semblait fort claire. Partant de la Cyrénaïque sous le commandement de Mezzetti, et de la Tripolitaine sous celui du général Graziani, les forces devaient se rejoindre au 29e parallèle, occuper le Fezzan, puis de là conquérir Koufra, le dernier bastion de l’Empire sanusi, qui se trouvait à quelque mille kilomètres au sud-est de Benghazi. Ainsi, la province romaine de Libye serait réunifiée, et le gouvernement fasciste pourrait songer à combiner la Cyrénaïque et la Tripolitaine sous une seule et même administration.
30Le concept stratégique de toute l’opération appartenait au maréchal Badoglio, qui avait en le général Rodolfo Graziani, le commandant des troupes en Tripolitaine, un incomparable exécutant de ses ordres30. En octobre 1927, Graziani entrait dans sa sixième année de service dans la colonie. En 1923, quand il avait été promu général de brigade après avoir écrasé l’insurrection locale, il avait adopté le physique du guerrier du désert : grand, maigre, les traits du visage burinés comme ceux d’un cheikh, montant un chameau ou un cheval à la tête de ses troupes. Il parlait suffisamment bien l’arabe pour recruter d’anciens guerriers ennemis pour son commandement et pour diriger ses redoutables bandes de forces irrégulières. Il était férocement compétitif à l’égard des autres généraux, ainsi qu’avec les Britanniques et les Français, et mettait incessamment la pression pour combiner reconnaissance radio, rapides mouvements de troupes dans des véhicules blindés et frappes aériennes afin de porter l’Italie à la pointe de la guerre dans le désert.
31Plus son ambition grandissait, plus il se faisait valoir en embarquant des journalistes sous son commandement et en publiant ses propres récits hyperboliques de ses exploits militaires sous le nom de plume de Gebelicus. La censure fasciste n’osait le toucher. Il était arrivé en Libye quand le système des trêves était mort. On n’avait nul besoin, selon lui, du consentement des capi, encore moins de celui de la population civile. Il était impératif de contrôler le territoire entier. Plus il réussissait, plus il dénonçait comme obsolètes les négociations de la vieille armée. Plus il parlait de la nécessité de contrôler le territoire, de couper tous les contacts entre les rebelles et la population, plus il faisait apparaître l’élimination des nomades non civilisés comme un acte de salut public. Ainsi en vint-on à admettre de plus en plus comme une fatalité que nettoyer le Fezzan, et ensuite la capitale sanusi dans l’oasis de Koufra, et après cela le djebel Akhdar du dernier filet d’insurrection était l’unique solution31.
32Teruzzi, de son côté, se sentait écartelé entre son nouveau moi civil et son vieux moi de soldat colonial. Plus le rythme de vie à Benghazi s’accélérait, plus ses résidents s’inquiétaient de la guerre – elle nuirait au commerce, endommagerait les relations avec les Arabes et n’accomplirait jamais rien de permanent. Plus il avait de contacts avec les notables arabes de la ville, plus il entendait que le frère d’Idris, al-Rida, qui était devenu officiellement son adjoint en Cyrénaïque, serait prêt à se soumettre aux Italiens s’ils ouvraient des lignes de communication. Et, avec le soutien de al-Rida, les tribus Mogarba, Mogarba Sciammach et Auaghir qui se trouvaient sur le chemin de la marche de la colonne italienne vers le sud feraient de même. S’il arrivait à conclure un tel accord, toute la Libye ferait un grand pas vers la pacification. Il démontrerait sa maîtrise dans le commandement des affaires coloniales et clouerait le bec à tous les mauvais esprits.
33Le timing était critique. On était presque en octobre et al-Rida était à Jalo. Sharif el-Ghariani, un notable de Benghazi, avait contacté Abd el-Aziz el-Isaui ez-Zintani, célèbre pour son intelligence, qui avait été de facto le ministre des Affaires étrangères du Mahdi, le père d’Idris et de al-Rida. Il était prêt à faire l’intermédiaire. Une fois que al-Rida serait persuadé de venir dans la capitale, el-Ghariani le recevrait chez lui, avec les égards dus à son rang élevé, dans sa villa de la banlieue de Benghazi, pendant qu’ils négocieraient la trêve finale. Fin octobre, le vieil el-Isaui était venu avec une lettre de al-Rida. Après avoir consulté Federzoni, Teruzzi renvoya el-Isaui avec une autre lettre, qui partit sous de bons auspices le 16 novembre, jour du vingt-huitième anniversaire de Lilliana. Au retour d’el-Isaui le 22 décembre, le prestige du gouvernement était à son comble. Al-Rida qualifia la lettre de Teruzzi de « sublime » et professa « sa confiance absolue en [sa] parole loyale et en l’arrangement du gouvernement pour assurer notre honneur »32. Il était alors déjà en route, à dos de chameau, et devait arriver sous peu à Ajdabiya.
34Du point de vue de Federzoni, la révolte arabe concernait toute la Méditerranée. Les armes provenaient d’Égypte. Les Sanusi avaient déplacé leur base du djebel à Koufra. Depuis l’Égypte, l’émir en exil Idris fomentait des sentiments anti-italiens dans tout le monde arabe, dénonçant la brutalité et l’ineptie de l’Italie. Federzoni considérait la nécessité d’une « tranchée de sang » entre les insurgés et les civils : « Delenda Carthago33! » Au même moment, Badoglio sortait de son rôle de militaire, comme si lui, et non Mussolini, était le ministre des Affaires étrangères, en soutenant que les prétentions coloniales de l’Italie ne seraient jamais prises au sérieux par les grandes puissances par le seul moyen des traités. L’Italie devait s’assurer de son territoire par la voie militaire.
35La vision de Teruzzi était plus locale. Il prêtait l’oreille à ses propres conseils, à la population de Benghazi et à Lilliana, son principal moteur. Lorsque le Popolo d’Italia l’interviewa fin octobre à Rome, il opina : « Le secret pour gagner les populations musulmanes et spécialement les nomades se trouve concrètement dans une sage conciliation de l’usage de la force avec les moyens de la persuasion34. » Sa vision était sans doute politiquement juste et ses paroles, inhabituellement sophistiquées, étaient cueillies parmi la foule cosmopolite qu’il rencontrait dans le salon de Margherita Sarfatti. À ce moment-là, d’autres puissances coloniales avaient décidé de poursuivre une semblable politique de conciliation, après avoir été similairement implacables. Cela aurait bien pu marcher. Mais ce n’était pas la politique italienne du moment. Vers la fin de la journée du Nouvel An, Teruzzi jubilait. Al-Rida était arrivé à Ajdabiya pour conclure la trêve. Il télégraphia à Mussolini un télégramme de quatorze lignes, disant en substance : « Chef de la rébellion sanusi de quatre ans s’est soumis. »
36Le lendemain, Federzoni lui envoya un télégramme. Il devait mettre al-Rida aux arrêts35. Teruzzi s’insurgea, sans succès. Une semaine plus tard, menotté avec le vieil el-Isaui, al-Rida fut embarqué pour la Sicile et pour l’exil sur l’île d’Ustica. Il confia à son hôte el-Ghariani son poignard serti de pierres précieuses, symbole de son commandement36.
37Tout Benghazi était outré de l’abus de confiance du gouvernement. Teruzzi fut forcé de ramper. Il avait sur la conscience non seulement al-Rida, mais aussi l’exil de Ikuan el-Isaui, qui du 3 au 10 mars 1928 (ramadan 1346) lui écrivit, plaidant pour que Teruzzi le libère avant qu’il ne meure de froid, lui rappelant qu’il avait voyagé en tous sens à travers le désert pendant six mois, sur « les ordres d’en haut », « avec les mains pures et un cœur sincère », ne désirant « que ses louanges, nulle compensation »37.
38Lors de la célébration officielle de l’Aïd al-Fitr, la fin du ramadan, deux semaines plus tard, Teruzzi soutint qu’il avait en fait aidé al-Rida en le faisant envoyer en Sicile, où il ne pourrait être soupçonné de connivence avec Omar al-Mokhtar. Plus tard, il arguera que cet ordre ultime était juste, mais que « son concept à lui » l’était aussi. Il avait pensé garder al-Rida à Benghazi pendant deux ou trois mois « afin de maximiser la résonance » de son acte de soumission. Mais alors, plus personne en Italie métropolitaine ne s’en souciait. Quiconque aurait suivi l’histoire aurait acquiescé à la version officielle, à savoir que l’exil en Sicile était une sinécure en comparaison de la punition que le pseudo-émir méritait largement pour ses années de trahison38.
39Entre-temps, Teruzzi s’était envolé pour le 29e parallèle afin d’être présent à la tête des troupes au moment où elles entreraient dans l’oasis de Jalo et pour être photographié sur son cheval lorsque les cheikhs jureraient de se soumettre à la domination italienne. Fin juillet 1928, Federzoni alerta Teruzzi que les opérations militaires en cours « ne contribuaient pas à une résolution décisive de la pacification du pays39 ». Puis il ordonna que la campagne soit achevée le plus vite possible et par tous les moyens autorisés. Suivant l’exemple de l’armée en Tripolitaine, Teruzzi s’était déjà engagé dans cette voie. Le gouvernement italien n’avait que récemment signé la convention internationale proscrivant l’utilisation des gaz toxiques au combat. Le maréchal Badoglio recommandait son usage, et Mussolini approuva et signa. Dans son rapport journalier du 16 février 1928, Teruzzi nota qu’un escadron de dix-huit avions de combat Caproni avait bombardé au gaz et mitraillé des campements voisins de Wadi Engar. Ils avaient détruit quarante tentes, dont vingt appartenant à de grandes unités familiales, et tué des centaines d’animaux40.
40À la fin du printemps 1928, selon l’opinion militaire de l’époque et plus tard celle des histoires militaires italiennes de cette guerre, tous les territoires habités de la Cyrénaïque avaient été sécurisés. Tout ce qu’il restait à faire était quelques opérations de nettoyage. Mais ce n’était pas là les vues de Graziani, qui faisait pression dans le Fezzan, ni celles de Mussolini, qui était frappé par la personnalité hors norme du général, son audace et son implacabilité. Tel un Scipion l’Africain des temps modernes, Graziani s’enorgueillissait d’avoir été un général fasciste avant que Mussolini lui-même ne sût à quoi ressemblait un général fasciste.
Fig. 16 – Le commandant en chef Teruzzi à cheval reçoit le serment de soumission des chefs arabes à Jalo, Cyrénaïque, février 1928

Photographie : Manlio Lega.
© Lilliana Weinman Teruzzi Estate.
41Au printemps 1928, la splendeur de la position de vice-reine de Cyrénaïque s’était émoussée pour Lilliana. La vie à la Palazzina avait été tellement excitante durant la première année. Même lorsqu’ils n’avaient pas d’hôtes en résidence à la maison, ils recevaient toujours huit ou dix personnes à déjeuner et à dîner. Lilliana avait joui de l’adulation. Le « peuple » l’aimait, pour autant qu’elle savait. Le journal célébrait son anniversaire et l’anniversaire de leur mariage. Les pêcheurs baptisèrent l’allée le long des rampes de mise à l’eau en son honneur. Un employé municipal baptisa sa première enfant Lilliana.
42Plus tard, Lilliana blâmerait l’arrivée de sa belle-mère, Celestina, pour le changement d’ambiance. Quand le couple était fiancé, Lilliana avait rarement eu l’occasion de rencontrer sa belle-mère et nulle raison de penser que la vieille dame viendrait un jour vivre avec eux. Mais Celestina avait maintenant soixante-treize ans, elle n’avait pas de pension et n’avait pas d’autre famille proche à Milan. Elle souffrait d’un asthme chronique et ne supportait pas la chaleur accablante de la ville en été. Le 27 juillet 1927, une foule abondante et enthousiaste accueillit « l’éminente dame » au terminal maritime, « toute florissante et indescriptiblement heureuse de l’étreinte de son fils »41.
43Avec son large visage lombard profondément ridé, ses cheveux blancs en chignon, ses robes mission et son petit sac à main au bout d’une chaîne, Celestina se révéla être un personnage plus sympathique que sa belle-fille américaine. En l’espace de quelques jours, on pouvait trouver « la Mamma » rôder autour de la cuisine, en position éminente à la table de la salle à manger ou sur son siège dans le salon, où elle suivait la conversation, tricotant une manche de pull-over ou un gilet et en offrant durant les pauses de la conversation un de ses touchants aphorismes lombards. Au bout de quelques mois, elle était devenue un élément du décor public : sur l’estrade, derrière sa belle-fille ; dehors, pour sa promenade de l’après-midi ; ou se frayant un chemin à travers le quartier arabe pour une mission de charité, apportant de la nourriture ou des vêtements aux Italiens indigents.
44Chaque fois que la femme du gouverneur retournait sur le continent, ce qui arriva en deux occasions au moins durant l’année suivante, Celestina faisait les honneurs de la Palazzina. Elle commença aussi à faire venir ses propres amis. Le petit-cousin de Teruzzi du côté maternel, Enrico Carissimo, arriva avec une commission d’industriels des manufactures textiles de Côme pour faire du lobbying auprès du gouverneur afin qu’il établisse un monopole sur les burnous de coton et les foulards portés par les locaux. Attilio dut mettre en balance la réticence de ses sujets arabes et les sentiments blessés de sa mère. Plus tard, il répara son refus en faisant de son cousin son secrétaire personnel, puis en le promouvant au rang de consul dans la Milice fasciste.
45Puis il y avait l’évêque catholique, Mgr Bigi. Comme il n’avait ni famille ni entourage à lui, il venait souvent manger à la Palazzina. En Celestina, il trouva un exemple vivant de la foi simple des catholiques lombards du xixe siècle. Leurs conversations à table amenèrent Teruzzi à des réflexions profondes sur le peu d’estime qu’il avait jusqu’alors porté à la foi catholique, en comparaison de ses génuflexions respectueuses à l’adresse du rabbin et de la communauté juive, et du cadi et des musulmans. Sa mère l’incitait à plaire au nouvel archevêque, un bel homme chaleureux, le rejeton d’une importante famille d’Orvieto, qui s’efforçait de gagner Teruzzi à son plan de faire de Benghazi le siège de la plus grande cathédrale de toute l’Afrique.
46Si l’on en croit Lilliana, sa belle-mère encouragea les pires habitudes de Teruzzi. Elle se mettait en quatre pour lui. Elle se tint penchée au-dessus de son lit lorsqu’il eut une forte fièvre, comme s’il était sur le point d’expirer. Lilliana soupçonnait Teruzzi d’avoir des aventures sexuelles, ce qui était le cas. Sa mère le couvrait lorsqu’elle lui faisait des scènes de jalousie. « À quoi donc s’attendait-elle ? » disait de fait Celestina : « C’était un homme de quarante-cinq ans ; il n’avait jamais prétendu être vierge ; il s’assagirait dès qu’elle lui aurait donné un enfant42. »
47Personne en Italie n’attendait d’une belle-fille qu’elle n’en veuille pas à la façon dont sa belle-mère idolâtre son fils, ou des mères qu’elles n’éprouvent pas de rancune à l’égard de leurs belles-filles. Mais Lilliana, gonflée à bloc par le pouvoir de Teruzzi et leur mission commune, avait du mal à accepter les peccadilles de son mari. Elle les couvrait pratiquement depuis qu’ils étaient revenus de leur lune de miel. Elle avait été blessée de découvrir qu’il avait toujours au moins une petite amie, l’irrépressible Pupy Torelli, fille d’un dignitaire fasciste de Plaisance et Alassio, avec laquelle il n’avait pas encore rompu. Elle avait été dévastée d’apprendre qu’il avait des dettes très importantes, et s’inquiétait de ce que dirait son père s’il apprenait qu’elle avait utilisé la presque totalité de sa première allocation pour les payer. En Cyrénaïque, les dettes n’étaient plus un problème, mais le sexe, oui. Lilliana s’efforçait de faire preuve de hauteur de vue quand ils allaient au théâtre et que son mari scrutait la salle à la découverte de nouveaux minois féminins.
Fig. 17 – Teruzzi avec Lilliana, sa mère Celestina et des amis sur la plage de Giuliana, Benghazi, 1928

© Lilliana Weinman Teruzzi Estate.
48Quelle épouse n’aurait pas été tentée, son mari étant parti pour le champ de bataille, et sachant qu’il l’avait trompée, de forcer son coffre-fort et de lire le paquet de lettres qu’il avait gardé de ses vieilles conquêtes ? Ceci l’amena à découvrir une autre femme encore, avec laquelle il avait commencé une liaison alors qu’ils venaient juste de se marier. On peut imaginer son horreur en lisant la lettre de Maria, qu’il connaissait de Sondrio. « Cher Atti », écrivait-elle, en lui révélant qu’elle avait avorté afin de le libérer « des minuscules mains qui auraient pu obstruer ton chemin »43.
49Le gouverneur avait renvoyé son fidèle secrétaire, Ferdinando Solimena, fin 1927, après quelque scandale autour d’une femme et de cocaïne, et il l’avait remplacé par Antonio Zamboni, « ce p. et p. », écrivait-elle avec pruderie – « pédéraste et proxénète » –, une de ces épaves qui avait trouvé du réconfort en la tolérante compagnie de Teruzzi et qui s’était rendu à Benghazi pour échapper à Dieu sait quels problèmes avec la loi. Et pour fuir sa femme aussi, selon Lilliana. Il aurait fallu qu’elle soit mégalomane pour croire que leur amour était d’un ordre supérieur, après que Zamboni et d’autres l’eurent physiquement empêchée d’entrer dans le bureau de son mari alors qu’il s’y trouvait avec une femme. Sa propre souffrance, quelle qu’elle fût, n’était pas le plus important : ce comportement était indigne des idéaux qu’ils partageaient, de la bonne réputation de Teruzzi et de son devoir d’offrir un bon exemple aux autres44.
50Nombreuses sont les références faites aux deux faces de Teruzzi, son « austérité » et son « hédonisme », sa gravité et ses excès. Lilliana était le point d’ancrage de la première ; Zamboni était le fournisseur de la seconde, ce qui, dans les colonies, voulait dire la drogue et le sexe. C’était une prérogative du soldat colonial, même si ce soldat-ci se trouvait être gouverneur et commandant en chef. Il y avait les jeunes femmes italiennes, qui de plus en plus souvent arrivaient seules, cherchant fortune, et qui se présentaient aux bureaux du gouverneur pour s’informer et trouver du travail. Il y avait le nommé Black Fondouk, ou quartier soudanais, décrié pour ses danses érotiques à ciel ouvert. Les officiers des garnisons voisines organisaient de folles soirées, amusant les femmes blanches et noires avec une prodigalité égale, mais en les gardant strictement séparées.
51Et puis il y avait les garçons arabes. Comme Benghazi s’italianisait de plus en plus, selon les paroles d’un observateur intéressé, les « audacieux premiers colons, avec leurs casques et leurs bottes étroites, leurs éperons et leurs fouets, firent place […] à une nouvelle génération qui avait une prédilection pour les beaux habits et les frivolités excentriques45 ». Ceux-ci étaient charmés par « les foules d’enfants, [qui n’avaient] rien de la dignité et de la distance » des hommes des tribus bédouines :
[D]e radieux petits diables, précoces, inquiétants et souriants, des garçons arabes, minces, nerveux, pétulants, effrontés […] toujours prêts à jouer des tours, à tortiller leurs petits ventres pour faire la danse du ventre, à parodier les mouvements des soldats, à ouvrir leurs bouches insolentes ; indiscrets, curieux, entreprenants […] Ils font grappe autour des hôtels, des campements, des casernes, espérant obtenir du pain, ou quelques lires […] tous des galopins, à embrasser et à punir46.
52Lorsque Lilliana faisait des scènes de jalousie au sujet des femmes (les garçons n’apparaissaient pas dans les lettres dérobées ou autour de la Palazzina), Teruzzi se disait sans doute qu’il devrait faire preuve de moins de maladresse, non que son comportement eût quoi que ce soit de commun avec l’amour et le respect qu’il lui portait. Quand elle enrageait auprès de sa belle-mère, la vieille dame ne montrait guère de sympathie : « il changerait quand elle aurait un enfant », telle était la ritournelle. Exaspérée, Lilliana siffla ce qui devait résonner comme un blasphème aux oreilles de la vieille Lombarde catholique : « Si votre fils ne fait pas attention, je divorcerai47. »
53La maternité ne revêtait guère d’urgence alors, quoique tous les deux auraient été heureux qu’elle conçoive. Quand il parut qu’elle pourrait être enceinte en août 1927, Attilio lui offrit un portrait de lui-même en habit de gouverneur, coiffé de son chapeau d’amiral, avec l’inscription : « À ma chère Lilli, avec mon cœur débordant de tendresse et dans le même espoir48. » Mais elle fit une fausse couche. Lorsque le Dr Artom, son gynécologue à Rome, l’examina et qu’il ne trouva rien d’anormal, il plaisanta en disant qu’on devrait la lui ramener par hydravion quand leur héritier serait prêt.
54Rien ne manquait aux honneurs publics dont Teruzzi gratifiait sa femme : sirènes et saluts fascistes quand ils se rendaient à la plage avec leur escorte ; faire retarder de vingt-quatre heures le navire régulier quand le temps était mauvais, afin qu’elle ne souffre pas du mal de mer. Des télégrammes envoyés sur le continent enjoignaient aux préfets de la traiter comme si elle était un haut dignitaire lorsqu’elle arrivait à Syracuse, qu’elle prenait le train pour Naples, qu’elle changeait à Naples pour Rome, toujours accueillie par des foules de congratulateurs et des bouquets de fleurs.
55Teruzzi était devenu tellement convaincu que sa femme lui était indispensable qu’en octobre 1928, lorsqu’elle retourna à Rome, il lui confia une mission spéciale qui mêlait amitié et politique d’une manière que lui-même n’avait pas encore appris à gérer. Les élections pour la Chambre des députés auraient lieu au printemps et Francesco Malgeri, son ambitieux ami journaliste de Messine, voulait son aide pour atterrir sur la liste. Imaginez sa femme se serrant en petit comité avec Federzoni, le quadrumvir Michele Bianchi et quelques autres notables du parti, essayant de les convaincre, et le plaisir qu’ils mirent à la contrarier (comment Teruzzi pouvait-il envoyer un messager aussi inapproprié, si vraiment il considérait cette mission si importante) en lui demandant pourquoi « ce cher Teruzzi » proposerait « une personne aussi perfide et incompétente »49. Malgeri n’oublierait pas ce faux pas. Un autre faux pas fut d’utiliser une voiture du gouvernement pour la faire conduire à ses rendez-vous, alors que le nouveau secrétaire du parti sévissait contre de tels abus. Lorsque les informateurs habituels en firent part au Duce, ce dernier demanda à son secrétaire personnel d’alerter Teruzzi « pour dire à Lady Lilliana d’en finir50 ».
56Bien avant cela, en mai 1928, Lilliana avait marqué le huitième anniversaire de son arrivée en Italie. Elle était restée au loin depuis longtemps et elle avait de bonnes raisons de rentrer en Amérique. La plus urgente, se persuadait-elle, était de renouveler son passeport américain. L’Amérique avait été une bénédiction pour sa famille. De plus, elle était l’héritière de l’affaire de son père et celui-ci ne voulait pas qu’elle perde sa citoyenneté américaine. Elle voulait aussi montrer aux gens de chez elle qu’elle était demeurée fièrement juive et qu’elle en faisait preuve dès qu’elle le pouvait, même subrepticement. À Derna, par exemple, quand elle avait visité la synagogue et que la congrégation avait observé qu’elle avait dit à Teruzzi d’ôter son chapeau, le grand rabbin, qui parlait portugais, arabe et hébreu, s’en était trouvé encouragé à leur montrer le Sefer Torah, vieux de cinq cents ans, et ils l’avaient considérée, elle, comme si elle était « un rare joyau d’intelligence et de sagesse51 ».
57Ses pensées se tournaient aussi vers leur prochaine action. Rien n’allait plus vraiment à Benghazi. Si seulement elle pouvait prendre les choses en main, se demandait-elle dans des notes à elle-même, mais dans quelle langue ? Mener les choses en italien exigeait une terminologie tellement spécialisée52. Des rumeurs leur parvinrent selon lesquelles Mussolini, mécontent de l’impasse en Libye, était sur le point de remplacer les deux gouverneurs par son chef d’état-major de l’armée, le maréchal Pietro Badoglio. Isaac, qui sentait de loin que la confiance en soi de son gendre paraissait ébranlée, offrit une solution à l’américaine : ils devraient faire tous les deux un tour du monde53.
58Mais c’était aussi un moment propice pour visiter les États-Unis. Italo Balbo partait fin novembre pour les rencontres de la Conférence internationale de l’aviation civile à Washington et y resterait jusque début janvier pour faire le tour des installations aériennes américaines. Les États-Unis faisaient toute la presse et la bourse montait en flèche. L’opinion publique américaine s’enthousiasmait plus que jamais pour l’Italie fasciste.
59Leur projet de partir ensemble pour New York le 16 décembre fut perturbé par des rumeurs selon lesquelles Mussolini pourrait à tout moment annoncer une relève de la garde. Le maréchal Badoglio deviendrait le gouverneur des deux colonies. Une autre rumeur disait que Teruzzi serait nommé chef d’état-major de la Milice fasciste. On ne pouvait rien savoir tant que le Duce, n’écoutant que lui-même, n’avait pas décidé.
60Lilliana se rendrait aux États-Unis comme prévu, mais en compagnie de sa mère, qui la rejoignit d’Amsterdam où son père se trouvait pour affaires. Attilio la suivrait une fois qu’il aurait réglé ses affaires à Benghazi. À son départ de Naples, Attilio pleurait, inconsolable. Elle était son roc.
61Il la rejoindrait bientôt à New York, le consola-t-elle. L’accueil qu’il recevrait en Amérique le ferait monter en flèche aux yeux de Mussolini.
Notes de bas de page
1 Mario Bassi, « Giornate bengàsiane », La Stampa, 19 novembre 1927, p. 5.
2 Ibid.
3 AT, « Account book, 1926-1927 », Family Records, LWTP.
4 Mario Bassi, « Giornate bengàsiane », art. cité.
5 Voir Luigi Federzoni, 1927. Diario di un ministro del fascismo, Adriana Mocchi (éd.), Florence, Passigli, 1993, entrée du 26 février 1927, p. 116.
6 Ibid., entrée du 5 mars 1927, p. 125 ; Rapports du consul britannique Stanhope Palmer (Benghazi) au secrétaire d’État (Londres), 9 janvier et 29 octobre 1928, FO 371 / 12396, TNA.
7 Eric Armar Vully de Candole, The Life and Times of King Idris of Libya, Manchester, Mohamed Ben Ghalbon, 1989, p. 275.
8 Ibid.
9 Voir Attilio Teruzzi, Cirenaica verde, Milan, Mondadori, 1930, p. 34-35 ; également Luigi Federzoni, 1927. Diario…, op. cit., entrée du 20 janvier 1927, p. 48.
10 Voir Attilio Teruzzi, Cirenaica verde, op. cit., p. 35.
11 LWT, notes-souvenirs, s. d. [septembre 1938], Diaries, f., LWTP.
12 Télégramme d’AT (Benghazi) à Luigi Federzoni (Rome), 3 avril 1927, F. L-8, b. 156, f. 1-3-5, AUSSME ; Luigi Federzoni, 1927. Diario…, op. cit., entrées du 30 mars 1927, p. 147 ; 1er avril 1927, p. 149 ; 2 avril 1927, p. 151 ; 3 avril 1927, p. 152 ; 4 avril 1927, p. 153 ; 6 avril 1927, p. 158 ; 8 avril 1927, p. 159 ; 12 avril 1927, p. 162 ; et 14 avril 1927, p. 164.
13 « La Marcia della Colonna Ruggeri. Tre esecuzioni capitali a Cirene », Cirenaica Nuova, 22 mars 1927. Stanhope Palmer, consul britannique à Benghazi, fut le seul à faire le rapprochement, en commentant sur l’incident et sur la désertion massive de soldats réputés pour être « de loyaux Arabes » (Rapport du consul britannique Stanhope Palmer [Benghazi] au secrétaire d’État [Londres], 4 avril 1927, FO 371 / 12394, TNA).
14 Ibid.
15 Ibid.
16 Luigi Federzoni, 1927. Diario…, op. cit., entrée du 4 avril 1927, p. 153.
17 Attilio Teruzzi, Cirenaica verde, op. cit., p. 54-56. Il date cette rencontre de mars 1927 plutôt que de la fin juillet, peut-être pour souligner l’étendue de ses relations avec les Obeidat et, ainsi, la justesse de son jugement concernant leur fiabilité.
18 Lettre de LWT (Benghazi) à IW et RW (New York), 18 août 1927, Correspondence, b., LWTP.
19 « Discorso del Governatore », Cirenaica Nuova, 13 août 1927, p. 2.
20 « I particolari delle vittoriose giornate dell’11 e del 12 agosto: la relazione del Generale Mezzetti », Cirenaica Nuova, 17 août 1927, p. 1.
21 Lettre de LWT (Rome) à IW (New York), 19 juin 1927, Correspondence, b., LWTP.
22 Lettre de LWT (Rome) à IW (New York), 8 juin 1927, Correspondence, b., LWTP.
23 Lettres de LWT (Rome) à IW (New York), 31 mai, 5 juin et 19 juin 1927, Correspondence, b., LWTP.
24 LWT, notes-souvenirs, s. d. [septembre 1938], Diaries, f., LWTP.
25 Lettre de RW (Salsomaggiore) à IW (New York), 18 septembre 1927, Correspondence, b., LWTP.
26 Lettre de LWT (Milan) à AT (Benghazi), 15 juin 1927, Correspondence, b., LWTP.
27 Rapporté dans Lettre de RW (Salsomaggiore) à IW (New York), 18 septembre 1927, Correspondence, b., LWTP.
28 Lettre de LWT (Rome) à IW (New York), 24 septembre 1927, Correspondence, b., LWTP.
29 Lettre de LWT et AT (Benghazi) à IW et RW (New York), 25 décembre 1927, Correspondence, b., LWTP.
30 Mémo de Pietro Badoglio (Rome) à « B. Mussolini, S. E. Il capo del governo » (Rome), « Programma militare per le nostre colonie mediterranee », 4 p., 9 novembre 1927, Libia 1925-1928, b. 150 / 4, Africa II, MAI, ACS. Sur Badoglio, voir Piero Pieri et Giorgio Rochat, Pietro Badoglio. Maresciallo d’Italia, Milan, Mondadori, 2002.
31 Graziani mériterait une nouvelle biographie, pas seulement parce qu’il joua un rôle aussi incisif, emblématique et continu dans l’Italie fasciste, et qu’il fut tellement controversé, horrifiant les antifascistes et captivant les fascistes, mais parce que les sources sur lui sont extrêmement riches, incluant plusieurs de ses mémoires. En attendant, voir Angelo Del Boca, « Graziani, Rodolfo », in Dizionario biografico degli italiani, vol. 58, Rome, Istituto della Enciclopedia italiana, 2002, p. 829-834, disponible en ligne sur https://www.treccani.it/enciclopedia/rodolfo-graziani_%28Dizionario-Biografico%29/ [consulté le 13 février 2023] ; Alessandro Cova, Graziani. Un generale per il regime, Rome, Newton Compton, 1987, en particulier p. 62-109, 194-195, 248-279, 292 ; Giuseppe Mayda, Graziani l’Africano. Da Neghelli a Salò, Florence, La Nuova Italia, 1992.
32 Attilio Teruzzi, Cirenaica verde, op. cit., citation p. 202-203 et le détail minutieux des négociations p. 186-212.
33 Luigi Federzoni, 1927. Diario…, op. cit., entrée du 25 janvier 1927, p. 55.
34 Cirenaica Nuova, 4 novembre 1927, p. 1.
35 Voir Attilio Teruzzi, Cirenaica verde, op. cit., p. 211-212.
36 Voir Francesco Prestopino, Una città e il suo fotografo. La Bengasi coloniale, 1912-1941, Milan, La Vita Felice, 1999, p. 130-131.
37 Lettre d’Abd el-Aziz el-Isaui (Sicile) au « Governatore della Colonia » (Benghazi), 3 mars 1928, Libia 1925-1928, b. 150 / 4, Africa II, MAI, ACS.
38 Voir « In un tripudio di sole . . . La risposta di S. E. il Governatore », Cirenaica Nuova, 24 mars 1928, p. 2 ; Attilio Teruzzi, Cirenaica verde, op. cit., p. 212 ; Mario Bassi, « La Senussia e la rivoluzione fascista: dopo la sottomissione del Saied Reda », La Stampa, 27 janvier 1928, p. 2.
39 Mémo de Luigi Federzoni à Attilio Teruzzi, « Oggetto: riduzioni spese militari », 7 octobre 1928, S. E. Federzoni: colonie affari generali, b. 23, f. 224R, SPD, CR, ACS.
40 Télégramme d’AT (Benghazi) à Luigi Federzoni (Rome), 19 février 1928, Libia 1925-1928, b. 150 / 4, Africa II, MAI, ACS.
41 « La Mamma di S. E. Teruzzi a Bengàsi », Cirenaica Nuova, 15 juillet 1927, p. 1.
42 Déposition de LWT, session 7, 27 mai 1934, AR, CPM (1933-1936), sf. 2, LWTP.
43 Lettres de Pupy Torelli (Plaisance) à AT (Rome), 5 décembre et 8 décembre 1925 ; de Pupy Torelli (Alassio) à AT (Rome), 16 décembre 1926 ; et de [nom indéchiffrable] (Rome) à AT (Rome), 24 novembre 1926, Correspondence, b., LWTP.
44 Sur Zamboni, voir LWT, notes manuscrites, s. d. [1934], AR, CPM (1933-1936), sf. 8 DN, LWTP.
45 Ulderico Tegani, Bengàsi. Studio coloniale, Milan, Sonzogno, 1922, p. 130-131.
46 Ibid.
47 Déposition de Celestina Teruzzi, session 8, 30 août 1933, AR, CPM (1934-1936), sf. 2, LWTP.
48 Photographie de portrait d’AT, avec dédicace, 2 juin 1927, Family Photographs, LWTP.
49 LWT, notes manuscrites, s. d. [1934], AR, CPM (1933-1936), sf. 8 DN, LWTP.
50 Télégramme d’Alessandro Chiavolini (Rome) à AT (Benghazi), 2 novembre 1928, SPD, CR, AT, sf. LW, ACS.
51 Lettre de LWT (Benghazi) à IW et RW (New York), 18 août 1927, Correspondence, b., LWTP.
52 LWT, notes diverses, s. d. [1928], Diaries, b., LWTP.
53 LWT, notes-souvenirs, septembre 1938, Diaries, f., LWTP.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Penser global
Internationalisation et globalisation des sciences humaines et sociales
Michel Wieviorka, Laurent Lévi-Strauss et Gwenaëlle Lieppe (dir.)
2015
Laïcité, laïcités
Reconfigurations et nouveaux défis (Afrique, Amériques, Europe, Japon, Pays arabes)
Jean Baubérot, Micheline Milot et Philippe Portier (dir.)
2015
Subjectivation et désubjectivation
Penser le sujet dans la globalisation
Manuel Boucher, Geoffrey Pleyers et Paola Rebughini (dir.)
2017
Semé sans compter
Appréhension de l'environnement et statut de l'économie en pays totonaque (Sierra de Puebla, Mexique)
Nicolas Ellison
2013
Musicologie et Occupation
Science, musique et politique dans la France des « années noires »
Sara Iglesias
2014
Les Amériques, des constitutions aux démocraties
Philosophie du droit des Amériques
Jean-René Garcia, Denis Rolland et Patrice Vermeren (dir.)
2015