4. Le vocabulaire de parenté
p. 127–148
Texte intégral
1Nous sommes maintenant familiarisés avec les unités constitutives de la société de Τanebar-Evav, maisons et lignages essentiellement. Les relations qu’elles nouent entre elles de génération en génération sont multiples, imbriquées les unes dans les autres en un tissu très dense et formalisé. Pour être en état de les analyser il nous faut d’abord comprendre les catégories de la parenté au moyen desquelles elles s’expriment. Notre attention se portera essentiellement sur les termes de référence qui permettent à chaque sujet de se situer d’abord parmi sa parentèle, puis ensuite parmi ses parents par affinité. Les termes d’adresse, peu nombreux et souvent empruntés à d’autres langues, forment des catégories très générales et peu significatives. Un trait marquant cependant est l’usage d’un teknonyme pour s’adresser aux parents après la naissance de leur premier enfant.
1. Le vocabulaire de référence
2Le vocabulaire de parenté est relativement simple et comprend quatorze termes. A partir de la seconde génération ascendante et descendante et jusqu’à la cinquième, il y a assimilation des parents dans chaque génération et les termes sont réciproques. Les dix termes restants servent à distinguer les parents de trois générations, celle d’Ego et les premières générations ascendante et descendante. A ces termes de base on ajoute quelquefois des déterminants qui, pour la plupart, sont la marque de l’affinité. Comme les noms des différentes parties du corps humain, les termes de parenté (sauf un, ifar) comportent des suffixes qui précisent la relation pronominale (nominaux dépendants). Nous présentons ici chaque terme à la troisième personne du singulier, marquée par le suffixe n.
3L’ensemble formé par la parenté se dit yan te ; yan vient de yanan, « enfant », te (qui vient de ite) est un déterminant marquant le respect et le caractère féminin ; on peut traduire littéralement yan te par « enfants femmes » et mettre en parallèle cette expression avec celle qui qualifie l’ensemble des ascendants, ren ub te : « mères grands-mères ». Ren vient de renan, « mère », ub te est une abréviation de ubun te, « grand-mère ». Pour un système fondé en partie sur une idéologie patrilinéaire (les lignages, les maisons) il est remarquable que l’ensemble de la parenté et des ancêtres révèle une connotation féminine ; ceci prendra tout son sens dès que nous décrirons le système de l’alliance.
4Il existe aussi un terme qui répond à notre notion de généalogie ; c’est beb lar. Lorsque nous demandions aux gens leur généalogie, ils partaient de l’ancêtre patrilinéaire le plus éloigné pour « descendre » jusqu’à eux par les hommes de la lignée : cette généalogie était appelée beb lar. Beb signifie d’abord les restes, ce qu’on jette et, au figuré, les os ; lar est le sang ; l’ascendance est donc conçue comme « les os le sang ». Tous les descendants d’une personne, d’abord ses enfants puis leurs descendants sont qualifiés de minang larang « mon gras mon sang » (le gras est particulièrement valorisé ; « être gras » exprime l’excellence d’un poisson ou d’un porc consommé). La distinction entre ascendance et descendance se marque donc par l’absence de suffixe pronominal pour l’ascendance et par une opposition entre os et gras, entre les « restes » et le meilleur du repas. Il n’y a pas de terme pour traduire notre notion d’« affinité » et les parents par affinité sont inclus dans l’expression yan te.
Génération d’Ego
51. a’an
germain aîné de même sexe
cousin « aîné » de même sexe : c’est-à-dire celui dont le père ou la mère est le germain aîné de l’un des parents d’Ego
suivi de baran ou vat (« garçon » ou « fille ») : conjoint des deux catégories précédentes
(suivi de vat : épouse du frère aîné du mari)

Fig. 18. Termes de consanguinité. (Les chiffres des figures 18, 19 renvoient à la liste des termes étudiés dans le texte, pp. 128–32.)
62. warin
germain cadet de même sexe
cousin « cadet » de même sexe : c’est-à-dire celui dont le père ou la mère est le germain cadet de l’un des parents d’Ego
suivi de baran ou vat : conjoint des deux catégories précédentes
suivi de vat : épouse du frère cadet du mari)
73. uran
8– germain ou cousin de sexe opposé
Génération des parents
94. yaman
père, frère du père, mari de la soeur de la mère
suivi de a’an, on précise frère « aîné » du père, mari de la soeur « aînée » de la mère
suivi de warin, on précise frère « cadet » du père, mari de la soeur « cadette » de la mère
yaman turan : père du conjoint1
105. renan
mère, soeur de la mère, épouse du frère du père
suivi de a’an, on précise soeur « aînée » de la mère, épouse du frère « aîné » du père
suivi de warin, on précise soeur « cadette » de la mère, épouse du frère « cadet » du père
renan te : mère du conjoint2
116. memen
12– frère de la mère, mari de la soeur du père
137. avan
14– soeur du père, épouse du frère de la mère
Génération des enfants
158. yanan
enfant, enfant de germain ou de cousin
suivi de duan, on précise neveu ou nièce
suivi de turan ou te, gendre ou belle-fille
Générations symétriques à partir de la seconde
169. ubun
17– (génération –2, +2) grands-parents (peut être suivi de turan ou te qui indiquent le sexe), et petits-enfants
1810. nisin
19– (génération –3, +3) : arrière-grands-parents, arrière-petits-enfants
2011. kekan
21– (génération –4, +4) : parents des arrière-grands-parents, enfants des arrière-petits-enfants

Fig. 19. Termes d’alliance (pour Ego masculin et Ego féminin)
2212. hare’en-
23– (génération –5, +5) : grands-parents des arrière-grands-parents, petits-enfants des arrière-petits-enfants
Termes d’affinité de la génération d’ego
2413. hoan
25– conjoint (mari ou femme)
2614. ifar
affin de même sexe, c’est-à-dire soit conjoint de germain ou de cousin de sexe opposé (c’est-à-dire conjoint de uran), soit germain ou cousin de sexe opposé du conjoint (c’est-à-dire uran du conjoint)
femme du frère de l’épouse
mari de la soeur du mari
La génération d’Ego
27La génération d’Ego est la plus importante de toutes. Elle comprend cinq termes, dont deux de pure affinité, contre quatre pour la génération des parents, et nous verrons qu’elle commande la précédente, et non l’inverse : les principes sous-jacents au traitement de ces deux générations ne se lisent clairement que sur la génération d’Ego.
28Il n’existe pas de terme répondant à nos « frère » et « soeur », qui supposent une distinction de sexe absolue. Le sexe joue un rôle, mais rapporté à Ego. Tous les germains et cousins ensemble (trait « hawaïen ») sont distingués en premier lieu selon qu’ils sont de même sexe qu’Ego, ou de l’autre sexe. Une femme désigne sa soeur par le même terme qu’un homme son frère : la distinction de sexe est relative au sexe d’Ego.
29Un second principe de distinction est à l’oeuvre à l’intérieur du précédent : les germains et cousins de même sexe et eux seuls sont distingués en aînés et cadets. Ainsi il n’y a qu’un terme, uran, pour les germains et cousins de sexe opposé à celui d’Ego, tandis qu’il y a deux termes pour ceux de même sexe qu’Ego : a’an pour un(e) aîné(e), warin pour un(e) cadet(te). Ajoutons que la distinction aîné/cadet opère différemment pour les germains et pour les cousins : l’âge d’un germain d’Ego est comparé à celui d’Ego, et pour classer un cousin on compare l’âge des deux germains dont Ego et ce cousin sont issus. Par exemple le fils plus jeune qu’Ego masculin d’un frère aîné du père d’Ego est un aîné. Notons encore que pour les cousins on compare alors l’âge de leurs parents respectifs même s’ils sont de sexe différent. Ainsi le fils d’une soeur aînée du père d’un Ego masculin est un « aîné ». Il en est nécessairement ainsi pour que les désignations puissent couvrir l’ensemble des cousins de même sexe qu’Ego. Sur ce point donc, la distinction d’âge l’emporte sur la distinction de sexe relatif (fig· 20).

Fig. 20. Distinction d’âge dans deux générations successives
30On verra chemin faisant que cette étroite combinaison des deux distinctions de sexe relatif et d’âge relatif est très puissante. Nous voyons déjà qu’elle permet, au moyen d’une incohérence ou complication de détail, le plein développement de la distinction d’âge relatif elle-même.
31Si, conformément à l’usage en vigueur dans l’étude de vocabulaires d’un type différent de celui-ci, nous appelons « parallèle » la relation entre germains de même sexe et « croisée » la relation entre germains de sexe opposé, nous voyons qu’ici le présent système refuse précisément de transmettre cette relation d’une génération à la suivante. Notons tout de suite à cause de son importance un désaccord entre le vocabulaire et les institutions. Etant donné l’existence d’une règle de mariage avec la cousine croisée (matrilatérale), on attendrait que le vocabulaire distinguât entre cousins parallèles et cousins croisés ; il n’en est rien, et dans un tel mariage, un homme épouse une de ses soeurs « uran » à l’exclusion des autres.
32Nous n’avons pas épuisé l’usage de a’an et warin définis jusqu’ici comme aîné et cadet de même sexe qu’Ego. En effet on désigne par ces termes, moyennant l’addition des déterminants baran « homme » ou vat « femme », certains parents de sexe opposé à qui Ego est relié par l’intermédiaire d’un mariage. A’an vat, littéralement « aîné femme » pour un homme, est soit la soeur aînée de son épouse, soit l’épouse de son frère aîné (fig. 21b et d). On passe ainsi, à travers un mariage, d’un consanguin de même sexe à un affin de sexe opposé. Nous pouvons dire cela, car l’inversion marquée, contradictoire, du sexe signale évidemment l’introduction de l’affinité. Notons ici deux traits exceptionnels : le passage au sexe absolu et, corrélativement, le fait que chaque expression est propre à un seul sexe ; les hommes seuls utilisent vat, les femmes baran. Ego féminin dit « aînée homme » et « cadette homme » (fig. 21 a et c), lequel sera ou bien l’époux de la soeur cadette ou bien le cadet de l’époux3. Ici encore pourtant, il y a une exception, un emploi et un seul de a’an vat par un Ego féminin ; il s’agit de l’épouse de a’an baran comme frère du mari (fig. 21c). Etant donné que le parent correspondant pour un Ego masculin n’est pas nommé (hg. 21d), il est tentant d’expliquer ce trait de façon isolée par un fait de résidence : après leur mariage avec deux frères, les deux femmes (Ego et a’an vat, hg. 21c) font partie de la même maison et sont considérées comme deux « soeurs ». Il faut noter que dans tous ces emplois la distinction aîné/cadet s’étend aux parents par affinité tout en les distinguant de façon secondaire (par des déterminants) des consanguins.
< : aîné de
On peut remplacer partout a’an « aîné » par warin « cadet » en changeant de signe
Fig. 21. Ensemble des usages de la relation d’aîné pour les sujets féminins et masculins
33Deux termes sont propres à ce que nous appelons des parents par affinité : hoan, réciproque entre époux, et ifar4, qui est étroitement lié d’une part à hoan, d’autre part à uran ou « germain de sexe opposé ». En effet, la relation ifar résulte de la composition de hoan et de uran, elle désigne soit le hoan (époux) d’un uran (germain de sexe opposé), soit inversement le germain de sexe opposé de l’époux (uran du hoan) et, faut-il ajouter dans ce cas, son époux. Sauf pour ce dernier emploi, ifar désigne donc un parent du sexe d’Ego, comme hoan (mari, femme) un parent de sexe opposé (fig. 22)5.

Fig. 22. Les emplois de ifar en relation avec uran et hoan
34Le fait que ifar désigne deux personnes différentes d’un côté de la relation (frère de l’épouse et son conjoint, ou soeur de l’époux et son conjoint) tandis qu’il n’en désigne qu’une seule de l’autre (mari de soeur ou épouse du frère) est significatif ; c’est le premier chaînon croisé uran qui décide, permettant d’assimiler ensuite le conjoint de l’affin à l’affin. Mais ifar ne s’applique pas aux parents croisés de l’affin, c’est-à-dire après un deuxième chaînon croisé (la soeur du mari de la soeur). Quand il y a un lien de mariage, le mari et la femme sont identifiés dans la relation, tandis que dans la relation croisée, le frère ne peut être confondu avec la soeur.
35Dans la figure 22a, la relation croisée vient d’abord et décide de l’emploi du terme marquant l’affinité ; au-delà, après une deuxième relation croisée, il n’existe pas de terme. Dans la figure 22b, il y a d’abord la relation de mariage, puis la relation croisée, qui détermine l’emploi de ifar après la deuxième relation de mariage. On voit que le terme ifar est réciproque, de même que uran.
La génération des parents
36En passant à la génération précédente, une surprise nous attend. La nomenclature est en effet ici d’un type bien connu, à première vue tout différent de ce qu’on a trouvé à la génération centrale. On se croirait dans le système classique correspondant au mariage entre cousins croisés, qu’on a appelé en anglais « bifurcate-merging ». Deux catégories pour les hommes, où tombent réciproquement le père et l’oncle maternel, et deux pour les femmes, correspondant à la mère et à la tante paternelle. En somme, deux couples d’époux, distincts et radicalement distingués quant au sexe aussi bien : d’un côté des « pères » (yaman) et des « mères » (renan) – l’époux de la soeur de la mère étant un « père », l’épouse du frère du père étant une « mère » – de l’autre des « oncles maternels » (memen) et des « tantes paternelles » (avan) – étant entendu que l’épouse de l’oncle maternel est une « tante paternelle », et que l’époux de la tante paternelle est un« oncle maternel ».
37La distinction aîné/cadet s’applique ici de nouveau entre germains de même sexe et s’étend à leurs conjoints, mais elle n’altère pas ce qui précède car elle joue seulement à titre secondaire, par addition en suffixe des deux noms déjà connus, a’an et warin. Ainsi, yaman a’an est « père aîné », soit frère aîné du père, soit époux de la soeur aînée de la mère. On note que la distinction d’âge ne joue pas pour l’autre couple d’époux : c’est qu’il s’agit de germains de sexe différent, soit du père, soit de la mère, et de leur époux : soeur du père et son époux, frère de la mère et son épouse. On voit donc que pour l’application de la distinction d’aînesse entre germains, il y a correspondance exacte entre cette génération et la suivante, et ceci nous conduit à apercevoir un lien étroit entre les deux générations, par-delà les apparences et nonobstant le remplacement de la distinction de sexe relatif par celle de sexe absolu. Ce qui est conservé, c’est la distinction entre germains de même sexe et germains de sexe opposé, comme on l’a déjà aperçu, et elle suffit à rendre compte de la forme de la nomenclature dans cette génération, si l’on admet qu’un principe d’économie commande d’avoir aussi peu de termes que possible.
38En effet, on peut admettre, car le fait est fort général, qu’il faut distinguer le père de la mère par des termes radicalement différents, à raison de leur sexe, étant entendu que les deux relations ne diffèrent que par là et sont pour le reste traitées de même, donc structuralement identiques. Supposons donc que nous n’avons qu’un terme pour les parents masculins, et un pour les féminins. Il en résulterait que le frère ou germain de même sexe du père ne serait pas distingué du frère, ou germain de sexe différent de la mère (et de même pour les femmes). Donc il faut au minimum deux termes pour chaque sexe pour conserver à cette génération la distinction en cause, sur laquelle se greffe secondairement comme on l’a vu la même distinction d’âge que dans la génération d’Ego. En conclusion de ceci, on voit donc que la distinction entre parallèles et croisés opérée ici au moyen du sexe relatif détermine la même classification à la génération des parents que la distinction plus connue entre cousins parallèles et croisés qui correspond d’ordinaire au mariage des cousins croisés.
39On peut considérer autrement la continuité ou l’homologie dans la configuration des relations dans les deux générations successives. Soit la génération des parents vue d’abord en elle-même, et ensuite du point de vue des enfants. Si l’on prend soin de séparer (fig. 23) les germains de même sexe et leurs conjoints (relations parallèles) en a, des germains de sexe opposé et leurs conjoints (relations croisées) en b, on voit clairement en c et d qu’aux premiers correspond un des couples de termes pour la génération des parents, et aux seconds l’autre couple. En ce sens yaman-renan sont les « parallèles » de la génération supérieure, et memen-avan les « croisés ».
40Le seul fait qui rompe la symétrie est l’exclusion hors relation pour Ego masculin du conjoint de la soeur de l’épouse, tandis que Ego féminin inclut parmi ses parents l’épouse du frère de son mari (fig. 23a). Cette exclusion ne se répercute pas à la génération supérieure où ce type de parent est qualifié de yaman, en tant qu’époux de la soeur de la mère (fig. 23c).

Note : pour (a) et (b), les termes utilisés par Ego 2 féminin sont en italiques.
Fig. 23. Configuration à l’intérieur d’une génération (a, b) et configuration correspondante pour la génération suivante
41L’expression yaman a’an (qui qualifie la relation entre deux maisons à l’intérieur d’un ub et que nous avons traduite pour simplifier par « oncle paternel ») désigne au sens premier le frère aîné du père, le « père aîné », et à la suite tous les hommes de la lignée paternelle, les pères et les aînés.
42Il n’y a pas de terme correspondant à yaman a’an qui classerait toutes les mères en une lignée maternelle. Nous avons souligné par contre que l’ensemble de la parenté était désigné par l’expression « mères et grand-mères » qui ne permet pas de distinguer une lignée d’une autre puisqu’elles sont alors toutes confondues.
43A la génération supérieure, on utilise aussi les termes yaman et renan pour désigner le père et la mère du conjoint (beau-père, belle-mère d’Ego masculin ou féminin), mais en y ajoutant deux termes qui agissent comme déterminants, turan et te ; ce sont des termes honorifiques employés par ailleurs pour s’adresser à des étrangers ou à des gens qui ont une fonction importante ou à toute personne à qui l’on veut marquer le respect.
44De nos jours, memen et avan sont de moins en moins employés ; on les remplace par yaman et renan. Dans certains cas, cependant, on les utilise sous la forme d’expressions spécifiques comme par exemple yamang-memeng, mes « pères et oncles », c’est-à-dire tous les hommes de la génération supérieure, ou renang-avang mes « mères et tantes », toutes les femmes de la génération supérieure (le suffixe ng marque la première personne du singulier).
45On dit encore : renang-avang Toknil-Masbaït, yamang-memeng Welav-Farfar, pour désigner l’ensemble des anciens du village, vivants ou morts, qui sont la société de Tanebar-Evav, en référence aux deux noms féminins et aux deux noms masculins qui caractérisent le village dans les chants et les récits par opposition aux autres villages de Kei (cf. p. 49).
La génération des enfants
46La génération inférieure n’a qu’un seul terme de base, yanan, « enfant ». Voilà encore un trait « hawaïen ». Par rapport au système lui-même, d’après ce que nous en savons dans les deux générations supérieures, l’absence de distinction de sexe (absolu) ne surprend pas. On remarque davantage l’absence de distinction entre les enfants de deux sortes de couples mariés que distinguait la génération d’Ego (cf. fig. 23 a et b), mais nous avons déjà rencontré ce trait à propos de la classification de tous les cousins ensemble, qu’ils soient enfants de germains parallèles ou croisés. En somme, la combinaison de sexe relatif et d’aînesse qui caractérise le système est à l’oeuvre dans la génération centrale et se répercute uniquement vers le haut, dans la génération des parents. Il y a là une différence majeure avec la distinction classique entre parallèles et croisés qui caractérise les systèmes à mariage des cousines croisées et qui, elle, se reproduit identiquement dans les trois générations centrales à tout le moins.
47Il existe cependant une distinction secondaire, qui n’altère pas l’unité de la catégorie des « enfants ». Si l’on veut préciser qu’il s’agit de neveux ou de nièces, on peut ajouter au terme de base yanan le déterminant duan et dire yanan duan ; cette expression peu employée, apparaît surtout pour désigner une relation marquée par un échange de prestations entre maisons par exemple ; de même que l’on justifie telle prestation par une relation d’affinité, on dit que telle autre s’effectue au titre de yanan duan. En dehors de ces occasions où l’on veut marquer le lien particulier entre deux partenaires, les neveux et nièces sont couramment appelés yanan.
48Duan peut se traduire par « maître », « seigneur », ou parfois « gardien » ; il qualifie celui qui a la garde de quelque chose ou de quelqu’un, qui veille sur, qui protège, qui a une relation particulière à la chose ou à la personne protégée et quelquefois un droit particulier sur elle. On commentera plus longuement l’expression yanan duan dans la conclusion de ce chapitre.
49A la génération des enfants, les déterminants déjà rencontrés turan et te sont accolés à yanan (yanan turan, yanan te) pour désigner un gendre ou une bru.
50Par rapport à l’ensemble des yanan duan, l’un d’entre eux pourra changer de statut au cours de son existence et transformer sa relation vis-à-vis du frère de sa mère. Puisque la coutume prescrit le mariage de l’aîné du lignage avec la fille du frère de sa mère, de yanan duan il deviendra yanan turan, c’est-à-dire gendre, tandis que ses frères cadets resteront yanan duan. Ainsi, l’opposition entre yanan turan et yanan duan renvoie à une hiérarchie entre un aîné qui contracte un mariage prescrit et des cadets que ce mariage laisse dans une plus grande dépendance par rapport à leur oncle maternel et à leur aîné.
Les autres générations
51A partir des grands-parents et des petits-enfants, et pour quatre générations successives, on n’a plus chaque fois qu’un seul terme réciproque, c’est-à-dire que le vocabulaire indique seulement la distance entre générations, sans préciser la direction (ascendants et descendants) ni le sexe. L’identification du petits-fils au grand-père est renforcée par le fait que l’on donne souvent à un enfant le nom de son grand-père.
52Pour les grands-parents, on ajoute parfois les déterminants honorifiques turan et te : ubun turan le grand-père, ubun te, la grand-mère.
2. L’adresse
53Au niveau de l’adresse, tous les hommes de la classe d’âge du père sont appelés mam ou encore parfois bab – ce dernier terme vient de l’indonésien ; les femmes et surtout les grands-mères sont appelées nen, quelle que soit la relation de parenté particulière que l’on a avec elles. Les grands-pères sont appelés ubun ou par un terme diminutif de ubun, bu par exemple, suivi de leur prénom. Les enfants s’adressent à leurs cadets, quel que soit leur sexe, par le terme ul, et les aînés sont appelés par leur prénom. Après la naissance de leur premier enfant, on s’adresse au père ou à la mère par le nom de l’enfant suivi de yaman ou renan, « père d’un tel », « mère d’un tel ». Si l’enfant meurt en bas âge, on utilisera le nom du deuxième enfant. Une fois grand-père, l’homme est encore appelé du nom de son premier-né par les hommes de sa classe d’âge ; mais les générations plus jeunes l’appellent par le terme de grand-père suivi de son nom. On porte souvent aussi des diminutifs, ou des surnoms liés à certains événements de sa propre vie ou à certaines caractéristiques personnelles. Un petit-fils portant le nom de son grand-père sera appelé par le surnom qu’on avait l’habitude de donner à ce grand-père, même s’il n’a pas les caractères correspondants. Les hommes d’un certain âge, ou remplissant des fonctions importantes, sont souvent appelés par le terme turan, terme de respect, suivi de leur prénom.
54Ces termes d’adresse, pas plus que les termes d’appellation d’ailleurs, n’impliquent en quelque manière une référence à des attitudes ou comportements spécifiques vis-à-vis de la parenté de chacun. La familiarité dans les rapports quotidiens est fonction de la plus ou moins grande proximité de résidence. Si l’on vit chez son oncle maternel, on se montre familier avec lui comme avec son propre père. Un frère de père vivant dans un quartier éloigné du sien sera traité avec plus de respect et de déférence qu’un oncle maternel qui habite la même maison. Les parents sont très proches de leurs enfants, et il n’y a pas de rapports tendus entre père et fils. Le père prend la parole le premier, le fils doit écouter, et l’inverse est considéré comme un manquement aux usages. Cette attitude est celle que l’on attend des plus jeunes envers toutes les personnes des générations supérieures. Les anciens ont la parole d’abord, les plus jeunes ensuite, quelle que soit leur fonction. Les vieilles femmes ont autorité sur les plus jeunes d’une manière générale, et pas seulement les belles-mères sur leurs belles-filles. Les relations dépendent aussi de la personnalité de chacun et de la proximité relative de la résidence, davantage que d’un code qui serait uniquement déduit de la relation de parenté. C’est la communauté de résidence qui crée les liens les plus forts au point que l’on dit que les enfants élevés sous le même toit ne peuvent se marier, même s’il s’agit d’un mariage conforme à la règle (avec la cousine croisée matrilatérale, par exemple).
3. Conclusion
55On peut, au stade présent, envisager les relations du vocabulaire avec d’autres aspects de la parenté ou de l’organisation sociale en général, en faisant référence aux chapitres précédents, et à l’occasion en anticipant sur ce qui va suivre.
56Sur un point, on a déjà pris la liberté de rapprocher un détail de vocabulaire d’une donnée extérieure : le fait que les épouses de deux frères disposent d’un terme pour se désigner réciproquement, tandis qu’il n’y en a pas pour les maris de deux soeurs, a été mis en rapport avec la résidence des deux femmes dans la même maison. La désignation était du reste obtenue par ce qu’on peut bien appeler une extension.
57Il faut également sortir du vocabulaire pour saisir les implications et le sens de l’expression yanan duan. Que signifie en effet cette distinction, à côté de la catégorie des « enfants », d’une catégorie des « neveux » ? Répondre à cette question c’est nous inviter d’abord à renverser la perspective et à nous placer dans la position de yanan duan vis-à-vis de tous les parents qui les désignent ainsi. Ensuite nous verrons comment la génération supérieure réussit à confondre les descendants de ceux qu’elle avait garde de distinguer.
58On peut être en situation de yanan duan par rapport à quatre couples de parents dont deux se nomment yaman-renan et les deux autres memen-avan. A chacun de ces couples correspond l’existence d’une maison et parfois des liens de mariage avec la maison du yanan duan.
59Une première relation avec un yaman et une renan son épouse, unit dans une même maison ou un même rin, des enfants de frères qui dépendent tous de l’aîné du lignage, chef de la même maison. Tous les oncles ont des responsabilités en tant que membre aîné ou cadet de la même maison et sont appelés yaman a’an ou yaman warin, « père aîné » ou « cadet ». Les relations entre oncles et neveux dépendent de l’aînesse à la génération supérieure. Le lien yanan duan-yaman a’an qualifie les relations internes d’un même groupe patrilinéaire et à coup sûr d’une même maison. On se souvient que cette expression qualifie les relations entre maisons d’un même ub, comme si celles-ci faisaient partie d’un même groupe patrilinéaire. De plus yanan duan désigne pour un noble ses esclaves domestiques qui font partie de la même maison sans qu’ils participent de son groupe patrilinéaire. Yanan duan marque donc essentiellement ici la dépendance à l’intérieur d’une même maison, conformément au modèle hiérarchique aîné-cadet.
60Une seconde relation unit des gens de lignages et de maisons différents : elle relie des neveux à un memen, frère de mère, et à son épouse, avan. Ce memen a des droits et des devoirs particuliers en tant que membre de la maison dont la mère est issue ; cette relation, que l’on verra par la suite caractérisée par plusieurs autres expressions, est essentiellement une relation vis-à-vis des donneurs de femmes appartenant à une maison différente, c’est-à-dire une relation d’affinité ; là aussi il y a une relation de dépendance vis-à-vis du frère de la mère, mais elle est hiérarchisée par l’affinité et non plus par l’aînesse. Une troisième relation est celle qui unit les neveux à la soeur du père, avan, mariée elle aussi dans une autre maison, où réside le preneur de femme, memen ; là encore il y a relation privilégiée, caractérisée par d’autres expressions relatives au mariage, et la hiérarchie est inversée, les preneurs étant inférieurs aux donneurs.
61Enfin, une quatrième relation unit les neveux à la soeur de la mère, renan, et à son conjoint, yaman, appartenant à une maison distincte des trois précédentes. Cette relation répond aux mêmes principes que la première, fondée sur des liens entre parents parallèles hiérarchisés selon l’aînesse. Ce yaman appartient à une maison avec laquelle il n’y a pas de mariage possible (descendants de deux soeurs) et il peut être classé comme un assimilé consanguin (assimilé aux frères du père). Cette relation semble souvent insignifiante en ce sens que la maison du père et celle de l’époux de la soeur de la mère n’ont aucune relation et que les deux hommes ne se nomment pas dans la terminologie de parenté ; mais précisément, la relation aux neveux crée des liens entre ces deux maisons qui sans cela n’en auraient point ; pour chaque maison, l’autre est en position de yanan duan, elle contient les descendants d’une soeur ; la relation par les yanan duan est la seule qui puisse justifier l’existence de prestations entre ces deux maisons ; on dit en effet quelquefois que telle prestation est faite par les yanan duan ; c’est le seul cas où l’emploi de ce terme est nécessaire pour expliciter une relation, puisque dans les autres relations entre oncle ou tante et neveux, un vocabulaire spécifique qualifie ces relations (soit celui de l’appartenance à la même maison, soit celui de l’affinité).
62Nous avons été contraints de déborder le cadre de la terminologie pour donner tout son sens au terme yanan duan, qui porte aussi sur des relations plus vastes comme celles avec les esclaves, celles de la société face à Hukum, à Adat et aux initiés6. Alors qu’au niveau de la terminologie, le terme marque une distance par rapport aux descendants directs yanan, nous avons pu préciser, en ayant recours au niveau plus général des maisons, que dans deux cas la relation est hiérarchisée par l’aînesse (dans une même maison ou entre deux maisons) et dans deux autres cas par l’alliance entre deux maisons. Autant dire que tous les yanan duan ne sont pas équivalents entre eux. Que signifie donc leur regroupement sous une même dénomination ?
63Du point de vue de la génération supérieure, ces « neveux » sont confondus, on dirait presque ramenés à la variété-type de neveux d’une même maison hiérarchisés par l’aînesse au niveau de leurs pères. Ce système semble réduire ainsi deux variétés de neveux, l’une hiérarchisée par l’alliance, l’autre par l’aînesse au niveau de leur mère.
64Nous sommes parvenus à un point où les relations qui nous apparaissent relever de l’affinité sont recouvertes, non pas par la filiation mais par la distinction d’âge (notamment des parents de la génération supérieure). En général, dans les générations égale et supérieure, l’affinité est subordonnée à la distinction de sexe relatif entre consanguins ; elle est ainsi résiduelle et ne se transmet pas de haut en bas puisque les enfants des germains croisés sont confondus avec ceux des parallèles. Ce point est important, car ce n’est pas ce que l’on pourrait attendre d’un système de parenté qui connaît une règle de mariage entre cousins croisés.
65En d’autres termes la distinction de génération et la hiérarchie d’aînesse englobent tout cela et ramènent tout au modèle d’une seule maison. C’est comme si le rapport entre une génération et celle qui la suit faisait fi de la séparation entre maisons pour ne plus connaître qu’une seule communauté de descendants d’un même ensemble de frères et de soeurs. C’est en cela précisément que la société se conçoit, à un niveau idéal et mythique, sur le modèle d’une « maison » de frères soeurs confondus et seulement ordonnés par le principe de l’aînesse qui semble abolir en cela la distinction des sexes.
66On a déjà noté un aspect de désaccord entre le vocabulaire et le mariage avec la cousine croisée matrilatérale au sens restreint, qui est de règle pour l’aîné de maison ou de rin. Un tel mariage provoque des changements profonds dans la désignation des parents ; d’abord l’épouse, qui était appelée uran, « soeur », devient hoan ; la soeur de l’épouse, qui était aussi uran devient alors a’an vat ou warin val, suivant son âge par rapport à l’épouse ; elle entre du même coup dans la catégorie des non-épousables. Le frère de l’épouse, qui était a’an ou warin, « aîné » ou « cadet » devient ifar : il passe de la catégorie des « frères » à celle des affins. A la génération supérieure à Ego, l’oncle maternel était classé dans une catégorie différente de celle des « pères », mais une fois l’alliance renouvelée, il devient un « père » par alliance, yaman turan. Ego lui-même ne change pas radicalement de catégorie pour son oncle : il était yanan duan, « neveu », il devient « gendre », yanan turan (fig. 24).
67Si l’on considère les déterminants juxtaposés aux termes de parenté simples, on s’aperçoit que la plupart – hormis duan dans yanan duan – signalent l’affinité. Ce sont d’abord la paire turan et te qui s’applique aux beaux-parents (beau-père et belle-mère d’un homme ou d’une femme) ou au gendre et à la bru, et précise pour des petits-enfants, le sexe de leurs grands-parents (ubun turan, grand-père, ubun te, grand-mère). En spécifiant turan et te les petits-enfants semblent marquer le fait que leurs grands-parents sont aussi les beaux-parents de leurs propres parents. Ici, la catégorie du sexe désigne plus spécialement les liens créés à partir du mariage.
68Il en est de même pour les déterminants baran et vat qui, associés à a’an et warin, permettent de rattacher des affins aux consanguins parallèles.

Fig. 24. Changements de désignations dans le cas de mariage matrilatéral (Ego masculin).
Note : les chiffres renvoient à la liste des termes étudiés dans le texte, pp. 128–32.
69On voit qu’il se pose ici une question grave : selon toute apparence, nous sommes en présence d’une hétérogénéité foncière entre vocabulaire et règle de mariage (voir chap. 5). Rien en effet dans la terminologie ne laisse prévoir l’existence d’un système d’alliance asymétrique : par exemple, le beau-père et le frère de la mère ne sont pas confondus et appartiennent au contraire à des classes différentes ; l’épouse préférentielle n’est pas distinguée des soeurs et le neveu utérin est classé comme les autres neveux. L’affinité est peu marquée contrairement à ce que l’on s’attend à rencontrer dans une société où l’alliance asymétrique est pratiquée : deux termes spécifiques (ifar et hoan) et des dérivés des catégories de parenté simples auxquelles on ajoute un déterminant (turan, te, baran, vat). Par ailleurs, bien que ce type de mariage soit préféré pour les aînés, on considère que « le sang est chaud », c’est-à-dire qu’on est aux limites de l’inceste : pour effacer la faute on doit offrir un paiement symbolique à l’esprit Hukum. Non seulement la terminologie à ce niveau ne laisse pas pressentir la règle d’alliance mais celle-ci est ressentie comme contraire à l’ordre universel.
70Nous avons trouvé le principe du vocabulaire pour les trois générations centrales dans une stricte combinaison d’aînesse et de sexe relatif. La grande affaire est le classement de tous les germains et cousins de même sexe en aînés et cadets. La distinction de sexe relatif est dans l’ensemble subordonnée à la distinction d’âge, car, tandis que les germains et cousins de sexe opposé ne sont pas classés en aînés/cadets, les germains de sexe opposé le sont bel et bien en relation avec leurs enfants de même sexe pour permettre à la génération suivante le classement de tous les cousins de même sexe selon l’âge.
71Le résultat de cette combinaison complexe est l’existence de trois catégories fondamentales : aîné de même sexe, cadet de même sexe, frère-soeur ; cette dernière catégorie porte ce que le système admet d’affinité (ifar) au-delà des époux eux-mêmes (hoan).
72En somme, le vocabulaire nous prépare à trouver dans l’organisation sociale deux paires fondamentales : aîné-cadet, et frère-soeur. Or, c’est précisément ce que l’étude des groupes nous a appris : la hiérarchie aîné-cadet structure la maison et le lignage et au-delà elle constitue le modèle de toute hiérarchie. L’opposition aîné/cadet introduit une hiérarchie dans la relation entre des éléments en quelque sorte identiques, dont l’un est alors subordonné à l’autre ; essentiellement, c’est la complémentarité entre les éléments qui est ainsi marquée et que la hiérarchie ordonne, fournissant un modèle pour organiser les relations entre hommes ou entre groupes. Par rapport à l’opposition de génération (père-fils) marquée par une filiation sociologique ou symbolique, l’opposition aîné/cadet est une structure plus souple, à la limite de la filiation, qui permet de mettre en relation des éléments divers tout en conservant l’idée hiérarchique (ainsi, les deux rin d’une maison, les relations entre nobles et gens du commun, entre donneurs et preneurs de femmes).
Notes de bas de page
1 Turan pour l’homme et te pour la femme sont des déterminants honorifiques. On les emploie suivis du prénom ou du titre de la personne que l’on veut honorer. Ils sont utilisés aussi pour marquer le sexe de certains animaux, notamment des porcs.
2 Turan pour l’homme et te pour la femme sont des déterminants honorifiques. On les emploie suivis du prénom ou du titre de la personne que l’on veut honorer. Ils sont utilisés aussi pour marquer le sexe de certains animaux, notamment des porcs.
3 Ces dernières expressions ne peuvent pas être subsumées avec le nom simple dans un « terme » plus vaste comme dans un vocabulaire classificatoire. C’est la preuve que le vocabulaire est de nature descriptive, c’est-à-dire procède à partir d’Ego par composition de relations élémentaires (mais germanité + mariage = mariage + germanité).
4 Ifar vient du malais ipar, « beau-frère » et « belle-soeur ». Ce terme ne marque que l’affinité et rien d’autre ; c’est le seul qui ne soit pas suffixé pour marquer la relation pronominale.
5 Ce qui précède suggère une observation relative à l’emploi de la catégorie de sexe relatif. A l’inverse de l’expression de sexe absolu, celle du sexe relatif ne nous renseigne sur le sexe du parent désigné que si nous connaissons, hors de l’énoncé terminologique lui-même, celui de la personne qui parle (ou à qui le parent en question est référé par un tiers). Dans le cas général, la connaissance du sexe, soit du sujet parlant, soit de la personne désignée, permet de déduire le sexe du partenaire. Inversement, la connaissance extra-terminologique du sexe du parent en cause en même temps que d’Ego suffit, dans certains cas, à déterminer de quel emploi du terme il s’agit, donc de quelle relation précise. Ainsi, si Ego désigne comme ifar une personne de sexe opposé au sien, il ne peut s’agir que de l’époux d’un germain de sexe opposé de l’époux d’Ego. De façon un peu différente, l’indication de sexe absolu indique l’addition à la consanguinité de l’affinité (a’an et a’an baran) en même temps qu’elle fixe le sexe du sujet parlant, sauf pour l’emploi d’a’an vat par une femme qui, s’il est connu comme tel, fixe exactement la relation (épouse du frère du mari). On voit quelle dialectique le sexe relatif met en jeu entre le fait du sexe et son expression en relation à Ego.
6 Rappelons que la société de Tanebar-Evav est, en tant que haratut, qualifiée comme les « enfants » du dieu soleil-lune, et en tant que/or, de « neveux » des esprits Adat et Hukum, venus de l’extérieur. Cette distinction signale la position différente de la société vis-à-vis de ces instances.
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