Préface
p. 15-16
Texte intégral
1C'est avec une très grande satisfaction que j'accueille la publication de ce volume des « Documents d'archéologie française » consacré aux fouilles menées à Crévéchamps, en Meurthe-et-Moselle, de 1989 à 1994. Cette parution conclut le long parcours, parfois chaotique, de travaux de publication mis en place dès 1999. On la doit à la pugnacité et à la constance de Marie-Pierre Koenig, ingénieur à l'Inrap, qui a su maintenir le cap durant toutes ces années malgré les nombreux obstacles rencontrés.
2Le chantier de Crévéchamps est le témoin de la mise en place de l'archéologie préventive en Lorraine. Mise en place administrative en premier lieu, antérieure au cadre de la loi de 2001, à une époque où les négociations entre les services déconcentrés du ministère de la Culture et les aménageurs étaient longues et difficiles. Époque où seule la force de persuasion et la pédagogie des agents des directions des Antiquités permettaient d'engager des fouilles, appelées alors « de sauvetage ». Ainsi à deux reprises durant l'année 1989 des fouilles ont débuté puis ont été assez rapidement interrompues faute de moyens, avant que ne soit signée début 1991 une convention entre la direction des Antiquités de Lorraine et l'entreprise GSM, permettant l'intervention d'archéologues de l'Afan mais aussi d'objecteurs de conscience.
3Ce chantier témoigne aussi de la mise en place de ce que l'on nomme aujourd'hui les « diagnostics ». C'est un des chantiers lorrains sur lequel s'est développée la méthode des sondages à la pelle mécanique en quinconces [fig. P1, fig. P2]. Si les premiers sondages réalisés à Crévéchamps étaient assez ponctuels, dès décembre 1989 des sondages systématiques ont été entrepris sur l'ensemble de la surface à exploiter, avec des taux d'ouverture de 5 %. Bien qu'insuffisant pour repérer les sites les moins denses, ce taux, augmenté par la suite, a permis de mettre au jour des vestiges sur une quinzaine d'hectares.

FIG. P1 – Afin de détecter la présence de vestiges archéologiques, des sondages (rectangles clairs) ont été régulièrement ouverts sur l'ensemble des parcelles impactées par le projet d'exploitation de la sablière.
© F. Adam

FIG. P2 – Ces sondages disposés en quinconce ont permis la mise au jour de bâtiments, de palissades et d'anciens chenaux de la Moselle. Un vaste décapage (ici en zone D) a ensuite permis d'étudier le gisement d'habitat dans son ensemble.
© H. Paitier
4La fouille de longue haleine qui a suivi s'est déroulée en six phases successives sur ces quinze hectares, compliquant à la fois la réalisation sur le terrain et l'exploitation des données. La longue durée d'occupation du site et l'enchevêtrement des vestiges –pas moins de cent quarante bâtiments sur poteaux ont pu être identifiés dans le nuage de structures– ont ajouté à cette complexité. Dans de telles conditions, il est fort heureux que la même personne ait assuré avec opiniâtreté la continuité de la direction de l'opération, quasiment depuis les premières phases de fouille jusqu'à la publication.
5Cette publication n'aurait pas vu le jour sans le soutien et l'investissement financier de deux acteurs de l'archéologie nationale, le ministère de la Culture et l'Inrap. Devant l'intérêt archéologique des découvertes, souligné à plusieurs reprises par la commission interrégionale de la recherche archéologique Est, mais aussi par le Conseil national de la recherche archéologique, un projet de publication se met en place dès 1999 et est complété en 2004-2005. Il a connu un certain nombre de vicissitudes éditoriales qui n'étaient pas le fait de l'équipe archéologique, mais il a fini par être mené à son terme.
6Les moyens affectés, mais aussi l'esprit fédérateur de la responsable, ont permis de mobiliser sur cette publication plus d'une vingtaine d'archéologues et de spécialistes français et étrangers, agents de l'Afan / Inrap, mais aussi universitaires ou chercheurs du CNRS ou d'institutions étrangères. La mise en place d'un conseil scientifique composé de Françoise Audouze, directrice de recherche au CNRS, et Jean-François Piningre, conservateur au SRA de Franche-Comté, a permis d'orienter leurs travaux. Je dois également saluer l'engagement sans faille sur ce dossier de mon collègue Jean-Pierre Legendre qui a accompagné et soutenu le projet et l'équipe depuis le début.
7Il convient de souligner que malgré la parution tardive de cet ouvrage, les données qu'il présente restent d'actualité. Ce secteur de la vallée de la Moselle se situe encore actuellement à l'écart des zones d'aménagement les plus dynamiques en Lorraine, zones principalement localisées plus au nord, entre Nancy et Thionville. Il se caractérise par la présence d'un réseau de chenaux fossiles qui entaillent le gravier et isolent de nombreux dômes graveleux favorables aux occupations humaines. Les approches paléo-environnementales entreprises à l'époque sur ces paléocheneaux sont à souligner. Procéder à de telles études –devenues systématiques de nos jours– était loin d'être une évidence à l'époque. Les résultats de ces travaux ont fourni un cadre indispensable à la compréhension des occupations qui se sont succédées dans ce fond de vallon, en reconstituant les évolutions hydrauliques ainsi que l'histoire de la végétation et des pratiques agropastorales.
8La fréquentation du site débute clairement au Néolithique. Les données palynologiques témoignent d'un premier défrichement dans ce secteur, même si les vestiges mobiliers découverts sont épars. Les premières structures, peu nombreuses, remontent à l'âge du Bronze ancien, mais la phase la mieux documentée date du Bronze moyen, période principalement connue en Lorraine par des sites localisés dans un rayon de vingt kilomètres autour de Crévéchamps. Un habitat structuré et un second pôle moins bien appréhendé ont été étudiés pour cette phase. Le plus remarquable reste la découverte d'un vaste dépotoir en bordure d'un paléochenal contenant un exceptionnel ensemble de céramique de plus d'une tonne, qui constitue encore aujourd'hui une référence pour le Bronze moyen dans l'est de la France. Une typochronologie régionale a ainsi pu être proposée pour le Bronze moyen et le début du Bronze final. Bien que le site ait livré quelques traces d'occupation des phases suivantes du Bronze final, il semble que l'habitat lui-même soit localisé en dehors des emprises fouillées.
9En revanche les vestiges des âges du Fer sont nombreux et disséminés sur l'ensemble du site. Ils constituent un bel exemple de ferme isolée avec ses annexes, se déplaçant cycliquement au sein d'un terroir. Ce schéma semble évoluer au cours de La Tène avec une stabilisation dans l'espace foncier, caractérisée par une densification des bâtiments et des phénomènes de reconstruction sur place.
10La dernière occupation étudiée est celle de l'Antiquité. Un petit habitat avec quelques bâtiments en bois et une petite nécropole ont été identifiés, mais c'est surtout l'argilière composée d'environ huit cents fosses d'extraction implantées sur une surface de trois hectares qui représente la découverte la plus importante de cette période. Elle n'a pas d'équivalent en Lorraine.
11Ces quelques points montrent l'intérêt toujours actuel de ces travaux pourtant mis en place aux débuts de l'archéologie de sauvetage. À n'en pas douter, cette publication constituera une référence à plusieurs titres, et en premier lieu pour l'ensemble céramique du Bronze moyen. Je tiens à en remercier Marie-Pierre Koenig et l'équipe dont elle a su s'entourer, ainsi que ceux qui l'ont accompagnée et soutenue au long de ce chemin tortueux.
12Murielle Leroy
Conservatrice régionale de l'archéologie de Lorraine
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Mottes castrales en Provence
Les origines de la fortification privée au Moyen Âge
Daniel Mouton
2008
Géoarchéologie de sites préhistoriques
Le Gardon (Ain), Montou (Pyrénées-Orientales) et Saint-Alban (Isère)
Dominique Sordoillet
2009
L’enceinte des premier et second âges du Fer de La Fosse Touzé (Courseulles-sur Mer, Calvados)
Entre résidence aristocratique et place de collecte monumentale
Ivan Jahier (dir.)
2011
Lyon, Saint-Georges
Archéologie, environnement et histoire d’un espace fluvial en bord de Saône
Grégoire Ayala (dir.)
2012
Les gisements précolombiens de la Baie Orientale
Campements du Mésoindien et du Néoindien sur l’île de Saint-Martin (Petites Antilles)
Dominique Bonnissent (dir.)
2013
L’Îlot du palais de justice d’Épinal (Vosges)
Formation et développement d’un espace urbain au Moyen Âge et à l’époque moderne
Yves Henigfeld et Philippe Kuchler (dir.)
2014
Bettencourt-Saint-Ouen (Somme)
Cinq occupations paléolithiques au début de la dernière glaciation
Jean-Luc Locht (dir.)
2002
Campements mésolithiques en Bresse jurassienne
Choisey et Ruffey-sur-Seille
Frédéric Séara, Sylvain Rotillon et Christophe Cupillard (dir.)
2002
Productions agricoles, stockage et finage en Montagne Noire médiévale
Le grenier castral de Durfort (Tarn)
Marie-Pierre Ruas
2002