Chapitre 8 - Paléosociologie des ensembles funéraires
p. 233-246
Texte intégral
8.1 Mise en évidence des tombes masculines et féminines
1La pratique de la crémation est un handicap incontournable lorsqu'il s'agit de déterminer le sexe des défunts. Or, il s'avère que cette donnée participe pleinement à l'appréhension sociologique des sépultures. Pour pallier cette carence d'indices, plusieurs auteurs ont sollicité le mobilier non céramique, estimant que ces pièces peuvent être légitimement considérées comme des objets personnels du défunt et donc nous renseigner sur le sexe du sujet incinéré (Nickels et al. 1989 : 373). Nous avons donc suivi le protocole éprouvé pour cet exercice : nous avons eu une nouvelle fois recours aux matrices ordonnables de type Bertin, analyse rapide et très visuelle, largement utilisée par d'autres chercheurs sur d'autres ensembles funéraires1. Afin d'appréhender cet exercice le plus objectivement possible, nous avons utilisé la globalité des ensembles funéraires des trois nécropoles, soit au total près de 1 300 tombes. Rapidement, nous avons bien sûr éliminé les ensembles perturbés.
8.1.1 Les critères retenus
2Le calcul matriciel ne peut s'opérer que si les critères retenus pour la sériation sont fiables : on ne conservera donc pas les éléments omniprésents, ni les paramètres trop rares. Nous avons ainsi privilégié les critères suivants :
‒ colliers ;
‒ fusaïoles ;
‒ torques ;
‒ bagues ;
‒ épingles A7 ;
‒ épingles A8-A10 ;
‒ pincettes ;
‒ rasoirs ;
‒ couteaux ;
‒ armes.
3Un autre groupe de critères a aussi été pris en compte. Il rassemble des éléments apparemment moins fiables, mais pour lesquels certaines associations peuvent affiner la sériation, comme cela est par exemple le cas pour les scalptoriums dans la nécropole du Peyrou à Agde (Nickels et al. 1989) :
‒ épingles AI ;
‒ valve de coquillage ;
‒ fibule BI ;
‒ bracelets ;
‒ scalptoriums.
4Enfin, nous avons placé à titre expérimental plusieurs objets métalliques et les offrandes alimentaires carnées pour vérifier une éventuelle distribution préférentielle, telle qu'elle a par exemple été proposée pour la nécropole du Moulin à Mailhac (Taffanel et al. 1998) :
‒ porcin ;
‒ bovin ;
‒ ovm-capnn ;
‒ bracelets C3 ;
‒ bracelets C4 ;
‒ bracelets CS.
5Dans le même ordre d'idée et suite à des observations réalisées sur certaines séries bas languedociennes, nous avons aussi considéré les bracelets seuls ou par paire.
8.1.2 Description de la matrice
6Le classement matriciel obtenu à partir de la totalité des tombes aboutit à la mise en évidence de trois groupes de sépultures : A, B et C (fig. 277). Les tombes ne contenant aucun des critères retenus sont bien sûr absentes du diagramme. Au total, 312 sépultures ont été conservées, soit près d'un quart de l'effectif initial total. Parmi les critères retenus, certains étaient distribués aussi bien dans un groupe que dans l'autre, si bien qu'ils n'ont finalement pas été retenus. C'est particulièrement le cas pour les critères zoologiques qui avaient une distribution régulière dans la première matrice et ne semblent donc pas refléter une discrimination sexuelle. C'est également le cas des bracelets de type C3, C4 ou C5.

FIG. 277 ‒ Matrice diagonalisée des objets métalliques et divers (n° tombe précéder de 1 : nécropole du Causse ; 2 nécropole de Gourjade ; 3 nécropole du Martinet). 1 fusaïole ; 2 collier en ambre ; 3 bagues ; 4 épingles A8-A10 ; 5 2 bracelets ; 6 aiguille ; 7 pincette ; 8 rasoir ; 9 scalptorium ; 10 1 bracelet ; 11 épingle A7 ; 12 couteau ; 13 arme.
T. Janin/CNRS, F. Pons/lnrap
Les groupes A et B
7Les groupes A et B s'opposent véritablement et semblent refléter deux ensembles de tombes distincts. Chacun renferme des objets spécifiques.
8Le groupe A rassemble les dépôts ayant livré une fusaïole, un collier composé de perles d'ambre, une bague, une épingle de type A8 ou A10, deux bracelets au moins, et/ou une aiguille. Au total, le groupe A rassemble 86 tombes. Tous ces critères ne sont pas aussi nombreux : les fusaïoles sont très nettement majoritaires, alors qu'à l'inverse, les aiguilles sont rares. Cela reflète logiquement la représentation de ces pièces au sein des nécropoles.
9Le groupe B associe des tombes qui contiennent une pincette, un rasoir, un scalptorium, une épingle de type A7, un (ou deux) couteaux, des armes, un bracelet au plus. Il comprend au total 204 sépultures. Les couteaux, seuls ou associés par paire, sont évidemment les critères les plus fréquents, suivis des rasoirs, également assez nombreux. Plus rares sont les armes.
Le groupe C
10Ce lot est constitué des sépultures qui renferment les objets attestés dans les deux ensembles précédents, sans distinction de nombre ou de qualité, à l'exception bien sûr des bracelets considérés seuls ou par paire. Les tombes recensées dans cette série sont nettement moins nombreuses que dans les groupes A et B, puisque seuls 22 ensembles y sont rattachés. Dans ce lot, les fusaïoles et les scalptoriums sont les objets les plus fréquents, les autres critères étant plus rares.
8.1.3 Interprétation des résultats
11La classification obtenue vise à distinguer les tombes masculines des tombes féminines, groupes pour lesquels on a supposé une distinction fondée sur le mobilier non céramique. Pour chacun des ensembles définis, des objets apparaissent comme discriminants, et signent donc l'appartenance du défunt au groupe masculin ou au groupe féminin.
Les sépultures masculines
12Les sépultures masculines sont cantonnées au groupe B ; elles se remarquent par la présence de pincettes, rasoirs, scalptoriums, épingles de type A7, couteau(x), armes, un bracelet. Ces critères sont classiquement considérés comme masculins dans les régions voisines, particulièrement dans les vastes ensembles bas languedociens comme Agde-Le Peyrou ou Mailhac.
Les sépultures féminines
13Les sépultures féminines sont rassemblées dans le groupe A, et sont caractérisées par la présence de colliers, fusaïoles, bagues, épingles de type A8 ou A10, bracelets par paire et aiguilles.
La question des bracelets
14Certaines des tombes du groupe B, donc supposées masculines, contiennent un seul et unique bracelet ; c'est particulièrement frappant pour un lot de tombes où un bracelet est associé à une paire de couteaux, également à un rasoir ou à des armes, plus rarement à un scalptorium, une pincette ou une épingle de type A7. Cette position discriminante du bracelet est une nouveauté ; en bas Languedoc en effet, il a toujours été considéré comme strictement féminin. Ainsi, dans la nécropole du Peyrou à Agde (Hérault), la matrice globale sur les objets métalliques et divers (Nickels et al. 1989 : 374, fig. 289) fait‑elle apparaître une série de tombes placées dans le groupe C, sous-groupe C2. Les auteurs envisagent pour elles la présence de deux individus, solution finalement préférée à la possibilité que certains sujets masculins aient pu porter des bracelets, hypothèse qu'ils envisagent cependant dans un premier temps. Si on considère les tombes ayant livré les critères masculins, principalement dans ce cas, les couteaux et agrafes de ceinture, et les seuls bracelets, on observe que, dans les 9 tombes recensées (71, 75, 117, 141, 130, 19, 50, 97, 58), le bracelet est présent en un seul et unique exemplaire dans 7 sépultures (75, 141, 130, 19, 50, 97, 58), que nous serions tentés ici de considérer comme des tombes masculines et non comme de possibles sépultures doubles. Des remarques semblables s'appliquent à quelques tumulus des garrigues languedociennes au sein desquels ont été relevées certaines associations de bracelets et d'objets considérés comme masculins. C'est notamment le cas pour le tumulus à incinération du Frouzet B1 (SaintMartin‑de‑Londres, Hérault) où un bracelet côtoie une pointe de lance et une épée en fer, et une agrafe de ceinture (Vallon 1984 : 48-51) ; c'est aussi le cas pour la sépulture du Ravin des Arcs 3 (Notre-Dame-de-Londres, Hérault) où un bracelet est associé à un couteau en fer (Gasco 1984 : 29). Ces deux tombes, qu'on a considérées comme de possibles sépultures doubles (Dedet 1992 : 197), pourraient donc en fait être des tombes individuelles masculines. Dans le même ordre d'idée, les tombes à inhumation du Ravin des Arcs 1 (Notre-Dame-de-Londres, Hérault) et du Frouzet B7 (Saint-Martin-de-Londres, Hérault), qui ont livré un seul bracelet, pourraient correspondre à des sépultures individuelles de sujets masculins et non à des tombes féminines comme cela a été envisagé (Dedet 1992 : 194-197), d'autant plus que dans le premier ensemble, l'analyse anthropologique a conclu à un sujet de sexe masculin, et à un sujet robuste dans le second. Le critère bracelet en un seul exemplaire pourrait donc être apparenté à des sépultures de sujet masculin.
Les tombes supposées doubles
15Le groupe C pourrait rassembler des tombes doubles, associant femme et homme, comme le suggère la « mixité » du contenu des dépôts qui renferment souvent une fusaïole et un objet plutôt masculin. Les résultats issus de l'analyse anthropologique ne confirment pas totalement cette hypothèse; en effet, parmi les 22 sépultures supposées doubles, seules deux renfermaient les restes de deux individus (T 1663 et T3045). Cette première conclusion doit donc être considérée comme une proposition. On rappellera cependant que l'absence de doublets au sein des lots d'os humains incinérés n'implique pas forcément le caractère individuel de la sépulture.
8.1.4 Distribution des sépultures féminines et masculines
16Prises globalement, les sépultures supposées masculines sont de loin les plus nombreuses (204), du moins sont-elles celles qu'on a le plus facilement repérées, et cela grâce aux couteaux qui sont, on l'a dit, les critères omniprésents dans le groupe B. Les sépultures supposées féminines sont moins nombreuses (86) et la très grande majorité a été classée par la présence d'une unique fusaïole ; c'est dire la prudence qu'il convient d'adopter dans l'interprétation de ces sériations.
17Les cartes de répartition des sépultures supposée féminines et masculines, et notamment pour la nécropole du Causse, pourraient indiquer une concentration préférentielle (fig. 278, 279 et 280). Or, ces images ne sont en fait que le reflet d'une surreprésentation des sépultures féminines pour les phases anciennes pour lesquelles les objets discriminants masculins font défaut. En revanche pour les phases récentes (phases III, IV et V) les sépultures masculines sont bien représentées du fait de la présence régulière des couteaux, objets discriminants masculins.

FIG. 278 ‒ Carte de répartition des sépultures féminines et masculines au Causse.
F. Pons/lnrap

FIG. 279 ‒ Carte de répartition des sépultures féminines et masculines à Gourjade.
F. Pons/lnrap

FIG. 280 ‒ Carte de répartition des sépultures féminines et masculines au Martinet.
F. Pons/lnrap
8.2 Rapports sociaux : des riches et des pauvres
18C'est désormais un exercice classique que de tenter de reconstituer, partiellement, la structuration sociale des communautés du passé à travers la lecture des ensembles funéraires. Dans le Midi de la France, cette approche apparaissait régulièrement dans les synthèses Qannoray 1955 ; Louis et al. 1958, 1960). Réactualisée lors de la publication de la nécropole du Peyrou à Agde (Hérault), elle s'est depuis systématisée, à de rares exceptions près. Elle s'est ainsi considérablement enrichie, en particulier en introduisant dans l'analyse les données issues de l'étude anthropologique dont on comprend évidemment tout l'intérêt : on ne peut comparer sociologiquement, dans un premier temps, les enfants aux adultes, les sépultures individuelles aux tombes multiples, sans risquer parfois de surinterpréter une sériation ; l'exemple développé dans la publication de la nécropole du Moulin à Mailhac (Aude) est à ce sujet éloquent (Taffanel et al. 1998 : 365-373).
8.2.1 Les critères d'évaluation
19Comme pour la diagnose sexuelle des tombes, la sériation sociologique des ensembles, si elle est possible, nécessite au préalable la définition de critères d'évaluation, qu'on peut classer en quatre catégories : l'architecture funéraire, le mobilier céramique, le mobilier métallique, les offrandes alimentaires carnées. Comme précédemment, on ne retiendra que les sépultures complètes.
20Pour ce qui concerne l'architecture funéraire, un des écueils majeurs réside évidemment dans le degré de conservation des complexes sépulcraux. Comme l'a montré l'étude détaillée des différents paramètres du monde funéraire, les nécropoles n'ont pas livré le même échantillon de données relatives à l'architecture funéraire ; ainsi, au Marrinet, ne dispose-t-on d'aucun renseignement sur les superstructures sépulcrales (cf. chap. 4). Qui plus est, les entourages ou restes d'enclos semblent différents selon la phase chronologique considérée. Pour ces raisons, l'architecture funéraire n'a été sollicitée que pour la sériation sociologique de la phase IV, et uniquement pour deux ensembles funéraires, Le Causse et Gourjade.
21Le mobilier céramique est largement utilisé dans ce type d'approche. On considère en effet qu'il est un bon marqueur social, que les récipients aient appartenu au défunt ou qu'ils aient été déposés lors de la sépulture par des proches. Mais comme pour chaque critère, le mobilier céramique doit être considérer selon la phase chronologique : on sait en effet, et les ensembles castrais ne dérogent pas à la règle, que le nombre de récipients déposés dans la tombe augmente au cours du temps. Quant aux décors présents sur les vases, s'ils ont pu être utilisés lors de la sériation sociologique des sépultures de la nécropole du Peyrou à Agde (Hérault), ils n'ont ici pas été retenus; d'une part parce que les techniques de l'engobe ou de la peinture sont fonction du degré de conservation des lots, d'autre part parce que la notion de « vases de luxe » prise en compte dans l'ensemble agathois n'est, pour les ensembles castrais, pas recevable dans la mesure où les importations méditerranéennes sont absentes et les récipients excisés trop peu nombreux. Ces considérations nous ont donc incités à réaliser, pour chaque séquence chronologique, des histogrammes de distribution du nombre des récipients afin de définir des classes. Elles sont évidemment variables selon les phases.
22Il en a été de même pour les objets métalliques : leur quantité et surtout leur qualité évoluent au cours du temps, si bien que là encore, nous avons défini des classes en nous fondant sur des histogrammes de distribution par phase. Nous avons également retenu les objets métalliques en quantité brute, comme cela est exposé dans la publication de la nécropole agathoise du Peyrou (Nickels et al. 1989 : 405) ; de même, les objets n'ont pas été distingués en fonction du sexe supposé du défunt, mais bien comptabilisés dans leur globalité, la subdivision en fonction du sexe n'apportant finalement aucune précision supplémentaire (Nickels et al. 1989 : 407).
23La nature et le nombre des offrandes alimentaires carnées souffrent du même problème taphonomique que les données relatives à l'architecture funéraire. Absentes du Martinet, elles étaient très mal conservées, donc peu identifiables à Gourjade, et seuls les renseignements recueillis au Causse pourront être injectés après une première sériation, afin de repérer d'éventuels regroupements.
24Enfin, l'identité du défunt, et notamment l'âge au décès, n'a pas été initialement retenue pour la sériation. En revanche, pour les sépultures doubles, nous avons divisé le nombre de récipients et d 'objets métalliques par deux, classant ainsi sociologiquement les individus et non les tombes. Les sépultures doubles ont donc le même « poids » que les tombes individuelles.
8.2.2 La hiérarchisation des sépultures : riches, pauvres, femmes, hommes, enfants
25La phase I Les histogrammes de distribution réalisés afin de définir les classes quantitatives des récipients et des objets métalliques ont abouti à la mise en place des critères suivants :
‒ pas de vases ;
‒ 1 vase ;
‒ plus de 1 vase ;
‒ pas de métal ;
‒ 1 objet métallique ;
‒ 2 ou 3 objets métalliques ;
‒ plus de 3 objets métalliques.
26Les données relatives à l'architecture funéraire et à la nature et au nombre des offrandes alimentaires sont ici inutilisables. De plus, on rappellera que la phase 1 est absente de la nécropole du Martiner.
27La matrice obtenue (fig. 281, voir dépliant) montre une diagonalisation peu révélatrice : on passe ainsi sensiblement des tombes n'ayant livré aucun mobilier céramique ou métallique aux sépultures contenant plus de trois objets métalliques et plus d'un récipient. Elle ne semble donc pas refléter une hiérarchie sociale très affirmée et on notera que si on injecte dans la matrice l'âge au décès des défunts, les sépultures d'enfants se répartissent sur la totalité de la hauteur du graphique : il existe donc des tombes d'enfant aussi « riches » que des tombes d'adultes. On aboutit aux mêmes remarques si on considère les sépultures doubles. La prise en compte du sexe supposé des défunts n'apporte aucun complément : les tombes d'hommes, qu'on ne peut repérer sans métal, ne sont pas distribuées préférentiellement, au même titre que les tombes féminines, plus nombreuses car repérables grâce aux fusaïoles.

FIG. 281 ‒ Matrice de hiérarchisation des sépultures de la phase 1 (n° tombe précédé de 1 : nécropole du Causse ; 2 : nécropole de Gourjade). 1 aucun vase d'accompagnement ; 2 aucun objet métallique ; 3 1 vase d'accompagnement ; 4 1 objet métallique ; 5 plus de 1 vase d'accompagnement ; 6 2 à 3 objets métalliques ; 7 plus de 3 objets métalliques.
T. Janin/CNRS, F. Pons/lnrap
28Enfin, on notera avec intérêt que six des neuf sépultures à inhumation de la nécropole du Causse sont toutes situées dans la partie basse du classement, dans le segment des sépultures les mieux « fournies » en mobilier. Ce constat séduisant est difficilement explicable: soit la pratique de l'inhumation marque un statut social élevé, comme cela est attesté dans d'autres communautés européennes du début de l'âge du Fer, ce qui expliquerait que ces tombes contiennent plus de mobilier métallique que les autres; on aurait alors une opposition sociale incinération/inhumation des plus intéressantes; soit on doit envisager ici une distinction « ethnique» que la pratique de l'inhumation pourrait en partie justifier dans une aire géographique où l'incinération semblait jusque-là exclusive.
La phase II
29Comme pour la phase précédente, les critères qualitatifs et quantitatifs ont été précisés grâce aux histogrammes de distribution. Seul le nombre de récipients et d'objets métalliques a été pris en compte. À cela on a ajouté la catégorie « perle » pour expérimentation. Les offrandes alimentaires carnées et les structures d 'entourage n 'étaient pas assez nombreuses ou trop mal conservées pour pouvoir être retenues. Ici encore, seules Gourjade et Le Causse sont présentes. Les critères de classement sont les suivants :
‒ pas de vase ;
‒ de 1 à 4 vases ;
‒ plus de 4 vases ;
‒ pas de métal ;
‒ de 1 à 3 objets métalliques ;
‒ plus de 3 objets métalliques ;
‒ perle.
30La matrice obtenue (fig. 282, voir dépliant p. 236) ressemble quelque peu à celle obtenue pour la phase I. On distingue évidemment une diagonalisation des associations de critères et on pourrait considérer les sépultures placées en bas à droite du graphique comme des tombes privilégiées ; on objectera cependant que cette situation semble intimement liée à la seule présence de plus de trois objets métalliques car la plupart de ces tombes ne sont pas celles qui renferment le plus de récipients. Il n'y a donc, dans la matrice, aucune rupture flagrante qu'on pourrait interpréter comme marque d'une distinction sociale des lots. L'injection dans le graphique des données anthropologiques, tant l'âge au décès des défunts que leur nombre, n'apporte aucune correction et ne précise pas la sériation : les tombes d'enfants sont distribuées principalement en haut de la matrice et les tombes doubles, « anthropologiquement » démontrées ou repérées grâce au matériel, se rencontrent essentiellement dans la partie basse. On ne peut donc conclure à une forte hiérarchie sociale des communautés pour la phase de transition Bronze/Fer.

FIG. 282 ‒ Matrice de hiérarchisation des sépultures de la phase Il (n° tombe précédé de 1 : nécropole du Causse ; 2 : nécropole de Gourjade). 1 aucun objet métallique ; 2 aucun vase d'accompagnement ; 3 1 à 4 vases d'accompagnement ; 4 plus de 4 vases d'accompagnement ; 5 1 à 3 objets métalliques ; 6 perle en ambre ; 7 plus de 3 objets métalliques.
T. Janin/CNRS, F. Pons/lnrap
La phase III
31Comme l'a montré la mise en séquence chronologique des sépultures, les ensembles de la phase III, qui marque le début de l'âge du Fer stricto sensu, sont les moins nombreux. Les histogrammes de distribution du nombre de récipients et d'objets métalliques, seuls critères suffisamment pertinents pour être retenus, à l'inverse des données architecturales et zoologiques, ont permis de distinguer les paramètres suivants :
‒ pas de vase ;
‒ 1 à 2 vases ;
‒ 3 à 6 vases ;
‒ plus de 6 vases ;
‒ pas de métal ;
‒ 1 ou 2 objets métalliques ;
‒ 3 à 6 objets métalliques ;
‒ plus de 6 objets métalliques.
32La matrice obtenue (fig. 283) diffère sensiblement des précédentes. On observe en effet une diagonalisation plus nette et on peut aisément opposer le groupe de tombes placé en haut à gauche du graphique à celui isolé en bas à droite. Le premier rassemble des sépultures qui ne renferment ni vase ni métal alors que le second regroupe des ensembles contenant pour la plupart plus de six vases et au moins trois objets métalliques, parfois plus de six. Les groupes 2 et 3 forment une transition logique entre les ensembles des extrémités. L'image reflétée pourrait donc éventuellement indiquer une distinction sociale entre les tombes, les plus « riches » renfermant notamment le plus de récipients, en général plus de six. Cette impression doit toutefois être nuancée faute de pouvoir être confirmée par les données architecturales et zoologiques. On remarquera enfin que les sépultures sises en bas du graphique sont majoritairement des tombes d'enfants.

FIG. 283 ‒ Matrice de hiérarchisation des sépultures de la phase III (n° tombe précédé de 1 : nécropole du Causse ; 2 : nécropole de Gourjade ; 3 : nécropole du Martinet). 1 aucun vase d'accompagnement ; 2 aucun objet métallique ; 3 1 à 2 vases d'accompagnement ; 4 1 à 2 objets métalliques ; 5 3 à 6 vases d'accompagnement ; 6 3 à 6 objets métalliques ; 7 plus de 6 vases d'accompagnement ; 8 plus de 6 objets métalliques.
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La phase IV
33C'est incontestablement la phase pour laquelle les sépultures sont les plus nombreuses ; c'est aussi la phase pour laquelle les trois nécropoles sont bien représentées. Enfin, cette séquence chronologique s'illustre par une bonne conservation de paramètres sépulcraux jusqu'ici peu sollicités : l'architecture et les offrandes alimentaires carnées.
34Afin de suivre le schéma adopté précédemment, on distinguera d'emblée les tombes de la phase IVa de celles de la phase IVb. Dans un premier temps, seuls les paramètres mobiliers seront pris en compte car, comme on l'a rappelé plus haut, toutes les nécropoles n'offrent pas le même degré de conservation des vestiges. Dans un second temps, on renouvellera l'exercice par ensemble, en prenant alors en compte l'ensemble des paramètres. Enfin, on soulignera que les tombes à simple ossuaire n'ont pas été exclues du calcul mais intégrées au même titre que les tombes à vases d'accompagnement car trop peu nombreuses pour faire l'objet d'un classement particulier2.
35La phase IVa, qu'on a placée théoriquement entre 675 et 625 av. n.è., est bien représentée dans les trois nécropoles. Les paramètres retenus après l'établissement des histogrammes de distribution sont les suivants :
‒ 1 vase au plus ;
‒ de 2 à 5 vases ;
‒ de 6 à 1 0 vases ;
‒ plus de 10 vases ;
‒ pas de métal ;
‒ 1 objet métallique ;
‒ de 2 à 4 objets métalliques ;
‒ plus de 4 objets métalliques.
36La matrice obtenue (fig. 284) n'est pas sans rappeler le graphique sériant les ensembles de la phase III : deux groupes s'opposent nettement, et comme précédemment, ce ne sont pas les plus importants. Un premier ensemble (groupe 1) se compose de six tombes qui ne renferment généralement qu'un vase au plus et aucun objet métallique. À l'opposé, 17 sépultures (groupe 3) sont placées en bas du graphique ; elles renferment au moins deux récipients et au moins deux objets métalliques. La tombe 379 du Causse, située à l'extrémité de la diagonale, a livré plus de dix vases et plus de quatre objets métalliques. Le groupe 2, intermédiaire et qui rassemble logiquement le plus grand nombre de tombes, forme un lot plus ou moins homogène d'ensembles moyennement « riches ». On notera avec intérêt que les sépultures du groupe 1 sont presque toutes des tombes à simple ossuaire. Ce peut être des tombes doubles (T.605 et T.630 du Causse). Au Causse, elles sont toutes installées dans la dépendance architecturale d'une sépulture à vases d'accompagnement : les tombes 605, 630 et 631 étaient installées dans la tranchée d'entourage des tombes 576, 744 et 745. Toutes renferment au moins un sujet adulte, si bien qu'il est impossible d'associer cette position topographique à l'âge au décès du défunt. Faut-il, comme à Agde, envisager cette situation de dépendance architecturale comme le reflet d'une dépendance sociale du temps du vivant ?

FIG. 284 ‒ Matrice de hiérarchisation des sépultures de la phase IVa (n° tombe précédé de 1 : nécropole du Causse ; 2 : nécropole de Gourjade ; 3 : nécropole du Martinet). 1 jusqu'à un vase d'accompagnement ; 2 aucun objet métallique ; 3 1 objet métallique ; 4 2 à 5 vases d'accompagnement ; 5 6 à 10 vases d'accompagnement ; 6 2 à 4 objets métalliques ; 7 plus de 10 vases d'accompagnement ; 8 plus de 5 objets métalliques.
T. Janin/CNRS, F. Pons/lnrap
37La phase IVb est également bien présente dans les trois ensembles funéraires. On a retenu pour cette séquence, et après établissement des histogrammes de distribution idoines, les critères suivants :
‒ pas de vases ;
‒ 2 ou 3 vases ;
‒ de 4 à 6 vases ;
‒ de 7 à 9 vases ;
‒ de 10 à 12 vases ;
‒ plus de 12 vases ;
‒ pas de métal ;
‒ 1 ou 2 objets métalliques ;
‒ 3 ou 4 objets métalliques ;
‒ de 5 à 7 objets métalliques ;
‒ plus de 7 objets métalliques.
38La matrice obtenue (fig. 285) montre une diagonalisation moins rectiligne que pour la phase IVa. On serait tenté de distinguer trois groupes. Le groupe 3, situé en bas à droite du graphique, est cependant assez hétérogène et rassemble en général les tombes contenant plus de deux objets métalliques ; le nombre de récipients est très variable. L'homogénéité des groupes est moindre que précédemment et l'image que reflète ce graphique est celle d'une communauté peut-être moins hiérarchisée, en tout cas au niveau de l'idéologie funéraire.

FIG. 285 ‒ Matrice de hiérarchisation des sépultures de la phase IVb (n° tombe précédé de 1 nécropole du Causse ; 2 : nécropole de Gourjade ; 3 : nécropole du Martinet). 1 aucun vase d'accompagnement ; 2 2 à 3 vases d'accompagnement ; 3 aucun objet métallique ; 4 4 à 6 vases d'accompagnement ; 5 1 à 2 objets métalliques ; 6 7 à 9 vases d'accompagnement ; 7 10 à 12 vases d'accompagnement ; 8 plus de 12 vases d'accompagnement ; 9 3 à 4 objets métalliques ; 10 5 à 7 objets métalliques ; 11 plus de 7 objets métalliques.
T. Janin/CNRS, F. Pons/lnrap
Les matrices partielles
39Comme on l'a dit, il est possible pour au moins deux nécropoles, Gourjade et Le Causse, d'injecter dans le calcul matricielles données architecturales des sépultures, et ce pour la phase N. La matrice obtenue (fig. 286) n'est pas franchement convaincante, la surface des enclos ne semblant pas liée à la quantité du mobilier déposé dans la tombe. La diagonalisation n'est pas rectiligne, loin s'en faut, et on ne peut donc conclure à une structuration sociale très hiérarchisée.

FIG. 286 ‒ Matrice de hiérarchisation partielle des sépultures de la phase IV des nécropoles de Gourjade et du Causse (n° tombe précédé de 1 : nécropole du Causse ; 2 : nécropole de Gourjade). 1 1 à 3 vases d'accompagnement ; 2 aucun objet métallique ; 3 structure d'entourage de 1 à 4 m2 ; 4 1 objet métallique ; 5 structure d'entourage de 4 à 8 m2 ; 6 4 à 8 vases d'accompagnement ; 7 structure d'entourage de plus de 8 m2 ; 8 2 à 4 objets métalliques ; 9 plus de 8 vases d'accompagnement ; 10 plus de 4 objets métalliques.
T. Janin/CNRS, F. Pons/lnrap
40Si on prend en compte les données archéozoologiques, qu'on souhaite reflet d'offrandes alimentaires carnées, seule la nécropole du Causse peut être analysée pour les raisons légitimes évoquées plus haut. Distinguant les bovins, des ovins-caprins et des porcins, on obtient une image peu convaincante (fig. 287) : la diagonalisation n'est pas effective et ne semble, ici encore, pas refléter une hiérarchie sociale très marquée pour la phase IV de la nécropole du Causse.

FIG. 287 ‒ Matrice de hiérarchisation partielle des sépultures de la phase IV de la nécropole du Causse. 1 jusqu'à 1 vase d'accompagnement ; 2 aucun objet métallique ; 3 2 à 5 vases d'accompagnement ; 4 6 à 8 vases d'accompagnement ; 5 bovin ; 6 ovin-caprin ; 7 porcin ; 8 1 à 4 objets métalliques ; 99 à 12 vases d'accompagnement ; 10 plus de 4 objets métalliques ; 11 plus de 12 vases d'accompagnement.
T. Janin/CNRS, F. Pons/lnrap
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2008
Géoarchéologie de sites préhistoriques
Le Gardon (Ain), Montou (Pyrénées-Orientales) et Saint-Alban (Isère)
Dominique Sordoillet
2009
L’enceinte des premier et second âges du Fer de La Fosse Touzé (Courseulles-sur Mer, Calvados)
Entre résidence aristocratique et place de collecte monumentale
Ivan Jahier (dir.)
2011
Lyon, Saint-Georges
Archéologie, environnement et histoire d’un espace fluvial en bord de Saône
Grégoire Ayala (dir.)
2012
Les gisements précolombiens de la Baie Orientale
Campements du Mésoindien et du Néoindien sur l’île de Saint-Martin (Petites Antilles)
Dominique Bonnissent (dir.)
2013
L’Îlot du palais de justice d’Épinal (Vosges)
Formation et développement d’un espace urbain au Moyen Âge et à l’époque moderne
Yves Henigfeld et Philippe Kuchler (dir.)
2014
Bettencourt-Saint-Ouen (Somme)
Cinq occupations paléolithiques au début de la dernière glaciation
Jean-Luc Locht (dir.)
2002
Campements mésolithiques en Bresse jurassienne
Choisey et Ruffey-sur-Seille
Frédéric Séara, Sylvain Rotillon et Christophe Cupillard (dir.)
2002
Productions agricoles, stockage et finage en Montagne Noire médiévale
Le grenier castral de Durfort (Tarn)
Marie-Pierre Ruas
2002