Chapitre 5 - Chronologie et développement des nécropoles
p. 161-180
Texte intégral
5.1 Sériation et périodisation des sépultures
1L'étude que nous avons développée dans le chapitre 3 monte la diversité et l'importance du mobilier funéraire, tant du point de vue quantitatif que qualitatif. L'analyse des cartes de répartition des différentes catégories d'objets permet d'envisager des distributions liées au développement topographique des nécropoles. Cette mise en séquences chronologiques des ensembles funéraires a été élaborée selon un schéma désormais classique : les sériations matricielles. Pour ce faire, et afin de comparer l'ensemble du mobilier issu des tombes, les critères qui nous ont semblé significatifs om fait l'objet d'une confrontation ; bien entendu, celle-ci a été volontairement limitée aux dépôts qui présentaient les meilleures garanties de conservation (tombes complètes ou considérées comme telles). L'indigence, tout comme la surreprésentation, de certains critères nous a incités à ne pas les retenir dans le calcul matriciel.
5.1.1 Les méthodes de calculs
2La sériation des tombes passe inévitablement par la création d'une matrice, permettant d'indexer chaque tombe en fonction de critères présents ou absents. Ainsi, nous avons réalisé un tableau de J lignes correspondant aux tombes et K colonnes représentant les caractères. Chaque tombe j est ainsi décrite par k arguments ajk, de valeur 0 ou 1 qui traduisent l'expression logique absence/présence. Le but étant d'ordonner le tableau, il est nécessaire de transformer les arguments de manière à obtenir une valeur simple que l'on pourra trier par ordre croissant, et ce pour les K colonnes puis les J lignes, tri réitéré jusqu'à stabilité du classement.
3La sériation finale dépend directement de la méthode de calcul qui transforme les arguments ajk. Nous avons pris le parti d'utiliser deux formules différentes. La première, appelée « méthode des barycentres » repose sur la détermination du point moyen entre les différents arguments en fonction de leur position dans le tableau, pour chaque tombe et chaque caractère. Cette méthode ayant déjà été exposée par Pascal Ruby (Ruby 1990) nous ne la développerons pas davantage.
4La seconde méthode utilise la pondération des arguments en fonction de leur position1 1. Ainsi, pour chaque ligne, si ajk = 1 alors ajk prend la valeur k2. De même pour chaque colonne, si ajk = 1 alors ajk prend la valeur j2. Les valeurs moyennes des lignes et colonnes sont alors calculées selon les formules suivantes :
Vj = Ʃ(ajkk2)/ Ʃajk
Vk = Ʃ(ajkj2)/ Ʃajk
Le fait d'élever la valeur de chaque argument au carré permet d'éliminer les égalités « accidentelles » de valeurs (par exemple (1 + 4 + 5)/3 = (2 + 3 + 5)/3). En revanche, cette valeur privilégie l'importance de la valeur supérieure. Ceci se traduit dans notre cas par une plus grande importance attribuée aux caractères qui apparaissent qu'à ceux qui disparaissent.
5Sans rentrer dans les détails, les systèmes de calcul ne varient que légèrement mais suffisamment pour donner des résultats différents si la matrice n'est pas valide.
5.1.2 Les critères
6Parmi l'ensemble de la documentation disponible, seuls des éléments mobiliers ont été pris en compte. En effet, bien que souvent pertinentes (cf. chap. 4), les données acquises sur l'architecture des tombes et l'agencement des dépôts n'ont pas été sollicitées car elles participent également à l'analyse sociologique des nécropoles2. Pour la même raison, les caractères liés à la composition des dépôts n'ont pas été retenus : nombre de récipients, de pièces métalliques, de petits objets, nombre et nature des offrandes alimentaires. Les choix opérés sont donc fondés principalement sur la distribution spatiale de certains paramètres, mais aussi sur l'assurance de la valeur chronologique d'une partie d'entre eux.
La céramique
7Les séries céramiques offrent une diversité de formes, de décors et d'attributs (éléments de préhension, perforations) permettant une sélection objective de caractères favorables à une sériation. Sur les douze familles de vases fermés et les huit familles de vases ouverts, rassemblant respectivement 57 et 25 formes (cf. chap. 3), seules une famille et cinq formes spécifiques ont été utilisées : les coupes de famille W, les coupes Sb, Tc, Va et Vb, les gobelets IIb, les vases cylindriques B0e. Des groupes de formes om également été individualisés en fonction de spécificités morphologiques ou fonctionnelles (attributs) : les urnes à col haut, les urnes à col haut et pied haut, les gobelets globulaires à fond plat ou à pied bas (familles G, H, I, J, K et L) et les urnes à deux anses (familles G et H). Enfin, certains types de décors, motifs et/ou techniques, ont été retenus : décors au double trait incisé de type mailhacien, décors imprimés à la cordelette ou à la roulette, décors de tirets, motifs de grands chevrons imprimés et décors de cannelures multiples.
Le métal
8Tout aussi diversifiées, les séries métalliques permettent une sélection de critères adéquats. Nous avons donc pris en considération une vingtaine de paramètres parmi lesquels le fer, une catégorie d'objet (les scalptoriums), des types (épingles de types A3, A6-A7, A8, A9 et A10 ; fibules de types B2, B3 et B4; rasoirs de types 12, 13, 16 et 17-18 ; épée de type P2), et des sous-types (fibules de type B1 en bronze, fibule de type B1 en fer, bracelets de type C5 en bronze, bracelets de type C5 en fer, et bracelets de type C4 en fer).
5.1.3 Les associations types
9Les résultats obtenus à partir des deux méthodes de calcul matriciel donnent des images très proches et très significatives (fig. 256) ; les différences n 'affectent que des caractères fortement corrélés entre eux qui montrent que l'évolution de leur fréquence est synchrone, ou des tombes ayant des spectres de caractères équivalents. Les figures présentées ont été volontairement amputées de lots de tombes offrant des associations identiques ou n'ayant qu'un seul critère, ceci afin d'alléger leur présentation et de les rendre plus lisibles. Leur examen attentif permet de mettre en évidence des associations types dont la répartition traduit une évolution dans les assemblages.
Les urnes à deux anses
10Ces urnes de famille G ou H uniquement recensées dans la nécropole du Causse sont apparemment un bon marqueur chronologique. Elles se rencontrent dans des ensembles contenant des gobelets globulaires et des récipients décorés de motifs incisés au double trait et de tirets. Elles sont également associées à des épingles à tête annulaire simple (A8) ou double (A9). En revanche, ces vases sont totalement absents des dépôts ayant livré des objets en fer ou des coupes hémisphériques à fond ombiliqué (Sb) par exemple.
Les gobelets globulaires
11Très fréquents, les gobelets globulaires à panse plus ou moins surbaissée, col court et fond plat ou pied bas côtoient un grand nombre de critères. Toutefois ils sont très fréquemment associés aux urnes à deux anses, aux récipients décorés d'impressions à la roulette ou à la cordelette (exception faite des motifs de grands chevrons), d'incisions au double trait, de tirets et de cannelures multiples. On les rencontre également avec des gobelets J1b et plus sporadiquement avec des coupes de formes Va-Vb. Des épingles à tête annulaire (A8, A9) ou en rouelle (A10), des fibules à double ressort (B2), des rasoirs de type I2 ainsi que de rares rasoirs de types I7-I8, des scalptoriums et des objets en fer côtoient également ces récipients.
Par contre, on ne les trouve jamais avec des coupes de type Sb, des urnes à pied haut et/ou col haut, des fibules serpentiformes (B1) ou à arc coudé (B4), des épingles à tête en crosse ou serpentiformes (A6-A7).
Les gobelets de forme J1b
12Ces petits récipients à panse arrondie fortement surbaissée et fond ombiliqué sont assez bien représentés dans la matrice. Ils sont associés aux urnes à col haut, aux gobelets globulaires, aux coupes de formes Sb, Va et Vb, ainsi qu'à des récipients ornés de motifs imprimés à la roulette ou à la cordelette, et plus rarement à des urnes à cannelures multiples. Le mobilier métallique présent dans ces ensembles comprend des épingles à tête en crosse et serpentiformes (A6-A7), des scalptoriums, des rasoirs I6 et 17-18, des bracelets de type C5 en fer et plus généralement des objets en fer. On ne rencontre jamais ces récipients avec les urnes à deux anses, les vases décorés de motifs incisés au double trait ou de tirets, les fibules serpentiformes et les bracelets de type C5 en bronze.
Les urnes à col haut
13Ces grands récipients sont nombreux et très fréquemment associés aux coupes de forme Sb ainsi qu'à des objets en fer. Ils sont souvent décorés de grands chevrons imprimés et accompagnent parfois des coupes de formes Va-Vb, des épingles serpentiformes ou à tête en crosse (A6-A7) et des scalptoriums. Leur association avec des urnes à col haut et pied haut, des gobelets de forme J1b, des vases cylindriques de forme B0c, des coupes de formes Tc ou de famille W, des motifs imprimés autres que les grands chevrons est plus rare. Il en est de même des rasoirs I7‑I8, des fibules serpentiformes ou des bracelets de type C5. En revanche, ces urnes sont absentes des dépôts ayant livré des gobelets globulaires, des urnes à deux anses, à cannelures multiples, des récipients décorés au double trait incisé ou de tirets, comme des sépultures contenant des épingles de type A3 ou à tête annulaire (A8, A9 et A10).
Les urnes à col haut et pied haut
14Les urnes à col et pied haut sont assez bien représentées. Les matrices montrent que ces récipients sont presque toujours associés à des coupes de formes Sb et à des objets en fer. On les retrouve aussi très souvent avec des coupes de famille W et des vases cylindriques de forme B0c. Leur présence aux côtés d'épingles de types A6-A7, de fibules serpentiformes en bronze (B1) ou à arc coudé (B4), et de scalptoriums est également attestée. Il est plus rare de les rencontrer dans des ensembles ayant fourni des coupes de formes Va-Vb, des urnes à col haut, des vases décorés de motifs de grands chevrons imprimés, des rasoirs de types I7-I8.
En revanche, ces récipients ne sont jamais présents avec des urnes à deux anses, des gobelets globulaires ou de forme J1b, ni avec des vases décorés de motifs incisés au double trait ou de tirets ou bien encore munis de cannelures multiples. Certains objets métalliques sont également totalement absents de ces dépôts : épingles de type du « Roc » (A3), à tête annulaire (A8, A9 et A10), rasoirs de type I2, fibules serpentiformes en fer (B1) et bracelets de type C4 et C5 en fer.
Les vases cylindriques à fond plat (B0c)
15Ces vases à profil « en bobine » et fond plat sont nombreux et régulièrement déposés aux côtés de coupes hémisphériques à fond ombiliqué (Sb) et d'objets en fer. Ils côtoient souvent des urnes à col et pied haut, des coupes à carène basse (famille W), des épingles à tête en crosse et serpentiforme (A6-A7) et des scalptoriums. On les trouve également en association avec des urnes à col haut, des coupes de formes Va-Vb, des récipients ornés de grands chevrons imprimés et des bracelets de type C4 en fer, exceptionnellement avec des épingles de type du « Roc » (A3), des rasoirs de types I7-I8, des fibules serpentiformes ou à arc coudé (B4), des bracelets de type C5 en bronze. En revanche, ces vases cylindriques n'accompagnent jamais les urnes à deux anses, les gobelets globulaires ou de forme J1b, les récipients décorés de motifs incisés au double trait, de tirets et de cannelures multiples. De même, les épingles à tête annulaire (A8, A9 et A10) et les rasoirs de types 12 et I6 ne se rencontrent pas dans ces ensembles.
Les coupes biconiques à fond plat (Tc)
16Cette forme, à panse biconique et bord déjeté, est peu représentée dans la matrice. Elle est toujours associée à des objets en fer et fréquemment à des urnes à col haut, des coupes de formes Sb, Va-Vb ou de famille W, ainsi qu'à des vases ornés de grands chevrons imprimés.
Les coupes hémisphériques à fond ombiliqué (Sb)
17De loin les plus fréquentes, non seulement dans les séries mais aussi dans le graphique, les coupes hémisphériques à fond ombiliqué sont presque toujours accompagnées d'objets en fer. Les motifs de grands chevrons imprimés sont aussi très présents dans ces ensembles, de même que les coupes à carène basse (famille W) et les épingles à tête en crosse et serpentiforme (A6-A7). Les scalptoriums, les urnes à pied haut et/ou col haut, les coupes de formes Va-Vb, les vases cylindriques et les rasoirs de types I7-I8 sont également bien attestés. En revanche, les motifs imprimés à la roulette ou à la cordelette, autres que les grands chevrons, les fibules serpentiformes en fer, les bracelets C4 en fer et les bracelets C5 en bronze sont peu fréquents dans ces dépôts. La présence de gobelets de forme J1b, de coupes de forme Tc, de rasoirs de types I2 ou I6, d'épingles de type du « Roc » (A3), de bracelet de type C5 en fer, de fibules serpentiforme en bronze (B1) ou à arc coudé (B4) est exceptionnelle. Seules les urnes à deux anses, les gobelets globulaires, les motifs incisés au double trait, les décors de tirets et de cannelures multiples, les épingles à tête annulaire ne se rencontrent jamais avec ces coupes.
Les coupes de formes Va-Vb
18Ces coupes au profil concave-convexe et à fond rond ou ombiliqué sont assez bien représentées. Elles accompagnent fréquemment des objets en fer, les coupes de forme Sb et les motifs de grands chevrons imprimés. Leur association avec des coupes de famille W, des urnes à col haut, des épingles de types A6-A7 et des scalptoriums est également bien attestée. Leur présence est plus anecdotique dans des ensembles ayant livré des vases cylindriques, des urnes à col et pied haut, des gobelets J1b, des coupes de forme Tc, des rasoirs de types I7-I8, des bracelets de type C4 en fer, des bracelets C5 en bronze et des fibules serpentiformes en fer. En revanche, on ne les rencontre qu'exceptionnellement avec des gobelets globulaires et jamais avec des urnes à deux anses, des récipients décorés au double trait incisé, de tirets ou de cannelures multiples, des rasoirs de type I2, des épingles à tête annulaire.
Les coupes à carène basse (famille W)
19Ces coupes à carène basse sont également nombreuses. Elles sont très souvent associées à des objets en fer, des coupes de forme Sb et des urnes à col et pied haut. Il n'est pas rare de les trouver en compagnie de vases cylindriques, de coupe de formes Va ou Vb, de vases décorés de grands chevrons, d'épingles de types A6-A7, de rasoir de types I7-I8 et de scalptoriums. Leur présence avec des décors imprimés à la roulette ou à la cordelette autres que les grands chevrons, avec des urnes à col haut, des coupes de forme Tc, des fibules serpentiformes en fer ou avec des bracelets de type C4 en fer reste exceptionnelle de même qu'avec les rasoirs de type I2. Par contre, ces coupes ne côtoient jamais les urnes à deux anses, les récipients décorés de motifs incisés au double trait ou de tirets, les rasoirs de type I3 ou les épingles à tête annulaire.
Les décors au double trait incisé
20Les décors exécutés au double trait de type mailhacien sont sans conteste des jalons chronologiques de première importance (Mailhacien I). La matrice montre qu'ils sont souvent associés aux décors de tirets et à des ensembles ayant livré des gobelets globulaires et des urnes à cannelures multiples. On les rencontre également sur des urnes à deux anses. À l'inverse, ces décors ne sont jamais présents sur les urnes à pied et/ou col haut, les vases cylindriques, les coupes de formes Sb, Tc et W. Ils ne côtoient pas non plus les décors imprimés à la roulette ou à la cordelette, les objets en fer, ni les épingles à tête annulaire.
Les décors de tirets
21Bien représentés dans la matrice, ces décors sont apparemment un bon indicateur chronologique. Leur association avec les motifs au double trait est relativement fréquente, parfois sur un même support. La présence de gobelets globulaires dans les ensembles qui ont livré ce type de décors est quasi permanente, de même que, mais dans une moindre mesure, celle d'urnes à cannelures multiples. De rares épingles à tête annulaire simple (A8) et de type du « Roc » (A3) existent également dans ces dépôts qui, par contre, ne livrent jamais d'objets en fer ou de scalptoriums. D'autre part, les urnes à pied et/ou col haut, les vases cylindriques et les coupes en général ne portent aucun décor de ce type.
Les décors de cannelures multiples
22Les cannelures multiples présentes sur les urnes à col court et fond plat ou pied bas (formes G1c, H1c, G1d et H1d principalement) se rencontrent préférentiellement dans des ensembles contenant des gobelets globulaires. On les retrouve aussi sur des urnes à deux anses. Elles côtoient également les décors de tirets, d'impressions à la roulette ou à la cordelette, les épingles à tête en rouelle (A10), et dans une moindre mesure les motifs incisés au double trait ainsi que les épingles à tête annulaire (A8). Il est beaucoup plus rare, voire exceptionnel, de trouver ce type de décors dans des ensembles ayant fourni des gobelets de forme J1b, des coupes de formes Va-Vb ou de famille W ou des objets en fer, des rasoirs de types I7‑I8 ou encore des scalptoriums.
Les décors imprimés à la roulette ou à la cordelette
23Les décors imprimés à la roulette ou à la cordelette sont très fréquents dans les séries céramiques du Castrais (cf. § 3.2.4.5) et constituent apparemment une caractéristique régionale. Nous avons regroupé dans cette catégorie tous les motifs réalisés à l'aide de cette technique, à l'exception des grands chevrons multiples ou faux chevrons que nous considérons comme un critère à part entière (cf. infra). Les impressions à la roulette ou à la cordelette sont couramment associées aux décors de cannelures multiples et aux gobelets globulaires, et très souvent à des objets en fer. Il n'est pas rare de les rencontrer dans des ensembles comprenant des coupes de forme Sb, des rasoirs de types I7-I8 ou encore des scalptoriums. Ils côtoient également les deux seules fibules à double ressort et des épingles du type du « Roc » (A3), à tête annulaire (A8) ou à tête en rouelle (A10), quelques gobelets de forme J1b, coupes de formes Va-Vb, coupes à carènes basse (famille W), épingles à tête en crosse et serpentiformes (A6-A7). Il est en revanche exceptionnel de les trouver en association avec des urnes à deux anses, des rasoirs de type I2 ou encore des urnes à col haut. Enfin, ces décors ne se retrouvent jamais associés aux motifs incisés au double trait, aux rasoirs de type I3 ou en compagnie d'urnes à col et pied haut, de coupes de forme Tc, de vases cylindriques.
Les décors de grands chevrons imprimés
24Ces motifs sont très bien représentés dans la matrice et côtoient d'une manière quasi systématique les coupes hémisphériques à fond ombiliqué (Sb) et des objets en fer. On les retrouve aussi souvent avec des urnes à col haut, des coupes de formes Va-Vb, des coupes à carène basse (famille W), des rasoirs de types I7-I8, des épingles à tête en crosse et serpentiformes (A6-A7), des scalptoriums, plus rarement avec des vases cylindriques, des gobelets de forme JI b, des urnes à col et pied haut. En revanche, ils ne sont en aucun cas associés aux décors incisés au double trait, de tirets ou de cannelures multiples, pas plus qu'avec des urnes à deux anses, des gobelets globulaires, des épingles à tête annulaire (A8, A9 et A10), des rasoirs I2.
Les épingles du type du « Roc » (A3)
25Production probablement locale, ces épingles très particulières accompagnent des coupes de forme Sb, des décors à la roulette ou à la cordelette, des scalptoriums et des objets en fer. Leur présence au côté de vases cylindriques, de décors de tirets, de motifs de grands chevrons, ou d'épingles à tête en crosse ou serpentiformes (A6-A7) est anecdotique. Elles ne se trouvent jamais dans des ensembles à céramique décorée au double trait incisé ou avec des grands chevrons ; elles ne côtoient pas non plus les urnes à pied et/ou col haut, les coupes de formes Va-Vb, de famille W, les vases cylindriques et les rasoirs à tranchant transversal.
Les épingles à tête en crosse et les épingles serpentiformes (A6-Al)
26Ces épingles, qui présentent des distributions spatiales similaires au sein de chacune des nécropoles, sont rassemblées dans un même groupe bien représenté dans le graphique. On les rencontre très souvent dans des dépôts contenant des objets en fer et des coupes de forme Sb mais aussi avec des rasoirs de types I7-I8, des motifs de grands chevrons ou encore des coupes à carène basse (famille W). Elles accompagnent également des urnes à pied et/ou col haut, des vases cylindriques, des coupes de formes Va-Vb, des scalptoriums, et plus rarement des gobelets de forme J1b. Elles sont absentes des ensembles ayant livré des urnes à deux anses, des récipients décorés au double trait incisé, de tirets ou de cannelures multiples, des épingles à tête annulaire (A8, A9 et A10), du type du « Roc » (A3), des rasoirs de type I2, des fibules à double ressort (B2), serpentiformes (B1), à arc coudé (B4).
Les épingles à tête annulaire simple (AB)
27Les épingles de type A8 accompagnent les gobelets globulaires, les urnes ornées de cannelures multiples et les récipients décorés de motifs imprimés à la roulette ou à la cordelette (à l'exception des grands chevrons). Elles côtoient également des urnes à deux anses et des décors de tirets. D'après la matrice, une seule est associée à une autre pièce métallique, un objet en fer. On ne les rencontre pas avec des céramiques décorées au double trait, les urnes à pied et/ ou col haut, les gobelets de forme J1b, les coupes et les vases cylindriques.
Les épingles à tête en double anneau (A9)
28Les deux exemplaires connus sont représentés dans le graphique. Le premier est associé à une urne à deux anses décorées de cannelures multiples et à un gobelet globulaire, le deuxième à un récipient décoré de motifs imprimés à la roulette ou à la cordelette.
Les épingles à tête en rouelle (A 10)
29Seules deux épingles de ce type sont présentes dans la matrice. Elles sont toutes deux accompagnées d'un gobelet globulaire et d'une urne décorée de cannelures multiples, ainsi que de motifs imprimés à la cordelette pour l'exemplaire de la tombe 203 du Causse.
Les fibules serpentiforme en fer (B 1)
30Une dizaine d'exemplaires sont représentés dans le graphique. On les trouve fréquemment avec des coupes hémisphériques à fond ombiliqué (Sb), plus rarement avec des scalptoriums. On les rencontre aussi dans des ensembles ayant fourni des urnes à col haut, des vases cylindriques, des coupes de formes Va-Vb ou de famille W, des rasoirs de types I7-I8, des épingles de types A7-A8, des bracelets de type C4 en fer, mais elles ne sont jamais présentes en compagnie d'urnes à deux anses, décorées de double trait incisé, de tirets, de cannelures multiples, de gobelets globulaires, ou encore avec les urnes à col et pied haut, les motifs de grands chevrons imprimés.
Les fibules serpentiforme en bronze (B 1)
31Peu nombreuses, ces fibules ne sont présentes qu'en deux exemplaires dans des dépôts contenant des coupes de forme Sb. L'une de ces tombes comprend aussi une urne à col haut, un vase cylindrique et un scalptorium. Dans l'autre se trouve une urne à col et pied haut. Ces associations sont très proches de celles rencontrées pour les fibules de type B4 (cf. infra).
Les fibules à double ressort (B2)
32Extrêmement rares, les fibules à double ressort recensées dans les nécropoles castrais es sont associées à des récipients ornés de motifs imprimés à la roulette ou à la cordelette. L'une d'elle accompagne également une urne à cannelures multiples et un gobelet globulaire (tombe 275 du Causse).
Les fibules à arc coudé (B3)
33Les deux seuls exemplaires de fibule à arc coudé inventoriés sont issus de deux dépôts de la nécropole du Martinet qui recelaient des coupes de forme Sb. La tombe 155 comprend aussi une coupe à carène basse (famille W), un scalptorium et une urne à col et pied haut. Dans la tombe 177, la fibule accompagne également un vase cylindrique.
La fibule arbalétiforme (84)
34La seule fibule de ce type provient de la tombe 533 de la nécropole du Causse qui a également livré l'unique exemplaire d'épée à antenne (cf. infra).
Les bracelets ouverts à tige massive en fer (C4)
35Peu nombreux, ces bracelets sont presque toujours associés à des coupes hémisphériques à fond ombiliqué (Sb), dans une moindre mesure à des coupes de formes Va-Vb ou de famille W, des vases cylindriques, des scalptoriums, des épingles de types A6-A7, plus rarement à des urnes à col haut et des fibules serpentiformes en fer (B1). Leur présence au côté d'urne à deux anses, de récipients décorés de double trait, de tirets ou de cannelures, d'épingles à tête annulaire ou du type du « Roc », mais aussi d'urne à col et pied haut et de rasoirs, n'est pas attestée.
Les bracelets ouverts à tige massive et extrémités bouletées en fer (C5)
36Trois bracelets à extrémités bouletées en fer sont représentés dans la matrice. Ils sont systématiquement accompagnés de coupes hémisphériques à fond ombiliqué (Sb). Un de ces ensembles a également livré un gobelet de forme J1b, un récipient orné de grands chevrons. Dans un autre se trouve une urne à col haut.
Les bracelets ouverts à tige massive et extrémités bouletées en bronze (C5)
37Plus nombreux que les précédents, les exemplaires de ce type en bronze sont également toujours présents en compagnie de coupes de forme Sb. Ils côtoient aussi des urnes à col haut, des épingles à tête en crosse ou serpentiforme (A6-A7), et occasionnellement des vases cylindriques et des coupes de formes Va-Vb ou de famille W. Par contre, ils ne sont jamais associés aux urnes à deux anses, aux gobelets globulaires, aux motifs incisés au double trait, aux décors de tirets ou de cannelures multiples, aux épingles à têtes annulaires, du type du « Roc », ni aux récipients ornés de grands chevrons ou aux rasoirs.
Les scalptoriums
38Les scalptoriums sont fréquents et associés à de nombreux critères. Les plus courants sont par ordre d'importance : des objets en fer, les coupes de forme Sb, les vases cylindriques, les motifs de grands chevrons, les autres motifs d'impressions à la roulette ou à la cordelette, les urnes à pied et/ou col haut, les coupes de formes Va-Vb et de famille W, les rasoirs de types I7-I8, les épingles de types A6-A7 et de type du « Roc ». En définitive, seuls les ensembles ayant fourni des urnes à deux anses, des récipients décorés de motifs au double trait, de tirets et de cannelures ne livrent jamais de scalptorium.
Les rasoirs à double tranchant et lame fortement ajourée (I2)
39Les quatre rasoirs de ce type sont associés à des gobelets globulaires, des coupes de forme Sb ou de famille W, des décors d'impressions à la roulette ou à la cordelette, des objets en fer dont des bracelets de type C4 et des scalptoriums. On ne les rencontre pas en revanche dans des ensembles ayant fourni des urnes à deux anses, décorées de motifs incisés au double trait, de tirets ou de cannelures multiples, ni avec les urnes à pied et/ou col haut, les épingles de types A6-A7 ou les rasoirs de types I7-I8 par exemple.
Les rasoirs à double tranchant (I3)
40Les rasoirs à double tranchant, qui constituent d'excellents marqueurs chronologiques pour le Bronze final IIIb, ne sont malheureusement liés à aucun autre critère dans notre matrice.
Les rasoirs à tranchant unique transversal (16)
41Trois rasoirs de ce type sont représentés par trois exemplaires. Deux sont associés à des objets en fer. L'un d'entre eux accompagne également des coupes de forme Sb et à carène basse (famille W), l'autre côtoie des coupes de formes VaVb et un scalptorium. Le dernier est au côté d'un gobelet de forme J1b.
Les rasoirs à tranchant unique transversal et lame ajourée (I7-I8)
42Ces rasoirs ne sont pas rares dans les nécropoles, où on les rencontre très souvent en compagnie d'objets en fer et de coupes hémisphériques à fond ombiliqué (Sb). Ils se retrouvent également avec des récipients décorés de motifs imprimés à la roulette ou à la cordelette, et notamment des grands chevrons, des coupes à carène basse (famille W), des épingles de types A6-A7 et des scalptoriums. En revanche, ils sont rarissimes dans les dépôts contenant des urnes à pied et/ou col haut, des coupes de formes Va-Vb, des gobelets globulaires, des urnes à cannelures multiples, et non représentés dans ceux qui fournissent des urnes à deux anses, des récipients décorés au double trait incisé ou de tirets, d'épingles à tête annulaires.
L'épée en fer
43Issue de la tombe 533 du Causse, l'unique épée en fer découverte dans les tombes des trois nécropoles accompagne la fibule arbalétiforme (B3).
Les objets en fer
44Les innombrables couteaux en fer sont inventoriés dans ce groupe qui rassemble les objets en fer. Ces pièces métalliques signalent évidemment le début de l'âge du Fer stricto sensu. Notons toutefois qu'ils ne sont jamais associés aux épingles à tête annulaire (A8 et A9) ou en rouelle (A10) sur le graphique.
5.1.4 Les classements matriciels
45Les graphiques obtenus par les calculs matriciels (fig. 256) permettent de regrouper des tombes présentant des caractéristiques communes. Ce classement est fondé sur l'apparition et la disparition de certains critères.

FIG. 256 – Matrives diagonalisées des critères chronologiques (A : méthodes des moyenne ; B méthode des barycenres ; no tombe précédé de 1 : nécropole du Causse ; 2 : nécropole de Gourjade ; 3 : nécropole du Martinet).
1 rasoir à double tranchant du type I3 ; 2 décor mailhacien au double trait ; 3 urnes à 2 anses ; 4 décor de tirets ; 5 épingle à tête en rouelle ; 6 urne à décor de cannelures multiples ; 7 épingles à tête en double anneau ; 8 gobelet globulaire ; 9 épingle à tête annulaire ; 10 fibule à double ressort ; 11 décorà la roulette ou cordelette ; 12 rasoir à double tranchant de type I2 ; 13 jobelet de forme J1b ; 14 rasoir de type I6 ; 15 épingle du type du « Roc » ; 16 fibule serpentiforme en fer ; 17 rasoir de type I7-I8 ; 18 bracelet en bronze de type C4 ; 19 coupe de forme Va ou Vb ; 20 scelptorium ; 21 motifs de grands cherons imprimés ; 22 épingle en tête de crosse ou serpentiforme ; 23 objet en fer ; 24 coupe de forme Sb ; 25 coupe de famille W ; 26 urne à col haut ; 27 bracelet en fer de type C5 ; 28 vase cylindrique ; 29 urne à col et pied haut ; 30 coupe de forme Tc ; 31 bracelet en bronze de type C5 ; 32 fibule serpentiforme en bronze ; 33 fibule à arc coudé ; 34 fibule arbalètiforme ; 35 épée à antenne.
T. Janin/CNRS, F. Pons/lnrap
Le groupe I
46Dans ce premier groupe sont rassemblés les dépôts contenant les rasoirs de type I3, les urnes à deux anses, les récipients décorés au double trait incisé, de tirets et de cannelures multiples, des gobelets globulaires et des épingles à tête annulaire (A8, A9).
Le groupe II
47Ce deuxième groupe se caractérise par l'apparition de nouveaux types d'objets : les fibules à double ressort (B2) et les épingles à tête en rouelle (A10) propres à cet ensemble, les rasoirs de type I2, et surtout des récipients décorés de motifs imprimés à la roulette ou à la cordelette (à l'exception des grands chevrons). D'autres objets font également une timide apparition : l'épingle du type du « Roc » (A3) et le gobelet de forme J1b. Ces ensembles renferment encore des gobelets globulaires, des urnes décorées de cannelures multiples et des épingles à tête annulaire. Les décors au double trait incisé et de tirets ainsi que les urnes à deux anses se raréfient. Les rasoirs de type I3 ne sont plus représentés.
Le groupe III
48Ce groupe se singularise par l'apparition d 'objets en fer, notamment les couteaux. D'autres nouveautés caractérisent aussi cet ensemble, notamment les coupes de formes Va-Vb, les épingles de types A6-A7, les rasoirs de types I6 et I7-I8 et les scalptoriums. Les épingles de type du « Roc » (A3) sont toujours présentes mais celles de type A8 vont disparaître dans ce groupe. Si les gobelets globulaires et les urnes à cannelures multiples subsistent, en revanche les décors à la roulette ou à la cordelette et les gobelets de forme J1b sont bien représentés ainsi que les rasoirs de types I2, I6 et I7-I8. Les urnes à deux anses, les décors de tirets, les épingles de type A9 et à tête en rouelle (A10) sont absents de ce groupe.
Le groupe IVa
49Il regroupe de nombreuses tombes. Les urnes à col haut, les vases cylindriques de forme B0c, les coupes hémisphériques à fond ombiliqué (Sb), les coupes à carène basse (famille W), les décors de grands chevrons imprimés, les bracelets de types C4 et C5 en fer et les fibules serpentiformes en fer (B1) apparaissent dans ce groupe. Certains objets, tels que les coupes de forme Sb et bien entendu les pièces métalliques en fer, sont très présents, pour ne pas dire omniprésents. Les fibules serpentiformes en fer sont un élément caractéristique de cet ensemble. Les gobelets de forme J1b, les décors imprimés à la roulette ou à la cordelette, autres que les grands chevrons, les rasoirs de types I2 et I6, les épingles du type du « Roc » (A3) sont, pour certains, bien moins représentés que dans le groupe précédent, et absents dans la moitié des tombes de cet ensemble. Par contre, les rasoirs de types I6 et I7-I8, les épingles à tête en crosse et serpentiformes (A6-A7) et les scalptoriums, ainsi que les coupes de formes Va-Vb sont très présents. En revanche, on peut noter la quasi-absence de récipients décorés de cannelures multiples et la non-représentation des gobelets globulaires.
Le groupe IVb
50Ce groupe, très semblable au précédent, s'en distingue toutefois par de nouveaux objets comme les urnes à col et pied haut, les bracelets à extrémités bouletées en bronze (C5) et les fibules serpentiformes en bronze (B1). Les coupes de forme Tc semblent également propres à ce groupe. Les rasoirs de types I7-I8 y sont nettement plus rares. Les coupes de formes Va-Vb et les motifs de grands chevrons se raréfient rapidement. On ne rencontre plus de bracelets de type C4 en fer.
Le groupe V
51Peu de tombes sont rassemblées dans ce groupe qui se détache toutefois nettement du précédent par des nouveautés importantes. Il s'agit d'objets métalliques comme les fibules à arc coudé (B4) et surtout de l'association fibule arbalétiforme (B3) et épée à antenne dans la tombe 533 du Causse qui marque le terminus post quem de nos séries. Ce groupe semble également se caractériser par l'absence de décors, du moins sur la matrice. Les urnes à col et pied haut ainsi que les fibules serpentiformes en bronze et les bracelets de type C5 en bronze sont toujours représentés.
5.1.5 Interprétation des matrices
52Les groupes définis et commentés présentent des caractéristiques communes et également de nettes différences : certains critères retenus semblent incompatibles et s'opposent sensiblement. On ne reviendra pas en détail sur les dangers inhérents à ce genre de classement : ces sériations peuvent suggérer des différenciations sociologiques, sexuelles ou chronologiques. En l'occurrence, les critères choisis n'ont pas vocation à sérier les individus en fonction de leur sexe ou de leur statut au sein de la communauté. En effet, on relèvera notamment que les catégories ne sont pas retenues dans leur globalité, mais ce sont bien les types, voire les sous-types, qui ont été sollicités ; ce choix reflète une évolution de la forme des objets et traduit manifestement une progression chronologique. C'est pourquoi nous parlerons désormais de phases, le groupe l rassemblant des tombes de la phase 1, etc.
La phase I
53Elle se singularise par des dépôts contenant des récipients décorés au double trait incisé, marqueur du faciès Mailhacien I (Guilaine 1972). Cette particularité, qu'on ne retrouve que très rarement dans le groupe II, permet de l'assimiler au Bronze final IIIb. Les ensembles livrent aussi des rasoirs à tranchant double de type I3, des urnes à deux anses, des gobelets globulaires, récipients parfois ornés de tirets ou de cannelures multiples (fig. 257). Ces associations incitent donc à considérer la phase l comme le Bronze final IIIb « classique » Ganin 1994a ; Taffanel et al. 1998) ; certains critères, tels les rasoirs à double tranchant et partie centrale fortement ajourée, ou type Mailhac II de Jockenhovel (1980), et bien sûr les objets en fer, y sont inconnus.

FIG. 257 – Mobilier des tombes de la phase I. 1, 2, 4 nécropole du Causse ; 3, 5, 6 nécropole de Gourjade. 1 T.105 ; 2 T.207 ; 3 T.90 ; 4 T.430 ; 5 T.4 ; 6 T.116.
A. Lagarrigue, F. Pons/lnrap
La phase II
54Elle se caractérise manifestement par un renouvellement important du mobilier céramique, tant dans la forme que dans les décors : l'emploi du double trait incisé se raréfie et l'apparition puis le développement important de la technique de l'impression à la roulette ou à la cordelette marquent cette phase (fig. 258). Certaines formes présentes dans la phase I sont timidement recensées. On notera, avec les rasoirs à double tranchant et partie centrale fortement ajourée, ainsi que les épingles à tête en rouelle, deux innovations de poids puisque ces objets ne côtoient jamais le décor au trait double incisé et qu'on sait par ailleurs que les rasoirs se trouvent régulièrement avec des objets en fer (Nickels et al. 1989 ; Janin 1992). Ces derniers sont absents des ensembles calés dans la phase II. Il est donc tentant d'assimiler la phase II à la période de pure transition Bronze/Fer : elle n'est plus marquée par le décor de type mailhacien mais ignore les objets en fer.

FIG. 258 – Mobilier des tombes de la phase II. 1, 2 nécropole du Causse ; 3, 4 nécropoles de Gourjade. 1 T.203 ; 2 T.202 ; 3 T.357 ; 4 T.338.
A. Lagarrigue, F. Pons/lnrap
La phase III
55Elle forme incontestablement la phase initiale du premier âge du Fer, stricto sensu, car c'est dans les dépôts qu'elle regroupe qu'apparaissent les premiers objets en fer et les rasoirs à tranchant transversal (types I6-I9), très caractéristiques de cette étape. Les épingles à tête en crosse et serpentiformes et les scalptoriums sont d'autres nouveautés, comme les coupes de formes Va-Vb (fig. 259). Comme dans les ensembles bas languedociens, ces objets marquent fortement le Fer I ancien.

FIG. 259 – Mobilier des tombes de la phase III. 1 nécropole de Gourjade (T.268) ; 2 nécropole du Causse (T.595) ; 3 nécropole du Martinet (T.2).
A. Lagarrigue, F. Pons/lnrap
La phase IV
56Elle est formée des groupes IVa et IVb qui se distinguent par une légère évolution de certains types, comme les fibules serpentiformes ou les bracelets de type C5, qui apparaissent dès la phase IVa (fig. 260). Celle-ci connaît aussi une forte présence des coupes et coupelles hémisphériques à fond ombiliqué et des coupes à carène basse (fig. 260 et 261). La raréfaction des rasoirs à tranchant unique transversal, des coupes Va-Vb et des motifs de grands chevrons caractérise la phase IVb (fig. 262 et 263), durant laquelle les fibules serpentiformes et les bracelets bouletés sont désormais en bronze, alors qu'ils étaient en fer dans la phase IVa. Cette évolution est bien marquée et rappelle les observations faites sur la série agathoise (Nickels et al. 1989). Les coupes de forme Tc sont une autre nouveauté de la phase IVb. Les phases IVa et IVb forment ce qu'on pourrait nommer le Fer I moyen.

FIG. 260 – Mobilier des tombes de la phase IVa. 1 nécropole du Causse (T.639) ; 2 nécropole de Gourjade (T.225).
A. Lagarrigue, F. Pons/lnrap

FIG. 261 – Mobilier des tombes de la phase IVa, 1, 2 nécropole du Martinet. 1 T.123 ; 2 T.143.
A. Lagarrigue, F. Pons/lnrap

FIG. 262 – Mobilier des tombes de la phase IVb. 1 nécropole du Causse (T.1) ; 2 nécropoles de Gourjade (T.382).
A. Lagarrigue, F. Pons/lnrap

FIG. 263 – Mobilier des tombes de la phase IVb. 1 nécropole du Martinet (T.1)
A. Lagarrigue, F. Pons/lnrap
La phase V
57Elle est très peu représentée dans les ensembles castrais et se caractérise par de nouveaux objets qui marquent incontestablement une nouvelle étape chrono culturelle (fig. 264). C'est surtout les fibules arbalétiformes, si caractéristiques de certains ensembles languedociens tels Grand Bassin II à Mailhac (Aude) ou Saint-Julien à Pézenas (Hérault), et les fibules à arc coudé qui forment la nouveauté. L'épée à antenne, bien qu'unique, forme un jalon intéressant. Cette phase est donc la séquence chronologique la plus récente des nécropoles castraises et peut être assimilée au Fer I récent.

FIG. 264 – Mobilier des tombes de la phase V. 1 nécropole du Causse (T.533) ; 2 nécropole du Martinet (T.163).
A. Lagarrigue, F. Pons/lnrap
5.2 Développement topographique des nécropoles
58À la lumière des résultats fournis par les différentes études, il est maintenant possible d'esquisser le développement topographique des trois nécropoles. La répartition spatiale des différentes formes de vases et des objets métalliques présentée dans le chapitre consacré à l'étude du mobilier (cf. chap. 3), mais aussi celle de caractères plus généraux concernant l'architecture de la tombe et l'organisation des dépôts (cf. chap. 4), et bien entendu les données fournies par le classement matriciel que nous venons de voir, sont autant d'analyses aux résultats pertinents, qui par leur combinaison, permettent d'aboutir à la reconstitution de l'évolution topographique et chronologique des nécropoles.
5.2.1 La nécropole du Causse
59Les tombes de la phase l, qui ont livré les caractères les plus anciens, sont majoritairement rassemblées au centre de la nécropole (carrés F-G 10-11) sur une surface d'environ 2 000 m2 (fig. 265). Un autre noyau, plus réduit, localisé au sud du site, regroupe également des tombes attribuables à cette période. Certaines d'entre elles sont manifestement implantées en bordure de la nécropole, l'extension méridionale du site étant repérée avec certitude. La cohérence chronologique de ces deux ensembles, dont la contemporanéité ou l'antériorité de l'un par rapport à l'autre ne peut être précisée, a été globalement respectée même si on peut remarquer l'intrusion de quelques tombes de la phase suivante. Au nord et surtout au sud-sud-est du noyau central primitif, se développe ensuite toute une série de tombes attribuables à la phase II. Le groupe le plus important (carrés G-H.7 à 9) présente en périphérie nord des dépôts aux caractères tardifs –avec notamment l'apparition d'objets en fer– qui annoncent déjà la période suivante (phase III). Parallèlement, au nord du second noyau de la phase I, sont également implantées des tombes appartenant au groupe II (carrés I-J 4 à 6), parmi lesquelles quatre dépôts de la phase suivante. La phase III, qui rappelons-le, marque le début de l'âge du Fer stricto sensu, est surtout représentée sur les franges méridionale et orientale de la nécropole, où ces sépultures côtoient des ensembles appartenant au groupe précédent et à la phase IVa. Quelques tombes, implantées en bordure orientale du secteur nord-ouest du site, appartiennent également à cette période. Beaucoup plus nombreuses, les tombes de la phase suivante (phase IV) montrent une répartition très nette. En effet, ces ensembles ne se rencontrent que sur les franges septentrionale et nord-ouest de la nécropole. La subdivision chronologique faite à l'intérieur de ce groupe est, elle aussi, très clairement définie géographiquement ; les dépôts de la phase IVb ne sont représentés que sur la bordure orientale et en périphérie de la zone nord‑ouest du site. Enfin, les deux tombes les plus tardives (phase V) sont implantées en limite est de la zone explorée de la nécropole. Ce secteur, qui s'étend au-delà de l'emprise de la fouille, a été occupé jusqu'à la fin du premier âge du Fer, période marquant l'arrêt de l'utilisation de la nécropole.

FIG. 265 – Carte de répartition des phases chronologiques au Causse.
F. Pons/lnrap
5.2.2 La nécropole de Gourjade
60À Gourjade, la répartition des différentes phases chronologiques dévoile un schéma d'évolution très proche de celui mis en évidence au Causse (fig. 266). La nécropole s'étend ici d'une manière quasi parfaite autour d'un noyau ancien (phase I) centré sur les carrés E 15-16 et F 14-15-16. Cet ensemble primitif est ceinturé par toute une série de tombes, particulièrement nombreuses dans la zone centre‑ouest (carrés F 17-18), attribuées à la phase II. Des dépôts de la phase suivante (phase III) sont ensuite implantés en périphérie des précédents. Ils sont eux-mêmes cernés par les tombes de la phase IV. Celles-ci, présentes en nombre dans les secteurs occidental et oriental de la nécropole, sont plus rares vers le sud, qui reste, rappelons-le, une zone peu explorée. On remarquera aussi que les dépôts les plus tardifs (phase IVb) sont bien localisés en périphérie de la nécropole, essentiellement au nord-est et à l'est, plus rarement à l'ouest, où deux tombes seulement sont identifiées dans ce groupe, et au sud, probablement pour les raisons invoquées précédemment. La tombe la plus récente est également implantée en bordure orientale du site.

FIG. 266 – Carte de répartition des phases chronologiques à Gourjade
F. Pons/lnrap
61Les quelques irrégularités d'implantations perceptibles, tout comme dans la nécropole du Causse, ne sont jamais très importantes, et n'intéressent généralement que deux phases successives. Elles peuvent bien entendu signifier une volonté de rapprochement d'une sépulture plus ancienne, mais il est également tout à fait possible que certains types d'objets, à l'instar des « bijoux de famille », aient pu être conservés sur une longue période.
5.2.3 La nécropole du Martinet
62Si l'expansion des deux nécropoles précédentes s'est faite selon un modèle concentrique, très similaire, sinon commun, en revanche le développement topographique de la nécropole du Martinet adopte un tout autre schéma. Précisons tout d'abord que seules les quatre dernières phases sont représentées, c'est-à-dire qu'aucune tombe antérieure à l'âge du Fer stricto sensu n'est présente dans cet ensemble funéraire. Son fonctionnement est donc, au vu des fouilles réalisées, plus réduit dans le temps. Par ailleurs, un doute subsiste sur la reconnaissance intégrale de cet ensemble funéraire mais, quoi qu'il en soit, il ne peut remettre en cause l'évolution traduite par le zonage des différentes phases chronologiques (fig. 267). On observe en effet une très nette progression linéaire du nord vers le sud ; les tombes les plus anciennes (phase III) étant regroupées dans le quart nord-est et les plus récentes (phase V) en bordure sud et sud-ouest de la nécropole. Les dépôts appartenant à la phase IV occupent la majeure partie du site et la subdivision effectuée dans cet ensemble est nettement visible sur la carte de répartition.

FIG. 267 – Carte de répartition des phases chronologiques au Martinet.
F. Pons/lnrap
5.3 La chronologie des ensembles funéraires
63La mise en séquence chronologique a abouti à la sériation des ensembles castrais en cinq phases, parmi lesquelles la phase IV a été scindée en deux lots, IVa et IVb. L'étude du développement topographique des nécropoles a mis en évidence des schémas logiques, souvent concentriques. Il convient maintenant de proposer des datations pour les différentes phases définies. On l'a vu, les nécropoles, prises globalement, sont utilisées de la fin de l'âge du Bronze au premier âge du Fer. En revanche, elles présentent isolément des variations dans leur durée d'utilisation, particulièrement la nécropole du Martinet qui n'a pas livré de sépultures des phases I et II. Ces datations demeurent, on s'en doute, des propositions, susceptibles d'être peaufinées dans les années à venir, notamment lorsque la nécropole du Grand Bassin I à Mailhac sera publiée. Cependant, même si les quarts de siècle utilisés peuvent être discutés, il s'agit essentiellement de proposer une échelle de comparaison entre tous les ensembles funéraires du Midi de la France. Le passage d'une phase à l'autre ne doit pas forcément être assimilé à une rupture, surtout entre le début de la phase III et la fin de la phase IV qui correspondent au faciès Grand Bassin du Languedoc.
La phase I
64Elle correspond au Bronze final IIIb classique et peut ainsi être assimilée au faciès mailhacien, même s'il s'agit là d'un groupe périphérique au groupe du bas Languedoc. Les datations proposées après le découpage de la nécropole du Moulin (Janin 1994a ; Taffanel et al. 1998) semblent trouver un écho dans les dates obtenues par 14C pour les ensembles du Midi de la France (Janin et al. 1997: 147-149). Ce Bronze final IIIb classique, marqué par les décors au trait double incisé et les rasoirs à double tranchant, peut être calé dans le ixe et la première moitié du viiie s. av. n.è. Prenant en compte les traditionnels quarts de siècle, on avancera les dates de 900-775 av. n.è. pour la phase I.
La phase II
65Elle marque, on l'a dit, la période de transition Bronze/Fer : elle se distingue du Bronze final IIlb classique par la disparition progressive du double trait incisé au profit de l'impression à la cordelette et par l'apparition des rasoirs de type Mailhac II. L'absence d'objets en fer la démarque fortement de la phase III. Ceci posé, on placera la phase II entre la fin de la phase I et la fin du viiie s. av. n.è., soit entre 775 et 725. Ces dates correspondent à celles proposées pour les ensembles bas languedociens et rejoignent une articulation plus large, dans laquelle on admet aujourd'hui l'apparition des premiers objets en fer dans le dernier quart du viiie s. av. n.è. (Mohen 1980 ; Nickels et al. 1989 ; Janin 1992 ; Janin, Chardenon 1998).
La phase III
66Cette séquence qui marque le début de l'âge du Fer stricto sensu semble, on l'a dit, débuter vers 725 av. n.è. La limite chronologique inférieure est plus délicate à préciser car on ne dispose pour ce terminus d'aucune date 14C réellement fiable. Il faut donc solliciter la typologie et les comparaisons avec d'autres ensembles funéraires. Cette phase est indubitablement marquée par les rasoirs à tranchant transversal, dits aussi rasoirs en croissant. Ces objets sont totalement absents de la nécropole du Peyrou à Agde (Hérault) et sont rares dans l'ensemble du Grand Bassin I à Mailhac (Aude). Compte tenu de la datation proposée pour la phase ancienne de la nécropole du Peyrou, dans la fin du deuxième quart du viie s. av. n.è., on placera, en respectant les quarts ou demi-siècles habituels, la fin de la phase III vers 675.
La phase IV
67Elle correspond indubitablement au faciès Grand Bassin I classique, tel qu'on le connaît en bas Languedoc, à Agde, Mailhac ou Saint-Julien de Pézenas. L'absence totale de vases importés dans les ensembles castrais nous prive évidemment d'un atout de poids. Si on suit les chronologies aujourd'hui admises pour le bas Languedoc occidental, on peut proposer une fourchette pour la phase IV de 675 à 575 environ, cette date marquant le passage du faciès Grand Bassin I au faciès Grand Bassin II. Il est donc tentant de situer la phase IVa, comme les phases ancienne et moyenne d'Agde, dans l'intervalle 675-625, et la phase IVb, comparable à la séquence récente d'Agde, dans la fourchette 625-575.
La phase V
68Cette séquence est, on l'a dit, nettement sous-représentée dans les nécropoles castraises. Toutefois, en considérant les objets présents dans les sépultures de cette phase, en particulier la fibule arbalétiforme en bronze, on peut proposer de caler cette étape entre les années 575 et 550 av. n.è. L'épée à antenne ne permet pas de dater cette phase plus haut, même si ce type d'arme est reconnu à Mailhac aux côtés d'une fibule serpentiforme, caractéristique de la phase IV (Tombe 177 du Grand Bassin I ; Taffanel, Taffanel 1974). Cette fourchette semble en revanche coïncider avec la phase III de la nécropole de Saint-Julien de Pézenas (Hérault), marquée par l'apparition des fibules arbalétiformes (Nickels 1990).
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