1Cela pourrait commencer comme un inventaire à la Prévert: 3 sites, 1 200 incinérations, 5 291 vases, 1 278 objets métalliques, 259 objets divers (perles, fusaïoles), des milliers d'heures de travail de terrain et d'études, une équipe de 9 collaborateurs dirigée par Jean‑Pierre Giraud, Fabrice Pons, Thierry Janin, et s'achever par cette expression célèbre des commissaires priseurs: « qui dit mieux »! Assurément, cette entreprise de publication des nécropoles à incinération du Castrais apparaîtra pour un certain temps encore comme une gageure. Mais aussi, quelle satisfaction de la voir conduite à son terme!

2Cet enjeu scientifique n'était pas évident à relever et il faut saluer d'emblée la force et la qualité de l'équipe qui l'a fait aboutir. En effet, rappelons brièvement le point de départ : trois sites différents, certes Sut des communes voisines, mais fouillés sur plusieurs années (1979 à 1995) avec des responsables Jean‑Pierre Giraud, Frédéric Vidaillet, Fabrice Pons) et des équipes distinctes, des protocoles qui sans être opposés n'étaient pas identiques, une masse considérable de données inégalement travaillées et au départ, peu ou pas de moyens. Face à cette situation initiale, le Conseil national de la recherche archéologique (CNRA) a proposé de reconnaître cette publication comme un projet d'importance nationale et grâce à cette expertise, il a été possible de mobiliser des moyens financiers significatifs, du ministère de la culture mais aussi des collectivités territoriales, qui ont permis de stabiliser une équipe autour de Fabrice Pons et Jean‑Pierre Giraud, responsables de ce projet collectif de recherche (PCR), et composée de Jean ‑Michel Carozza, Henri Duday, Vianney Forest, Armelle Gardeisen, Thierry Janin, Anne Lagarrigue et Jacques Roger. Les avis de cadrage du CNRA, les réunions de travail à Toulouse au service régional de l'archéologie et le soutien résolu des personnels et responsables de ce service (Michel Vidal, Michel Vaginay, Michel Barrère, Jacques Jaubert) ont permis un déroulement, dans les meilleures conditions, des programmes annuels de travail, mis en œuvre à partir de 1996.

3Il est sûr qu'une telle masse de sépultures ne connaît d'équivalent en France qu'à Mailhac, célèbre site éponyme du Languedoc et illustration pertinente aussi du décalage qui a subsisté pendant des décennies entre les découvertes spectaculaires de terrain réalisées par Odette et Jean Taffanel et leurs publications monographiques. Avec la mise en œuvre des programmes de publication sur Mailhac, il ne semblait pas crédible de laisser ces remarquables ensembles funéraires castrais dans une semi ‑déshérence scientifique. Ce PCR conduit avec pragmatisme et rigueur atteste de l'efficacité des programmations scientifiques dès l'instant que se trouvent mis en synergie une équipe, des moyens et un accompagnement administratif et scientifique attentif. Cette opération peut avoir valeur d'exemple en ces périodes de montage de projets multi‑institutionnels dans le champ de l'archéologie préventive. Les collègues du ministère de la culture, de l'Inrap, du CNRS ont su créer avec confiance cette dynamique porteuse du succès.

4La publication développe tous les thèmes de recherche attendus dans un tel contexte : historique et méthodologies des fouilles, typochronologie des mobiliers, archéo ‑anthropologie systématique des dépôts cinéraires, analyses spatiales, comparaisons régionales et européennes, réalisation d'un important catalogue. Certains auteurs de ces différentes parties sont des spécialistes confirmés, mais d'autres conduisent là des premiers travaux prometteurs. La programmation scientifique reste un exercice difficile mais essentiel. Elle repose sur une expertise conjointe au plan régional et national ; la Cira Sud‑Ouest comme le CNRA ont su promouvoir un dossier complexe mais d'importance européenne. Ces instances ont aussi fait confiance à une équipe qui a acquis et montré toute son efficacité au fur et à mesure du déroulement du programme. Ces collègues ont su aussi argumenter et défendre leurs points de vue aussi bien dans l'architecture du travail que dans le parti de présentation d'un inventaire exhaustif et d 'une publication in extenso d'un catalogue d'une richesse documentaire inégalée pour trois sites de cette période et dans cette région.

5Avec cette monographie pluridisciplinaire d'un volume rarement égalé, l'archéologie protohistorique française affiche une juste ambition d'excellence ; assurément, cette publication fera date et elle attestera s'il en était encore besoin de l'importance des résultats issus des fouilles archéologiques préventives. Elle porte aussi témoignage de l'efficacité des entreprises collectives conduites par les différentes institutions chargées de la recherche archéologique en France.

6Patrice ARCELIN, Patrice BRUN, Claude MORDANT, Daniel MORDANT, Jean‑François PININGRE
Membres du Conseil national de la recherche archéologique.