La Préhistoire : dons et contre-dons
p. 263-264
Texte intégral
1Après avoir sondé le temps de la préhistoire, déminé les pièges de sa matérialité et de sa dénomination, exploré les sinuosités de sa durée autant que de ses rythmes, après avoir présenté les avancées scientifiques les plus récentes de l’archéologie préhistorique, grâce auxquelles nous sommes, en quelque sorte, entrés dans le laboratoire du préhistorien, et avant d’aborder la question de savoir comment partager au mieux cette discipline, comment en diffuser les acquis, si ce n’est la rendre populaire sans en perdre l’esprit, après et avant toutes ces questions par lesquelles il pouvait sembler – du moins à un regard précipité – que la préhistoire n’avait affaire qu’à elle-même, il convient de s’offrir un détour, au moins apparent ; un de ces détours susceptibles de se révéler, finalement, des chemins de traverse nous menant plus rapidement au cœur du problème. Il s’agira de se demander comment, depuis plus d’un siècle et demi que cette discipline existe, les autres savoirs – qu’ils développent une approche conceptuelle (avec les « sciences humaines ») ou que telle ne soit pas leur préoccupation (comme pour la littérature ou la poésie) –, comment ces autres savoirs, donc, se rapportent à la préhistoire ; mais également comment la préhistoire elle-même parvient à infléchir leurs développements et constitutions.
2Or si une telle question se pose, c’est que la préhistoire, si dépendante soit-elle aujourd’hui de ces disciplines empirico-formelles qu’on nomme « scientifiques », se veut toujours une science dont l’homme, du moins l’évolution des hominines, puis celle du genre Homo, constitue le centre d’intérêt majeur. Et c’est pourquoi elle s’efforce d’en étudier le développement culturel. Ainsi présenté, on comprend qu’une confrontation avec les sciences dites « humaines » soit bienvenue.
3Mais il y a plus. En effet, une telle confrontation n’est pas seulement ce que ces disciplines requièrent, comme si elles voulaient, ou pouvaient, non sans difficulté et avec plus ou moins de bonheur, s’immiscer dans le mystère préhistorique. Elle est aussi ce que la préhistoire elle-même, dès son invention, a su solliciter. En conclusion de leur magistrale étude parue en 1906, La caverne d’Altamira à Santillane près Santander (Espagne), une fois reconnue l’authenticité de l’art pariétal, Émile Cartailhac et l’abbé Henri Breuil écrivaient en effet ceci :
Notre page d’archéologie préhistorique et locale s’est transformée en une vue mondiale. L’intérêt du sujet s’impose à tous les ethnographes. Il n’échappera ni aux philosophes, ni aux artistes, car des profondeurs de nos cavernes ornées sort vraiment un chapitre de l’histoire de l’esprit humain.
4Au-delà de ce qui a longtemps pu paraître un vœu pieux, il s’agit désormais de savoir non seulement ce que les « ethnographes », anthropologues et ethnologues, les philosophes et les artistes peuvent éventuellement apporter à la préhistoire ; mais plus encore s’ils sont enfin devenus capables de faire de l’archéologie préhistorique la matière même de leur réflexion. Dons et contre-dons, en quelque sorte.
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